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Cultures de l'espace public : les centres culturels des mosquées à Nantes

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Academic year: 2021

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Submitted on 18 May 2017

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Cultures de l’espace public : les centres culturels des

mosquées à Nantes

Johanna Renault

To cite this version:

Johanna Renault. Cultures de l’espace public : les centres culturels des mosquées à Nantes. Architec-ture, aménagement de l’espace. 2016. �dumas-01524645�

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Cultures de l’espace public

Les centres culturels des mosquées à Nantes

Johanna Renault - 2016Mémoire de Master

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Johanna Renault

Cultures de l’espace public

Les centres culturels des mosquées à Nantes

Laurent Devisme Controverses spatiales Mémoire de master 1 Directeur de mémoire Domaine d’étude n°1

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Tangui Robert, Architecte, 21.06.2016

Monsieur Ben Saïd, Imam et aumônier, 30.06.2016

Une sympathisante et sa fille, ... , 30.06.2016

Trois bénévoles, Etudiants, 30.06.2016

Camille Picot & Gaëlle Delhumeau, Architectes, 08.07.2016

Pierrick Beillevaire, Architecte, 12.07.2016

Monsieur Keles, Président de l’ACTN, 07.07.2016

Un habitué, Maraîcher, 11.07.2016

Monsieur Demirel, Vice président de l’ACTN, 11.07.2016

Monsieur Boukhzer, Directeur de la mosquée Assalam et imam, 28.07.2016

Les rencontres

-Lies Laïdi, Architecte, 2011

Interviewé par Anne Bossé & Elisabeth Pasiquer Deux bénévoles, ... , 01.11.2015

Un habitué, ... , 30.12.2015

Une fidèle et sa fille, ... , 22.01.2016

Entretiens Informel Entretien retranscrit

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Sommaire

-Les rencontres

Introduction

Chapitre 1 - Cultures architecturales

Nouvelles écritures dans le paysage nantais

- Définitions - Le contexte - La mosquée - La symbolique - Une tradition - La temporalité - Le lien

- Des architectures ordinaires - L’appropriation

Chapitre 2 - Cultures des lieux

Pratiques dans l’espace public

- L’apprentissage - L’intergénérationnel - La présence féminine - Le cultuel

- Culture commune, culte commun

Chapitre 3 - Cultures de l’espace public

Ancrages et oscillations - Ma position - Médiation - L’évolution - La laïcité

Conclusion

Lexique Iconographie Bibliographie Annexes p.16 p.18 p.22 p.27 p.32 p.34 p.36 p.38 p.40 p.7 p.15 p.43 p.58 p.60 p.62 p.64 p.68 p.58 p.101 p.105 p.111 p.113 p.119 p.82 p.86 p.92 p.96

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Introduction

Un point de départ, Istanbul - Il y a un peu plus d’un an maintenant, j’entendais encore le chant des muezzins et des klaxons depuis chez moi. L’expérience d’une métropole mondiale, d’un pays, d’une histoire, de rues et de places chargées d’ambiances, de comportements, parfois loin, parfois proche. L’expérience de quartiers fonctionnant sur des références, des imaginaires, des racines qui m’étaient inconnues, ou que je pouvais reconnaitre. Quand le dépaysement se fond dans le quotidien il disparaît doucement, lorsque l’habitude et les repères s’installent. S’immiscer dans le bouillonnement urbain turc, dont une composante m’intriguait: la dimension religieuse assumée des espaces publics, catalysée par les innombrables mosquées, surtout les Grandes Mosquées. Une ville ponctuellement rythmée par les chants des minarets, les mouvements répétitifs de chaussures aux entrées, les sols qui vibrent quand tous les genoux s’abaissent, et puis les personnes âgées qui y font la sieste, les enfants qui se roulent sur les tapis quand l’imam récite, les smartphones qui raisonnent, les femmes assises à même le sol qui discutent, les hommes qui passent, qui repartent. Une vie d’espace public couvert de coupoles ottomanes, qui se prolonge plus ou moins sur les places alentour selon les quartiers. Les codes vestimentaires étaient probablement le meilleur indice. C’était devenu un fragment du tout, de l’ordinaire dans un paysage du quotidien.

Les villes ottomanes historiques se sont construites sur des külliyesi, ces complexes de Grandes Mosquées qui ont cristallisé les centres urbains, regroupant l’espace cultuel, ainsi que des universités et des écoles coraniques, des hôpitaux, des commerces, des cuisines populaires, des

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hammams, des hôtels… Elles sont complétées par le pazaar, le marché, le kavehane, le café, ou le çayevi, le salon de thé où les hommes se retrouvent aujourd’hui. Ces figures gravitent autour des mosquées et forment comme un réseau de petites institutions publiques informelles dans chaque quartier, dans la ville. Aujourd’hui les mosquées se fondent dans les tissus urbains et dans les temporalités de la ville. Elles n’ont pas connu de rupture historique dans ce pays où la laïcité, imposée de façon autoritaire dans les années 20 par Mustafa Kemal Atatürk, «n’expulsait

l’islam de l’espace de visibilité publique qu’après l’avoir érigé en religion par défaut de la nation, voire en sa composante consubstantielle 1».

Le retour - Ce moment un peu déroutant où ce qui faisait référence d’ordinaire a comme un arrière goût d’étranger. Les surfaces urbaines traversées me paraissaient plus calmes, mais neutres aussi. Le dense bouillonnement urbain est réduit à une petite échelle, et les pratiques religieuses ont quasiment disparu de mon champ de vision. Le seul marqueur notable réside dans le hijab, le voile que portent les femmes musulmanes, aux esthétiques multiples, et prend alors la forme d’un souvenir. Sentir l’expérience à l’étranger dans le regard que je portais sur mon environnement, sur mon (re)nouveau quotidien. Les mosquées, les marchés, les cafés, même les kebabs sont alors devenus des lieux de curiosité. Observer pour voir ce qu’il restait de ce que j’avais vu là-bas. Jusqu’à se frotter à l’écueil de partir à la recherche d’une sorte d’orientalisme qui existerait dans l’espace public à Nantes, au travers d’usages importés d’ailleurs durant ce dernier siècle de grandes immigrations. Un orientalisme révélé par Edward Saïd, dans son ouvrage intitulé L’orientalisme : L’Orient créé par l’Occident, comme un ensemble de représentations fabriquées en Occident et par l’Occident durant plusieurs siècles, à travers toute sorte de récits. Ces représentations ont

aujourd’hui. Cet orientalisme vers lequel je tendais m’est paru biaisé, portant l’idée que cette entité, cet Orient, n’existait dans tous les cas pas comme tel et éloignait de la réalité du terrain. Pourtant, l’ensemble des codes, des valeurs, des sociabilités rencontré en Turquie restait un bagage à valoriser, que j’appelais jusque là culture de l’espace public. C’est ce terme de culture qui m’a guidé vers Malakoff où se trouvent la grande mosquée Assalam et le centre culturel Abdullah Al-Darwish, et vers Chantenay, à la grande mosquée Osmanli, car elles accueillent un centre culturel. Celle de Nantes Nord, la mosquée Arrahma, n’en est pas pourvue pour l’instant. Le terme de grandes mosquées renvoie ici à leur capacité d’accueil et de visibilité, contrairement aux petites mosquées et salles de prières, qui sont présentes dans différents quartiers. L’entrée par la notion de culture permettait alors de ne pas aborder la question du culte de front, qui pour moi relève plus d’un sentiment intrinsèque, animant personnellement chacun, mais de s’intéresser à ce qui fabrique du commun, ce qui rassemble et comment, au delà de la religion. C’était aussi l’occasion de s’affranchir d’une certaine manière des débats politiques et médiatiques qui peuvent animer la sphère publique, parfois de façon frénétique voire sensationnelle, bien qu’ils soient le symptôme d’un sujet délicat tant il questionne des symboles forts, des composantes essentielles de l’espace public que l’on connaît aujourd’hui. Et puis cette idée de culture de l’espace public s’est élargie, dans le sens où elle pouvait aller au delà d’un ensemble d’usages découverts dans un autre pays, mais aussi s’appliquer ici à Nantes, et prenait même un sens plus épais, puisqu’il permettait d’englober à la fois les usages mais aussi le système d’acteurs, ceux qui commandent, ceux qui conçoivent, ceux qui réalisent les espaces que l’on peut côtoyer au quotidien.

