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Évolution des milieux humides à Svalbarostunga (nord-est de l'Islande) en lien avec le climat et l'occupation humaine

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Academic year: 2021

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© Isabelle Cyr-Parent, 2020

Évolution des milieux humides à Svalbarostunga

(nord-est de l'Islande) en lien avec le climat et l'occupation

humaine

Mémoire

Isabelle Cyr-Parent

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

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Évolution des milieux humides à Svalbarðstunga (nord-est de

l’Islande) en lien avec le climat et l’occupation humaine

Mémoire

Isabelle Cyr-Parent

Sous la direction de :

Najat Bhiry, directrice de recherche

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iii

Résumé

Svalbarðstunga est un nom de lieu historique et officiel qui identifie le territoire entre les rivières Svalbarðsá et Sandá (nord-est de l’Islande). En aval du bassin versant de Svalbarðsá, se situe la ferme principale de la région, la ferme Svalbarð, qui est en activité depuis plus de 1000 ans. Depuis sa mise en place, de nombreuses fermes satellites, associées à la ferme Svalbarð, se sont établies dans la région Svalbarðstunga. La quasi-totalité des fermes fut abandonnée à divers moments et les motifs d’abandon restent nébuleux. Ils pourraient être associés à des facteurs naturels (p. ex. : changements climatiques, volcanisme) et/ou humains (p. ex. : dégradation des terres par le surpâturage, épidémies).

L’objectif principal de cette étude est de documenter l’impact des changements climatiques et des activités humaines sur l’environnement de la vallée Svalbarðstunga. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes basées sur l’étude d’archives sédimentaires collectées au sein d’un étang et d’une tourbière, situés à proximité de vestiges d’anciennes fermes. Ces travaux de recherche incluent des analyses macrofossiles, diatomifères, géochimiques et sédimentologiques.

La tourbière étudiée s’est mise en place rapidement après la déglaciation, vers 9190 ans étal. BP; les conditions locales étaient minérotrophes riches. Le site s’est ensuite relativement asséché et il est revenue à des conditions plus humides vers 470 ans étal. BP. D’autre part, l’étang étudié présente des signes de perturbations majeures entre 1000 et 1350 AD, telles que la déposition d’un niveau de tourbe non décomposée au sein d’une séquence sédimentaire constituée de gyttja entre 1100 et 1350 AD. En tenant compte de la localisation du site d’étude, l’élevage de bétails, principalement de moutons, aurait pu entraîner une déstabilisation des sols du bassin versant par le surpâturage des buttes de dépôt fluvio-glaciaire et glaciaire qui entourent l’étang, ce qui aurait provoqué une forte accumulation sédimentaire dans l’étang.

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iv

Summary

Svalbarðstunga is a historic and official region that spans the territory between the Svalbarðsá and Sandá rivers (northeastern Iceland). The principal farm of the region is known as Svalbarð’s farm. It is located downstream of the Svalbarðstunga watershed and has been a functioning farm for over 1000 years. Many secondary farms were established in the region as satellites of Svalbarð’s farm. The majority of this farms site was abandoned at various times, but the reasons for that are still unknow. Natural factors (e.g., climate change, volcanism) and/or human factors (e.g., land degradation from overgrazing, epidemics) were the most likely causes of abandonment.

The principal goal of this research is to document the impact of climate change and human activities on the environment in Svalbarðstunga. To achieve this aim, we studied the sedimentary record in a pond and in a wetland situated near the ruins of the ancient farms. The research includes the study of macrofossils, diatoms, geochemicals and sedimentary analysis.

The wetland in the study was established soon after deglaciation, by 9190 years cal. BP. The local conditions were rich minerotrophic at that time. Subsequently, the site became relatively dry, but wet conditions were re-established by 470 years cal. BP. On the other hand, the pond in the study shows evidence of major perturbations between 1000 and 1350 AD such as deposition of a non-decayed peat level in a sedimentary sequence formed by gyttja. Taking into account the location of the study site, the practice of livestock breeding (mainly sheep) would have destabilized the land on the wathersed due to the overgrazing of the fluvioglacial and glacial deposits knolls that surround the pond. This process would have caused significant sedimentary accumulation in the pond.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Summary ... iv

Table des matières... v

Liste des figures ... viii

Liste des tableaux ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 2 ... 5

Région et site d’étude... 5

2.1 Localisation géographique, caractéristique biophysique et occupation humaine de l’Islande ... 5

2.1.1 Climat ... 6

2.1.2 Géologie et géomorphologie ... 8

2.1.3 Couvert végétal ... 10

2.1.4 Occupation humaine ... 10

2.2 Région d’étude : les bassins versants du Svalbarðstunga ... 11

2.3 Sites d’étude ... 12 2.3.1 Hjálmarvík ... 14 2.3.2 Kúðá ... 15 2.3.3 Skriða ... 17 2.3.4 Bægisstaðir ... 19 2.4 Résumé ... 21 Chapitre 3 ... 22 Méthodologie ... 22 3.1 Travaux terrain ... 22 3.1.1 Paléoécologie terrestre ... 22 3.1.2 Paléoécologie aquatique ... 23 3.2 Travaux en laboratoire ... 24 3.2.1 Portrait écologique ... 24 3.2.2 Analyse macrofossile ... 24 3.2.3 Datation ... 25

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vi 3.2.4 Analyses sédimentologiques... 27 3.2.5 Analyses géochimiques ... 28 3.2.6 Analyse diatomifère ... 29 3.3 Résumé ... 30 Chapitre 4 ... 31 Résultats ... 31

4.1 Portrait écologique et caractérisation des tourbières de Svalbarðstunga ... 31

4.1.1 La ferme Hjálmarvík ... 33

4.1.2 La ferme Kúðá ... 36

4.1.3 La ferme Skriða ... 43

4.1.4 La ferme Bægisstaðir ... 51

4.2 Chronologie de l’établissement des tourbières... 54

4.3 Paléoécologie d’une tourbière anthropisée (K-Ta) ... 56

4.4 Paléoécologique aquatique et terrestre de l’étang Kúðávatn ... 63

4.4.1 Tourbière K-Le ... 63

4.4.2 Datation ... 67

4.4.3 Analyses sédimentologiques, géochimiques et diatomifères (KUD-02) ... 74

4.4.4 Données statistiques liées aux indicateurs biologiques, sédimentologiques et géochimiques (KUD-02) ... 78

4.5 Résumé ... 90

Chapitre 5 ... 91

Discussion ... 91

5.1 Paléogéographie et paléoécologie holocène de la vallée Svalbarðstunga ... 91

5.2 Paléoécologie de la tourbière K-Ta, Kúðá ... 92

5.3 Paléolimnologie de l’étang Kúðávatn en lien avec des facteurs naturels et l’occupation humaine de la ferme Kúðá ... 94

5.3.1 La période froide du Subatlantique, avant la colonisation de l’Islande (40 à 800 AD) ... 94

5.3.2 Comblement et perturbations anthropiques durant l’Optimum Climatique Médiéval (800-1250 AD) ... 96

5.3.3 Instabilité et comblement partiel de l’étang durant le Petit Âge Glaciaire (PAG) (1250-1850 AD) ... 99

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vii

5.4 Hypothèse de la recherche : Les impacts du climat et des activités humaines sur les écosystèmes du nord-est de l’Islande sont-ils plus prononcés que dans les autres régions

côtières de l’île vu la rigueur du climat? ... 103

Conclusion ... 105

Perspectives de recherches ... 106

Bibliographie... 107

Annexe 1 ... 114

(8)

viii

Liste des figures

Figure 1 : Îles de l'Atlantique Nord ... 5

Figure 2 : Influence des courants océaniques sur le climat de l'Islande ... 7

Figure 3 : Carte tectonique et volcanique de l'Islande ... 9

Figure 4: Morphologie des Þúfurs ... 9

Figure 5 : Localisation de la vallée Svalbarðstunga, des anciennes fermes et des fermes actives sur le territoire ... 13

Figure 6: Vestiges de murs de tourbe d’une étable de mouton du 19e et 20e siècle (vue vers l’est), la ferme Hjálmarvík ... 14

Figure 7 : Carte schématique des vestiges de la ferme Hjálmarvík ... 15

Figure 8 : Vestiges de la ferme Kúðá (vue vers le sud) ... 17

Figure 9: Trois vestiges de bâtiments de tourbe, de la ferme Skriða (vue vers le sud-ouest) Les flèches rouges indiquent l’emplacement des vestiges. ... 18

Figure 10: Vestiges de la ferme Bægisstaðir (vue vers le nord-est) ... 20

Figure 11: Carte schématique des vestiges de la ferme Bægisstaðir situés sur les rives de la rivière Sandá ... 20

