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Mutabilité du paysage urbain de la Haute-ville de Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

TIIESE

PRESENI'EE A L'ECOLE DES GRADUES DE L'UNIVERSITE LAVAL

PŒJR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.) PAR

MARC WILFRID RI01ARD BACHELIER ES ARTS DE L'UNIVERSITE LAVAL

MITTABILITE DU PAYSAGE URBAIN DE

LA

HAUTE-VILLE DE QUEBEC

(2)

Le paysage urbain de la Haute-Ville de Québec a subi plusieurs boulever-sements depuis le milieu des années soixante. Le prix des terrains, la dé-gradation physique des bâtiments, les effets des règlements de zonage, la Loi sur les biens culturels expliquent ce jeu de mouvance et de cristallisation des formes.

Ces causes sont toutefois superficielles et, en réalité, ne représentent que l'éctnTle d'un drame plus profond, celui d'une poignée d'urbains qui,

s'acharnant à projeter leurs fantasmes dans l'espace, font exécuter aux for-mes du centre-ville surtout, des soubresauts convulsifs et, conséquerranent,

contraignent une majorité d'urbains à fuir les zones réaménagées.

L'émergence des formes virtuelles qu'une minorité d'urbains a projetées érode les formes concrètes et donne à ces urbains l'illusion passagère de vi-vre un mythe, celui du contrôle de la matière.

Cette recherche propose une méthode de prev1s1on des changements dans le paysage urbain de la Haute-Ville de Québec par l'identification de ses différents degrés de llD.ltabilité.

Mots-clés: mutabilité, paysage urbain, Haute-Ville de Québec, valeur de bâti-ment, valeur du sol, zonage, Loi sur les biens culturels, forme concrète, forme virtuelle, mythe urbain, langage, culture.

(3)

Ce travail est en très grande partie redevable des idées et à de l'éner-gie puisées ailleurs que dans mes propres ressources. Ce n'est encore que bien pâle reconnaissance, en regard de l'assistance qu'ils m'ont apportée, que de remercier nommément mes collègues et amis Jean Gasselin et Roland Perrotte, géographes et cartographes, qui ont solutionné les problèmes car-tographiques que posait cette recherche, de même que monsieur Paul-Yves De-nis, le directeur de ce travail, et monsieur Gilles Ritchot, professeur, pour les voies à explorer qu'ils m'ont indiquées, par leurs paroles ou leurs

écrits.

Enfin, je désire remercier la Direction générale de !'Enseignement supérieur du ministère de !'Education du Québec, qui, par l'intermédiaire d'une bourse, a contribué à la réalisation de ce travail.

(4)

. Résumé

Avant-propos

Table des matières Liste des figures Liste des tableaux

Liste des cartes figurant sur diapositives Bibliographie

Introduction

. . . . .

. .

. .

. .

.

.

. .

. . .

. .

.

I- Considérations sur certaines approches du monde de l'urbain.

A-· Courant urbanistique . . B- Courant fonctionnaliste C- Courant phénoménologique D- Premier bilan i 11 111 Vll Vlll lX X xiii 1 1 2 5 9

II- Réflexion pour une théorie des formes urbaines 11

A- Origines de cette réflexion 11

B- Hypothèses . . . 15

1- Hypothèse 1 : transfiguration du message culturel. lS

a- Nature du message culturel · · · 15 b- Transmission du message culturel . . . 16 c- Transcription d'un message culturel dans une

for-me spatiale: l'exemple des jardins arabes . . . . 18 2- Hypothèse 2 : consubstantialité de la relation entre

les composantes d'une forme urbaine

signifiante. . . 21 a- Qu'est-ce qu'une forme urbaine? . . . 21 b- Cas d'une forme urbaine non signifiante . . . . 24 3- Hypothèse 3 : accroissement de l'importance du champ

virtuel par rapport au champ réel con-cret . . . . a- Finalité du message culturel . . . . b- Moyens d'accéder à la finalité du message

cultu-rel . . . .

29 29 31

(5)

i- Projection de fantasmes . . . . ii- Genres de vie urbains : le vécu dans le

sym-bolique et le vécu dans l'imaginaire La ville: une ressource limitée . Le mythe urbain vécu dans le symbole.

Le mythe urbain vécu dans l'imaginaire. L'ascension du champ de la virtualité . C- Point d'observation du chercheur et raisons pratiques de

cette entreprise. • . . . .

1- Point d'observation . 2- Raisons pratiques .

III- Exercice pratique sur la mutabilité du paysage urbain de la Haute-Ville de Québec

A- Territoire de la Haute-Ville de Québec. 1- Cadre spatial . . . .. 2- Cellule spatiale élémentaire

3- Fonction dominante . . . .

a- Définition des six fonctions dominantes retenues. i- Fonction résidentielle unifamiliale .

ii- Fonction résidentielle multifamiliale . iii- Fonction sémirésidentielle. . . . ...

iv- Fonction commerciale et administrative. v- Institutions et fonctions spéciales ... vi- Parcs et terrains libres . . .

4- Conmentaire de la carte intitulée Fonctions dorrrinantes

B- Agents de transformation du paysage construit .

1- Dégradation physique . . . . a- Mesure de la dégradation physique; catégories

uni-familiale, multifamiliale et semirésidentielle .. i- Corrnnentaire de la carte de la valeur

moyen-ne des logements unifamiliaux . . . . ii- Commentaire de la carte de la valeur

moyen-ne des logements multifamiliaux . . . . iii- Commentaire de la carte de la valeur

moyen-ne des logements semirésidentiels . . . . . b- Poids local de la fonction corrnnerciale et

adminis-trative, de même que celui des institutions et des fonctions spéciales: un substitut

à

l'indice de

31 33 33 34 36 37 38 38 40 44 44 44 44 47 47 48 48 48 49 49 49 50 54 54 54 56 58 60 dégradation physique . . . 61

i- Corrnnentaire de la carte de la valeur des

im-meubles commerciaux et/ou adr.linistratifs. . 63 ii- Corrnnentaire de la carte de la valeur des

im-meubles institutionnels ou à fonction

(6)

2-

3-

4-c- Parcs et terrains libres: le poids du vide Rente foncière . . . . a- Mesure de la valeur du sol . . . .

b- Cartes de la valeur du sol par pied carré et par fonction . . . .

i- Conunentaire de la carte de la valeur du sol pour la catégorie résidentielle unifamiliale ii- Connnentaire de la carte de la valeur du sol

pour la catégorie résidentielle multifamilia-le . . . . iii- Connnentaire de la carte de la valeur du sol

pour la catégorie semirésidentielle . . . . iv- Connnentaire de la carte de la valeur du sol

pour la catégorie des institutions et des fonctions spéciales . . . . v- Connnentaire de la carte de la valeur du sol

pour la catégorie cormnerciale et administra-tive . . . . v1- Conunentaire de la carte de la valeur du sol

pour la catégorie des parcs et des terrains libres . . . .. Zonage municipal . . . . a- Le zonage: un agent de transformation du paysage

construit . . . . b- Politiques récentes du zonage à Québec . . . c- Mesure de la stabilité du paysage urbain par

rap-port à l'action du zonage municipal ..

d- Connnentaire de la carte de l'impact du zonage sur la transformation du paysage urbain.

Indice de mutabilité du paysage urbain .. a- Restructuration de l'information . . .

i- Homogénéisation de la présentation des pres-sions exercées sur la paysage construit par les agents de transformation . . . . 11- Intégration des indices sectoriels et

confec-tion d'indices de mutabilité du paysage ur-bain . . . . b- Connnentaire de la carte des degrés de mutabilité

du paysage urbain de la Haute-Ville de Québec c- Paysages dont les traits morphofonctionnels sont

contrôlés: effets de la Loi sur les biens

cultu-

d-rels . . . . i- Portée de la Loi . 11- Bien culturel . . . iii- Aire de protection

iv- Arrondissement historique Cormnentaire de la carte des paysages

la Loi sur les biens culturels . . . protégés par

page 66 67 67 71 71 72 73 74 75 76 78 78 78 79 80 83 83 83 87 88 91 91 92 96 96 97

(7)

IV- Evaluation du modèle de prévisions de mutations urbaines dans la Haute-Ville de Québec

A- Opération de vérification de l'efficacité du modèle. B- .Amélioration du modèle

1- Aspect spatial des cellules élémentaires

2- Critères d'établissement des classes pour les pa-ramètres économiques . . . . CONCLUSION

Index des noms de lieux

Diapositives des cartes connnentées.

