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AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU CONGO-KINSHASA EN PERIODE DE POST-CONFLIT

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Academic year: 2021

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AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU CONGO-KINSHASA EN PERIODE DE POST-CONFLIT

Par Crispin MALINGUMU SYOSYO(*)

Résumé

La présente étude vise à analyser l’incidence de l’Aide Publique au Développement sur la croissance économique au Congo-Kinshasa en période de post-conflit de 1999(+)à 2010. Elle vérifie aussi la stabilité de la relation observée en période de post-conflit sur le long terme (c’est-à-dire, entre 1970 à 2010). D’un point de vue empirique, l’aide a été à même de stimuler la croissance économique en phase de post-crise en agissant à travers le canal de la gouvernance démocratique, approximé par le contrôle de la corruption ; l’aide a un coefficient positif et statistiquement significatif. Son rendement est décroissant et statistiquement significatif montrant par là que la capacité du pays à absorber les volumes d’aide de plus en plus important est limitée. Par contre, en long terme (1970-2010), l’aide a un effet négatif et statistiquement significatif sur la croissance et son rendement, bien que statistiquement significatif, a un coefficient nul. Ces résultats contradictoires, semblent suggérer que l’impact de l’aide sur la croissance économique, au Congo-Kinshasa, est hétérogène et instable au fil du temps. Les résultats obtenus à l’issu de cette analyse ne permettent donc pas de dégager, de manière tranchée, l’impact systématique de l’aide sur la croissance économique de ce pays.

Classification JEL : G29, G32, O47, O55

Mots-clés : Aide Publique au développement, croissance économique, période post-conflit, République démocratique du Congo (Congo-Kinshasa).

Abstract: This study aims to analyze the impact of foreign aid and economic growth in Congo-Kinshasa during the post-conflict period from 1999 to 2010. It also checks the stability of the relationship observed during the period long-term post-conflict (between 1970 and 2010). From an empirical point of view, aid has been able to stimulate economic growth in the post-crisis phase by acting through the channel of democratic governance, approximated by the control of corruption; the aid has a positive and statistically significant coefficient. Its performance is decreasing and statistically significant, showing that the country's capacity to absorb increasing amounts of aid is limited. On the other hand, in the long run (1970-2010), aid has a negative and statistically significant effect on growth and its yield, although statistically significant, has a zero coefficient. These contradictory results seem to suggest that the impact of aid on economic growth in Congo-Kinshasa is heterogeneous and unstable over time. The results obtained at the end of this analysis do not make it possible to determine, in a clear manner, the systematic impact of the aid on the economic growth of this country.

JEL Classification: G29, G32, O47, O55

Keywords: Public Development Aid, Economic Growth, Post-Conflict Period, Democratic Republic of Congo (Congo-Kinshasa).

(*) Assistant à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Département des Sciences Economiques Université de Kinshasa. Je tiens à remercier les Professeurs Tshiunza Mbiye et KabuyaKalala de l’Université de Kinshasa et Douzounet Mallaye de l’Université de Yaoundé 2 SOA. Les deux premiers pour m’avoir fait bénéficier de leurs observations pertinentes à la lecture d’une version antérieure de ce texte, le troisième pour les discussions et la documentation mise à ma disposition. Bien évidemment, je reste seul responsable des erreurs et omissions qui pourraient y subsister. Contact : Tél. : E-mail : malingumucrispin@gmail.com

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Introduction

L’Aide Publique au Développement, en sigle APD figure parmi les sujets et les problèmes qui ont retenu, au cours de cinquante dernières années, à la fois l’attention des économistes et l’intérêt des responsables politiques. Depuis lors, des études théoriques et empiriques assez poussées ont été consacrées au phénomène de l’aide au développement. Des congrès, des forums nationaux et internationaux s’y sont également penchés, soit pour définir les formes d’octroi de cette aide et ses conditions d’efficacité, soit pour appréhender son coût économique et ses avantages du point de vue des pays qui aident (KabuyaKalala, 1981).

Depuis sa création, à la fin de la seconde guerre mondiale, l’aide a d’abord été un instrument de politique étrangère qui s’est développé dans le contexte de la guerre froide et de la décolonisation. Elle s’est ensuite engluée dans la logique de refinancement d’une dette des pays du Sud qui était devenu ingérable à la suite des crises des années 70. Enfin, après avoir opéré un repli dans les années 90, les bailleurs de fonds, croient de nouveau à l’aide publique au développement comme facteur d’impulsion de la croissance et promettent une grande poussée de l’aide envers les pays en développement ayant des bonnes institutions.

Par ailleurs, si traditionnellement ce sont des considérations d’influences politiques et diplomatiques ou de positionnement stratégique qui ont dominé l’octroi de l’aide (Severino et Charnoz cité par Kabuya et Tshiunza, 2007), aujourd’hui cependant, la motivation derrière ce type d’intervention s’est profondément modifiée avec la fin de la guerre froide (Stefaan Marysse et al. 2006).

Au lendemain de cette dernière période, l’on a constaté la persistance dans le monde du nombre de conflits actifs et la multiplication des « Etats fragiles », particulièrement en Afrique. Cette situation a conduit les bailleurs de fonds à intégrer dans leurs politiques d’aide des actions de soutien aux programmes de reconstruction au sortir de conflit armés. Ainsi, dès 1997, la Banque Mondiale a établi un Fonds Post-Conflit (Post Conflict Fund-PCF) pour aider les pays touchés par les conflits à mener à bien leur transition vers la paix et la croissance économique (Douzounet Mallaye, 2009). A ce titre, la communauté internationale a affecté, en janvier 2002, une aide de 4,5 milliards de dollars américains à l’Afghanistan pour sa reconstruction post-conflit (Paul Collier, 2002). Elle a par ailleurs accordé des aides substantielles au Timor Oriental, au Sierra Leone, au Guatemala, à la République Centrafricaine, à la Bosnie-Herzégovine, à l’Angola, à la Côte-D’ivoire et plus récemment à la République Démocratique du Congo (Congo-Kinshasa).

Pour ce dernier pays, singulièrement au cours de la décennie 90, l’interruption de la coopération structurelle a entrainé une baisse considérable de l’APD lui accordée, dont le ratio aide au PIB a atteint le creux de 1,27% en 1993 après s’être hissé à 15,2% en 1977. La reprise de la coopération structurelle, entre 2002 et 2003, a permis une allocation considérable de flux d’aide. De 177 millions de dollars en 2000, l’aide a atteint le pic de 5.419,0 millions de dollars en 2003. Cette attention toute particulière des bailleurs de fonds dans l’attribution de l’aide au Congo-Kinshasa, est tributaire des situations politiques de la période dite de « post-conflit »(*). Comme l’ont fait observer Collier, Hoefflet et Söderbom(2008), les pays

(*)Nous reconnaissons tout de même que parler actuellement de la période de post-conflit au Congo-Kinshasa

alors que le pays est occupé par des groupes armés semble irréaliste. Car, le pays est en plein conflit dans sa partie Est, surtout dans le territoire de Rutshuru et aux alentours de la ville de Goma actuellement occupé par

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précédemment en crise doivent recevoir une attention particulière, car 40% des pays sortant d’un conflit récent sont susceptible de replonger dans des conflits violents dans la décennie qui suit la sortie de crise. Pendant la période de conflit, le pays perd généralement sa crédibilité, ce qui le plonge dans un état persistant de corruption élevée (Tirole cité par Esso, 2008). Les situations économiques des pays en période dite de post-conflit sont diverses. De façon typique, les opportunités de reprise économique occasionnent une phase dans laquelle la croissance est souvent anormalement élevée. En situation dite de post-conflit, le besoin de restaurer les infrastructures détruites et de relever les revenus tend à faire croitre l’aide, d’une part et à la rendre productive en fonction de son allocation, d’autre part.

Par ailleurs, le lien entre l’aide et la croissance économique a fait l’objet de plusieurs études empiriques. Dans la plupart des travaux dont ceux de Collier et Hoeffler, (2004), de Kabuya et Tshiunza, (2007) et de Esso, (2008) ; il est montré que l’aide internationale est considérablement plus efficace pour augmenter la croissance dans les situations de sortie de conflit que dans les autres situations normales (absence de conflit).