Se focaliser sur ces deux sites supposait de commencer par la genèse des projets, comment se sont concrétisées les réponses d’une demande de visibilité, à la recherche d’une place, dans l’idée que l’espace public «ne

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activités préexistantes à tout nouvel événement, et une ‘‘matière première’’1».

Le rapport de recherche L’espace public dans les Pays de la Loire au contact

de l’islam, une enquête réalisée par Anne Bossé et Elisabeth Pasquier

et aboutie en janvier 2013, constituait une base de travail, un éclairage primordial, un état des lieux. Si ce culte avait toujours été pratiqué dans des sphères privées, dans des locaux prêtés ou investis, de façon relativement cachée aux yeux du grand nombre, ces deux projets ont mis en dialogue les façons de faire à plusieurs échelles, juridique, symbolique, politique, urbaine et architecturale. Par leur force de proposition les associations sont devenues maîtrise d’ouvrage, les pouvoirs publics ont reconnu la nécessité de tels chantiers et ont accompagné les projets n’étant pas en droit d’avoir le rôle de commanditaire ni d’investisseur, et les deux agences d’architecture, Laïdi & Châtaigner et In Situ, ont eu l’opportunité de concevoir des ouvrages singuliers dans le paysage nantais. Finalement, ces établissements recevant du public sont probablement manifestes d’une ‘‘lutte des places’’ aboutie, dans le sens où la conception et la construction résultent d’un long processus d’apprentissage réciproque, de négociations, de confiance et de défiance, de compromis entre les différentes parties2,

pour arriver au consensus concret que sont les bâtiments que l’on peut voir aujourd’hui. L’idée d’aborder le sujet par l’entrée de la culture et de l’espace public entrait en corrélation avec les ouvertures de la conclusion du rapport, me permettant d’inclure ce mémoire dans une sorte de continuité, influençant aussi les contours de mon approche, de ma posture.

Ma posture - Sept ans plus tard à Chantenay, quatre ans plus tard à Malakoff. Les mosquées et centres culturels font partie intégrante des skylines qui accueillent en entrée de ville. Les portes d’entrées des centres culturels seront mon ouverture de la phase de terrain, entre juin et juillet.

1. LUSSAULT, De la lutte des classes à la lutte des places, p.43

2. BOSSE, PASQUIER, Construire une mosquée en France : une question de confiance

Aller à la rencontre des usagers, les laisser me guider dans les lieux et vers qui m’adresser, écouter les responsables sur les définitions, les enjeux, les propositions quant à des évolutions futures, recueillir les témoignages des architectes pour mieux comprendre l’aboutissement des lieux. La petite échelle et la rencontre pour composer une image de ce que pourrait être la culture des espaces publics que sont ces centres culturels. Je me suis toujours présentée comme une étudiante en architecture réalisant son mémoire de master, enthousiaste après un an d’échange à Istanbul, aujourd’hui curieuse des initiatives citoyennes pour la programmation et la réalisation d’espaces et de bâtiments publics, les mosquées présentant des cas d’étude particulièrement intéressants. Après présentations réciproques, je tirais parfois quelques ficelles pour laisser les discours se dérouler, où j’accompagnais précisément quand certains interlocuteurs avaient du mal à saisir que dire sur le centre culturel, ou simplement se positionner face à la notion de culture.

Cette notion, je l’ai finalement rapprochée de ce qui fait du commun, comme un système de représentations, de pratiques, de langage, d’architecture aussi, qui rassemblent, qui se partagent, qui fabriquent des liens, des reconnaissances mutuelles. Elle prend aussi en compte les rapports multiples qui coexistent entre les lieux et les usagers, et je laissais le terme ouvert à ce que les acteurs allaient me proposer. Le seul cadre était l’espace que représentent ces deux complexes, dans le sens où ils sont ouverts à tous citoyens, et le discours des usagers et des responsables qui l’occupent sur la notion de culture, de ce qui fait culturel.

Un ensemble de question en a découlé, comme une boîte à outils pour dresser le portrait de ces lieux : quels sont les causes et les effets du bâti? La construction aboutie des complexes était-elle le point de départ de nouvelles négociations ? Comment la vie s’organise à l’intérieur et pourquoi, quels liens animent les usagers à l’architecture? Quelles connexions sont tissées entre les parties culturelles et cultuelles ? Quelles influences opèrent ? Quelles définitions peut-on donner aux centres

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culturels attenants à des mosquées ? Quelles innovations et quelles ouvertures apportent ces lieux ? De quels pratiques et usages les centres culturels sont-ils le support ? Quelles incidences ont-ils dans la ville ? Quelles ouvertures proposent-ils au public extérieur ? Et puis finalement, quelles sont les cultures de l’espace public en ces lieux ?

Cette expérience de recherche n’aurait donc pas pu débuter sans l’architecture manifeste que sont les deux mosquées et leurs centres culturels. Prenant en compte que «l’espace n’est pas seulement un

contenant, mais aussi et surtout un contenu de l’expérience sociale1»,

comprendre les agencements des différentes surfaces était nécessaire pour mieux mettre en perspective les déplacements, les habitudes, l’ancrage des usagers et les comparaison que l’on peut faire de ces deux complexes. Et puis de dézoomer, de se pencher sur les enjeux à l’échelle de la ville, et plus largement encore sur les questions posées sur la société française aujourd’hui.

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Chapitre I

-Cultures architecturales

Nouvelles écritures dans le paysage nantais

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«L’espace public comme forme ouverte, place, jardin public, boulevard, est absent du centre des villes arabo-musulmanes ou orientales traditionnelles,

les médinas, si l’on excepte l’espace ouvert «public» complexe que constitue la Grande Mosquée 1»

Mosquée : lieu de culte pour les musulmans 2.

Dans leur introduction à la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée n°125, «Les mosquées. Espaces, institutions et pratiques», Fariba Adelkhah et Abderrahmane Moussaoui dressent un portrait composite des mosquées, permettant de comprendre les enjeux et les épaisseurs que concentrent ces lieux à travers le monde aujourd’hui, en commençant par le vocabulaire. Le terme de mosquée vient de l’arabe

masjid signifiant plus précisément le lieu où l’on se prosterne devant Dieu.

