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Tarquinii tribuni plebis. À propos des stéréotypes sur les tribuns de la plèbe dans la première décade de Tite-Live

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Submitted on 14 Feb 2018

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tribuns de la plèbe dans la première décade de Tite-Live

Thibaud Lanfranchi

To cite this version:

Thibaud Lanfranchi. Tarquinii tribuni plebis. À propos des stéréotypes sur les tribuns de la plèbe dans la première décade de Tite-Live . Cyril Courrier et Hélène Ménard Miroir des autres, reflet de soi : stéréotypes, politique et société dans le monde romain, 2012. �halshs-01706069�

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stéréotypes sur les tribuns de la plèbe dans la première décade de tite- live

Thibaud lanfranchi

Que les tribuns de la plèbe puissent être l’objet de stéréotypes n’est guère surprenant. non seulement le substantif « tribun » est en lui-même porteur de stéréotypie, mais, en outre, c’est l’acception la plus péjorative du mot qui s’impose le plus spontanément. or, cette image du tribun démagogue renvoie à une réalité et à une représentation des tribuns fort anciennes puisqu’elle remonte à la rome antique, période dont ils constituent des figures fondamentales non seulement du fait de leur rôle effectif, mais aussi en raison du faisceau de représentations qu’ils cristallisèrent sur eux. d’ailleurs, la perception de l’existence de stéréotypes sur les tribuns de la plèbe n’est absolument pas une nouveauté. cette prise de conscience s’est faite en même temps que celle des reconstructions de l’histoire des primordia de rome et, en ce sens, on la trouve déjà en germe dans la Dissertation sur l’incertitude des cinq premiers

siècles de l’histoire romaine de louis de beaufort, par exemple lorsqu’il

parle du tribun l. iunius brutus1. cette idée a, par la suite, traversé

de façon plus ou moins exprimée toute l’historiographie moderne, mais force est de constater qu’aucune étude un peu systématique de la façon dont sont présentés les tribuns de la plèbe n’a véritablement été entreprise. nous souhaiterions précisément revenir ici sur ce thème à propos des tribuns du début de la république romaine. ce sont en particulier les images toutes faites à leur sujet qui nous intéressent et il importe de revenir brièvement sur ce que nous entendons par la notion de « stéréotype ». tout au long de cette étude, ce terme sera pris dans le sens d’un ensemble d’éléments - association d’idées, images, tournures langagières - formant un tout cohérent et unitaire dont l’emploi est suffisamment fréquent pour en devenir prévisible. en ce sens, le stéréotype se rapproche du cliché par son caractère d’expression relativement figée et répétée. il est tout à fait évident que, d’ordinaire, le stéréotype est considéré plutôt négativement. pourtant, de nombreux travaux se sont attachés à le réhabiliter comme élément cognitif à part entière : en dépit de son caractère schématique, le stéréotype est un vecteur non négligeable de connaissance de l’objet sur lequel il

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porte. de la sorte, cette ambivalence de la notion doit être soulignée puisqu’elle montre que, pour être une image préconçue, le stéréotype n’en renseigne pas moins sur une réalité ou sur la conception de cette réalité par celui qui l’utilise. il est nécessaire d’être sensible à ces deux dimensions car elles permettent de porter un regard plus large sur l’utilisation de stéréotypes par les auteurs antiques2.

précisons également d’emblée les limites de cette étude. étudier ces stéréotypes et leur fonctionnement ne peut véritablement avoir de sens que sur des corpus un tant soit peu cohérents. pour les débuts de la période républicaine, les sources sont particulièrement maigres. nous disposons uniquement de deux récits continus relativement imposants (ceux de tite-live et de denys d’Halicarnasse) puis d’un nombre assez important d’informations disséminées dans un ensemble de textes de formes et de statuts variés. or, un examen des stéréotypes ne peut être véritablement significatif qu’à partir d’une analyse de corpus larges et homogènes à l’image de l’ab Vrbe Condita et des antiquités romaines. dans ces œuvres, il est non seulement possible de les repérer, mais, aussi, de suivre leur réapparition et leurs éventuelles variations, toutes choses irréalisables sur les abrégés et les compilations plus tardives. évidemment, il est ensuite envisageable d’étendre ces analyses aux occurrences subsistant ailleurs. toutefois, cela ne peut intervenir que secondairement. À la fois pour des raisons de place et pour espérer dépasser le stade des généralités, il nous semble peu intéressant de reprendre tout ce programme. nous avons donc choisi d’organiser notre propos autour du cas particulier de la première décade de tite-live3. il est aisé de remarquer dans ce texte des stéréotypes relativement

nombreux et a priori dénués de logique particulière. en réalité, ils peuvent être subsumés à un nombre plus restreint de catégories qui nous semblent être les suivantes : des stéréotypes — les plus nombreux — se rapportant à l’action politique des tribuns ; des stéréotypes concernant les activités illégales et transgressives des tribuns ; des stéréotypes au sujet de l’indignité tribunicienne, c’est-à -dire un ensemble de traits et de caractéristiques les affectant négativement.

ces stéréotypes sont tous péjoratifs. cependant, une lecture attentive de tite live révèle la présence d’un ensemble important de notations plus ou moins laudatives. nous n’analyserons pas cet aspect mais il est en réalité bien présent et contredit l’univocité de la présentation des tribuns à laquelle on pourrait croire de prime abord.

1. les tribuns de la plèbe dans la vie politiQue romaine

pour ce qui touche à leurs activités publiques, les tribuns de la plèbe sont présentés comme des personnages turbulents et séditieux. il s’agit de l’accusation qui est, sans conteste, la plus fréquente et qui s’exprime à la fois de façon directe et indirecte. nous en avons relevé

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cinquante-six occurrences dans les livres i à X de l’ab Vrbe Condita. c’est un nombre élevé qu’il est intéressant d’illustrer par quelques exemples. pour l’année 476, tite-live explique ainsi :

alors, l’abondance et la tranquillité ramenèrent la turbulence dans les esprits ; les dangers d’autrefois, écartés au dehors, se retrouvaient au dedans. les tribuns jetaient le trouble dans la plèbe avec leur poison habituel, la loi agraire4.

de même, appius claudius, en campagne contre les volsques en 471 se heurta à une forme de désobéissance passive de l’armée. et tite-live de lui faire dire :

après avoir vainement déployé toute sa rigueur, il ne voulait plus avoir affaire aux soldats : « c’étaient les centurions qui corrompaient l’armée » disait-il. et quelquefois, pour plaisanter, il les appelait « les tribuns du peuple » ou « les volerons »5.

cette plaisanterie est particulièrement révélatrice : pour appius claudius, la rébellion et la désobéissance sont caractéristiques de l’action des tribuns. celui dont il est ici question est volero publilius, tribun à l’origine d’un plébiscite qui aurait modifié en 471 le mode d’élection de ses pairs6. son vote avait fait l’objet de luttes féroces entre

patriciens et plébéiens lors desquelles appius s’était fait le héraut des positions les plus conservatrices. deux autres passages méritent encore d’être cités. d’abord, en 403, lors du siège de véies :

À rome, en recevant cette nouvelle, les tribuns de la plèbe, qui, depuis longtemps, ne trouvaient plus aucun prétexte d’agitation révolutionnaire, se hâtent d’assembler la plèbe, s’efforcent de l’irriter7. enfin, en 339, sous le consulat de Q. publilius philo :

les sénateurs s’offensèrent de cette avidité et lui refusèrent le triomphe avant la prise ou la reddition de pédum ; alors Æmilius devint hostile au sénat et l’exercice de son consulat ressembla dès lors à un tribunat factieux8.