La problématique à la quelle répond la présente étude est celle de savoir : (i) Quel a été l’incidence de l’APD sur la croissance économique, au Congo-Kinshasa, en période dite de post-conflit 1999 à 2010 ? (ii) A long terme, l’aide a-t-elle impactée positivement, négativement ou non sur la croissance économique dans ce pays ? Autrement dit, la relation aide-croissance observée, en période dite de post-conflit, est-elle restée inchangée au fil du temps, c’est-à-dire, au cours des années 1970 à 2010 ?

Le présent article vise d’une part, à analyser l’incidence de l’APD sur la croissance économique au Congo-Kinshasa, en période dite de post-conflit. D’autre part, l’étude cherche à vérifier l’hypothèse émise par Kabuya Kalala et Tshiunza Mbiye (2007) selon laquelle : « en

situation post-conflit, la nécessité de reconstruire, conjuguée à l’effondrement de l’économie, laisse présager que l’aide peut y être particulièrement utile et efficace, sous réserve naturellement que la corruption et la faiblesse des administrations au sortit des guerres civiles ne minent l’efficacité même de l’aide ».On postule que l’APD affecte positivement la

croissance au Congo-Kinshasa en période dite de post-conflit. Si cette relation est validée, alors l’APD peut avoir des effets favorables sur le bien être individuel et atténue la pauvreté étant donné que cette dernière est conditionnée par une croissance rapide, soutenue et durable et une redistribution équitable des fruits de la croissance.

La présente étude emprunte la démarche suivante. Dans une première section (I), nous définissons l’aide publique au développement et présentons une revue des principaux travaux relatifs à la question de l’impact de l’aide sur la croissance, surtout en période dite de post-conflit. Dans une seconde section (II), nous examinons d’une part, l’évolution de l’APD au

l’Armée Révolutionnaire du Congo (ARC) et le Mouvement du 23 mars (M23) contre la volonté de Kinshasa. La période dite post-conflit doit être comprise dans le sens que lui donne les Nations Unies et n’exclut donc pas la présence des troubles ou des conflits armés dans certaines parties du territoire nationale. D’après la base de données des Nations-Unies sur les accords de fin de conflits, la Communauté Internationale considère que le conflit a pris fin en République Démocratique du Congo à partir de septembre 1999 et les années 2000 à 2002 sont considérée comme les années post-conflit. Pour plus d’information, lire Amprou J., Guillaumont P. et Sylviane Guillaumont J. (2005), « la sélectivité de l’aide au développement : pour des critères diversifiés », Document de Travail, CERDI, Université d’Auvergne, p.30.

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Congo-Kinshasa, au cours de la période de 1970 à 2010, et d’autre part, nous analysons l’importance de celle-ci au regard des certains indicateurs clés de l’économie congolaise. La troisième section (III), traite de la méthodologie économétrique de l’étude et présente les résultats obtenus à l’issu de l’estimation d’un système à équations simultanées, mettant en relation l’aide, la croissance économique et plusieurs autres variables. Enfin, la quatrième section (IV) conclut l’étude en suggérant des recommandations de politiques économiques pouvant être mises en œuvre, en rapport avec l’APD livrée au pays pour son efficacité.

I. Quid de l’APD et Revue de littérature sur aide-croissance. I.1 Aide : un concept polysémique

Le concept « aide » n’a jamais eu le même entendement selon qu’il est utilisé par l’opinion publique ou par les professionnels. D’aucuns croient que l’aide traduit en action les sentiments de compassion et de solidarité des populations des pays industrialisés à l’égard des victimes des conflits armés, des catastrophes naturelles ou de crises humanitaires, ignorant que les professionnels désignent en fait sous ce nom un ensemble des apports de ressources qui sont fournis aux pays en développement et aux institutions multilatérales qui répondent aux critères suivants : (i) provenir d’organismes publics y compris les Etats et les autorités locales ou leurs agences d’exécutions ou d’organismes agissant pour le compte d’organismes publics ; (ii) être acheminée vers des pays ou territoires en développement ou à défaut à une institution multilatérale qui sera chargée d’acheminer cette aide vers de tels pays en leur octroyant des prêts à des conditions très préférentielles (concessionnalité) ; (iii) avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des populations dans les pays bénéficiaires ; (iv) comporter un élément de libéralité (élément-don) initialement d’au moins 25%, mais récemment revu à la hausse à un taux de 35%.

Selon Dambisa Moyo (2009, p.37) l’aide peut être définie comme la totalité des sommes fournies à titre de prêts concessionnels et de subventions. Elle est toujours livrée sous deux modalités distinctes : elle est soit bilatérale, soit multilatérale. La première modalité est celle qu’un pays octroie directement à un autre, alors que la seconde est celle qui transite par des institutions spécialisées. Cette dernière est de loin la plus importante au Congo-Kinshasa.

Dans ce dernier pays, l’aide bilatérale provient le plus souvent des pays de l’Union Européenne (dont : Belgique, Espagne, France, Grande Bretagne, Italie, Pays-Bas, République Fédérale d’Allemagne, Suède et d’autres pays parmi lesquels : Afrique du Sud, Canada, Chine, Etats-Unis d’Amérique, japon, Suisse). Alors qu’au plan multilatéral : agences des Nations Unies, Banque Africaine de Développement, Banque Mondiale, Commission Européenne, Fonds Monétaire International et Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (Kabuya et Tshiunza, [2007], p.233).

I.2. Apports théoriques sur aide et croissance économique

L’importance théorique de l’APD pour une économie en besoin de financement remonte aux travaux sur le « big push » de Rosenstein-Rodan (1943, 1961a, 1961b) cité par Malam Maman Nafiou (2009). Il souligne en substance que les apports massifs en capitaux extérieurs doivent permettre aux pays pauvres de financer leurs investissements et de « bruler les étapes préalables » au décollage. L’idée clé est qu’il faut réaliser, de façon simultanée, un grand nombre d’industries qui se tiennent mutuellement par leurs clientèles, de telle sorte que

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la demande existe et soit suffisante. L’Etat y assure la promotion des industries, mais doit aussi faire en sorte que l’économie dans son ensemble profite des effets externes.

Le cadre d’analyse sous-jacent, est axé sur les contraintes qui risquent de freiner l’augmentation des investissements fixes qui sont indispensables à une accélération de l’expansion économique. Selon ces modèles, l’aide, en constituant un tremplin pour la formation de capital national et l’élévation des revenus, permet d’accroitre l’épargne intérieure dans les secteurs aussi bien des entreprises que des ménages, encourageant ainsi un lien entre les investissements et les exportations permettant, à terme, de combler l’écart entre les ressources nationales et les apports de devises. Avec le temps, la croissance et le développement devront s’entretenir d’eux-mêmes et la nécessité de l’aide disparaitre.

S’inscrivant dans la même lignée, un autre apport théorique a été celui de Harrod (1942) et Domar (1946). Se basant sur la possibilité de rattrapage et sur l’hypothèse de l’analyse néoclassique de rendements décroissants du capital et sur le progrès technique exogène ; ils affirment que l’APD accroit l’investissement et à la suite la croissance économique. Dans leurs études, lorsque l’épargne intérieure est insuffisante, on est à mesure de déduire le montant d’épargne étrangère nécessaire pour atteindre un taux d’investissement compatible avec le taux de croissance désiré. Le retard d’un pays s’explique, selon eux, par une insuffisance de capital et le rattrapage est bien possible.

I.3. Travaux Econométriques du lien aide-croissance

Au cours de quatre dernières décennies, l’impact de l’aide octroyée aux pays à faible revenu sur la croissance a fait l’objet d’intenses débats au sein de la communauté du développement et du monde universitaire. Les avis sont partagés, à propos de la relation aide-croissance. Trois courants de pensée se dégagent des études empiriques, à savoir : (i) que la relation aide-croissance est généralement positive, (ii) que l’aide n’influe pas sur la croissance et peut même la freiner, et (iii) que la relation aide-croissance est conditionnelle. Ces trois résultats peuvent être regroupés sous deux grandes préoccupations. En effet, notent Akpo et al. (2006), les chercheurs se demandent, d’une part, si la relation entre l’aide et la croissance est positive, négative ou non et, d’autre part, si ladite relation n’est pas finalement conditionnelle.