99 99 102 102 103 105 108

(8)

Figure I

Figure II

Figure III

Figure IV

Illustration de la relation structurale entre le message culturel et l'enveloppe concrète . 1- La filiation du mécanisme créateur

d'es-page

23 paces, de l'abstrait au concret . . . 23 2- Relations signifiant-signifié dans cette

filiation . . . 23

Paysages signifiants et paysages résiduels ...

Réaction psychoculturelle occidentale envers des formes antérieures, présentes et idéali-sées . . . .

Exemples de cellules spatiales élémentaires . .

26

32

(9)

Tableau I

Tableau II

Tableau III

Liste des valeurs moyennes et médianes du sol pour chacune des catégories d'utilisa-tion du sol . . . .

Liste des différentes combinaisons de degrés de vulnérabilité du paysage urbain, par rap-port à l'impact des agents de transformation.

Liste des mutations urbaines survenues dans la Haute-Ville de Québec entre février 1977 et décembre 1979 . . . .

page

68

86

(10)

Diapositive 1 Diapositive 2 Diapositive 3 Diapositive 4 Diapositive 5 Diapositive 6 Diapositive 7 Diapositive 8 Diapositive 9 Diapositive 10 Diapositive 11 Diapositive 12 Diapositive 13 Diapositive 14 Diapositive 15

Catégories fonctionnelles dominantes Valeur moyenne des logements unif amiliaux Valeur moyenne des logements rnultifamiliaux Valeur moyenne des logements semirésidentiels

Valeur des innneubles connnerciaux et/ou administratifs Valeur des irroneubles institutionnels ou à fonction spéciale

Valeur du sol pour la catégorie résidentielle unifami-liale

Valeur du sol pour la catégorie résidentielle multifa-miliale

Valeur du sol pour la catégorie sémirésidentielle Valeur du sol pour la catégorie des institutions et des fonctions spéciales

Valeur du sol pour la catégorie corrnnerciale et adminis-trative

Valeur du sol pour la catégorie des parcs et des ter-rains libres

Impact du zonage sur la transformation du paysage ur-bain

Degrés de mutabilité du paysage urbain de la Haute-Ville de Québec

(11)

1- Sources manuscrites

Caron, Fernand. Co articles traitant de l'aide de protection dans la Loi sur les iens culturels sanctionnee le 8 Juillet 1972 et modifiée par 1975, C. - 14

1977,

c. -

66

1978, Projet de loi no. 4. Direction des Arron-dissements, /Ministère des Affaires culturelles/Gouvernement du Québec/ s.d ..

Ritchot, Gilles. Qu'est-ce qu'une ville? Département de géographie, Uni-versité Laval, s.d ..

Service de !'Evaluation de la Conmrunauté urbaine de Québec, photocopie (de la copie appartenant à la ville de Québec) de la liste informatisée de l'évaluation des propriétés d'une partie des quartiers Champlain, Montcalm et Saint-Jean-Baptiste, Corrununauté urbaine de Québec, 21 février 1977.

2- Cartes

Direction des Monuments historiques, Arrondissement historique de Québec. Ministère des Affaires culturelles, GotNernement du Qlîébec,

22

dé-cembre 1969 (?), 20 x 30an, noir et blanc.

Samson, Michel. Aire de protection. Chapelle du Bon-Pasteur, pour la Di-rection générale du Patrimoine, /Mîriistere des Affaires culturelles du Québec/ 18 août 1976, 1: 500, 74 x 104.5an, noir et blanc.

Samson, Michel. Plan montrant l'aire de protection de la façade de la maison d'Artigny, pour le Ministère des Affaires culturelles du Qlîébec, 26 février 1975, 1: 500, 79.5 x lOOan, noir et blanc. Samson, Michel. Plan montrant l'aire de protection de la façade de la

maison Houde, pour le Ministère des Affaires culturelles du Qlîébec, 26 février 1975, 1: 500, 80 x 100.5an, noir et blanc.

Samson, Michel. Plan montrant l'aire de protection de la maison Krieghoff, pourle Ministère des Affaires culturelles du Qlîébec, Qlîébec,

26

no-vembre 1974, 1: 500, 80 x lOOcm, noir et blanc.

Ville de Québec. Cartes du cadastre. l"

=

200', mise à jour régulière-ment.

(12)

Ville de Québec. Nouveau zona e. Le Vieux Québec. Document d'infonna-tion distir ue a la populad'infonna-tion, e ec, aout 1977.

Ville de Québec. Nouveau zonage. Montcalm. DoaDTient d'infonnation dis-tribué à la population, Qlîébec, août 1978.

Ville de Québec. Proposition de zonage. St-Jean-Baptiste. Doa.nnent d'in-fonnation distribué â la population, Québec, Janvier 1979.

Ville de Québec. Québec, partie sud-est. Québec, avril 1976, l"

=

700", couleur.

3- Livres

Benoist-Méchin, Jacques. L'horrnne et les jardins/ ou les métamorphoses du Paradis terrestre/Paris/, Albin ~1iclîe1,71975/, 261 p. 22.Scrn.

Bourne, Larry S. On the complexity of urban land use change: or what theo-retical models leave in the dust. Researclî paper # 91, Toronto, lh11versity of Toronto, Centre for Urban and Corrnnunity Studies, No-vernber 1977.

Charles, Réjane. Le zonage au Québec. Un mort en sursis. Montréal, Presses de l'Œî1vers1té de MOntréal, 1974, 171 p., 22crn.

Claval, Paul. Principes de géographie sociale. Paris, Editions M. -Th. Gé-nin,/1973/, 351 p., 24crn, (Collection de "Géographie économique et sociale'') .

Laborit , Henri. La nouvelle grille. Pour décoder le message hl.Ililain./Pa-ris/, Robert Laffont, 719747, 358 p. , 21. Sem (Coll. "Libertés 2000") . Le Corbusier. Vers tme architecture. Nouvelle éditions revue et corrigée,

Paris, Editions Vincent, Fréal et Cie. ,/ 1966/ , 243 p., 24.Sem (Col-lection de "L'esprit nouveau").

Lynch, Kevin. L'image de la cité. Traduction de ''Tile image of the city"' /Paris/ ,""""é"Dunod,/1970/ , 222 p., 22.Sem (Coll. "Aspects de l'urbanisme").

Moles, .Abraham. Rohmer, Elizabeth. Psychologie de l'espace./Paris/, Cas-tennan, 162 p., 18em (Coll . "Mlîtations. orientations").

Relph, Edward. Place and Placelessness. London, Pion, 1976, 156 p., 24em (Coll. ''Research in planning and design").

Rimbert, Sylvie. Les paysages urbains./Paris/, Annand Colin,/1973/, 236 p., 16. Sem (Coll. ''U Prismes").

Ritchot , Gilles. Charbonneau, François. Gascon, Pierre. Lavigne, Gilles. Rapport sur le patrimoine irronobilier. Déposé au Ministère des

(13)

/Salomon de Friedberg, Barbara/. Dossier 28 . MonlllTlents et sites histori-ques du ébec. Direction de l'Inventaire des biens culturels,

irection generale du Patrimoine, Ministère des Affaires culturel-les/du Québec/, /juillet 1977/,/45p./, 2lcm.

/Turcotte, Jean F./. Schéma d'aménagement de la Corrununauté urbaine de Qué-bec. Annexe teëhriique. Habitation. Cormnission d'aménagement de la Corrununauté urbaine de Qüébec, Québec, août 1975, 269 p., 21.5cm. Tuan, I-Fu. Topophilia: a study of environmental perception, attitudes and

values. Eriglewood Cliffs, N.J. Prentice Hall, 1974,

260

p., 24cm. 4- Articles de périodiques

Bailly, Antoine. "Les théories de l'organisation de l'espace urbain". Es-paces géographiques, #2, 1973.