ces quelques extraits illustrent très bien le propos et il n’est nul besoin de les multiplier. le stéréotype du tribun agitateur s’y exprime de façon limpide mais il est possible d’en détailler les traits à partir d’un examen du vocabulaire utilisé par tite-live pour le construire. pour exprimer ce stéréotype, il a en effet recours à des termes spécifiques, aussi bien des verbes que des expressions. les verbes qui caractérisent cette action sont : accendere (embraser,

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attiser, provoquer)9 ; adgravare (rendre plus lourd)10 ; agitare (agiter)11 ; concire (exciter, soulever)12 ; corrumpere (détruire, altérer)13 ; evertere

(bouleverser, renverser, détruire)14 ; excitare (exciter, animer)15 ; exercere (tourmenter, inquiéter)16 ; incitare (exciter, pousser, animer)17 ; insidior (tendre un piège)18 ; instigare (exciter, stimuler)19 ; pugnare (se

battre, combattre)20 ; sollicitare (remuer, agiter)21 ; stimulare (exciter,

aiguillonner)22 ; suspectare (suspecter, soupçonner)23 ; et turbare

(troubler, agiter, mettre en désordre)24. ces verbes apparaissent tous en

moyenne de une à trois fois, aucun ne se détachant particulièrement par un usage plus appuyé que les autres, si ce n’est peut-être agitare. cette égalité est sans doute le fruit d’une volonté de tite-live de varier quelque peu son vocabulaire à un moment où les tribuns interviennent souvent dans son récit et où il a pu être confronté à des soucis de répétition.

on trouve parallèlement des expressions désignant les tribuns eux-mêmes ou leur action : domus bellum (guerre intérieure)25 ; certamen

(lutte, rivalité)26 ; contentio (lutte, rivalité, conflit)27 ; corruptus (participe de corrumpo)28 ; furor (délire, folie, égarement)29 ; inquietus (troublé, agité)30 ;

chercher à provoquer un motus (mouvement de foule)31 ; procella (la

tempête, l’orage)32 ; seditio (la discorde) ou seditiosus (séditieux, factieux),

voire le superlatif seditiosissimus33 ; tumultus (trouble, tumulte)34 ; turba

(désordres)35 ; turbator (agitateur)36 ; et venenum (drogue, venin)37. dans

ce cas-là, en revanche, on peut observer une très nette dissymétrie des usages avec une forte surreprésentation de l’emploi de seditio et de ses dérivés : vingt-deux occurrences, soit près de la moitié du total. c’est manifestement l’expression privilégiée par tite-live et celle qui, pour lui, exprime le mieux ce comportement tribunicien. soulignons donc à quel point ce stéréotype du tribun agitateur se manifeste par la mise en place d’un champ lexical très cohérent.

cela concerne d’abord le niveau verbal avec ce qui relève de la mise en mouvement, de l’excitation, correspondant parfaitement à l’image que tite-live cherche à peindre : des personnages toujours à la recherche de troubles à fomenter. l’emploi à trois reprises du verbe agitare l’exprime bien et il est significatif que l’historien latin le préfère à agere, sachant qu’agitare est un dérivé d’agere qui en intensifie la valeur38. dans ce verbe, c’est l’idée de remuer, de

mener, d’agiter fortement et sans cesse qui est présente. l’utilisation d’excitare et d’exercere va exactement dans le même sens, mais aussi celle de sollicitare, ou, avec un sous-entendu plus combatif,

pugnare. le verbe turbare et ses dérivés sont emblématiques de cet

ensemble en ce sens qu’ils évoquent très précisément le désordre (turba) mais également la foule dans ce qu’elle a de plus veule. ces termes ont par ailleurs une histoire sémantique révélatrice : on les retrouve chez cicéron appliqués aux partisans de catilina et chez le même tite-live pour décrire la fameuse factio forensis

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d’appius claudius cæcus39. dans un passage célèbre, tacite utilise la

notion de turbatores plebis pour évoquer l’action des Gracques et de l. appuleius saturninus40. l’emploi de ces termes replace donc

l’action des tribuns dans une histoire plus longue de l’agitation politique à rome.

le reste du vocabulaire est tout autant significatif. d’abord par l’usage d’expressions comme certamen et contentio renvoyant à des contextes de lutte pour l’obtention des honneurs ou aux campagnes électorales41. c’est un vocabulaire évoquant un certain

type de compétition politique aristocratique, déployé précisément au moment où tite-live essaie de rendre compte de la lutte des plébéiens pour l’accès aux honneurs, ce qui n’est évidemment pas neutre. vient ensuite l’importance de la notion de seditio. on s’attendrait plutôt à trouver celle de secessio mais ce choix peut s’expliquer par le fait que l’idée de secessio est réservée de préférence à la sécession de la plèbe proprement dite. en effet, ce mot a conservé un sens très concret dans le vocabulaire latin, y compris et surtout chez tite-live qui, hors de ces situations, est amené à se tourner vers son équivalent métaphorique42. de ce point de

vue, l’analyse du vocabulaire éclaire la façon dont se mettent en place les stéréotypes du tribun agitateur, agitation qui va jusqu’à la métaphore de l’orage avec l’emploi de procella. seditio et procella sont même associés une fois chez tite-live, lorsqu’il évoque scipion l’africain, encore novice face aux mutineries. il s’agit cependant ici de mutineries à l’armée43. en revanche, cicéron qualifie clodius

ainsi : procella patriæ, turbo ac tempestas pacis atque otii44. ailleurs, dans

un éloge appuyé des chevaliers face à l’action du tribun de la plèbe drusus, il évoque la vie publique en ces termes : procellis invidiarum

et huiusce modi iudiciorum45. on peut retrouver chez tite-live une

telle vision tempétueuse de la vie publique46 et il y a sans doute

là une association d’idées assez courante réutilisée par l’historien. la seditio représente donc le résultat de l’opposition entre deux partis à un moment de troubles politiques et son usage, si important dans la première décade, révèle deux éléments décisifs : d’une part, la conception effective du conflit des ordres comme l’opposition frontale de deux groupements cohérents et antagonistes47 ; d’autre

part, à partir des travaux de J. Hellegouarc’h, la réutilisation d’un vocabulaire clairement marqué du sceau des optimates48. tite-live

trahit là son parti-pris en faveur des optimates ainsi que le report évident des conceptions de la république tardive sur les premiers conflits sociaux républicains.

dans un deuxième temps, une autre image, tout à fait importante et aisément décelable, appliquée aux tribuns de la plèbe est celle de leur démagogie. on en trouve une première expression limpide en 484, peu après la mise à mort de spurius cassius :

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cette année-là aussi, la plèbe se laissa prendre aux charmes de la loi agraire. les tribuns de la plèbe faisaient passer dans la pratique leur autorité populaire à la faveur d’une loi populaire49.

un autre très bon exemple se trouve en 445 dans le discours que t. Quinctius capitolinus tint à la plèbe pour lui faire accepter une levée de troupe :

les tribuns vont-ils rembourser et réparer vos pertes ? des discours, des mots, ils vous en fourniront tant que vous voudrez : accusations contre les grands, montagnes de projets de lois, et harangues dans vos assemblées, ces assemblées d’où pas un de vous n’est jamais rentré chez lui plus riche […] car vous ne vous imaginez sans doute pas que ces flatteurs du peuple, ces courtisans de la plèbe, qui ne vous laissent ni prendre les armes ni vivre en paix, vous excitent et vous irritent pour votre bien ?50

là aussi, il est inutile de multiplier les exemples. en revanche, revenir sur le vocabulaire mobilisé est indispensable. on y retrouve les notions suivantes, très connotées : adsentator (flatteur)51 ; largitio (dons abondants,

libéralités)52 ; l’idée de donner à la plèbe une merces (une récompense, un

salaire)53 ; l’idée d’avoir une politique pergrata (agréable) au peuple54 ; et popularis (populaire, aimé du peuple)55. À côté de ces différents aspects,

une série d’expressions présente les tribuns comme des beaux parleurs cherchant à faire des discours plaisant à la foule plutôt qu’à avoir une action réelle et concrète. ainsi : artifices iam tot annorum usu tractandi

animos plebis56 ; huius generis orationes57 ; lingua criminibusque regnarent58 ; popularis oratio59.

