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Apparences et imaginations chez Nicole Oresme : Question III.1 sur la "Physique" et question sur l'apparence d'une chose

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Apparences et imaginations chez Nicole Oresme :

Question III.1 sur la ”Physique” et question sur

l’apparence d’une chose

Jean Celeyrette

To cite this version:

Jean Celeyrette. Apparences et imaginations chez Nicole Oresme : Question III.1 sur la ”Physique” et question sur l’apparence d’une chose. Revue d’Histoire des Sciences, Armand Colin 2007, 60-1 (janvier-juin), p. 83-100. �halshs-00181586�

(2)

Revue

Tome 60-1 ljanvier-juin ZOAF

SCIENCES,

TEXTES

ET CONTEXTES

E n h o m m a g e

à C é r a r d S i m o n

L A TJI

a

m E n ffit P O U R z o o z o

lJ-d'histoire

des

SClenCeS

ARMAND C O L I N

(3)

Apparences

et irnaginations

ch ez

Nicole

Oresme

:

auestion

lll.l sur la Physîque

et

on sur l'upparence

d'une chose

:rc

fean CETEYRËTTE

**

Résumé : Pour Nicole Oresme, toute connaissance provient de la per-ception sensible. L'analyse comparée de deux de ses questions, la question lll.1 sur la Physique et la question o De apparentia rei > montre, sur les exemples du mouvement et de la grandeur. que la perception visuelle ne nous fournit que très peu de certitudes. Dans ces conditions, le recours à des perceptions imaginaires, loin d'être un jeu mathématique gratuit, est un moyen d'élargir le champ du connaissable. Mots-clés : vision ; certitude ; mouvement ; grandeur.

Summary : For Nicole Oresme all knowledg,e comes from sense per(ep-tions. A comparative analysis of two of his questions, question lll.l on the Physics and question o de apparentia rei r, shows that vtsual per-ception gives us very few certainties. So to resort to imaglnary per(ep-tions, far from being, a g,ratuitous mathematrcal game, ts a means fctr enlarg,ing, the scope of the knowable.

Keywords : vision ; certainty ; motion ; mag,nitude.

Les apparences nous sont fournies par nos sens, externes et internes, et c'est à partir d'elles que nous connaissons les choses ; leur étude renvoie donc à celle de la connaissance en général. Par ailleurs le sens dont il est question étant le plus souvent celui de la vue, l'étude des apparences est intimement liée à celle des erreurs visuelles, c'est-à-dire de tout ce qui fait que notre vue nous trompe sur la réalité (couleuç forme, emplacement, grandeur, etc.).

Ce sont ces deux aspects que Nicole Oresme développe dans les textes dont nous allons parler.

+Je remercre Max Le;bowrcz pour ses observatrons, toutes perttnentes, qut m'ont permt5 d'amélrorer cet artrc le.

*+ lean Celeyrette, IJMR ( Savorrs, textes, lang.rge D (( NRS-Untversrté de I rlle llll, Marson de la recherche, Unrversrté de Lrlle ], BP 60149, 59651 Vrlleneuve cl'As<q Ceclex

Revtrc tJ'histoire des sciences i Tome 60-l janvier-iuin 2OO7 83-100 83

(4)

lean CELEYRETTE

Les erreurs visuelles constituent un chapitre important des princi-paux ouvrages d'optique 1 antique. ou médiévale - l'Optique de irtolémée, lé De àtpàaibus (Sur les apparences) d'Alhazen, les

perspectivesde Viteition et des autres perspectivistes médiévaux -, c h a p i t t " q u i c o m p r e n d l ' e x p l i c a t i o n t e c h n i q u e d e l g r r p r o d u c t i o n , que la théorie adoptée soit le rayon visuel, le rayon lumineux ou un processus mixte 2.

L e s d é b a t s s u r l a c o n n a i s s a n c e e n g é n é r a l o n t d o n n é li e u à d e nombreuses études, nrais l'accent a surtout été mis sur la période précédant les années 1340. Dans son ouvrage de référence, Kathe-r i n u T a c h a u n e tr a i t e d e l a s i t u a t i o n p a r i s i e n n e a u m i l i e u d u s i è c l e qu'à travers Crégoire de Rimini, qui a. commenté les Sentences en

1343-1 3 44, et N-icolas d'Autrécourt, donïl'Exigit ordo est daté des années 1330. Nicole Oresme ne fait l'objet que d'une brève remar-que sur le fait qu'il a probablement subi l'influence des maîtres u'rglais En fait, la qlestion de la connaissance a une Srande inrtriortance dans la phiiosophie naturelle du maître normand r plu-sielrs de ses questions sur la Physique a en traitent de façon approfondie, notamment la question lll.l dont nous parlerons et rritort la question 1.2 ,, Est-ce que tout objet causé connaissable est connu par ses causes 5 ? )) Il en est de même pour plusie_urs de ses questions sur le De anima, notamment la question 1.4 (u Est-ce que

I - Dans l'Antlqurté, ( un ouvrage cl'optrque est une clescnptton quantrfiée cles règ,les

. r u x q u e t l e s o [ é r t l e r e g a r c l , > - C ' e s t

c l o n c u n o u v r a g e s u r l a v l s l o n ; l ' t m a g e n ' a p a s

cl'exrsterr< e en clehrlrs fl-ô l',rbtervateur : ( . ce qu'un Ancten vott clans un mlrolr, c'est la

<lrgse nrênre i fltclr5 l.i ou elle n'est pas, et <'onrnre elle n'est pas ,t (Cérarcl Srmon, Le

Re'g,arc!, I'être'et l'atrtpdrc,n('e clans l'optque de l'Antrc1urfé (Pans 'Seurl, 19BB) ,196-197 ')

A u X r V . s r è < l e r l r r é t r e n , l . l euestron de l'exrstence d e l ' t m a g e e s t t r è s c l r s < u t é e .

2 - L r b r b l r < l g , r a p h r e s u r l e s u ; e t e s t c o n s r c l é r a b l e , e t t l e s t r m p o s s r b l e c l ' e n c l o n n e r t c t n e

serdrt-<e ôr'rne rclée ()n pourra se reporter à Davrd Lrnclberg, Roger Bacon and the

orry,tntof perspectrva n thà Mtclclte egàs (Oxforcl ' Clarenclon Èress,--1gg6l, )93-4ol À

p o i i , r c l e R g g , e r B a c g n e t c l e V i t e l l r o n , l a s c r e n ( e d e l ' o p t t q u e , d o n c d e l a v l s t o n , e s t appelée PersPectrve

] - Katherrne Tac hau, Viston anc! certftude rn the ag,e of Ockhant 'O1ttt<'s, eprstentolog/ and

the ioundatrons oi sentantrcs, t 250-t 145 (Lerclen - New York - Copenhague - Cologne :

Brrll, lgBB). V<rrr plus récenrnrent Dallas Denery ll , See'tng, and berng, seen rn the later

ntec!rcval worlc! Otr t,rt, theology and reltg,tous lie(Cambrrclge : Cambrrclge Unlv- Press,

2 0 0 5 ) , q u r é t u c l , e ir r , s c l u t e u r s p à n s t e n r , - P , " t t * d e L tm o g e s , P l e r r e A u r l o l e t N l c o l a s cl'Autrécclurt Nrcole ()resme n'est pas menttonné

4 - C e s ( ) u e ' s t t o n e s s u p e r P l r y s r c a n r d ' ( ) r e s m e , r é d r g é e s a u m l l r e u c l e s a n n é e s 1 t 4 O , n e s o n t ( o n s e r v é e s q u e c l a n s l e m a n u s c r r t S é v r l l e , b r b l t o t e c a c a p r t u l a r C o l o m b t n a , 7 6 3 0 , 1 r o

-79 v" Les qr,restrons sont classrquement cléstg,nées par le nunréro du lrvre sulvl clu nunréro

cfe la questi11n ; arn5r la questron lll 1 est la pienrrère questron sur le lrvre lll de la Physrque

cl 'Ar r stote

5 ( L l t r u n t o r l t r l e s c i l t t l e ' h a b e n s ( à L t s c l | s c t a t u r p e r r l l , . t s / ' ( ( ) r e s n l e ' o p c r t " ? n 4 ' 1 r " b -v o b )

(5)

Apparences et intag,inations chez Nico/e Oresme

la connaissance des accidents contribue à la connaissance de la substance ?,,), et pour la première partie du texte communément uppule De causis'mirabilium (Sur les causes des choses

extraordi-nia'ires) b, etc. Par ailleurs ilest maintenant bien connu que lethème des illusions visuelles lui a fourni une batterie d'arguments dans des domaines variés. À titre d'exemple,dans son traité sur les configu-rations des qualités et des mouvements, les apparitions et les songes s o n t e x p l i q u é s p a r l' a s s i m i l a t i o n d e l' â m e à u n m i r o i r p l L l s o u m o i n s r é g u l i e r , p l u s o u m o i n s t r o u b l e 7 .