Figure 12 : Le téphra H3 inséré dans la carotte S-Br 1 collectée à la ferme Skriða, vallée Svalbarðstunga ... 26

Figure 13: Carte des vestiges d’anciennes fermes et des tourbières échantillonnées dans le cadre de cette étude, vallée de Svalbarðstunga ... 32

Figure 14: Tourbière H-Tc, la ferme Hjálmarvík ... 33

Figure 15: Analyse stratigraphique de la carotte H-Tc, la ferme Hjálmarvík ... 35

Figure 16: Carte schématique de localisation des tourbières K-Mv, K-Lp, K-Ta et K-Le ainsi que des lieux d’échantillonnage, la ferme Kúðá ... 36

Figure 17 : Tourbière K-Mv composée d’une mosaïque de végétation, la ferme Kúðá ... 38

Figure 18: Tourbière K-Lp caractérisée par une alternance de buttes et de dépressions, la ferme Kúðá... 41

Figure 19: Analyse stratigraphique des carottes K-Lp 1 et K-Lp 2, la ferme Kúðá ... 43

Figure 20 : Tourbière S-Br, la ferme Skriða ... 44

Figure 21: Analyse stratigraphique des carottes S-Br 1, S-Br 2 et S-Br 3, la ferme Skriða ... 50

Figure 22: Tourbière B-T, la ferme Bægisstaðir ... 51

Figure 23 : Analyse stratigraphique de la carotte B-T, la ferme Bægisstaðir ... 53

Figure 24: Établissement des tourbières H-Tc, K-Ta et B-T, la région Svalbarðstunga .. 55

Figure 25: Anciennes zones de collecte de tourbe au sein de la tourbière K-Ta, la ferme Kúðá. ... 57

Figure 26 : Diagramme macrofossile de la carotte K-Ta, la ferme Kúðá ... 62

Figure 27: L’étang Kúðávatn (nom fictif) et la tourbière K-Le, au nord-ouest de la ferme Kúðá ... 64

Figure 28: Analyse stratigraphique des carottes K-Le 1 à 5 collectées au niveau de la tourbière K-Le, au nord-ouest de la ferme Kúðá ... 67

Figure 29: Datations de la base de KUD-02 et K-Le 6 respectivement au sein et au niveau du pourtour de l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 68

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Figure 30: Canaux de drainage et ruissellement de surface observable à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 69 Figure 31: Inventaire du 210Pb et du 137Cs de la carotte KUD-02 collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 72 Figure 32 : Taux de sédimentation moyen des sédiments selon les datations obtenues par l’analyse du 210Pb et du 14C, carotte KUD-02, l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 73 Figure 33 : Environnements sédimentaires selon la relation entre la taille moyenne des particules et l'indice de tri, la carotte KUD-02 prélevée au niveau de l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá... 76 Figure 34: Analyse des composantes principales des 26 éléments chimiques détectés dans les sédiments de la carotte KUD-02 par microfluorescence-x selon la profondeur, l’étang Kúðávatn situé sur les terres de la ferme Kúðá ... 77 Figure 35: Analyses de groupement agglomératif à liens complets de l’assemblage de diatomées fossiles selon le niveau de profondeur de la carotte KUD-02 collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 86 Figure 36: Analyses sédimentologiques de la carotte KUD-02, collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 87 Figure 37: Analyses géochimiques de la carotte KUD-02, collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá... 88 Figure 38 : Analyses diatomifères de la carotte KUD-02, collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá... 89 Figure 39 : Chronologie d’établissement des tourbières H-Tc, K-Ta et B-T, vallée Svalbarðstunga ... 92 Figure 40 : Paléoécologie de la tourbière K-Ta en relation avec les résultats d’analyses polliniques menées dans et près de la vallée Svalbarðstunga ... 94 Figure 41: Ancienne rive de l'étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 96 Figure 42 : Sommets dénudés de végétation et pâturage autour de l'étang Kúðávatn ... 99 Figure 43 : Paléolimnologie de l'étang Kúðávatn en relation avec l'occupation de la ferme Kúðá ... 101 Figure 44 : Comparaison des données de cette étude avec les données de recherches paléoécologiques, archéologiques, géomorphologiques et climatiques du nord-est de l’Islande... 102

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Liste des tableaux

Tableau 1: Synthèses des milieux échantillonnés, vallée de Svalbarðstunga, 2014 ... 23

Tableau 2 : Principales couches de cendre volcanique (téphra) répertoriées au niveau et à proximité de la vallée Svalbarðstunga ... 27

Tableau 3: Inventaire floristique de la tourbière H-Tc, la ferme Hjálmarvík ... 34

Tableau 4: Inventaire floristique de la tourbière K-Mv, la ferme Kúðá ... 39

Tableau 5: Inventaire floristique de la tourbière K-Lp, la ferme Kúðá ... 42

Tableau 6: Inventaire floristique, zone surélevée, la ferme Skriða ... 46

Tableau 7: Inventaire floristique, zone de tourbière, la ferme Skriða ... 47

Tableau 8: Inventaire floristique, zone de terrasses lacustres, la ferme Skriða ... 48

Tableau 9: Inventaire floristique de la tourbière B-T, la ferme Bægisstaðir ... 52

Tableau 10: Datation au radiocarbone de l'établissement des tourbières H-Tc, K-Ta et B-T, vallée Svalbarðstunga ... 54

Tableau 11: Inventaire floristique de la tourbière K-Ta, la ferme Kúðá ... 57

Tableau 12: Datation au radiocarbone de la carotte K-Ta, la ferme Kúðá ... 63

Tableau 13: Datation au radiocarbone de la carotte K-Le 6 au niveau de la zone entourbée de l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá ... 68

Tableau 14: Radiodatation de la carotte KUD-02 collectée au sein de l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá... 74

Tableau 15: Régression linéaire des données granulométriques selon le contenu en matière organique, la carotte KUD-02 prélevée au niveau de l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá . 75 Tableau 16: Régressions linéaires effectuées entre certains indicateurs biologiques, géochimiques et sédimentologiques de la carotte KUD-02 collectée à l’étang Kúðávatn, la ferme Kúðá... 85

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Remerciements

Premièrement, je désire remercier ma directrice de recherche, Mme Najat Bhiry, pour avoir eu confiance en moi et pour m’avoir confié ce projet de recherche passionnant. J’ai eu la chance de vivre deux missions de terrain au nord-est de l’Islande qui m’ont permis de me dépasser et d’enrichir mes connaissances du terrain. Je la remercie également pour son temps, ses apprentissages, ses nombreux conseils et sa patience, notamment pour les nombreuses relectures de ce manuscrit.

Je désire également remercier mon codirecteur, M. Reinhard Pienitz pour m’avoir initié à la paléolimnologie et pour m’avoir transmis au moins une partie de sa grande passion pour les diatomées. Je le remercie aussi pour ses nombreux conseils et pour ses apprentissages.

De plus, j’aimerais remercier Mme Bhiry et M. Pienitz pour avoir continué à m’encourager à terminer cette maîtrise, malgré un parcours atypique.

Ensuite, je souhaite remercier M. James Woollett pour ses apprentissages, sa disponibilité et ses nombreux conseils. Ses connaissances et son expertise furent essentielles à la réalisation de ce projet de recherche.

Je désire remercier tous les gens qui ont participé à ce projet, autant sur le terrain qu’en laboratoire; l’équipe de paléoécologie terrestre : Myosotis Bourdon Desroches, Natasha Roy, Guillaume Haemmerli, Karine Langlais, Héloïse Barbel; l’équipe de paléoécologie aquatique : Cynthia Zimmermann, Biljana Narancic, Olivier Jacques, Émilie Saulnier-Talbot, Sébastien Bourget; l’équipe d’archéologie : Céline Dupont-Hébert, Dorothée Dubé, Guðrún Gísladóttir, Uggi Ævarsson et Donald Cayer pour ses conseils et ses apprentissages en statistique et en granulométrie.

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x

Ce projet de maîtrise n’aurait pas été possible sans le support financier et logistique des organismes suivants : Savoir Polaire Canada (fonds PFSN), du Fo), Conseil de recherche en sciences naturelles et génie (CRSNG), Fonds de recherche du Québec Sciences sociales (FRQSC) qui finance le groupe de recherche en Archéométrie de l’université Laval auquel je fais partie et le Centre d’études nordiques (CEN).

Finalement, j’aimerais remercier tout spécialement mes ami(e)s et ma famille pour leurs soutiens essentiels à la réussite de ce projet. Un merci particulier à mon père extraordinaire qui m’a supporté et a cru en moi jusqu’à la fin.