comme dans le cas du stéréotype des tribuns factieux, il se dégage ici un nouveau champ cohérent de caractérisation. l’élément le plus marqué est bien évidemment l’emploi de popularis que J. Hellegouarc’h a analysé dans le sens très précis de « ce qui est agréable au peuple » dans sa version péjorative60. il y a ici le remploi évident d’un langage

connoté par la fin de la république. cette réutilisation apparaît de façon éclatante dans un passage évoquant l’année 449 où tite-live expose les attaques contre les décemvirs survenant au moment de la remise en question du décemvirat législatif. les décemvirs se tournèrent alors vers le sénat espérant recevoir son soutien mais ils se heurtèrent à son hostilité déclarée et tite-live rapporte le discours de m. Horatius barbatus. ce dernier attaqua vivement les décemvirs et finit par leur poser la question de leur appartenance politique sous la forme de l’alternative suivante :

il y a eu, après l’exil des rois, des magistrats patriciens ; puis, après la retraite de la plèbe, des magistrats plébéiens. mais, eux, à quelle

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cause appartiennent-ils ? Qu’ils répondent. celle des populares ? Quand ont-ils eu recours à son assemblée ? celle des optimates ? mais, depuis bientôt un an, ils n’ont pas réuni le sénat et ne le réunissent aujourd’hui que pour lui interdire tout débat politique61.

le choix proposé (optimates ou populares) est révélateur. comme le notait déjà J. Hellegouarc’h, les populares sont ceux qui gouvernent au moyen du peuple, ce qui ressort bien des passages évoqués. mais il faut ajouter que ce sont aussi ceux, chez tite-live, qui adaptent leur politique aux désirs du peuple. il l’expose de façon précise : tribuni, ut

fere semper reguntur a multitudine magis quam regunt62. dans la conception

livienne, c’est là leur plus grande faute politique et la vision du tribun

popularis nous semble comporter en permanence ces deux éléments

allant de pair. d’une part, classiquement, un agitateur cherchant à diriger les affaires politiques au moyen du soutien populaire ; mais aussi un personnage qui se laisse guider par les instincts de la plebs et qui en attend récompense.

d’où les autres caractéristiques qui accompagnent cette double définition, en particulier celle d’adsentator : le flatteur. cette caractérisation est déshonorante sous la république car elle conduit à feindre l’accord avec l’interlocuteur. c’est une attitude fausse et malhonnête également dénoncée chez cicéron ou sénèque63. dans un

passage du lælius, cicéron rapproche d’ailleurs explicitement popularis d’adsentator :

mais distinguer le flatteur de l’ami véritable, le reconnaître est aussi facile, si l’on s’y applique, que de distinguer contrefaçon et imitation de l’original et de l’authentique. l’assemblée du peuple est faite de gens sans aucune culture, et pourtant elle sait d’habitude quelle différence il y a entre le démagogue, c’est-à-dire le citoyen complaisant et vain et le citoyen ferme, sérieux et grave64.

les deux vont bien ensemble et l’on retrouve cette accusation à propos de consuls plébéiens. en 296, appius claudius accusa son collègue l. volumnius de faire des discours populares, précisément parce qu’il répondait favorablement aux sollicitations de l’armée65.

À cela s’ajoutent enfin la largitio et la merces. la largitio, définie par J. Hellegouarc’h, représente cette forme de libéralité « qui ne consiste qu’à faire des cadeaux intéressés »66. ce sont des formes de

cadeaux motivés uniquement par des ambitions politiques et le sens de l’expression est éminemment péjoratif car, comme le souligne cicéron, elle est le fait des démagogues67. ainsi, politique popularis,

flatterie et largitio se répondent mutuellement pour définir la figure du tribun démagogue. la merces étant ce qu’il en attend : son salaire. tout cela se retrouve dans l’usage tribunitien de la parole, comme

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en témoigne le discours prononcé par l. Quinctius cincinnatus en 460 où il reprochait au sénat de laisser « les tribuns, toujours les mêmes, faire de la république romaine une maison dépravée où ils [règnent] par leur faconde et leurs accusations »68. le latin dit ici très

exactement lingua criminibusque regnarent. lingua ne signifie pas stricto

sensu la faconde, mais la langue, la façon de parler. si, donc, la notion

de « faconde » transcrit l’idée du texte, elle rend mal le fait que le latin insiste sur le lien entre lingua et crimen, l’apposition renforçant l’assimilation. les tribuns parlent, mais leur parole est en permanence du côté de l’accusation, guidée par leurs seuls objectifs politiques. là aussi, tite-live reprend et réassemble un ensemble extrêmement cohérent de caractérisations pour construire son stéréotype.

dans un dernier temps, ce qui ressort fortement du portrait politique dressé par tite-live des tribuns est leur propension au despotisme et à la tyrannie. partons une fois de plus d’un exemple. ce thème apparaît très tôt dans l’ab Vrbe condita, dès l’épisode de coriolan, dans des propos de ce dernier au moment de sa lutte contre la plèbe :

et je souffrirais, moi, de telles indignités plus longtemps qu’il n’est nécessaire ? la tyrannie d’un tarquin m’a été intolérable, et je souffrirais celle d’un sicinius ? Qu’il se retire aujourd’hui ! Qu’il emmène la plèbe ! la route est libre vers le mont sacré et les autres collines69.

le sicinius évoqué ici est l. sicinius vellutus, tribun de la plèbe en 493 puis en 491, après avoir été édile plébéien entre temps. dans sa thèse sur la royauté, p. m. martin refuse de considérer cette formulation dans le sens que nous lui donnons. il estime en effet que sicinius n’est pas accusé d’aspirer à la royauté (ce qui est vrai) ni même de se conduire en roi (ce qui nous paraît plus discutable) et que coriolan lui lance un simple avertissement en rappelant que l’aristocratie n’a pas hésité à chasser des rois et qu’elle n’hésitera pas non plus à chasser des tribuns70. nous ne sommes pas entièrement

d’accord avec cette interprétation. il nous semble qu’une relation est ici faite — et dans les autres passages similaires — entre deux comportements de type tyrannique. cela nous paraît d’autant plus net que p. m. martin a montré la constitution d’un couple antithétique

libertas-regnum qui oppose pour la plèbe du début de la république

la libertas plébéienne au regnum patricien71. À l’inverse, par la suite, le regnum en est venu à désigner plutôt les tentatives populares contre

la libertas des optimates par une sorte de renversement de l’antithèse initiale72. dès lors, l’emploi de cette thématique par tite-live pour

une date si haute n’est pas anodin, surtout dans la bouche d’un patricien. il y a donc bien, nous semble-t-il, la mise en place d’une

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accusation de regnum tribunitien dès coriolan et elle accompagne en réalité naturellement la présentation popularis des tribuns de la plèbe : elle en est presque le corollaire obligé vu l’époque d’écriture de tite live. ainsi, les patriciens, tels qu’ils sont présentés, récupèrent et retournent contre les tribuns (et particulièrement contre certaines familles tribunitiennes emblématiques comme les sicinii ou les icilii) les accusations de despotisme traditionnellement portées contre eux. cela ne veut pas dire que les patriciens ont effectivement fait ce type de rapprochement mais c’est ainsi qu’ils sont présentés. de la sorte, il nous semble que p. m. martin, tout en ayant perçu comment ce qu’il appelle l’« arme royale » est présente dans les discours tribunitiens, a en revanche moins noté que les patriciens s’essaient parfois à la retourner contre les plébéiens. c’est toujours chez un appius claudius que l’on trouve formulée avec le plus de netteté cette idée. une première fois en 403, pendant les troubles accompagnant le siège de véies :

il ne vous reste plus qu’à dire : « toute mesure prise par les pères est mauvaise, qu’elle soit pour ou contre la plèbe » ; et vous ressemblez alors à ces maîtres qui interdisent à leurs esclaves tout rapport avec les autres hommes et qui trouvent légitime qu’on s’abstienne à leur égard de tout bon comme de tout mauvais procédé ; vous, de même, vous défendez aux pères tout rapport avec la plèbe73.