De l’avis de certains chercheurs, dont Papenek, (1973), Levy, (1988), Stiglitz (2002), Sachs, (2004) et Esso (2008) ; ils reconnaissent que le ratio d’aide est positivement corrélé à la croissance économique. Ils postulent que l’aide stimulerait la croissance en augmentant l’épargne et le stock de capital. Elle pourrait aussi servir de courroie de transmission de la technologie ou des connaissances entre les pays riches et les pays pauvres.

Dans une étude portant sur 25 pays de l’Afrique sub-saharienne couvrant la période de 1970 à 1997, Gomanée et al. (2005) arrivent à la conclusion qu’il existe une solide corrélation entre l’aide, les investissements et la croissance économique. Dans une étude plus récente mettant en relation l’aide, la croissance économique et le prélèvement public dans 88 pays en développement, Brun, Chambas et Guerineau (2008), aboutissent à la conclusion que, non seulement, l’aide est corrélée positivement à la croissance, mais surtout, du point de vue de pays bénéficiaires, l’aide permet de réduire le coût de collecte de l’impôt et améliore la qualité de la dépense publique. Il existe donc un double dividende des réformes : non

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seulement elles produisent des gains d’efficacité, mais de plus elles facilitent l’accès au financement extérieur.

Par contre, Griffen et Enos (1970), sont parmi les premiers chercheurs à remettre en cause l’efficacité de l’aide, à partir d’une étude empirique faisant étant d’une corrélation simple négative entre l’aide et la croissance économique dans 27 pays. Selon Peter Bauer (1972), l’aide, parce qu’elle a un effet dissuasif sur l’investissement, est néfaste au secteur privé et entrave donc le développement. Mais, si son argumentation, d’essence libérale, est théoriquement robuste, elle n’a cependant pas été étayée par une étude empirique. Focalisant uniquement son étude sur une relation linéaire faisant ainsi abstraction de l’éventuelle endogéneité de l’aide, Boone (2004) aboutit à la conclusion selon laquelle l’aide affecte négativement la croissance. Alors que Voivodas (1973), qui a travaillé sur un échantillon de 22 pays, sur une période de 1956 à 1968, conclut que la relation aide-croissance serait plutôt non significative.

De nombreux chercheurs dont Mosley et al. (1987), Boone, (1994), ont fait écho à ce dernier résultat, soutenant que la relation aide-croissance était inexistante ou selon Lensink et White, (2001) que l’aide n’a pas toujours été efficace. Mais, qu’en général, l’augmentation des flux d’aide est toujours associée à une croissance plus rapide. La relation est généralement positive, bien que le rendement décroisse à mesure que l’aide augmente, c’est-à-dire que l’impact marginal sur la croissance est maximisé lorsque l’aide est moins importante et diminue à mesure que l’aide augmente.

D’autres études vont plutôt conclure à la relation conditionnelle de l’aide sur la croissance. Parmi eux figurent Burnside et Dollar, (2000) et Collier et Dollar, (2002) qui postulent que l’aide ne conduit à une croissance additionnelle permettant de favoriser la réduction de la pauvreté que lorsqu’elle est allouée aux pays performants et dotés de bonnes institutions et de bonnes politiques. D’autres chercheurs vont plutôt préconiser qu’un certain nombre des caractéristiques sont susceptibles d’influer significativement sur la relation aide-croissance. Il s’agirait notamment, selon Collier et Dehn, (2001), des chocs de prix des exportations, pour Chauvet et Guillaumont, (2001) et Malam M. Nafiou, (2009) des perturbations climatiques et les termes de l’échange, d’après Guillaumont et Chauvet, (2004), des perspectives d’amélioration des politiques économiques.

Par contre, selon Sylviane Guillaumont J., (2008), ce sont plutôt la capacité d’absorption de l’aide, les risques de gaspillage et de déséquilibre macroéconomique qui déterminent la relation aide-croissance. Alors que pour Collier et Hoeffer (2002), le lien dépend de la politique et de la guerre. Pour Kabuya et Tshiunza (2007), la relation est fonction des problèmes d’appropriation et de coordination de l’aide. Pour Chauvet, Collier et Duponchel (2010) ; le succès des projets exécutés en période de post-conflit est liée à leur préparation et à la bonne supervision de projets financés.

D’autres enfin, vont mettre l’accent sur la capacité de contrôler la corruption est donc la gouvernance en situation dite de post-crise. Pour ces auteurs, dont Akpo, Somakpo et Tchokpon, (2006), dans une étude sur les pays d’Afrique Sub-sahariens, ils estiment que si le pays dispose de la capacité de contrôler le niveau de corruption, l’aide peut aider à réduire directement la pauvreté, tout en améliorant la croissance. Ainsi, Esso (2008) sur base d’un modèle vectoriel d’ajustement partiel étudie les effets dynamiques de chocs sur l’aide ou sur

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la croissance économique, pour le cas de la Côte-d’Ivoire, en période post-conflit, il aboutit à la conclusion que l’aide internationale est considérablement plus efficace pour augmenter la croissance dans la situation de sortie de conflit que dans les autres situations.

Par contre, Douzounet (2009) observe que l’aide a plutôt un effet négatif et significatif sur la croissance des pays Sub-sahariens de post-conflit mais qu’elle affecte positivement et significativement la gouvernance démocratique, car, cette dernière (la gouvernance démocratique) est donc le canal de transmission valide. Chauvet, Collier et Duponchel (2010) utilisant un modèle Probit pour analyser la probabilité de succès des projets financés par la Banque Mondiale en situation de post-conflit ; ils concluent que deux facteurs favorisent le succès des projets en période post-conflit. D’une part, les projets initiés et exécutés dans la première année de post-conflit ont plus de chance de réussir que ceux initiés en période de conflit et, d’autre part, la qualité de la supervision du projet influence fortement la réussite de celui-ci. L’étude révèle aussi qu’en période post-crise, les projets exécutés dans les secteurs de transport et du développement urbain, ont une probabilité de réussite plus grande que ceux relatifs à l’éducation.

Souscrivant à l’hypothèse de Collier et Hoeffler, (2002), selon laquelle les pays en situation d’après-guerre constituent une exception importante à la proposition selon laquelle l’aide devrait être moins importante dans les pays ayant de mauvaises politiques ; Kabuya et Tshiunza (2007), postulent qu’en situation post-conflit, la nécessité de reconstruire, conjuguée à l’effondrement de l’économie, laisse présager que l’aide peut y être particulièrement utile et efficace, sous réserve naturellement que la corruption, la faiblesse des administrations au sortir des guerres civiles et l’absence d’une bonne coordination, ne minent l’efficacité même de l’aide. Pour notre part, cette hypothèse reste valable d’autant plus que, pour les pays à « gouvernance grise(*) » sortant d’un conflit, l’efficacité de l’aide est plus déterminée par les perspectives d’amélioration des politiques économiques que par la qualité présente de ces politiques. Ce qui revient à dire que l’effet positif de l’aide sur la croissance serait d’autant plus important que la qualité des politiques économiques est initialement faible et s’améliore au fur et à mesure (Malingumu, 2010).

Il ressort donc de cette revue de littérature que les effets de l’aide s’analyse de plusieurs façons et que son impact sur la croissance, en situation normale ou en situation dite de post-conflit, est instable. D’une part, la plupart des études ont recours, à des techniques économétriques pour analyser des données transversales, longitudinales voir en panel sur l’expansion économique et les engagements ou les décaissements d’aide pour déterminer la corrélation entre l’aide et les différents éléments. Ces études sont, dans la plupart de cas, de courte durée et n’aboutissent donc qu’aux effets conjoncturels de l’aide. D’autre part, il se trouve, en outre, que ces analyses sont, généralement et dans la plupart de cas, menées dans un environnement de non conflit qualifié de situation normale.

Il parait alors nécessaire de traiter, d’une part, des effets structurels par une étude en série longue et d’autre part, d’analyser l’incidence de l’aide sur la croissance en situation post-conflit. La plupart des études portant sur la relation aide-croissance, en situation post-crise, ont été effectuées, soit sur une région géographique donnée : le cas de Douzounet (2009) sur

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les pays sub-sahariens post conflit (hors Congo-Kinshasa), soit sur un pays, le cas d’Esso (2008) sur la Coté d’ Ivoire, Malam Maman Nafiou (2009) sur le Niger et aucune étude n’a été spécifiquement réalisé sur le cas du Congo-Kinshasa, en situation dite de post-conflit.