Bailly, Antoine, "La perception des paysages urbains". Le Géographe cana-dien, vol XVIII, # 3, 1974.

Lowenthal, David. "Geography, experience and imagination: towards a geogra-phical epistemology". Annals. Association of American Geographers, vol 51, 1961.

Morisset , Pierre. "La répartition sociale de l'espace et l'architecture". Vie des arts, vol XXI, # 85, hiver 1976-1977.

Rimbert, Sylvie. "Approches des paysages". L'espace géographique, # 3, 1973.

Wright , John K .. ''Terrae incognitae: the place of imagination in geography". Annals. Association of American Geographers, vol. 37, march 1947. 5- Autres sources

Annuaire Marcotte de Québec métropolitain. PoJk, Québec, nos de 1974, 1975 et 1976

Loi modifiant la Loi sur les biens culturels, sanctionnée le 23 juin 1978, Qüébec, Editeur officiel du QUébec, 1978.

Loi sur les biens culturels. 1972, C. - 19, sanctionnée le 8 juillet 1972, modifiée par

1975,

C. -

14, Québec, Editeur officiel du Québec, août 1977.

(14)

Parce que la géographie urbaine, et plus simplement la géographie, est à la recherche de ses racines, de son champ théorique authentique, laques-tion du paysage urbain participe aussi à cette effervescence épistémologique de notre temps; la géographie cherche à aborder l'au-delà du comment, c'est-à-dire le poUPquoi.

Cette introspection est rendue difficile en raison du détournement du discours de la géographie que plusieurs disciplines ont pratiqué à leur pro-fit. L'aliénation de la pensée géographique correspond

à

cette attitude de considérer cormne seul domaine géographique l'étude de la répartition

spatia-le des phénomènes: l' espaae pris comme scène de l'univers . Ce rôle de varia-ble indépendante dévolu ou imposé à l'espace dans l'équation géographique

lui dénie, dès le départ, de figurer parmi les agents de transformation du réel. Les formes, ces partitions de l'espace, sont par définition dans cet-te perspective, perçues corrone engendrées par des causes autres que celles de nature spatiale. La géographie traditionnelle a tendu à se délester du champ spatial non concret; cette citation d'un ouvrage de Sylvie Rimbert illustre cette tendance:

''Une étude de paysages nous paraît essentiellement géo-graphique pour au moins deux raisons: en premier lieu, parce que la géographie est une synthèse de relations spatiales et que les paysages résultent de la combi-naison de facteurs multiples; ensuite parce que les formes ont d'abord des aspects concrets, sensibles, dif-férents sous chaque latitude et que les géographes étu-dient la surface terrestre laissant les espaces ahs-trai ts à d'autres disciplines (l'espace pris lormne scè-ne de l'univers; c'est nous qui soulignons).

(15)

Poser l ' espace connne variable dépendante dans l'équation géographique enrichit la discipline en conférant aux fonnes spatiales une dimension sup-plémentaire, c'est-à-dire le pouvoir d'être autonomes et actives dans le réel. Dans cette nouvelle perspective, le spectacle de l'univers se pour-. suit toujours sur lD1e scène non plus spatiale, mais abstraitepour-. La nouvelle

variable indépendante retient de l'espace, tout en le dématérialisant, la lo-gique spatiale, le message de la mise en valeur de l'espace, le message cul-t ure l , pour paraphraser Gilles Ritchot dans son texte Qu'est-ce qu'une ville?

L'introduction d'une scène spatiale abstraite, ou virtuelle, aux côtés de la scène spatiale réelle, et la mise en évidence des rapports complexes qu'entretiennent ces deux mondes, constituent la fibre primaire de cette re-cherche . C'est sous l'angle de la détérioration des paysages urbains que se-ra abordée la problématique urbaine contempose-raine. D'abord en première par-tie, une analyse de la ville occidentale aux frontières de l'inconscient col-lectif, en guise d'exploration du plan spatial virtuel, et enfin, l'examen, en seconde partie, d'un cas pratique, soit les paysages urbains de la Haute-Ville de Québec, en proie localement à une érosion dramatique.

Nous verrons, par le biais d'un message transmissible par le médium du matériau, connnent la logique d'une civilisation se répercute dans la physio-graphie architectonique d'une ville et dans sa manière d'évoluer, et qu'en définitive, il subsiste toujours un fil d'Ariane reliant les formes entre el-les et avec leurs doubel-les virtuels, quelque chaotiques que soient el-les paysa-ges et les discours qui les disent.

(16)

et des faces cachées, il faut revisiter la géographie plus traditionnelle en marquant au passage les conventions qui entravent la transition du com-ment au pourquoi. Cette quête du mythe de l'urbain veut éclairer les origi-nes et les finalités des différents aspects plus techniques de la discipline

(économique urbaine, géographie sociale urbaine, etc.) qui, sous l'impulsion de leur dynamique interne tendent à s'enfenner dans leur spécialité et à ré-trécir leur ouverture sur une perspective géographique générale.

Cette instrospection de la géographie urbaine est structurée autour de trois thèmes correspondant à trois attitudes de la discipline: les approches urbanistique et fonctionnaliste d'une part, et phénoménologique d'autre part.

Les deux premières sont celles qui assimilent tout à fait l'espace à un phénomène de la réalité objective accessible par le biais de méthodes

expé-rimentales:

"Pour nous, la notion du paysage dépend, avant tout, de la façon de le regarder, c'est-à-dire d'ap-préhender l'espace terrestre ( ... )

Il y a essentiellement deux façons d'aborder l'espace qui nous entoure, renfermant les paysages qui nous intéressent: celle qui prend l'individu pour point de départ et celle cµilonsidère l'espa-ce corrnne un objet d'observation ."

A- Courant urbanistique.

Le courant urbanistique conçoit l'espace en tant que moiliment , sculpture ou tout autre événement esthétique; c'est le domaine du visible, du sensible, c'est ce "jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lu-mière", selon la célèbre expression de le Corbusier à propos de l ' ar chitecture . 2 1- Sylvie Rimbert, Approches des paysages. L'espace géographique, tome 2, # 3,

1973, p . 234.

2- Le Corbusier , Vers une architecture . Editions Vincent, Fréal et Cie., Paris, 1966 , p. 1 .

(17)

L'assimilation de l'espace à la fonne concrète est totale; dans ce éourant, l'espace est l'enveloppe spatiale: rien au-delà, ni rien en deçà, et l'appréciation esthétique lui est conférée a posteriori. Gilles Ritchot juge sévèrement ce courant qui, pour avoir investi toute son énergie dans l'enveloppe spatiale, se condamnait lui-même spontanément à lllle certaine su-perficialité:

"Ce discours formaliste fut principalement l'af-faire des architectes qui, à la suite du ''Bauhaus" de

Le Colbusier et des leaders intellectuels de l'époque,

y com~ris peut-être M. McLuhan, ont soutenu que le

progres technique en permettant de modifier le contex-te physique de l'habitat, était en mesure de provoquer lill changement en profondel}r dans la qualité de la vie

(dans le "genre de vie")"l

Les formes spatiales perçues dans la perspective urbanistique se gon-flent de ce souffle de l'art qui les distingue du paysage-objet "artificiel-lement neutre et isotrope du point de vue affectif et esthétique" 2 propre au courant fonctionnaliste. Dans l'llll et l'autre cas, toutefois, l'espace est le résultat d'lllle opération, lill produit.

B- Courant fonctionnaliste.

Le courant fonctionnaliste envisage l'espace cormne une conséquence de causes autres que spatiales, en dehors de toute appr éciation d'ordre esthéti-que. L'intérêt réside dans la description du mécanisme générateur de l'espa-ce. Le raiscnnement linéaire traditionnel - la relation llllivoque cause-effet - en constitue la fibre explicative, ce qui exclut, a priori, que l'espace pui sse participer à sa propre explication.

