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Symptomatologie limite, difficultés interpersonnelles et attachement

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Academic year: 2021

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Symptomatologie limite, difficultés interpersonnelles et

attachement

Mémoire doctoral

Kim Mayrand

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Symptomatologie limite, difficultés interpersonnelles et

attachement

Mémoire doctoral

Kim Mayrand

Sous la direction de :

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Résumé

Les relations interpersonnelles représentent une sphère de vie fondamentale. Elles contribuent au bien-être ainsi qu’à la santé psychologique et physique de l’individu (Frey, Tobin & Beesley, 2004). Le trouble de la personnalité limite est une psychopathologie largement conceptualisée en termes de difficultés interpersonnelles en représentant une caractéristique centrale et persistante du trouble (Skodol et al., 2005). Afin d’éclaircir les liens qui existent entre le trouble de la personnalité limite et les difficultés interpersonnelles, il semble pertinent de s’intéresser à l’attachement, qui contribue à la fois au développement de la personnalité et des relations interpersonnelles d’une personne.

Cette étude vise à approfondir les connaissances sur les liens qui existent entre les symptômes limites, les difficultés interpersonnelles et l’attachement auprès d’une population générale. Elle a également pour but de démontrer que les dimensions de l’attachement constituent des variables explicatives dans l’association entre les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles. Pour ce faire, cinq cent trente-six (N=536) participants ont complété une batterie de questionnaires en ligne examinant chacune des variables à l’étude. Des statistiques corrélationnelles, des analyses de régression multiple hiérarchique ainsi que des analyses de médiation ont été lancées. D’abord, les résultats proposent que les personnes qui ont des symptômes limites présentent des difficultés interpersonnelles plus intenses et variées. Ensuite, les résultats suggèrent que les personnes qui présentent de l’anxiété d’abandon ou de l’évitement de l’intimité ont davantage de symptômes limites et de difficultés interpersonnelles. Enfin, les résultats montrent que l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité jouent, tous les deux, un rôle médiateur partiel entre la symptomatologie limite et les difficultés interpersonnelles.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 – Contexte théorique ... 4

Trouble de la personnalité limite ... 5

Difficultés interpersonnelles ... 13

Attachement ... 18

Limites des études ... 29

Objectifs et hypothèses ... 32 Chapitre 2 – Méthodologie ... 33 Participants ... 34 Procédure ... 35 Instruments de mesure ... 36 Considérations éthiques ... 39 Chapitre 3 – Résultats ... 40 Statistiques préliminaires ... 41 Statistiques principales ... 46 Chapitre 4 – Discussion ... 54

Retour sur les objectifs et les hypothèses de recherche ... 55

Implications cliniques et scientifiques ... 67

Forces, limites et pistes de recherche futures ... 70

Conclusion ... 74 Bibliographie ... 76 Annexe A ... 97 Annexe B ... 100 Annexe C ... 102 Annexe D ... 104 Annexe E ... 107 Annexe F ... 109

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Annexe G ... 111

Annexe H ... 113

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Liste des tableaux

Tableau 1. Statistiques descriptives des variables à l’étude

Tableau 2. Matrice de corrélations de Pearson entre les variables à l’étude

Tableau 3. Matrice de corrélations de Pearson entre les échelles de difficultés interpersonnelles et les autres variables à l’étude

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Liste des figures

Figure 1. Modèle circomplexe des relations interpersonnelles Figure 2. Modèle de l’attachement à l’âge adulte

Figure 3. Rôle médiateur de l’anxiété d’abandon dans le lien unissant les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles

Figure 4. Rôle médiateur de l’évitement de l’intimité dans le lien unissant les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles

Figure 5. Coefficients de régression et écarts-types standardisés pour la relation entre les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles, médiée par l’anxiété d’abandon chez les femmes de la population générale

Figure 6. Coefficients de régression et écarts-types standardisés pour la relation entre les

symptômes limites et les difficultés interpersonnelles, médiée par l’évitement de l’intimité chez les femmes de la population générale

Figure 7. Coefficients de régression et écarts-types standardisés pour la relation entre les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles, médiée par l’anxiété d’abandon chez les hommes de la population générale

Figure 8. Coefficients de régression et écarts-types standardisés pour la relation entre les

symptômes limites et les difficultés interpersonnelles, médiée par l’évitement de l’intimité chez les hommes de la population générale

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À ma famille, pour leur amour inconditionnel

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Remerciements

Aujourd’hui, je réalise que mon parcours doctoral représente en lui-même la concrétisation d’un rêve que j’entretiens depuis toujours. C’est avec une immense fierté que je dépose ce beau projet qui vient marquer la fin d’un long parcours universitaire. La présente étude n’aurait pu être réalisée sans la contribution de personnes extraordinaires qui m’ont accompagnée, de près ou de loin, au cours de mon cheminement.

Tout d’abord, je tiens à remercier mon directeur de recherche, le professeur Louis Diguer. Merci avant tout pour votre confiance à mon égard et votre soutien. Ce fut un privilège de poursuivre mes études auprès d’un directeur qui croyait en moi et mon potentiel. Je vous remercie de m’avoir permis de choisir un projet d’étude qui fut intéressant jusqu’à la fin, mais également de m’avoir transmis des connaissances cliniques inestimables qui ont su éveiller en moi une véritable passion pour la psychothérapie. Vous avez été pour moi un modèle à suivre.

Je remercie la professeure Lina Normandin pour sa contribution à l’intérieur de mon comité d’encadrement. Je suis reconnaissante pour vos commentaires constructifs et vos précieux conseils tout au long de mon processus de rédaction.

Merci à mes collègues de laboratoire qui ont, chacun à leur façon, contribué à la réalisation de cette recherche. Un merci spécial à toi, Lydia, pour ton support constant et tes encouragements. Merci beaucoup Nicola, pour ton soutien dans le recrutement des participants et le processus d’analyses statistiques. Un grand merci Maxime, pour ton support dans la réalisation et la compréhension plus approfondie des analyses de médiation.

Je tiens également à remercier les Fonds de recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC), la Fondation Desjardins, la Faculté des sciences sociales ainsi que la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval pour leur appui financier. Vos fonds m’ont permis de me consacrer entièrement à ma recherche.

Un merci du fond du cœur à chacun des 612 volontaires qui ont participé à l’étude et qui ont permis que cette recherche soit menée à terme.

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Mes derniers remerciements vont à mes proches. Je ne peux étudier le thème de l’attachement sans faire une certaine introspection et réaliser à quel point je suis comblée d’avoir des parents aussi aimants. À mes chers parents, Huguette et Bernard, merci pour votre amour inconditionnel, votre confiance absolue et votre support constant. Je suis consciente des sacrifices que vous avez faits pour moi, puis je vous en suis infiniment reconnaissante.

Merci à ma petite sœur, Jade, pour tous nos moments de complicité. Merci d’être toujours là pour m’écouter, me consoler, me faire rire et me divertir. Je suis fière de la jeune femme courageuse et persévérante que tu es.

Je tiens à remercier mes amies de longue date: Tye, Maude, Catherine V., Catherine R., Ann-Julie, Marie-Laurence, Érica, Stéphanie et Alexandra pour nos milles et un moments partagés ensemble. Merci pour votre présence dans ma vie et votre support qui sont, à mes yeux, inestimables tout comme notre amitié.

Merci à mes précieuses amies du baccalauréat et du doctorat: Virginie, Fiorella, Jenniffer, Gabrielle et Catherine T. pour les longues séances d’études et les pep talk, mais aussi pour les nombreux fous rires et les moments inoubliables. Vous avez contribué à rendre mon parcours universitaire plus doux et je me demande bien ce que j’aurais fait sans vous.

Un merci tout spécial à ma merveilleuse amie, Véronique. Tu as su être pour moi une source indispensable de soutien et de réconfort à travers l’aventure du doctorat et l’expérience de la rédaction. Notre amitié est unique à mes yeux et compte beaucoup pour moi.