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1

Introduction

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, durant la période 1880 à 2012, la température à l’échelle planétaire a augmenté de 0,85℃ (GIEC, 2014). En 2018, le seuil de 1ºC était déjà atteint en moyenne dans le monde (Réseau Action Climat, 2018). Les facteurs ayant causé cette augmentation globale de la température seraient liés aux activités humaines telles que l’utilisation des énergies fossiles et le changement de vocation des terres. Ce réchauffement climatique, caractérisé par une augmentation de la température des océans et celle de l’atmosphère s’accompagne d'un rehaussement du niveau des mers ainsi que d’une diminution de la couverture de neige et de glace. Les changements les plus importants sont observables en régions arctiques et subarctiques (GIEC, 2014).

Les écosystèmes nordiques sont actuellement sujets à de profondes et rapides mutations; encore plus prononcées qu’ailleurs dans le monde. Ces milieux nordiques ont déjà subi les effets de changements climatiques durant l’Holocène, avant les premiers impacts liés aux activités humaines. Plusieurs études ont documenté la transformation ou la résilience des écosystèmes nordiques face aux pressions exercées par les changements climatiques et les impacts anthropiques dans le passé. Ces recherches ont contribué à mieux comprendre les changements actuels et mieux prévoir ceux à venir (p. ex. Amorosi, 1992; Dugmore et al., 2000; Hannon et al., 2005; Erlendsson et al., 2009; Massa et al., 2012; Bichet et al., 2014).

Les îles de l’Atlantique Nord, incluant l’Islande, sont considérées comme des endroits de prédilection pour étudier l’impact de l'anthropisation et des changements climatiques sur les écosystèmes (p. ex. McGovern et al., 1988; Vickers et al., 2011; Bichet et al., 2014; Roy et al., 2018; Lebrun, 2019). Trois facteurs expliquent ce potentiel particulier : 1) l’insularité permet d’éliminer plusieurs facteurs externes tels que l’arrivée d’espèces animales ou végétales allogènes (Thompson, 1949); 2) la colonisation récente a laissé des empreintes encore visibles dans les enregistrements paléoécologiques, ce qui permet d’identifier les impacts anthropiques dès leur début (Zutter, 1997; McGovern et al., 2007;

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2

Vickers et al., 2011; Bichet et al., 2014); 3) le Bassin de l’Atlantique Nord, influencé par plusieurs systèmes de circulation atmosphérique et océanique, tels que l’oscillation Nord Atlantique, l’Oscillation Arctique et la Circulation Méridienne de Retournement, subit des conditions climatiques complexes et variables. Plus spécifiquement, l’Islande est influencée par deux courants océaniques distincts. Une branche du courant tempéré du Gulf Stream influence le climat du sud de l’île alors qu’une branche du courant froid du Groenland-Est contribue à la dégradation du climat au nord de l’île. Il en résulte une différence de température moyenne de près de 3℃ entre le nord-est et le sud-ouest de l’Islande (Einarsson, 1984).

Depuis la colonisation de l’Islande (871 AD) par les Norois, les impacts anthropiques ont engendré une dégradation rapide et à grande échelle de l’environnement de l’île (p. ex. Hallsdóttir et Caseldine, 2005; Dugmore et al., 2005; Bathurst et al., 2010). Les Norois auraient coupé le bois de bouleau pour l’utiliser comme combustible, matériel de construction et pour produire du charbon afin d’extraire le fer des marais (Church et al., 2007). Les andosols volcaniques mis à nu suite à la coupe du bois sont caractérisés par une faible cohésion et montrent donc une vulnérabilité à l’érosion (Doner, 2003; Arnalds, 2005). La dégradation du couvert végétal fut également causée par le surpâturage par des animaux d’élevage, surtout les moutons (McGovern et al., 2007). À l’échelle de l’Islande, l’intensification de l’élevage du mouton atteint son apogée aux 13e et 14e siècles (Dupont-Hébert, 2019). La coupe du bois combinée au surpâturage du bétail a limité la régénération du couvert végétal nécessaire à la stabilisation des sols de l’Islande. Actuellement, on estime que la forêt, majoritairement constituée de bouleau pubescent, aurait reculé d’environ 90% et que l’érosion affecterait 70% des sols de l’Islande (McGovern et al., 2007).

Toutefois, des variations locales importantes de la dégradation des écosystèmes et du paysage sont soulevées par des travaux de groupes de recherches multidisciplinaires, composés d’archéologues, de paléo-environnementalistes et de paléoclimatologues (p. ex. Gísladóttir et al., 2013; Roy et al., 2018). À titre d’exemple, au sud de l’île la dégradation

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3

de la forêt en Islande serait attribuable aux impacts anthropiques (Vickers et al., 2011) alors qu’au nord de l’Islande, la dégradation du couvert végétal semble avoir été limité selon les travaux de Roy et al. (2017, 2018). En effet, les forêts de bouleau dans cette dernière région étaient très peu abondantes à l’arrivée des Norois alors que les tourbières dominent le paysage depuis près de 6000 ans (Karlsdóttir et al. 2014).

Svalbarðstunga est un nom de lieu historique et officiel qui identifie le territoire entre les rivières Svalbarðsá et Sandá (nord-est de l’Islande). En aval du bassin versant de Svalbarðsá, se situe la ferme principale de la région, la ferme Svalbarð, qui est en activité depuis plus de 1000 ans (Woollett, 2008). Depuis sa mise en place, de nombreuses fermes satellites, associées à la ferme Svalbarð, se sont établies dans la région. En effet, à partir du 13e siècle, une restructuration de la gestion du territoire a eu lieu alors que les aménagements humains se multipliaient (Dupont-Hébert, 2019). Le domaine de la ferme Svalbarð s’est mis en place avec une hiérarchie régionale constituée de la ferme principale et des fermes satellites ou clientes de la ferme Svalbarð. Ce mode de gestion du territoire aurait perduré jusqu’au 19e siècle (Dupont-Hébert, 2019). Durant cette période, la quasi-totalité des fermes clientes fut abandonnée à divers moments et les motifs d’abandon demeurent encore peu documentés. Ces abandons pourraient être associés à des facteurs naturels (p. ex. changements climatiques, volcanismes) et/ou humains (p. ex. surpâturage, épidémies) (Woollett, 2008; Gísladóttir et al., 2013).

Les données issues des fouilles archéologiques de la ferme Svalbarð ont démontré un changement dans les pratiques agricoles et l’exploitation des ressources halieutiques. Lors de la période chaude de l’Optimum Climatique Médiéval (OCM), l’économie des Norois de Svalbarð était principalement axée sur l’élevage, alors que durant le refroidissement du Petit Âge Glaciaire, la communauté aurait exploité davantage les ressources halieutiques car il y aurait eu une surmortalité chez les moutons (Woollett, 2008; Amorosi, 1992). Bien que davantage de données archéologiques soient disponibles sur l’impact des variations climatiques connues sur la population située à Svalbarðstunga (Woollett, 2008; Gísladóttir et al., 2013), peu de données sont disponibles sur les conséquences de ces

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changements climatiques et des activités humaines sur l’environnement de la région. L’existence de tourbières et d’étangs autour des vestiges de la ferme Svalbarð et des fermes secondaires donne accès à des archives sédimentaires de qualité permettant de reconstituer l’évolution de ces écosystèmes humides. L’analyse des dépôts de tourbe et de sédiments lacustres selon plusieurs indicateurs (diatomées, macrofossiles, éléments géochimiques et sédimentologiques) permet une meilleure compréhension de l’évolution des milieux humides situés dans une région qui fut et demeure soumise aux pressions anthropiques et aux changements climatiques.

L’objectif principal de cette étude est donc de documenter l’impact des changements climatiques récents et des activités humaines sur les écosystèmes humides au niveau de Svalbarðstunga, au nord-est de l’Islande.

Les objectifs spécifiques sont :

1. Documenter l’évolution d’une tourbière et d’un étang situés à proximité d’une ferme satellite;

2. Déceler la réponse de ces écosystèmes durant des périodes climatiques connues de l’Holocène supérieur, telles que l’Optimum Climatique Médiéval et le Petit Âge Glaciaire;

3. Identifier d’éventuelles signatures d’activités anthropiques dans les sédiments lacustres;

4. Mettre cette étude dans un contexte plus général, à l’échelle de toute l’île.

L’hypothèse principale de recherche testée est que les impacts du climat et des activités humaines sur les écosystèmes du nord-est de l’Islande sont plus prononcés que ceux enregistrés dans d’autres régions côtières de l’île vu la rigueur extrême du climat local.

