Histoire et analyse des pratiques du jeu vidéo Année académique 2020-2021 / 4 mars 2021
40 ans de magazines spécialisés :
Les générations de journalistes et le
développement de la culture vidéoludique
Twitch.tv/liegegamelab Yves Breem et Boris Krywicki
La préhistoire (années 80): magazines
informatiques et de jeux de plateau
« Le jeu vidéo reste peu présent en tant que produit culturel, mais la culture ludique,
elle, y est bien prégnante : on y retrouve des jeux construits autour de la
programmation. Ces titres parlent donc de jeu vidéo, mais à leur manière, en le
décrivant comme le cheval de Troie de la micro. Le jeu sur consoles est clairement
décrié, décrit comme du gadget, mais celui sur micro a sa place dans la culture
hobbyiste qui se développe à l’époque ». Colin Sidre, chercheur
1982 : La naissance de Tilt
« Avec ses tournures de phrase parfois précieuses
et sophistiquées, c'est l'émergence d'une culture jeu vidéo en France que Tilt raconte au fil des pages […] À l’époque, on lit Tilt et on apprend ».
Patrick Hellio, Gamekult.
Le lancement de Tilt est un pari, mais pas si risqué, car le coût du magazine était faible (salaires, locaux). Surprise: le magazine est un succès (50 000 ventes dès 1984).
Créé par des étudiants en Khâgne, peu passionnés par le jeu vidéo, avec comme équipe rédactionnel, des diplômés du supérieur munis d’ordinateur, mais très éloignés du milieu informatique et du journalisme.
Le ton satirique d’Hebdogiciel (1983-6)
« La particularité [du magazine], c’était bien entendu l’engagement du journal. En fait, non, on ne peut même pas parler d’engagement. “Besoin viscéral d’emmerder le monde” serait plus juste... la rédaction s’est fâchée avec les trois quarts de ce qui n’était pas encore une industrie. Ou les quatre tiers, plutôt ». Xavier « Léo de Hurlevan » Allard
« Je suis très fier de ce titre, affiché sur quelques dizaines de milliers de kiosques un été, alors que la majorité des Français ne connaissaient même pas le mot. Le fait qu’ils apprennent simultanément que 1) il existe un truc qui s’appelle «informatique» et 2) c’est de la merde, de toute façon, m’avait fait rire ».
Michel Desangles, ancien rédacteur
1987 : Les passionnés du micro
entrent dans la danse
La nouvelle concurrence est menée par des maisons d’édition plus jeunes,
passionnés de jeux vidéo et moins pointilleuses sur la législation, ce qui va leur
permettre de travailler beaucoup plus, et donc de proposer plus de pages d’actualité. Pas question, aux Éditions Mondiales, de ne pas respecter le droit du travail.
Passionnés mais à contre-courant
du journalisme
« Soyons clairs : si, dans un test, on a cinq fautes d’orthographe par ligne, ce qui est à peu près
le niveau des journalistes que j’engageais à l’époque, le public, ça ne le gêne pas. (...) Par contre, si vous dites qu’il y a sept coups spéciaux alors qu’en fait il y en a huit, vous recevez 3 000 lettres d’insultes ! C’est le problème de la presse spécialisée : la seule chose qui compte véritablement, c’est la connaissance du sujet. (...) Si on écrit bien, c’est un bonus ».
Qui sont ces nouveaux passionnés ?