Pourtant ce terme est rarement utilisé dans le monde arabo-musulman où l’on parle de camii ou djâmi, un nom qui étymologiquement signifie ‘‘qui rassemble’’. Les deux anthropologues présentent également les mosquées comme une figure participant à une logique de globalisation, dans le sens où elles proposent un panel de créations architecturales à travers le

1. DAVID, Espace public au Moyen-Orient et dans le monde arabe, entre urbanisme et pratiques

Définitions

monde, s’inscrivant dans un répertoire néo-traditionnel. Tangui Robert et Pierrick Beillevaire de l’agence In Situ Architecture & Environnement pour la mosquée Osmanli, et Lies Laïdi de l’agence Laïdi & Chataigner pour la mosquée Assalam, participent finalement à cet inventaire par leur proposition de projets aux associations nantaises.

« En général quand les gens, ils viennent ici, ils viennent ‘‘à la mosquée’’. Ils disent pas on vient à un centre culturel »

Monsieur Ben Saïd

Partir de cette définition permet de comprendre que le langage n’est pas aussi fixe que les termes de ‘‘mosquée’’ et ‘‘centre culturel’’. Lors des entretiens réalisés, il était parfois difficile de faire la distinction entre la partie culturelle et la partie cultuelle, ne serait-ce que par ces termes si proches ; j’allais d’ailleurs moi même ‘‘à la mosquée’’. Le culte comme une composante parmi d’autres prend le pas et implique une ambivalence dans le langage, il questionne un peu les lisières que l’on peut connaitre entre espace symbolique et espace public, qui sont culturelles. La distinction centre cultuel/centre culturel résulte de plusieurs facteurs : elle permet aux pouvoirs publics d’attribuer une subvention pour la partie culturelle, mais également d’accueillir des activités proposées par les associations. Le récit des architectes quant à leur expérience en tant que maîtrise d’œuvre permet de comprendre comment ces liens ont été conçus et dans quel contexte. J’ai eu l’occasion d’interviewer Tangui Robert et Pierrick Beillevaire, qui ont abouti à la construction du complexe Osmanli avec l’Association Culturelle Turque de Nantes. En revanche, ce n’a pas été le cas pour Lies Laïdi, qui a travaillé avec l’Association Islamique de l’Ouest de la France. Toutes les informations concernant la mosquée Assalam et le centre culturel Abdullah Al Darwish proviennent de la retranscription

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-Les deux complexes s’inscrivent dans deux environnements urbains différents. La mosquée Assalam et le centre culturel Abdullah Al Darwish font partie du Grand Projet de Ville Malakoff - Pré-Gauchet. Les cheminements et les espaces publics extérieurs, comme une assises pour la mosquée, ont été réalisés par l’Atelier Ruelle et s’intègrent dans la nouvelle écriture des urbanistes pour cette reconversion à grande échelle. Elle met l’accent sur les circulations douces, dessinées par des gabions, des pavées au large calpinage laissant la végétation se profiler. En arrivant par le Boulevard de la Prairie de Mauve, le complexe marque l’entrée de ville. Derrière se trouve l’usine d’eau de Nantes, et le parc de la Roche est attenant à la mosquée.

Pour la mosquée Osmanli, le contexte est bien moins neuf. La parcelle donne sur le boulevard Bâtonnier Cholet, d’où la mosquée n’est visible que si l’on se tourne vers elle. Seul le minaret dépasse de la skyline dessinée par les hangars des multiples activités commerciales et industrielles, quasiment sous le pont de Cheviré. L’Ifocotep, le centre de formation d’apprentis à Nantes et Saint Nazaire, fait face au complexe sur le boulevard.

Leurs points communs résident dans le fait que la partie cultuelle a concentré les efforts de financement et le travail autour d’une symbolique architecturale nouvelle dans le paysage. La séparation entre centres cultuels et centres culturels posait alors la question du rapport entre les deux. Longitude : Latitude : 47° 13' 22.9" N1° 33' 57.2" O © IGN 2016 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales 3 km 0

Géoportail - version simple/tablette http://tab.geoportail.fr/

Les contextes

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Le parc de la Roche et les matériaux utilisés par l’Atelier Ruelle La zone d’activités de Chantenay

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Construire une mosquée impose dans un premier temps des prérogatives d’ordre religieuses, introduisant aussi un nouveau vocabulaire. L’essentiel de la mosquée tient dans la qibbla, le mur dans lequel est incrusté le

mihrab, l’autel où se place l’imam pour réciter la prière. Le mihrab doit

être orienté vers la Mecque, la qibbla se plaçant donc à la perpendiculaire, et l’angle se définit par des calculs astrologiques, imposant aux architectes une certaine implantation. Adossé à la qibbla, se trouve le minbar, l’escalier où trône l’imam pour prononcer le prêche du vendredi. On y trouve souvent des calligraphies en arabe, le signe du Prophète ou des versets du Coran, et elles ne doivent pas être inscrites plus bas que les hanches. Les déclinaisons architecturales et artisanales de tous ces éléments relèvent ensuite d’une dimension plus culturelle, en fonction des savoir-faire et des parti-pris. Tout un vocabulaire à s’approprier pour les architectes.

« L’histoire des projets de mosquées compte ainsi des personnages clés, parmi lesquels les architectes et les urbanistes occupent une position importante. L’enquête révèle, en effet, l’importance du projet dans ces processus de négociation. (…) Le rôle joué par les architectes met (…)

en évidence l’importance de ces personnes acceptant par engagement d’endosser une fonction de médiation.1 »

Les architectes et leurs aspirations sont un point de départ. Les deux équipes se sont placées comme accompagnatrices de maîtrises d’ouvrage

1. BOSSE, PASQUIER, Construire une mosquée en France : une question de confiance

en apprentissage du système normé de la construction d’un bâtiment public. Dans les deux cas, les processus de projet s’inscrivent sur des temps longs (environ 5-6 ans) et ont engagé des allés-retours permanents entre les différents acteurs, modifiant les projets jusqu’à la fin des chantiers. Pour la mosquée Assalam, l’architecte était déjà possesseur d’un ensemble de références et de représentations en ayant vécu au Maghreb. Il se plaçait comme un acteur engagé de la genèse du répertoire architectural musulman sur le territoire français. Pour la mosquée turque, la dynamique s’inscrivait plutôt dans l’ambition d’imaginer une facture hybride de références architecturales turques et françaises en commençant par une période de recherche quant à l’architecture ottomane: un voyage en Allemagne pour découvrir des références euro-turques, et un voyage en Turquie pour étudier la forme des minarets, élément architectural revendiqué par l’association.

« [En Allemagne] c’était un appauvrissement à l’extrême de toute la culture ottomane. C’était plus une culture de catalogue. »

Tangui Robert

La mosquée

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Mihrab de la mosquée Assalam Mihrab de la mosquée Osmanli

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Hasankeyf, à l’est de la Turquie.

