• Aucun résultat trouvé

Le suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes. Déterminants, enjeux, perspectives

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes. Déterminants, enjeux, perspectives"

Copied!
106
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01925322

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01925322

Submitted on 18 Apr 2019

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Le suivi gynécologique des femmes ayant des rapports

sexuels avec des femmes. Déterminants, enjeux,

perspectives

Cécilia Giles

To cite this version:

Cécilia Giles. Le suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes. Déter-minants, enjeux, perspectives. Gynécologie et obstétrique. 2018. �dumas-01925322�

(2)

AVERTISSEMENT

Ce mémoire est le fruit d’un travail approuvé par le jury de soutenance et réalisé dans le but d’obtenir le diplôme d’Etat de sage-femme. Ce document est mis à disposition de l’ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l’auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

D’autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt toute poursuite pénale.

Code de la Propriété Intellectuelle. Articles L 122.4

(3)

UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

Faculté de Médecine de Paris

ECOLE DE SAGES-FEMMES DE BAUDELOCQUE

Mémoire

pour obtenir le

Diplôme d’État de Sage-Femme

Présenté et soutenu publiquement le 18 juin 2018

par

Cécilia GILES

Née le 14 avril 1986

Le suivi gynécologique des femmes ayant

des rapports sexuels avec des femmes

Déterminants, enjeux, perspectives

DIRECTRICE DU MEMOIRE :

Madame MALMANCHE Hélène Sage-femme, doctorante en sociologie, EHESS

Sage-femme libérale, Paris 19ème

Sage-femme enseignante, École Baudelocque JURY :

Madame EGUAVOEN Sonia Madame DUQUENOIS Sylvie

Madame SAUVEGRAIN Priscille Sage-femme, chercheure en sociologie, Inserm

Mémoire N° 2018PA05MA12

(4)

Remerciements

Je tiens à remercier en premier lieu Hélène Malmanche, sage-femme et doctorante en sociologie, d’avoir accepté de diriger ce mémoire. Son enthousiasme et sa bienveillance ont été précieux.

Je remercie également celles et ceux qui ont permis la rencontre avec les femmes de mon étude, en diffusant mon appel à participation dans leurs réseaux professionnel et personnel.

Un immense « merci » aux femmes qui ont accepté de partager avec moi leur expérience des consultations gynécologiques. Elles se sont livrées intimement et ont nourri la richesse de cette recherche.

Je remercie l’équipe enseignante pour sa transmission toujours enthousiaste de la maïeutique, et en particulier Anne Chantry pour sa sympathie et son accompagnement pédagogique durant ces cinq années.

Merci à Méghane, Charlotte, Clara… d’avoir traversé à mes côtés les années d’études. Vous avez contribué à les rendre belles.

Merci à Hélène, Camille et Chloé de m’avoir si bien accueillie pour cette dernière année.

De façon plus personnelle, je remercie ma famille, en particulier mes parents et ma sœur, pour leur soutien indéfectible dans l’accomplissement de mes choix de vie. Reprendre des études pour devenir sage-femme en était un sacré !

Olivier, merci pour ton amour et le soutien inconditionnel que tu m’as témoigné tout au long de ces années. Ce diplôme est, dans un sens, un peu le tien aussi.

(5)

Résumé

Introduction – objectifs. La santé sexuelle et reproductive des femmes ayant des rapports sexuels

avec des femmes (FSF) n’est pas considérée par la politique de santé publique en France. Pourtant, les études internationales mettent à jour des vulnérabilités spécifiques, en matière d’infections sexuellement transmissibles et de violences notamment. Le fait d’être une femme ayant des rapports homosexuels est associé à des disparités en matière de suivi gynécologique. La perception d’une absence de risques liés à la sexualité, la présomption d’hétérosexualité par le/la professionnelLE ou la crainte (vécue ou anticipée) d’être mal jugée sont décrites comme des facteurs influençant négativement le recours aux soins. L’objectif de cette étude est d’explorer les parcours de santé gynécologique des femmes et de comprendre leur expérience des consultations.

Matériel et méthode. Vingt-six entretiens semi-directifs ont été menés auprès de femmes cisgenres

ayant des rapports sexuels avec une ou plusieurs femme(s), entre octobre 2017 et janvier 2018.

Résultats. Notre analyse montre que le manque de (re)connaissance de la sexualité entre femmes

nourrit un impensé du corps gynécologique qui façonne les expériences de santé. En l’absence d’un « modèle social » à consulter, l’inscription dans un suivi gynécologique et la continuité de celui-ci sont fortement dépendantes des trajectoires individuelles (hétérosexualité, maternité, symptomatologie gynécologique).

Conclusion. L’enjeu pour le/la praticienNE est de prendre conscience de ses propres préjugés et

de la manière dont les spécificités des patientes peuvent conduire à des inégalités de santé. Proposer une approche centrée sur la personne, prenant en compte les différences individuelles, sera profitable à toutes les femmes consultant en gynécologie.

Mots-clés : consultation gynécologique ; lesbienne ; femme ayant des rapports sexuels avec des femmes ; inégalités de santé.

(6)

Abstract

Introduction – objectives. Sexual and reproductive health of women who have sex with women

(WSW) is not targeted by public health policies in France. However, international research shows that they are prone to get sexually transmitted infections and experience violence. Being a woman who have sex with women is related to a lower utilisation of gynaecological healthcare and screening programs like cervical cytology tests. The objective of this study is to explore WSW’s healthcare experience in gynaecology, focusing on aspects specifically related to sexual orientation.

Methods. Twenty-six interviews were conducted with women having sex with women, from

October 2017 to January 2018.

Results. Our results show that the lack of knowledge and recognition about sexuality between

women influence healthcare experiences. With no existing role model about seeing a gynaecologist, health history is closely related to individual factors (experience of heterosexuality, pregnancy and gynaecological symptoms).

Conclusion. The point is to reflect upon our bias and the way women’s specificities may foster

health inequalities. We suggest adopting a professional attitude that is patient-centered, taking into account individual differences. This would benefit to all women consulting in gynaecology.

Keywords : gynaecological consultation ; lesbian ; woman who have sex with women ; health inequalities.

(7)

Table des matières

Remerciements ... 2

Résumé ... 3

Abstract ... 4

Liste des annexes... 8

Acronymes ... 9

Lexique ... 10

Introduction ... 12

Première partie CONTEXTE ... 14

1.1 Gynécologie, santé sexuelle et santé reproductive : définitions et implications sociales pour les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes ... 14

1.1.1 Gynécologie, santé sexuelle, santé reproductive ... 14

1.1.2 Particularisation des femmes et invisibilité sociale des femmes homosexuelles ... 15

1.1.3 Accès aux soins et orientation sexuelle ... 15

1.2 Consulter en gynécologie pour les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes : quel recours aux soins et quels enjeux de santé ? ... 17

1.2.1 Un moindre recours à la consultation gynécologique et au frottis cervico-utérin ... 17

1.2.2 Une incidence plus élevée des infections sexuellement transmissibles ... 18

1.2.3 Des facteurs de risque de cancer ... 21

Deuxième partie MATERIEL ET METHODE ... 22

2.1 Les axes de recherche ... 22

2.1.1 La problématique ... 22 2.1.2 Les objectifs ... 22 2.1.3 Les hypothèses ... 22 2.2 L'étude ... 23 2.2.1 La population ... 23 2.2.2 L'outil méthodologique ... 24 2.2.3 Le déroulement de l'étude ... 25

2.2.4 Les modalités d'entretien ... 26

2.2.5 L'analyse des données ... 27

2.3 Une analyse réflexive ... 28

2.3.1 Les forces ... 28

2.3.2 Les limites ... 28

(8)