Comme il est impossible de prendre en compte la totalité du corpus oresmien, l'étude qui sr-rit portera sur la question (( De apparentia

rei , (De i'rpprrence d'une chose) , d'une parl parce qu'elle est très peu connue d, ensuite parce que le thème de l'apparence constitue i'objet même de l'étude et n'intervient pas seulement de façon inciâente ou à titre d'argument. La question posée étant: ( Est-ce qu'on voit une chose uursi grande qu'elle est ? )), un rapproche-ùent s'impose avec la deuxième partie intitulée K De quglle façon fe mouu"r"nt est-il connu ? o de la question lll.1 sur la Physiquee-ll pourrait se faire aussi avec la question: Est-ce que les étoiles sont uuus f à où elles sont ? D, connue sous le titre ( De visione

stella-rum >> (Sur la vision des étoiles). Les problèmes traités sont voisins, et le parallélisme entre les premières séries de conclusions est

6 - Les questtons sur le t)e antmaont été édrtées dans Peter Marshall, o Nlcholas ()resme's

e u e s t r c n e s s u p e r l b r o s A r t s t o t e / r s D e a n r m a ' A c r r t r c a l e c l r t r o n w r t l r r n t r o d u c t r o n a n d

commentary D; thèse cle cloctorat (Cornell Unrv, 1980) Cette édrtlon a été reprtse et

complétée clans Benoît Patar, Nrco/ar Oresnte exposttro et quaestrcnes tn Anstote/rs De

a n i m a ( L o u v a l n - l a - N e u v e : É d c l e l ' l n s t r t u t s u p é n e u r c l e p h r l o s o p h l e e t L o u v a t n - P a r t s :

peeters, 1995). L'édltlon et la tracluctron anglatse clu De causÉ ntrrabrltun? se trouvent

cfans Bert Hansen, Nrco/e ()resnte anc! the ntarvels of nature lhe De causls mlrabtltunr

( T o r o n t o : P o n t r f i c a l I n s t r t u t e o f m e c l r a e v a l s t u d r e s , 1 9 8 5 ) '

7 - Cf .Marshall Clagett, Nrco/e ()resnte ancl the geontetry of qualftres and ntottons

(Maclrson-M i l w a u k e e - L o n à o n . T h e Unrv of Wisconsrn Press, 1 9 6 8 ) , p a r t l, c h a p l ] - 1 6 , 2 5 2 - 2 6 0

g - Cette questron a fart l'ob;et cl'une thèse que fe n'at pas pu consulter : fohn Watson,

< euesf iones cle apparentia rer .A hrtherto unedrted fourteenth-century scierrtlfic treattse

ascrrbecl to Nrchoias Oresme ,r, thèse de doctorat (Cambrrdge, Massachussets, Unrverstty

of Harvarcl, 197)1. En fart, elle n'a f usqu'à présent guère suscrté d'rntérêt du fart que

f ,auteur cle la thèse a consrcléré son attnbutron à ()resme, mentlonnée clans l'extrtlrcrf cl'un

cles trols manuscrrts, comme douteuse. Or dans un manuscrtt cle Venlse, f'al constaté

qu,un maître rtalren cle la fin clu xtv" srècle, Marsrle cle Sarnte-Sophte, clte ce texte et

l ' a t t r r b u e e x p l r c t t e m e n t à O r e s m e : m a n u s c r r t V e n r s e , b r b l t o t e c a M a r c l a n a V | , 7 2 , f . 1 5 5

ro b - 162v"'f . f n outre la compararson avec cl'autrestextes d'Oresnre - clont lesquestlons

sur la Physrque - confirme l'attrrbutton

' iim'lit :':: ïiïffi?".:i:Jiilîî

J:JJ:il:îiJr

[:]:

#îî["JJ';J;:l,g'Hi:

i:

mouvement est connu, la seconde, < De quelle façon le mouvement est-ll connu ? n

(Quontoclo ntotus Cog,nosc fturl, s'lnterroge sur cette hypothèse.

(6)

lean CELEYRETTE

frappant. Les trois questions se réfèrent à la Perspecfive de Vitel-l i o n 1 o : l e s d e u x p r e m i è r e s a u x li v r e s l l l e t I V s u r la v i s i o n d i r e c t e -le livre lll traite du processus qui va de l'appréhension immédiate par le sens au jugement par l'âme, et le livre lV des causes des erreurs visuelles -, la troisième question au livre X sur la réflexion et la réfraction. Précisons que l'attribution à Oresme du De visione stellarum n'est pas unanimement acceptée, mais la cohérence avec f es deux autres questions, ajoutée aux éléments matériels t' , confirme, me semble-t-il, cette attribution. Toutefois comme cette q u e s t i o n a f a i t l' o b j e t d ' u n e t h è s e r é c e n t e 1 2 , d a n s l a q u e l l e d ' a i l l e u r s l'attribution à Oresme n'est pas mise en doute, ie n'en parlerai pas davantage, bornant mon étr"rde à la u Quesf io de apparentia rei > et à f a question lll.l sur la Physique.

Ë-a

qrfi#stficrn

ilfrH.T

$utr

f,a ff$rysrqrre

I:ô

Oresme commence par reprendre de Vitellion (qui le reprend d ' A l h a z e n ) l a d i s t i n c t i o n e n t r e l e s s e n s i b l e s q u i s o n t c o n n u s p a r le s e n s e x t é r i e u r d e l a v u e , p a r m i le s q u e l s s e u l e s l u m i è r e ( l u x ) ' t 4 e t c o u l e u r s o n t v i s i b l e s p a r s o i , e t l e s s e n s i b l e s d o n t la c o n n a i s s a n c e

l 0 - V i t e l l r o n . r é < rr t s o n tr a r t é s o u s u n e f o r m e d ' r n s p r r a t r o n e u c l r c l r e n n e ( a x t o m e s , d é f i n l t l o n s ,

prrol-xrsrtrons) et en cela rl se clrstrngue du f)e' astrttc'tilrus d'Alhazen et du trarté de Roger

Bcr( ot'l (ecrrt vers 1268), nrême sr sur le foncl rl est peu ongrnal. ll est écrrt entre 1270 et

1274 à la <or-rr clu pclpe, clans l'ent<lurage de Curllaume de Moerbeke et son succès est

très rnrportant : clans les textes nrecltevaux trartant cle perspectrve, rlest le plus souvent la

référen<e Cf Mark Smrth, Wftelonts perspectrvae lber qutntus (Wroclaw-Varsovie-C r a c o v r e - (Wroclaw-Varsovie-C c l a r r s k : ( ) s s o l t n e u m , 1 9 8 ] ) , o S t u d t a c o p e r n t c a n a , , X X l l l , 1 3 - 7 2 .

1 l - l l s ' a g , r t p o u r l ' e s s e n t r e l ' 1/ de l'attnbutron explrcrte à ()resnre dans un des trols

nlanuscnts c<lnservés : 2/ de l'rclentrté des lrurt con( lusrons cle la seconde partte avec sa

questron lll l2 sur les Météorologlques.