Les proportions du minaret ont fait consensus au sein de l’ACTN

La fabrication d’une écriture ‘‘franco-ottomane’’, voire ‘‘nantaise-ottomane’’ pour certaines personnes rencontrées, s’est composée à toutes les échelles et étapes du projet. La première était une démarche de synthétisation entre les différentes représentations volumétriques qui émanaient des membres de l’association. Un processus d’acculturation plus fructueuse qu’une « culture livresque » pour les architectes, et de ré-acculturation pour l’équipe de maitrise d’ouvrage, dans le sens où les membres de l’association venaient de régions diverses avec des références différentes plus ou moins claires. Ces processus ont pris forme par la volonté des architectes de dessiner les différents éléments: les volumes, la gestion de la lumière, la coupole, le minaret, le mihrab, le minbar, les motifs des tapis, des garde-corps, des moucharabiehs, des façades. Une synthèse émane entre l’appropriation des volumétries et des symboliques ottomanes et musulmanes, de l’ordre de motifs géométriques souvent en références à des courbes végétales, croisée de références européennes ou émanant des réinterprétations que les architectes pouvaient s’en faire, comme des damas français du XVIIe siècle. Dans un deuxième temps, les architectes ont emporté cette volonté d’hybridation en Turquie à la recherche de matériaux originaux pour la construction: les pierres taillées de façade sont importées de Bayburt (à l’est de la Turquie) puis assemblées sur place, et les grandes moquettes de laine qui habillent les sols proviennent d’Istanbul. Encore une fois la valorisation des savoir-faires turcs a pris forme dans les négociations avec les entreprises locales, au départ septiques de produire ces nouveaux motifs non traditionnels, puis par la création d’un bureau de contrôle à Ankara pour normaliser les pièces aux standards européens. La réalisation avec des financements

La symbolique

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Le minaret de la mosquée Assalam

relativement minces et dans des conditions de normes strictes d’un Etablissemnt Recevant du Public ont également amené les bureaux d’études à s’adapter à la commande, pour répondre à la complexité de la coupole d’une portée de 16 mètres, en revenant à des méthodes de calculs plus anciennes pour la construction du minaret de manière traditionnelle. C’était l’occasion de valoriser le savoir faire des membres de l’association, dont certains étaient issus du secteur du bâtiment.

Pour la mosquée Assalam, les parti-pris ont été opposés et placés comme une condition de la part de l’architecte. Cette démarche aurait probablement été plus difficile dans la mesure où l’AIOF regroupe des membres de nationalités multiples. Pour l’architecte, seule la Grande Mosquée de Strasbourg initiait le panel architectural dans lequel il voulait il voulait s’inscrire. La mosquée reprend donc les bases qu’impose la religion, avec une écriture épurée dans la grande salle de prière. L’ensemble du bâtiment se caractérise par des grands espaces lumineux éclairés en zénithal, avec un étage en mezzanine accessible par un escalier participant à l’architecture du lieu. Les matériaux utilisés en façade, revendiqués comme un outil important dans la composition d’une culture locale, sont le marbre et le zinc. Le signe principal extérieur réside dans le minaret, une verticale traitée en verre translucide incorporant un éclairage artificiel pour le rendre visible de nuit, où le croissant culmine. Accompagné de la coupole, ils marquent la symbolique extérieure.

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« On a décidé de le consacrer ce temps, et on a décidé d’investir pour [ que la mosquée ] soit à la fois le signe d’une reconnaissance mutuelle de culture, et qu’en même temps elle puisse faire signe d’importation »

Pierrick Beillevaire

« On ne voulait pas reconstruire une mosquée du Maghreb, (…) il faut que ça représente une culture locale »

Lies Laïdi

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Comme le minaret, la séparation hommes-femmes n’est pas une contrainte nécessaire au sein d’une mosquée, mais cette coutume est cependant largement appliquée. Elle se concrétise la plupart du temps par des espaces en balcon ou en mezzanine donnant sur la salle prière, ou bien par un espace réservé dans le fond, séparé de paravents plus ou moins ajourés. Si la demande était clairement spécifiée par les associations, cette question a fait partie des négociations autour des concepts architecturaux. Il semblait difficile pour les architectes d’y apporter une réponse sans interprétation, et les deux diffèrent. Pour les architectes de la mosquée Osmanli c’était l’occasion de continuer le travail autour du symbole, le balcon a été travaillé en courbe comme symbole féminin, et le garde-corps en moucharabieh ouvre légèrement la vue sur la grande salle, dans l’idée de rendre la présence féminine visible. Des salles d’activités leur étaient également réservées au rez-de-chaussée, mais les entrées des salles de prière sont cependant séparées sur le parvis extérieur. Pour Lies Laïdi, il était important de ne pas fixer les usages dans la temporalité présente. Le premier étage est principalement dédié aux femmes, mais si la demande était formulée à ce jour elle ne le sera peut être plus dans le futur. La porte d’entrée du bâtiment est partagée, la séparation se fait au niveau de l’escalier intérieur. La salle de prière est surmontée de balcons à l’est, au nord et à l’ouest. Au sud un mur se prolonge jusqu’au plafond, ajouré d’ouvertures translucides aux menuiseries en bois. Cette salle fermée communique avec les balcons, une petite garderie, la salle des ablutions, et a été imaginée comme une salle polyvalente, pouvant servir à la fois

Une tradition

La salle polyvalente au premier étage de la mosquée Assalam

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Les pierres de façade importées de la mosquée Osmanli

L’inscription dans le temps s’est faite de différentes façons. Pour Lies Laïdi, l’idée de polyvalence anticipe les besoins futurs. Pour In Situ elle s’est concrétisée au delà de la volonté des architectes, lorsque l’association a formulé la demande que les matériaux soient rapportés en Turquie dans le cas d’une éventuelle démolition du bâtiment. Les trois maîtres d’œuvre se sont retrouvés sur une volonté partagée : celle d’ériger les mosquées au rang de nouveau patrimoine nantais, soit dans l’import d’artisanats traditionnels, soit dans la naissance d’une écriture architecturale, « un air de famille » que l’on peut retrouver dans le projet de la mosquée d’Angers actuellement en chantier, dessinée par Lies Laïdi.

Aujourd’hui les mosquées font signe, résultant de gestes architecturaux où la visibilité était un enjeu; elles sont accessibles toutes deux par des espaces de parvis ou de cheminements travaillés et dilatés, dégageant la vue des piétons qui se déplacent sur le support de ces nouveaux bâtiments symboliques.

La temporalité

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Le patio central entre la mosquée Assalam et le centre culturel Abdullah Al Darwish

Dialoguant avec ces deux symboles, les centres culturels. En front de parcelle pour la mosquée Osmanli, plutôt en retrait derrière la mosquée à Malakoff. La séparation est aussi faite au niveau du parcellaire.

A Malakoff, la volonté de ne faire qu’un était prononcée. Si la séparation était encouragée par l’architecte, notamment pour l’éventuelle création d’une association purement culturelle qui pourrait obtenir des subventions publiques, la résolution architecturale s’est conclue par un couloir transparent, comme une rue intérieure. L’articulation des deux bâtiments se fait aussi par une terrasse commune, un patio central. Au delà de l’entrée par la ‘‘grande porte’’ de la mosquée, l’accès est possible à différents niveaux du centre culturel et au niveau de la rue intérieure, depuis ce patio. Imaginé dans la continuité de parvis d’églises comme une place de rencontres et de croisements, l’architecte défendait un espace ouvert où l’on puisse circuler librement, un enjeu pour que les bâtiments ne facent pas signe de repli.