2.4 Le profil des participantes ... 30

2.4.1 L'âge ... 30

2.4.2 Les caractéristiques socio-professionnelles et démographiques... 30

2.4.3 L'auto-définition ... 31

L'identité de genre ... 32

L'orientation sexuelle ... 32

Troisième partie RESULTATS ET ANALYSE ... 34

3.1 L'absence de discours préventif à l'intention des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes entretient un impensé du corps gynécologique ... 34

3.1.1 La santé sexuelle des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes est un sujet non problématisé par les politiques et les professionnelLEs de santé ... 34

L'homosexualité féminine, oubliée des campagnes de santé publique et des actions en milieu scolaire ... 34

Un parcours de soins et de prévention non formulé par les professionnelLEs de santé ... 36

Le savoir confiné aux espaces engagés et militants ... 39

3.1.2 La consultation gynécologique associée à la contraception et aux risques hétérosexuels ... 42

La norme contraceptive au cœur des représentations et de l'offre de soins ... 42

Le sentiment d'une "immunité sexuelle" ... 44

L'absence de protection des rapports sexuels et d'une pratique intégrée du dépistage ... 46

3.1.3 L'initiation et la continuité des parcours de soin gynécologiques largement déterminées par l'hétérosexualité, la maternité et la pathologie ... 50

L'hétérosexualité prescriptrice de consultation gynécologique ... 50

La maternité comme événement fondateur de la démarche de consultation ... 52

L'alternative des plaintes somatiques et de la découverte d'une pathologie ... 53

3.2 L'invisibilisation des pratiques des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes ... 55

3.2.1 Les difficultés du dévoilement de l'homosexualité ... 55

Le choix de le dire… ... 55

… ou de ne pas le dire ... 57

L'attitude manifestée par le/la professionnelLE ... 58

3.2.2 La sexualité entre femmes méconnue ou non reconnue en tant que telle ... 61

Une "non sexualité" ... 61

La méconnaissance des pratiques sexuelles entre femmes ... 63

La nécessité d'un espace d'écoute autour de la sexualité et du rapport à l'autre ... 65

3.2.3 L'absence de prise en considération de spécificités à l'origine d'une offre de soins parfois inadaptée ... 68

La pilule prescrite dans sa seule dimension contraceptive... 68

(9)

Le manque de dispositions entourant l'examen gynécologique ... 70

3.3 Les trajectoires de soins gynécologiques sont influencées par des facteurs individuels spécifiques ... 72

3.3.1 Des échanges restreints sur le sujet avec l'entourage ... 72

L'absence de prescription familiale à aller consulter dans le cadre de l'homosexualité ... 72

Un sujet peu discuté entre amies ou partenaires ... 72

3.3.2 Un rapport au corps spécifique ... 74

Les seins, des attributs féminins que l'on ne se reconnaît pas ... 74

Une mise en scène sexualisée du corps en gynécologie ... 75

Rapport au corps, rapport à soi : l'importance de l'estime de soi pour prendre soin de son corps ... 77

3.3.3 L'importance particulière du rapport au/à la professionnelLE ... 78

La crainte d'être jugée après une longue période sans consultation ... 78

Se tourner vers unE professionnelLE réputéE "lesbian-friendly" ... 79

S'inscrire dans un suivi gynécologique lorsque l'on trouve "le/la bonNE praticienNE" ... 80

Conclusion... 83

Bibliographie ... 86

(10)

Liste des annexes

Annexe 1 : Guide d'entretien ... 95 Annexe 2 : Texte de présentation de l'étude pour l'appel à participation ... 101 Annexe 3 : Support d'information - Les Klamydia's ... 102

(11)

Acronymes

AMP. Aide médicale à la procréation

CRIPS. Centre régional d’information et de prévention du sida

Enquête ACSF. Enquête « Analyse des comportements sexuels en France » Enquête CSF. Enquête « Contexte de la sexualité en France »

ENVEFF. Enquête nationale sur les violences faites aux femmes FSF. Femme ayant des rapports sexuels avec des femmes

HPV. Human Papilloma virus (papillomavirus humain) HSV. Herpes Simplex virus

INPES. Institut national de prévention et d’éducation pour la santé IST. Infection sexuellement transmissible

LGBTQI. Lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, intersexes OMS. Organisation mondiale de la santé

(12)

Lexique

(Les mots du lexique sont identifiés dans le texte par la présence d’une astérisque *).

Bartholinite. Inflammation des glandes de Bartholin, situées à l’arrière des grandes lèvres et du vagin.

Butch. Selon l’anthropologue américaine Gayle Rubin, la catégorie butch doit être comprise comme une catégorie de genre lesbien, constituée à travers le déploiement et la manipulation des codes et symboles du genre masculin.

Cisgenre. Se dit d’une personne dont l’identité de genre est en accord avec son sexe de naissance.

Coming out. Annonce volontaire d’une orientation sexuelle ou d’une identité de genre à son entourage.

Digue dentaire. Film en latex pouvant être placé sur la vulve ou sur l’anus lors des rapports oro-génitaux ou oro-anaux, afin de réduire le risque de transmission d’infections.

Fem. Désigne des lesbiennes portant des vêtements féminins et optant pour des comportements relatifs au genre social « femme », tout en revendiquant leur désir lesbien.

Hétéronormatif. Terme désignant une conduite (systémique et/ou individuelle) où l’hétérosexualité est le signifié unique des rapports humains. Tout concept est alors abordé, par défaut, selon un point de vue hétérosexuel.

Hétérosexisme. Terme désignant une conduite (systémique et/ou individuelle) considérant l’hétérosexualité comme supérieure et conduisant à considérer les rapports et relations homosexuels comme non légitimes. Elle se base sur les principes essentialistes de la complémentarité homme-femme.

Identité de genre. Décrit, indépendamment du phénotype, le sentiment profond d’une personne d’être un homme ou une femme, ou d’un genre qui ne s’inscrit pas dans cette logique binaire.

(13)

Intersectionnalité. Courant de recherche se concentrant sur l’articulation des inégalités fondées sur le sexe, la classe sociale, la race, l’origine ethnique ou encore l’orientation sexuelle.

Lesbian-friendly. Caractérise le fait d’être bienveillant à l’égard des lesbiennes.

Lesbophobie. Forme de stigmatisation sociale à l’égard des lesbiennes ou des femmes considérées comme telles.

Non binaire. Se dit d’une personne qui ne se sent pas en accord avec les catégories de genre binaire « homme » ou « femme » et préfère une autre identité de genre non binaire.

Nullipare. Se dit d’une femme qui n’a jamais accouché.

Orientation sexuelle. Se réfère au(x) genre(s) par le(s)quel(s) une personne est attirée.

Outing. Désigne l'acte de révéler qu'une personne est homosexuelle sans son accord (la personne est « outée »).

Pansexualité. Orientation sexuelle caractérisant les personnes qui peuvent être attirées, sentimentalement et/ou sexuellement, par une personne (binaire ou non) de n’importe quel sexe ou genre.

Safer sex. Terme regroupant les pratiques de réduction des risques sexuels (risque infectieux notamment).

Trans ou transgenre. Se dit d’une personne dont l’identité de genre n’est pas en accord avec son sexe de naissance.

Queer, mouvement queer. Fait référence à toute idée, pratique, personne ou identité allant à l’encontre des normes structurant le modèle social hétéronormatif.

(14)

Introduction

« La délégation souhaite que le suivi gynécologique des femmes homosexuelles fasse l’objet d’une attention particulière et que les professionnels de santé soient sensibilisés à l’existence d’une sexualité féminine non hétérosexuelle ». C’est en

ces termes que la Délégation aux droits des femmes du Sénat a formulé la vingt-huitième recommandation de son rapport d’information intitulé « Femmes et santé : les enjeux d’aujourd’hui », rendu public en juillet 2015 (1). Dans ce document, le suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes est mis en question, en ce qu’il apparaît comme un « angle mort » de la politique de santé publique.