Un remerciement particulier à ma « gang de St-Nic »: Simon, Sophie, Félix, Noémie, Maxim, Amélie et Charles. Vous m’avez aidé à décrocher dans les moments où j’en avais le plus besoin et avez contribué à embellir mon quotidien.

Merci à ma belle-famille: Sylvie, Denis, Vanessa et madame Lebel. Vous m’avez écouté et soutenu sans relâche. Votre douceur et vos encouragements m’ont été d’une précieuse aide.

Enfin, merci à Mikael, l’homme que j’aime, mon complice de tous les jours, mon meilleur ami et tous les autres chapeaux qu’il porte. Merci d’amener autant d’amour et de bonheur dans ma vie. Merci d’avoir toujours cru en moi, tu me motives à toujours donner le meilleur de moi-même. C’est un réel privilège que d’être avec un partenaire de vie qui encourage autant mes folies que les défis les plus sérieux que je me donne. Je t’ai rencontré à ma première année d’université et nous terminons cet accomplissement ensemble. Je t’aime.

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Les relations interpersonnelles occupent, pour la majorité des individus, une place importante dans leur vie. Elles constituent un lieu d’échanges et d’interactions privilégié permettant d’affronter les difficultés de la vie quotidienne en assurant une meilleure résistance aux événements stressants. De nombreuses études ont montré que la qualité des relations interpersonnelles est grandement associée à la santé mentale. Des relations interpersonnelles satisfaisantes ont un impact positif sur le bien-être ainsi que la santé psychologique et physique de l’individu (Frey, Tobin & Beesley, 2004). À l’inverse, il est également largement établi que les difficultés interpersonnelles sont associées à la présence de problèmes de santé psychologique et physique, entre autres de troubles de la personnalité (Meyer & Pilkonis, 2005).

Le trouble de la personnalité limite (TPL) est une pathologie largement conceptualisée en termes de fonctionnement interpersonnel inadapté. En effet, les difficultés interpersonnelles représentent une caractéristique centrale et persistante du trouble et affectent particulièrement la vie des personnes présentant un TPL (Hoffman, Buteau, Hooley, Fruzetti & Bruce, 2003; Skodol et al., 2005). Les conceptualisations contemporaines de ce trouble suggèrent également une perturbation du système d’attachement (Meyer & Pilkonis, 2005). De nombreuses études empiriques ont montré que les personnes ayant un TPL ont des représentations de soi comme étant davantage mauvais, non-aimable, dépendant et impuissant (Butler, Brown, Beck & Grisham, 2002; Jovev & Jackson, 2004) ainsi que des représentations des autres plus malveillantes et hostiles (Arntz & Veen, 2001; Meyer, Pilkonis & Beevers, 2004). Ces représentations de soi et des autres peuvent se traduire par un style d'attachement insécure, qui est présent chez la majorité des personnes ayant un TPL (Bender & Skodol, 2007).

Dans ce contexte, l’application de la théorie de l’attachement aux relations interpersonnelles est pertinente (Cicchetti & Rogosch, 2002). La théorie de l’attachement peut constituer un angle d’approche théorique du TPL en permettant de décrire et d’évaluer, dans une possible perspective

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développementale, les difficultés interpersonnelles qui font partie intégrante du développement et du maintien de ce trouble. Plus précisément, l’attachement pourrait permettre de mieux comprendre la manière dont l’individu présentant un TPL développe et maintien certaines représentations de soi et des autres ainsi que la façon dont il apprend à réguler ses émotions et ses comportements (Mikulincer & Shaver, 2010). Les recherches portant sur la psychopathologie, les relations interpersonnelles et l’attachement stimulent l’intérêt des chercheurs depuis plusieurs décennies. Cependant, il existe encore peu d’études empiriques portant sur la relation entre la symptomatologie limite et les difficultés interpersonnelles auprès d’une population générale et encore moins d’études portant sur le rôle de l’attachement sur cette relation. La présente étude a comme premier objectif d’approfondir les connaissances sur les liens qui existent entre les symptômes limites, les difficultés interpersonnelles et l’attachement auprès d’une population générale. Le deuxième objectif de recherche vise à démontrer que les dimensions de l’attachement jouent un rôle médiateur dans le lien entre les symptômes limites et les difficultés interpersonnelles.

Cette recherche comprend cinq sections. Dans un premier temps, le contexte théorique présente l’état de la littérature portant sur les différentes variables à l’étude ainsi que les objectifs et les hypothèses de recherche qui en découlent. Dans un deuxième temps, la méthodologie employée pour réaliser l’étude est détaillée. Dans un troisième temps, les résultats des statistiques effectuées sont présentés. Dans un quatrième temps, une discussion portant sur les résultats obtenus est proposée, suivie des forces, des limites ainsi que des retombées cliniques et scientifiques de l’étude. Dans un cinquième et dernier temps, une conclusion de ce projet de recherche est présentée.

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Trouble de la personnalité limite

Dans les dernières décennies, la communauté scientifique a démontré un intérêt grandissant envers le TPL. En effet, un grand nombre d’articles ont été publiés sur le TPL, qui est le trouble de personnalité le plus prévalent (Karaklic & Bungener, 2010). Selon la définition du DSM-V, le TPL est caractérisé par un mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects se traduisant par une impulsivité marquée. Il apparaît habituellement au début de l’âge adulte et se présente dans divers contextes comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : (1) efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés, (2) mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l'alternance entre les positions extrêmes d'idéalisation excessive et de dévalorisation, (3) perturbation de l'identité : instabilité marquée et persistante de l'image ou de la notion de soi, (4) impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (p. ex. dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie), (5) répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d'automutilations, (6) instabilité affective due à une réactivité marquée de l'humeur (p. ex. dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours), (7) sentiments chroniques de vide, (8) colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (p. ex. fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées) et (9) survenue transitoire dans des situations de stress d'une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères. Le TPL entraîne une souffrance significative et/ou une altération du fonctionnement social, individuel ou professionnel (APA, 2013).

De façon générale, deux caractéristiques sont mises en lumière dans la description clinique des troubles de la personnalité, dont le TPL, c’est-à-dire les difficultés interpersonnelles persistantes ainsi que les difficultés liées au soi et à l’identité (Livesley, 2001). D’une part, les troubles de la

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personnalité sont caractérisés par des difficultés envahissantes et persistantes dans les relations interpersonnelles (Rutter, 1987). D’autre part, les troubles de la personnalité sont définis par des difficultés liées au soi et à l’identité. D’abord, le concept de soi comprend plusieurs notions associées au TPL, soit l’identité perturbée, le sentiment de vide, l’image et l’estime de soi appauvries, la crainte de l’abandon et de la solitude ainsi que le manque de représentations de soi (Widiger, 2012). Ensuite, le concept d’identité réfère à une structure psychique interne qui se manifeste à travers des représentations conscientes de soi, des autres et du monde. De façon plus large, ce concept est également associé à l'identification à des groupes sociaux, des normes, des idéaux et des valeurs culturels (Kernberg & Caligor, 2005). Les difficultés identitaires peuvent se traduire par une diffusion de l’identité, c’est-à-dire une pauvreté de l’intégration du concept de soi qui se reflète dans l’expérience subjective par un sentiment chronique de vide, des perceptions contradictoires de soi et des comportements contradictoires qui ne peuvent être émotionnellement intégrés d’une façon significative (Kernberg, 1984).