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5

Chapitre 2

Région et site d’étude

2.1

Localisation géographique, caractéristique biophysique et occupation

humaine de l’Islande

L’Islande, d’une superficie d’environ 103 125 km2, est située dans le Bassin de l’Atlantique Nord (BAN), entre 13º 30’ et 24º 30‘ O et entre 63º 17’ et 66º 31’ N, au sud du cercle polaire arctique (Figure 1). À l’ouest de l’Islande se trouve le Groënland, une île de grande superficie, majoritairement couverte d’un inlandsis dont le front fournit régulièrement des icebergs. À l’est se trouve le littoral de la Norvège qui est ponctué de fjords alors que les îles Féroé sont à 450 km au sud-est de l’Islande.

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6 2.1.1 Climat

L’Islande ainsi que l’ensemble du BAN sont influencés par le phénomène de l’Oscillation nord-atlantique (ONA) qui est caractérisé par des déplacements nord-sud des systèmes de pression atmosphérique entre l’Atlantique Nord et les Açores. Cette dynamique atmosphérique est composée de deux noyaux : un système de basse pression centré au nord-ouest de l’Islande et un système de haute pression centré au niveau des Açores. L’indice ONA consiste en la différence entre ces deux systèmes de pression atmosphérique. En Islande, lorsque l’indice ONA est positif, les conditions hivernales sont douces et pluvieuses alors qu’elles sont sèches et froides lorsque l’indice est négatif (Hurrell, 2001; Mackintosh et al., 2002).

L’Île se situe également à la frontière de deux courants océaniques distincts (Figure 2). Une branche du courant tempéré du Gulf Stream, le courant d’Irminger, longe la partie sud du littoral islandais et réchauffe le climat. Au nord de l’île, une branche du courant froid du Groënland-Est, le courant de l’Islande-Est, abaisse la température et contribue à la formation de glace de mer au niveau du plateau océanique de ce secteur (Einarsson, 1984; Ogilvie, 1984). Il en résulte une différence importante entre les conditions climatiques du nord et du sud de l’île. À titre d’exemple, les températures moyennes annuelles calculées entre 1931 et 2008 étaient de 2,6℃ au nord-est (localité de Raufarhöfn) et de 5,3℃ au sud-ouest (ville de Reykjavik) (Icelandic Meterological Office, 2015).

Les moyennes de précipitations annuelles sont estimées à 900 mm au sud alors qu’elles varient de 400 à 600 mm à Raufarhöfn, au nord-est. Toutefois, au niveau local la topographie, l’altitude, les courants océaniques et la direction du vent sont des facteurs importants influençant notamment la quantité de précipitations et la nébulosité. Par exemple, les précipitations moyennes annuelles à l’aéroport de Reykjavik sont de 800 mm, alors qu’au niveau des montagnes situées au sud-est de la ville, elles sont estimées à 3000 mm (Einarsson, 1984; Icelandic Meterological Office, 2015).

(19)

7

Le climat général du littoral islandais est de type subarctique maritime tandis que le centre de l’île subit un climat arctique. Selon la classification de Köppen (Secrétariat de l'Organisation météorologique mondiale, 1992), le climat du sud et de l’ouest de l’Islande est tempéré pluvieux avec des étés courts et froids (Cfc) alors que le nord subit un climat polaire de type toundra (Et) (Einarsson, 1984).

(20)

8 2.1.2 Géologie et géomorphologie

L’Islande subit une forte activité volcanique puisqu’elle est située au niveau de la dorsale médio-atlantique, au-dessus d’un point chaud (Le Breton et al., 2010; Jacobson et al., 2015). L’île est composée de deux plaques tectoniques : la plaque de l’Amérique du Nord à l’ouest et la plaque de l’Eurasie à l’est. Plusieurs zones de failles actives traversent le pays, du sud-ouest au nord-est (Figure 3). Les formations géologiques sont plus récentes à proximité de ces zones de failles actives et tendent à être plus anciennes en s’éloignant. Le substrat rocheux de l’île est majoritairement constitué de basalte, entre 80 et 85% (Gíslason

et al., 1996).

L’activité volcanique a engendré la formation d’andosol, un sol riche en cendre volcanique. Il recouvre la majorité de l’Islande (Hallanaro et Pylvänäinen, 2001; Arnalds, 2005). Ce type de sol est constitué de fines particules minérales (30 à 70 microns) et caractérisé par une faible cohésion et un niveau de rétention d’eau naturellement élevé (Van Vliet-Lanoë

et al., 1998; Arnalds, 2005). Ces caractéristiques physiques favorisent l’érosion des sols

qui, combinés au climat rude de l’Islande (processus de gel-dégel et fonte rapide du couvert nival), engendrent des conditions propices aux mouvements de masses.

Au niveau des terrains ayant une pente de moins de 25%, la formation de Þúfurs est fréquente (Grab, 2005). Un Þúfur consiste en un monticule de sédiments, principalement minéral, couvert de végétation. Il se développe sous l’influence d’un mouvement de convection stimulé par les processus de gel-dégel (Figure 4) (Van Vliet-Lanoë et al., 1998).

En plus des nombreux volcans, de la dernière glaciation résulte la présence de fjords (principalement au nord-ouest, au nord et à l’est), de vallées glaciaires et de plusieurs glaciers qui couvrent actuellement 11% du pays (Norðdahl et Pétursson, 2005). Selon Etzelmüller et al. (2007), la cryosphère comprenant les glaciers et le pergélisol occupent environ 15% de l’Islande. De la présence du pergélisol résulte, entre autres, la formation de palses dans le centre du pays (Saedmundsson et al., 2012).

(21)

9

Figure 3 : Carte tectonique et volcanique de l'Islande

Source : www.volcanogeol.com

Figure 4: Morphologie des Þúfurs

Le téphra H3, à l’origine déposé sous forme de couche horizontale, fut perturbé par un mouvement de convection stimulé par un processus de gel-dégel.Source : Van Vliet-Lanoë et al. (1998).

(22)

10 2.1.3 Couvert végétal

La végétation recouvre 23% de la surface de l’Islande (Jacobson et al., 2015), dont 40% de tourbières et 60% de milieux bien drainés (Guðmundsson, 2007). Les milieux humides, les landes et les prairies sont abondants. Les zones de végétation aquatiques, côtières, alpines et géothermales sont restreintes et les boisés sont rares (Icelandic Institute of Natural History, 2014). La coupe d’arbres lors des derniers siècles, en majorité de bouleau, aurait ouvert le paysage et accentué l’érosion ainsi que le lessivage des sols, principalement au sud de l’île (Dugmore et al., 2000; Vickers et al., 2011).

2.1.4 Occupation humaine

Les Norois furent les premiers occupants de l’Islande. Ils arrivèrent de Scandinavie dans le cadre des explorations maritimes et des mouvements de populations qui caractérise la période Vikings et se traduisirent par l’occupation des îles Féroé vers 850 AD, de l’Islande vers 871 AD, du Groënland vers 935 AD et de Terre-Neuve (Canada) vers 1000 AD (McGovern et al., 1988; Dugmore et al., 2005). La taille de la colonie noroise de l’Islande, répandue rapidement sur la côte islandaise, a été estimée entre 40 000 et 100 000 personnes vers 930 AD (Dugmore et al., 2005).

Suite à la colonisation de l’île, la coupe du bois de bouleau, le surpâturage et la production de charbon ont eu des impacts majeurs sur les écosystèmes de l’île. Dans plusieurs régions de l’Islande, la diminution du couvert végétal a mis le sol à nu et engendré des processus d’érosion (McGovern et al., 1988, 2007; Dugmore et al., 2005, 2009).

Dès le début de l’occupation humaine de l’Islande, le déclin des forêts de bouleaux fut causé ou intensifié par les impacts anthropiques (Hallsdóttir et Caseldine, 2005; Dugmore et al., 2005; Bathurst et al., 2010; Vickers et al., 2011). Or, des récentes études ont démontré que ce scénario ne s’applique pas forcément à l’ensemble de l’Islande. À titre

(23)

11

d’exemple, au nord-est de l’île, cette dégradation serait associée principalement aux changements climatiques survenus vers 6000 BP (Karlsdóttir et al., 2014; Roy et al., 2017, 2018).