• Les purs chanceux: candidature spontanée ou hasard d’une présence
« J’avais élaboré une technique toute personnelle qui consistait à juste regarder les photos et, coup de bol pour eux, j’ai trouvé qu’ils avaient de bonnes tronches » AHL, rédacteur en chef
de Consoles +
Michel Houng a été recruté à Game Mag parce qu’il avait remporté un concours de jeux vidéo dans un salon
• Ceux qui pouvaient apporter quelque chose: expérience dans un fanzine, accès
aux jeux vidéo (en boutique) ou via les copies pirates
« Pouvoir juger de la qualité d’un titre afin d’ajuster sa commande était un atout maître pour les Magasins. Les nouveautés proposées par notre groupe de flibustiers et les cracks, véritables Nectars pour les revendeurs, l’étaient également pour la presse » J’m Destroy, Micro News
• Le réseau
On était allé dans le château d’Ubi Soft […] et puis, là-bas j’avais rencontré Jean-Yves Primat, qui était le patron de Commodore Revue. Il se trouve que, quand moi j’en ai eu marre
d’Amstrad Magazine, j’ai appelé Jean-Yves. Ça se passait toujours comme ça, c’était un coup de fil et le lendemain ou la semaine d’après, j’attaquais ailleurs. C’était un petit milieu, tout le monde se connaissait ! Georges Brize, rédacteur en chef de Micro News
Qui sont ces nouveaux éditeurs ?
Les grandes maisons d’éditions: Les Editions Mondiales (Tilt),
Soracom (Arcades)
Les magasins et grossistes en informatique : Micro Vidéo (Gen4),
MSX Video Center (Micro News), Alain Kahn (Amstrad 100%)
Les purs entrepreneurs, peu intéressés par le jeu vidéo : Marc
Andersen (Joystick), qui éditait des magazines de mairies ; les
frères Chemla (FJM), Posse Press (Amiga Dream)
« Il y a eu cette espèce de mariage entre des passionnés qui étaient prêts à écrire des
pages et des pages sur le jeu vidéo, et des hommes d’affaire, qui arrivaient derrière et qui sentaient bien qu’il y avait un filon, et qui créaient un magazine rien qu’en claquant des doigts… avec plus ou moins d’honnêteté » Yann Serra, Amiga Dream.
Des rédacteurs adolescents
Certains rédacteurs débutent très jeunes !
Jean-Philippe Alba (Banzzaï et Supersonic) – 13 ans Christophe Delpierre (Player One) – 15 ans
Grégoire Hellot et Julien Chièze (Joypad) – 16 ans
« Il ne fallait pas donner des salaires de journalistes à des gens, il fallait donner des salaires à
des gamins, […] passionnés par leurs trucs, et qui, à la limite se fichaient d’être payés, car tout le monde habitait chez ses parents » Yann Serra, Joystick Hebdo
Un fonctionnement qui va durer
• Triumvirat: news, previews, tests + astuces
• Service Minitel et courrier des lecteurs pour rassembler les lecteurs
• Culture geek et japonaise : rubriques cinéma, livres, BD et mangas, japanime et
jeux japonais en import
• Ambiance masculiniste et blagues sexistes assumées
• Les rédactions étaient des cours de récré
« [On était] à côté de Télé poche, Auto plus, des gros magazines très très sérieux et
[“Switch“, un des rédacteurs de Consoles +], se trimballait dans les couloirs en rollers.