1 2 - Danny Burton, o Nlcole ()resme's "()n seerng the stars" ([)e v$rcne stellarum) : A crrtrcal

eclrtron of Oresme's Treatrse on optrcs and atmospherrc refractton, wtth an tntroductton,

c o n t m e n t a r y , a n c l E n g l r s h t r a n s l a t r o r r , t h è s e c l e d o c ' t o r a t ( B l o o m r n g t o n , I n d r a n a U n t v . , 2000)

1 ] - r, Utrunt tg,norato ntotu ne( esse sft rynorare naturant ? ,t (tst-ce que st l'on rgnore le m o u v e m e n t , n é c e s s a r r e n r e n t o n t g n o r e la n a t u r e ? ) ( ( ) r e s m e , o p . c r t . t n n . 4 , 2 9 r " a

-]0 ro a )Cette questron est édltee clans Stefan Krrs< hner, Nrcolaus ()resntes Komntentar

zttrPhysrk des Anstoteles : Kontntentar ntft Edftrcn der Quaestronen zu Buch 3 und 4 der

Anstotelrschen Physlk sowte von vrcr Quaesfionen zu Buch 5 (Stuttgart : tranz Stelner

V e r f a g , 1 9 9 7 1 , o S u c l h o f f s A r c h r v B e r h e f t e , > 39,197-2Ob Elle a été analysée p a r S t e f a n o

Càrotr, La perceptlon du mouvenrent selon Nrcole ()resnre, rn Contprendre et ntaîtnser

la natutc c?u Moyen Age Mélang,es offerts à Cuy Beaupuan (Cenève: f)roz, 1994),

I ]-99 fe ne presenterat tc I que quelques élénrents cle la seconcle partre de cette questlon

non cleveloppes p.rr Carotr, et fe renvore pour le reste à son artrcle

1 4 - l l f a r , r t c l r s t r n g u e r l a l u m è r e c l e la s o u r c e lu n r r n e u s e a p p e l é e /u x , c l e la l u m r è r e c r é é e d a n s f e n r r l r e u a p p e l é e l u n t e n .

(7)

Apparences et imaginations chez Nico/e Oresme

n é c e s s i t e u n e c o m p a r a i s o n , c o m p a r a i s o n q r " r i s u p p o s e l' i n t e r v e n -tion d'u ne virtus distinctiva (une puissance de distinguer) assimilée a u s e n s c o m m u n d ' A r i s t o t e . L ' e x e m p l e q u i e s t d o n n é e s t c e l u i d e l a c o n n a i s s a n c e d e l a g r a n d e u r d ' u n e c h o s e , Q u i r é s u l t e d e l a c o m p a -r a i s o n a v e c f a g -r a n d e u -r u n i t é , un pied pa-r exemple. L'étude détailfée de cet exemple est faite dans la (( Questio de apparentia rei ,> .

Le cadre perspectiviste étant rappelé, Nicole Oresme aborde le problème de f a perception du moLrvement en posant quatre suppo-s i t i o n suppo-s ( o u h y p o t h è suppo-s e suppo-s ) , c h a c u n e s u i v i e d ' u n o u p l u s i e u r s c o r o l l a i r e s .

La première hypothèse expose comment est saisi fe mouvement, c e l u i - c i é t a n t d é f i n i p a r l e f a i t p o u r l e mobile de se comporter autrement qu'avant (n aliter se habere quam prius rlr5, et établit q u ' i l ne l'est ni par le sens e x t é r i e u r ( c a r tout ce que le sens perçoit, c ' e s t la c h o s e là o ù e l l e e s t ) , n i p a r le s e n s i n t é r i e u r , m a i s n r o y e n n a n t u n d i s c o u r s d e l ' i n t e l l e c t ; c e s t r o i s m o d e s d e c o n n a i s s a n c e s o n t également décrits dans fa ( Quesf io de apparentia rei ,. Crâce à sa virtus distinctiva, le sens intérieur peut percevoir, et ce sans erreur, q u e A se comporte différemment d e B ; si par ailleurs l'intellect sait queA est au repos, il juge que B est mû ; et si ce jugement est faux, p a r exemple si c'est A qui se meut, Oresme considère q u e l'erreur n ' e s t p a s d a n s le s sens mais dans fe discours d e l ' i n t e l l e c t .

lnversement le repos est défini par u se comporter comme avant D. Dans le cas d'un mouvement correspondant à une différence de comportement trop faibfe pour être perçue, l'intellect peut juger q u ' i l y a repos. Paradoxalement, O r e s m e c o n s i d è r e l à e n c o r e q u e l ' e r r e u r e s t d a n s le d i s c o u r s d e l ' i n t e l l e c t .

La seconde hypothèse fait intervenir la théorie des species. On sait q u e p o u r expliquer la perception visuelfe d'un objet distant, les p e r s p e c t i v i s t e s a d m e t t a i e n t q u ' u n e suite d'images dudit objet, les s p e c i e s , é t a i t e n g e n d r é e d e p r o c h e e n p r o c h e d a n s le m i l i e u , depuis l ' o b j e t j u s q u ' à l ' i n t é r i e u r de l'æil ; ce processus é t a i t a p p e l é l a ( muftiplication d e s s p e c i e s ) > . l l p e r m e t t a i t d e c o n s i d é r e r q u e la perception se faisait par contact, celui de l'organe du sens et d'une

1 5 - Cette définrtron est habrtuef lenrent c'onsrdérée comme la définrtron burrcl.rntenne. Carotr

montre que l'attrrbutron, due à Annellese Marer, est erronée, et que cette cléfinrtron est

repnse cle Vitelllon. V<rrr Carotr, op crt rn n. 1 ], BB-89

(8)

Iean CELEYRETTE

species r6. Remarquons que cette théorie permet aussi d'expliquer p o u r q u o i l e m o u v e m e n t d ' u n o b j e t A q u i v i e n t d r o i t v e r s l' æ i l e s t perçu : nrême si la speciesqui est dans l'æil reste au même endroit, el le s'agrand it, et son comportement par rapport à l'æil est mod ifié. les deux dernières hypothèses rappellent que ce n'est que dans un t e m p s , e t n o n d a n s u n i n s t a n t , q u ' o n p e u t p e r c e v o i r u n m o u v e m e n t , c ' e s t - à - d i r e q u e q u e l q u e c h o s e s e c o m p o r t e a u t r e n r e n t q u ' a v a n t , e t e n f i n q u e c e t e m p s d o i t ê t r e p e r c e p t i b l e .

Toutes ces hypothèses se situent dans le cadre perspectiviste, et sont c o n f o r m e s à c e q u ' é c r i t V i t e l l i o n 1 7 . E l l e s p e r m e t t e n t à O r e s m e d ' i m a g i n e r d e u x e x p é r i e n c e s d e p e n s é e d a n s le s q u e l l e s u n c h a n g e -m e n t d i s c o n t i n u s e r a i t p e r ç u c o -m -m e u n -m o u v e -m e n t c o n t i n u :

l l q u a n d u n t e m p s e s t d i v i s é e n u n g r a n d n o m b r e d ' i n t e r v a l l e s inrperceptibles et que le mobile se meut et repose alternativement d a n s c e s in t e r v a l l e s ;

2l quand des instants sont séparés par des temps imperceptibles et q u ' à c h a c u n d e c e s i n s t a n t s l e m o b i l e s a u t e in s t a n t a n é m e n t d ' u n l i e u à u n a u t r e im m é d i a t e m e n t p r o c h e .

Dans f a n Qrrest io de apparentia rei ,, ces mêmes expériences sont d o n n é e s , a i n s i q u e d ' a u t r e s , p l u s é l a b o r é e s , N o u s r e v i e n d r o n s p l u s l o i n s u r l e u r p o r t é e e t l e u r s i g n i f i c a t i o n .

N ic o l e O r e s m e i n t r o d u i t a l o r s u n e d i s t i n c t i o n s u r le s e n s d e u j e v o i s q u e A e s t m û ) ) : s o i t , d i t - i l , j e s a i s p a r e x p é r i e n c e e t d e f a ç o n c e r t a i n e q u e A est mû, de sorte que je le juge évident, s o i t je j u g e à p a r t i r d e l ' e x p é r i e n c e v i s u e l l e q u e A e s t m û , e t i l m e s e m b l e q u ' i l e n e s t b i e n a i n s i q u o i q u e c e n e s o i t p a s é v i d e n t . C e t t e m ê m e d i s t i n c -tion est posée à propos de la grandeur dans la ( Questio de apparentia rei ,. Oresnre semble alors quitter le domaine de la

l 6 - A u x l v ' s r è c l e , l a r é f é r e n c e p o u r l a t h é o n e d e s s p e c t e s e s t l e t r a r t é s u r l a m u l t r p l t c a t t o n

cfes espèces cle Roger Bacon, éclrté clans f)avrcl Lrnberg (ed.), Roger Bacon's phrlosophy

of n,tture A crftrc',tl edftton, wfth Eng,ltsh translatton, rntroductrcn and notes, of the De

n r u l t r p l r < a t r o n e s p e ( re r u m a n d D e s p e c u l r s c o n r b u r e n t r b u s , e d , t r a n s l a n c l n o t e s b y D a v r c l L r n b e ' r g , ( S o u t l r B e n c l , I n c l r . r n a ' S t Augustrne's P r e s s , 1 9 9 8 ) S u r l e s c l r s c u s s l o n s à

l)r()pos cles spL'(tes, vorr Leen Slrrurt, Specres rntellrgrbllrs ' Front trterceptton to

know.le'dg,e' Cl,tsstcal roots and ntedteval drscusstotls (Lerclen - New York - Cologne'

Brrll , 1994) Vorr aussr à propos cle l'opinron d'()re'sme, Claucle Cagnon, Le statut

<rntol<lgrque cles spec^r es tn ntedrc c hez N rcole ()resme , Ar( hrves d'hrstotre doctnnale ef

Irtter.ttre' du Moyen Ag,e, 60 (1 99 ]), 1 95-205

17 - Les references à Vitellron clans les questrons sur la Physrque cl'()resme, ltvres lll et lV,

s c l n t d o n n e e s c l a n s K r r s c h n e r , c l p c t t t n n 1 ] , t n c l e x , 4 B 4

(9)

Apparences et imag,inations chez Nico/e ()resme

c o n n a i s s a n c e s e n s i b l e p o u r c e l u i d e l a c o n n a i s s a n c e i n t e l l e c t i v e , e t p a r t i c u l i è r e m e n t d a n s le s d e u x c o n c l u s i o n s q u i s u i v e n t rB .