2.2

Région d’étude : les bassins versants du Svalbarðstunga

Les bassins versants du Svalbarðstunga sont situés au nord-est de l’Islande (15º 47‘ 29’’O; 66º 07’ 53’’ N) (Figure 5). Ils font partie du plateau côtier de Þistilfjörður, entre les péninsules de Melrakkaslétta et de Langanes. Ce plateau est formé de roches basaltiques et andésitiques extrusives du Terciaire (>3.1 Ma) dans lequel s’intègrent quelques montagnes formées de laves en coussin hyaloclastique du Pléistocène (<0.7 Ma) (Karst-Riddoch et al., 2009 ; Hreinsdóttir, 2014).

Le territoire des bassins versants du Svalbarðstunga est d’une superficie d’environ 150 km2 et il est constitué de deux vallées ayant des bassins versants distincts, le bassin versant de la rivière Svalbarðsá et le bassin versant de la rivière Sanðá. Les dépôts meubles des deux vallées sont majoritairement composés de dépôts fluvio-glaciaires, fluviatiles et de cendres volcaniques. Des dépôts glaciaires sont observables dans la partie amont des deux bassins versants Svalbarðsá et Sanðá. Les collines rocheuses et les montagnes sont partiellement colonisées par une végétation arctique. D’après nos estimations, les écosystèmes au niveau des bassins versants du Svalbarðstunga sont composés à 60% de tourbières, de plusieurs champs de Þúfur et de zones agricoles; des collines dénudées de végétation parsèment le paysage.

Pour cette étude, quatre sites, localisés sur les terres d’anciennes fermes, ont été choisis. De ces sites, trois sont situés dans le bassin versant de la rivière Svalbarðsá (les sites Hjálmarvík, Kúðá et Skriða) et le quatrième est localisé dans la partie amont du bassin versant de la rivière Sanðá (le site Bægisstaðir).

(24)

12

2.3

Sites d’étude

Afin de reconstituer la dynamique des milieux humides des bassins versants du Svalbarðstunga, deux étangs et sept tourbières furent sélectionnés au niveau des terres des anciennes fermes de Hjálmarvík, Kúðá, Skriða et Bægisstaðir (Figure 5) le long d’un gradient : de la côte à 18 km à l’intérieur des terres. La ferme Hjálmarvík est localisée sur la côte alors que la ferme Kúðá est située à 12 km au sud-ouest de la ferme Hjálmarvík. La ferme Kúðá fut sélectionnée comme site principal de cette étude puisqu’elle est située au centre de la région d’étude et que plusieurs fouilles archéologiques (Gísladóttir et al., 2014) ainsi que quelques études paléoécologique (Roy et al., 2017, 2018) y furent menées. Les fermes Skriða et Bægisstaðir se trouvent respectivement à 17 et 18 km de la côte.

(25)

13

Figure 5 : Localisation de la vallée Svalbarðstunga, des anciennes fermes et des fermes actives sur le territoire

(26)

14 2.3.1 Hjálmarvík

L’ancienne ferme Hjálmarvík (Figure 6) est située au bord de la mer, à 5 m d’altitude, au niveau d’un terrain ouvert (une terrasse) affecté par des vents violents qui accentuerait l’érosion des sols. Des fouilles archéologiques ont démontré que les premières traces d’occupation de ce site dateraient d’avant 940 AD (Gísladóttir et al., 2014; Dupont-Hébert, 2019). Bien que Hjálmarvík était d’abord indépendante, elle fut enregistrée comme une ferme appartenant à la ferme Svalbarð dans les archives de 1318 AD (Gísladóttir et al., 2012). Hjálmarvík fut abandonnée en 1697 AD puis réoccupée durant une courte période, jusqu’à l’éruption du volcan Laki en 1783 AD. La dernière période d’activité de cette ferme daterait entre 1843 et 1850 AD (Gísladóttir et al., 2012).

Les vestiges de la ferme Hjálmarvík, partiellement détruits au cours du 20e siècle, sont composés d’un mur, d’un bâtiment et de deux étables construites avec de la tourbe (Figure 7). Le terrain surélevé à l’ouest de ce site côtier est caractérisé par la présence de Þúfurs et de champs bien drainés. La tourbière échantillonnée s’est établie dans une dépression au sud-est des vestiges de l’ancienne ferme.

Figure 6: Vestiges de murs de tourbe d’une étable de mouton du 19e et 20e siècle (vue

(27)

15

Figure 7 : Carte schématique des vestiges de la ferme Hjálmarvík

Le point rouge localise la tourbière à l’étude. Modifiée de Gísladóttir et al., 2012.

2.3.2 Kúðá

L’ancienne ferme Kúðá (Figure 8) est située à 12 km de la côte, à 120 m d’altitude, au centre de la vallée de Svalbarðstunga. Ses terres sont traversées par la rivière Kúðá, un affluent droit de la rivière Svalbarðsá. Les vestiges de l’ancienne ferme se concentrent sur les sommets de deux collines. Au niveau de la colline la plus élevée (colline 2) se trouvent les ruines les plus récentes. Elles consistent en un bâtiment moderne construit en ciment et des bâtiments secondaires fabriqués en tourbe (Gísladóttir et al., 2013, 2014).

Au sommet de la colline 1, située au nord du bâtiment le plus récent, se trouve un complexe de bâtiments de ferme bien préservés construits en tourbe. Les plus anciennes traces d’occupation furent observées dans des fouilles creusées dans ce secteur. Elles sont composées, entre autres, de vestiges de murs et de planchers de bâtiments, des dépôts de déchets avec du charbon et de tourbe brûlée déposés entre les téphras de V940 et de H1300. Une série stratigraphique de couches archéologiques continue jusqu’au-dessus de la couche

(28)

16

de cendre volcanique correspond à l’éruption du volcan Veidivötn daté à 1477 AD (Gísladóttir et al., 2014). Des vestiges de bâtiments datés entre le 18e et le 20e siècle se trouvent également sur la colline (Gísladóttir et al., 2014).

Selon les archives de 1712 AD, la ferme était rarement utilisée depuis 1672 AD (Gísladóttir

et al., 2012). Puis, l’éruption du volcan Laki (1783 AD) aurait causé une importante

dégradation de l’environnement et provoqué l’abandon complet du site. L’occupation de ce secteur aurait repris en 1866 AD, jusqu’à l’abandon définitif de la ferme en 1966 AD (Gísladóttir et al., 2012).

Plusieurs autres traces d’activité humaine sont visibles, telles que des clôtures et des enclos en tourbe situés sur la rive ouest de la rivière Kúðá. Des champs en friche, d’anciens canaux de drainage, d’anciennes zones de collecte de tourbe et de la machinerie agricole abandonnée sont également présents sur ce site. Au niveau des terres de l’ancienne ferme de Kúðá, quatre tourbières et un lac furent examinés et échantillonnés.

(29)

17

Figure 8 : Vestiges de la ferme Kúðá (vue vers le sud)

Crédit photo : Garðar Gruðmundsson

2.3.3 Skriða

Sur la rive ouest du lac Skriða, situé à 252 m d’altitude, se trouvent deux ruines et une structure de 12 m de longueur et de 6 m de largeur. Elles sont situées sur une zone minérale relativement plus élevée par rapport aux milieux humides qui l’entourent. Ce site a été identifié en 2011 et sondé à l’aide d’une terrière en 2013. (Figure 9) (Ólafsson et al., 2013). Selon les premières observations, des traces d’occupation humaine sont enfouies sous le téphra daté à 1477 AD. Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour préciser la période d’occupation, la profondeur des traces anthropiques retrouvées indique que ces vestiges sont très anciens (Ólafsson et al., 2013).

Colline 1

Complexe de bâtiments de la période

(30)

18

En amont du site, le long d’un cours d’eau, plusieurs cicatrices de glissements de terrain anciens, récents et de l’érosion régressive sont visibles. D’ailleurs, le mot skriða, en islandais, signifie glissement de terrain. L’eau du ruisseau provient de la fonte des neiges situées sur le sommet d’un des monts secondaires (355 mètres d’altitude) de la montagne Svalbarðsnupur qui s’élève à 703 mètres d’altitude et qui marque l’amont de la vallée Svalbarðstunga (Ólafsson, 2013).

Figure 9: Trois vestiges de bâtiments de tourbe, de la ferme Skriða (vue vers le sud-ouest) Les flèches rouges indiquent l’emplacement des vestiges.

(31)

19 2.3.4 Bægisstaðir

L’ancienne ferme Bægisstaðir (Figure 10) est située à 225 m d’altitude, sur la rive sud d’un ruisseau qui se draine dans la rivière Sandá. Les plus anciennes et les plus importantes traces d’occupation furent retrouvées entre les niveaux sédimentaires correspondants aux éruptions datées à 1300 et 1477 AD (Gísladóttir et al., 2012). Les sources historiques de 1712 AD mentionnent que Bægisstaðir était exploitée l’été par la ferme Svalbarð alors qu’elle était abandonnée depuis environ 1670. Bægisstaðir fut également inscrite dans les archives de 1777 AD comme ferme abandonnée avec la mention : abandonnée au 15e siècle à cause d’une épidémie. Elle fut de nouveau occupée entre 1830 et 1928 AD (Gísladóttir

et al., 2012).