Les études internationales révèlent que le fait d’être une femme ayant des rapports homosexuels, que l’on soit identifiée comme telle ou supposée hétérosexuelle, est associé à des disparités en termes de suivi gynécologique. Le moindre recours de ces femmes par rapport à la population générale relèverait-il par exemple de difficultés d’accès aux soins, d’une forme de résistance à la médicalisation du corps féminin ou encore du fait de ne pas se sentir concernée au regard des normes sexuelles qui sont définies dans le cadre de la consultation ?

Notre souhait d’explorer les expériences des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes en matière de suivi gynécologique est né de la lecture de l’ouvrage A l’écoute du corps et de la parole des

femmes : la pratique quotidienne d’une gynécologue, de Marie-Annick Rouméas. L’auteure y évoque « des

femmes qui ont été longtemps stigmatisées et souffrent encore souvent d’être considérées comme ‘différentes’ » ; des femmes dont la « sexualité est niée ou fait l’objet de commentaires blessants » ; des femmes à qui l’on dit parfois « qu’on ne voit pas pourquoi elles viennent en consultation de gynécologie » (2). Ces propos sont venus toucher une sensibilité modelée par nos parcours universitaire, professionnel et militant antérieurs. Ils semblaient convoquer dans un même lieu les thématiques des droits humains, de la santé sexuelle et reproductive et des inégalités sociales de santé, sur lesquelles nous nous étions déjà beaucoup impliquée.

Quelle est l’expérience du suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes ? Quel regard portent-elles sur la consultation ? Comment appréhendent-elles le rapport au/à la professionnelLE ?

Nous exposerons dans un premier temps les enjeux sociaux, éthiques et de santé dans lesquels s’inscrit notre sujet. Nous détaillerons dans un second temps la méthodologie de l’étude que nous

(15)

avons menée, fondée sur la réalisation d’entretiens avec des femmes concernées. Les résultats seront ensuite présentés et analysés dans le même temps. Notre écrit s’achèvera, enfin, sur une synthèse des éléments susceptibles de modifier nos pratiques professionnelles.

(16)

Première partie

CONTEXTE

1.1 Gynécologie, santé sexuelle et santé

reproductive : définitions et implications sociales

pour les femmes ayant des rapports sexuels avec

des femmes

1.1.1 Gynécologie, santé sexuelle, santé reproductive

La gynécologie est la discipline médicale qui s’intéresse à l’organisme de la femme et à son appareil génital. Son exercice est rythmé par un temps fort qu’est la consultation, lieu de rencontre entre le praticien et une patiente apportant un ou plusieurs motif(s) ou symptôme(s).

Au-delà des enjeux communs à toute consultation médicale, la consultation en gynécologie présente des spécificités qui font d’elle « un échange d’une extrême complexité » (3). Comme le souligne Michèle Lachowsky, la gynécologie est « une médecine du sexe, de l’amour et de la mort, donc de la vie, de ses ordres et de ses désordres » (3). Composée de trois temps – l’entretien, l’examen clinique et la synthèse – la consultation gynécologique fait passer d’une distance sociale, à une distance personnelle, au contact physique entre le corps de la patiente et les mains du praticien. Le temps de l’interrogatoire fait apparaître en filigrane le sexe et la sexualité, ainsi que le rapport au corps, qu’il soit empreint de peurs, de culpabilités ou de désintérêt. L’examen gynécologique est « un moment délicat de la consultation » (2) : il dévoile le « caché », l’intimité de la femme.

La consultation gynécologique semble être le lieu idéal pour agir favorablement sur la santé sexuelle et reproductive des femmes. La santé sexuelle est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité », qui n’est « pas simplement l'absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité ». Ce concept « exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d'avoir des expériences sexuelles agréables et sûres, sans contrainte, discrimination et violence ». L’organisation postule que pour atteindre et maintenir une bonne santé sexuelle, « les droits sexuels de tous les individus doivent être respectés et protégés » (4). La santé

(17)

reproductive concerne la capacité à se reproduire et la possibilité de décider si on désire le faire, quand et comment.

1.1.2 Particularisation des femmes et invisibilité sociale

des femmes homosexuelles

Alors que les approches populationnelles en santé sexuelle peinent à émerger concernant les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes (5), il apparaît que la dissociation totale entre « santé sexuelle » et « santé reproductive », fondement d’une possibilité d’existence des droits sexuels, n’est pas tout à fait opérée (6). La conception de la vie sexuelle des femmes reste largement ancrée dans la vie reproductive et les combats historiques menés pour garantir la maîtrise de la fertilité (contraception, avortement) ont renforcé la médicalisation du corps féminin et l’assignation à la fonction de procréation (7). De cette « particularisation des femmes » (8), il résulte pour les femmes ayant des rapports homosexuels un phénomène d’invisibilisation qui contraste avec la visibilité des hommes gays qui ont fait l’objet d’investigations sans cesse renouvelées et d’actions de prévention prioritaires, dans un contexte marqué par l’épidémie de VIH/sida (9). La légitimité politique et sociale conférée à l’étude de la sexualité n’a pas bénéficié aux femmes lesbiennes.

Cette invisibilité, pensée dans une approche intersectionnelle* de la sexualité, est expliquée en ce que les lesbiennes appartiennent au groupe social des femmes et en ce qu’elles dévient de la norme sexuelle. Elles se situeraient donc au croisement des effets dus au sexe (groupe social des hommes

versus groupe social des femmes) et des effets dus à la sexualité (expérience sexuelle, institution

hétérosexuelle et identité sexuelle) (10). Comme le souligne Anne Revillard, l’invisibilité lesbienne « traduit dans une large mesure un impensé social : dans un contexte de domination masculine, une jouissance indépendante du principe masculin est socialement impensable » (11).

1.1.3 Accès aux soins et orientation sexuelle

Les femmes lesbiennes sont exposées à des risques accrus d’atteinte à leur santé : troubles dépressifs, addictions, surpoids, violences... (7). Pourtant, elles retardent souvent leur accès aux soins et se déclarent moins satisfaites des soins reçus que les personnes hétérosexuelles cisgenres* (12). Ainsi, les femmes lesbiennes et bisexuelles sont 38% à déclarer avoir rencontré des problèmes d’accès aux soins en raison de leur orientation sexuelle* (13). Les articles de presse récemment publiés

(18)

illustrent le parcours souvent chaotique de cette population au sein du système de soins français (14– 17).

Le réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) a mis en évidence les différentes barrières rencontrées par les lesbiennes dans l’accès aux services sociaux et de santé (18) :

- les discriminations hétérosexistes* et homophobes constatables à travers la présomption d’hétérosexualité et, lorsque l’homophobie est connue, les discriminations et préjugés subis dans l’accès à la maternité et plus globalement tout ce qui concerne la conception de la famille et des rôles socio-sexuels ;

- l’ignorance et le manque de compétences des professionnelLEs s’agissant des sexualités des lesbiennes, lors des examens gynécologiques et dans les services d’aide en santé mentale ;

- la lesbophobie* et l’hétérosexisme* intériorisés (stress du coming out *et discriminations anticipées, difficultés à s’émanciper de la conception hétérosexiste de la famille et des rôles socio-sexuels, etc.) ;

- la pauvreté (en tant que femmes, rencontrant une insertion différenciée sur le marché du travail notamment) ;

- l’isolement et l’invisibilité sociale.

