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Préface [à Gages et autres poèmes, de René Meurant]

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Academic year: 2021

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Préface

Ce volume vise à restituer, après plus de cinquante ans, la voix d'un authentique poète, dans ce qu'elle a de plus dense et de plus limpide, de plus universel aussi.

Dans ses premiers recueils, de 1930 à 1938 (de Parole d'homme à Europe sans pardon), le jeune René Meurant

avait exprimé l'engagement pessimiste mais total qui était le sien, humaniste et radical, et qui se traduisait en poèmes fulgurants.

À partir de Gages, en 1939, l'inquiétude inspirée par

les drames et les enjeux de l'époque laisse progressive-ment la place à l'intériorité, qu'elle soit faite d'angoisse ou d'apaisement. Sur le plan poétique, une mutation parallèle affecte visiblement et heureusement la diction du poète.

À la forme traditionnelle d'un choix de poèmes qui eût couvert toute sa carrière - et le poète en avait préparé un à la fin de sa vie - nous avons préféré la sélection de quatre jalons majeurs des quinze dernières années de son parcours poétique: le recueil Gages (1939), publié ici dans son

inté-gralité, suivi de trois ensembles plus brefs, postérieurs de dix ans au moins : le long « Poème de la nuit du deux au trois novembre » (1948), la plaquette Le jour se lève

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(1950) et la brève séquence d'inédits deL 'Étoile de glace (1954). S'y ajoute le poème « Étoile Circus », qu'évoque Serge Meurant dans sa postface.

*

La dernière poésie de Meurant peut être rapprochée du courant de la pureté, au centre duquel Armand Bernier pla-çait Auguste Marin, et qu'il faisait remonter à Odilon-Jean Périer et, plus loin, à Charles Van Lerberghe.

Comme chez ces poètes, le poème de Meurant offre un lexique épuré, comme retiré de son temps, dépourvu de tout mot qui puisse évoquer avec trop de précision le monde moderne et son machinisme, ou la vie quotidienne et sa trivialité. Mais d'autres éléments le distinguent de cette poésie-là: quasi aucun édénisme, aucun idéalisme, et surtout une plus grande conscience de la condition humaine.

Une affinité certaine avec le surréalisme se fait jour, celui d'un Éluard, d'abord, mais aussi la forme transmuée qu'on en trouve chez quelques Belges tels qu'un Paul Février ou un Géo Soetens.

Sans conteste, René Meurant se montre, dans ces quelques textes, un remarquable et absolu poète de la métaphore. Chaque vers propose une image qui, tout à la fois, s'ouvre et se ferme. Pour guide, le lecteur se tient à la forte et multiple symbolique d'un vocabulaire choisi, féti-chisé, dont chaque terme paraît s'investir d'une puissance propre, entre abstraction et concrétude : la louve, le loup, 1' ange, le reître, 1' orage, 1' aigle, le sang, la lave - chaque

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mot fait signe et tisse de profondes liaisons de poème à poème. Le reître est le poète, mais qu'est la louve ? la femme ? la mort? l'angoisse ? L'orage est-ille désespoir ou l'amour? Le miroir est à la fois l'instrument de la plon-gée en soi-même, et la métaphore de la poésie.

L'image et la métaphore véhiculent avec plus d'opa-cité que de transparence une expérience oppositive, à la fois positive et négative, une lutte perpétuelle de l'espoir et de la foi avec une vision noire du monde. Elle se traduit notamment par ces fréquents oxymores, courts-circuits de pure poésie qui font sens : «c'est la cendre sous le miel», « étoiles de chaude glace », « la terrible chute à travers la douceur», «l'oiseau d'enfer aux chants de paradis».

On trouvera dans ces poèmes 1 'héritage assumé des années de lutte déçue, parcimonieusement et austèrement suggérée par une diction poétique de haute tenue. Le jeu sur le vers court, la phrase brève, limpides dans leurs mots mais abyssaux dans leur alliance, constitue 1' aboutisse-ment du long exercice de 1' écriture, où se croisent le pou-voir des charmes, le rythme des comptines et l'univers des légendes. S'y dessinent deux lignes de force, qui s'entre-croisent : d'une part, la toujours difficile relation de l'homme avec la femme, de l'autre, le poids de l'angoisse et de la faute. Lire ces poèmes à la lueur de ces thématiques éminemment intimes en fait surgir toute l'unité, celle d'un homme de souffrance, d'un poète qui, revenu des engagements poétiques au service de l'Homme, a livré au mitan de sa vie quelques poèmes de cristal et d'ombre.

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