Les vestiges, partiellement délimités par des murs de tourbe bien préservés, sont constitués de plusieurs bâtiments de tourbe et d’une ferme d’une superficie d’environ 15 m x 50 m (Figure 11) (Gísladóttir et al., 2012). Une colline dont le versant nord est formé de Þúfurs longitudinaux sépare les vestiges du lieu d’échantillonnage. Ce lien consiste en une tourbière recouverte d’une mosaïque de végétation hydrophile et hygrophile.

(32)

20

Figure 10: Vestiges de la ferme Bægisstaðir (vue vers le nord-est)

Crédit photo : Najat Bhiry, 2014

Figure 11: Carte schématique des vestiges de la ferme Bægisstaðir situés sur les rives de la rivière Sandá

(33)

21

2.4 Résumé

Les quatre sites d’études, situés sur les terres d’anciennes fermes, sont distribués sur un gradient latitudinal (de la côte à 18 km en amont de la vallée Svalbarðstunga) et altitudinal (de 5 à 252 m d’altitude); il s’agit respectivement des fermes de Hjálmarvík, Kúðá, Skriða et Bægisstaðir. La ferme Kúðá, établit vers 950 AD, est le site principal de cette étude de par sa localisation centrale et de nombreuses études archéologiques et paléoécologiques dont il a fait l’objet. Les autres fermes ont servi à titre de comparaison.

(34)

22

Chapitre 3

Méthodologie

3.1 Travaux terrain

3.1.1 Paléoécologie terrestre

La première campagne de terrain a eu lieu en juillet 2014 et a concerné le volet « paléoécologie terrestre ». La caractérisation des sites à l’étude fut réalisée par l’entremise de relevés géomorphologiques et écologiques (végétation de surface).

Sept tourbières réparties de la côte à environ 18 km vers l’amont de la vallée ont été sélectionnées et échantillonnées afin de déterminer leurs spécificités écologiques (Figure 13). Dans chacune de ces tourbières, des inventaires floristiques ont été effectués le long de transects de longueurs variables, pour un total de 19 quadrats de 1m2. Pour chaque quadrat, un relevé des espèces végétales fut effectué et le pourcentage de recouvrement de chacune de ces espèces fut estimé par observation directe. 13 carottes de tourbe furent extraites de ces tourbières sélectionnées avec une sonde russe pour effectuer des analyses stratigraphiques basées sur le degré de décomposition et la couleur de la tourbe (Tableau 1). La localisation précise des zones échantillonnées est présentée dans la section Résultats.

Afin de documenter la chronologique d’entourbement au niveau de la région d’étude, trois carottes (H-Tc, K-Ta et B-T) furent sélectionnées pour dater la tourbe basale. La carotte K-Ta (292 cm) fut sous-échantillonnée au 1 cm afin d’analyser les macro-restes végétaux contenu dans les sédiments.

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23

Tableau 1: Synthèses des milieux échantillonnés, vallée de Svalbarðstunga, 2014 Site d'étude Milieu d'échantillonnage Type d'échantillonnage Caractéristiques

Hjálmarvík Tourbière (H-Tc) Inventaire floristique 1 quadrat

Carottage de tourbe Profondeur : 152 cm

Kúðá Tourbière avec une mosaïque de

végétation (K-Mv)

Inventaire floristique 4 quadrats Tourbière avec alternance de

buttes et de dépressions (K-Lp)

Inventaire floristique 2 quadrats

Carottages de tourbe (2) Profondeurs : 254 cm, 312 cm Tourbière (K-Ta) Inventaire floristique 1 Quadrat

Carottage de tourbe Profondeur : 300 cm Lac au pourtour entourbé (K-Le) 5 carottes de tourbe Séquences ciblées*

Skriða Tourbière (S-Br) Inventaire floristique 10 quadrats

Carottages de tourbe (3) Profondeur : 86 cm, 86 cm, 115 cm

Bægisstaðir Tourbière (B-T) Inventaire floristique 1 quadrat

Carottage de tourbe Profondeur : 77 cm *Descriptions stratigraphiques de séquences sédimentaires ciblées permettant de documenter des transitions entre des milieux lacustres et des milieux mieux drainés.

3.1.2 Paléoécologie aquatique

La deuxième campagne de terrain (juillet 2015) s’est concentrée sur le volet « paléoécologie aquatique ». L’étang Kúðávatn (nom non officiel qui signifie lac de la ferme

Kúðá), situé sur les terres de l’ancienne ferme Kúðá, fut caractérisé en termes de paramètres

physico-chimiques, mesurés à l’aide d’une sonde YSI 650 MDS, pour la température, le pH, la conductivité, l’oxygène dissous et avec un disque de Secchi pour la turbidité. L’étang Kúðávatn, de forme ovale, a une superficie de 500 m2 et à une profondeur de 160 cm.

L’échantillonnage servant aux analyses diatomifères, sédimentologiques et géochimiques a consisté en l’extraction d’une carotte de sédiment lacustre (KUD-02) au centre de l’étang à l’aide d’un carottier à percussion (Aquatic Research Instruments). La carotte, d’une longueur de 59 cm, fut subdivisée longitudinalement afin d’archiver une moitié de

(36)

24

séquence sédimentaire. L’autre moitié a été tranchée en 118 sous-échantillons dont chacun mesure 0,5 cm d’épaisseur.

3.2 Travaux en laboratoire

3.2.1 Portrait écologique

Les spécimens récoltés lors des inventaires floristiques furent identifiés à l’aide de la collection de référence du laboratoire de paléoécologie terrestre du Centre d’études nordiques (spécimens identifiés conservés) et de plusieurs ouvrages de référence (p. ex. Montgomery, 1977; Porsild et Cody, 1979; Crum et Anderson, 1981; Ireland, 1982; Kristinsson, 2010; Faubert, 2014; Icelandic Institute of Natural History, 2014). Ces sources et les spécimens identifiés lors des inventaires ont servi à l’identification des pièces végétales fossilisées isolées par l’analyse macrofossile.

3.2.2 Analyse macrofossile

L’analyse des macrorestes végétaux a porté sur une carotte de tourbe collectée au centre de la tourbière K-Ta, localisée sur les terres de l’ancienne ferme de Kúðá. Cette analyse a permis d’identifier et de dénombrer les pièces végétales, comme les feuilles et les aiguilles, accumulées au fil du temps dans les tourbières. Elle est utilisée afin de reconstituer l’évolution temporelle de la végétation à l’échelle locale. Le traitement et l’analyse macrofossile ont suivi le protocole de Bhiry et Filion (2001). Le volume des échantillons variait entre 8 et 50 cm3. Pour défloculer la matière organique et isoler les macrorestes, chaque échantillon de tourbe fut traité avec une solution de KOH à concentration de 5% et lavé à l’eau distillée dans une série de tamis de maille de 425, 180 et 63 microns.

Les pièces végétales (macrofossiles ou macrorestes) ont été extraites et identifiées sous une loupe binoculaire à un grossissement variant entre 16x et 80x. L’identification des feuilles

(37)

25

de bryophytes fut réalisée sous un microscope optique. L’abondance des taxons répertoriés à chaque niveau fut calculée et représentée par un diagramme macrofossile à l’aide du logiciel Paleo Data Plotter (Juggins, 2002).

3.2.3 Datation

Datation au radiocarbone (14C)

11 échantillons de tourbe ou de sédiment lacustre furent datés au radiocarbone au laboratoire de radiochronologie du Centre d’études nordiques (CEN) par SMA (Spectrométrie de masse par accélérateur). De ce nombre, sept échantillons étaient constitués de pièces végétales isolées et nettoyés à l’eau distillée afin d’éviter la contamination par de la matière organique moderne. De même, quatre échantillons de sédiment lacustre en vrac furent soumis pour des datations au radiocarbone. Les dates ont été calibrées à l’aide du programme CALIB 7 (Stuiver et Reimer, 2015).

Datation au 210Pb

Le cadre chronologique de la carotte KUD-02 fut complété par 12 datations au 210Pb, de niveaux situés entre 0 et 6 cm de profondeur. Entre 0,7 et 1,1 gramme de sédiments secs par échantillon furent analysés au laboratoire de radiochronologie du CEN. Le comptage de plusieurs isotopes, tels que 210Pb, 137Cs et 226Ra, fut exécuté par la méthode HPGe (détecteur au High-Purity Germanium).