L’association SOS Homophobie a mené en 2013 une enquête auprès de femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes afin de savoir si elles avaient été confrontées à de la lesbophobie au cours des deux dernières années, et d’établir la visibilité qu’elles accordaient à leur orientation sexuelle* (19). 7 126 femmes ont répondu au questionnaire mis en ligne sur le site de l’association. Le secteur de la santé représente 2% des témoignages de lesbophobie avec 80 cas rapportés. Le nombre de femmes avec enfant(s) est apparu plus important qu’en moyenne : de 13% pour l’ensemble des répondantes, ce taux est passé à 19% pour celles ayant vécu de la lesbophobie dans le milieu de la santé. Les difficultés pour avoir un enfant lorsqu’on est lesbienne (multiples démarches médicales en France et à l’étranger) ainsi que les coming out répétés au cours du suivi de grossesse pourraient expliquer ce résultat. La lesbophobie dans le milieu médical se manifeste principalement sous la forme d’incompréhension (61% des cas contre 38% pour l’ensemble des actes lesbophobes) voire de rejet de l’orientation sexuelle* de la patiente (la moitié des cas contre 36% pour l’ensemble). L’une des spécificités est qu’elle émane le plus souvent d’une femme (64% des cas contre 18% dans l’ensemble des répondantes) ; c’est le seul contexte où les femmes sont responsables de plus de la moitié des actes. Le/la gynécologue arrive en tête des praticienNEs incriminéEs avec 39% des cas, suivi par le personnel des structures hospitalières (29%) et le/la psy (10%). D’autres témoignages à propos de

(19)

consultations gynécologiques malheureuses sont régulièrement publiés sur internet (site Yagg1, fil

Twitter #PayeTonUtérus2, page Facebook « Paye ton gynéco »3).

Les études sur l’interaction soignantE/soignée pour les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes sont quasi inexistantes en France. Plusieurs études internationales ont montré que lorsque le médecin est informé de l’orientation sexuelle* de sa patiente, cela peut avoir des impacts positifs sur le recours aux soins. Une étude canadienne a ainsi montré que le fait d’interroger l’orientation sexuelle de la patiente et d’adopter une attitude positive vis-à-vis de celle-ci est associé à un coming out* plus important. Le dévoilement de l’orientation sexuelle est lui-même associé à une utilisation plus fréquente des services de santé (20). Dans l’étude de Mosack, les femmes lesbiennes, bisexuelles ou queer* américaines rapportant que leur médecin était informé de leur orientation sexuelle étaient plus satisfaites et plus à l’aise pour parler de santé sexuelle avec lui, comparativement à celles dont le médecin ignorait l’orientation sexuelle (21). Tracy a montré que les lesbiennes américaines dont le/la gynécologue est au courant de l’orientation sexuelle sont plus de deux fois plus nombreuses à faire régulièrement des frottis que celles dont le gynécologue ignore l’orientation (22).

1.2 Consulter en gynécologie pour les femmes ayant

des rapports sexuels avec des femmes : quel

recours aux soins et quels enjeux de santé ?

Les femmes qui ont des rapports sexuels avec d’autres femmes présentent des vulnérabilités en matière de santé sexuelle et reproductive qui se posent avec d’autant plus d’acuité que leur accès aux soins gynécologiques est moins effectif que les autres femmes.

1.2.1 Un moindre recours à la consultation gynécologique

et au frottis cervico-utérin

Il apparaît dans les études relatives au suivi gynécologique et à la réalisation du frottis cervico-utérin que les femmes qui n’ont jamais eu de rapports avec des hommes sont moins susceptibles d’avoir déjà reçu un examen pelvien, ont eu leur premier frottis à un âge plus avancé et ont été suivies de façon moins régulière que celles qui ont eu des rapports avec des hommes, après ajustement de

1 « Témoignages : ces choses qui coincent quand des lesbiennes voient un.e gynécologue », novembre 2014. Consultable

à l’adresse suivante : https://yagg.com/2014/11/11/temoignages-ces-choses-qui-coincent-quand-des-lesbiennes-voient-un-e-gynecologue/

(20)

différents facteurs sociaux économiques (7). Les données de l’enquête « Contexte de la sexualité en France » (CSF) montrent que 8% des femmes n’ayant eu que des partenaires féminines durant les 12 derniers mois n’ont jamais eu recours à des soins gynécologiques alors que ce pourcentage est d’environ 1% chez les femmes ayant eu des partenaires hommes ou des deux sexes (23). Dans l’Enquête Presse Gays et Lesbiennes (EPGL) réalisée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) en 2011, les femmes n’ayant eu des rapports qu’avec des femmes dans les 12 derniers mois étaient 50% à avoir eu un frottis de dépistage dans les trois dernières années (24). Celles ayant eu des rapports avec des femmes et des hommes étaient 60% et celles n’ayant eu que des partenaires hommes étaient 65%. Ces données sont proches des résultats d’une enquête menée aux États-Unis, selon lesquels le recours à un frottis dans les 12 derniers mois était de 68,5% chez les femmes s’identifiant comme hétérosexuelles, de 64,5% chez celles s’identifiant comme bisexuelles et de seulement 43,3% chez celles s’identifiant comme lesbiennes. Les différences persistaient après ajustement de différents facteurs économiques (25).

Plusieurs facteurs ont été identifiés pour expliquer le plus faible recours au frottis des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes : le fait d’avoir moins recours à la contraception et aux services de santé sexuelle, de se sentir moins concernées par le cancer du col de l’utérus, de ne pas connaître les recommandations à ce sujet et d’avoir peur d’être discriminées ou de dévoiler leur orientation sexuelle* (25–28). Plusieurs femmes lesbiennes ont rapporté que des professionnels de santé leur avaient indiqué que la réalisation du frottis n’était pas forcément nécessaire du fait de leur orientation sexuelle (29). Lorsque le médecin généraliste recommande de faire le frottis, cela semble agir favorablement sur la réalisation de celui-ci (22).

1.2.2 Une incidence plus élevée des infections

sexuellement transmissibles

Il est établi que le papillomavirus humain (HPV), qui se transmet sexuellement entre hommes et femmes, reste le plus souvent à l’état latent dans l’organisme avant de se répliquer et d’entrainer des dysplasies du col de l’utérus (30). Or, on sait que la majorité des femmes lesbiennes (53-99%) ont eu au moins un partenaire masculin au cours de leur vie, le plus souvent au début de leur vie sexuelle, et qu’un certain nombre (6-30%) continue à en avoir, occasionnellement ou de façon régulière (23,31– 34). Il est donc essentiel de réaliser le dépistage du cancer du col de l’utérus par le biais d’un frottis chez toutes les femmes, indépendamment de leur orientation sexuelle*. En outre, les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes présentent des facteurs de risque reconnus dans l’acquisition et la persistance de l’infection par le papillomavirus : elles ont en moyenne leur premier rapport sexuel à

(21)

un âge plus précoce que les femmes hétérosexuelles – 17,3 ans versus 18,6 ans (23), un plus grand nombre de partenaires sexuels au cours de leur vie – en moyenne 14 partenaires masculins versus 4 pour les femmes hétérosexuelles (23) et une pratique tabagique plus fréquente (35–37). Le moindre recours au dépistage par frottis augmente également leur susceptibilité de développer un cancer du col de l’utérus (25,26,38–40). Une méta-analyse récente montre un taux de cancer du col de l’utérus plus élevé chez les femmes bisexuelles que chez les femmes hétérosexuelles (41). Par ailleurs, le papillomavirus humain peut se transmettre sexuellement entre femmes. Une étude a ainsi montré la présence de HPV chez 6% de femmes qui n’avaient eu que des partenaires féminines (42). D’autres auteurs ont également montré la présence de lésions pré-cancéreuses du col de l’utérus dans cette population (43,44).

Le fait que les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes entrent généralement plus tôt dans la vie sexuelle et qu’elles aient plus de partenaires sexuels, y compris masculins, que les autres femmes (34) accroit leur susceptibilité de contracter d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) que le HPV. Ainsi, les données de l’Enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF) révèlent que la fréquence d’IST au cours de la vie était significativement plus élevée pour les femmes ayant eu des rapports homosexuels (25% versus 9% pour les femmes exclusivement hétérosexuelles) (34). De même, dans l’enquête CSF, les femmes déclarant des pratiques homosexuelles étaient 12% versus 3% pour les femmes hétérosexuelles, à rapporter avoir eu une infection sexuellement transmissible dans les cinq dernières années (23).