[…] Ils nous prenaient tous pour des fous, à EMAP, les mecs sérieux. […] Quand ils
montaient dans l’ascenseur et qu’ils arrivaient le matin, ils voyaient les testeurs qui
repartaient avec des yeux jusque par terre, qui avaient passé la nuit [à travailler], et
c’était du délire » Alain-Huyghues Lacour, rédacteur en chef de Consoles +
Les magazines comme
interfaces de rencontre
Tilt, n°3, p.86, février 1983
ST Magazine (Pressimage, 1985-1998) Joystick, n°96, p.4 (septembre 1998)
« Les petites annonces ont joué un rôle très important en aidant les rassemblements. Dans Tilt, elles ont permis la constitution de clubs de passionnés. De manière générale, dès les années 1980, avec ces clubs locaux, mais ensuite grâce au courrier des lecteurs par exemple, qui laisse beaucoup de place aux guerres entre fans de machines, la presse spécialisée incarne le premier lieu où les joueurs et joueuses peuvent échanger entre eux/elles ». Colin Sidre (Presse
Rapport de force avec l’industrie
« Un jeu qui avait moins de quatre étoiles n’était même pas distribués par la Fnac, un autre qui avait moins de trois étoiles devenait presque introuvable en France ». Stéphane
Lavoisard, rédacteur en chef de Gen4
« Un jour, tous les rédacteurs en chef de magazines de jeux vidéo ont été convoqués par
quelques grands éditeurs français. Je crois me souvenir qu’il y avait notamment Electronic Arts et Ocean. Ils nous ont demandé d’arrêter de parler des jeux importés du Japon, menaçant de nous couper les budgets publicitaires ! La plupart a accepté mais, pour moi, c’était hors de question : arrêter d’en parler, c’était signer notre arrêt de mort ! » AHL,
rédacteur en chef de Consoles +
« Le jeu vidéo étant un ghetto à l’époque, un petit peu, on ne touchait pas un public très vaste, ce qui fait qu’on n’a pas pu avoir des pubs de Coca Cola, de machin […], ce qu’on appelle les pubs hors-captif. […] la pub elle est uniquement faite par les éditeurs de jeux ».
AHL, rédacteur en chef de Consoles +
La plupart des magazines tenait bon face aux chantages des éditeurs, même si les plus petits faisaient parfois plus attention. « On est très loin de ce qui se passe dans les pays
anglo-saxons, où des journalistes peuvent toucher des chèques des éditeurs, ou au Japon, où la plupart des magazines sont inféodés aux éditeurs de jeux vidéo ». Douglas Alves,
L’âge d’or de la presse 1995 - 2001
• Évolution exponentielle du chiffre d’affaires du jeu vidéo, qui
devient un bien de consommation courant pour toutes les
générations, et pas seulement pour les enfants
• La création du CD-ROM a permis de faciliter et de maximiser la
vente de démos avec les magazines papier
• À la confluence de ces deux raisons, on trouve la Playstation, c’est
la première console ouverte aux joueurs adultes et Sony est le
premier à avoir développé une distribution de CD de démos
exclusif via la presse (Playstation Magazine en France)
Les « amis de papier » (BO-Dozo)
Trombinoscope, Consoles +, n°83, pp.8-9, décembre 1998
Sébastien Hamon et Laurent Sarfati, « Chez nous, à Joystick, les jeux vidéo, c’est notre passion – Chaussette », disponible sur Youtube
« Dans les années 1980, les créateurs de jeux étaient quasiment inconnus (au tournant des années 1980, certains éditeurs comme Atari interdisaient même à leurs créateurs d’être crédités). Dans les années 1990, quelques noms commencent à percer auprès du grand public (Sid Meyer, Shigeru Miyamoto, etc.). À cette époque, les journalistes ont rempli la fonction
de repères, dont l’opinion a structuré le domaine. En utilisant pour la grande majorité un pseudonyme, ils incarnent une
forme spécifique d’autorité, développent des relations privilégiées avec les éditeurs d’un côté et avec des lecteurs/joueurs de l’autre côté, et jouissent d’une grande reconnaissance. Ces “amis de papier”, le lecteur prend plaisir à les retrouver chaque mois. Chaque journaliste est généralement identifié à un genre de jeu (de combat, de stratégie, de plateforme, etc.)