En plus des perturbations relationnelles et identitaires, l’impulsivité ressort comme une autre caractéristique importante du trouble (Blais, Hilsenroth & Castlebury, 1997; Clarkin, Hull & Hurt, 1993; Sanislow, Grilo & McGlashan, 2000). L’impulsivité peut être définie comme étant une prédisposition aux actions rapides et non-planifiées envers les stimuli internes et externes sans égards aux conséquences de ces réactions par rapport à soi ou aux autres (Moeller, Barratt, Dougherty, Schmitz & Swann, 2001). Il existe trois formes d’impulsivité, soit l’impulsivité motrice, cognitive et affective. L’impulsivité motrice se traduit par des actes posés de façon soudaine (Postel, 2003), l’impulsivité cognitive est caractérisée par un traitement superficiel de l’information (Dickman, 1990) et l’impulsivité affective se définit comme une instabilité des réponses affectives, correspondant au concept de labilité émotionnelle (Pally, 2002). Le tempérament impulsif, quant à lui, est l’un des symptômes persistants du TPL et permet de prédire le niveau de sévérité de la

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symptomatologie limite sur une période de sept ans. Il se distingue des actes impulsifs qui eux, se traduisent plutôt par des comportements comme l’abus de substances, l’automutilation ou des tentatives de suicide (Links, Heslegrave & van Reekum, 1999).

Le TPL est un trouble fréquent touchant de 2 à 3% de la population générale (APA, 2013). Ce trouble de la personnalité représente 10 à 15% des patients suivis en clinique et près de 20% des patients hospitalisés en psychiatrie (Skodol et al., 2002). Le TPL semble majoritairement fréquent chez les femmes, représentant environ 80% des cas (Zimmerman, Rothschild & Chelminski, 2005). Toutefois, cette dernière statistique pose un questionnement. Des études récentes indiquent que la distribution du TPL est équivalente entre les hommes et les femmes et donc, qu’il y aurait une surreprésentation des femmes présentant un TPL (Torgersen, Kringlen & Cramer, 2001; Zimmerman & Coryell, 1989). Les hommes et les femmes présentent une intensité semblable des symptômes, mais la symptomatologie est différente selon le sexe. Par ailleurs, il semble que ces différences soient constantes à travers les différentes phases de développement (Goodman et al., 2013; Sansone & Wiederman, 2013). D’une part, les femmes présentent davantage les aspects dramatiques de la symptomatologie du TPL. Par exemple, une instabilité sur le plan de l’humeur et des comportements d’automutilation. D’autre part, les hommes auraient, quant à eux, tendance à présenter des comportements plus explosifs et hostiles, en plus d’une tendance marquée à rechercher la nouveauté (Chabrol et al., 2004).

Le TPL est un trouble de santé mentale pouvant avoir de graves conséquences, puisqu’il est associé à un risque élevé de suicide. L’instabilité affective, l’impulsivité et l’agressivité liées au TPL peuvent contribuer au risque de développer des idées suicidaires, des comportements d’automutilation ou de faire une tentative de suicide (Glenn, Bage & Osman, 2013). À ce jour, 69 à 80% des personnes ayant un TPL présentent des comportements suicidaires et 10% décèdent par suicide (Oldham, 2006).

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Le TPL est considéré comme une affection hétérogène complexe et ses symptômes peuvent chevaucher ceux d’autres troubles (Skodol et al., 2005). Les personnes présentant un TPL sont plus à risque de présenter d’autres problèmes de santé mentale en comorbidité, entre autres un trouble de l’humeur (79%), un trouble anxieux (24%) ainsi qu’un abus ou une dépendance aux substances (84%) (Grant et al., 2008). Dans le même ordre d’idées, une étude réalisée par Chanen, Jovev & Jackson (2007) suggère que les individus ayant un TPL présentent significativement plus de diagnostics sur l’axe I et sur l’axe II du DSM-IV que les individus présentant un autre trouble de la personnalité. Notamment, la présence d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDA/H) est fréquente (Matthies & Philipsen, 2014) de même que celle du trouble de stress post-traumatique (Zanarini et al., 1998). En somme, ces données démontrent l’ampleur et la complexité du TPL. Elles justifient également la nécessité d’y accorder une attention particulière.

Étiologie

À ce jour, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux facteurs étiologiques du TPL. Comme la majorité des troubles de santé mentale, ce trouble est conceptualisé comme découlant d’une interaction entre différents facteurs de risque biopsychosociaux (Chanen & Kaess, 2012).

D’abord, une vulnérabilité génétique est mise en évidence dans la littérature. Les estimations d’héritabilité du TPL sont de 35 à 67% (Bornovalova, Hicks, Iacono & McGue, 2009; Chanen & Kaess, 2012; Distel et al., 2008; Kendler et al., 2008 ; Torgersen et al., 2012). Ensuite, des dispositions psychologiques telles que le tempérament sont connues pour jouer un rôle déterminant dans le développement du trouble. En effet, de nombreux chercheurs se sont intéressés à l’association entre le tempérament et le développement d’un TPL (Courtney-Seidler, Klein & Miller, 2013; Pearson, 2004). Les individus présentant un TPL sont souvent décrits dans leur enfance comme ayant un tempérament difficile, une humeur négative, une tendance à être colérique, un

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niveau d’activité élevé ainsi qu’une faible capacité d’adaptation (Bleiberg, 2004; Courtney-Seidler et al, 2013). Enfin, l’environnement de l’individu, notamment familial, est également mis en lumière dans la littérature actuelle portant sur le développement du TPL (Declercq & Nicolis, 2010; Fonagy, 2000). Selon Ludolph et ses collaborateurs (1990), 89% des diagnostics de TPL sont le résultat de l’interaction de neuf variables , c’est-à-dire un historique d’attachement perturbé, la négligence, le rejet maternel, les comportements inappropriés des parents, la perte parentale, le nombre de substituts de la mère et du père, le nombre de relocalisations en cas de retrait de la famille d’origine ainsi que l’abus physique et l’abus sexuel.

Zanarini et ses collaborateurs (2002) croient que la négligence émotionnelle est le facteur le plus fréquent et qui prédispose le plus au TPL. Celle-ci peut s’exprimer de deux façons distinctes, c’est-à-dire par le déni des pensées et des émotions vécues par l’enfant ou par l’absence d’une relation authentique et chaleureuse. Par ailleurs, le fait de vivre des séparations précoces peut avoir un impact sur le développement. Ces séparations précoces peuvent être à l’origine de la peur de l’abandon et du rejet ainsi que l’instabilité émotionnelle liée au trouble. (Zanarini, Gunderson, Marino, Schwartz & Frankenburg, 1989).

En outre, nombreuses sont les études ayant montré l’incidence des traumatismes vécus à l’enfance dans l’émergence du TPL. La grande majorité des personnes présentant un TPL aurait vécu de l’abus ou de la négligence à l’enfance, soit entre 83% et 93% selon les études (Chanen & Kaess, 2012; Laporte & Guttman, 1996; Zanarini et al., 1997). Selon la conception de Fonagy et ses collaborateurs (2000), le fait d’avoir vécu de la maltraitance à l’enfance peut entrainer une diminution des capacités de mentalisation pouvant se traduire par une attribution erronée des pensées, des intentions et des sentiments d’autrui à son égard.

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Évolution

Au cours des dernières années, de nombreuses études ont appuyé l’apparition des troubles de la personnalité, dont le TPL, à l’adolescence (Cohen, Crawford, Johnson, & Kasen, 2005; Glenn & Klonsky, 2013; Winsper et al., 2016). Malgré de nombreuses similarités, des différences sur le plan de la symptomatologie sont observées entre ces deux populations. Notamment, il est possible de constater que la manifestation des symptômes est différente et que le symptôme ayant la plus grande valeur prédictive du trouble n’est pas le même selon la période de vie. En effet, l’instabilité affective est le symptôme qui présente la plus grande valeur prédictive chez les adolescents alors que c’est le cas pour l’impulsivité chez les adultes (Becker, Grilo, Edell & McGlashan, 2002).