Un passage de Ph. Pinchemel sur l'anal yse morphologique des villes par stratigraphie, cité par Sylvie Rimbert, sert à illustrer la pensée de ce cou-1- Gilles Ritchot, Qu'est-ce qu'lllle ville?, manuscrit, p. 11.

(18)

rant. La mise en place de la stratigraphie urbaine, c'est-à-dire les trames d'appropriation, d'organisation et d'utilisation du sol, sont le résultat

d'tme combinaison de six facteurs qui expliquent le paysage; ce sont:

"-

Le milieu naturel, qui joue surtout pour fixer le site de fondation d'tme ville,

les besoins des horrunes organisés en groupe ayant des finalités économiques ou techniques,

les concepts politiques, économiques, juridiques et psychologiques qui dominent les groupes,

les investissements et la provenance des revenus, les techniques actuelles et passées,

les infrastructures matérielles et administratives111

Ce courant fonctionnaliste utilise donc massivement les théories et les techniques d'autres disciplines en vue de décrire et d'expliquer la chose ur-baine. L'entreprise se révéla très florissante à l'intérieur de la géogra-phie urbaine. Antoine S. Bailly a dressé la liste, dans tm article, 2 des grands modèles classiques de la géographie urbaine que l'on peut nommer

fonctionnalistes :

le modèle des zones concentriques, par Burgess; le modèle des secteurs, par H. Hoyt;

le modèle des centres multiples, par Chatmcey D. Harris et Edward D. Ull-man;

les modèles économiques; Bailly cite surtout les travaux de William Alonso;

les modèles des densités urbaines; Clark, Berry, Sirnmons, Tennant et Ca-setti ont publié des ouvrages sur ce thème.

Enfin, Bailly nous fait déboucher sur la grande place de l'analyse fac-1- Sylvie Rimbert, Les paysages urbains. op. cit., p. 139.

2- Les théories de l'organisation de l'espace urbain. Espaces géographiques, #2, 1973, p. 81 et suivantes.

(19)

totielle, cette technique à la fine pointe du traitement de l'infonnation qui connaît et ses grandeurs , et ses misères.

Il rend compte, en ces termes, des aspects positifs:

"Face

à

la masse considérable des informations sur le milieu urbain, l'analyse factorielle semble Za tech-nique (c'est nous qui soulignons] la plus favorable. Les variables choisies changent en fonction des études, mais l'on retrouve en général le statut socio-économi-que, le statut familial, l'ethnie, l'âge, \'éducation, la valeur de l'habitation et son confort."

"Quel peut être le sens futur à donner aux modèles de l'organisation de l'espace urbain? Les analyses de l'écologie factorielle qui enrichissent notre connais-sance de la structure urbaine interne semblent les plus séduisantes, avec les techniques de simulation. Mais le problème reste de rendre ces modèles opérationnels, pour qu'ils nuissent servir de base à un aménagement prospectif.'' 2

L'apport de l'analyse factorielle est donc d'accroître la capacité et la rapidité du traitement de l'information.

Cet engouement pour les méthodes quantitatives a conduit parfois à un développement de la technique pour elle-même, de telle sorte que l'on s'éloi-gnait de l'objet

à

traiter. Larry S. Bourne, dans un ouvrage sur l'utilisa-tion du sol a parlé avec franchise des limites des modèles quantitatifs:

leur très haut degré d'abstraction, toujours croissante, des-tinée

à

construire une sphère d'explication de plus en plus vaste leur fait perdre pied avec la réalité;

leur échelle d'opération est inadéquate: les unités spatiales utilisées couranrrnent sont plus grandes que celles pour

lesquel-les lesquel-les décisions responsablesquel-les de la transformation des

paysa-1- Bailly, op. cit. p. 90 et 93.

2- On the complexity of urban land use change: or what theoretical mod~ls leave

in the dust. Research Paper # 91, Centre for Urban and Cornrnun1ty Stu-dies, University of Toronto,

1977,

pp. 1-2)

(20)

ges sont prises (nous ajoutons qu'elles sont souvent tributaires des secteurs de recensement dont la super-ficie, pour les zones peu denses, excède souvent l'es-pace à aménager);

on sent lil1 manque d'infonnation emp1r1que relatif aux changements dans l'utilisation du sol et aux relations entre ces changements mêmes, d'lll1e part, et la structu-re socio-économique et les politiques gouvernementales d'autre part: ces modèles quantitatifs ne tiennent donc pas compte des effets convergents ou divergents des for-ces sous-jacentes à for-ces changements.

Le cas de l'analyse factorielle est bien représentatif, à cet égard, de ce courant fonctinnnaliste. Ce dernier tend à cristalliser les différents champs d'intérêt de la discipline autour des techniques qui leur sont pro-pres, ce qui favorise l'atomisation du champ théorique, puisque l'objet d'étude, l'espace, est relégué dans lil1 no man 's land théorique, hors du cir-cuit de l'explication. Une phrase de Claval témoigne de ce courant d'atro-phisation du rôle de l'espace,"l'espace ne compte que corrnne support d'lll1e expérience qui est avant tout sociale;1l et de son confinement à la scène du

spectacle de l'lll1ivers. D'autres chercheurs, en rupture avec ce courant traditionnel de l'objectivité du réel, sont d'avis que l'on a négligé, pour ne pas dire omis, l'influence de l'espace lui-même sur le comportement des

individus et de la collectivité . C- Courant phénoménologique.

Cette nouvelle manière d'aborder l'espace, "celle qui prend l'individu pour point de déparf12correspond au courant phénoménologique qui traverse la

1- Paul Claval, Principes de géographie sociale. Editions M.-Th. Génin, Paris,

1973, p. 141.

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culture occidentale depuis quelques décennies. Succédant au triomphalisme de la révolution scientifique et industrielle, la phénoménologie représente le doute critique face à la pensée scientifique traditionnelle.

Une série d' événements aux effets de déstructur ation, corrune la découverte du principe d'incertitude de Heisenberg, la théorie de la relativité

d'Eins-tein, la montée de la musique atonale et de la peinture abstraite, l'effondre-ment moral consécutif au premier conflit mondial et la r éaction moderne qui

s'ensuivit (l'extravagance des années vingt) , ont bouleversé les mécanismes d'appréhension du monde depuis le tournant du siècle. La structure de la causalité linéaire s'est disloquée et l a simplicité de la représentation car-tésienne des fonctions a été remplacée par la complexité de l'interdépendance des systèmes, cependant que les frontières entre les catégories s'effilochaient et que les digues interdisciplinaires se rompaient.

C'est dans cet esprit que s'élabore un nouveau mode d'approche de la r éalité . Pour beaucoup d'intellectuels, l e dogme de l'objectivité est rempla-cé par une appréhension plus nuanrempla-cée et plus respectueuse de l'appareil sen-soriel, des mécanismes de la pensée et de l a sphère culturelle; ainsi naît la phénoménologie. Ce courant propose une nouvelle manière d'aborder le réel par son insistance

à

considérer les processus sensoriel, psychologique et

cul-turel corrune des agents modelant la perception de la réalité, laquel l e demeu:r>e inaccessibl e dans sa manifes tation objective .

Le courant phénoménologique émerge en géographie tout juste après la fin de la seconde guerre mondiale dans des articles où la part de l'expérience per-sonnelle dans la relation entre l'horrune et son environnement est particulière-ment mise en valeur. John K. Wright et David Lowenthal ont été parmi les pion-niers dans ce domaine.