une seconde fois en 367 où se trouve à nouveau une comparaison explicite avec le dernier roi de rome :

Je vous en prie, tribuns tarquins imaginez que je suis un quelconque citoyen qui, du milieu de l’assemblée élève ma voix vers vous74. l’assimilation des tribuns aux tarquins est limpide, surtout si l’on se rappelle que le dernier roi de rome, tarquin le superbe, provoqua par son comportement tyrannique la chute de la monarchie. mais, c’est l’ensemble de ce discours qu’il vaudrait la peine de citer car le thème de l’assimilation des tribuns aux tyrans y est le fil conducteur du raisonnement. il est nécessaire alors, d’en venir un peu plus précisément au vocabulaire utilisé. le mot principal employé est regnum (souveraineté, règne) avec le verbe regnare (régner)75. on notera que

son équivalent tyrannus n’est pas utilisé pour les tribuns de la plèbe. se trouvent cependant également les notions suivantes : pollens (puissance, toute-puissance)76 et potestas (puissance, pouvoir)77. il s’agit de termes

renvoyant directement à la notion même de puissance. pour pollens, on peut constater avec ernout et meillet qu’il dérive du verbe pollere qui a une connotation archaïsante, ce qui pourrait traduire un effet de style chez tite-live78. pour le reste, c’est simplement l’idée de puissance

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apparaît bien alors comme l’héritier du vocabulaire politique de la fin de la république79.

ces différents éléments recoupent l’essentiel des stéréotypes proprement politiques sur les tribuns de la plèbe : l’agitation, avec ses multiples dimensions (séditieux, factieux, corrupteurs, etc.) ; la démagogie, là aussi avec différents niveaux (la politique popularis, la flatterie et les largitiones, la merces) ; la tentation tyrannique permanente, c’est-à-dire l’abus de pouvoir pour imposer leurs vues et cette agitation. le tableau est donc assez cohérent, mais ce ne sont pas les seuls aspects de stéréotypie sur les tribuns. nous allons à présent en venir à des éléments de caractérisation qui dépassent le champ strictement politique.

2. la transGression tribunitienne

des caractérisations moins politiques se repèrent en effet aussi dans les multiples illégalités tribunitiennes évoquées au fil de la première décade. cela se perçoit au travers de deux champs de stéréotypes en particulier. le premier est ce qui concerne la vision générale du comportement tribunitien comme globalement illégal. cette dimension recouvre trois grands aspects. en premier lieu, leur illégalité au sens propre. il est naturel de présenter ainsi les tribuns comme des personnages n’hésitant pas à recourir à des procédés délictueux. un très bon exemple en est donné au livre v, à la suite d’une défaite contre véies en 402. les tribuns sont en effet décrits comme cherchant à profiter de la situation et le tribun militaire c. servilius ahala intervient alors :

s’il n’y avait que vous et vos menaces, tribuns de la plèbe, ah, certes ! pour ma part il me plairait de constater par expérience qu’il n’y a pas plus de légalité en elles que de courage en vous. mais c’est un crime d’aller contre l’autorité du sénat. par conséquent vous allez, vous, cesser de chercher à glisser au milieu de nos désaccords une illégalité ; et mes collègues suivront la décision du sénat80.

À côté de cet aspect, c’est en deuxième lieu le brigandage qui est mis en avant. en effet, à un certain nombre de reprises, apparaît l’idée que les tribuns n’hésitent pas à piller la patrie pour leur plus grand profit. cela concerne surtout les luttes autour de la loi agraire, par exemple lors du conflit avec coriolan. À la suite immédiate du passage cité plus haut, ce dernier ajouta :

Qu’ils volent du blé dans nos campagnes comme il y a deux ans81. enfin, en troisième lieu, il y a la mention du recours à la violence. par là, on cherche à signifier d’abord et avant tout que les tribuns n’hésitent pas, s’il le faut, à procéder par la force pour imposer leur volonté :

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si la plèbe se figurait que les pères supporteraient la licence sans frein de ces magistrats, elle se trompait. si on ne pouvait plus repousser la violence des tribuns avec l’aide de certains d’entre eux, les pères trouveraient d’autres armes82.

nous n’avons cité que quelques passages mais il en existe d’autres pour chacune de ces dimensions qui, nous semble-t-il, se répondent et forment un tout cohérent et significatif.

là aussi, il importe de repartir non seulement de l’identification du stéréotype mais encore du vocabulaire même qui le construit :

ars (talent, procédé)83 ; conspiratio (conspiration, complot)84 ; latro

(voleur, brigand)85 ; nefas (impie, sacrilège, criminel)86 ; pessimus ars

(procédé mauvais)87 ; rapere (voler, piller) et ses dérivés88 ; scelus (crime,

forfait)89 ; et uis (la violence)90. le premier exemple cité montre que

s’y ajoute une idée importante : l’usurpation de ius. l’ensemble est alors extrêmement éclairant car l’ars des tribuns est précisément liée à cette usurpation. ars a ici une très nette connotation péjorative qui est parfois explicitée par l’ajout de pessima mais pas systématiquement, et que l’on retrouve ailleurs dans la littérature latine91. on rappellera que ce mot désigne, en premier lieu, un

savoir technique, concret et, en ce sens, semble bien transcrire l’idée que les tribuns sont d’habiles manipulateurs et que leur ars réside précisément en cela : savoir se faire réélire et détourner les lois à leur profit. c’est à ce moment que ce terme entre en résonance avec l’usurpation du ius. une des grandes raisons de l’opposition des patriciens à l’accès des plébéiens au consulat était un manque de qualité religieuse incarné par le problème des auspices. avec l’emploi de ces mots par tite-live, c’est précisément tout ce conflit qui réapparaît. n’ayant pas la connaissance du droit, les tribuns en sont réduits à des artifices juridiques extrêmement concrets — cette

ars — pouvant conduire jusqu’à la violence. ce faisant, l’usage de

la notion de conspiratio s’éclaire. il s’agit d’un mot apparu assez tard en latin et qui exprime d’abord l’accord, l’union, ici l’entente entre les tribuns de la plèbe pour réaliser leurs manœuvres. en ce sens, comme l’a montré Hellegouarc’h, il désigne « un groupe politique déterminé constitué dans un but précis » et a alors bien évidemment une valeur fortement dépréciative92. il remarquait ensuite que cette

valeur était particulièrement nette chez tite-live où le mot désigne « tantôt dans la bouche des plébéiens, tantôt dans celle des patriciens, le groupe de leurs adversaires ». cette entente se fait dans le crime : les tribuns sont des latrones93, qui volent et commettent des scelera94.

elle se manifeste par la vis. ce dernier terme renvoie à tout ce qui résulte du recours à la brutalité. c’est la force, mais la force en action et, par extension, la violence. comme l’a étudié Hellegouarc’h, la

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compenser infériorité sociale et défaut d’auctoritas par le recours à la violence et au désordre95. finalement, ce comportement illégal

va ainsi de pair avec le tableau politique qui est dressé de la plèbe. À un comportement politique répond une attitude générale qui le commande et le détermine. restent alors les substantifs scelus et, surtout, nefas, qui a ici le sens de « crime » mais qui, par la valeur religieuse dont il est aussi porteur, nous oriente vers le dernier aspect que nous souhaiterions évoquer : l’indignité tribunitienne96.