La première énonce que nous n'avons pas une connaissance cer-t a i n e e cer-t é v i d e n cer-t e ré s u l cer-t a n cer-t d e l ' e x p é r i e n c e d u m o u v e m e n t d ' u n e chose. Car être mû c'est se comporter maintenant différemment d'avant et après différemment de maintenant (o A movetur > equi-valet huic copulative o A immediate ante movebatur et A inrme-diate post hoc movebitur ,) or si nous pouvons voir que quelque chose est autrement qu'avant, nous ne pouvons pas avoir d'expé-r i e n c e im m é d i a t e d u c o m p o r t e m e n t f u t u r d e A .

A u x o b j e c t i o n s q u i d i s e n t q u e l ' e x p é r i e n c e n o u s m o n t r e q u e Socrate court, le grave tombe, Ie feu chauffe et le ciel se meut, O r e s m e ré p o n d q u ' e n r é a l i t é n o u s v o y o n s S o c r a t e c o u r i r d a n s u n t e m p s p a s s é t r è s p r o c h e d e m a i n t e n a n t e t q u e c o m m e o n s a i t q u ' i f n e p e u t s ' a r r ê t e r b r u t a l e m e n t , n o u s c o n c l u o n s q u ' i l s e m e u t ; d e m ê m e n o u s s a v o n s q u ' h a b i t u e l l e m e n t l e f e u c h a u f f e , e t n o u s s a v o n s n o n s e u l e m e n t p a r expérience m a i s a u s s i p a r r a i s o n q u e le ciel est m û . F i n a l e n r e n t , c e s o n t la r a i s o n e t u n e c o n j e c t u r e v r a i s e m b l a b l e , e t n o n I ' i n t u i t i o n , Q u i n o u s p e r m e t t e n t d e d i r e q u e q u e l q u e c h o s e e s t m û .

L'autre conclusion énonce que par l'expérience nous jugeons que A e s t r i l û , m a i s l a c o n n a i s s a n c e q u e nous avons de ce mouvement n ' e s t p a s é v i d e n t e : n o u s v o y o n s A m a i n t e n a n t e n u n a u t r e li e u q u ' a v a n t e t n o u s ju g e o n s q u ' i l en est ainsi, ffiâis il n'est pas évident q u e cela soit vrai. Les e x p é r i e n c e s d e p e n s é e d o n n é e s p l u s haut sont a u s s i i n v o q u é e s à I ' a p p u i d e l a c o n c l u s i o n .

À l a s u i t e d e c e s d e u x c o n c l u s i o n s , O r e s m e o b s e r v e q u ' u n mouve-m e n t n e p e u t ê t r e c o n n u i n t u i t i v e mouve-m e n t p a r c e q u ' u n e te l l e c o n n a i s -sance ne concerne que le présent (seule fa différence de choses s i m u f t a n é e s e s t o b s e r v a b l e ) , m a i s s e u l e m e n t a b s t r a c t i v e m e n t r e . Le renvoi à la d isti nction con naissance i ntu itive/con naissance abstrac-t i v e e s abstrac-t e x p l i c i abstrac-t e .

Cette distinction est reprise par la plupart des protagonistes du d é b a t s u r la t h é o r i e d e l a c o n n a i s s a n c e a u x t v ' ' s i è c l e , m ê m e s ' i l s n e

1B - Pour la clarté de l'exposé, fe ne p.rrle qr"re cle ces cleux conclusr<lns qur sont en f.rrt les

deuxrème et trorsrème cle la seconde partre de la questron Vorr Krrschner, op crt ,,? n.

1 J , 2 0 1 - 2 0 ] .

19 - K Ex hoc sequftur corrolarre quod ntotus non (ognoscftur cog,nftrone tnturfiva, qura talts

cog,nftrc est solunt de presentt, sed abstracttva ,> (Krrschner, op c rt tn n 1), 204 |

(10)

lean CELEYRETTE

donnent pas exactement le même sens aux deux types de c o n n a i s s a n c e .

C ' e s t à D u n s S c o t q u ' o n e n a t t r i b u e la p r e m i è r e t h é o r i s a t i o n 2 0 . En résumant grossièrenrent : Scot considère que f a connaissance obte-n u e à p a r t i r d e l a v i s i o obte-n s e obte-n s i b l e , q u ' i l a p p e f l e c o n n a i s s a n c e a b s -t r a c -t i v e , e s -t u n e c o n n a i s s a n c e i n c o m p l è t e . E l l e n e p e u t p a s seule d o n n e r u n e c e r t i t u d e d u f a i t q u ' e l l e e s t m é d i a t i s é e p a r l a m u l t i p l i -cation des species or, dit-il, les species peuvent représenter des c h o s e s e x i s t a n t e s a u s s i b i e n q u e n o n - e x i s t a n t e s . P o u r le c o m p r e n -d r e , i l f a u t s e s o u v e n i r q u ' a u cours du processus, u n e i n t e r v e n t i o n s u r n a t u r e l l e e s t t o u j o u r s p o s s i b l e , in t e r v e n t i o n q u i p o u r r a i t p a r e x e m p l e c o n s e r v e r l a s p e c i e s q u i est dans l'æil et annihiler l'objet V U , v o i r e é v e n t u e l l e m e n t c e r t a i n e s d e s a u t r e s s p e c i e s .

P o r - r r g a r a n t i r l a p o s s i b i l i t é d ' u n e c o n n a i s s a n c e c e r t a i n e , D u n s S c o t affirnre que si l'objet existe ef esf présent, l'observateur en a une c o n n a i s s a n c e i m m é d i a t e e t d i r e c t e . In s i s t o n s s u r l e f a i t q u e l ' o b j e t n ' e s t p a s s e u l e m e n t c o n n u e n t a n t q u ' o b j e t s i n g u l i e r , i l l ' e s t d a n s son essence, comme concept : quand j'ai Gérard Simon devant n t o i , j e s a i s i m m é d i a t e m e n t e t d e f a ç o n é v i d e n t e q u ' u n h o m m e e x i s t e . C ' e s t c e t t e c o n n a i s s a n c e in r m é d i a t e q u i est appelée i n t u i t i v e .

D a n s u n e t e l l e t h é o r i e , la c e r t i t u d e de l'existence d ' u n o b j e t e s t p o s s i b l e e n c e m o n d e , m a i s u n p r o c e s s u s d u t y p e d e c e l u i q u i e s t décrit par les perspectivistes est incapable de l'assurer.