Wright a écrit un plaidoyer pour la promotion du rôle de l'imagination dans une "reconstruction du réel" par l'intermédiaire des mécanismes de la perception:

''The imagination not only projects itself into terrae incognitae and suggest routes for us to follow, but also plays upon those things that we discover and out of them

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makes imaginative conceptions which we seek to share with others. In the words of the late Sir Douglas Newbold: "Knowledge nrust pass into vision, that state of mind and heart which does not merely swallow evi-dence into a judgment, an appreciation, a living pic-ture of a country." Unlike the mental images that we can merely invoke from the memory - such as the remem-brance of views once seen - an imaginative conceptifn is essentially a new vision, a new creation ( ... )"

Et il conclut finalement que les terres inconnues les plus fascinantes se trouvent dans l'esprit et le coeur des honunes. Lowenthal reprend cette phrase, "the most fascinating terrae incognitae of all are those that lie within the minds and hearts of men", corrane citation initiale d'un exposé sur le courant phénoménologique dont le thème est l'inadéquation entre le monde perçu et le monde réel. 2

Alors que Lowenthal met en évidence la diversité des interprétations du monde, tant sur le plan interpersonnel qu'interculturel, d'autres auteurs s'attacheront par la suite

à

décrire le mécanisme de l'établissement de rela-tions entre les honunes et leur environnement perçu. Dans leur recherche d'une explication au phénomène des lieux élus par les horranes, Sylvie Rimbert, I-Fu Tuan, Edward Relph et Jacques Benoist-Méchin ont envisagé le problème dans une perspective spatiale décomposée par le prisme de la culture:

"Pourquoi donc vouloir cerner un environnement en gran-de partie imaginaire? C'est que, ce qui importe à l'hom-me de la rue n'est pas tant la réalité elle-mêl'hom-me que l'at-trait ou la répulsion qu'elle provoque, le souvenir qu'il en garde, l'attachement ou l'indifférence qu'elle lui cau-se. Seul l'environnement subjectif et affectif le frappe; l'objectivité morphologique n'a de valeur que pour les spécialistes, qu'ils soient historiens de l'art,3agents du cadastre, ou entrepreneurs en construction.".

1- John K. Wright, Terrae incognitae: the place of imagination in geography, .Annals. Association of American Geographers, voltnne 37, mars 1947, p. 1. 2- David Lowenthal, Geography, experience and imagination: towards a geographical

epistemology, .Annals. Association of .American Geographers, voltnne 51, 1961, p. 241.

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I-Fu Tuan a consacré plusieurs écrits à ce lien affectif entre les lieux et les horrnnes. Le néologisme anglais t opophilia qu'il a lui-même lan-cé "the word 'topophilia' ( ... ) can be defined broadly to include all of the ht.nnan being's affective ties with the material environment1l - enchâsse

doré-navant ce lien spatio-culturel, en le norrnnant, dans une entité culturelle autonome.

La notion de lieu déborde les champs sémantiques du site et de la situa-tion; c'est, d'après Relph, une portion d'espace dotée d'une personnalité, d'un élément culturel actif à l'intérieur de la collectivité. L'élaboration de l'identité d'un lieu pro~ède d'une triple relation dialectique dont Relph

a esquissé le fonctionnement. Les lieux seraient formés de composantes phy-siques fonctionnelles et mentales, et l'enchevêtrement des relations bilaté-rales de ces dernières entre elles constituerait la structure de l'identité locale:

"Physical appearance, activities and meaning are the raw materials of the identity of places, and the dialec-tical links between them are 2the elementary structural relations of that identity."

Le courant phénoménologique, en géographie, ne s'est pas limité à des considérations spéculatives. Il a trouvé dans les cartes mentales, entre autres, un champ d'application intéressant:

"Le troisième phénomène important qui intervient dans la perception des paysages est la formation d'images mentales individuelles et surtout collectives, qui

généra-lisent les caractéristiques de l'environnement, soit en les modelant sur des archétvries, soit en les moulant sur des attitudes culturelles.11-3

C'est Kevin Lynch qui, par son ouvrage désormais classique 'The image of 1- I-Fu Tuan, Topophilia, Prentice-Hall, New Jersey, 1974, p. 93.

2- Edward Relph, Place and Placelessness, Pion, London, 1976, p. 48. 3- Sylvie Rimbert, Approches des paysages, op. cit. p. 236.

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the city1a fait connaître les possibilités des cartes mentales. Ses enquêtes, surtout celles qu'il a menées auprès des Bostonniens, ont mis en évidence le phénomène de distorsion de la géographie urbaine à travers les mécanismes de

la perception: certaines parties de Boston apparaissaient connues de tous, . alors que d'autres font l'objet d'erreurs généralisées. En crevant la

pelli-cule de l'enveloppe spatiale pour en libérer la substance culturelle, Lynch consacrait la ville cŒmne un agent créateur de comportements.

Le paysage urbain dépasse donc l'enchaînement des formes dans l'espace; il englobe l'image qu'il projette et qui est perçue par les citadins: "Le paysage ne peut être qualifié et classé dans une typologie géographique qu'en considération de tous les éléments invisibles [c'est nous qui soulignons] qui lui donnent un sens.112

On sent un courant souterrain, la présence d'une face nocturne. Ironie du sort: au moment même où l'espace est réhabilité conme agent de transforma-tion du réel, on découvre aux formes spatiales concrètes cette face culturel-le cachée dont l'importance grandit aux dépens de la perspective spatiaculturel-le mê-me. Car l'espace visible, à force d'être signifiant par la puissance de son

impact sensoriel, avait occulté son revers invisible, c'est-à-dire l'essen-tiel.

D- Premier bilan.

L'usurpation du champ théorique de la géographie, et de l'urbain en par-ticulier, par des théories dont la propos n'est pas l'espace, est un événe-ment récurrent, voire une constante, de l'histoire de la pensée géographique. La capacité synthétisante de la discipline y joue peut-être comne un aimant: le contenu géographique est caché par le potentiel géométPique de la discipli-ne. Ce qui est séduisant dans la géographie pour les autres disciplines,

c'est la possibilité d'utiliser un cadre spatial pour y asseoir leurs théories. 1- Traduit en français par L'image de la ville,/Paris/, Dunod,/1970, 222 p.,

(Coll. "Aspects de l 1urbanisme.)

2- Antoine S. Bailly, La perception des paysages urbains, Le Géographe canadien, XVIII, #3, 1974, p. 281.

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L'acte répréhensible n'est pas l'emploi de l'espace comme scène, puisque c'est une opération essentielle dans la structuration de la connaissance (la géographie utilise bien le temps et l'histoire ne le lui reproche pas), mais c'est plutôt cette tendance à circonscrire le domaine géographique aux études de la répartition spatiale de phénomènes.

Ces méprises, ces détournements de théories que le professeur Ritchot dénonce dans le domaine de la chose urbaine, pourraient être réduits, pour peu que l'on explicite le contenu même de l'urbain. La fonne urbaine doit devenir la finalité d'une étude sur les paysages urbains. Il faudrait néan-moins savoir éviter l'écueil d'un certain "géocentrisme" qui consisterait à bannir systématiquement de la recherche tout élément exogène d'une théorie urbaine.

Dans cette perspective, il convient de ne pas rejeter les observations et les résultats des courants urbanistique.; fonctionnaliste et phénoménologi-que, mais plutôt de procéder à leur réarrangement afin de constituer une nou-velle structure dont l'urbain sera le propos central.

Le recours à des éléments externes, corrnne le courant psychanalytique et l'étude des jardins

à

travers les civilisations, serviront autant d ' instru-ments pour l'élaboration d'une théorie de la forme urbaine. Corrnne il s'agit d'une réinterprétation des propos sur l'urbain, donc d'un bouleversement des structures traditionnelles, la sensation de dépaysement dans un environnement jusqu'alors familier est inéluctable.

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A- Origine de cette réflexion.

La modification brutale du paysage urbain de la Colline parlementaire de Québec, par l'implantation d'une citadelle administrative dans un quartier résidentiel, a d'abord inspiré de l'étonnement devant la démolition de rési -dences solides, saines, voire élégantes puis, causé, un malaise et finalement conduit à cette réflexion théorique sur l'évolution des fonnes urbaines.

Le paysage urbain constrùit est un fait de perception. Très souvent, on ignore les autres paysages invisibles qui le recouvrent. On ne retient

du paysage urbain construit que son caractère monumental. La dureté de la pierre, de la brique et du béton tendent

à

nous abuser quant

à

sa durabilité réelle. A cause de nos sens, nous sorrnnes davantage enclins à percevoir et à apprécier des phénomènesde site (robustesse des matérjaux, élégance de la li-gne, etc.) qu'à repérer et me3urer des phénomènes de situation (valeur du terrain, paysage législatif, etc.). Site et situation, deux composantes es-sentielles du paysage urbain; deux concepts aux rapports ambigus qui font de la ville un lieu à la fois monumental et mouvant: une imbrication d'espa-ces tantôt pétrifiés, tantôt dissous par des effets de situation.