De façon générale, le TPL, comme ses symptômes, est décrit comme étant stable dans le temps (APA, 2013). Toutefois, cette notion de stabilité temporelle est remise en question par plusieurs chercheurs, notamment en raison du fait qu’elle ne considère pas les changements cliniquement significatifs observés au long terme (Widiger & Trull, 2007). Dans une étude menée par Links, Mitton et Steiner (1990), les résultats ont montré une amélioration du fonctionnement général des personnes présentant un TPL avec le temps et l’âge. D’autres études plus récentes ont observé des résultats semblables, et ce, chez la majorité des individus présentant un TPL (Gunderson, Morey, Stout, Skodol, Shea & McGIashan, 2004; Paris & Zweig-Frank, 2001). Ces études apportent un éclairage différent quant à la conception du TPL en relevant que les manifestations cliniques du trouble se modifient au cours des différentes étapes du développement et évoluent vers une rémission dans la plupart des cas (Zanarini et al., 2012).

Une étude longitudinale réalisée auprès de 64 personnes présentant un TPL suivies sur une période de 27 ans obtient des résultats en ce sens, indiquant que les symptômes liés au TPL seraient présents pendant plusieurs années sans toutefois durer toute la vie (Paris & Zweig-Frank, 2001; Paris, 2005). Le fonctionnement général des individus présentant un TPL avait tendance à

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s'améliorer avec le temps. En effet, 75% des personnes ayant un TPL présentaient un fonctionnement stable vers l’âge de 35 à 40 ans et 90% semblaient rétablis vers l'âge de 50 ans (Paris & Zweig-Frank, 2001). Cette amélioration du fonctionnement pourrait s’expliquer entre autres par une diminution de l’impulsivité et du niveau d’énergie avec l’avancement en âge (Stevenson, Meares & Comerford, 2003) ainsi qu’un apprentissage social de comportements plus adaptés qui permettraient d’éviter des situations problématiques au long terme (Paris, 2005). Effectivement, les personnes présentant un TPL apprendraient à éviter les situations qui risquent de leur générer des émotions fortes, puis elles tendraient à trouver un certain équilibre au fil du temps (Paris, 2003).

Zanarini et ses collaborateurs (2016) ont, quant à eux, mené une étude longitudinale auprès de 290 personnes présentant un TPL suivies sur une période de 16 ans. Les chercheurs ont documenté l’évolution de la symptomatologie limite en lien avec le fonctionnement général. Les résultats de cette étude ont montré que 78% à 99% des personnes suivies présentaient une diminution des symptômes. Toutefois, parmi celles-ci, seulement 40 à 60% rapportaient un meilleur fonctionnement au quotidien, soit au travail et dans leurs relations interpersonnelles. En sommes, les résultats de cette étude ont permis de soulever que certains symptômes du TPL tendent à s’atténuer ou être résorbés plus rapidement, alors que d’autres symptômes tendent à perdurer dans le temps. Essentiellement, ces auteurs ont amené une compréhension différente du TPL mettant de l’avant l’existence de deux catégories de symptômes, soit les symptômes aigus et les symptômes chroniques.

Symptômes aigus. Les symptômes aigus du TPL sont décrits comme étant les symptômes qui diminuent plus rapidement. Dans l’étude de Zanarini et ses collaborateurs (2007), les symptômes aigus se résorbaient au courant des six premières années. Les comportements impulsifs et les gestes suicidaires et autoagressifs ont tendance à s’effacer plus rapidement. Il existe cinq principaux symptômes du TPL qui déclinent rapidement, c’est-à-dire l’automutilation, les demandes d’aide sous

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forme de tentatives de suicide, la régression en contexte d’intervention, les problèmes causés par le contre-transfert et les pensées quasi-psychotiques. Ceux-ci peuvent se traduire par des manifestations ponctuelles et très intenses du trouble pour l’individu et ceux qui l’entourent. Il s’agit souvent des symptômes pour lesquels l’individu vivra une grande détresse émotionnelle et demandera l’aide d’un professionnel de la santé. Par ailleurs, les symptômes aigus constituent les marqueurs les plus fiables de la présence d’un TPL.

Symptômes chroniques. Les symptômes chroniques du TPL sont, quant à eux, présentés comme étant davantage associés au tempérament inné et au fonctionnement interpersonnel de l’individu. Ces symptômes semblent être persistants, se résoudre plus lentement et ne pas être spécifiques au TPL. La dysphorie, la colère ainsi que les sentiments de solitude, de dépendance, de vide et d’abandon sont plus durables dans le temps, en plus d’être ceux qui interfèrent le plus avec le fonctionnement interpersonnel. Enfin, ce sont les symptômes qui résistent le plus aux interventions en raison de leur nature rigide (Zanarini et al., 2007).

En somme, l’étude de Zanarini et ses collaborateurs (2016) met en doute la notion de stabilité temporelle du TPL en identifiant des symptômes aigus et des symptômes chroniques. Cette distinction est pertinente, puisqu’elle prend en considération les grandes différences individuelles, l’intensité de chacun des symptômes ainsi que l’évolution des symptômes dans le temps (Zanarini et al., 2007). Elle met également en lumière la pertinence de s’intéresser aux symptômes chroniques du trouble, soit ceux qui risquent d’affecter la qualité de vie des personnes présentant un TPL sur une plus longue période (Skodol et al., 2005). Ainsi, elle appuie la pertinence d’examiner en profondeur les difficultés interpersonnelles.

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Difficultés interpersonnelles

Les théories interpersonnelles constituent un cadre conceptuel pertinent à la compréhension des difficultés relationnelles vécues par les individus présentant un TPL. Plusieurs modèles issus des théories interpersonnelles décrivent le comportement interpersonnel selon deux grandes dimensions formant un modèle circomplexe, soit l’affiliation et la dominance (Horowitz et al., 2006 ; Kiesler, 2007). À l’intérieur du modèle circomplexe, la dimension affiliation est représentée par un axe horizontal allant du comportement distant et hostile au comportement aimable et attaché. La dimension dominance est, quant à elle, représentée par un axe vertical allant du comportement de soumission au comportement de domination. Ainsi, chaque point sur le modèle circomplexe est une combinaison d’affiliation et de dominance. Par exemple, un individu qui se situe à l’extrême d’un pôle présente une forme pure de soumission, de dominance, d’hostilité ou d’amabilité. Par opposition, un individu se situant au centre de la figure ne présente pas de propension particulière à la soumission, la dominance, l’hostilité ou l’amabilité.

Les dimensions affiliation et dominance sont fondamentales puisqu’elles représentent deux apprentissages importants liés aux relations à soi et à autrui, c’est-à-dire être en mesure de s’associer à autrui pour former une plus grande communauté protectrice ainsi que d’acquérir un sens stable et réaliste de sa propre compétence, influence et efficacité (Horowitz, 2004). Selon Horowitz et ses collaborateurs (2006), la personnalité se développe au fil des interactions entre ces deux dimensions développementales. La dimension affiliation permet une intimité satisfaisante avec les autres alors que la dimension dominance permet une image de soi stable, réaliste, autonome et compétente. Les dimensions incluent également plusieurs motifs secondaires comme l’intimité, la sociabilité et l’appartenance à un groupe (affiliation) de même que l’autonomie, le contrôle et l’accomplissement (dominance). Les difficultés interpersonnelles surviennent lorsqu’un problème est observable dans une des dimensions, notamment lorsque des motifs secondaires entrent en conflit

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(Horowitz et al., 2006). Par exemple, un individu peut avoir à choisir entre l’appartenance à un groupe ou la préservation de son autonomie personnelle.

Alden, Wiggins & Pincus (1990) ont développé le questionnaire Inventory of Interpersonal

Problems à partir de l’approche circomplexe des difficultés interpersonnelles. Cet outil conceptualise

et évalue les attitudes et les comportements interpersonnels selon les huit axes d’un cercle. Les huit axes sont intrusif/dépendant, dominant/contrôlant, vindicatif/centré sur soi, distant/hostile, socialement évitant, non affirmé/soumis, conciliant à l’excès/exploitable ainsi que surprotecteur/maternant (voir Figure 1). L’ensemble des difficultés interpersonnelles peuvent être organisées en combinaisons particulières d’affiliation et de dominance et se situent à un endroit spécifique dans ce modèle. Le questionnaire compte également huit facteurs qui correspondent aux huit axes du circomplexe interpersonnel.