Une méta-analyse récente révèle un taux de grossesse plus important chez les adolescentes lesbiennes et bisexuelles que chez les adolescentes hétérosexuelles, alors qu’en population générale, le taux est moindre chez les femmes lesbiennes et bisexuelles que chez les femmes hétérosexuelles. Les hypothèses explicatives formulées sont le fait d’avoir une vie sexuelle plus active, des rapports sexuels forcés ou non protégés plus fréquents ou le souhait d’expérimenter des relations hétérosexuelles pour se convaincre de son hétérosexualité (45). Dans ce contexte, le risque de contracter une infection sexuellement transmissible est augmenté.

En ce qui concerne le VIH, il est important de distinguer la transmission sexuelle du VIH entre femmes de la prévalence du virus au sein de la population lesbienne. En effet, si le risque de transmission du VIH entre partenaires féminines est faible, avec quelques cas seulement rapportés dans la littérature (notamment lors d’usage partagé de sextoys, de contacts avec le sang menstruel ou de rapports provoquant de petits saignements) (46), les modes de vie des femmes lesbiennes, leurs pratiques dans l’usage de drogues, dans leurs rapports hétérosexuels, plus divers et souvent moins bien protégés, augmentent leur risque de contamination (47).

(22)

Le souci principal qu’occasionne l’impasse faite sur le rapport des lesbiennes au VIH/sida dans les discours de prévention résiderait en fait dans ses répercussions négatives sur la perception (par cette population et par les professionnels de santé) de l’exposition à d’autres IST (48). En effet, outre la possible transmission par le biais de rapports hétérosexuels, des IST communes telles les infections au virus de l’herpès (HSV) ou au tréponème pâle (agent causal de la syphilis) peuvent se transmettre par simple contact entre les muqueuses – et donc intervenir dans le cadre de relations sexuelles entre femmes (7).

Une recherche menée aux États-Unis montre que les FSF sont plus contaminées que les femmes hétérosexuelles par le HSV-1 (responsable le plus souvent d’herpès labial et, dans 10% des cas, d’herpès génital) et que le taux de prévalence augmenterait avec le nombre de partenaires féminines (49). Cela permet de formuler l’hypothèse que les pratiques sexuelles oro-génitales, fréquentes chez les FSF, augmenteraient le risque de contamination génitale par le HSV-1. Par ailleurs, une FSF sur dix dans l’étude était infectée par le HSV-2 (responsable dans 90% des cas d’herpès génital) et la plupart d’entre elles ne le savaient pas (n’avaient pas vécu d’épisode d’herpès génital).

La transmission de syphilis (50), de Trichomonas vaginalis (51) et de Chlamydia Trachomatis (52) a été rapportée chez des femmes n’ayant jamais eu de partenaires masculins. L’incertitude concernant le taux de prévalence de la chlamydiose chez les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes, estimée entre 3 et 5%, est problématique compte tenu des conséquences graves que cette infection, majoritairement asymptomatique, peut entraîner (syndrome d’inflammation pelvienne, algie pelvienne chronique ou encore infertilité tubaire) (7). Ainsi, la U.S Preventive Services Task Force (USPSTF) et les

Centers for Disease Control and Prevention (CDC) recommandent que toutes les femmes de moins de 25

ans soient dépistées chaque année pour le Chlamydia et le Gonocoque, quelle que soit leur orientation sexuelle* (53–55).

Par ailleurs, les vaginoses bactériennes (Gardnerella Vaginalis) semblent plus fréquentes chez les femmes n’ayant des rapports sexuels qu’avec des femmes et leur risque pourrait être augmenté du fait de ces rapports (56). Les échanges de sécrétions vaginales lors de frottements mutuels du clitoris, le partage d’objets sexuels et les contacts oro-génitaux pourraient être à l’origine de ces infections (51), qui ne sont pas considérées comme des infections sexuellement transmissibles.

En dépit de cette exposition aux infections sexuellement transmissibles, la croyance d’une absence de risques lors des rapports sexuels entre femmes est largement partagée (57). Les pratiques de réduction des risques sexuels (safer sex*), comme l’usage de la digue dentaire* (film en latex qui se pose sur la vulve ou sur l’anus lors des rapports oro-génitaux ou oro-anaux), du préservatif sur les objets sexuels ou de gants en latex ou en vinyle pour la pénétration digitale ou manuelle sont peu connues, et lorsqu’elles sont connues, sont très peu utilisées entre femmes (58,59).

(23)

1.2.3 Des facteurs de risque de cancer

Il est possible que les femmes lesbiennes ou bisexuelles soient plus exposées au cancer du sein et au cancer de l’endomètre (60,61). Toutefois, les données actuelles restent insuffisantes. Plusieurs études montrent cependant qu’elles sont plus exposées à certains facteurs de risque de cancer. Elles sont par exemple moins susceptibles de prendre une contraception orale (cancer de l’ovaire) et sont plus fréquemment nullipares* (cancers de l’ovaire, du sein et de l’endomètre), donc moins susceptibles d’allaiter (cancer du sein), que les hétérosexuelles. En outre, elles sont plus souvent fumeuses, consomment plus d’alcool et sont plus souvent en surpoids (62–65).

En ce qui concerne les autres affections gynécologiques telles que le syndrome des ovaires polykystiques, l’endométriose et les fibromes, il n’est pas retrouvé de différences significatives entre les FSF et les femmes hétérosexuelles (41).

Il existe donc des facteurs de risque sur le plan gynécologique chez les femmes engagées dans des rapports sexuels avec des femmes, qui sont liés à la fois aux biographies individuelles (entrée précoce dans la sexualité, nombre important de partenaires, y compris masculins, expérience plus grande des violences) et à des comportements de santé notables tels que l’absence de suivi préventif régulier, le fait de se penser non à risque dans les rapports homosexuels et le manque de pratiques de safer sex*.

Dans un cadre historiquement construit autour de l’hétérosexualité et de la centralité des enjeux reproductifs, comment la consultation gynécologique s’inscrit-elle dans le parcours de santé des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes ? Quelles expériences en retirent-elles ?

(24)

Deuxième partie

MATERIEL ET METHODE

2.1 Les axes de recherche

La revue de la littérature nous a permis de définir le cadre de notre recherche.

2.1.1 La problématique

Notre problématique est la suivante : comment l’expérience de la consultation gynécologique structure-t-elle les parcours de santé sexuelle et reproductive des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes ?

2.1.2 Les objectifs

A travers notre recherche, nous souhaitons :

- comprendre comment les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes négocient la normativité associée à la consultation gynécologique ;

- analyser les effets des politiques de santé sexuelle et reproductive sur une autre catégorie de femmes que celles appartenant à la catégorie dominante ;

- analyser le rôle des trajectoires individuelles, affectives et sexuelles, dans l’expérience du suivi gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes.

2.1.3 Les hypothèses

Nous avons formulé les hypothèses suivantes :

- L’hétéronormativité* de la consultation gynécologique induit une invisibilisation des pratiques des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes.

- L’absence de discours institutionnel et médical sur la santé génésique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes contribue à les laisser dans un impensé du corps

gynécologique.

- Les trajectoires de soins en matière de santé sexuelle et reproductive sont largement déterminées par des facteurs individuels.

(25)

2.2 L'étude

Afin de répondre au mieux à nos axes de recherche, nous avons choisi de mener une étude qualitative par le biais d’entretiens semi-directifs. Il nous a semblé que ce type d’étude serait le plus pertinent pour saisir les schémas de pensée et les mécanismes d’action à l’œuvre dans les trajectoires de santé gynécologique des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes.