O n p e u t a l o r s s e d e m a n d e r j u s q u ' à quel point Oresme s'inspire d e S c o t q u a n d i l o p p o s e c o n l m e i l v i e n t de le faire connaissance i n t u i t i v e e t c o n n a i s s a n c e a b s t r a c t i v e . U n é l é m e n t d e r é p o n s e e s t peut-être fourni par la fin du raisonnement précédent. Oresme o b s e r v e q u e p o u r q u e le mouvement s o i t v r a i m e n t p e r Ç u , i l f a u d r a i t q u e l e s e n s , in t é r i e u r b i e n s û r , s o i t p o u r v u d ' u n e p u i s s a n c e q u i l e rendrait capable de comparer présent et passé. Et ceci est finale-n r e finale-n t c o h é r e finale-n t a v e c c e q u e dit Vitelliofinale-n. ll finale-n'est plus questiofinale-n de d i s c o u r s d e l ' i n t e l l e c t c o m m e d a n s le s h y p o t h è s e s p r é l i m i n a i r e s . l l s e n - r b l e q u ' o n p u i s s e a l o r s c o n c l u r e q u ' O r e s m e n ' e n t r e p a s v r a i -n r e -n t d a -n s le s d i s c u s s i o -n s s u r l a c o n n a i s s a n c e i n t e l l e c t i V e , e t q u ' i l r e s t e d a n s l e c h a m p d'une connaissance s e n s i b l e é t e n d u e a u c a s 2 0 - A p r è s D r " r n s S < ' c l t , l e s c o n d r t r o n s v o r r e l' e x r s t e n c e d ' L t n e t e l l e c o n n a t s s a n c e l n t u r t t v e s o n t t r e s c l r s c u t c e s V r r r r T a c h a u , o p c r t , r ? n 3 , p a r t l l , 8 5 - 1 5 ] 90

(11)

Apparences et imaginations chez Nico/e ()resme i m a g i n a i r e o ù l e s s e n s a u r a i e n t u n e p u i s s a n c e d e c o m p a r a i s o n e x c é d a n t c e l l e d e l a v i s i o n im m é d i a t e . P o u r O r e s m e , c o n n a i s s a n c e i n t u i t i v e s e m b l e à p e u p r è s s y n o n y m e d e c o n n a i s s a n c e c e r t a i n e e t c o n n a i s s a n c e a b s t r a c t i v e d e c o n n a i s -s a n c e -s e n -s i b f e e t i n c e r t a i n e . E t c e q u ' i l é t a b l i t a u t e r m e d e l a q u e s t i o n e s t q u e n o u s n e p o u v o n s ja m a i s a v o i r d e c o n n a i s s a n c e certaine de l'existence d'un nrouvement.

H-a

{firËe$tËqlm

n d}e ;â$}ff;rrerufE*

r#s p

Comme

il a été dit plus

haut,

le problème

posé

est ici celui

de Ia

p o s s i b i l i t é d e v o i r u n e c h o s e a u s s i g r a n d e q u ' e l l e e s t 2 1 .

Le thème est classique. ll est traité ou au moins abordé dans les traités de perspective comme dans les textes traitant de la connais-sance en général.

La question commence par des suppositions semblables à celles que nous avons vues au début de la question précédente :

- connaître une mesure, c'est connaître un rapport à une grandeur de référence ;

o n p e u t ju g e r d ' u n e g r a n d e u r d e t r o i s fa ç o n s : s o i t p a r l a v u e seufement, soit au moyen d'une comparaison à l'aide d'une virtus distinctiva, soit par un discours de l'intellect (discursus mentis). O r e s m e l ' e x p l i q u e i c i d e l a f a ç o n s u i v a n t e : l e s s e n s d i t s in e x p é r i -mentés jugent des grandeurs des choses selon Je rapport des angles sous lesquels on les voit; c'est la première façon. Les sens expéri-mentés jugent de la grandeur des choses en connaissant en plus leur distance à l'observateur ; c'est la seconde façon. Enfin l'intellect juge, par exemple de la grandeur du Soleil, au moyen d'un savoir-faire fondé sur fes expériences des sens et certains principes vrais par soi ; c'est la troisième façon.

De façon assez semblable à ce que nous avons vu dans la question précédente avec le mouvement, la première série de conclusions va

21 - u Utrunt alqua res vtdeatur tant..t quanta est o f'ar établr le texte à p.lftrr cles cler-rx

m a n u s c r r t s V e n r s e , h r b l r o t e c a M a r c r a n a V I l l 1 9 , 2 i 4 r o - 2 4 2 v o , e t S é v r l l e , b r b l r o t e c a c a p r t u l a r C o l o n r b r n a 7 7 1 ] , I ] B r o - 1 4 0 v o M a r s < e s c l e u x n r a n u s ( n t s s o n t c l e s c o p r e s a p p a r t e n a n t à l ' é v r c l e n c e à u n e m ê m e t r a c l r t r o n , s r b r e n q u ' u n t r a v a r l c l ' é c l r t r o n n é < e s s r

-terait la prrse en compte du texte abrégé (onservé cl.rns le manus< nt Erfurt, brblrothèqr-re

c l e l' u n r v e r s r t é , c o l l e c t r o n a m p l o n r e n n e Q 2 ] 1 , 1 ] B r o - 1 4 0 v o

9 1

(12)

lean CELEYRETTE

permettre d'établir qu'aucun jugement, qu'il soit du premier, du second ou du troisième mode, he permet de savoir exactement q u e l l e e s t la g r a n d e u r d ' u n e c h o s e .

ll commence par l'établir pour un processus de type abstractif (premier et second modes) en le prouvant de la façon suivante: quund, par la vue assistée d'une virtus distinctiva, nous jugeons de la grande1rr d'une chose, puis quand nous acquiesçons à çe iuge-m e n t , n o u s n e p o u v o n s a v o i r a u c u n e c e r t i t u d e ; e n e f f e t , l e j u g e -nrent est établi à l'aide de l'angle sous lequel on voit l'objet et cet arrgle n'est pas exactement connu car, si u ne chose s'éloigne c o n t i n û m e n t d e l' æ i l , l a d i n r i n u t i o n d e l' a n g l e s o u s l e q u e l o n la v o i t ne sera perceptible qu'à partir d'un certain éloignement. Notons qu'Oresnre considère ici que c'est la virtus distinctiva gui est t i o n r p é e , e t d o n c le s e n s i n t e r n e , e t n o n c o m m e il l e d i t d a n s la quesiion précédente le jugement de l'intellect.

La propriété qui a été établie pour les deux premiers modes reste utui" pour te troisième mode, c'est-à-dire par le jugement de l ' i n t e l l e c t , c a r c e l u i - c i s ' a p p u i e t o u i o u r s s u r le s s e n s .

Tout ce que permettent les sens, et donc l'intellect, c'est d'obtenir une estimation approchée comme moins de quatre pieds, ou à peu près trois pieds, c'est-à-dire sans différence sensible avec une mesure de trois pieds.

Une objection esf alors envisagée: même si une Sfgndeur en e x c è d e u n e a u t r e i n s e n s i b l e m e n t , i l e s t p o s s i b l e à I ' i n t e l l e c t p a r u n raisonnenlent d'avoir connaissance de cette inégalité. Ainsi si on suppose que A est plus grand que C par un excès sensible dont la moitié est insensible, B étant plus grand que C par cet excès moitié, conlme B paraît égal à C, l'observateur qui sait que A est plus grand que C saura que A est plus grand que B ; par le même raisonnement i l s a u r a q u e C e s t p l u s Petit q u e B .

Mais cefte objection esf aussitôt réfutée au rnotif qu'il faudrait admettre que toutes les opérations décrites se font exactement alors que clans [a pratique il y a des inégalités si faibles qu'elles ne sont pas perceptibles.

L a c o r r c l u s i o n e s t d o n c b i e n q u ' i l y a d e s in é g a l i t é s q u ' o t t n e p e u t pas coltnaître, des rapports (i.e.des mesures) qu'on ne connaît pas exactenrent. Et s'il arrive qu'on sache qu'une chose est de plus (ou

(13)

Apparences et imag,inations chez Nico/e Oresnte

de moins) de trois pieds, on ne sait jamais exactement quand elle est de trois pieds.

En fait il y a même des raisons mathématiques pour lesquelles on ne peut, de quelque façon que ce soit, juger de la grandeur de certaines quantités. Et Oresme donne l'exemple d'une grandeur dont le rapport à la grandeur de référence est irrationnel et sans d é n o m i n a t i o n c o n n a i s s a b l e , e t i l f a i t ic i u n e a s s i m i l a t i o r l , p r o b l é -matiqu€, entre rapport connaissable et rapport de dénomination connaissable. En fait la référence est à ce qu'il écrit clans son traité

Des rapports de rapports : seuls ont des dénominations connaissa-bles les rapports rationnels et les rapports irrationnels dont nous d i r i o n s a u j o u r d ' h u i q u ' i l s s ' e x p r i m e n t c o m m e p u i s s a n c e s r a t i o n n e l -les de rapports rationnels. Et Oresme affirnre dans le traité qu'il existe des rapports irrationnef s qui ne sont pas de ce dernier type et d o n c s o n t s a n s d é n o m i n a t i o n c o n n a i s s a b l e 2 2 . C o m m e i l l ' a f a i t à propos du mouvement, Oresme a réfuté théoriquement la possibi-f ité d'une connaissance certaine de f a grandeur de certaines choses. Les expériences imaginaires

Suivent alors cinq conclusions paradoxales décrivant des expérien-c e s v i s u e l l e s i m a g i n a i r e s , m a i s p o s s i b l e s p a r la p u i s s a n c e d i v i n e , qu'il est intéressant d'examiner en détail car elles fournissent de bonnes illustrations de la méthode oresmienl're. Elles ref èvent de ce q u ' o n a p p e l l e l a p h y s i q u e s e l o n l ' i m a g i n a t i o n .