En sachant que les difficultés interpersonnelles sont étroitement liées aux pathologies de la personnalité, l’utilisation du modèle circomplexe des difficultés interpersonnelles est pertinente dans la compréhension des problèmes interpersonnels vécus par les individus présentant des symptômes du TPL. Le modèle circomplexe permet de spécifier la nature des difficultés relationnelles en évaluant les comportements excessifs et les inhibitions comportementales caractéristiques de plusieurs formes de pathologies de la personnalité, dont le TPL (Pincus & Wiggins, 1990). Il permet également d’établir une distinction entre la sévérité des difficultés interpersonnelles (score total) ainsi que le type de difficultés interpersonnelles (score aux huit échelles) (Tracey, Rounds & Gurtman, 1996).

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Figure 1. Modèle circomplexe des relations interpersonnelles

Sévérité des difficultés interpersonnelles et trouble de la personnalité limite

De nombreux chercheurs ont examiné la relation entre les troubles de la personnalité et les problèmes interpersonnels tels que conceptualisés par l’approche circomplexe (Pincus & Wiggins, 1990; Soldz, Budman, Demby & Merry, 1993; Matano & Locke, 1995; Monsen, Hagtvet, Havik & Eilertsen, 2006; Pincus & Gurtman 2006). Les résultats montrent que les psychopathologies de la personnalité sont étroitement liées aux difficultés interpersonnelles. Un individu souffrant d'un trouble de la personnalité adopte souvent des schémas interpersonnels inadaptés. Bien que l’individu puisse vivre son schéma relationnel inadapté comme douloureux, l'effort défensif pour maintenir une image de soi acceptable et éviter l'anxiété peut conduire à des répétitions de ce schéma (Horowitz et al., 2006).

À partir du modèle circomplexe des relations interpersonnelles, Trull et ses collaborateurs (1997) ont mené une étude longitudinale de 2 ans auprès de jeunes adultes provenant de la

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population générale. Les résultats obtenus indiquent que les jeunes adultes ayant des caractéristiques du TPL présentent un dysfonctionnement plus important dans un certain nombre de sphères au moment de l’évaluation (Trull et al., 1995) et au cours des deux années suivantes (Trull et al., 1997) comparativement à leurs pairs ne présentant pas ces caractérisques. Les jeunes adultes présentant des caractéristiques du TPL se sont avérés présenter des degrés plus élevés de problèmes interpersonnels ou de détresse que leurs pairs ne présentant pas ces caractéristiques. Le caractère durable du dysfonctionnement associé aux caractéristiques du TPL dans la communauté a également été démontré. Ce modèle s'est maintenu même après avoir contrôlé pour le sexe et la présence de troubles de l'Axe I chez les participants. Ces résultats étaient conformes aux attentes basées sur les études longitudinales de patients provenant de populations cliniques (Perry, 1993).

Zimmermann et ses collaborateurs (2017) ont, eux aussi, évalué une population composée de jeunes adultes de la population générale. Les résultats de cette étude récente ont montré que tous les troubles de la personnalité étaient associés à une détresse interpersonnelle importante selon l’approche circomplexe. Les troubles de la personnalité antisociale et schizoïde présentaient des effets plus faibles, paranoïde, schizotypique, limite, histrionique, narcissique et obsessive-compulsive avaient des effets relativement modérés et enfin, évitant et dépendant présentaient des effets plus élevés. En somme, ces études montrent l’intensité des difficultés interpersonnelles vécues par des individus qui présentent une symptomatologie limite provenant de la population générale.

Types de difficultés interpersonnelles et trouble de la personnalité limite

Des preuves empiriques montrent qu’il est possible de situer la plupart des troubles de la personnalité dans l'espace bidimensionnel du modèle circomplexe des relations interpersonnelles (Horowitz et al.2006). Par exemple, le trouble de la personnalité dépendante correspond davantage au profil intrusif/dépendant du modèle alors que le trouble de la personnalité schizoïde corrobore

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plutôt au profil socialement évitant. Toutefois, il n’existe pas d’association aussi claire pour le TPL (Leichsenring et al., 2011). Les tentatives précédentes pour localiser le TPL dans le modèle circomplexe ont donné des résultats assez incohérents. Certains le localisent dans le quadrant dominant-chaud, d'autres dans le quadrant soumis-froid, d'autres dans le quadrant soumis-chaud et d'autres encore ne l’ont pas du tout localisé dans le modèle (Hopwood & Morey, 2007). Cette difficulté à situer le TPL dans le modèle peut traduire d’une variété de difficultés interpersonnelles chez ces derniers.

Russell, Moskowitz, Zuroff, Sookman & Paris (2007) ont étudié la variabilité et la stabilité de l’expérience affective et du comportement interpersonnel des individus présentant un diagnostic de TPL en les comparant à un groupe contrôle provenant de la population générale. Les résultats de cette étude montrent que les individus qui présentent un TPL éprouvent davantage d’affects désagréables, en plus d’être moins dominants, plus soumis et plus distants dans leurs relations interpersonnelles que les individus de la population générale. Ceux-ci ont également signalé des comportements plus extrêmes que les individus de la population générale en se situant davantage à l’extrême des pôles du modèle circomplexe. Ces résultats concordent avec les descriptions cliniques suggérant que le TPL est associé à des comportements distants, une soumission importante ainsi qu’une plus grande variabilité comportementale (Gunderson, 1996; Horowitz, 2004; Linehan, 1993).

Une récente méta-analyse menée par Wilson, Stroud & Durbin (2017) a permis d’approfondir les connaissances portant sur les difficultés interpersonnelles vécues par les personnes présentant un trouble de la personnalité, y compris le TPL, à partir du modèle circomplexe des relations interpersonnelles. Cette synthèse quantitative des recherches empiriques a examiné 127 études comprenant 2579 tailles d’effet. Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que chaque trouble de la personnalité présente un profil distinct de comportements interpersonnels conforme à son schéma de symptômes qui le caractérise. En ce qui concerne spécifiquement le TPL, les résultats

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obtenus ont permis de le localiser dans le quadrant dominant-froid du modèle circomplexe des relations interpersonnelles. Cependant, notons que seule une amplitude modeste a été observée, ce qui est compatible avec ses liens étroits avec la plupart des profils interpersonnels du modèle. Ces résultats sont cohérents avec les preuves de l'instabilité des problèmes interpersonnels spécifiques manifestés par les personnes atteintes de TPL (Wright et al., 2013) et suggèrent que ce trouble soit associé à un dysfonctionnement interpersonnel général (Wilson, Stroud & Durbin, 2017).

Attachement

Au cours des dernières décennies, la théorie de l’attachement, initialement développée par Bowlby (1969, 1973, 1980) et révisée par Ainsworth (1978), est devenue l’une des plus importantes références conceptuelles dans la compréhension de la personnalité et des relations interpersonnelles. Elle permet d’expliquer la présence de psychopathologies et de relations interpersonnelles perturbées à l’âge adulte en considérant les liens affectifs développés par l’individu tout au long de sa vie (Bowlby, 1969, 1973, 1980; Ainsworth, 1989). Sur le plan clinique, la théorie de l’attachement permet d’expliquer certaines réactions lors de difficultés relationnelles en plus d’amener une perspective différente sur la santé mentale. En effet, un attachement sécurisant constitue une ressource interne pour l’individu et permet de diminuer les risques de présenter une détresse psychologique. À l’inverse, un attachement insécure peut constituer un facteur de risque au développement de diverses psychopathologies (Mikulincer & Shaver, 2010).