L'inadéquation entre les phénomènes de site et ceux de situation traduit l'existence d'une force invisible à l'oeuvre au coeur du paysage urbain; une force invisible qui, par ses effets de déstahili sation subtile constitue un élément insidieux pour le paysage construit. 1

En second lieu, l'apport de la phénoménologie dans cette réflexion sur

la théorie des fonnes urbaines est fondamental, ne serait- ce que par ce désir d'aller au-delà de l'enveloppe formelle et d'examiner les matériaux primaires 1- Voir à ce sujet le passage sur l 'insidieux par Gilles Ritchot dm:is.le Rapport d'étude sur le patrimoine :inunobilier, document déposé au Ministère des Affaires culturelles du Québec, 1977, p. 186.

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des fonnes urbaines. En effet, la théorie ne saurait s'alimenter aux seules données objectives et un franc recours aux images, aux reflets et à toutes les dimensions invisibles d'un phénomène doit être envisagé dès le départ puisque des travaux sérieux ont mis en évidence l'impact des représentations mentales sur le comportement des urbains.

Enfin, l'inclination personnel~ de l'auteur pour certains types

d'envi-ronnements a incité à mener la recherche dans de fort lointaines marches du réel; lieux enchantés de la littérature médiévale où châteaux et vergers des romans de la Table Ronde voient s'entrepénétrer naturellement le réel et le merveilleux; goût pour les labyrinthes, ces environnements denses et riches dont Abraham Moles et Elizabeth Rohmer ont fait l'éloge dans leur ouvrage Psychologie de l'espace,1et enfin, ces lieux qu'habitent les films d'atmos-phère, où le fonnel prime le conceptuel (India Song de ~1arguerite Duras,

L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais), témoignent aussi de cette fas-cination pour les régions liminaires du réel.

Ces espaces, ces lieux, ces paysages ont l'apparence et la substance de la réalité, mais les événements qui s'y déroulent suivent d'autres logiques que celles du réel courant. Ces îlots d'irrationalité ajoutent au réel con-cret une dimension supplémentaire - poétique, mythique, esthétique, merveilleu-se ou fantastique - dont il est souvent dépourvu.

Bref, un sentiment d'incomplétude à l'égard du réel concret inspire cet-te réflexion sur les formes urbaines; non pas l'état psychaathénique que le tenne incomplétude évoque, mais plutôt cette impression d'inachèvement du réel concret. C'est donc d'une théorie fondée sur le manque de que lque chose qu'il s'agit ou, en d'autres tennes, sur l'inaptitude de la réalité objective à pro-duire une réponse pertinente, car tronquée, et donc insatisfaisante.

Il faut insister sur ce manque de quelque chose ; cela signifie qu'idéa-lement le réel concret ne devrait pas inspirer de l'incomplétude. Le vide 1- Paris, Casterman, 162 p . . Collection ''Mutations. Orientations."

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éprouvé devrait être comblé dans l'avenir, ou bien l'a-t-il déjà été antérieu-rement. Ce vide témoigne de l'emplacement de ce qui es t pePdu et non pas de

ce qui n 'a j amais été Pempli . L'incomplétude traduit la nostalgie pour ce qui manque et que l'on sait exister ailleurs, car on n'éprouve guère de nos-talgie pour ce que l'on sait n'avoir jamais participé à soi-même. Cette ré-currence du thème de la nostalgie pour les formes de l'antérieur et de l'An-térieur - car il ne faut pas oublier la dimension mythique - imprégnera la théorie.

Ici le langage fait défaut. Il a fal lu recourir à des concepts spatiaux (le vide, l'emplacement, remplir) pour décrire une séquence conceptuelle d'ins-piration non spatiale, mais qui porte déjà en elle toute la logique du spatial.

L'exploration de la face nocturne des formes urbaines est le propos central de cette réflexion théorique. La face nocturne des formes urbaines comprend

tout ce que le signifiant, c'est-à-dire l'enveloppe architecturale matérielle (l'enveloppe spatiale) , n'exprime pas. Et cette partie du signifié (le messa-ge à transmettre) demeurée inexprimée vaut d'être mise en ll.unière parce qu' "on" l'occulte.

Le développement théorique de ces réflexions sur les formes urbaines est amplement tributaire des travaux du professeur Gilles Ritchot du département de géographie de l'université Laval. Le Rapport d'étude sur le patrimoine

immo-bilier déposé au ministère des Affaires culturelles du Québec en avril 1977, et dont il est l'auteur principal, et surtout son texte Qu'est-ce qu'une ville?, demeuré à l'état de manuscrit, à ce j our, rassemblent ses idées originales, courageuses même, sur la question de la formelt'baine. De ses écrits, les en-seignements suivants ont été retenus : l'importance primordiale de la culture dans la chose urbaine, la puissance du langage métaphorique, le goût pour les réinterprétations et surtout cette perspective quasi cosmogonique de la ville que constitue le très beau passage sur les nomades et les sédentaires.

Nos réflexions sur une théorie des formes urbaines s'ordonnent selon une séquence d'hypothèses; la ténuité de leur développement interdit encore de te-nir l'ensemble pour une théorie. Cet enchaînement se structure connne suit:

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lre hypothèse: le message culturel, contenu de la fonne urbaine, transfigure celle-ci en la rendant signifiante .

. Ze hypothèse : la forme urbaine demeure signifiante et visible tant que ses deux composantes - le message culturel et l'enveloppe concrète - existent consubstantiellement; lors de la rupture de cette relation de con-substantialité, la forme urbaine se scinde en deux parts, l'une virtuelle, re-présentée par une forme urbaine invisible et signifiante et l'autre, concrète,

constituée d'une forme architecturale (enveloppe spatiale) au langage dépassé. 3e hypothèse: l'ancrage des valeurs culturelles en dehors du présent, dans

un antérieur transfiguré, favorise le développement de formes virtuelles au détriment du réel concret, car l'immatérialité du virtuel donne

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B- Les hypothèses.

Hypothèse 1. - Transfiguration du message culturel.

Le message culturel,contenu de la forme urbaine, transfigure celle-ci en la rendant signifiante.

a- Nature du message culturel.

La face nocturne de la fonne urbaine, ce revers invisible du réel con-cret, est de nature culturelle: "Le contenu "logique" de la forme urbaine se-rait la culture". 1

Dans ce contexte, le terme culture est surdéterminé par l'idée de c1v1-lisation; il n'est pas réductible à l'ensemble des produits de l'art. Il évoque plutôt le discours cohérent sous-jacent à toute civilisation et ex-primé par des artefacts:

" En affirmant dans ce circuit théorique que la cultu-re est une mise en valeur, la forme urbaine apparaît cormne contenant les multiples transformations de l'espace et plus précisément d~ "terrain" soit au sens étymologique une agri-culture".

Et encore: 1i1ais dans le projet d'une lecture de la forme urbaine,

les percepts et concepts de culture s'y construisent dans le sillage de cette définition instn.nnentale, heuristique, qui fait de la culture une mise en valeur. Cette défini-tion insiste sur le rapport au milieu, à l'espace, elle fait découvrir la culture à la fois comme produit et comme processus, soit le processus d'une tran~formation

et d'une organisation du milieu "écologique"."

Puisqu'il semble acquis que les villes ont constitué les berceaux des grandes civilisations, il faut convenir que la logique interne des villes est indissociable de celle de leurs civilisations correspondantes, et que l'une

1- Gilles Ritchot, Qu'est-ce qu'une ville? op. cit. p. 8.

2- Ibid, p. 13. 3- Ibid, p. 12.

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s'éclaire de l'autre.