3. De DigniTaTe Tribunorum

cet ultime aspect mérite deux remarques préliminaires. tout d’abord, même s’il nous paraît indéniable, il n’en demeure pas moins qu’il est présent de façon diffuse dans le récit de tite-live. ensuite, il ne concerne pas uniquement les tribuns, mais la plèbe en son ensemble. ce faisant, les tribuns, comme part représentative de cette même plèbe, en sont nécessairement affectés de façon éminente, mais ils ne sont pas les seuls. cette indignité est importante et se situe sur plusieurs plans : à la fois juridique et religieux, mais avec un point de départ très politique. cela se lit parfaitement dans un discours d’appius claudius en 471, trop long pour être analysé en entier, mais qui aborde tous ces aspects. il y déclare : « … un tribun n’a de droits que sur les plébéiens ; il n’est pas magistrat du peuple, mais simplement de la plèbe ».

le mot « peuple » traduit ici le latin populi, c’est-à-dire le populus et donc l’état romain compris dans son ensemble (patriciens plus plébéiens). appius claudius insiste sur le fait que les tribuns ne représentent qu’une partie de ce populus. il ajoute : « … le fût-il, d’ailleurs, que l’usage ne lui donnerait pas le droit d’expulsion, car voici la formule : s’il vous plaît, retirez-vous quirites »97. l’argument est remarquable. d’une part,

en différenciant bien magistrats du peuple et magistrats de la plèbe, appius circonscrit très fortement la représentativité des tribuns et leur champ d’action : ils n’ont pas le droit d’agere cum populo. en outre, il étaye son point de vue par un rappel à la juste formulation juridique qui témoigne d’une situation d’accaparement de la connaissance du droit par le patriciat : les tribuns n’ont pas le droit de ius dicere98. ce point de

vue est repris, en 368, par un autre appius claudius — le petit-fils du décemvir — mais sous un angle quelque peu différent qui complète bien ce tableau. nous ne retiendrons que les points saillants de ce passage :

en voilà assez sur l’indignité […] les auspices sont si bien notre propriété que non seulement les magistrats patriciens créés par le peuple ne peuvent l’être sinon après consultation des auspices, mais que nous-même de notre côté nous n’avons pas besoin du suffrage du peuple pour, après auspices, proclamer un interroi, et que nous

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possédons pour notre usage privé ces auspices que les plébéiens ne possèdent même pas pendant leur magistrature99.

l’origine du défaut du ius dicere tient donc d’abord à une question d’ordre religieuse qui lui est en fait liée : les auspices. le discours d’appius claudius rappelle ici que l’élection des magistrats plébéiens ne requiert pas de prise d’auspice (on pourrait ajouter que le plébiscite était qualifié de lex inauspicata) et qu’en cas de vacance du pouvoir, les auspices font retour aux patriciens (auspicia

ad patres redeunt). or les auspices, comme l’imperium, sont constitutifs

du pouvoir des magistrats du populus et les tribuns en sont dénués. selon cette logique — patricienne — c’est parce qu’ils ne possèdent pas les auspices que les tribuns de la plèbe ne peuvent accéder à la magistrature cum imperio et à la pratique du droit qui l’accompagne. le ius était en effet, à l’origine, un langage exprimé par des formules orales prononcées par des magistrats ou des particuliers mais, surtout, qui avaient été composées et conservées par les pontifes. en raison de leur origine religieuse, ces derniers leur assuraient un caractère opératoire et vérifiaient qu’elles étaient correctement prononcées, ce qui était aussi une façon de se les approprier. ainsi, cette indignité tribunitienne tient non seulement à ce que les tribuns ne sont pas patriciens, mais ne sont aussi les représentants que d’une partie du peuple. ils ne peuvent prétendre à plus, à la fois parce qu’ils ne maîtrisent pas les formes juridiques et religieuses très strictes qui encadrent la vie politique et sociale de la cité romaine (legis actiones, prises d’auspices, etc.) mais aussi parce que leur pratique politique les discrédite.

toutefois, il importe de souligner ce qui n’a été qu’évoqué un peu plus haut : ce problème des auspicia populi romani est au cœur du conflit des ordres100. les analyses de J. linderski ont montré

qu’en réalité, ce qui est présenté comme un état de fait par une historiographie conservatrice (la possession patricienne des auspices), n’est qu’un stéréotype conservateur puisque cette propriété résulte d’un processus historique. là réside la victoire durable des patriciens. ils durent céder sur de nombreux aspects politiques mais tinrent bon sur deux points essentiels : l’interregnum et l’auctoritas patrum. dès lors, cette pratique politique tribunitienne apparaît liée à un désir de contourner ce blocage et ce refus de toute ouverture politique. tite-live se plaît d’ailleurs à le souligner, trahissant la façon dont il perçoit l’histoire institutionnelle de cette période. lors du siège contre véies, en 399, il est question d’élections après deux années où des plébéiens ont enfin accédé au tribunat militaire à pouvoir consulaire. or pendant la campagne, les patriciens mirent justement en avant que les deux années précédentes avaient été marquées par des fléaux divins implicitement dus à cette présence plébéienne :

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la première année, il y avait eu un hiver intolérable, qui avait bien l’air d’un prodige envoyé du ciel ; l’année d’après, plus de prodiges, mais des faits : la peste dans les campagnes et à rome, marque indiscutable du courroux des dieux, et qu’on n’avait pu écarter qu’en les apaisant sur les indications des livres du destin. comme les élections se faisaient sous leurs auspices, les dieux n’avaient pas admis qu’on eût avili les charges et bouleversé la hiérarchie sociale. Jointe à la dignité des candidats, la crainte religieuse qui frappait les électeurs fit nommer tribuns militaires faisant fonction de consuls uniquement des patriciens101.

de même, en 362, au début d’une guerre contre les Herniques, le consul plébéien l. Genucius et ses troupes tombèrent dans une embuscade et essuyèrent une grave défaite dans laquelle il trouva la mort. immédiatement, les patriciens imputèrent ce résultat au fait d’avoir confié le commandement suprême et les auspices aux plébéiens102. les

tribuns comme les plébéiens sont donc indignes car non patriciens103

et cette forme d’indignité rentre bien évidemment en résonance avec l’idée de nefas évoquée plus haut. dans le même discours d’appius claudius, en 368, l’idée que des plébéiens puissent devenir consuls est bien évoquée en ces termes-là : un prodige néfaste104. la logique de

l’ensemble est donc transparente et a ceci d’intéressant que, derrière les stéréotypes, ce sont les enjeux politiques profonds du conflit qui sont lisibles.

cette indignité explique peut-être pourquoi les tribuns de la plèbe sont également vus comme un mal. ce dernier point, tout à fait important, a été, à notre connaissance, très peu observé. il prend le double aspect de tribuns assimilés à une maladie et de tribuns attisant les maux de la cité. deux cas en témoignent exemplairement. d’abord, en 460, lorsque des esclaves révoltés s’emparent du capitole :

si grands étaient les autres maux dont l’affluence submergeait rome que personne ne craignait plus les tribuns ou la plèbe ; c’était, pensait-on, un mal familier, toujours prêt à renaître lorsque les autres reposaient, et qui, aujourd’hui, était entré en repos, assoupi par la terreur du dehors105.

ensuite, en 403, toujours pendant le siège de véies, dans le fameux discours d’appius claudius déjà cité :

voilà, tribuns, ce que vous conseillez ! ah parbleu ! vous m’avez tout l’air d’un médecin qui, alors que son malade guérirait rapidement s’il se soumettait à un traitement énergique, pour le plaisir momentané d’un aliment ou d’une boisson, prolongerait la maladie et risquerait de la rendre incurable106.