Pour la mosquée Osmanli, la séparation entre ce qui est d’ordre cultuel et culturel fait partie des postures des membres de l’association de manière assez marquée dans les témoignages aujourd’hui. Une fois le site divisé, le concept et la construction ont abouti à deux bâtiments distincts, liés par un muret et un escalier jouant avec la topographie du site. Si le parvis de la mosquée se caractérise par un matériau minéral plus noble, l’espace extérieur en prolongement du centre culturel est bitumineux, et la partie

Le lien

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Les mosquées ont concentré les efforts symboliques et financiers et les centres culturels ont été aboutis par une volumétrie plus simple, plus économique. Pour les deux associations, la programmation des centres culturels représentait en enjeu économique pour financer l’entretien des bâtiments notamment. Ils comptent quelques logements aux derniers étages pour les imams ou intervenants extérieurs, une libraire à Malakoff, et une épicerie, un coiffeur, un café pour la mosquée Osmanli. Les deux programmations que l’on trouve aujourd’hui se sont constituées au fur et à mesure des aléas de la conception et du chantier : l’ACTN a vite été force de proposition, plaçant les architectes dans une position d’apprentissage en terme d’usages, alors qu’à Malakoff l’architecte se plaçait dans une posture de propositions.

Pour In Situ le travail autour de la symbolique devait se faire autour de la création d’un « café ottoman à la Pierre Loti », par du mobilier typique et des çinis en façade, les céramiques florales turques, redessinées par les architectes pour l’occasion et importées du sud d’Istanbul. Les aléas du chantier en ont décidé autrement, les céramiques n’ont pas tenu au premier hiver, laissant une façade extérieure lisse et unie et un goût d’inachevé aux architectes. Si au départ le centre devait être ouvert sur la rue, l’environnement urbain peu chaleureux a conduit les architectes à le retourner en cœur d’îlôt, où donne l’entrée des boutiques et des salles de cours.

A Malakoff, le jeu de volumes épurés fabrique des couloirs aux baies vitrées sur les deux étages laissant les déplacements visibles en façade. Les blocs rouges qui s’avancent offrent des espaces d’assise à l’intérieur. Les murs sont blanc cassé, rendant les couloirs qui desservent les salles encore plus lumineux, et donnent une impression de neutralité.

Les çinis en chantier sur la façade du centre culturel Osmanli

Des architectures ordinaires

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Aujourd’hui la mosquée Assalam peut accueillir jusqu’à 1200 personnes pour un complexe de 2 400m2 ; la mosquée Osmanli ayant une salle de

prière de 400m2. Tout ce processus de fabrication a donc impliqué les

architectes pour aboutir aux bâtiments que j’ai pu explorer ces derniers mois. Si les mosquées sont devenues les supports de pratiques cultuelles tant attendus, les centres culturels offrent un panel d’usages pluriels. Les associations et les usagers se sont appropriés les lieux, les vivent, enracinant les complexes l’espace public nantais.

L’appropriation

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Chapitre II

-Cultures des lieux

Pratiques dans l’espace public

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Les associations

L’architecture plus générique des centres culturels accueille des programmations variées, des activités et évènements, et la concentration des usages varie de manière hétérogène dans les locaux en fonction des besoins. Ces lieux gérés par les associations vivent au rythme des adhérents, et du plus grand nombre d’usagers qu’ils attirent.

La loi du 9 décembre 1905 marque la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et organise la pratique des cultes sous une même forme associative, sans hiérarchisation de ces derniers. Si les associations musulmanes ont généralement oscillé entre association de loi 1901, plutôt culturelle et à but non lucratif, et loi 1905, cultuelle permettant un cadre pour des financements1, ces deux associations sont aujourd’hui organisées sur

deux schémas différents.

Association Culturelle Turque de Nantes (ACTN) : « Mettre en place

ou assurer toutes actions pour permettre de répondre et de satisfaire aux besoins en matière culturelle des personnes originaires de Turquie et, dans

une moindre mesure des musulmans de France.2»

L’Association Culturelle Turque de Nantes a abouti à la construction de la Mosquée Osmanli en 2011 et était au départ basée à Jamet. Aujourd’hui, l’ACTN gère le centre culturel; l’imam est responsable de la programmation cultuelle. Les deux entités sont strictement séparées, mais

Associations Turques du Grand Ouest Association Culturelle Turque de Nantes Gestion des lieux Evènements Activités Adhérents Usagers Supérette Café Fêtes religieuses Participation à des évènements extérieurs

Entretien Manifestations culturelles Cours de langue Cours de culture turque Soutien scolaire Coiffeur Cours de religion Conseil d’administration Président Vice président Trésorier Imam Etat Turc Association Cultuelle Turque de Nantes

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l’ACTN a une petite ascendance, dans le sens où le conseil d’administration et les adhérents peuvent se concerter et décider de se séparer de l’imam en cas de désaccord ou de non satisfaction. Les membres du conseil d’administration de l’ACTN sont adhérents de l’association et réélus tous les deux ans. Les rapports hiérarchiques entre le bureau et les adhérents/ non adhérents qui pratiquent les lieux sont peu marqués. Les membres du bureau, aidé par des bénévoles, sont responsables des lieux. Si la mairie a subventionné une partie du chantier du centre culturel, les financements proviennent aujourd’hui majoritairement de dons et de legs dont la liste est affichée dans le centre, et la supérette dégage des petits bénéfices.

A Malakoff, c’est l’Association Islamique de l’Ouest de la France (AIOF) qui a été à l’initiative de la construction du complexe. Créée en 1980 comme une association de quartier, elle est rebaptisée suite à une affiliation avec l’Union des Organisations Islamiques de France1 (UOIF).

AIOF : « Promouvoir, soutenir et favoriser les services religieux, culturels,

sociaux et humanitaires des musulmans de l’ouest de la France ; préserver les musulmans. »

L’AIOF est une association de loi 1901, et le conseil d’administration est réélu tous les quatre ans. L’association est organisée en différents «départements» avec à sa tête un responsable bénévole. Jusqu’ici l’AIOF gérait l’ensemble des surfaces du complexe, mais ma période d’enquête se place à l’aube de changements : depuis son arrivée, le nouveau directeur développe l’organisation du centre culturel par la création d’une nouvelle association, Culture Dynamique, et le projet d’une nouvelle association cultuelle pour des offres purement religieuses. L’AIOF continuerait ses activités premières autours de la pédagogie, des conférences et des rencontres. Les deux imams salariés, aidés de bénévoles, sont les responsables de la partie culturelle et de la partie cultuelle.

1. BOSSE, PASQUIER, L’espace public dans les Pays de la Loire au contact de l’islam, p.23

Association Islamique de l’Ouest de la France Conseil d’administration Conseil d’administration Enseignement Accompagnement scolaire IMOF ( Institut Musulman de l’Ouest de la France ) Social Développement personnel et coaching Jeunesse Iqra ( de l’arabe, ‘‘Lis’’ ) Enseignement de

la langue arabe de religionCours

Assistante sociale « Couscous de l’amitié », Repas annuel caritatif Une femme,

un panier religieusesFêtes Activités hors périodes scolaires et ponctuelles Manifestations culturelles Séminaires Conférences Cours de langue Initiation à la foi

( 5 à 13 ans ) ( Enfants & jeunes)

Salariés Directeur et imam Culture Dynamique Nouvelle association cultuelle Imam et aumônier Conseil d’administration Président Vice

président Secrétairegénéral Trésorier Adhérents Usagers Agende de voyage Union des Organisations Islamiques de France

Schéma réalisé à partir des visites et des entretiens

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Si l’ACTN est plus dans une logique de regrouper des personnes ayant un lien avec la Turquie, l’AIOF veut quant à elle palier aux manques d’un cadre pour la pratique et l’apprentissage du culte. En revanche pour les deux complexes, il apparaît que le nombre d’adhérents est plutôt d’ordre secondaire. Le volontariat et le bénévolat sont plus représentatifs de la vie des lieux, qui s’organisent soit de façon informelle en fonction des présences de chacun, soit sur des demandes formulées par les responsables en cas de besoin.