L’attachement est défini comme étant un besoin primaire et inné d’être en relation avec autrui (Bowlby, 1969). L’enfant développe son attachement au fil des interactions sociales et souhaite maintenir une proximité physique et psychologique ainsi qu’un sentiment de sécurité auprès de sa figure d’attachement. Cette proximité permettra à l’enfant d’augmenter ses chances de survie, en

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particulier lors de situations menaçantes (Mikulincer, Shaver & Slav, 2006). En fonction des réponses des figures d’attachement aux besoins de l’enfant, celui-ci va développer un sentiment de bien-être et de sécurité plus ou moins élevé. Lorsque la figure d’attachement est sécurisante, qu’elle comprend le besoin de l’enfant et qu’elle lui procure le réconfort et la protection nécessaire, l’enfant peut explorer son monde en sachant que la figure d’attachement sera présente au besoin. Dans le cas contraire, si l’enfant se sent menacé ou en danger, il active son système d’attachement afin de maintenir une proximité avec sa principale figure d’attachement et peut développer des insécurités d’attachement (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978).

Au fil des interactions avec des figures d’attachement, l’enfant développera des modèles de représentations mentales de soi et des autres, aussi appelés modèles opératoires internes ou modèles de travail internes (Bowlby, 1982; Bretherton & Munholland, 2008). D’une part, les représentations mentales de soi sont associées à l’image de soi comme étant digne d’être aimé ou non. D’autre part, les représentations mentales des autres sont liées à la confiance en l’autre d’être sensible et disponible afin de répondre à ses besoins, particulièrement en situation de stress. Selon les interactions précoces entre l’enfant et sa figure d’attachement, l’enfant développe des schémas relationnels où les autres sont représentés comme étant disponibles et sensibles ou, au contraire comme étant peu fiables et froids. Ces représentations internes teintent les interactions futures avec les autres. Ces modèles opératoires internes deviennent des connaissances procédurales implicites impliquées, de façon automatique et inconsciente, dans les interactions d’attachement. Bowlby (1973) suggérait que ces modèles opératoires internes deviennent éventuellement des composantes de la personnalité en aménageant les affects, les cognitions et les comportements (Bowlby, 1973; Collins & Read, 1990; Simpson, 1990), et qu’ils persistent tout au long de la vie (Rholes & Simpson, 2004) en s’activant particulièrement lors de situations stressantes (Bartholomew & Horowitz, 1991).

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Système d’attachement dans le temps

Bowlby (1982) souligne l’importance du système d’attachement tout au long de la vie. Durant l’enfance, les parents représentent les principales figures d’attachement de l’enfant, puis au fil du temps, d’autres personnes significatives peuvent devenir des figures d’attachement, telles que le partenaire amoureux ou les pairs (Mikulincer & Shaver, 2010). Avec l’avancement en âge, l’individu utilise des stratégies plus flexibles et adaptées au contexte pour répondre au même besoin de sécurité. Cependant, la qualité des premières représentations d’attachement à l’enfance continue d’avoir un impact majeur sur l’individu tout au long de son existence (Bowlby, 1973).

De nombreuses études ont appuyé cette idée de stabilité des représentations d’attachement dans le temps présente pour la majorité des individus (Mikulincer & Shaver, 2010). En évaluant des enfants dans la situation étrange à l’âge de 12 et 18 mois, l’équipe de Walters et ses collaborateurs (1978) a observé une stabilité des types d’attachement chez 96% des enfants. Main & Cassidy (1988) ont, quant à eux, évalué des enfants à l’âge de 12 mois, puis plus tard vers l’âge de 6 ans. Les résultats de cette étude ont démontré une stabilité des styles d’attachement chez 84% des enfants, suggérant ainsi une continuité du système d’attachement durant l’enfance.

Une étude longitudinale échelonnée sur 20 ans a renforcé les notions de stabilité et de continuité des styles d’attachement de l’enfance à l’âge adulte. Les résultats de cette étude ont indiqué que 78% des individus n’ayant vécu aucun événement stressant majeur (i.e. divorce, mortalité d’un parent, maladie grave ou abus) maintenaient un style d’attachement sécure à l’âge adulte. Toutefois, environ 39% des individus ayant subi des événements stressants présentaient une modification de leur représentation ou de leur style d’attachement. Parmi ces derniers, 66% des individus présentant un style d’attachement sécure montraient ensuite un style d’attachement insécure (Waters, Hamilton, & Weinfield, 2000). En somme, l’ensemble de ces données appuient la

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stabilité des styles d’attachement tout au long de la vie et justifient la pertinence d’étudier l’attachement à l’âge adulte.

Attachement adulte

Bartholomew & Horowitz (1991) ont développé un modèle de l’attachement adulte dans lequel l’individu développerait une image de lui-même et des autres à partir des soins qu’il a reçus à l’enfance. Ils ont développé un modèle quadripartite de l’attachement adulte composé de quatre styles d’attachement distincts, c’est-à-dire sécure, détaché, préoccupé et craintif ou désorganisé (Figure 2). D’abord, le style d’attachement sécurisant est défini par de faibles niveaux d’anxiété et d’évitement. Les individus présentant un style d’attachement sécure (représentations positives de soi et des autres) ont tendance à avoir une bonne estime de soi, croire qu’ils puissent être aimés et percevoir les autres comme tolérants, réceptifs, dignes de confiance et capables de sensibilité. Ensuite, le style détaché correspond à un faible niveau d’anxiété et un niveau élevé d’évitement. Les individus qui présentent un style d’attachement détaché (représentations positives de soi et négatives des autres) nourrissent une vision positive d’eux-mêmes et ont tendance à croire qu’ils méritent l’amour des autres. Néanmoins, ils perçoivent ces derniers comme n’étant pas dignes de confiance et nient leur désir et leur besoin de relations intimes. Le style préoccupé est, quant à lui, caractérisé par un niveau élevé d’anxiété et un faible niveau d’évitement. Les individus qui ont un style d’attachement préoccupé (représentations négatives de soi et positives des autres) ont tendance à ne pas se considérer comme étant aimables et n’ont pas le sentiment d’avoir de la valeur. Toutefois, ils évaluent de façon positive les autres comme étant dignes de confiance. Ceux-ci sont excessivement préoccupés par les relations intimes dans lesquelles ils cherchent à obtenir l’approbation. Enfin, le style craintif ou désorganisé est déterminé par des niveaux élevés d’anxiété et d’évitement. Les individus présentant un style d’attachement craintif (représentations négatives de

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soi et des autres) ne se sentent pas aimables et tendent à percevoir les autres comme rejetants. Ils peuvent réprimer les rapprochements intimes par peur d’être blessés ou rejetés par les autres. En outre, ils ont davantage de difficultés interpersonnelles pouvant se manifester entre autres par des troubles mentaux importants, notamment le TPL (Simpson & Rholes, 2002). Par ailleurs, de récentes études de prévalence ont montré que ces quatre styles d’attachement représentent respectivement 55%, 15%, 20% et 10% de la population générale (Bakermans-Kranenburg & van Ijzendoorn, 2009; Brassard, Lussier & Shaver, 2009).

Ce modèle quadripartite de l’attachement adulte est composé de deux dimensions continues, soit l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité (Figure 2; Brennan, Clark & Shaver, 1998). D’abord, l’anxiété d’abandon se traduit par une peur du rejet ou de l’abandon caractérisée par une hypervigilance aux menaces et aux séparations. L’individu qui rapporte un degré élevé d’anxiété face à l’abandon aura recours à des stratégies d’hyperactivation du système d’attachement pour tenter d’être rassuré pouvant se traduire par des tentatives répétées d’atteindre une proximité excessive avec les autres et une vigilance accrue aux menaces et aux séparations (Bartholomew & Horowitz 1991; Collins & Read, 1990; Hazan & Shaver, 1987). Toutefois, l’hyperactivation du système d’attachement diminue la capacité à réguler ses affects négatifs, entretenant la détresse, et ce, même en l’absence de la menace, rendant l’individu plus vulnérable (Mikulincer & Shaver, 2010).