La datation au 210Pb est la technique la plus appropriée pour dater du matériel plus récent que 150 ans. La décroissance radioactive du 210Pb est basée sur une demi-vie de 22,26 ans. Deux sources de 210Pb présents dans les sédiments lacustres sont considérées, le 210Pb supporté et le 210Pb non-supporté. Le 210Pb supporté se forme dans les sédiments lacustres par la désintégration du 226Ra. La variation du contenu en 210Pb supporté dans une séquence

(38)

26

sédimentaire est considérée négligeable et en équilibre avec l’isotope 226Ra. Le 210Pb non-supporté provient de l’atmosphère par la désintégration du 222 Rn, un gaz inerte. Il se désintègre de manière exponentielle jusqu’à environ cinq à sept demi-vies (Oldfield et Appleby, 1984; Binford, 1990).

Téphrochronologie

Le cadre chronostratigraphique est également défini par la téphrochronologie. Un téphra est une couche de cendre volcanique déposée lors d’une éruption, dont la date est connue dans plusieurs cas (Figure 12). L’identification des téphras permet une datation absolue de ces niveaux sédimentaires. De nombreuses études ont démontré l’importance de connaître le pourcentage massique des éléments chimiques qui composent un téphra pour valider sa provenance, soit l’éruption et le volcan (Dugmore et al., 1995; Hafliðason et al., 2000; De Vleeschouwer et al., 2008). Toutefois, Boygle (1999) a démontré l’importance de l’observation directe sur le terrain pour l’identification des téphras. À proximité de la région Svalbarðstunga, la présence d’au moins huit téphras a été documentée (Tableau 2).

Figure 12 : Le téphra H3 inséré dans la carotte S-Br 1 collectée à la ferme Skriða, vallée Svalbarðstunga

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27

Tableau 2 : Principales couches de cendre volcanique (téphra) répertoriées au niveau et à proximité de la vallée Svalbarðstunga

Téphra Date Volcan Auteurs

V1717 1717 AD Veidivötn De Vleeschouwer et al., 2008

V1477 1477 AD Veidivötn Lebrun, 2019

H1300 1300 AD Hekla Gísladóttir et al., 2014;

H1158 1158 AD Hekla De Vleeschouwer et al., 2008

H1104 1104 AD Hekla Knudsen et Eiríksson, 2002

V940 V877 940 AD 877 AD Veidivötn Veidivötn Gísladóttir et al., 2014 Lebrun, 2019

H3 2855 ± 24 14C âge BP Hekla Lebrun, 2019

H4 3833 ± 11 14C âge BP Hekla Boygle, 1999

3.2.4 Analyses sédimentologiques

Des analyses sédimentologiques furent effectuées sur la carotte KUD-02 extraite de l’étang Kúðávatn.

Pourcentage de matière organique

Le pourcentage de matière organique contenu dans les sédiments lacustres fut mesuré par la perte au feu, selon la méthode de Heiri et al. (2001). Cette technique permet de mesurer le contenu en matière organique des sédiments. Par échantillon, environ 0,5 g de sédiments ont été séchés dans un four à 105 ℃ durant 24 heures, pesés, puis mis au four à 550 ℃ pendant 4 heures. Le pourcentage de matière organique est calculé selon la formule suivante :

LOI550 = ((DW105 – DW550) / DW105)*100

Où DW105 représente le poids des sédiments après 24 heures de déshydratation à 105 ℃ et DW550 le poids des sédimentsaprès 4 heures de déshydratation à 550 ℃.

(40)

28 Granulométrie

Les résidus minéraux issus de la perte au feu furent utilisés pour effectuer l’analyse granulométrique par l’entremise du granulomètre Pratica LA-950V2 de la compagnie Horiba. Cet appareil mesure la fréquence des particules de matière minérale selon leurs tailles par diffraction au laser (Cayer, 2009). La taille moyenne, l’indice de tri, l’indice d’asymétrie et l’indice d’acuité furent calculés avec le logiciel Gradistat (Blott et Pye, 2001).

3.2.5 Analyses géochimiques

Rapport carbone/azote (C/N)

Le contenu en carbone et en azote de 60 échantillons de la carotte KUD-02 fut mesuré au laboratoire de radiochronologie du CEN, par l’entremise d'un analyseur élémentaire LECO CHN628. Les sédiments ont été préalablement séchés et broyés afin qu’ils soient le plus uniforme possible.

ITRAX™ core scanner

Des analyses géochimiques ont été réalisées à l’aide d’un « ITRAX™ core scanner » à l’Institut national de recherche scientifique. Cet appareil permet d’obtenir une représentation à haute résolution de la surface du sédiment et un profil radiographique facilitant l’observation de la physiographie du sédiment. Les ratios des éléments chimiques majeurs contenus dans les sédiments ont été détectés par microfluorescence-X.

Les mesures, prises à 1 mm par seconde, ont détecté 26 éléments chimiques dans la carotte KUD-02. Les résultats furent normalisés selon le nombre de coups par seconde (Croudace

(41)

29

et al., 2006). Une analyse des composantes principales, par l’entremise du logiciel Past

3.14 (Hammer, 1999), a permis de déterminer les éléments chimiques les plus significatifs.

3.2.6 Analyse diatomifère

L’analyse diatomifère a porté sur la carotte KUD-02, extraites de l’étang Kúðávatn, afin de déceler les changements survenus dans les conditions paléolimnologiques et paléoenvironnementales, à l’échelle locale et régionale. Les diatomées sont des algues unicellulaires de l’ordre des Bacillariophyceae et sont caractérisées par une reproduction rapide ainsi qu’une courte durée de vie (Smol et Stoermer, 2010). Les espèces, sensibles aux variations des paramètres physico-chimiques de leur habitat, changent rapidement lors de variations des conditions environnementales telles qu’un allongement de la période de couverture de glace ou l’augmentation des apports en nutriments. Plus spécifiquement, l’évolution de l’assemblage d’espèces diatomifères dans des lacs situés à proximité de sites archéologiques permet de documenter, entre autres, l’évolution de la productivité des lacs, l’utilisation des terres au niveau du bassin versant et les variations climatiques régionales (Juggins et Cameron, 2010).

Le traitement et l’analyse diatomifère ont suivi le protocole de Pienitz (2001). Les sédiments lacustres sous-échantillonnés au 0,5 mm ont été traités avec des solutions chaudes de HNO3 et de H2SO4 pour digérer la matière organique. Le matériel a été lavé à l’eau distillée afin de conserver uniquement les valves siliceuses des diatomées. Ensuite, 4 ml de solution siliceuse a été mélangé à 5,5 ml d’eau distillée et 0,5 ml de solution de microsphère ayant une concentration de 1,5675*106 / ml d’eau distillée afin de connaître la concentration diatomifère. De cette dilution, 0,5 ml a été déposé sur une lamelle préalablement nettoyée à l’alcool. Une fois que les lamelles ont séché, elles ont été montées sur des lames de microscope avec une résine réfractive.

L’observation et le dénombrement des diatomées se sont fait avec un microscope optique muni d’un objectif à immersion dans l’huile, à un grossissement de 1000x. L’identification

(42)

30

des espèces fut réalisée à l’aide de plusieurs clés d’identification, notamment Foged (1974), Witon (2004) et Zimmermann et al. (2010). Chaque comptage avait entre 300 et 500 valves identifiées pour être représentatives (Pienitz, 2001). L’abondance de chaque espèce est exprimée par un diagramme diatomifère réalisé avec le logiciel C2. Une analyse de groupement agglomératif à liens complets fut réalisée par l’entremise du logiciel Past 3.13, ce qui a permis de distinguer 4 zones diatomifères. L’index de Hill’s ou N2, un indicateur de la diversité des espèces, a été calculé selon la formule :

N2=1/(p12+p22+p32+…pn2)

Ou p représente l’abondance relative de chaque espèce pour un niveau.

3.3 Résumé

La tourbe basale de chacune des trois carottes collectées respectivement aux sites de Hjálmarvík, Kúðá et Bægisstaðir, a été datée au radiocarbone afin de reconstituer la dynamique d’établissement des tourbières de l’aval vers l’amont. Au site principal (Kúðá) une analyse macrofossile a été effectuée sur la carotte de tourbe K-Ta afin de reconstituer l’évolution des conditions environnementales à l’échelle locale. À l’étang Kúðávatn, des analyses diatomifères, sédimentologiques et géochimiques réalisées sur la carotte de sédiment lacustre KUD-02 ont permis la reconstitution de l’évolution des conditions environnementales à l’échelle locale et régionale.