et fournit au lecteur un miroir dans lequel il peut se reconnaître » (Dozo et Krywicki, in Manuel d’analyse de la presse
Les nouveaux de l'âge d'or
« [Le magazine officielle Playstation] On l’avait proposé à MSE mais, finalement, ça ne s’est
pas fait à cause de Nintendo. » Richard Brunois, directeur de la communication de Sony
« On savait quand PlayStation Magazine devait sortir mais, en même temps, personne de chez
Hachette ne s’en occupait, en réalité [celui qui avait récupéré la licence était en train d’être licencié]. Le temps passe, et un jour on se dit : On doit faire un magazine, on a trois semaines. » TSR, rédacteur en chef de Joypad et Playstation Magazine
Début 2000 : Les relations avec
l’industrie changent
•
L’information prémâchée
« Ils envoyaient tous des plannings pour te dicter quand tu pouvais sortir tes articles. La seule marge de manœuvre qu’il te restait, c’était de négocier les exclusivités [couvs, démo]. Ça a entraîné un nivellement par le bas de tous les magazines » Stéphane Lavoisard,
directeur des rédaction à Pressimage
•
Plus de liens privilégiés avec les développeurs
« Quand je suis rentrée sur Lyon […], je me suis dit, “je vais en profiter pour rendre visite à Arkane Studios”. C’étaient mes potes, ils m’avaient dit “notre porte sera toujours ouverte”, genre, copains à vie. [Je rencontre] le DG d’Arkane Studios, le mec me dit “qu’est-ce que tu fais-là ? Tu n’as rien à faire ici, […] tu sors.”. Et là je me suis dit, “wouah, le jeu vidéo, ça a changé. Je me fais foutre à la porte de la boîte de mes potes » Wanda, Joystick
•
Parler du produit, pas de l’industrie
« Si tu vas interviewer un chef opérateur, qui a bossé sur un film, il va te raconter des secrets de fabrication, des histoires de tournage. Dans le jeu vidéo, ce n’est pas possible, ça : tu ne sais pas vraiment comment sont fait les jeux, parce que tout est de la promotion» Victor
Moisan, Gamekult.com
[Quand on arrive dans cette presse], on ne pense pas au fait que les éditeurs ont réussi à mettre en place une espèce de structure de pensée dans laquelle tout tourne autour de la question du produit. William Audureau, Le Monde Pixels
Internet: concurrent ou complément ?
« Les débuts d’Internet ont été marqué par les premières vidéos du site américain IGN. On était alors comme des enfants découvrant un nouveau jouet. On voyait donc Internet comme un complément à la presse papier, et pas du tout comme un concurrent pour nous. » Julien
Chièze, Joypad
« Joystick.fr était vraiment très puissant. Pour le futur, on était bien installé. Mais, la famille d’entrepreneurs va changer d’avis quelques années plus tard. En 2002, [elle] a considéré qu’Internet ce n’était pas l’avenir. [Arnaud Lagardère] a fait fermer tous ses sites. » Grégoire
Hellot, Joypad
« Quand tu es un groupe de presse et que tu vends 150 000 exemplaires par mois de tes titres, et que tu rajoutes en plus la publicité, ça fait beaucoup d’argent. Et quand t’as des gens qui disent “on va faire un site”, et que, à ce moment-là, il n’y a pas de pub sur Internet, tu dois payer des gens pour écrire des articles qui ne fourniront ensuite aucun revenu. Donc là, les gens sont assez pragmatiques : ils vont te dire “pourquoi tu veux que je fasse ça ?” À partir de là, [l’ensemble de la presse] freine des quatre fers » Brice N’Guessan,
Future/Yellow Media/M.E.R.7
La part des ménages connectés passe de 2,4% en 1998 à 17 % en 2001 puis 25 %
en 2003. En parallèle, les sites web de jeux vidéo, plutôt spécialisés en astuces au
départ, vont commencer à parler d’actualité et à jouer sur leur avantage
concurrentiel: ils sont gratuits et l’information y est instantanée.