Concernant ce dernier pays, faisant l’objet de la présente recherche, rares sont des études qui ont exclusivement portée sur l’analyse de l’incidence de l’aide sur son économie. Parmi les quelques études y relatives, nous pouvons citée celle de Lukusa Dia Bondo (1981) portant sur le coût de l’aide liée, il a pu montrer que l’aide américaine en augmentant le

volume des importations Zaïroises (congolaises) en provenance des Etats-Unis a introduit à court terme des distorsions dans la structure commerciales du pays parce qu’elle a réorientée les courants d’importations en les détournant des sources moins chères (Europe) vers une source plus chère (USA). Paul Collier (2000) qui examine les causes économiques des guerres

civiles et leurs implications politiques dans 47 pays, dont le Congo-Kinshasa. Il identifie, pour

ce dernier pays, deux facteurs clés de risques de conflit avec une probabilité de 40%. D’une part, l’abondante dotation en matières premières d’exportation et d’autre part, la dispersion géographique de la population dans quelques rares zones dont trois plus importantes (l’une dans sa partie ouest, l’autre au sud-est et l’autre enfin à l’extrême nord) rendant difficile le

contrôle du territoire national par les forces gouvernementales.

L’étude de Stafaan Marysse et al. (2006) portant sur la distribution de l’aide dans la région des grands lacs africain, a montré que le traitement différentiel de pays dans cette

région n’est pas basé sur des critères de bonne gestion internationale mais reste tributaire de motivations politiques, souvent bien intentionnées comme après le génocide Rwandais, mais peu judicieuses ou efficaces pour promouvoir le développement humain dans la région. Le risque est grand que le Congo-Kinshasa continue d’être un « orphelin » d’aide ; mais de plus, le coût humain d’une désintégration totale de la région à cause d’une aide inadéquate est incalculable. Enfin, l’étude de Kabuya Kalala et Tshiunza Mbiye (2007), relative à la

conditionnalité, au degré d’appropriation et à la coordination de l’aide au Congo-Kinshasa a relevé qu’en situation post-conflit ; pour que l’aide soit efficace, elle doit atteindre une certaine masse critique. En outre, la présence de nombreux donneurs tend généralement à générer un ensemble complexe de problèmes liés à leur coordination. La multitude des bailleurs avec leurs programmes particuliers a quelque peu desservi l’appropriation des objectifs nationaux. Par ailleurs, les différents bailleurs, étant concernés essentiellement par la visibilité des résultats pouvant justifier leurs budgets respectifs d’aide, n’ont pas hésité, dans certains cas, à pratiquer le « braconnage » du personnel compétent des services de l’Etat, ce qui a encore rendu plus aigu le problème de l’absorption de l’aide.

Aucune autre étude, à notre connaissance, basée sur une vérification empirique en situation dite de post-conflit et sur une période aussi longue (1970 à 2010) n’a encore cherché à vérifier l’existence ou non de la relation aide-croissance dans le cas de ce pays, créant ainsi un vide que notre étude tente de combler.

En dépit du caractère controversé de la relation aide-croissance dans la littérature, tant en situation dite de post-conflit qu’en période normale ; l’APD demeure une incontestable source de financement extérieur pour les économies en développement.

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II. Aide Publique au Développement au Congo-Kinshasa.

Dans cette section, nous examinons d’une part, l’évolution de l’APD au Congo-Kinshasa, au cours de la période de 1970 à 2010, et d’autre part, nous analysons l’importance de l’aide au regard des certains indicateurs clés de l’économie congolaise.

II.1. Aide et croissance économique au Congo-Kinshasa de 1970 à 2010.

Le Tableau n°1 fait clairement ressortir l’évolution du ratio de l’aide sur la croissance économique au cours de la période de 1970 à 2010. L’aide au Congo-Kinshasa varie de façon croissante sur cette période, mais à un rythme souvent heurté. L’évolution de l’aide présente plus spécifiquement quatre régimes en tendance.

Une première phase, s’étendant sur la période de 1970 à 1974, correspond à une période glorieuse de l’économie congolaise dont l’origine se situe en 1967. Au cours de cette période, l’aide et la croissance économique connaissent une évolution croissante avec de taux de croissance annuel moyen de 3,6% de l’aide contre 6,2% pour la croissance économique. Pendant cette phase, une part importante de l’aide octroyée au pays est affectée aux investissements. Un effort de financement des investissements tant en ressources internes qu’externes est fait, avec un taux d’investissement moyen annuel exprimé en rapport du PIB de 25,5%. C’est principalement dans le cadre budgétaire que se matérialise les interventions de l’Etat dans le domaine des investissements. C’est aussi pendant cette période que beaucoup d’investissements publics sont réalisés, notamment la construction de la Cité de l’Organisation de l’Unité Africaine, le domaine de la N’sele, l’ex-Chambre de Commerce International du Congo, la cité de la voix du peuple, le complexe hydroélectrique d’Inga, etc. L’expansion économique enregistrée était essentiellement due au bon comportement du commerce extérieur, notamment à la hausse des recettes d’exportation résultant en grande partie du boom du cours du cuivre sur les marchés mondiaux et d’un environnement international favorable. Comme illustré dans le tableau ci-après :

Tableau n°1 : Corrélation Aide (α)- Croissance économique (y) de 1970 à 2010

Période

Intervalle de flux d'aide en

% du PIB

Flux d'aide moyen de la période en % du PIB Intervalle de croissance (en %) Croissance moyenne de la période (en %) De 1970 à 1974 1,2 ≤ α ≤4,9 3,6 1,3 ≤ y ≤9,8 6,2 De 1975 à 1989 2,2 ≤ α ≤ 15,2 5,4 -6,3 ≤ y ≤ 5,6 0,1 De 1990 à 1999 1,8 ≤ α ≤ 7,9 3,5 -13,5 ≤ y ≤ 0,7 -5,5 De 2000 à 2010 7,0 ≤ α ≤27,0 18,5 -6,9 ≤ y ≤ 7,8 3,7

Source : Elaboré suivant les données tirées de l’OCDE et des Rapports Annuels BCC.

La seconde phase qui va de 1975 à 1989 correspond à celle d’une aide non prévisible couplée à une croissance atone de la production. Cette phase peut être scindée en deux sous périodes. La première est celle qui va de 1975 à 1982, au cours de laquelle l’économie congolaise amorce une phase de récession avec des taux de croissance faible et parfois négatifs, dont la moyenne annuelle est de -1,5%. La faiblesse de la croissance est consécutive d’une part, au retournement de la conjoncture internationale marquée par une baisse drastique de cours des principaux produits d’exportation dont le cuivre et le cobalt couplée à une forte hausse de prix du pétrole (premier choc pétrolier) et d’autre part, à la chute des investissement

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privés dû aux effets néfastes des mesures de nationalisation (Zaïrianisation) et de radicalisation de 1973 et 1974 et par un faible niveau de mobilisation des ressources internes qu’externes.

La deuxième sous période est celle qui va de 1983 à 1989. Elle est marquée par une reprise timide de la croissance économique, avec une moyenne annuelle de 2,6%, inférieur au taux de croissance démographique estimé à 3% contre un ratio d’aide évalué en moyenne annuelle à 4,4%. Au niveau de la politique d’investissement, elle est caractérisée par une sensible baisse du volume des investissements du secteur public dû à l’exécution d’une politique dite de « rigueur » prônait par le pays au cours des années 1982-1985, entrainant la contraction des dépenses en capital du cadre budgétaire. Ceci, en parfaite contradiction avec les objectifs du développement que le pays s’est assigné dans son plan quinquennal de 1986-1990 qui prévoyait un niveau d’investissement de 263,0 milliards de Zaïres constants de 1985 dont 165,4 milliards devait provenir du budget de l’Etat et les ressources extérieures constituées de dons et des prêts en provenances des partenaires extérieures bilatéraux (USA, Japon, Grande Bretagne, Pays-Bas, RFA, Canada, Italie, Suisse, Chine, etc.) et multilatéraux (ONU, FED et BAD) devaient venir en complément.