Ensuite, l’évitement de l’intimité réfère à un sentiment d’inconfort vis-à-vis l’intimité relationnelle et la dépendance caractérisé par un grand besoin d’autonomie et d’autosuffisance (Mikulincer & Shaver, 2007). L’individu qui présente un degré élevé d’évitement aura recours à des stratégies de désactivation du système d’attachement pouvant se traduire entre autres par un maintien d’une distance émotionnelle avec autrui et un repli sur soi comme unique source de protection (Bartholomew & Horowitz 1991; Collins & Read, 1990; Hazan & Shaver, 1987). La désactivation du système d’attachement amène l’individu à minimiser ou à nier ses besoins

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d’attachement, faisant en sorte qu’une partie importante de son vécu émotionnel est ignoré. Les sentiments négatifs sont vécus à l’intérieur et ne sont pas exprimés par l’individu afin de ne pas se montrer vulnérable (Mikulincer & Shaver, 2010).

Enfin, la sécurité d’attachement, par opposition aux deux dimensions précédentes, est caractérisée par un faible niveau d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité (Fraley & Shaver, 2000). L’individu qui présente un attachement sécure est confiant quant à la disponibilité et la sensibilité de leur partenaire, puis est apaisé par le réconfort que ce dernier lui apporte (Bartholomew & Horowitz, 1991). De ce fait, ce dernier a peu recours aux stratégies d’hyperactivation ou de désactivation du système d’attachement, et dans les rares cas où il les utilise, il le fait de façon flexible (Mikulincer & Shaver, 2007).

En somme, Mikulincer & Shaver (2003, 2007) suggèrent que la position occupée par une personne sur ce continuum bidimensionnel varie selon le sentiment de sécurité interne et de détresse qui le caractérisent. La position d’un individu sur la dimension anxiété d’abandon représente son degré de préoccupation liée à la disponibilité et la proximité relationnelle de son partenaire alors que celle sur la dimension évitement de l’intimité indique son degré de méfiance quant à la disponibilité de son partenaire ainsi que le renforcement de son autosuffisance (Brennan et al., 1998). Les individus qui présentent de l’anxiété d’abandon et ceux qui font preuve d’évitement de l’intimité se caractérisent par des cognitions et des comportements opposés lors d’interactions impliquant une certaine intimité. Les individus plus anxieux cherchent à augmenter l’intimité pour assurer leur besoin de sécurité alors que ceux qui sont plus évitants cherchent à la réduire (Shallcross, Howland, Bemis, Simpson & Frazier, 2011). Par ailleurs, il est possible de faire le parallèle entre les deux dimensions de l’attachement et les quatre styles d'attachement (Bartholomew & Shaver, 1998; Brennan et al.,1998). En effet, un niveau élevé d'anxiété d'abandon correspond à

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des représentations négatives de soi alors un niveau élevé d'évitement de l'intimité réfère à des représentations négatives des autres.

Figure 2. Modèle de l’attachement à l’âge adulte

Afin d’offrir une mesure valide et fidèle des deux dimensions de l’attachement, Brennan et ses collaborateurs (1998) ont développé le questionnaire Experiences in Close Relationships (ECR). Cet outil comporte de nombreux avantages, notamment il permet plus de précision et rend davantage compte des différences individuelles comparativement aux échelles précédentes. En effet, l’utilisation d’une variable continue comme les dimensions d’attachement permet de mesurer les différences d’intensité et les nuances à l’intérieur d’un même style d’attachement. Une structure dimensionnelle permet d’estimer le degré auquel un individu est caractérisé par un style d’attachement (Milkulincer & Shaver, 2010). Par ailleurs, l’administration du questionnaire ainsi que la cotation et la saisie des données sont rapides et peu coûteuses (Lafontaine & Lussier, 2003). À la

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lumière de ces informations, il semble préférable d’utiliser l’ECR (Brennan et al., 1998) dans le cadre de cette recherche.

Attachement et trouble de la personnalité limite

La théorie de l’attachement fournit un cadre théorique permettant de mieux comprendre les représentations mentales inadaptées de soi et des autres qui, selon plusieurs chercheurs, sont centrales dans le développement et le maintien du TPL. En effet, les modèles opératoires internes influencent le développement de la personnalité plus tard à l’âge adulte. Une perturbation du système d’attachement constitue un précurseur reconnu dans le développement futur d’un trouble de la personnalité (Levy, Meehan, Weber, Reynoso & Clarkin, 2005).

Styles d’attachement. De nombreuses études empiriques ont montré que les personnes ayant un TPL ont des représentations des autres plus malveillantes et hostiles (Arntz & Veen, 2001; Meyer et al., 2004) ainsi que des représentations de soi comme étant davantage non-aimable, mauvais, dépendant et impuissant (Butler et al., 2002; Jovev & Jackson, 2004). Ces représentations de soi et des autres peuvent se traduire par un style d'attachement insécure, présent chez la majorité des personnes ayant un TPL (Bender & Skodol, 2007). À travers la littérature, un accent est porté sur le style d’attachement désorganisé (Beeney et al., 2017) se caractérisant par la vacillation ou la coexistence de l'anxiété d'abandon et de l'évitement de l’intimité.

Dans une étude menée par Patrick, Hobson, Castle, Howard & Maugham (1994), 92% des personnes ayant un TPL présentaient un attachement insécure se manifestant principalement par des styles préoccupé et désorganisé. Dans une étude plus récente, 81% des personnes ayant un TPL présentaient un attachement désorganisé, ce taux pouvant atteindre jusqu’à 97% dans certains groupes (Barone, Fossati & Guiducci, 2011). Plus concrètement, les personnes qui ont un attachement désorganisé peuvent présenter des oscillations importantes entre le désir d’une

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proximité intense et d’une distance extrême avec autrui (Holmes, 2004; Levy, Johnson, Clouthier, Scala & Temes, 2015; Main & Solomon, 1990). Ce sont des personnes qui hésitent souvent entre deux perceptions opposées, résultat de leur tendance au clivage (Kaplan et Sadock, 1998). Par exemple, considérer les autres comme fondamentalement bons et soi-même comme étant émotionnellement proche des autres ou croire que les autres sont des antagonistes auxquels on ne peut pas faire confiance (Beeney et al., 2017; Selby, Braithwaite, Joiner & Fincham, 2008). Cette tendance à envisager l’environnement de façon dichotomique contribue à créer et entretenir des relations interpersonnelles instables et tumultueuses.

Dimensions de l’attachement. Il existe encore certaines incohérences dans la littérature et aucun consensus empirique n’a encore émergé concernant le lien entre les deux dimensions de l’attachement et le TPL (Levy et al., 2015; Lorenzini & Fonagy, 2013). De nombreux travaux montrent une relation solide entre l’anxiété d’abandon et le TPL (Brennan, Clark & Shaver, 1998; Meyer, Philkonis & Beevers, 2004; Nickell, Waudby & Trull, 2002). Toutefois, les recherches portant sur la relation entre l’évitement de l’intimité et le TPL sont moins cohérentes. Certaines études n’ont trouvé aucune relation significative entre ces construits (Meyer et al., 2004; Nickell et al., 2002) alors que d’autres ont constaté un lien entre l’évitement de l’intimité et le TPL, mais seulement lorsque l’anxiété d’abandon était également élevée (Levy et al., 2005). Pour répondre à ce manque de clarté, une méta-analyse menée par Smith & South (2020) a fourni une synthèse quantitative de la force et de la direction des liens existant entre les dimensions de l’attachement et le TPL. Les résultats montrent que les deux dimensions de l’attachement sont significativement corrélées au TPL, mais que l’anxiété d’abandon est la dimension de l’attachement qui présente la plus forte association. Compte tenu que ces résultats proposent que les deux dimensions de l’attachement puissent être liées au trouble, ceux-ci mettent de l’avant la pertinence de s’intéresser à chacune des deux dimensions de l’attachement.