(43)

31

Chapitre 4

Résultats

4.1 Portrait écologique et caractérisation des tourbières de Svalbarðstunga

Le paysage écologique de la vallée de Svalbarðstunga est majoritairement formé de tourbières, de champs de Þúfurs; et quelques arbustaies de bouleaux nains et pubescent, notamment au bas des versants de montagne. La caractérisation de la flore actuelle, présente à proximité des anciennes fermes à l’étude, a été réalisée par estimation du pourcentage de recouvrement de chaque espèce présente au sein des sept tourbières, réparties sur une distance de 18 km de la côte à l’intérieur des terres (Figure 13). Il s’agit des tourbières suivantes : H-Tc au niveau de la côte et près de la ferme Hjálmarvík, K-Mv, K-Lp, K-Le et K-Ta à proximité de la ferme Kúðá, S-Br près de la ferme Skriða et B-T dans le voisinage de la ferme Bægisstaðir.

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Figure 13: Carte des vestiges d’anciennes fermes et des tourbières échantillonnées dans le cadre de cette étude, vallée de Svalbarðstunga

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33 4.1.1 La ferme Hjálmarvík

Au niveau du site côtier de la ferme Hjálmarvík se trouve une tourbière (H-Tc) établie dans une dépression au sud-est des vestiges de l’ancienne ferme (Figure 14). L’inventaire floristique d’un quadrat d’un mètre carré et la description d’une carotte de tourbe collectée au sein de ce quadrat ont permis de documenter l’écologie de ce site.

Inventaire floristique :

Le cortège floristique est majoritairement composé de Carex sp. La présence de

Menyanthes trifoliata, Scorpidium cossonii et Calliergon richardsonii est également

importante (Tableau 3), ce qui suggère qu’il s’agit d’une tourbière minérotrophe riche (Payette et Couillard, 1984; Kristinsson, 2010; Faubert, 2014).

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34

Tableau 3: Inventaire floristique de la tourbière H-Tc, la ferme Hjálmarvík

Taxons Recouvrement (%) Carex sp. 60 Menyanthes trifoliata 15 Scorpidium cossonii 15 Calliergon richardsonii 7 Carex cf. bigelowii 3

Analyse stratigraphique de la carotte de tourbe :

La carotte prélevée de la tourbière H-Tc (Figure 15) est de 152 cm de longueur et elle est principalement constituée de tourbe décomposée dans laquelle s’insère un niveau de téphra. Sept unités stratigraphiques superposées ont été distinguées sur la base du degré de décomposition et de la couleur de la tourbe. À la base, U-A (152 à 149 cm) est composée de gravier noirâtre qui serait associé à des dépôts glaciaires ou fluvio-glaciaires. U-B (149 à 137 cm) est constituée de tourbe brunâtre humifiée avec des feuilles et des tiges d’herbacées déposées à l’horizontale, ce qui suggère un environnement aquatique (ex. : étang).

U-C (137 à 125 cm) est composée de tourbe noirâtre très décomposée. La base de cette unité marque probablement le début de l’entourbement du site (terrestrialisation : comblement d’un étang par des restes de plantes). U-D (125 à 100 cm) est constituée de tourbe brun foncé moyennement décomposée et elle est surmontée de U-E (100 à 35 cm) qui est composée de tourbe noirâtre très décomposée. U-F (35 à 2 cm) est constituée de tourbe brun foncé moyennement décomposé dans laquelle s’insère un niveau de téphra noirâtre (28-24 cm) pouvant correspondre à l’éruption du volcan Veidivötn datée à 1477 AD (téphra V1477); cette couche de téphra est surmontée d’un lit de tourbe rougeâtre peu décomposée (4-2 cm). Le sommet est de la litière (2-0 cm).

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35

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36 4.1.2 La ferme Kúðá

Au niveau des terres de l’ancienne ferme de Kúðá, quatre tourbières furent caractérisées (Figure 16). La tourbière K-Ta sera présentée à la section 4.3 et la tourbière K-Le à la section 4.4 puisqu’elles ont fait l’objet de plusieurs travaux analytiques en laboratoire.

Figure 16: Carte schématique de localisation des tourbières Mv, Lp, Ta et K-Le ainsi que des lieux d’échantillonnage, la ferme Kúðá

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37 Mosaïque de végétation (K-MV)

Nous avons adopté le terme mosaïque pour décrire l’aspect de la végétation de surface car le couvert majoritairement herbacé présente des zones longitudinales, ovales ou circulaires et de teintes vert contrastées : vert pâle et vert foncé. Cette différence de végétation est en lien avec la saturation en eau des sols.

K-MV est une tourbière située au nord-est du bâtiment moderne (abandonné en 1966 AD) de l’ancienne ferme de Kúðá, dans une vallée secondaire orientée nord-est sud-ouest. Cette tourbière de grande superficie est colonisée par une mosaïque de végétation et entourée de dépôts fluvio-glaciaires cryoturbés (Figure 17).

Inventaire floristique :

Un inventaire floristique le long d’un transect est-ouest fut effectué en utilisant cinq quadrats distants de 20 m, à l’exception du quadrat E, situé à 2,5 m du quadrat D (Figure 16). Trois unités écologiques furent distinguées sur la base du cortège floristique et de l’abondance de l’eau en surface : tourbière minérotrophe riche, tourbière minérotrophe pauvre et lanière bien drainée (végétation de type ombrotrophe à minérotrophe pauvre) (Tableau 4).

L’unité écologique la plus abondante, la tourbière minérotrophe riche, correspond aux quadrats A, B et D. Le pourcentage de recouvrement de l’eau en surface se situe entre 30 et 42%. Scorpidium scorpioides, une espèce typique des tourbières minérotrophes riches (Faubert, 2013), est plus abondante qu’au niveau des autres unités écologiques (jusqu’à 10%).

(50)

38

Le quadrat C est associé à l’unité écologique tourbière minérotrophe pauvre et il est composé de 90% de Carex sp. Il est caractérisé par un haut pourcentage de recouvrement de l’eau en surface (allant jusqu’à 50%) et par l’abondance d’Eriophorum scheuchzeri (10%), une espèce de tourbière minérotrophe pauvre (Kristinsson, 2010).

Le quadrat E présente une végétation typique de l’unité écologique lanières bien drainée. La végétation isolée de la nappe phréatique est majoritairement composée de Betula nana et Empetrum nigrum.

(51)

39

Tableau 4: Inventaire floristique de la tourbière K-Mv, la ferme Kúðá

Quadrat Zone (état

trophique) Ratio végétation/eau Taxons Recouvrement (%) A Tourbière 70% végétation, 30% eau Carex rostrata 82

minérotrophe Carex sp. 15

riche Eriophorum scheuchzeri 1,5

Scorpidium scorpioides 1,5

B Tourbière 58% végétation, 42% eau Carex sp. 75

minérotrophe Carex cf. dioica 10

riche Scorpidium scorpioides 10

Eriophorum scheuchzeri 5

C Tourbière 50% végétation, 50% eau Carex sp. 90

minérotrophe Eriophorum scheuchzeri 10

pauvre Scorpidium scorpioides -1

D Tourbière 75% végétation, 30% eau Carex sp. 82

minérotrophe Eriophorum scheuchzeri 7

riche Carex cf. rariflora 6

Scorpidium scorpioides 5

E Tourbière 100% végétation Betula sp. 25

ombrotrophe Empetrum nigrum 25

(lanière) Vaccinium uliginosum 25

Pleurozium schreberi 15

Carex cf. nigra 10

Tourbière structurée en lanières parallèles (K-Lp)

K-Lp est une tourbière structurée caractérisée par une alternance de buttes et de dépressions de forme allongée (Figure 18). Elle est située à l’est du bâtiment moderne de l’ancienne ferme de Kúðá (Figure 16). Un inventaire floristique (Tableau 5) effectué par l’entremise de deux quadrats (A et B) et une description de la stratigraphie de deux carottes de tourbe (Figure 19) collectées au niveau d’une butte (K-Lp 1) et d’une dépression (K-Lp 2) ont permis la caractérisation de ce milieu.

Figure

Figure 2 : Influence des courants océaniques sur le climat de l'Islande
Figure 3 : Carte tectonique et volcanique de l'Islande  Source : www.volcanogeol.com
Figure 5 : Localisation de la vallée Svalbarðstunga, des anciennes fermes et des fermes  actives sur le territoire
Figure 8 : Vestiges de la ferme Kúðá (vue vers le sud)  Crédit photo : Garðar Gruðmundsson
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