« C’est surtout pendant les prières, c’est là où on fait une annonce. (...) On s’adresse surtout aux gens qui viennent ici, qui seront à proximité, qui connaissent très bien les lieux. » Monsieur Ben Saïd

« Par contre on a trop de bénévoles. Par exemple si on a besoin de 4 personnes pour la cuisine, on en a 10 ! »

L’habitué du centre culturel turc

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dans la salle polyvalente qui seront distribués à des enfants, et le local ‘‘Une femme, un panier’’ à côté bas son plein : des usagers déposent de la nourriture stockée sur des étagères, qui sera redistribuée et apportée quotidiennement par des bénévoles aux domiciles de femmes isolées ou en situation de famille monoparentale, qui se sont inscrites sur la liste.

A l’année, des évènements d’ordre associatif viennent compléter ces temporalités religieuses. Des rencontres inter-associations sont organisées par Union des Associations Turques du Grand Ouest regroupant autour de tournois sportifs ou de concours de danse. C’est aussi l’occasion de se rassembler autour du culte partagé, comme les Rassemblements des Musulmans de l’Ouest organisés et accueillis par l’AIOF proposant des conférences et des débats. Pour le centre Osmanli, le calendrier turc entre en jeu chaque 23 avril pour la Fête des enfants. Ce jour férié en Turquie marque l’indépendance et le début de la République1 et l’association

organise une kermesse ouverte au public, communiquée dans la presse locale2 et par bouche à oreille. Des stands sont montés pour faire découvrir

le pays, la cuisine, la mosquée. C’est aussi l’occasion de récolter un peu de fonds pour financer l’association: chaque stand paye une cotisation.

Puis sur un calendrier plus ordinaire, l’AIOF organise des évènements thématiques pour la journée de la femme notamment, où des prestataires extérieurs proposent des stands culinaires orientaux, de henné, de manucure et de coiffure, de vêtements et de hijab, de livres.

Les centres voient leurs fréquentations s’accroître en fonction du calendrier scolaire: pendant les petites vacances des activités sont organisées pour les plus jeunes dans le centre culturel Abdullah Al Darwish, et la médiathèque se remplit d’étudiantes révisant leurs partiels en fin de semestres, car le centre ferme ses portes plus tard que les bibliothèques municipales et

1. http://marcheturque.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/04/23/23-avril-journee-des-enfants-en-turquie.html

2. http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/kermesse-la-mosquee-turque-de-nantes-4245798

Les centres sont animés en fonction des calendriers grégorien et hégirien à différentes échelles temporelles. L’ambiance peut varier d’un calme désert à une suroccupation débordante.

Chaque centre est ponctué d’épisodes annuels relevant du culte, ou d’événements organisés par les associations. Les temps forts qui mobilisent et concentrent le plus grand nombre d’usagers au même moment sont le mois de Ramadan à la fin duquel l’Aïd al-Kabïr est célébrée, et l’Aïd

el-Fitr qui célèbre le sacrifice du fils d’Abraham. Ces dates sont changeantes

chaque année et annoncées quelques semaines ou quelques jours avant, calculées localement sur des phases lunaires qui caractérisent le calendrier hégirien. Lors de mes visites, les centres culturels étaient occupés par des équipes de bénévoles préparant des repas pour le Ramadan.

Lors du dernier week-end avant l’Aïd al-Kabïr, au centre culturel Osmanli, les femmes occupaient la partie cuisine du centre alors que les hommes découpent la viande dans la pièce voisine. La dimension de moments partagés semble primordiale lors de ces célébrations où les tables sont dressées sur toute la surface du café et de l’espace extérieur qui le prolonge.

A Malakoff, la cuisine équipée du restaurant est ouverte tous les jours pour l’occasion et la dimension traditionnelle de charité émerge dans une volonté de distribuer des repas aux personnes qui sont dans le besoin, quand une grande majorité à plus l’habitude de le fêter dans la sphère privée. Les repas sont gratuits sous une structure en toile tendue installée devant le restaurant pour l’occasion. Des bénévoles emballent des cadeaux

Hybridations temporelles

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universitaires. Le centre culturel turc voit l’occupation du café s’intensifier pendant cette période. L’intérieur est équipé d’une télévision, d’un billard et d’un flipper, l’extérieur d’un terrain de pétanque et la parcelle gazonnée devient un terrain de jeux.

Sur un schéma plus quotidien, la fin de semaine concentre les présences. Les week-ends sur le temps libre, et le vendredi comme jour phare, puisque le prêche hebdomadaire est énoncé par les imams dans les mosquées. A Chantenay, les voitures défient les capacités d’accueil des parkings et des espaces alentours, les fidèles arrivent par vague le quart d’heure avant le commencement. C’est l’occasion de stationner aux entrées pour se retrouver. Depuis un an et demi, des voitures de police assurent une permanence le vendredi midi en cas d’éventuel vandalisme. Si à Chantenay elle presque synonyme de transparence, à Malakoff les mains se serrent et des courtes paroles s’échangent entre quelques habités et les policiers. A l’occasion du prêche du vendredi, le restaurant et la libraire du centre culturel Abdullah Al Darwish sont ouverts. On y trouve principalement des livres saints, et quelques livres correspondant aux thématiques des cours d’arabe ou de religion dispensés. Les salles de prière sont combles, les usagers gravitent autour du centre culturel et de ses entrées. Les jours et horaires d’ouverture des différents espaces sont affichés sur les portes. Au centre culturel turc, c’est principalement la partie masculine de la mosquée qui se remplit, le café accueille un grand nombre d’hommes qui y font une pause. L’épicerie est ouverte toute la semaine créant des vas-et-viens ponctuels, les horaires du coiffeur étant moins arrêtés.

Les centres culturels prennent aussi une dimension plus ordinaire de centres socioculturels rythmés par les horaires des cours de langue ou de religion durant la semaine. Au centre Abdullah Al Darwish, les salles ont des allures scolaires, les tables et chaises tournées sont vers les tableaux numériques interactifs, et les créneaux horaires sont affichés sur les portes.

« Le vendredi les gens ils viennent prier et après il viennent manger directement, et là il y a du monde.

C’est qu’ils reprennent le travail, ils préfèrent manger puis s’en aller. Donc c’est plutôt pratique ça par contre. Quand on était là avec nos examens, on mangeait et puis on avait à manger chaud sur place. C’était couscous, plat unique, et après on choisissait notre viande. »

Une bénévole du centre culturel Abdullah Al Darwish

« C’est bénévole, le coiffeur par exemple il travaille ailleurs, donc si on vient, on dit « Le coiffeur il est pas là? » « Il va venir après le boulot ». On sait qu’à 18h il est là. On en discute » L’habitué du centre culturel turc « Par exemple quand on fait la rupture du jeûne, tous les soirs, à 22h, on a à peu près 200 personnes qui viennent. Ils viennent vraiment pour trouver cette convivialité, cette fraternité, se retrouver autour d’un repas. »

Monsieur Ben Saïd

« Pour le Ramadan, on prend de l’argent par contre, parce que c’est pas une personne, c’est pas deux personnes, c’est 150 personnes à 200 personnes. » L’habitué du centre culturel turc

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centre Osmanli, les créneaux des cours sont séparés entre hommes et femmes. L’occupation des salles de cours se fait en fonction des effectifs variables.