La troisième phase va de 1990 et prend fin en 2000. Elle est marquée par une forte instabilité politique couplée à une interruption de la coopération structurelle en 1990 et une chute rapide et profonde de la croissance économique et du revenu réel par habitant. Le taux de croissance se situe à moyenne annuelle à -5,1% avec un creux de -13,5% enregistré à fin 1993. Comme nous pouvons le remarquer, cette période marque le retour plus grave à la régression économique. La baisse profonde et accélérée de la production fait suite à la conjugaison de plusieurs facteurs dont les plus important demeurent : (i) la chute brutale de la production du cuivre consécutive à l’écroulement des mines de Kamoto dans la partie sud-ouest de la province du Katanga, (ii) la vétusté de l’outil de production, (iii) l’absence des investissements tant publics que privés, (iv) l’instabilité chronique du cadre macroéconomique doublée d’une insécurité juridique et physique.

A ces facteurs d’ordre économique, s’ajoutent les difficultés inhérentes à l’avancement du processus de démocratisation qui a commencé le 24 avril 1990, et qui ont débouché sur la suspension de la coopération structurelle avec la communauté financière internationale entrainant une baisse drastique de l’aide et sur de nombreux remous sociaux qui se sont soldés par des pillages et de destruction des entreprises en 1991 et 1993, vite relayer par les conflits armés, d’abord en 1996 et ensuite en 1998, entraînant une désarticulation complète du tissu économique, avec comme corolaire, la régression profonde de l’économie.

Au cours de cette décennie, le pays a dû fonctionner sans coopération structurelle. L’aide publique au développement lui accordée avait considérablement baissée. Dans ce contexte, note le Ministère du Plan à travers son rapport annuel sur le progrès des objectifs du millénaires (2010, p.104), les bailleurs de fonds avaient reconsidéré leurs modalités d’assistance. Les appuis budgétaires et à la balance de paiement étaient suspendus, seules les flux aides-projets et humanitaires étaient utilisées par les bailleurs et principalement canalisé vers les organisations Non Gouvernementales et les églises. Les investissements privés furent pratiquement suspendus. Evalué à 438 millions de dollars américains en 1990, soit 5,5% ; l’aide a chutée jusqu’à son niveau le plus bas de 80 millions en 1993, soit un ratio aide sur

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PIB de 1,27% et clôture l’année 2000 avec un volume d’aide de 177 millions de dollars. En effet, entre 1970 et 2000, le revenu réel par tête a connu une baisse de 77,96% passant de 374,87 dollars américains à 82,6 dollars, contre une moyenne de l’aide de 390,8 millions de dollars au cours de la décennie 1970 à 205,5 millions de dollars la décennie 1990, soit également une chute drastique de 47,4% de l’aide.

La dernière phase (2001-2010) est celle caractérisée par une augmentation spectaculaire de l’APD à un rythme moyen de 18,5 pour cent/l’an auquel est associé la reprise de la croissance économique. Cette forte augmentation de l’aide est principalement due à deux facteurs clés. D’une part, la reprise de la coopération structurelle en 2001-2002 qui a permis au pays de restructurer sa dette extérieure(*) avec comme résultat le retour de l’APD. L’opération de restructuration de la dette congolaise vis-à-vis des 14 pays créanciers réunis au sein du club de Paris a consisté à un troc des arriérés de sa dette multilatérale contre une nouvelle dette, au taux d’intérêt concessionnel de 0,5% due au FMI et à la Banque Mondiale. Grace à cette opération, note Alexandre Nshue Mokime (2010, p.158) 60% de la dette extérieure congolaise ont été restructurés. L’allègement a permis une réduction du service de la dette de 36 millions de dollars en 2003, 100 millions de dollars en 2004 et 173 millions en 2005. Les bailleurs de fonds qui ont financé l’opération d’allègement ont comptabilisé ces montants en APD, ce qui leur a permis d’afficher des montants d’aide en hausse. D’un volume de 243,0 millions de dollars en 2000, soit 7% du PIB, l’aide atteint successivement 5.419,0 millions de dollars en 2003, soit 17,98%, pic à 27% du PIB à fin 2005 pour baisser un tout petit peu à 10,38% à fin 2010. Comme l’indique le rapport national des progrès des ODM (2010, p.104), les flux d’aide enregistrée par le pays, entre 2001-2008, ont essentiellement été accordés à 85% sous forme de dons et les prêts n’ont été que de 15%. Cette proportion de dons élevée est conforme aux recommandations de l’OCDE concernant les pays les moins avancés ainsi qu’à celles du FMI pour un pays à endettement critique. Elle est aussi adaptée au Congo-Kinshasa en tant que pays en situation dite de post-conflit.

II.2.Importance macroéconomique de l’APD au Congo-Kinshasa de 1990 à 2010. Pour apprécier l’importance macroéconomique de l’APD ; nous l’avons rapportée à certains agrégats de l’économie congolaise au cours de la période de 1990 à 2010. Durant la décennie 1990, l’APD a représenté en moyenne 3,5% du PIB contre une moyenne de 17,2% la décennie suivante. En effet, le faible niveau de l’APD durant la période 1990-1999 était lié au contexte d’instabilité politique et de suspension de la coopération avec les bailleurs de fonds internationaux. Alors que la décennie suivante, la reprise de la coopération structurelle en 2002/2003 a favorisé une « poussée plus grande de flux de l’aide », comme repris dans le tableau ci-dessous :

(*) La restructuration de la dette peut consister, entre autre, au rééchelonnement de la dette, à l’annulation du

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Tableau n°2 : Aide Publique au Développement et évolution de quelques indicateurs (En millions de dollars US et en % du PIB)

Année PIB courant en millions $US Taux de croissance du PIB APD (OCDE) APD en % du PIB (OCDE) APD/Recette s Totales APD/Exporta tions

PIB réel par tête 1990 7 980,0 -6,6 438,1 5,5 80,6 20,5 204,9 1991 7 308,0 -8,8 239,7 3,3 90,9 14,2 181,5 1992 6 303,8 -10,5 80,1 1,3 18,2 6,5 157,0 1993 5 238,1 -13,5 83,8 1,6 19,1 7,3 131,3 1994 5 078,3 -3,9 115,3 2,3 65,9 11,2 122,1 1995 5 107,4 0,7 313,1 6,1 96,6 20,0 119,1 1996 5 286,6 -1,1 236,8 4,5 75,8 15,3 114,0 1997 5 908,2 -5,4 218,4 3,7 56,7 15,1 104,3 1998 4 099,6 -1,7 107,4 2,6 10,3 7,5 99,1 1999 4 935,5 -4,3 222,6 4,5 38,7 27,6 91,7 2000 4 302,7 -6,9 177,0 9,4 83,9 21,5 82,6 2001 6 812,2 -2,1 243,0 7,0 116,7 27,0 78,7 2002 5 547,7 3,5 1 175,0 30,4 300,0 103,8 79,3 2003 5 675,7 5,8 5 419,0 18,0 904,5 393,1 81,7 2004 6 530,2 6,6 1 824,0 20,7 262,6 95,1 84,8 2005 7 168,4 7,8 1 828,0 27,0 161,2 76,0 88,8 2006 8 823,8 5,6 2 056,0 25,2 185,4 75,8 91,0 2007 10 143,3 6,3 1 217,0 14,1 79,2 29,2 93,9 2008 11 850,5 6,2 1 110,0 13,4 58,7 16,2 96,8 2009 11 178,9 2,8 1 555,0 13,9 83,4 35,6 96,6 2010 13 190.3 7,2 1 350,0 10,4 85,0 28,7 98,9

Source : Calculs de l’auteur sur base des données OCDE, Ministère du Plan (PGAI) et BCC.

Le second indicateur est celui qui rapporte les flux d’aide sur les recettes publiques mobilisées. En dépit des distorsions et des faiblesses observées dans les mécanismes de mobilisation des recettes publiques, entre 1990 et 2010 ; celles-ci ont toujours été supérieures à l’APD, à l’exception de la période quinquennale de 2001 à 2006 caractérisée par une grande poussée de l’aide. Au cours de cette dernière période, et particulièrement en 2003, l’aide a atteint de proportion de plus en plus grande avec le pic de plus 900% des recettes publiques mobilisées (fiscales, parafiscales et douanières).