Cette définition de la culture, ce rôle qu'on lui attribue et qu'on sem-ble enlever aux ''processus dynamiques", conune l'économique, risquent de mé-. duser les tenants d'une approche plus traditionnellemé-. Toutefois, cette no-tion de logique culturelle est déjà bien incorporée au corpus théorique des sciences biologiques sous la forme de logique de l'information.

Le professeur Henri Laborit, biologiste français contemporain de grand renom, a utilisé ce concept de logique de l'information:

"Parler de "structures vivantes", c'est, en présence d'un "ensemble" vivant quel qu'il soit, de la bactérie aux sociétéshl.Dllaines, parler de l'ensemble des relations entre les éléments qui constituent cet ensemble. Parler de structure, c'est donc parler de relations, qui ne sont ni masse, ni énergie, mais qui ont besoin de la mas-se et de l'énergie pour exister. "L'information n'est qu'information, a dit N. Wiener. Elle n'est ni masse ni énergie." Dans les "formes vivantes" les éléments atomi-ques sont les mêmes que dans la matière inanimée, c'est

leur information, étym~logiquement leur "mise en valeur,

qui est particulière."

Le contenu culturel de la forme urbaine est donc potentiellement dynami-que. L'actualisation de la culture, son passage de l'état virtuel à l'état réel, dépend étroitement du langage utilisé, et de l'utilisation du langage. b- Transmission du message culturel.

Le langage par lequel la culture se supporte et se transmet est polymor-phe; l'écrit et l'électronique sont les véhicules culturels les plus connus.

Les formes de l'espace contribuent également à transmettre le dessein cultu-rel, et leur retentissement moindre est peut-être attribuable à la lourdeur et à la rigidité extrêmes du médil.Dll.

1- Henri Laborit, La nouvelle grille. Editions Robert Laffont, Paris, 1974, p. 30.

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En ce qui conceTI1e la fonne urbaine, il faut prendre garde de ne pas cristalliser à l'excès les deux tennes de la dualité contenant-contenu. Les frontières entre ces deux catégories ne semblent pas aussi nettes que celles des travaux du professeur Marshall McLuhan et, pour le cas qui nous intéres-se, il serait abusif, voire faux, d'assimiler le médium au message .

Le problème de la correspondance du signifiant (contenant) au signifié (contenu) est complexe. D'une part, les exégèses des fonnes urbaines peuvent être multiples et, d'autre part, non seulement le signifiant n'exprime pas tout le signifié, mais il lui arrive même d'en occulter une partie . Ce denrier problème sera repris plus tard.

Le signifiant est polysémique. C'est, à titre anecdotique, un entretien rapporté entre deux géographes qui a inspiré ce passage; l'objet de la con-versation: la perception des tours d'un centre-ville. Pour l'un, telle une

forêt , les tours poussent du bas vers le haut; pour l'autre, ce sont des

bouchons , et le mouvement symbolique est du haut vers le bas. Des prises de position aussi diamétralement opposées forcent l'interrogation.

On peut avancer que le langage spatial est inapte à transmettre une in-fonnation sous une fonne conceptuelle, car il n'est pas invariant. Au cours des âges, l'écrit a accaparé presque tout le champ de la transmission de l'in-formation, jusqu'à ce qu'émergent les média; électroniques. La moindre part réservée aux fonnes spatiales a laissé à l' ét at embryonnaire l'entreprise de codification du message culturel dans un langage spatial. De là, peut-être, cette élasticité surprenante dans l'interprétation des fonnes urbaines .

Il faut aussi envisager que la théorie des fonnes urbaines n'a peut- être pas atteint un niveau de généralité suffisamment élevé et qu'elle n'arrive pas encore, de ce fait, à englober les prises de position plus traditionnel-les, dans son dessein de réinterprétation.

Enfin, une explication d'ordre psychanalytique: l'interprétation exacte et directe du signifiant serait, par définit ion, hors de notre portée , Corrune

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met-tre à distance des traits culturels, les considérer objectivement, relève d'une acrobatie impossible. Pareille entreprise nierait par ailleurs l'ins-piration phénoménologique dont se réclame cette séquence d'hypothèses.

Le recours à l'inconscient culturel collectif signifie que la substance

même du message culturel et, a f or tiori , sa création, est inaccessible par des moyens directs. Une intervention indirecte a lieu au niveau de

l'expres-s~on de cet inconscient: par le langage, le fonds culturel collectif est mis sous fonne d'information, i.e. étymologiquement, mis en valeur. 1 Ici, cette entreprise de r éi nt erprétation des formes urbaines prend tout son sens: le re-vers invisible de la fonne urbaine se soustrait à l'investigation directe, mais est pris au piège par le langage qu'il utilise. D'où l'intérêt pour la confluence du spatial et du culturel.

c- Transcription d'un message culturel dans une forme spatiale: l'exemple des jardins arabes.

L'irruption, d'apparence insolite, d'une digression sur les jardins ara-bes

à

l'intérieur d'une recherche sur la fonne urbaine offre un double inté-rêt: en premier lieu, il s'agit d'un cas où le culturel et le spatial ont produit un assemblage de formes clairement interprétables et, qui plus est, exceptionnellement belles; et ensuite, cette bifurcation passagère prolonge dans une nouvelle direction la métaphore des nomades et des sédentaires du professeur Ritchot.

Jacques Benoist-Méchin, dont il a été question précédenment, est l'au-teur de L'hormne et ses jardins, un ouvrage consacré à une étude transculturel-le des jardins. L'auteur s'efforce de mettre en ltunière la logique de civi-lisation.scréatrices de jardins à travers l'interprétation de ces derniers.

La récurrence transculturelle de l'idée de bonheur qu'évoquent les jar-dins est le thème principal de l'ouvrage:

(34)

1-"Faisant un pas de plus, nous dirons que le grand art des jardins correspond, dans certaines civilisa-tions, au désir d'exprimer, non point d'une façon abs-traite mais en empruntant à la nature ses propres élé-ments, leur conception la plus haute du bonheur.111 Et en ce qui concerne les Arabes:

"[Le bonheur] puisait sa source dans les enseigne-ments du Prophète et dans les dures conditions de vie qui avaient été les leurs durant leurs longues pérégri-nations à travers le désert.

( ... ) Le Paradis que leur promettait le Prophète était exactement adapté à leurs désirs. Il était constitué par un jardin ombragé, tout bruissant de cours d'eau et de sources limpides, où les élus jouiraient d'une jeunesse éternelle. Allongés sur des coussins de soie, ils festoieraient interminablement, servis par des ado-lescents et des houris d'une beauté insurpassable avec lesquelles ils s'adonneraient aux délices de l'amour, "sans jamais éprouver de satiété ni de fatig_ue"."2

Plus loin, on décrit le processus de transcription d'un message culturel dans des formes spatiales:

"Ce que l'on contemple dans cette cour [la cour des Lions de !'Alhambra de Grenade] est le suprême reflet de la splendeur omeyade, enrichie d'apports sassanides, al-mohades et nasrides, à conunencer par la fontaine qui en occupe le centre. Celle-ci se compose d'une énorme vas-que circulaire reposant sur douze lions de granit vomis-sant chacun un filet d'eau. Un bassin polygonal les re-cueille et les déverse dans quatre chéneaux bordés d'une étroite margelle de pierre. Ces chéneaux la transportent ensuite jusqu'aux extrémités de la cour comme autant de ruissseaux de neige fondue, ce-qu'ils sont en réalité. Deux pavillons carrés coiffés de tuiles vertes dont les pans scintillent au soleil, s'avancent vers cette croix d'eau comme pour s'y mirer et, tout autour de ces pa-villons, on voit proliférer une forêt de colonnes éti-rées vers le ciel, p-ortant

à

leur sommet des arches de

Jacques Benoist-Méchin, L'honune et ses jardins, Albin Michel, Paris, 1975, p. 15.

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givre ...