Dans les deux centres, les temps d’entretiens des bâtiments rythment également la semaine. Ils sont gérés par des bénévoles responsables qui organisent une petite équipe et un planning. Au centre culturel Abdullah Al Darwish, les espaces sont fermés lors des moments de creux et la partie cultuelle devient le support de va-et-viens. Le café turc et le terrain de pétanque qui l’accompagne, qui était déjà présent à Jamet, ont cependant une attractivité plus importante pour des personnes âgées et retraités, plutôt issues d’une première génération arrivée en France, devenant un repère au même titre qu’un kahvehane ou qu’un çayevi, lieux masculins de sociabilités que l’on peut trouver dans les villes turques.

Le café du centre culturel turc

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Kermesse annuelle au centre culturel turc Chapiteau monté à l’occasion du Ramadan au centre culturel Abdullah Al Darwish

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L’apprentissage

L’apprentissage est une composante majeure dans les programmations, par des cours et des offres de soutien scolaire. A Malakoff, les cours d’arabe et d’apprentissage de la religion sont complétés par des activités extrascolaires, des débats pour les adolescents. Les ‘‘lignes éditoriales’’ des deux centres sont cependant différentes. Celle du centre Abdullah Al Darwish est plus axée sur la religion, l’imam et aumônier dispense les cours de langue et religions; à Chantenay les cours de turc et de français sont animés par des professeurs qui interviennent aussi dans des écoles.

Dans le centre culturel turc, les salles de cours sont plutôt de tailles réduites et accueillent peu d’usages autres que les cours. Au contraire, à Malakoff elles sont plus utilisées hors des temps d’apprentissage. Elles communiquent entre elles et sont laissées ouvertes aux jeunes qui veulent y avoir accès pour se retrouver, ou utiliser quelques ordinateurs mis à disposition. La médiathèque, plus petite, est pour quelques étudiantes un lieu de rencontre, et la salle polyvalente est utilisée pour les activités ludiques qui concentrent un plus grand nombre. Cette approche plus classique de cours proposés par les associations est cependant pondérée de manière différente dans les deux centres.

A Malakoff le simple fait d’apprendre ou d’aborder la religion par des activités et des discutions peut être une motivation personnelle pour les plus âgés, mais peut aussi relever d’une transmission ressentie comme nécessaire dans la sphère familiale pour les plus jeunes. C’est le seul centre qui propose une telle programmation dans la région, et si ce n’est qu’une vision du culte unique qui est proposée, elle permet une mise en dialogue

entre les différentes générations de la famille. Cette idée de transmission est retrouvée à Chantenay, mais dans une dynamique plus collective et informelle, trouvant un ancrage dans le café, dont l’espace est plus grand. Il accueille aussi des dialogues et des échanges de connaissances.

« Parce que aujourd’hui la configuration comme elle a été pensée, ça fait très bureau on va dire, et ça donne pas forcément envie, c’est très dur à aménager, même si on arrive à faire des grands repas à 1000 personnes en aménageant tout, mais pour le côté culturel-activités c’est pas hyper bien adapté. »

Monsieur Demirel

« Moi j’en connais un paquet qui emmènent leurs enfants [à Malakoff] pour apprendre la religion, pour apprendre l’arabe parce que eux sont pas pratiquants, ne connaissent pas, et ils se disent au moins cette partie on la déléguée. On amène nos enfants pour qu’ils puissent apprendre les bases de la religion, mais aussi de l’arabe. »

Monsieur Demirel « Après c’est vrai que moi ça me manque la transmission de la culture pour la génération des deux cultures.

Pour moi c’est important qu’elle sache un peu des deux. (…) C’est un moyen pour avoir une trame, un fil conducteur dans sa vie, après on suit on suit pas, après c’est pas une obligation. » Une sympathisante du centre culturel Abdullah Al Darwish

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Cette idée de transmission, on la retrouve aussi à l’échelle des engagements des différentes générations au sein des lieux. Les complexes attirent toutes générations, les usagers y viennent en famille ou entre amis, et aujourd’hui l’implication des plus jeunes et des plus vieux varie.

Beaucoup d’usagers que j’ai pu croiser dans le centre culturel turc sont des hommes ayant une quarantaine d’années et plus, et l’idée que les anciennes générations ont construit leur havre de rencontre est assez forte. Le terrain de pétanque est un lieu de convivialité qui regroupe particulièrement, les différentes générations s’y défient parfois. Si les plus jeunes viennent avec leurs parents, une partie de jeunes adultes se mobilisent et s’investissent dans l’idée de prendre le relais et de développer de nouveaux projets. Les autres s’émancipent, parfois au regret des parents.

Pour le centre culturel Abdullah Al Darwish, la majorité des usagers croisés lors de mes visites étaient des adolescents et des jeunes adultes, quasiment tous bénévoles pour le centre. Ils sont en charge de l’organisation des activités ludiques pour les plus jeunes, de la permanence pour le local ‘‘Une femme, un panier’’, et particulièrement motivés pour y consacrer de leur temps. Ils ont suivi avec impatience le chantier du complexe s’étirant dans le temps, et maintenant qu’il est concret, ils ne voient pas de raison pour ne pas s’y impliquer. Les générations se croisent parfois dans le restaurant ou dans la librairie, et la mosquée est un lieu intergénérationnel manifeste.

L’intergénérationnel

« Il faut savoir qu’à la base, quand les parents ont créé cette association, le seul objectif c’était de se retrouver, et pour certains de prier entre ensemble, d’avoir un lieu de culte. Nous notre objectif aujourd’hui c’est plus celui là. C’est à dire qu’aujourd’hui le lieu de culte, le fait de se retrouver ça c’est des acquis, nous l’idée c’est d’aller encore plus loin »

Monsieur Demirel « De toute façon, la jeunesse ici, c’est ce qui tient le centre. » Une bénévole du centre culturel Abdullah Al Darwish

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La présence féminine

Pratiquer les espaces des deux centres culturels permettait également de mettre en lumière une différence importante entre les deux centres qui est celle de la présence féminine. A Malakoff, les activités sont mixtes et si la mosquée comptait plus d’hommes aux heures de prière, la majorité des bénévoles croisées dans le centre étaient étudiantes. Elles revendiquaient en quelque sorte leur présence en tant que femmes. Cette présence pouvait être justifiée par l’idée que les femmes ont plus de sensibilité pour l’organisation et l’animation d’activités et elles étaient accompagnées par des adolescents ou des étudiants.

Au centre culturel turc, les horaires de cours sont séparés. Si les femmes ne sont pas présentes au quotidien, leurs présences viennent ponctuer les temps du centre lors de l’organisation d’événements. Cet aspect relèverait d’un consensus qui se fabrique dans la sphère privée, devenant des pratiques réciproques, et qui ne sont pas remises en question. C’est aussi une composante de l’espace public turc, notamment dans les kahvehane et çayevi qui sont des lieux profondément masculins.

Et de cette thématique féminine, il y a la question du voile. Dans les deux cas, la majorité des femmes que j’ai pu croiser le portaient, mais d’autres le réservait également pour le seul moment de la prière. Les femmes les plus âgées portaient un voile traditionnel, plus coutumier peut être, un peu plus lâche sur la nuque, attaché par un nœud sous le menton ou tenu en arrière sur les épaules, complété par des vêtements amples. Pour les plus jeunes les marques de religiosité étaient plus marquées, les tissus cachant leurs cheveux étaient plus serrés mais les vêtements plus cintrés, avec la volonté d’afficher ses convictions profondes. Les vêtements étaient comme un outil d’expression pour les plus jeunes.