2.2.1 La population

Dans l’enquête « Contexte de la sexualité en France » (CSF) menée en 2006 par Nathalie Bajos et Michel Bozon auprès d’un échantillon de 6 824 femmes âgées de 18 à 69 ans, 4% des femmes qui ont eu des rapports sexuels ont déclaré avoir déjà eu des pratiques sexuelles avec une partenaire du même sexe au cours de leur vie (6% dans l’agglomération parisienne) et 1% au cours des 12 derniers mois (23). Ces chiffres témoignent d’une nette augmentation par rapport à l’enquête « Analyse des comportements sexuels en France » (ACSF) menée au début des années 1990. De la même façon qu’une sous-déclaration sur des sujets comme la masturbation féminine et le nombre de partenaires sexuels est retrouvée par les chercheurs et reconnue par les femmes, les chiffres établis reflètent probablement une situation sous-estimée par rapport à la réalité (66). Seuls 0,1% des femmes ayant eu des rapports sexuels n’ont eu au cours de leur vie que des pratiques sexuelles avec des femmes (23).

La comparabilité des études relatives à la santé et à l’orientation sexuelle* est rendue difficile par la variabilité des critères d’inclusion. Des recherches retiennent des critères identitaires (par exemple, le fait de s’identifier comme lesbienne) tandis que d’autres se concentrent, plus souvent, sur les comportements sexuels (le fait d’avoir des rapports sexuels avec une ou plusieurs femme(s)).

Attirances, comportements et identité s’entremêlent et dessinent un paysage plus complexe qu’il n’y paraît. Ainsi, la majorité des femmes s’identifiant comme lesbiennes ont eu des rapports sexuels avec des hommes et un certain nombre continue d’en avoir. Parallèlement, les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes peuvent ne pas s’identifier comme lesbiennes mais comme hétérosexuelles ou bisexuelles, voire ne se reconnaître dans aucune de ces catégories. Le critère d’auto-identification est fondamental pour appréhender l’expérience subjective des personnes concernées ; il peut également avoir une importance décisive sur la santé (dans l’expérience des discriminations ou le degré d’auto-acceptation de l’orientation sexuelle* par exemple) (7). Afin d’appréhender la richesse de la complexité décrite ci-dessus et pour ne pas limiter notre analyse à la

(26)

définition des identités, nous avons choisi de retenir comme critère d’inclusion le fait d’avoir (eu) des rapports sexuels avec une ou plusieurs femme(s), indépendamment de l’identité.

La définition du « rapport sexuel » elle-même ne va pas de soi. L’acception réductrice de l’expression, l’assimilant au seul coït hétérosexuel, est évidemment écartée. Ce serait concourir à (et être le reflet de) l’invisibilité et la méconnaissance des sexualités lesbiennes (67).

Notre étude concerne les femmes cisgenres*, c’est-à-dire celles qui ont été assignées au sexe féminin à la naissance. L’expérience en matière de suivi gynécologique des femmes transgenres*, c’est-à-dire des femmes qui ont été assignées au sexe masculin à la naissance, et des hommes transgenres* ayant gardé tout ou partie de leurs organes génitaux féminins natifs4, est très spécifique

et mériterait de faire l’objet d’une étude séparée. Nos critères d’inclusion ont donc été les suivants :

- femme cisgenre ;

- ayant eu des rapports sexuels avec une femme au cours de sa vie. Il n’a pas été fixé de critère de résidence.

Notre seul critère d’exclusion a concerné les femmes ne parlant pas français, pour une question de faisabilité.

2.2.2 L'outil méthodologique

Nous avons élaboré un guide d’entretien destiné à interroger les variables intéressant notre recherche. La revue de la littérature que nous avons réalisée dans le but de définir notre sujet a éclairé notre réflexion et nous avons finalement retenu les thèmes et sous-thèmes suivants :

• Expérience du suivi gynécologique

o Connaissance des modalités et des recommandations de suivi gynécologique o Expérience personnelle du suivi. Pour chaque consultation réalisée :

- Déterminants de la consultation

4 Femme transgenre : réfère à une personne qui s’identifie comme femme (ou sur un spectre féminin) alors qu’elle a été

assignée au genre masculin à la naissance.

Homme transgenre : réfère à une personne qui s’identifie comme homme (ou sur un spectre masculin) alors qu’elle a été assignée au genre féminin à la naissance.

(27)

- Relation avec le/la professionnelLE de santé - Dévoilement de l’orientation sexuelle

- Prise en compte de l’orientation sexuelle lors de la consultation - Vécu de l’expérience de consultation

• Représentations de soi

o Identification en tant que femme et rapport au corps (de femme) o Orientation sexuelle : attirances, comportements, identité(s) o Affirmation de l’orientation sexuelle vis-à-vis du reste du monde • Représentations de la santé

o Comportements généraux de santé o Perception de la santé gynécologique • Données socio-démographiques

Le guide d’entretien a été testé auprès d’une femme de notre entourage répondant aux critères d’inclusion (68). Cet entretien n’a pas été inclus dans l’analyse des données. L’enquêtée a souligné le caractère intime des questions posées, peut-être moins simple à appréhender pour elle du fait que nous nous connaissions. Les femmes issues du recrutement par le réseau personnel que nous avons interrogées par la suite, n’avaient pas de liens de proximité avec l’enquêtrice (nous ne nous étions jamais rencontrées). Une femme issue du recrutement par le biais des réseaux sociaux était connue mais nous nous étions rencontrées quelque fois seulement.

A l’issue de l’entretien-test, le guide d’entretien (annexe 1) a été validé sans modification majeure.

2.2.3 Le déroulement de l'étude

Le recueil des données s’est étendu sur une période de trois mois et demi allant du 2 octobre 2017 au 18 janvier 2018. Toutefois, la quasi-totalité des entretiens ont été menés sur les mois d’octobre et novembre 2017.

Pour guider notre recueil, nous avons élaboré un tableau de bord compilant au fur et à mesure du recrutement l’identité et l’âge des participantes ainsi que la date, l’horaire et modalités de l’entretien. Une case « observations » était destinée à recueillir de manière succincte notre appréciation générale de l’entretien à l’issue de celui-ci. Nous y avons annoté, pour chaque femme, l’existence ou non d’un

(28)

suivi gynécologique, les principaux motifs de consultation, les discontinuités et les ruptures du parcours s’il y en avait.

Nous avons effectué notre recrutement par le biais d’un appel à participation sur le réseau social Facebook, sur la liste de diffusion féministe Efigies et en direction des associations impliquant des lesbiennes et bisexuelles. Le réseau personnel a également été sollicité pour diffuser l’information. Nous avions pris le soin de rédiger un texte de présentation de l’étude : ses objectifs, la population concernée et ses modalités (annexe 2).

Le recrutement s’est décliné en deux phases. Un premier appel à participation a été lancé le 1er

octobre par le biais de Facebook, de la liste de diffusion Efigies et du réseau personnel ; il a permis d’organiser la tenue de 19 entretiens. Un deuxième appel à participation, orienté vers le réseau associatif, a été lancé en décembre.

Les canaux de recrutement ayant fonctionné ont été : - le réseau personnel (bouche-à-oreille) ;

- le réseau social Facebook ; - la liste de diffusion Effigies ; - l’association SOS Homophobie ; - l’association FièrEs ;

- la page Facebook du collectif Gyn&Co.

Nous n’avons pas eu de réponse aux mails (mail initial + une relance) que nous avions adressés à trois autres associations. Deux associations nous ont contactée à des fins de partage et de diffusion des résultats de cette recherche.

Au total, nous avons réalisé 26 entretiens, d’une durée moyenne d’une heure. La diversité et la richesse des parcours dévoilés nous ont amenée à réaliser davantage d’entretiens que ce nous avions initialement prévu (entre 15 et 20), afin d’obtenir l’effet de saturation souhaité.

