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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le tout et la partie : classer les choses et nommer les classes

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Texte intégral

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LE TOUT ET LA PARTIE

CLASSER LES CHOSES ET NOMMER LES CLASSES

Françoise DROUARD

Inspectrice honoraire (Haute-Savoie)

MOTS-CLÉS : CLASSEMENT – CLASSIFICATION – TRI – SÉRIATION – HYPERONYMIE NOMMER

RÉSUMÉ : Notre propos est de discuter les propositions du livre de G. Lecointre Comprendre et

enseigner la classification du vivant (Belin) concernant la partie du programme de l’école primaire

en France qui traite « d’une première approche des notions de classification, d’espèce et d’évolution ».

ABSTRACT : Our purpose is to examine the remarks of G. Lecointre in Comprendre et enseigner

la classification du vivant (Belin) which tells how to teach the notion of classification for 9-11

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1. QU’EST-CE QUE CLASSER ?

Le livre de G. Lecointre discute les notions de trier, ranger, classer. Nous allons donner un point de vue un peu différent.

1.1. Classer, c’est établir des classes

Établir une classe, c’est construire un ensemble tel que tous les éléments qui le composent aient une même propriété (définition de la classe par extension) et qu’ils soient les seuls dans l’univers de référence à avoir cette propriété (définition de la classe en compréhension). La relation entre les éléments d’une même classe est une relation d’équivalence. Ainsi, dans la classification phylogénétique des êtres vivants actuels (univers de référence), les Oiseaux constituent une classe (au sens logique) car ils possèdent tous un même caractère (présence de plumes) et sont les seuls à le posséder. Entre les classes s’établissent des relations d’inclusion. Si on reprend l’exemple précédent, les Oiseaux sont inclus dans les Archosauriens, et les Crocodiliens également, car ils ont tous un gésier et sont les seuls à en avoir un.

1.2. Ranger, c’est établir une relation d’ordre entre les éléments (ordre, file, suite, sériation) Quel est cet ordre ? Ce peut être un ordre conventionnel comme l’ordre alphabétique pour ranger des mots ; ce peut être un ordre induit par la variation continue d’un caractère (la taille : du plus petit au plus grand ; la couleur : du plus vert au plus jaune…).

Peut-on classer à partir d’une opération de sériation ? Oui, constituer des classes par la fixation de limites plus ou moins arbitraires dans une file est une opération assez courante (pensez aux tranches d’imposition qui découpent la série des revenus imposables ; aux catégories, dans les sports de compétition, basée soit sur l’âge, soit sur le poids…).

1.3. Trier, c’est séparer les éléments d’une collection sur un caractère sélectif

Est-ce qu’on trie toujours sur une opposition entre « a » et « n’a pas » ? Le tri peut se faire sur un caractère présent ou absent mais il peut aussi se faire sur plusieurs critères positifs à la fois.

Est-ce que des tris successifs aboutissent à des classes ? Oui, le résultat de tris successifs aboutit bien à des classes réelles (et pas seulement à une illusion de classement). Quand on trie des ordures ménagères, on constitue des classes qui correspondent aux différents conteneurs qui vont les accueillir (exemple : les déchets ; les verres ; les emballages).

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1.4. Grouper, c’est associer des éléments pour établir une classe

L’opération qui consiste à partir d’éléments séparés qu’on cherche à grouper afin de constituer des classes (au sens logique) est l’opération inverse de l’opération de tri où l’on part d’un ensemble constitué qu’on cherche à diviser en classes (au sens logique). Gardons au terme « classer » un sens générique (= établir des classes) sans préjuger de la procédure utilisée : par tris successifs d’un ensemble de départ (trier) ; par groupements successifs d’éléments distincts au départ (grouper) ; par clivages d’une file d’éléments ordonnés au départ (ranger).

Il semble important que l’étape du groupement des individus en espèces soit franchie à l’école élémentaire, ce qui suppose : trouver des ressemblances (caractères communs aux individus qu’on va grouper) et des différences (caractères différents chez ceux qu’on ne regroupe pas avec les précédents) ; distinguer ressemblance et identité (la variabilité au sein de l’espèce n’est pas contradictoire avec l’existence de caractères communs ; que des individus possèdent des caractères communs ne signifie pas qu’ils sont identiques mais seulement ressemblants) ; établir d’emblée l’inclusion des espèces dans le genre et introduire la classification binominale en français (et en latin, au moins pour information).