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il est intéressant de voir se développer un vocabulaire à tendance médicale dont on peut évoquer les termes les plus récurrents :

ægror (maladie)107 ; contaminatus (souillé, impur)108 ; furor (délire, folie,

frénésie)109 ; le fait qu’il n’y ait plus rien d’incontaminatus (qui n’est pas

souillé)110 ; malum (mal, maladie)111 ; et le fait qu’il n’y ait plus rien de sincerus (pur, intact, non corrompu)112. ces quelques éléments sont

utilisés à plusieurs reprises pour évoquer l’action et la personne des tribuns. le terme le plus générique employé est bien évidemment celui de malum qui revient un certain nombre de fois. rappelons que cette notion peut désigner le mal physique ou le mal moral. À n’en pas douter, au vu des autres termes utilisés, les deux dimensions s’appliquent aux tribuns. l’aspect purement physique est précisé par ægror qui exprime plus nettement la maladie au sens physiologique113. de la

sorte, les tribuns apparaissent comme porteurs d’une pathologie qu’ils risquent d’inoculer à la cité et, surtout, qui risquerait d’affecter l’autre grande partie du corps social : le patriciat. la dimension plus morale et mentale du malum est, elle, soulignée par l’emploi du terme furor. ce dernier désigne l’agitation violente (de l’esprit et du corps) mais aussi une forme de folie pouvant frapper n’importe qui114. le furor, c’est le

dérèglement des passions, des actes inconsidérés et le mot, à la fin de la république, se comprend selon une acception empreinte de stoïcisme. ici, c’est certainement dans ce sens générique d’égarement violent que le terme doit être entendu et il caractérise, ainsi que l’avait déjà bien vu Hellegouarc’h, l’état de « la plèbe excitée par les démagogues »115.

il est en outre intéressant de noter que chez tite-live, ce terme est, dans la première décade, quasi exclusivement employé pour désigner des romains suivant une direction toujours destructrice et négative116.

par là, il est montré que les tribuns sont un mal qui risque de ronger le corps social à cause de leur état d’extrême agitation. ils le sont d’autant plus qu’on peut ajouter que tite-live, lorsqu’il dépeint les tribuns comme des agitateurs, a recours à la métaphore du venin (venenum) : à l’instar du venin, la maladie des tribuns risque de contaminer le reste de la société romaine. ce rapprochement du furor avec les tribuns ne doit pas surprendre car il est déjà le fait de cicéron qui oppose tribunicius

furor à consularis auctoritas dans le pro rabirio :

toute votre région, tout le pays voisin et le picenum tout entier, est-ce au délire du tribun ou à l’autorité du consul qu’ils ont obéi ?117 tite-live reprend et accentue des oppositions existantes qu’il réinscrit dans une vision plus large d’une forme d’indignité tribunitienne marquée par ce vocabulaire à dimension clinique et par une vision organiciste et physiologique de la cité118.

enfin, il faut bien insister, nous semble-t-il, sur la double dimension - physique et morale - de cette caractérisation que l’on retrouve

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de façon très forte dans les notions de contaminatus et de sincerus. le premier a tout d’abord le sens extrêmement péjoratif de la souillure. il s’agit de quelque chose de très concret puisque la souillure se répand par contact et souvent par contact avec des sécrétions corporelles. c’est particulièrement lisible quand tite-live évoque la façon dont tullia, après avoir écrasé le corps de son père servius tullius, fut souillée par son sang ; ou lorsque suétone évoque la manière dont néron souilla par miction la statue d’une déesse syrienne119. dans la langue littéraire, il a

aussi le sens plus spécial de « rendre méconnaissable en mélangeant », attesté par exemple chez térence120. sincerus représente l’inverse :

le pur, ce qui est exempt de mélange. il est intéressant de voir ce vocabulaire employé tout spécialement au moment des polémiques sur les mariages entre patriciens et plébéiens et, précisément — selon les patriciens — sur les dangers encourus par les auspices dans ce type d’union. en arrière-plan, la plèbe et les tribuns sont donc vus comme porteurs de souillures, d’affections, éléments incarnés et confirmés par le furor tribunicien incontrôlable et menaçant à tout instant d’emporter la res publica. l’idée que ces souillures puissent agir sur le reste de la société est, enfin, illustrée par son usage explicite lors d’un discours d’appius claudius :

y a-t-il un événement qui puisse autant combler les vœux des véiens qu’une sédition se répandant d’abord dans la ville de rome et contaminant ensuite l’armée ? au contraire chez nos ennemis, ah pardieu, quelle discipline consentie121.

l’utilisation par appius de l’idée de contagion est très révélatrice. rapportée à sa conséquence - son influence sur la pureté des auspices - elle montre comment l’intégralité de la présentation des tribuns se tient de bout en bout et est fondée sur un ensemble de conceptions tout à fait révélatrices. de ce point de vue, cette vision des tribuns de la plèbe peut aussi nous conduire à rejoindre des analyses anthropologiques plus larges sur la notion même de souillure et de pollution. en effet, le recours à ces notions, est souvent une manière de structurer et de mettre en ordre une vision de la société comme espace social unifié au sein duquel souillure et pollution marquent une rupture. leur utilisation par les patriciens pourrait trahir une certaine forme de Weltanschauung refusant de faire une place à l’élément plébéien122. le stéréotype est

donc bien politique et nous introduit au cœur des attendus des conflits de la rome républicaine archaïque.

nos remarques ne prétendent pas épuiser un sujet aussi vaste. surtout, elles ne peuvent prendre tout leur sens que par une comparaison ample des différents corpus (notamment celui de langue grecque), et par l’adjonction des éléments positifs sur les tribuns de la plèbe.

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cependant, elles nous paraissent intéressantes en ce sens qu’on y voit à l’œuvre une représentation protéiforme et complexe des tribuns de la plèbe d’époque archaïque. tite-live est loin de se contenter de les dénigrer et ces stéréotypes sont aussi pour lui un moyen de les cerner, en particulier au travers de la définition, en creux, du statut juridique du tribun. derrière ces stéréotypes, c’est aussi l’histoire de la république archaïque et de sa représentation qu’il est possible d’appréhender.

notes 1. Beaufort, 1866 (1738), p. 245.

2. voir là dessus, Morfaux, 1983 ; aMossy, 1991 ; Leyens yzerByt et

schadron, 1996 et fischer, 2010 (1987).

3. une analyse complète de la représentation des tribuns chez tite-live mais aussi chez denys d’Halicarnasse prend place dans notre thèse de doctorat en cours sous la direction du prof. J.-m. david.

4. Liv., ii, 52, 2 : ex copia deinde otioque lascivire rursus animi et pristina mala,

postquam foris deerant, domi quærere. Tribuni plebem agitare suo veneno, agraria lege

(trad. G. baillet).

5. Liv., ii, 58, 9 : omni nequiquam acerbitate prompta, nihil iam cum militibus

agere ; « a centurionibus corruptum exercitum » dicere ; « tribunos plebei » cavillans interdum et « Volerones » vocare (trad. G. baillet).

6. pour un rappel bibliographique sur ce plébiscite d’interprétation complexe, voir en dernier lieu fLach, 1994, p. 89-92.

7. Liv., 2, 2 : quod postquam tribunis plebis, iam diu nullam nouandi res causam

invenientibus, romam est allatum, in contionem prosiliunt, sollicitant plebis animos

(trad. G. baillet).

8. Liv., viii, 12, 10 : qua cupiditate offensis patribus negantibusque nisi pedo

capto aut dedito triumphum, hinc alienatus ab senatu Æmilius seditiosis tribunatibus similem deinde consulatum gessit (trad. r. bloch et ch. Guittard)

9. Liv., iv, 58, 11. 10. Liv., vi, 27, 3. 11. Liv., ii, 1, 4 ; 52, 2 ; iv, 58, 11 et v, 50, 8. 12. Liv., iv, 55, 3. 13. Liv., v, 6, 16. 14. Liv., iii, 17, 2. 15. Liv., vi, 27, 9. 16. Liv., iii, 14, 1. 17. Liv., iv, 2, 1 et v, 25, 11. 18. Liv., iii, 9, 7. 19. Liv., ii, 39, 7 et iii, 22, 2. 20. Liv., iv, 6, 5. 21. Liv., v, 2, 2. 22. Liv., ii, 54, 2.