2.2.4 Les modalités d'entretien

La veille ou le jour programmé de l’entretien, nous avons envoyé un rappel par SMS aux femmes ayant accepté de participer à l’étude.

Les entretiens se sont déroulés en face à face pour 6 femmes (dans un café de leur choix ou à leur domicile pour deux femmes du réseau personnel), par téléphone pour 13 femmes et via Messenger

(29)

pour 7 femmes (notamment celles résidant en Belgique). Les modalités d’entretien ont été laissées au choix des femmes.

Pour les couples de femmes, nous avons souhaité réaliser les entretiens de manière séparée et d’affilée, afin que les réponses de l’une n’influencent pas les réponses de l’autre. Pour un couple sur les trois rencontrés, les entretiens individuels ont été réalisés à trois jours d’intervalle.

Au début de chaque entretien, nous avons rappelé le cadre de notre étude, assuré la femme de la confidentialité des échanges et du respect de l’anonymat dans la présentation des résultats. Nous lui avons également précisé qu’elle avait la possibilité de ne pas répondre à des questions si elle les jugeait gênantes ; cela ne s’est jamais produit au cours des entretiens.

Nous avons également recueilli le consentement oral pour l’enregistrement audio de l’entretien à des fins de retranscription. Aucune réticence n’a été exprimée.

A la fin de l’entretien, nous avons demandé si la femme interrogée avait des remarques complémentaires sur les thèmes abordés ou si des points lui paraissant importants pour notre sujet n’avaient pas été abordés.

Toutes les participantes ont accepté notre proposition d’envoi du mémoire finalisé ; leurs coordonnées mail ont été recueillies à cet effet.

2.2.5 L'analyse des données

Nous avons intégralement retranscrit les 26 entretiens réalisés.

Nous avons ensuite procédé à une analyse qualitative par thèmes (analyse verticale) et par parcours gynécologique (analyse horizontale). Un tableau synoptique présentant les éléments de réponse pour chaque participante a facilité l’analyse des concordances et des discordances retrouvées dans les expériences.

Nous nous sommes ensuite attachée à penser une présentation problématisée de nos résultats, traversant l’ensemble de nos axes de recherche.

(30)

2.3 Une analyse réflexive

2.3.1 Les forces

La principale force de notre étude est incontestablement l’originalité qu’elle présente en se penchant sur le suivi gynécologique d’une catégorie de femmes dont on parle peu, dans les études de femme comme dans l’exercice professionnel ou la recherche universitaire. Une étudiante sage-femme de l’école de Poissy avait réalisé en 2015 une étude sur le point de vue des gynécologues concernant la consultation des femmes lesbiennes, dans une perspective d’amélioration des pratiques professionnelles (69). Notre recherche s’inscrit en complémentarité de ce travail, en s’attachant à appréhender le vécu des femmes concernées. Nous espérons que ces réalisations seront susceptibles d’amorcer la réflexion, parmi les sages-femmes et au-delà, voire de modifier les pratiques.

Une autre force de notre étude est l’importance de notre échantillon (26 enquêtées) dans le cadre de la réalisation d’un mémoire qualitatif d’étudiante sage-femme. Cet échantillon est composé de femmes d’âges différents et aux trajectoires variées. En choisissant de ne pas nous limiter à la narration des consultations gynécologiques mais plutôt d’appréhender les personnes dans leur globalité et leur complexité, nous avons recueilli un matériau extrêmement riche. La présentation des résultats rend compte de cette richesse par l’insert de nombreux verbatims.

2.3.2 Les limites

Les limites de notre étude sont les biais classiquement retrouvés.

Le premier est celui de sélection, puisque le recrutement s’est appuyé sur le volontariat des personnes. Nous pouvons faire l’hypothèse que les femmes qui ont souhaité participer sont celles qui se sont senties le plus concernées par le sujet ou qui nourrissent un rapport particulier au suivi gynécologique. Toutefois, le recrutement par le réseau personnel, qui sollicite d’emblée chez la personne moins l’envie de participer que le souhait de répondre favorablement à l’appel d’une connaissance, a contribué à limiter ce biais. En outre, les femmes qui ont eu accès à l’information concernant notre étude sont celles qui sont insérées dans un réseau de sociabilité.

Le second biais identifié est celui de mémorisation. Nous avons largement mobilisé les souvenirs des femmes interrogées pour retracer leur parcours en gynécologie. Des éléments ont pu être oubliés ; d’autres ont pu au contraire être exacerbés.

(31)

Le dernier biais, enfin, pourrait être celui d’interprétation. Il y a toujours la possibilité de se méprendre sur l’intention ou le vécu des personnes enquêtées.

2.3.3 La place d'enquêtrice

Notre objet d’étude aborde largement les questions de sexualité, de perception de soi et de rapport aux autres. Si nous nous sentions à l’aise pour aborder ces sujets intimes, nous avions à cœur de mettre en confiance les femmes interrogées afin de recueillir la parole la plus libre possible et de ne pas créer de malaise. L’équilibre est subtil : entrer dans l’intimité mais maintenir une certaine distance ; permettre la liberté de l’échange mais garder en tête les objectifs de recherche.

Parler de leur sexualité, de leur identité ou de la relation avec leur gynécologue, sage-femme ou médecin généraliste n’a pas constitué pour les participantes une gêne lors de l’entretien. La production de parole s’est avérée particulièrement riche, au téléphone comme en face-à-face. La capacité à créer les conditions d’un dialogue bienveillant semble avoir été atteinte. Alors que nous redoutions la brièveté des entretiens réalisés par téléphone, ce dispositif a peut-être été, paradoxalement, rassurant pour les participantes (70). Plusieurs femmes ont exprimé le plaisir qu’elles avaient eu à parler de choses sur lesquelles elles n’avaient jamais pris le temps de poser un regard réflexif. Les entretiens ont souvent pris l’allure d’une discussion ouverte, abordant des aspects variés de l’histoire personnelle (les relations amoureuses, le coming out*, la perception de sa santé, etc.) et des sujets sensibles (la sexualité, la relation aux parents, etc.). La durée des entretiens et le fait de commencer par une narration relativement factuelle du suivi gynécologique, avant d’aborder les représentations de soi et les représentations de la santé, ont probablement permis d’instaurer un climat de confiance. De la même façon, le fait d’être une femme et le statut d’étudiante sage-femme ont sans doute favorisé le recueil de données.

La facilité à recruter des femmes pour notre étude est certainement le reflet d’un désir de se raconter ou de produire une parole sur le sujet. Comme l’a remarqué une participante : « En France, il

y a tellement peu de représentation, de pensée, de réflexion sur les sujets de lesbiennes, qu’à partir du moment où tu commences à faire des choses sur le sujet… » (3).

(32)

2.4 Le profil des participantes

2.4.1 L'âge

Les participantes de notre étude sont âgées de 21 à 59 ans.

17 femmes ont moins de 35 ans et 9 femmes ont plus de 35 ans, réparties ainsi : - entre 21 et 29 ans : 13 femmes ;

- entre 30 et 39 ans : 5 femmes ; - entre 40 et 49 ans : 4 femmes ; - entre 50 et 59 ans : 4 femmes.

2.4.2 Les caractéristiques socio-professionnelles et

démographiques

Le niveau d’études des participantes est globalement élevé : 9 femmes ont un diplôme de niveau Bac+3, 10 femmes ont un diplôme de niveau Bac+5 tandis qu’une femme a un niveau Bac et une femme est sans qualification.

Ces femmes sont toutes en emploi (17) ou en formation (8), exceptée une participante qui projette une reconversion professionnelle.

Elles occupent toutes un logement stable : 12 femmes louent un appartement ou une maison dans le parc privé et une femme dans le parc social ; 8 femmes sont propriétaires d’un appartement ou d’une maison ; une femme occupe un logement universitaire et 4 femmes vivent chez un membre de leur famille.