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Attachement et difficultés interpersonnelles

En sachant que la théorie de l’attachement fournit un cadre conceptuel pour comprendre les représentations mentales inadaptées de soi et des autres, elle s’avère également pertinente pour examiner les relations interpersonnelles. Tel que mentionné ci-haut, le système d'attachement d’une personne se développe à travers la façon dont elle a été traitée par des personnes importantes, en commençant par les premières figures d’attachement. Lorsque les premières figures d’attachement sont cohérentes pour répondre aux besoins de l’enfant en offrant du réconfort et du soutien en cas de besoin, des représentations positives de soi et des autres se développent. À l’inverse, lorsque les premières figures d’attachement sont inadéquates en ne répondant pas aux besoins de l’enfant, une représentation de soi comme ne méritant pas de soutien ni d’amour et une représentation des autres comme étant peu fiables et décevants peuvent émerger (Bowlby, 1982; Bretherton & Munholland, 2008). À l’âge adulte, les premières figures d’attachement se prolongent à l’entourage, c’est-à-dire des amis proches et des partenaires amoureux. Au fil des expériences d’attachement, la personne développe des attentes et des croyances relativement stables de ce que devraient être les relations interpersonnelles à l'âge adulte. Bien que l’attachement soit un construit relativement stable et durable, il est également considéré comme étant dynamique en répondant aux changements dans l’environnement interpersonnel. En effet, une personne peut présenter une variation de sa sécurité d’attachement selon les différentes figures d’attachement (Sibley & Overall, 2008) et les événements de la vie. Par exemple, les individus tendent à rapporter des niveaux de sécurité plus bas à la suite d’une rupture amoureuse (Ruvolo, Fabin & Ruvolo, 2001). Des événements de la vie comme la transition vers la parentalité (Rholes, Simpson, Campbell & Grich, 2001; Simpson, Rholes, Campbell & Wilson, 2003) ou le mariage (Davila, Karney & Bradbury, 1999) ont également la possibilité de provoquer des changements quant à l’attachement.

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La littérature actuelle révèle des liens intéressants entre l’attachement et les problèmes interpersonnels décrits par l’approche circomplexe (Bartholomew & Horowitz, 1991; Collins & Read, 1990; Hazan & Shaver, 1987; Horowitz et al., 1993; Mallinckrodt & Wei, 2000; Wei, Mallinckrodt, Larson & Zakalik, 2005). En ce qui concerne la sévérité des difficultés interpersonnelles, les deux dimensions de l’attachement, soit l’évitement de l’intimité et l’anxiété d’abandon, sont associées positivement au score global des difficultés interpersonnelles (Haggerty, Hilsenroth & Vala-Stewart, 2009).

Concernant le type de difficultés interpersonnelles, l’évitement de l’intimité est associé au profil dominant-hostile (Mallinckrodt & Wei, 2000 ; Horowitz et al.,1993) alors que l'anxiété d’abandon est, quant à elle, associée au profil soumis-aimable du modèle circomplexe. En outre, les personnes qui présentent un style d’attachement détaché (évitement de l’intimité élevé et anxiété d’abandon faible) se situent davantage du côté hostile du modèle circomplexe alors que celles qui présentent un style d’attachement préoccupé (évitement de l’intimité faible et anxiété d’abandon élevée) correspondent plus au profil intrusif/dépendant. Les personnes qui présentent un style d’attachement désorganisé (évitement de l’intimité et anxiété d’abandon élevés) montrent un profil davantage soumis tandis que celles qui présentent un style d’attachement sécure (évitement de l’intimité et anxiété d’abandon faibles) se situent plutôt du côté aimable du modèle circomplexe (Horowitz et al., 1993). Ces résultats suggèrent que le système d’attachement d’une personne peut contribuer de façon significative au développement et au maintien de ses relations interpersonnelles. En effet, les insécurités d’attachement semblent être impliquées dans la survenue de difficultés interpersonnelles et être associées à des types de problèmes interpersonnels spécifiques.

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Limites des études

À ce jour, le TPL représente le trouble de la personnalité le plus largement étudié (Fowler et Oldham, 2013). De loin, la grande majorité des études a été réalisée auprès d’individus provenant de la population clinique. Ces recherches ont apporté des informations utiles en ce qui a trait à l’évolution, le pronostic et le traitement de ce trouble. Toutefois, un domaine de recherche relativement négligé est l'évaluation des symptômes limites chez les adultes d’une population générale.

Il est primordial de mener ces études auprès de cette population pour de nombreuses raisons. D’abord, le TPL semble être relativement répandu dans la population générale (Gunderson & Zanarini, 1987; Zimmerman & Coryell, 1989). Ensuite, les participants des études cliniques diagnostiqués avec un TPL peuvent ne pas être représentatifs des individus provenant des échantillons populationnels. Les personnes présentant les cas les plus graves ou dysfonctionnels, c’est-à-dire ceux qui reçoivent les traitements les plus fréquents ou les plus longs, sont celles qui sont les plus susceptibles d'être échantillonnées dans les études cliniques (Cohen & Cohen, 1984).

À cet effet, le biais de Berkson (Berkson, 1946) suggère que les patients provenant de milieux cliniques peuvent non seulement être non représentatifs, mais peuvent également être susceptibles de présenter un éventail plus grand d’autres pathologies (p. ex. en présentant d’autres troubles de santé mentale et troubles médicaux comorbides) (Lenzenweger, 2008). Puis, des preuves empiriques proposent que les adultes de la population générale présentant des symptômes limites aient un niveau de dysfonctionnement suffisamment sévère pour justifier une étude plus approfondie (Trull, 1995).

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De nombreux travaux suggèrent que notre compréhension des mécanismes sous-jacents au développement du TPL peut être bonifiée par la recherche portant sur des échantillons de la population générale. En effet, un certain nombre d’arguments soutiennent l’idée que le TPL est mieux conceptualisé de façon dimensionnelle plutôt que catégorielle. Deux principaux arguments se concentrent sur l’hétérogénéité du trouble et le manque de support empirique pour les seuils diagnostiques proposés par le DSM-V. D’une part, aucun support conceptuel ou empirique ne soutient le nombre de critères requis pour atteindre le seuil diagnostique. De surcroit, plusieurs modifications dans les critères de chaque version du DSM ont été apportées (Blashfield, Blum & Pfohl, 1992). D’autre part, conformément à l’approche catégorielle du DSM-V, il ne suffit qu’une personne présente au moins cinq des neuf critères diagnostiques du TPL pour recevoir le diagnostic.

De ce fait, il existe 256 combinaisons possibles pour satisfaire aux critères diagnostiques du TPL (Skodol et al., 2002) et ce, en l’absence de critère de base. Cela conduit à une grande hétérogénéité dans l’origine du même diagnostic et entre les personnes atteintes du TPL. En effet, deux personnes peuvent présenter ce diagnostic, mais ne partager que quelques symptômes communs. En outre, le chevauchement diagnostique élevé et la grande comorbidité entre les différentes classifications de la personnalité du DSM-V alimentent les inquiétudes concernant la validité conceptuelle des troubles de la personnalité. Des patients ayant les critères d’un trouble de la personnalité spécifique remplissent également ceux d’autres troubles (Krueger & Markon, 2006). Zimmerman et ses collègues (2008) ont réalisé une étude épidémiologique et sont parvenus à la conclusion que près de la moitié des patients en contexte psychiatrique souffrent d’un trouble de la personnalité. Cela justifie donc la pertinence d’obtenir des points de repère supplémentaires pour décrire plus spécifiquement la symptomatologie propre au TPL (Zimmerman, Chelminski & Young, 2008).

Figure

Figure 1. Modèle circomplexe des relations interpersonnelles
Figure 2. Modèle de l’attachement à l’âge adulte
Figure 3. Rôle médiateur de l’anxiété d’abandon dans le lien unissant les symptômes limites et les
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