EIles s'appuient sur trois suppositions qu'on trouve également dans d'autres æuvres d'Oresme.

llUne même chose peut, du fait de dispositions diverses des sens, apparaître tantôt plus grande tantôt plus petite :ceci est illustré par le fait qu'une même chose apparaît plus petite à un adulte qu'à l'enfant qu'il était. Oresme f 'explique - mais l'expf ication est assor-tie d'un (( peut-être D (forte) - en faisant correspondre l'apparence plus grande ou plus petite à la petitesse ou la grandeur de l'organe. 2l Un même temps apparaît plus long ou plus court suivant les m o u v e m e n t s d e l ' i m a g i n a t i o n . L ' e x e m p l e , c l a s s i q u e , e s t c e l u i d e s

22 - Cf . Nrcole ()resme, f)e proportronrbus 1:roportlonum and Ad pau< a respr( rentes, ecl , t r a n s l . a n c l n o t e s b y E d w a r c l G r a n t ( M a c l r s o n - M r l w . r u k e e - L o n c l o n ' T h e [Jnrv of

Wis<cln-srn Press , 1966), 1 60- 1 66

(14)

lean CELEYRETTE

d o r m e u r s d e l ' î l e d e S a r d a i g n e q u i n'ont pas perçu l'écoulement d u t e m p s d u r a n t le u r s o m m e i l .

3/ Le tenrps, contme toute quantité continue, doit, pour être perçu, a v o i r u n e c e r t a i n e g r a n d e u r ; autrement dit, il existe des minima temporel s percepti bles.

L e s d e u x p r e m i è r e s c o n c l u s i o n s s u i v e n t l a p r e m i è r e s u p p o s i t i o n , l e s d e u x s u i v a n t e s la s e c o n d e supposition, la dernière la troisième s u p p o s i t io n .

Première conclusion

l l e s t p o s s i b l e q u ' u n e chose apparaisse p l u s g r a n d e à Socrate q u ' à P l a t o n , m a i s q u e t o u t e f o i s e l l e l e u r a p p a r a i s s e a u s s i g r a n d e q u ' e l l e est.

E n e f f e t il e s t p o s s i b l e q u e , du fait des dispositions d e l e u r s y e u x , S o c r a t e v o i e s y s t é m a t i q u e m e n t u n e c h o s e p l u s g r a n d e q u e Platon n e l a v o i t , e n d'autres t e r m e s q u e , p a r une puissance c o m m u f l e , la c h o s e te l l e q u e v u e p a r S o c r a t e s o i t ju g é e p l u s g r a n d e q u e l a chose t e l l e q u e v u e p a r P l a t o n . M a i s u n e c h o s e ju g é e comme étant de trois pieds par Socrate sera également jugée de trois pieds par Platon car une mesure est un rapport et ce rapport est le nrême dans les deux v i s i o n s , c e l l e d e P l a t o n e t c e l l e d e Socrate.

Seconde conclusion

O n s u p p o s e q u e t o u s l e s corps sensibles s o n t d i m i n u é s d a n s l e rapport2, et que les corps sont disposés de tef le sorte Quê, les corps r e s t a n t c o n s t a n t s , l e s a p p a r e n c e s s o n t m u l t i p l i é e s p a r d e u x , p a r e x e m p l e s i l e u r s o r g a n e s s o n t d i m i n u é s d a n s le m ê m e r a p p o r t ; dans c e s c o n d i t i o n s , â u c u n e d i m i n u t i o n n e sera perçue et tous les corps a p p a r a î t r o n t c o m m e i l s a p p a r a i s s a i e n t a v a n t .

E n c o n s é q u e n c e D i e u p o u r r a i t , p a r u n e diminution continue pen-d a n t u n t e n r p s f i n i , d i s o n s u n e h e u r e , a n n i h i l e r l e m o n d e s a n s q u e s o i t p e r ç L t a u t r e c h o s e q u ' u n e a n n i h i l a t i o n i n s t a n t a n é e à l ' i n s t a n t f in a l .

E n e f f e t , d a n s l a p r e m i è r e moitié du temps (ce qu'on appelle la p r e m i è r e p a r t i e p r o p o r t i o n n e l l e d u t e m p s ) , D i e u p e u t t o u t diviser p a r 2, y conlpris les organes d e s s e n s , p u i s r e c o m m e n c e r d a n s l a

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Apparences et im,tg,in..ttions chez Nico/e ()resnte

première moitié de la moitié restante (la seconde partie proportion-n e l f e ) e t a i n s i d e s u i t e . C o n f o r m é m e n t à c e q u ' a é t a b f i l a s e c o n d e c o n c l u s i o n , p e n d a n t c h a c u n e d e s p a r t i e s p r o p o r t i o n n e l le s d e l ' h e u r e , a u c u n e d i m i n u t i o n n e s e r a p e r ç u e ; mais au dernier instant I ' o b s e r v a t e u r p e r c e v r a u n e a n n i h i l a t i o n , i n s t a n t a n é e d o n c .

Troisième conclusion

Si tous les mouvements du monde (chute des graves, mouvement d u c i e l , e t c . ) a v a i e n t l e u r s v i t e s s e s d o u b l é e s , e t s i s i m u f t a n é m e n t l e s i m a g i n a t i o n s d e t o u s l e s h o m m e s é t a i e n t c o n f i g u r é e s d e t e l l e s o r t e q u e le temps f eur apparaisse d e u x fo i s p l u s le n t , a u c u n c h a n g e n r e n t ne serait perçu. l l e n s e r a i t d e m ê m e p o u r u n r a l e n t i s s e m e n t o u p o u r L r n e m o d i f i c a -t i o n i r r é g u l i è r e d e s m o u v e m e n t s e t u n e m o d i f i c a t i o n c o n c o m i t a n t e d e s i m a g i n a t i o n s , o u p o u r u n r a l e n t i s s e m e n t c o n t i n u d u m o u v e -m e n t d u c i e l j u s q u ' a u re p o s , c e l u i - c i to u t e f o i s é t a n t e x c l u . Quatrième conclusion D i e u p e u t fa i r e q u ' a p r è s c e j o u r s u i v e n t m i l l e a n n é e s q u i p a r a i s s e n t n e d u r e r q u ' u n j o u r . E t D i e u p e u t m ê m e f a i r e q u e S o c r a t e n e d u r e q u ' u n jo u r e t q u ' i l l u i s e m b l e q u e c e j o u r d u r e u n t e m p s in f i n i . E n effet, il suffit que Dieu modifie convenablement fes dispositions de l'âme des observateurs. Par exemple, si Socrate ne clure qu'un jour, D i e u p e u t fa i r e q u e c h a c u n e d e s d i f f é r e n t e s p a r t i e s p r o p o r t i o n n e l l e s d u j o u r ( d o n t le s d u r é e s s o n t s u c c e s s i v e m e n t u n e d e m i - j o u r n é e , u n q u a r t de journée, etc.) lui paraissent d u r e r c o m m e l a p r e m i è r e , c ' e s t - à - d i r e u n e d e m i - j o u r n é e ; l a d u r é e to t a l e f u i a p p a r a î t r a a l o r s i n f i n i e .

Cinquième conclusion

l l p e u t a p p a r a î t r e à u n o b s e r v a t e u r c o n v e n a b l e m e n t d i s p o s é q u ' u n c o r p s s o i t d a n s u n l i e u p e n d a n t u n e h e u r e , a l o r s q u ' e n r é a l i t é il n e l'est que pendant 1 000 parties de cette heure séparées par des temps imperceptibfes.

L ' e x e m p l e ( c l a s s i q u e ) e s t c e l u i d e l a t o r c h e a l l u m é e q u ' o n f a i t t o u r n e r e t q u i e s t p e r ç u e c o m m e u n c e r c l e b r i l l a n t c o n t i n u . ll e s t r e p r i s s o u s u n e a u t r e fo r m e : c e l l e d ' u n p o i n t q u i p a r c o u r t u n e l i g n e

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lean CELEYRETTE

BC en allant et revenant très rapidement, de sorte qu'il paraît occuper tout l'espace BC ; il paraît alors être en un point quelcon-que D de BC pendant toute l'heure, afors qu'il ne l'est que pendant u n t e m p s q u i , t o u t e n t i e r , n e s e r a i t q u ' u n 1 1 1 0 0 0 d'heure, o u pourrait même être insensible.