Elles résident très majoritairement en milieu urbanisé (23 femmes sur 26), notamment des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Strasbourg). Trois femmes vivent en milieu rural.

Dans notre échantillon, six femmes résident en Belgique : deux Françaises pour des raisons professionnelles, un couple de femmes française et allemande et un couple de femmes belge et belgo-espagnole.

Elles bénéficient toutes d’une couverture maladie ; quatre n’ont pas de complémentaire santé (mutuelle).

(33)

Sur 26 participantes, 21 ont déclaré être en couple et 5 être célibataires.

12 femmes sont en couple cohabitant tandis que 9 femmes sont en couple non cohabitant.

Cinq femmes sont mariées – les deux couples résidant en Belgique ainsi qu’une une femme résidant en France.

Deux femmes sont PACSées.

Deux femmes sont divorcées d’un homme et une femme a dissout un PACS conclu avec une femme.

Neuf femmes ont un ou deux enfant(s). Pour cinq d’entre elles, l’enfant ou les enfants est/sont issu(s) de l’union avec un homme ; pour quatre d’entre elles (les deux couples de femmes résidant en Belgique) il(s) est/sont issu(s) de l’union avec une femme.

Le profil de ces femmes est semblable à celui des femmes ayant déclaré des rapports homosexuels dans l’Enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF). En effet, celles-ci habitaient plus souvent que les autre femmes dans les grandes agglomérations et notamment la région parisienne. Elles avaient plus fréquemment un niveau d’études élevé et exerçaient une profession de cadre, supérieur ou moyen. En revanche, leur statut d’emploi n’était pas différent de celui des autres femmes. Elles étaient plus souvent célibataires (union non officialisée) et en couple non cohabitant.

Cette surreprésentation des femmes qui ont eu des rapports homosexuels dans la catégorie des urbaines les plus diplômées, moins inscrites dans les institutions sociales de l’hétérosexualité (mariage et maternité), est expliquée par Brigitte Lhomond comme un effet d’un environnement moins contraignant qui autoriserait plus facilement les relations homosexuelles. Les pratiques homosexuelles entraîneraient des choix de vie où les pressions sociales et normatives sont moins fortes. Elle émet l’hypothèse que les pratiques minoritaires sont plus dicibles quand la position est plus élevée dans l’échelle sociale (34).

Ces résultats sont également proches de ceux d’enquêtes sur les comportement sexuels ou la santé, menées en Europe et aux États-Unis, en particulier en ce qui concerne les différences selon le lieu de résidence, le niveau d’études et le fait d’être célibataire (71–74).

2.4.3 L'auto-définition

L’identité de genre* et l’orientation sexuelle* sont deux concepts connexes mais néanmoins distincts. L’identité de genre décrit, indépendamment du phénotype, le sentiment profond d’une personne d’être un homme ou une femme, ou d’un genre qui ne s’inscrit pas dans cette logique

(34)

binaire*. L’orientation sexuelle se réfère quant à elle au(x) genre(s) par le(s)quel(s) une personne est attirée (12).

Anne Revillard a mis à jour deux axes essentiels intervenant dans la définition personnelle de l’identité de lesbienne. Le premier axe (le plus structurant) correspond à la dichotomie nature/choix. L’homosexualité est décrite soit comme une condition subie – et donc pensée comme naturelle (on n’y peut rien !) – soit comme le résultat d’un choix – et c’est en particulier dans certains milieux féministes que le lesbianisme a été valorisé comme choix. Le second axe correspond à la question de savoir si le lesbianisme est d’abord pensé en termes de sexualité ou en termes d’identité de genre*. On peut se dire lesbienne sans que cela interfère dans la perception de soi en tant que femme, ou bien on peut se considérer d’abord comme transgressant (volontairement ou non) la norme de son genre, l’homosexualité n’étant interprétée que comme une conséquence de ce phénomène (11).

L'identité de genre

Les participantes de notre étude s’identifient majoritairement en tant que femmes. Deux personnes ont déclaré s’identifier comme non binaire*, dans un genre neutre. Quatre ont évoqué la figure de l’androgyne, cet « idéal-type » s’intégrant dans le processus de distanciation vis-à-vis des normes dominantes de la féminité. Selon Natacha Chetcuti, il permet à nombre de lesbiennes de dépasser l’alternative entre « féminin » et « masculin » en ce qui concerne les principaux attributs sociaux de la féminité : leur apparence, leurs pratiques sexuelles et leurs attitudes (75).

L'orientation sexuelle

Le travail sociologique mené par Natacha Chetcuti lui a permis d’identifier trois grands types de parcours chez les lesbiennes.

- Les parcours exclusifs caractérisés par le fait que les lesbiennes n’ont jamais eu de relations sexuelles avec des hommes. Ces parcours sont les moins répandus compte tenu des effets de la contrainte sociale à l’hétérosexualité.

- Les parcours simultanés sont plus fréquents que les précédents. Ils concernent des femmes qui alternent ou ont alterné des relations avec des femmes et avec des hommes. - Les parcours progressifs sont majoritaires et sont marqués par le fait que les femmes ont

eu des relations engagées affectivement avec des hommes. Dans certains cas, la période hétérosexuelle précède la période homosexuelle ; dans d’autres cas, les périodes hétérosexuelles sont entrecoupées de périodes homosexuelles (75).

(35)

Les femmes de notre étude relèvent pour six d’entre elles d’un parcours exclusif, pour huit d’un parcours simultané et pour douze d’un parcours progressif.

Les identifications énoncées par les participantes sont les suivantes : onze femmes s’identifient en tant que lesbiennes ; une femme s’identifie en tant qu’homosexuelle ; deux femmes s’identifient en tant que bisexuelles ; une femme s’identifie en tant qu’hétérosexuelle ; deux femmes s’identifient en tant que pansexuelles*. Neuf femmes ne se reconnaissent dans aucune de ces dénominations et préfèrent dire qu’elles sont « en couple avec une femme », « en amour avec une femme », « amoureuse de cette personne » ou qu’elles ont « des relations avec des femmes ».

Les manières de se dire « lesbienne » de la part des femmes évoluant loin des réseaux de sociabilité sont à interroger. Marie-Carmen Garcia émet l’hypothèse que les femmes éloignées des réseaux lesbiens sont peut-être dans des contextes moins favorables à la critique des normes dominantes (76). Les femmes de notre étude qui sont éloignées du milieu lesbien se retrouvent majoritairement dans le groupe de femmes dont l’identité sexuelle n’est pas catégorisée.

Références

Documents relatifs

L’espion envoyé au milieu des adversaires doit découvrir leurs plans afin de prévenir leurs coups. À l’inverse, les renseignements qu’il a recueillis permettent de porter

Ainsi, pour la moitié des ménages français, avoir accès à un logement du secteur social plutôt que privé réduit le taux d’effort net (soit, après allocations logement) de 6

En janvier 2016, la loi de modernisation de notre système de santé accordait ainsi aux sages-femmes libérales une nouvelle compétence en matière de prescription du RU

Morbihan - Ouest - Informer et orienter les jeunes dans leur vie affective et sexuelle - Page 2..

Deux aspects ressortaient dans notre étude concernant l’abord de la santé affective et sexuelle par les CCEF : elles insistaient sur le versant affectif de la

Cette chaîne en en pierres de taille est bâtie avec des modules de calcaire blanc ou orange qui présentent des traces de pic et quelques ciselures relevées.. (il s’agit peut-être

« valide », par exemple avec l’invasion récente des scripts sexuels de la pornographie au sein de la sexualité des personnes. Xavier Deleu dit à ce propos que « le

Carrefour d'Initiatives et de Réflexions pour les Missions relatives à la vie affective et sexuelle Centre Régional d'Information et de Prévention du