Les nouveaux concurrent tentent
d’inonder le marché
« [FJM] avait une réputation de franc-tireur […] capable de sortir des magazines du jour au lendemain […] L’intérêt était d’être le premier à lancer un titre » Brice N’Guessan, FJM
« C’est une époque où, effectivement, tu avais un lancement de titre chez Future ; le titre se
plantait, en moyenne, en dix ou onze mois, une petite année, avec une nouvelle formule dedans pour faire bonne figure. Et puis, quand le titre était mort, tu te disais “oh, quand même, c’est dur, on a perdu un titre”, ben le mois d’après, on en lançait deux ». Vincent OMS,
2004-2006 : La quasi-disparition
de la concurrence
« [Pour] tous ceux qui ont voulu persévérer dans le test de jeu vidéo […] il n’y avait plus personne pour acheter leurs articles. Quand les éditeurs en voulaient bien, c’était sans rémunération à la clé. Il y a eu des vrais drames : des gens qui étaient des héros du jeu vidéo, incapables de faire autre chose, ils sont devenus des épaves, ça a été une catastrophe ».
Yann Serra, directeur des rédactions Posse Press
« L’histoire ressemble énormément à une société (Computec) qui, pour éviter d’avoir à virer des grosses équipes, revend à une plus petite firme (Coprosa) avec qui elle s’est mise d’accord pour flinguer la boîte ».
Stéphane Lavoisard, ancien directeur des rédactions Pressimage
« Ils ont tout raflé. Comparé à [Future], FJM était totalement inoffensive. On a inondé le marché de magazines parfois immondes, mais on n’a pas cherché à tout racheter ! » Jay, ancien directeur des rédactions
Les résistants
« Un mook c’est plus qu’un magazine, c’est un véritable livre qu’on ne va pas avoir envie de
jeter après lecture. Pour démarrer [Pix’n Love], on a décidé de ne faire que de la vente directe. [Au départ, on a vendu] 400 ex., ça paraît peu mais à 9€ en vente directe, les bénéfices générés équivalaient peut-être à 2 ou 3 000 ex. d’un Retro Game vendu en kiosques. »
Florent Gorges, fondateur de Pix’n Love
« Le lecteur d’IG a du temps ou le prend pour lire et avoir un autre regard sur le jeu vidéo. Il n’y
avait pas de local dédié. Je jonglais avec plusieurs canaux de discussion en ligne en plus du mail et du téléphone pour gérer cette rédaction déterritorialisée » Bounthavy Suvilay,
2012 : La quasi disparition de la presse JV
« [avec la dernière tentative de reprise de Yellow Media en 2011], j’ai ressenti une véritable
envie de renouveler les fondamentaux de la presse jeu vidéo, et ça n’était plus arrivé depuis longtemps. Sauf qu’en fait, c’était un peu vain, parce que recommencer un magazine qui a vingt-cinq ans d’histoire… Les fans qui ne te lisent plus parce qu’ils sont passé à autre chose, ils ne vont pas revenir. » Corentin Lamy, Joystick
«Tout le monde savait que la situation financière des magazines était très mauvaise. Pourtant,
je n’ai jamais aussi bien gagné ma vie que là-bas » Moguri, rédacteur en chef adjoint de
Consoles +
Conscient qu’il est trop tard pour redresser la barre, le principal investisseur ne mettra que la moitié de l’argent promis au moment de la reprise et la société est liquidé en novembre 2012
Future ou Internet ? Qui est le vrai
coupable ?