Relevons en passant que contrairement à la thèse selon laquelle l’accélération de flux d’aide vers un pays évince la mobilisation accrue des ressources internes, cette situation ne traduit pas, pour le cas congolais, une faible mobilisation des ressources internes de l’Etat par rapport au potentiel fiscal de l’économie congolaise. Mais semble plutôt indiquer, toute chose égale par ailleurs, la détermination de la communauté financière internationale à appuyer le pays dans ses efforts de reconstruction au sortir d’une période d’instabilité et de guerre généralisée qui a durée plus d’une décennie.

Le dernier indicateur est celui qui rapporte l’APD aux recettes d’exportations (X). Exceptées les années 2002 et 2003, les recettes d’exportations congolaises se sont toujours révélées largement supérieures à l’Aide Publique au Développement et ceci en dépit de leur caractère peu diversifiés. Située en moyenne à 55,3% entre 1990 et 1999, l’APD rapportées aux recettes d’exportation atteint 210,9% en moyenne au cours des années 2000, soit près de quadruple. Ce qui témoigne une relative dépendance du pays à l’aide extérieure.

En somme, il ressort de l’analyse de flux d’aide octroyé au Congo-Kinshasa, entre 1970-2000, que le montant n’a jamais atteint 10% du PIB. Par contre, dès l’année 2001, avec

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la reprise de la coopération avec les bailleurs de fonds, l’intervention financière internationale a connue une grande poussée au point que l’aide a franchi le cap de 27% du PIB en 2005 avant d’amorcer un processus de baisse, passant de 5.419 millions de dollars en 2005, 2.049 millions de dollars américains en 2006 et atteint 1.350 millions de dollars à fin 2010. Selon les données du CAD/OECD, le volume cumulé d’aide accordée au Congo-Kinshasa, entre 2001 et 2010, se chiffre à 17.770 millions de dollars américains.

III. Méthodologie économétrique et résultats obtenus par l’étude. III.1. Méthodologie

L’analyse de l’effet de l’aide sur la croissance économique dans un pays dit de post-conflit pose un problème de choix de la méthodologie, dans la mesure où les mécanismes de transmission de l’aide sur la croissance peuvent varier d’un pays à l’autre ou d’une période à une autre. En plus, la littérature consacrée à ce sujet montre que l’aide peut avoir un effet positif, négatif ou nul sur la croissance.

Par conséquent, pour mieux cerner l’effet de l’aide sur la croissance dans ce genre des pays, il est intéressant de recourir à un modèle à équations simultanées. L’avantage de cette méthode, note Douzounet (2009), est qu’elle permet non seulement d’étudier l’effet direct de l’aide sur la croissance, mais aussi d’appréhender les principaux canaux à travers lesquels l’aide se transmet à la croissance. Cette approche permet aussi de tenir compte d’une importante critique des études de l’impact de l’aide sur la croissance qui mettent uniquement l’accent sur la relation entre les deux phénomènes sans expliciter les mécanismes par lesquels le premier agit sur le second.

Le modèle standard que nous utilisons se présente, dans sa forme générale, comme suit :

yt = α0 + ß1Invt + ß2inflt+ ß3 IMt+ ß4 Gcont +ß5 ICt+ ß6 Aidt+ ß7 Aid2t + ß8M2t +ut (1)

Où y désigne le taux de croissance économique. L’investissement (Inv) par rapport au PIB est introduit comme proxy du capital physique. Les variables de politiques économiques sont également introduites : le taux d’inflation (Infl) y est inséré pour saisir la capacité des autorités monétaires à contrôler le niveau général des prix, il constitue un proxy de la stabilité macroéconomique, les importations par rapport au PIB (IM) traduisent le degré d’ouverture de l’économie, les dépenses publiques par rapport au PIB (Gcon) comme proxy de la gouvernance techniciste. Cette dernière variable représente notre premier potentiel

mécanisme de transmission de l’aide à la croissance (ce mécanisme n’était opérationnel que

faiblement au cours de la décennie 1990 où l’aide était livrée à travers les circuits privés : ONG et églises), la variable M2 saisit la demande d’encaisses satisfaite à travers la politique

monétaire, la variable IC désigne l’indice de contrôle de la corruption. Comme mesure de l’aide, nous avons retenu le ratio aide sur PIB (Aid), et le carré du ratio aide (Aid2). Le terme

d’aide au carré a été introduit dans l’estimation de croissance pour tester empiriquement le rendement marginal décroissant de l’aide sur la croissance. Sous cette hypothèse, l’aide aurait un effet positif tandis que son carré serait négatif, suggérant une relation en U-inversé entre l’aide et la croissance. L’aide publique au développement (APD) est faiblement composée de l’aide alimentaire et humanitaire (exception faite de la décennie 1990). C’est pour cette raison que nous l’utilisons comme proxy de l’aide axée sur la croissance. ut exprime le terme

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L’effet attendu de toutes ces variables sur la croissance devrait être positif, à l’exception de l’inflation pour laquelle sa baisse favorise la croissance (Michael Bruno, 1995), d’où nous attendons un signe négatif.

La spécification de l’équation représentative de la gouvernance techniciste repose principalement sur les travaux de Douzounet Mallaye (2009). D’où l’équation de la gouvernance techniciste peut prendre la forme suivante :

Gcont= ð0 + ð1TRt + ð2inflt + ð3Detextt + ð4 Serdext+ ð5Aidt + Vt(2)

Où Gcon, TR, Infl, Detext, Serdex et Aid sont respectivement les dépenses du gouvernement, les recettes fiscales, l’inflation traduisant le seigneuriage, la dette extérieure par rapport au PIB mesure l’endettement du pays par rapport à sa capacité de créée des richesses, le ratio service de la dette sur les exportations détermine la capacité de l’économie à pouvoir dégagé des ressources pour rembourser la dette à partir de ses recettes d’exportation et la variable Aid saisit les flux d’aideð0représente la constante, ði (i = 1,2,…,5)sont les

coefficients des variables exogènes de la seconde équation du modèle et Vt désigne le terme d’erreur.

Pour spécifier l’équation de la gouvernance démocratique, nous nous sommes basés sur les travaux d’Akpo, Somakpo et Tchokpon (2006) consacré à l’évaluation de l’efficacité de l’aide, sous la contrainte de la bonne gouvernance. Cette efficacité est donc cernée sous la contrainte du contrôle de la corruption. Ainsi, l’équation de la gouvernance démocratique peut prendre la forme suivante :

ICt = λ0 + λ1 Aidt + λ2 TRt + et(3)

Où IC désigne le contrôle de la corruption, qui exprime un proxy de la gouvernance démocratique mesurée par « l’indice de contrôle de la corruption » de la Banque Mondiale. Cet indice dont le score varie entre un minimum de -2,50et un maximum de 2,50, est l’un de six indicateurs de gouvernance publié par la Banque Mondiale(*). La variable indépendante

Aid est le montant de l’aide au PIB reçu par le pays en situation dite de post conflit. La variable TR mesure les recettes publiques dont la mobilisation optimale est fonction du contrôle de la corruption. L’impact respectif de l’aide et des recettes publiques sur le contrôle de la corruption est supposé être positif et, normalement, leurs coefficients devront être supérieurs à celui de l’aide. Nous avons préféré utiliser les recettes publiques totales plutôt que les recettes fiscales afin de comptabiliser l’ensemble des ressources publiques. Pour calculer tous les ratios et particulièrement celui des recettes publiques, nous avons retenu le Produit Intérieur brut plutôt que le Produit National brut qui comprend tous les revenus obtenus sur le territoire national et donc susceptible d’être taxés, et qui exclut les transferts des travailleurs migrants, pour l’essentiel non taxés (Stotsky et Wolde Mariam, 1997).