C o n r m e D i e u p o u r r a i t d o n n e r l ' e x i s t e n c e à S o c r a t e p u i s l' a n n i h i l e r à chaque fois que le point passe en D, Socrate pourrait n'exister que p e n d a n t u n t e m p s t o t a l é q u i v a l e n t à 1 1 1 0 0 0 d ' h e u r e e t , p o u r u n observateur, il apparaîtrait exister continûnrent pendant une heure oLr urr jour, etc.

Oresme reprend alors l'expérience de pensée donnée dans la question précédente, conséquence également de la troisième sup-p o s i t i o n : i l e s t p o s s i b l e q u ' u n observateur j u g e qu'une chose e s t mue continûment pendant une heure alors que pendant cette heure e l l e n e s u b i t q u ' u n e s u i t e d e c h a n g e m e n t s i n s t a n t a n é s e t d o n c n ' e s t p a s m u e .

Deux situations imaginaires conséquences elles aussi de la troi-sième supposition sont alors décrites.

Première situation

Supposons qu'une heure soit divisée en un grand nombre de parties trop petites pour être perceptibles, disons 1 000 parties. On suppose également que Dieu fasse que Socrate soit dans un lieu A dans toutes les parties d'ordre impair et ne le soit pas dans toutes les parties d'ordre pair, il paraîtra alors être continûment en A pendant toute l'heure. Inversement on suppose que Platon soit dans le même lieu A pendant les parties d'ordre pair de l'heure et ne le soit pas d a n s l e s p a r t i e s d ' o r d r e i m p a i r ; lu i a u s s i p a r a î t r a ê t r e c o n t i n û m e n t en A pendant l'heure. On en déduit que deux corps, Socrate et Platon, paraîtront être ensemble dans le même lieu A.

Seconde situation

Soit une heure divisée par inragination en 1 000 parties impercep-tibles par exemple. Si pendant les parties d'ordre pair de l'heure, une propositicln est vraie, par exemple u un corps A est blanc ), et si pendant les parties d'ordre impair, la contradictoire est vraie, ( le même corps A n'est pas blanc D, les deux paraîtront vraies ensem-b l e p e n d a n t t o u t e l ' h e u r e .

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Apparences et imag,inations chez Nico/e Oresme

Interprétations

Q u e f s e n s d o i t - o n d o n n e r à c e t t e s é r i e d e c o n c l u s i o n s ?

C o m m e o n l ' a V U , le s s i t u a t i o n s e n v i s a g é e s s o n t i m a g i n a i r e s m a i s e l l e s n ' i m p l i q u e n t p a s a p r i o r i d e c o n t r a d i c t i o n s l o g i q u e s , c o m m e fe ferait une situation où, par exenrple, une chose serait et ne serait p a s au même lieu au même instant, ou deux choses seraient s i m u l t a n é m e n t d a n s le m ê m e l i e u . E l l e s n e f o n t i n t e r v e n i r q u e d e s c r é a t i o n s e t a n n i h i l a t i o n s d e s u b s t a n c e s , c r é a t i o n s e t a n n i h i l a t i o n s q u i s o n t to u j o u r s p o s s i b l e s p a r l a p u i s s a n c e d i v i n e . L ' i n t e r v e n t i o n d e t e l l e s im a g i n a t i o n s n ' a r i e n d ' o r i g i n a l d a n s u n c o n t e x t e g n o s é o l o g i q u e : d a n s l e d é b a t s u r l a d i f f é r e n c e e n t r e c o n n a i s s a n c e i n t u i t i v e e t c o n n a i s s a n c e a b s t r a c t i v e , D u n s S c o t s o u -t i e n -t q u e l ' o b j e -t d e l a p r e m i è r e , l a c o n n a i s s a n c e i n t u i t i v e , d e v r a i t être présent et existant, et l'objet de f'autre, la connaissance abs-t r a c abs-t i v e , p a s nécessairement; à q r - r o i P i e r r e A u r i o l 2 t r é p l i q u e q u e D i e u p o u r r a i t s u p p r i m e r u n e é t o i l e e t f a i r e q u e l ' i n t e l l e c t d e l ' o b s e r -v a t e u r s o i t d a n s le s m ê m e s d i s p o s i t i o n s q u ' a v a n t la suppression, s i b i e n q u ' i l a u r a i t d e f ' é t o i l e la m ê m e c o n n a i s s a n c e i n t r - r i t i v e q u e s i e l l e é t a i t p r é s e n t e . L ' e x e m p l e , q u o i q u ' o n en pense aujourd'hui, é t a i t u n e d e c e s s i t u a t i o n s n a t u r e l l e m e n t i m p o s s i b l e s e t p o s s i b f e s s e u f e m e n t p a r l a p u i s s a n c e d i v i n e .

L'autre caractère remarquable est le recours aux mathématiques, et n o t a m m e n t a u x m a t h é m a t i q u e s d e l ' i n f i n i , a v e c u n e u t i f i s a t i o n p r e s q u e s y s t é m a t i q u e d e l a d i v i s i o n e n p a r t i e s p r o p o r t i o n n e l l e s . C a s im a g i n a i r e s p o s s i b l e s p a r l a p u i s s a n c e d i v i n e , e t r e c o u r s a u x m a t h é m a t i q u e s ( e t aux subtilités l o g i q u e s ) , s o n t d e u x d e s c a r a c t é -r i s t i q u e s d e c e t t e p h y s i q u e im a g i n a i r e m i s e à l ' h o n n e u r p a r l e s p h y s i c i e n s d ' O x f o r d e t a d o p t é e d a n s le s a n n é e s 1 3 4 0 p a r c e r t a i n s maîtres parisiens dont Oresme est généralement considéré comnre l a f i g u r e d o m i n a n t e .

Q u e p e u t - o n a t t e n d r e d ' u n e t e l l e p h y s i q u e ? L e s in f é r e n c e s é t a n t correctes, puisque les prémisses, c'est-à-dire les cas imaginaires proposés, sont possibles, même si c'est au sens où elles ne sont pas c o n t r a d i c t o i r e s , l e s c o n c l u s i o n s l e s o n t é g a l e m e n t , m ê m e s i e l l e s paraissent paradoxales.

2 3 - S u r la g n o s é o l o g r e c l ' A u n o l e t s o n o p p o s r t r o n à f ) u n s S c o t , v o r r T a c h a u , o p c t t t n n . j , B 5 - 1 1 2

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lean CELEYRETTE

D a n s l e s te x t e s g n o s é o l o g i q u e s , d e s e x e m p l e s d ' i l l u s i o n s v i s u e l l e s sont couramment évoqués, mais ils sont très répétitifs ; reviennent constanrment le bateau dont les occupants voient la rive en mou-v e m e n t , la t o r c h e q u ' o n f a i t to u r n e r et un très petit nombre d'autres. L e r e c o u r s d ' O r e s m e a u x c a s i m a g i n a i r e s a u g m e n t e c o n s i d é r a b l e -m e n t l e n o n r b r e d e s il l u s i o n s e n v i s a g e a b l e s .

N o s c i n q c o n c l u s i o n s s o n t a r t i c u l é e s s u r d e s c a s d e c e t y p e e t s o n t d e s t i n é e s à e x p l o r e r l a n o t i o n d e p e r c e p t i o n de la grandeur, d u temps et surtout du rnouvement, thème de prédilection pour O r e s m e c o m m e o n l ' a v u d a n s la p r e m i è r e q u e s t i o n décrite, mais aussi dans d'autres traités comme Le Traité du ciel et du monde. N o t o n s bien que ce qu'Oresme explore, c'est la notion de percep-t i o n d u m o u v e m e n percep-t , p a s le mouvement Iui-même : dans la question l l l . 1 , il d é n r o n t r e s i n r p l e m e n t q u ' o n n e p e u t ja m a i s a v o i r la c e r t i t u d e q u ' u n corps est en mouvement, e t q u ' u n e c o n n a i s s a n c e c e r t a i n e e n e s t im p o s s i b l e .