« Je n’avais pas le droit de parler de Pix’n love, un mook sur le rétrogaming, parce que ça ferait de la concurrence, éventuellement, à un projet de magazine rétro, qui ne s’est jamais fait, en plus. Ce n’est que des petits trucs comme ça, plein de petites choses, plus ou moins aberrantes, plus ou moins graves, qui ont fait que le truc s’est complètement écroulé, parce que la direction faisait n’importe quoi » Jika, rédacteur en chef adjoint de Joystick
« Future est responsable de son propre déclin parce qu’ils ont pris le virage d’Internet beaucoup trop
tard. Ils ont eu l’opportunité à un moment, il me semble, de racheter Jeuxvideo.fr, et ils ne l’ont pas saisie. Si ce virage d’Internet avait été pris, je pense que Webedia n’existerait pas aujourd’hui. Le Webedia d’aujourd’hui est le Future d’hier. » Brice N’Guessan, directeur des rédactions Yellow Media/M.E.R.7
« Selon moi, tout avait déjà commencé à s’écrouler avant même que Future commence à arroser les
kiosques de ses magazines. Internet, c’est le concurrent ultime. [Les magazines sont morts parce que] les gens n’allaient plus acheter en kiosque. » Yann Serra, directeur des rédactions Posse Press
« On ne peut pas accuser Internet de tous les maux : certaines personnes du marketing m’ont déjà fait arrêter des magazines qui étaient en progression, qui rapportaient de l’argent ! Stéphane Lavoisard, directeur des publication à Diximedia
2013: La renaissance
• Création de nouveaux consumer magazines:
« Je dirais que c’est une revue qui naviguerait quelque part entre Jeux
Vidéo Magazine et Consoles+, donc assez classique dans sa forme et sa présentation (actualité, dossiers, tests…) » Christophe Collet,
rédacteur en chef adjoint de Video Gamer
• Création de magazines qui présente le jeu vidéo comme un produit culturel
« On a lancé cette société pour faire des choses qui nous plaisent. […] La question de savoir si [ce qu’on fait] colle à notre business plan ou je ne sais pas quoi, la question ne se pose pas puisqu’on n’en a pas, de business plan ». Sophie Krupa, fondatrice de JV
« Il y a les magazines qui s’approprient leur rédaction et les
rédactions qui s’approprient leurs magazines » Moguri, ancien
Réinventer la presse et le
journalisme vidéoludique
« JV insiste sur l’enjeu de la réflexion sur le temps long, en revenant sur des œuvres qui
datent d’il y a quelques mois, par exemple […]. Le magazine fait aussi preuve d’une réflexivité intéressante – qu’est-ce que la presse jeu vidéo ? – et a plus largement un rôle de laboratoire éditorial. » Colin Sidre, chercheur
« Presse Non-Stop, c’est 2 millions d’€ de chiffre d’affaire en 2015, dont moins de 15 % vient
de la publicité : c’est tout à fait atypique pour la presse magazine. » Ivan Gaudé, directeur
des publication de Presse Non-stop (Canard PC)
« On est complètement sorti du système des gros éditeurs de presse. On n’avait plus besoin
de faire autant de ventes pour arriver à survivre. De plus, on est capable désormais de changer tous les mois la répartition géographique de notre distribution, afin de faire le plus de ventes possibles. » Vincent Oms, Jeux Vidéo Magazine
L’investigation et le ressenti
« Il faut prendre le temps pour creuser des sujets en profondeur, mais c’est compliqué quand on est dans des rédactions, surtout dans la presse spécialisée : on n’a pas le temps ni l’argent. Ce sont pourtant deux ressources nécéssaires pour obtenir des témoignages de qualité́, indispensables à l’enquête. Lorsque j’ai investigué sur le dopage des joueurs d’e-sport, mes efforts ont consisté à trouver des témoignages inéditsDans ce milieu, il faut aussi s’attendre à ce que les éditeurs répondent peu aux journalistes. Mais ça ne nous empêche pas de faire notre travail correctement et d’informer les lecteurs, en protégeant nos sources si nécessaire » Héloïse Linossier (journaliste à JV)
« Pour moi qui viens de la critique de cinéma, mon approche, c’est de considérer les jeux vidéo comme des œuvres plutôt que des produits. Il y a déjà tellement de sites et de magazines qui font des tests que, moi, je n’ai pas à le faire. Donc ma façon d’écrire, et je pense que ça colle bien dans la presse généraliste, c’est de m’adresser aux gens qui ne connaissent pas le jeu vidéo plus que ça. Avoir un discours sur l’expérience, l’univers, essayer de faire des rapprochements avec des œuvres qui ne sont pas issues du jeu vidéo. Éventuellement, m’adresser aussi aux gamers en leur proposant un discours qu’ils ne trouveront pas ailleurs » Erwan Higuinen (journaliste aux Inrocks)