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23. Liv., viii, 23, 15-17. 24. Liv., v, 3, 5. 25. Liv., iii, 24, 1. 26. Liv., ii, 42, 8 et iv, 6, 5. 27. Liv., iii, 65, 5 et iv, 25, 1. 28. Liv., ii, 58, 9. 29. Liv., iv, 2, 1. 30. Liv., iii, 46, 2. 31. Liv., iv, 21, 3. 32. Liv., ii, 1, 4 et iii, 11, 7.

33. Liv., ii, 33, 2 ; iii, 30, 1 ; 46, 2 ; iv, 2, 4 et 6 ; 6, 9 ; 12, 3 ; 21, 3 ; 35, 5 ;

43, 6 ; 47, 6 ; 48, 12 ; 49, 11 ; 55, 7 ; v, 2, 13 ; 7, 4 ; 10, 6 ; 25, 11 ; vi, 11, 7 8 ; 27, 9 ; 40, 3 et viii 12, 10. 34. Liv., ii, 61, 4. 35. Liv., vii, 18, 8. 36. Liv., iv, 48, 1. 37. Liv., ii, 52, 2 ; 38. ernout et MeiLLet, 2001(1932), p. 16.

39. cic., mur., 49 ; Liv., iX, 46, 14 et heLLegouarc’h 1963, p. 515. sur

les problèmes historiques posés par la signification de cette factio forensis et par l’action d’appius claudius cæcus, voir en dernier lieu huMM, 2005,

p. 229-266 avec la bibliographie.

40. tac., an., 3, 27. voir grosso, 1972, p. 263 267 et Id. 1977, p. 157 161.

41. heLLegouarc’h, 1963, p. 385 et p. 398.

42. on remarquera cependant que cic., rep., ii, 59 et de or., ii, 124

emploie seditio pour décrire la sécession.

43. Liv., XXviii, 25, 8 : scipionem, bellis adsuetum, ad seditionum procellas

rudem.

44. cic., Dom., 137.

45. cic., Clu., 153.

46. Liv., XXii, 39, 7 ou Liv., XXii, 40, 3.

47. significative, de ce point de vue, est la réutilisation du terme par saint augustin à la fois dans son sens classique (aug., bapt., iv, 18, 25), mais aussi

pour évoquer les activités des schismatiques (aug., bapt., vi, 7, 10 ; Cath., Xii,

31 ; XXv, 73 ; Cresc., ii, 33, 42 et iii, 5, 5 à propos des donatistes).

48. heLLegouarc’h, 1963, p. 134-137. on peut penser ici à cic., de or.,

ii, 124 qui qualifie l’action de norbanus de seditio ; cic., sest., 77 (passage très

révélateur du point de vue du vocabulaire) ou à fLor., ii, 1 (iii, 13) qui parle

de seditio et d’excitatio à propos des Gracques.

49. Liv., ii, 42, 6 : sollicitati et eo ano sunt dulcedine agrariæ legis animi plebis.

Tribuni plebi popularem potestatem lege populari celebrabant (trad. G. baillet).

50. Liv., iii, 68, 4 et 10 : Tribuni vobis amissa redent ac restituent ? Vocis

verborumque quantum voletis ingerent, et criminum in principes et legum aliarum super alias et contionum ; sed ex illis contionibus nunquam vestrum quisquam re [fortuna] domum auctior rediit […] nisi forte adsentatores publicos, plebicolas istos, qui vos nec

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in armis nec in otio esse sinunt, vestra vos causa incitare et stimulare putatis ? (trad. G. baillet). 51. Liv., iii, 68, 10 52. Liv., v, 26, 1. 53. Liv., iv, 13, 9 ; 55, 7 ; v, 12, 3 4 ; vi, 27, 9. 54. Liv., iv, 30, 3. 55. Liv., ii, 42, 6 ; iii, 1, 3 ; 11, 7 ; 69, 1. 56. Liv., vi, 36, 10. 57. Liv., vi, 37, 12. 58. Liv., iii, 19, 4. 59. Liv., iii, 69, 1.

60. heLLegouarc’h, 1963, p. 518-525. la bibliographie sur les populares est

particulièrement abondante. on consultera geLzer, 1969 (1912) ; Münzer,

1999 (1920) ; syMe, 1967 (1939) ; tayLor, 1977 (1949) ; Meier, 1965 ; Meier,

1997 (1966), notamment les p. 116-151 ; Brunt, 1968, p. 229-232 ; seager,

1972a, p. 53-58 ; seager, 1972b, p. 328-338 ; serrao, 1974 et notamment les

p. 163-203 ; seager, 1977, p. 377-390 ; ferrary, 1982, p. 723-804 ; Martin,

2003, p. 155-168 et Lapyrionok, 2005, p. 145-151.

61. Liv., iii, 39, 9 : Fuisse regibus exactis patricios magistratus ; creatos postea post

secessionem plebis plebeios ; cuius illi partis essent, rogitare : populares ? quid enim eos per populum egisse ? optimates ? qui anno iam prope senatum non habuerint, tunc ita habeant ut de re publica loqui prohibeant (trad. G. baillet modifiée). un autre

passage similaire se trouve lors de la sédition de m. manlius capitolinus :

primus omnium ex patribus popularis factus cum plebeiis magistratibus consilia communicare (Liv., vi, 11, 7) ; et plus loin, en un écho affaibli : quod primus

a patribus ad plebem defecisset (Liv., vi, 20, 3).

62. Liv., iii, 71, 5.

63. heLLegouarc’h, 1963, p. 214 ; cic., læl., 89 et sen., ben., v,

7, 4.

64. cic., læl., 95 : secerni autem blandus amicus a vero et internosci tam potest

adhibita diligentia, quam omnia fucata et simulata a sinceris atque veris. Contio, quæ ex imperitissimis constat, tamen iudicare solet, quid intersit inter popularem, id est adsentatorem et levem civem, et inter constantem et severum et gravem (trad.

r. combès). 65. Liv., X, 19, 8.

66. heLLegouarc’h, 1963, p. 219-221.

67. cic., mur., 24.

68. Liv., iii, 19, 4 : Cuius ordinis languore perpetui iam tribuni plebis, non ut in

re publica populi romani, sed ut in perdita domo lingua criminibusque regnarent (trad.

G. baillet modifiée).

69. Liv., ii, 34, 10 : egone has indignitates diutius patiar quam necesse est ?

Tarquinium regem qui non tulerim, sicinium feram ? secedat nunc ; avocet plebem : patet via in sacrum montem aliosque colles (trad. G. baillet).

70. Martin, 1982, p. 346.

(21)

superbia et la crudelitas patricienne qui sont des thématiques spécifiquement populares. voir saLL., Cat., X, 4 et Jug., v, 1 ; XXX, 3. voir Martin, 2000.

72. Martin, 1994, p. 99-184 et heLLegouarc’h 1963, p. 560-561.

73. Liv., v, 3, 8 : nisi forte hoc dicitis : « quidquid patres faciunt displicet, sive

illud pro plebe sive contra plebem est », et, quemadmodum servis suis vetant domini quicquam rei cum alienis hominibus esse pariterque in iis beneficio ac maleficio abstineri æquum censent, sic uos interdicitis patribus commercio plebis (trad. G. baillet).

74. Liv., vi, 40, 10 : obsecro vos, Tarquinii tribuni plebis, putate me ex media

contione unum civem succlamare (trad. J. bayet).