1.5. Classifier, c’est établir une classification

On choisira les termes classifier (qui existe dans les dictionnaires) et classification pour des classements construits dans un cadre scientifique ou technique précis (exemple, la classification Dewey dans les bibliothèques). La classification phylogénétique du vivant est le résultat d’une opération contrainte par une procédure définie à l’avance (méthodologie cladistique établie par W. Hennig en 1950) et spécifique au résultat recherché (ici, mettre en évidence les parentés). Une classification est donc définie par son objectif et sa méthodologie ; on peut considérer qu’elle est scientifique si elle est transparente, reproductible et falsifiable, ce qui est le cas de la cladistique.

2. QUELLES RELATIONS Y A-T-IL ENTRE CLASSER ET NOMMER ?

On peut affirmer qu’un consensus existe pour penser qu’il y a des liens étroits entre les activités de classement, la construction des concepts et le développement du lexique.

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venant après une description de la partie antérieure du corps du poisson, traduit une prise de conscience du concept de tête : les caractères communs se détachent des exemples sur lesquels le concept avait vraisemblablement commencé à se construire ; un réseau se met en place entre des images équivalentes (la tête humaine, la tête du chat…), le concept rassemblant les caractères communs à cette classe d’objets, et le mot qui sert à désigner cette classe. Les enfants ont dans leur vocabulaire actif des mots dont ils se servent pour désigner des choses mais la conception (existence d’une classe d’objets ou de phénomènes possédant des caractères communs ; limites de cette classe) évolue par la rencontre de nouveaux cas et le sens des mots se modifie en parallèle. 2e cas : on construit une nouvelle catégorie et on a besoin d’un mot nouveau pour la désigner -Quand on travaille à décrire et comparer des animaux vertébrés, il est rapidement indispensable de construire le concept de membre comme terme nouveau désignant une classe où l’on regroupe bras, jambe, patte, aile (chauve-souris), nageoire (morses, otaries, baleines, dauphins…) ayant tous en commun d’être des parties du corps disposées en deux paires, antérieures et postérieures, des appendices locomoteurs contenant un squelette osseux articulé. On a simultanément construit une classe (Tétrapodes), un concept et sa désignation (membre).

2.2. Relations d’inclusion et relations d’hyperonymie

Nommer et classer vont de pair mais les linguistes, au lieu de parler de relations d’inclusion, parlent de relation d’hyperonymie. On emploie constamment cette relation : 1° comme procédé pour définir un mot (par exemple, dans la définition de « chien », « animal domestique de la famille des canidés » on utilise l’emboîtement implicite de quatre ensembles : animal ; animal domestique ; canidés ; chien) ; 2° comme procédé de reprise anaphorique permettant d’évoquer la même chose sans se répéter (par exemple, dans ce discours : « où est Médor ? » ; « je ne sais pas où est passé ton chien », on a deux ensembles emboîtés : chien ; Médor).

Dans chacun des ensembles emboîtés, l’hyperonyme est celui qui emboîte et l’hyponyme celui qui est inclus. Le mot « chien » peut être hyperonyme (Médor est un chien) ou hyponyme (un chien est un animal), selon la situation. Comme un même mot peut avoir différents sens, il peut être pris dans différentes relations d’hyperonymie. Ainsi le mot « chien » se retrouve hyponyme des mots suivants : « animal », « arme », « requin » ou « injure », selon les cas. Que signifieraient les exercices (recherche d’un hypernonyme, etc.) si les élèves ne connaissaient pas la réalité évoquée ? Une fois de plus, affirmons que le travail de vocabulaire doit se faire dans les différents champs disciplinaires, là où les mots peuvent être rattachés à des réalités.

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2.3. Matrices de caractères et clés de détermination

Quand les lexicologues décomposent un mot en sèmes pour établir les relations d’hyperonymie, ils construisent une matrice de caractères ; on obtient une matrice identique par des tris successifs faisant alterner les ET (trait double) et les OU (trait simple) comme dans le tableau suivant :

A a B b C c

siège pour une

personne

pour plusieurs avec un

dossier

sans dossier avec des

accoudoirs sans accoudoir Chaise X X X Tabouret X X X Fauteuil X X X Canapé X X X

On constate que chaque élément ou espèce est décrit par un ensemble de caractères qu’il est le seul à posséder (ABc = chaise ; Abc = tabouret ; ABC = fauteuil ; aBC = canapé). C’est un type de clé simple différent de la clé dichotomique habituelle (flores). Les matrices de caractères sont des outils incomparables à l’école élémentaire si on cherche à décrire et comparer pour classer.