« Je pense qu’au Magreb, les femmes elles sont beaucoup moins présentes, et qu’elles ont pas encore cette mentalité de se dire que la femme elle peut être un outil principal et majeur, et qu’elle peut faire avancer les choses au sein des mosquées, et qu’elle peut tenir des projets. En fait ça n’existe pas encore là bas. C’est ça qui est dommage. Parce qu’on est beaucoup plus de femmes investies que d’hommes, ce qui est normal. » Une bénévole du centre culturel Abdullah Al Darwish

« C’est assez simple, de ce qu’en disent les turcs, la coutume dit, la culture turque dit : il y a ministère de l’intérieur et le ministère de l’extérieur. Les hommes sont au ministère de l’extérieur et les femmes sont au ministère de l’intérieur. Nous, nous l’avons vécu en direct ça parce que la décision du projet n’a jamais pu être prise en séance des hommes. Jamais.

On n’a jamais fait accord dans la séance, il a toujours fallu le passage à domicile. (…) Je pense que chacun discute en interne et ramène au collectif des hommes des ingrédients pour discuter (…) en disant assez directement, les femmes nous demandent ça.»

Pierrick Beillevaire « [En Turquie] même dans les petits villages, il y a le salon de thé. Après, peut se poser la question de la mixité par exemple, ça c’est une question tabou dans les salons de thé en Turquie »

Monsieur Demirel

« Chez moi ma sœur elle est comme vous, elle est pas voilée, elle s’habille comme elle veut, ma mère elle a le voile culturel, ma cousine est pas voilée, fin chacun fait ce qui veut. »

Monsieur Demirel

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Si il était un enjeu pour moi d’aborder la thématique du culte le moins possible dans les deux centres, elle fut parfois incontournable. Les deux ‘‘lignes éditoriales’’ influencent aussi les motivations, brouillant parfois les lisières de ce qui fait culturel et sociabilités, de ce qui fait cultuel.

Au complexe Osmanli, la séparation parcellaire prend sens dans les usages. La mosquée ne se remplit qu’au moment des prières, et le centre culturel ferme ses portes. A peine la prière terminée les tables du café s’animent de nouveau. La séparation est revendiquée, le petit escalier séparant les deux parties prend une tournure symbolique un peu plus forte. Si un petit nombre de personnes ne font parfois pas le déplacement dans le lieu de culte au moment voulu, elles seront garantes des espaces culturels. Les seules interpénétrations visibles résident dans une affiche collée sur une vitre du café informant sur des voyages organisés pour réaliser le Hajj, le pèlerinage à la Mecque constituant le cinquième pilier de l’islam, et le tableau numérique qui affiche les horaires de prière.

Dans le centre culturel Abdullah Al Darwish cette distinction n’existe pas vraiment, même s’il paraît plus pertinent d’avoir séparé les deux bâtiments pour les personnes que j’ai rencontré. Si la mosquée est lieu de prière, le religieux s’invite dans les motivations pour pratiquer les espaces du centre culturel. L’association met en avant cette composante par des posters affichés dans le couloir qui dessert les salles de cours, présentant une vision de l’islam en grandes thématiques, et des speakers diffusent l’appel

Le cultuel

« C’est des dons, mais c’est un don avec une idée dernière, c’est à dire, j’ai ramené le panier, j’ai apporté la sadaaqa avec l’esprit de me dire, je donne ça aux pauvres, je n’attend pas de retour, par contre ce que je vais avoir en retour c’est de la récompense divine pour améliorer, protéger mes enfants, me protéger par exemple. (…)

Et du coup au niveau psychologie je me sens mieux. J’ai moins de culpabilité. Mais personne me dit tu donnes, il y a pas d’obligation. C’est moi qui le ressens. »

Une sympathisante du centre culturel Abdullah Al Darwish

« - Enfin c’est pas vraiment une culture, mais c’est tout ce qui se recentre sur le religieux en fait.

- Oui, on est dans un milieu

- On est là, on fait ça, on est un peu comme guidé en fait, on va dire par notre religion. Notre religion nous dit d’aider les gens et tout, donc c’est pour ça qu’on fait ça, après c’est du social, mais c’est du social guidé par le religieux.

- Voilà après c’est vrai qu’on a toujours en tête un objectif. - Voilà, tu dois aider ton prochain.

- Nous en fait que ce soit à titre personnel ou à titre de communauté, mais à titre personnel, religieusement on a

« En effet là il y a plutôt une vie, une vie de village, une vie un peu autre que le lieu de prière, mais dans la plupart des associations turques de France, l’idée c’est aussi de permettre ça. Ils jouent aux échecs, aux dames, au tavla. Après il y a la grande télé aussi, ils regardent les infos ensembles, ils commentent ensemble, ils regardent les matchs. C’est ce qui manquait un petit peu, après c’est aussi dans notre culture »

Monsieur Demirel

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« Les maghrébins comprennent pas que nous ici on peut avoir des gens qui jouent à la pétanque, pour eux il est préférable d’aller lire un livre ou d’aller apprendre sa religion. Souvent on se moque de moi : « mais ouai chez vous ils jouent à la

pétanque! ». Finalement ils se disent « ouai c’est vrai que c’est pas mal, mes parents, au lieu de rester devant la télé ils

pourraient jouer à la pétanque entre eux, se retrouver » Ils comprennent pas que la mosquée peut être vide alors que le

salon de thé peut être plein. Dans la culture maghrébine, c’est pas possible c’est le contraire. Mais voilà, c’est là où la culture, le fait de comprendre l’autre de l’accepter comme il est, se vaut

aussi dans l’intra musulman ». Monsieur Demirel

de culturelle que je tentais d’aborder était réorientée sur la dimension cultuelle, justifiant des actes du quotidien. L’intérêt pour l’espace de la médiathèque et des livres en général pouvait par exemple prendre une forme très symbolique, s’inscrivant dans une représentation de ce qu’est la culture par essence, car dans les textes religieux, la révélation du Coran est faite au Prophète par l’ange Gabriel lui ordonnant « Lis ! », qui peut aussi être traduit par « Récite !1 ». Le local ‘‘Une femme un panier’’ est actif

pendant le mois de Ramadan pour récolter les dons de la Zakat Al Fitr, « l’aumône obligatoire que tout jeûneur chef de famille doit verser pour lui-même et pour chaque membre de sa famille à sa charge2 ». Le Zakat

constituant aussi l’un des 5 piliers de l’islam constitue une composante purement cultuelle. Cette tradition, lorsqu’elle m’est expliquée lors des rencontres, est abordée de différentes manières, laissant deviner les appropriations possibles, en fonction de la dimension cultuelle vécue par chacun.

Cette différence du cultuel apporté ou pas au sein des centres culturels est une différence marquante entre les deux, et identifiée parfois par les habitués qui pratiquent les deux complexes. La posture des architectes était aussi un avant goût des usages que l’on peut trouver plusieurs années après : l’idée de fabriquer le foyer d’une communauté turque de Nantes à Chantenay, puis l’idée d’offrir une place pour la pratique d’un culte à Malakoff. 1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Coran#La_r.C3.A9v.C3.A9lation 2. http://www.mosqueedeparis.net/ramadan-14372016-montant-de-la-zakat-al-fitr/

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

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SOUMIS

AU

DROIT

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