Rappelons enfin que caractère paradoxal des propriétés et explora-t i o n d e n o explora-t i o n s p h y s i q u e s s o u s - j a c e n t e s s o n t d e u x t r a i t s c a r a c t é r i s -t i q u e s d e f a l i -t -t é r a -t u r e a p p e l é e s o p h i s m a t i q u e , q u i s'est considéra-b l e m e n t d é r , e l o p p é e d a n s la p r e m i è r e m o i t i é d u x t v ' ' s i è c l e . tqlrTflf;#sfiffiË^r$ À p u r t i r d e c e s u r v o l q u e p e u t - o n d i r e d e l a g n o s é o l o g i e d ' O r e s m e ? C o n r m e i l a é t é d i t p l u s h a u t , e t b i e n q u ' i l n e l u i a i t c o n s a c r é s p é c i f i q u e m e n t a u c u n o u v r a g e , l e t h è m e d e l a c o n n a i s s a n c e a u n e p l a c e inrportante d a n s s o n æ u v r e . L a p o s i t i o n q u ' i l soutient cons-tamnrent est que la connaissance des choses procède toujours des s e n s : l a s e u l e c o n n a i s s a n c e e s t l a c o n n a i s s a n c e s e n s i b f e a b s t r a c -t i v e , e -t e f l e n ' e s -t ja m a i s c e r -t a i n e . C ' e s t c e q u ' i l n r o n t r e d a n s n o s d e u x q u e s t i o n s à p r o p o s d u n l o u v e m e n t e t d e l a g r a n d e u r , d a n s le De visione stellarunl, à propos de la position des astres, et plus n e t t e n r e n t e n c o r e d a n s l a q u e s t i o n 1 . 2 o ù i l affirme que la seule c o n n a i s s a n c e q u ' o n a i t d e l a s u b s t a n c e e s t c e l l e q u i , p â r u n e d é d u c t i o n l o g i q u e , r é s u l t e d e l a c o n n a i s s a n c e d e s a c c i d e n t s , c o n n a i s s a n c e e l l e a u s s i ir r c e r t a i n e p u i s q u e p r o v e n a n t d'une per-c e p t i o n s e n s i b l e . C o m m e o n l ' a v u d a n s n o s d e u x q u e s t i o n s , l e s hypothèses et les arguments se retrouvent d'un texte à f 'autre, avec d e s v a r i a n t e s p e u n o m b r e u s e s ; o n e n a s i g n a l é u n e s u r l' o r i g i n e d e c e r t a i n e s e r r e u r s v i s u e l l e s .

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Apparences et imag,inations chez Nico/e Oresme

T o u t c e c i p o u r r a i t s e m b l e r lé g i t i m e r la q u a l i f i c a t i o n d e s c e p t i q u e q u ' o n lui a attribuée 24. Et pourtant peut-on vraiment considérer q u ' e s t s c e p t i q u e q u e l q u ' u n q u i c o n s i d è r e q u e l a r a i s o n h u m a i n e appuyée sur la science la plr-rs certaitre, les nrathématiques, a accès à u n e p h y s i q u e i m a g i n a i r e p o s s i b f e p a r l a s e u l e p r - r i s s a n c e d i v i n e , p h y s i q u e i m a g i n a i r e q u i a des résonances d a n s le s d é b a t s g n o s é o -l o g i q u e s d e l ' é p o q u e ? L ' e x e m p l e l e p l u s n e t e s t c e l u i d e l a c o n t r o -v e r s e a u t o u r d e s t h è s e s d e N i c o l a s d ' A u t r é c o u r t , c o n d a m n é e s e n

1 3 4 6 , c a r l e s d e u x d e r n i è r e s s i t u a t i o n s i m a g i n a i r e s é v o q u é e s p e u -vent être mises en rapport avec certaines des thèses de ce dernier. D a n s s a t h é o r i e d e l a c o n n a i s s a n c e , c e l u i - c i f a i t j o u e r u n r ô l e p a r t i c u l i e r a u x a p p a r e n c e s . C o m m e O r e s m e , il n ' e n v i s a g e q u ' u n s e u l m o d e d e c o n n a i s s a n c e , c e l u i q u i e s t f o n d é s u r l a p e r c e p t i o n sensible. Mais contrairenrent à ses prédécesseurs, il ne considère p a s q u ' u n e a p p a r e n c e s o i t d a n s l' â m e , o u s i e l l e e s t h o r s d e l ' â m e , q u ' e l l e a i t u n d e g r é d ' ê t r e d i m i n u é . P o u r lu i , l e s a p p a r e n c e s s o n t t o u t à f a i t r é e l l e s , e l l e s s o n t e n q u e l q u e s o r t e e x t e r n a f i s é e s , e t n e sont pas le produit d'actes cognitifs. Avec elles commencent et f i n i s s e n t n o t r e c o n s c i e n c e e t n o t r e c o n n a i s s a n c e d u m o n d e , e t à p a r t i r d ' e l f e s , i l n e n o u s e s t p o s s i b l e d e d é d u i r e l' e x i s t e n c e d ' a u t r e s c h o s e s r é e l l e s , s u b s t a n c e o u a u t r e , q u ' e n r é f é r a n t a u p r e m i e r p r i n -c i p e o u p r i n -c i p e d e c o n t r a d i c t i o n , c ' e s t - à - d i r e e n é t a b l i s s a n t q u e l a non-existence de ces autres choses est contradictoire avec l'appa-rence perçLte 25.

Cette doctrine a des points communs avec cef le d'Oresme mais aussi de grandes différences, et les conclusions tirées des dernières situations imaginaires envisagées dans la ( Quesf io de apparentia r e i , s e m b l e n t b i e n v i s e r N i c o l a s d ' A u t r é c o u r t . C a r s i l e s a p p a r e n -ces sont des réalités, ce sont deux réalités, l'apparence de Socrate et c e l l e d e P l a t o n , Q u i s e r o n t r é e l l e m e n t e n s e m b l e d a n s le m ê m e li € u ,

24 - Vou Edwarcl Cr.tnt, Screntrfrc thought rn fourteenth-century Parrs ' fe.rn Burrcl.rn ancl

N r c o l e ( ) r e s m e , r n M a d e l e r n e P e l n e r C o s m a n a n c l B r u c e C h a n c l l e r (e c l l, M , 1 ( h a u l t ' s w o r l d ' s c r e n c e a n d a r t r n t h e f o u r t e e n t h r e n t u r y ( N e w Y o r k ' N e w Y < l r k A c . r c l e n r y o f s c f e n c e s , l 9 7 B l , 1 0 5 - 1 2 4 L ' . I f t 1 ( l e e s t r e p r r s c l a n s E d w . r r d C r a n t , S t u d r e s r n n t e c l r e v a l

scrcn(e and natur,tl philosoplrV tLonclon ' Vanrlrunr Reprrnts, l gBl ) Crant oppose le

o p h y s r c r € n r f e a n B u r r c l a n q u r q ' à t t . t ( h e à é t a b l r r l e s f c l n c l e m e n t s c l e l a ( o n n a r s s a n ( e d e

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Philosophrc du xttf stècle ' Su étude's, rérmpr (Frankfurt anr Marn ' Mrnerva, 1969), et

c r r t r q u é p a r L a n r b e r t M a n e f ) e ' R r ; k , l a f ' h r l o s o t r t h r c a u M o y e n - A g r ' ( [ e r c l e n B n l l , 1 c ) 8 5 ) , 2 1 5 - 2 1 B . D e R r l k p r o p o s e c l e r e n r p l a t e r ( s c e p t t c t s m e , > p à t " ( ( rttt( tsnte ,)

2 5 - V o r r à c e s u ; e t D e n e r y , o p < r t t n n ] , 1 5 6 - 1 5 8

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lean CELEYRETTE

et de même deux propositions contradictoires qui, ensemble, seront vraies. Ce dernier exemple n'est pas pris au hasard car if va directement contre le premier principe, ou principe de non-contradiction, sur fequef d'Autrécourt fonde touie sa gnoséologie. Les cas envisagés ne seraient donc pas posés gratuitement par ( esbatement ,,, dirait Oresme - mais bien pour réfuter les thèsesde N icolas d'Autrécourt.

Finalement l! qn iuge utile de caractériser par un mot f a gnoséologie d'Oresme, il faut certes prendre en compte l'incertitude de la qelseption sensible, mais aussi la revendication de fa possibilité d'éf argissement du champ d'intervention de l'intellect et le recours privilégié au raisonnement mathématique, le raisonnement le plus certain. Doit-on alors parler de scepticisme ou de rationalisme ?

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