3. FAUT-IL APPRENDRE À CLASSIFIER A L’ÉCOLE PRIMAIRE ?

3.1. Faut-il distinguer comme G. Lecointre trois niveaux dans l’apprentissage de la classification à l’école primaire ?

Les trois niveaux d’apprentissage préconisés sont : 1° observation du vivant, unité et diversité ; 2° trier, ranger, classer ; classements ; 3° approche de la classification scientifique.

Les niveaux 1 et 2 sont indispensables de la maternelle à l’entrée au collège mais ne constituent pas deux niveaux successifs ; ils sont concomitants. Interdépendantes les opérations OBSERVER et DECRIRE, NOMMER, CLASSER s’articulent toutes autour de COMPARER (trouver ce qui est pareil et ce qui est différent est vraiment la clé de la structuration du monde, au fur et à mesure des découvertes). Plutôt que d’introduire le niveau 3 dès la fin du cycle 2, il paraît plus fondamental d’utiliser le temps scolaire aux acquisitions prévues ici en niveaux 1 et 2.

3.2. Faut-il bannir ou utiliser les noms traditionnels des groupes d’animaux ?

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actuellement comme scientifiques. Faut-il pour autant le bannir du lexique en biologie ? Ou bien plutôt chercher à prendre conscience de la diversité qui se cache sous ce mot banal ? Ou essayer de s’appuyer sur son utilisation par les élèves de l’école primaire pour proposer une situation problème traitant de la classification des animaux (on part des représentations des élèves pour les faire évoluer en les mettant en conflit, ici, avec des aspects de la réalité non pris en compte). Ce sera probablement l’objet d’une publication prochaine dans la revue grand N.

3.3. Les travaux sur la classification phylogénétique sont-ils un préalable indispensable à l’étude de l’évolution, comme le soutient G. Lecointre dans son livre ?

Historiquement, les travaux de description puis de classification du monde vivant ont précédé l’idée d’évolution mais la classification phylogénétique du vivant ne peut se comprendre que si l’évolution est établie. À l’école primaire, on aborde l’évolution en partant de l’existence des fossiles, renouant aussi avec une partie de l’histoire des sciences. Par contre, le livre sur la classification phylogénétique du vivant ne considère, lui, que les espèces vivantes. On peut affirmer que la démarche conduisant à l’évolution et à la classification des êtres vivants à l’école primaire doit tenir compte de la découverte des fossiles et de l’intérêt qu’elle suscite chez les élèves.

3.4. À propos de l’espèce humaine, n’y a-t-il pas quelque chose de particulier à faire ?

Les élèves n’acceptent pas spontanément le point de vue du biologiste qui fait de l’Homme une espèce animale parmi d’autres. Devant des animaux naturalisés ou squelettes d’animaux, à la question : « À votre avis, y a-t-il parmi ces animaux des intrus ? », il n’est pas rare d’avoir un élève au moins qui affirme que le crâne humain n’est pas à sa place car l’Homme n’est pas un animal (ou n’est pas un animal comme les autres). Il faut développer des activités qui permettent de considérer, au moins en biologie, l’Homme comme une espèce parmi d’autres. De même, dans les programmes d’histoire et d’instruction civique, on a à évoquer (et à combattre) les notions de races et de racisme appliquées à l’espèce humaine. Il est donc important que la notion de race soit abordée en biologie de manière à comprendre sa signification dans certaines circonstances et sa non-acceptabilité pour l’espèce humaine. Là encore, il y a des activités à développer.

En conclusion, de nombreux points du programme en lien avec l’évolution sont à structurer à l’école élémentaire. Ils prendront un temps précieux, trop précieux pour qu’on l’utilise à vouloir construire de manière prématurée les bases d’une classification qui, privée de ses justifications théoriques et méthodologiques, risque de se transformer en activité mécanique vide de sens, pour les enseignants comme pour les élèves.

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