En définitive, le système se présente comme suit :

yt = α0 + ß1Invt + ß2inflt+ ß3 IMt+ ß4 Gcont +ß5 ICt+ ß6 Aidt+ ß7 Aid2t + ß8M2t +ut

(*)Les six indicateurs de la gouvernance publié par la Banque Mondiale sont : liberté et obligation de rendre

compte, stabilité politique et absence de violence, efficacité et efficience du gouvernement, qualité du cadre réglementaire et normatif, Etat de droit et enfin contrôle de la corruption

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Gcont= ð0 + ð1TRt + ð2inflt + ð3Detextt + ð4Serdext+ ð5Aidt + Vt(4)

ICt = λ0 + λ1Aidt + λ2TRt + et

Le système (4) peut être estimé de deux manières. La première consiste en une maximisation de la fonction de vraisemblance de l’échantillon. Il s’agit d’une estimation directe qui permet d’obtenir en une fois les estimateurs des paramètres de l’équation de croissance. La méthode alternative d’estimation est dite indirecte en ce qu’elle procède en deux étapes. Dans la première étape, il s’agit d’estimer les équations de la gouvernance techniciste et de la gouvernance démocratique et d’en extraire les résidus. La Seconde étape consiste à utiliser ces résidus comme instruments des variables de gouvernance dans l’équation de la croissance. L’usage de cette procédure est théoriquement justifié par le fait qui suit : pour tenir compte de la gouvernance comme canal à travers lequel l’APD agit sur la croissance, il faut que ses différentes variables (gouvernance techniciste et gouvernance démocratique) soient significativement influencées par l’aide, et qu’elles aient un impact positif et significatif sur la croissance.

Dans le cadre de cette étude, nous avons opté pour la première approche, en estimant le système (4). Cette estimation a consisté, d’une part, à évaluer l’incidence de l’aide sur la croissance en période dite de post-conflit, c’est-à-dire, entre 1999 et 2010 et d’autre part, à comparer les résultats obtenus par rapport à l’incidence de l’aide sur la croissance, au cours de la période de 1970 à 2010. Les résultats obtenus sont discutés dans les paragraphes qui suivent.

III.2.Sources de données et Résultats obtenus III.2.1. Sources des données

Les données utilisées par la présente étude sont issues de la base de données élaborées par l’OCDE pour les flux d’aide de 1970 à 2007, alors que pour les années 2008 à 2010, les données proviennent de la base des données de la Plate-forme de Gestion de l’Aide et des Investissements, en sigle PGAI du Ministère du Plan. Celles portant sur le PIB, les variables de politique économique (inflation, ouverture externe, stock de la dette, service de la dette) et monétaire proviennent des différents rapports annuels et des condensés d’information statistiques de la Banque Centrale du Congo et couvrent la période 1970-2010.

Les données relatives à la gouvernance, c’est-à-dire l’indice de contrôle de la corruption sont tirées de la base de données de la Banque Mondiale (World Governance Indicators). Entre 1996 et 2000, ces données sont disponibles par intervalle de deux ans. En référence à la méthodologie utilisée par Akpo, Somakpo et Tchokpon(2006) qui considèrent que la variation entre deux années peut être faible, nous avons par conséquent utilisé respectivement les valeurs de l’indicateur de contrôle de la corruption de 1996, 1998, 2000 pour 1997, 1999 et 2001. Les données restantes, à partir de l’année 2002 sont en terme annuel. L’estimation économétrique a été faite sur ces différentes données après applications des tests de stationnarité et de colinéarité des variables. La présence d’une forte autocorrélation entre la croissance et le ratio investissement, nous a contraints d’écarter cette dernière variable du système. Le logiciel stata 10.0 a permis de réaliser l’estimation.

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III.2.2. Résultats et discussions

Les résultats des estimations des équations (1), (2) et (3) sont respectivement relatifs au modèle des effets de l’aide sur la croissance, la gouvernance techniciste et la gouvernance démocratique. Pour ces équations, nous avons utilisé l’estimateur « SUR » (Seemingly Unrelated Regression)1 de Zellner (1962, 1986) pour la période dite de post-conflit de 1999 à 2010. Toutefois, nous avons reculé la période d’observation à l’année 1996, dans le but de comparer le volume d’aide obtenue trois ans avant et après la période dite de fin de conflit. L’estimateur SUR est préféré dans le cas où le système à estimer n’est pas sur-identifié, comme c’est présentement le cas. Il permet l’estimation sur les données ayant un problème de l’hétéroscédasticité et dont les erreurs peuvent être corrélées. Il a l’avantage de donner les coefficients sans biais en combinant les informations des différentes équations du modèle et permet d’imposer des restrictions sur les paramètres dans les différentes équations du système.

Ensuite, l’absence d’observations sur la variable indice de contrôle de corruption pour la période de 1970-1995 nous a obligé d’abandonner l’utilisation de l’estimateur « SUR » pour privilégier l’Estimateur « GEE » (Generalized Estimating Equations) de Liang et Zeger (1986) en vue d’estimer le système (4). Celui-ci présente l’avantage de récupérer la taille originale de l’échantillon et de corriger les erreurs liées aux équations de part leur spécification. Les résultats obtenus par les deux méthodes d’estimation indiquent que les deux estimateurs sont bon (Prob chi2<5%). Les résultats sont résumés dans les annexes I et II.

a) Les effets de l’aide sur la croissance économique en période dite de post-conflit Les résultats économétriques repris dans le tableau n°3 ci-dessous et dont les détails sont dans l’annexe I, concernant l’incidence de l’aide sur la croissance économique, en période dite de post-conflit, révèle que l’aide a contribuée à l’amélioration du revenu réel par habitant. En effet, l’équation (1) indique que 1% d’accroissement de flux d’aide entraine, en période dite de post-conflit, une augmentation de 0.81% du revenu réel par tête au Congo-Kinshasa, au seuil de confiance de 95 pour cent. Dans ce cas, l’aide est alors favorable à la croissance économique.

1Les informations complémentaires sur l’estimateur « SUR » (Seemingly Unrelated Regression) et « GEE »

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Tableau 3 : Estimation du modèle de Régression 1

Paramètres (gpib)

Estimateur SUR (Seemingly Unrelated Regression) Coefficients Gpib Infl 0,0026 (1,06) Imppib 0,1003 (1,45) depubpib** 0,0928 (2,00) corru** 8,6743 (2,21) apdpib** 0,8083 (2,28) apdpib2*** -0,0186 (1,90) mmopib* -0,4112 (2,99) Cons 8,7943 (0,96) R2 0,9000 Chi2 148,40 Prob 0.0000

Les termes entre parenthèses sont les statistiques T-Student Calculées associées aux coefficients de nos variables

* traduit la significativité à 1% ** traduit la significativité à 5% *** traduit la significativité à 10%

En outre, le rendement de l’aide étant décroissant (-0.0186) et significatif au seuil de 10%, il en découle que l’impact de l’aide sur le revenu réel par habitant n’est effectif qu’à partir d’un certain volume d’aide. De même, lorsque la condition de contrôle de la corruption est remplie, l’aide est aussi un facteur d’amélioration du revenu réel. Pour le cas congolais, la variable indice de contrôle de la corruption influence positivement et significativement à 5% le revenu réel, ce qui traduit que, plus on rationnalise (améliore) la gestion des fonds mise à la disposition du pays, plus le revenu réel s’en trouve également améliorer. Car, 1% de l’indice de contrôle de la corruption induit 8,67% d’augmentation de la croissance économique.

Un tel résultat est d’autant plus important que ; dans un pays initialement et fortement corrompu, tout contrôle de la corruption, minimum soit-il, a une incidence visible sur revenu réel par tête. Car, les fonds d’aide ou les ressources publiques qui - étaient autrefois détournés – sont désormais canalisés vers des objectifs plus précis.

Toutefois, il est important de nuancer ce résultat. Car, en dépit du fait que la gouvernance démocratique, à travers son volet contrôle de la corruption, soit importante pour un pays qui a longtemps souffert d’un régime dictatorial, notons avec Dambisa Moyo (2010, p.84) qu’une démocratie financée par l’aide ne constitue pas un rempart contre un gouvernement décidé à modifier les droits de propriété à son avantage ou à l’avantage des groupes des pressions. Bien entendu des telles pratiques sont peu incitatives pour les investissements et peut même paralyser la croissance. La démocratie mieux la gouvernance démocratique, loin d’être une condition nécessaire et suffisante pour la croissance économique, elle peut, parfois, être un obstacle au développement à cause de rivalité des partis politiques ou des groupes de pressions et des divergences d’intérêts qui rendent souvent difficile l’adoption des certaines législations économiquement favorables au plus démunies et parfois contraire aux intérêts de lobbying et des parrains extérieurs. En d’autres termes, des

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acteurs extérieurs (privés que publics) influencent l’action de l’Etat et manipuler parfois les décideurs pour tirer des avantages injustifiables et adapter le paysage réglementaire à leurs besoins. Des telles pratiques sont plus visibles dans les secteurs congolais des télécommunications, les mines, etc.