75. Liv., iii, 19, 4 et vi, 40, 7.

76. Liv., ii, 34, 9.

77. Liv., vi, 38, 6 et viii, 34, 6.

78. ernout et MeiLLet, 2001(1932), p. 519.

79. voir Martin, 2007.

80. Liv., v, 9, 5 6 : quod ad vos attinet, tribuni plebis, minasque vestras, ne

ego libenter experirer quam non plus in iis iuris quam in vobis animi esset ; sed nefas est tendere aduersus auctoritatem senatus. proinde et vos desinite inter nostra certamina locum iniuriæ quærere, et collegæ aut facient quod censet senatus (trad.

G. baillet).

81. Liv., ii, 34, 10 : rapiant frumenta ex agris nostris, quemadmodum tertio anno

rapuere (trad. G. baillet).

82. Liv., v, 29, 9 : nam quod illi sperarent effrenatam licentiam eius magistratus

patres laturos, falli eos : si tribunicia uis tribunicio auxilio repelli nequeat, aliud telum patres inventuros esse (trad. G. baillet).

83. Liv., iii, 35, 8. 84. Liv., iii, 64, 1. 85. Liv., ii, 34, 9. 86. Liv., v, 9, 5 6. 87. Liv., iii, 19, 5. 88. Liv., ii, 34, 10 89. Liv., iii, 19, 10 11 et v, 6, 15. 90. Liv., iii, 20, 6 ; v, 29, 9 et vi, 38, 6.

91. par exemple virg., en., ii, 152 : dolis instructus et arte pelasga.

92. heLLegouarc’h, 1963, p. 98-99.

93. voir cic., phil., ii, 62 pour décrire le comportement d’antoine ; cic.,

mil., 55 pour décrire celui de clodius ; cic., off., ii, 40 dans un emploi plus

générique et saLL., H., iv, 69m dans la lettre de mithridate à arsace où il

traite les romains de latrones gentium (§ 22).

94. voir cic., ii Verr., iii, 152 ; v, 24 et 106 à propos de verrès ; mais aussi

cic., phil., v, 42 à propos d’octave ou cic., Cat., ii, 25 dans une énumération

très intéressante : ex hac enim parte pudor pugnat, illinc petulantia ; hinc pudicitia,

illinc stuprum ; hinc fides, illinc fraudatio ; hinc pietas, illinc scelus ; hinc constantia, illinc furor ; hinc honestas, illinc turpitudo ; hinc continentia, illinc libido. on le retrouve

dans la littérature chez pLaut., amph., 557 et mil., 827 comme équivalent de

(22)

95. heLLegouarc’h, 1963, p. 309. voir cic., Dom., 129 qui évoque la

vis tribunicia.

96. la notion d’indignité est utilisée par Liv., vi, 40, 19 dans la bouche

d’un appius claudius. scelus peut aussi être rapproché d’une dimension religieuse comme chez Liv., iii, 19, 11 : divinis humanisque obruti sceleribus.

97. Liv., ii, 56, 11 à 12 : ius esse tribuno in quemquam nisi in plebeium ; non

enim populi, sed plebis eum magistratum esse ; nec illum ipsum summovere pro imperio posse more maiorum, quia ita dicatur : si vobis videtur, discedite, quirites (trad.

G. baillet modifiée).

98. voir aussi Liv., iX, 9, 1 4 et les arguments de sp. postumius après la

bataille des fourches caudines.

99. Liv., vi, 41, 4 6 : De dignitate satis dictum est […] nobis adeo propria sunt

auspicia, ut non solum quos populus creat patricios magistratus non aliter quam auspicato creet, sed non quoque ipsi sine suffragio populi auspicato interregem prodamus et privatim auspicia habeamus, quae isti ne in magistratibus quidem habent (trad.

J. bayet).

100. MoMMsen, 1893, p. 325-331 et notamment p. 326 où mommsen

relève qu’il n’existe pas un exemple de prise d’auspice tribunicienne dans nos sources. en conséquence, le seul témoignage en leur faveur (zonar., vii, 19)

paraît bien isolé. voir également cataLano, 1960, p. 199-203 et p. 450- 454

(malheureusement, le t. 2 de cet ouvrage n’a jamais paru) ; MagdeLain,

1990 ; Linderski, 1990 ; et les remarques de Badian, 1996, p. 197-202 et

p. 209.

101. Liv., v, 14, 3 5 : « priore anno intolerandam hiemem prodigiisque diuinis

similem coortam ; proximo non prodigia, se diam eventus : pestilentiam agris urbique inlatam haud dubia ira deum, quos pestis eius arcendæ causa placandos esse in libris fatalibus inventum sit ; comitiis auspicato quæ fierent indignum dis visum honores volgari discriminaque gentium confundi ». præterquam maiestate petentium, religione etiam attoniti homines patricios omnis (trad. G. baillet).

102. Liv., vii, 6, 9 12. pourtant, quelques années après, le consul plébéien

m. popilius lænas assume parfaitement ses charges (Liv., vii, 23, 1 10).

Liv., iv, 31, 4 évoque aussi la nécessité pour les tribuns militaires à pouvoir

consulaire de 426 d’avoir recours aux augures pour nommer un dictateur (voir Linderski, 1990, p. 45 46).

103. Liv., v, 32, 7 sur cet aspect. on pourrait aussi souligner cela par

contraste avec l’insistance sur les auspices de camille (Liv., v, 49, 6 ; vi, 2, 5 ;

12, 6 ou 23, 9). voir surtout le discours de p. decius mus en 300 (Liv., X, 7 8).

104. Liv., vi, 40, 11.

105. Liv., iii, 16, 4 : Tantum superantibus aliis ac mergentibus malis, nemo

tribunos aut plebem timebat : mansuetum id malum et, per aliorum quietem malorum semper exoriens, tum quiesse peregrino terrore sopitum videbatur (trad. G. baillet).

106. Liv., v, 5, 12 : Hæc sunt, tribuni, consilia vestra, non hercule dissimilia ac si

quis ægro, qui curari se fortiter passus extemplo convalescere possit, cibi gratia præsentis aut potionis longinquum et forsitan insanabilem morbum efficiat (trad. G. baillet).

(23)

108. Liv., iv, 2, 5 et, 4, 5.

109. Liv., iii, 16, 5 et iv, 2, 1.

110. Liv., iv, 2, 5.

111. Liv., iii, 16, 4

112. Liv., iv, 2, 5.

113. ceLs., i, 33 qui l’utilise pour évoquer les malades ou cæs., alex.,

Xliv, 4.

114. À la différence de l’insania, voir la distinction opérée par cic., Tusc.,

iii, 5, 11.

115. heLLegouarc’h, 1963, p. 136.

116. voir pfeifer, 2002, http://eprints-umb.u-strasbg.fr/237/01/pfeifer_

virginie. pdf, p. 214 231.

117. cic., rab., 22 : regio, vicinitas vestra ? quid ? ager picenus universus

utrum tribunicium furorem, an consularem auctoritatem secutus est ? (trad.

a. boulanger).

118. voir en dernier lieu Mineo, 2006, p. 19- 45 avec la bibliographie.

119. Liv., i, 48, 7 et suet., ner., lvi. l’image de la souillure par le sang se

retrouve chez Liv., Xlv, 5, 4.

120. ter., and., 16 (et le commentaire d’Ælius donatus) et ernout et

MeiLLet, 2001(1932), p. 139.

121. Liv., v, 6, 11 : an est quicquam quod Veientibus optatum æque contingere

possit quam ut seditionibus primum urbs romana, deinde velut ex contagione castra impleantur ? at Hercule apud hostis tanta modestia est (trad. G. baillet).

122. nous touchons ici à un problème complexe d’histoire et d’anthropologie des religions dans lequel nous n’entrerons pas. on pourra se reporter à ricœur 1988 (1960), p. 187-206 ; fugier 1963 ; dougLas 1992

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