( ... ) Il suffit d'observer un peu attentivement les deux pavillons qui s'avancent vers la fontaine centrale pour constater qu'ils ont conservé l'es-prit de ce qu'ils étaient à l'origine: deux tentes légères, dressées au bord d'une source jaillis-sant au coeur d'une palmeraie ( ... ). [A] vec le temps, les images initiales se sont transfonnées dans la mémoire de ceux qui les ont apportées ici

[à GrenadED . A mesure que les siècles passaient, qu'un palais princier se substituait à la tente du nomade et la riche plaine andalouse au désert syrien, la tente est devenue un pavillon de marbre et l'oasis, une palmeraie pétrifiée. Seule n'î pas changé l'idée du bonheur qu'elles incarnent."

Ainsi, par son rôle de nu.se en valeur, la culture représente une dyna-mique structurante par laquelle les matériaux primaires s'assemblent en des

fonnes complexes et signifiantes. Cette nouvelle organisation structurale des matériaux primaires distend les liens de ces derniers avec les cycles évolutifs de l'environnement naturel et les fait entrer dans le circuit des objets, à titre d'entités autonomes dorénavant. La relation structurale en-tre le message culturel et l'enveloppe concrète est le propos de la seconde hypothèse.

(36)

Hypothèse 2. - Consubstantialité de la relation entre les composantes d'une fonne urbaine signifiante.

La fonne urbaine demeure signifiante tant que ses deux compo-santes - le message culturel et l'enveloppe concrète - existent

consubstan-tiellement; lors de la rupture de cette relation de consubstantialité, la fonne urbaine se scinde en deux parts, l'une virtuelle, représentée par une fonne urbaine invisible et signifiante et l'autre, concrète, constituée d'une fonne architecturale (enveloppe spatiale) au langage dépassé.

Cette seconde hypothèse f ait grand usage des travaux du professeur Rit-chot sur le caractère essentiellement abstrait de la fonne urbaine; elle s'en écarte toutefois lorsqu'elle propose des circonstances où la forme urbaine se confond effectivement avec l'enveloppe concrète.

a- Qu'est-ce que la fonne urbaine?

"En bref, la forme urbaine n'est pas le total, même associatif, des fonnes architecturales."l

''Une fonne concrète , définissable en termes architecturaux, matérialise aussi une abstraction, en ce sens qu'elle prend Za place d'une autre fonne, laquelle en disparaissant participe d'une abstrac-tion." z

"En effet, une forme causal e produit d' autres fonnes à la condition de disparaître; elle se r ésout dans une abstraction, elle ne libère qu'un contenu

logique par quoi se comprend le style d'assemblage, l'articulation des fonnes concrètes, mais ce~te

for-me-cause en soi est par définition perdue ."

Ces citations extraites d'un ouvrage de Gilles Ritchot, contrairement à l'image courante évoquée par le tenne fonne, traduisent la nature essentiel-1- Gilles Ritchot, Rapport d' étude sur la patrimoine limnobilier, op. cit., p.117.

2- Ibid., p. 117. 3- Ibid., p. 125.

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lement abstraite de la fonne urbaine. Même si la perspective est spatiali-sante, la fonne ne décolle pas d'un état virtuel: la fonne urbaine y est un

espace en devenir, revêtu de plusieurs couches d'enveloppes concrètes possi-bles, signes témoins du c~ntrôle de 1 'espace par la culture , via un langage.

La présente hypothèse reprend l'idée d'une fonne urbaine abstraite, en ajoutant toutefois que ce caractère est intennittent, et que la forme urbaine oscille entre une présence réelle et virtuelle, entre le visible et l'invisi-ble.

Lorsque la culture et l'espace sont signifiants à l'unisson, l'enveloppe concrète transmet exactement le message culturel en le reprenant à son compte; et la logique de structuration de l'espace se confond avec l'espace structuré. A ce moment, le message culturel et l'enveloppe concrète existent

consubstan-tiellement et la fonne urbaine est visible et signifiante. En ces circons-tances privilégiées, l'espace exprjme exactement ce que la culture dit et oc-culte non moins parfaitement ce que la culture tait.

Des schémas conceptuels réswnent la première partie de l'hypothèse. Der-rière un paysage construit, se profile un paysage invisible de nature cultu-relle. Ce contenu culturel (le message culturel, i.e. l'ensemble des mythes et des archétypes structurés dans une logique) s'alimente à un insconscient culturel collectif (le lieu de création des mythes et des archétypes) inacces-sible directement, et sa manifestation est piégée par le langage (la techni-que de la mise en valeur - la logitechni-que - du message culturel). L'ambivalence des rôles du message culturel et du langage, tantôt signifiants, tantôt si-gnifiés, ressort à l'examen du second schéma.

L'incorporation du message culturel dans une enveloppe concrète, via le langage, rend la culture et l'espace consubstantiels, pour autant qu'ils soient signifiants

à

l'unisson, i.e. que le langage par lequel la culture s'exprime soit identique à celui dont l'enveloppe concrète témoigne.

(38)

Egure I - Illustration de la relation structurale entre le message culturel et l'enveloppe concrète.

· 1- La filiation du mécanisme créateur de paysages, de l'abstrait au concret. Abstrait

1

Concret

Inconscient culturel collectif

l

Message culturel

l

LanTe

Enveloppe concrète N.B. La flèche signifie "s 'exprime , se mani-feste en engendrant

"

2- Relations signifiant-signifié dans cette filiation

Mythe émergé:

---- message culture

IINCONSCIENT QJLTIJREL COLLECTIF

CUlture transmise: 1. Paysage constnu t: 1

1

lang ge . MESSAGE OJLTUREL N.B. La flèche signifie "s 'exprime , se mani -feste en engendrant

"

, En majuscules: le signifié , En miniscules: le signifiant

forme urbaine signi-fiante

(39)

b- Cas d'une fonne urbaine non-signifiante.

Le message, ou le dessein culturel,derreure relativement stable à travers

les âges. Le langage qui le véhicule (le tenne langage étant entendu dans

un sens plus général que celui de langue signifie "la technique de la rrrise en

valeza>)évolue, pour sa part, à une allure rapide et prend diverses formes. Ainsi, à titre d'exemple, la relation quasi consubstantielle entre l'amour et la mort constitue l'un des thèmes les plus anciens et les plus forts de la culture occidentale, et la pérennitê de ce mythe n'a pas enGore épuisé ses fonnes d'expression: du roman Tristan et Iseut de Béroul et Thomas

(XIIe siècle), au ''mélodrame flamboyant" - 1 'expression vient des cri tiques français - De l'autre côté de minuit de Olarles Jarrott (Hollywood, 1977),

l'amour-passion s'acccmplit dans la mort, mais combien différents sont les langages pour le dire!

De son côté, l'enveloppe concrète est rigide. L'inertie inhérente

à

son

caractère matériel prolonge le langage culturel dans le temps. Celui-ci se perpétue, en se pétrifiant, mais, en retour, perd son actualité en se démo-dant.

La durée de la relation de consubstantialité entre le message culturel

et l'enveloppe concrète est donc brève, voire éphémère, et sa rupture, iné-luctable. L'extinction de la relation signifiante prive la fonne urbaine du langage d'actualité et la transfonne en un paysage creux, résiduel, por-teur d'un langage dépassé et non-signifiant.

Sylvie Rimbert parle en ces tennes de ces langages dépassés: "L'aménagement, d'autres diront la planification régionale, reflète des idéologies qui ont leurs raci-nes dans des images mentales collectives privilégiées par l'histoire. Ces images nous sont transmises par L'intennédiaire de lois, de décrets, de règlements; c'est pourquoi les paysages législatifs sont d'une im-portance primordiale, dans la plupart des cas. Or, la

législation est généralement en retard sur l'évolution des idées et prolonge souvent dans le présent la men-talité de générations défuntes." 1

Figure

Table  des  matières  Liste  des  figures  Liste  des  tableaux
Figure  IV.  Exemples  de  cellules  spatiales  élémentaires.
Tableau  I  - Liste  des  valeurs  moyennes  et médianes  du  sol  pour  chacune  des  catégories  d'utilisation  du  sol
Tableau  II  - Liste  des  différentes  combinaisons  de  degrés  de  vulnérabilité  du  paysage  urbain,  par  rapport  à  l'impact  des  agents  de

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