Du même tableau, l’on observe également un impact positif et significatif des dépenses publiques sur la croissance économique en période dite de post-conflit. Un pourcent d’accroissement des dépenses publiques induit un accroissement de 0.93% du revenu par habitant. Ce résultat peut aisément se comprendre. Car, en phase dite de post-crise, le besoin de reconstruire les infrastructures détruites par les troubles et les guerres à répétition (routes, écoles, ponts, hôpitaux,…), provoque une nécessité d’accroitre les dépenses publiques – et donc de mobiliser davantage des ressources publiques - en vue d’améliorer l’offre des biens et services publics.

Il ressort aussi de l’équation (1) une relation négative et significative entre la masse monétaire et la croissance économique, 1% d’accroissement de la masse monétaire entraine une diminution 0.41% de la croissance économique. Un tel résultat se justifie aisément en ce sens que, dans un pays autrefois en proie à l’hyperinflation due aux désordres des finances publiques dont les déficits ont inexorablement été financés par une création monétaire sans contrepartie réelle, toute politique de désinflation induit une contraction monétaire, avec comme résultant une forte baisse de l’inflation entrainant l’amélioration du pouvoir d’achat et donc du revenu réel par tête, et vice versa.

b) Les effets de l’aide sur la gouvernance techniciste en période dite post-conflit Les résultats de l’estimation de l’équation (2) repris dans le tableau 4 ci-après, montrent, toute chose égale par ailleurs, que l’aide a un effet positif mais non significatif sur les dépenses publiques dans le pays. Ce résultat permet d’invalider la gouvernance techniciste comme canal de transmission de l’aide à la croissance, en période dite de post-conflit. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que l’aide accordée au Congo-Kinshasa, au cours de cette période, a été fournie presque entièrement hors budget de l’Etat.

Ce qui signifie que le gouvernement n’a pas eu un réel contrôle de la mise en œuvre d’une grande partie de l’aide apportée au pays, car l’essentielle de l’aide ayant été canalisé vers les circuits autres que le budget de l’Etat. On peut également comprendre par-là, pourquoi l’aide octroyée au cours de la décennie dite de post-conflit n’a pas fondamentalement permis de relancer les réformes de la Fonction publique ni de l’appareil étatique. Par contre, les résultats révèlent aussi que les recettes publiques et la dette extérieure expliquent à 99% la gouvernance techniciste. Car, un accroissement de 1% de la dette extérieure et des recettes publiques entraine une augmentation de 2,09% et de 0,13% respectivement.

(19)

Tableau 4 : Estimation du modèle de Régression 2

Paramètres (depubpib) Estimateur SUR Coefficients deppubpib recfiscpib* 2,0996 (9,47) Infl*** 0,0106 (1,78) dettepib* 0,1320 (5,25) serdetexp 0.0024 (0,63) apdpib 0,0027 (0,02) cons* -33,6539(-6,15) R2 0,9230 Chi2 196,72 Prob 0.0000

Les termes entre parenthèses sont les statistiques T-student calculées associées aux coefficients de nos variables

* traduit la significativité à 1% ** traduit la significativité à 5% *** traduit la significativité à 10%

c) Les effets de l’aide sur la gouvernance démocratique en période post-conflit Il ressort des résultats de la régression de l’équation (3) supra, que l’aide publique au développement contribue de façon positive et significative à l’amélioration de la gouvernance démocratique approximé par l’indice de contrôle de la corruption. Les estimations montrent en effet que l’aide affecte positivement et significativement la gouvernance démocratique au seuil de 1%. L’ampleur de l’effet est de l’ordre de 0.019% pour une hausse de 1% de l’aide. Ceci peut s’expliquer par l’intérêt que porte la communauté financière internationale, en période dite de post-conflit, à la gouvernance à travers le contrôle de la corruption, la stabilité politique et l’absence de violence, le souci à vouloir organiser les élections et le redressement de l’appareil judiciaire dans le pays. La gouvernance démocratique approximée par l’indice de contrôle de la corruption est donc un canal de transmission valide.

Par ailleurs, ces résultats indiquent aussi que le contrôle de la corruption améliore la mobilisation des recettes publiques. Car, un accroissement du contrôle de la corruption de 1% impacte positivement à 0.025% la mobilisation de ressources publiques. Ce résultat s’explique à rebours par le fait que dans un pays fortement corrompu, l’impact le plus direct de la corruption est le détournement par les collecteurs ou les mobilisateurs d’une part importante du produit des impôts, redevances et taxes. Il est aussi possible, dans un contexte de forte corruption, que les collecteurs facilitent l’évasion fiscale, la fraude douanière voir même minorent les impôts, les taxes et autres droits payés ou à payer en contrepartie de pots-de-vin. Ainsi, comme révèle ce résultat économétrique, le contrôle de la corruption s’impose comme un impératif dans la mobilisation optimale des ressources publiques aussi bien en période dite de post-conflit qu’en période normale.

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Tableau 5 : Estimation du modèle de Régression 3

Paramètres (corru) Estimateur SUR Coefficients corru Apdpib* 0,0193 (3,20) Recfiscpib* 0,02548 (3,02) Cons* -2,0824(-14,62) R2 0,5460 Chi2 19,15 prob 0,0001

Les termes entre parenthèses sont les statistiques T-student calculées associées aux coefficients de nos variables

* traduit la significativité à 1% ** traduit la significativité à 5% *** traduit la significativité à 10%

Toutefois, les résultats obtenus ci-dessus, nous amène à nous interroger si l’aide a, de tout temps, eu une incidence positive sur la croissance économique au Congo-Kinshasa ? La réponse est donnée dans le paragraphe suivant.

d) Les effets de l’aide publique au développement sur la croissance économique au-delà de la phase dite de post-conflit (de 1970 à 2010).

La problématique soulevée ci-dessus, nous a conduits à réexaminer l’incidence de l’aide sur la croissance au cours de la période de 1970 à 2010. Cette analyse révèle que la situation du Congo-Kinshasa s’inscrit dans la lignée de celle indiquée par les travaux d’autres chercheurs pour qui l’aide a un effet négatif et significatif sur la croissance économique.

En effet, l’estimation économétrique du système (4) indique qu’une augmentation de 1% de flux d’aide se traduit, à long terme, par une contraction de - 0,023% de la croissance économique. Le rendement de l’aide est croissant, statistiquement significatif mais que son coefficient est proche de zéro (0,0056). Ce résultat contradictoire, contraste avec celui observé supra, pour la période dite de post-conflit. C’est ce que Dambisa Moyo (2009, p.88) qualifie : « le paradoxe du micro-macro ». Car, une intervention efficace à court terme (période dite de post-conflit) peut n’avoir que très peu d’effets bénéfiques durables. Pis encore, elle risque involontairement de saper les chances, si fragile soient-elles, de développement durable existantes. A coup sûr, quand on a l’œil collé sur la période dite de post-conflit, l’aide semble avoir eu un effet positif, mais si l’on prend le recul, si l’on a une vue d’ensemble, on voit que non seulement la situation globale ne s’est pas améliorée, mais qu’elle a empiré. Dans presque tous les cas, les évaluations à court terme créent une impression erronée du succès de l’aide mais ce genre d’évaluation n’est pas pertinent quand il s’agit de s’attaquer ou d’évaluer les problèmes de l’aide sur le long terme. Comme indiqué dans le tableau 6 ci-après :

Figure

Tableau n°1 : Corrélation Aide (α)- Croissance économique (y) de 1970 à 2010
Tableau n°2 : Aide Publique au Développement et évolution de quelques indicateurs   (En millions de dollars US et en % du PIB)
Tableau 3 : Estimation du modèle de Régression 1
Tableau 4 : Estimation du modèle de Régression 2
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