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Devenir père et l'image de soi

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Academic year: 2021

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Devenir père et l'image de soi

Mémoire doctoral

Haniel Baillargeon-Lemieux

Doctorat en psychologie (D. Psy.)

Docteur en psychologie (D. Psy.)

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Résumé

La présente étude vise à évaluer dans quelle mesure l’appréciation que les hommes nouvellement pères se font d’eux-mêmes dans leur rôle de père et dans celui de travailleur explique leur bien-être. La quantification de l’écart entre ce qu’ils croient être et ce qu’ils souhaitent et estiment devoir être en tant que père et en tant que travailleur est mesurée, pour obtenir des mesures d’écarts entre les sois (ÉS; Higgins, 1987) pour les rôles de père (ÉS-père) et de travailleur (ÉS-travailleur). L’importance relative accordée à ces rôles et les attitudes traditionnelles à l’égard du rôle de père sont envisagés comme modérateurs du lien entre chaque ÉS et le bien-être. La médiatisation de l’association entre le conflit travaille famille et le bien-être par les ÉS est examinée. Soixante-quatorze pères d’un premier enfant de 0 à 2 ans, occupant un emploi, ont répondu à un questionnaire en ligne. Après le contrôle d’autres prédicteurs du bien-être (revenu familial, satisfaction conjugale, conflit travail-famille), père ajoute 10% à la variance expliquée du bien-être global, alors que l’ÉS-travailleur n’y contribue pas significativement. Aucune des modérations envisagées des liens entre les ÉS et le bien-être n'atteignent le seuil de signification, sauf pour la satisfaction de vie. Chez les pères les moins traditionnels et non chez les autres, l’ÉS-travailleur explique 6% de variance supplémentaire de la satisfaction de vie. Les analyses complémentaires vérifiant la présence possible d’un lien indirect entre le conflit travail-famille et le bien-être par la médiation des ÉS indiquent un lien indirect modeste statistiquement non significatif. Les résultats suggèrent que le sentiment de succès et de compétence des hommes dans leur rôle de père lors de la transition à la paternité est d’une importance majeure dans leur bien-être, alors que ce n’est pas le cas concernant leur rôle de travailleur.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vii

Introduction ... 1

Rôle de père ... 2

Bien-être des nouveaux pères ... 3

Théorie de l’écart entre les sois ... 7

Les multiples rôles et leur importance ... 11

La présente étude ... 13 1 - Méthode ... 15 Participants ... 15 Mesures ... 16 Procédures ... 23 2 - Résultats ... 24 3 - Discussion ... 29 Variables contrôles ... 29

Écarts entre les sois ... 31

Modérateurs de la contribution des écarts entre les sois ... 32

Conflit travail-famille ... 34

Forces et limites de l’étude ... 35

Implications des résultats ... 36

Suggestions pour des recherches futures ... 40

Conclusion ... 41

Bibliographie ... 42

Tableau 1. Corrélation entre les mesures de bien-être et les prédicteurs envisagés ... 49

Tableau 2. Modèle de régression pour expliquer le bien-être global ... 50

Tableau 3. Modèle de régression pour expliquer la satisfaction de vie ... 51

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Figure 1. Présentation graphique des hypothèses ... 54

Figure 2. Interaction entre les écarts entre les sois de travailleur et les attitudes non traditionnelles à l'égard du rôle de père ... 55

Annexe A – Description de l’échantillon ... 56

Annexe B – Adaptation du Integrated Self-Discrepancy Index ... 57

Annexe C – Échelle de satisfaction de vie ... 62

Annexe D – Sous-échelles d’affects négatifs version brève du Profile of Mood States ... 63

Annexe E – Traduction du Derogatis Affect Balance Scale ... 64

Annexe F – Importance des rôles de travailleur et de père ... 65

Annexe G - Conception du rôle de père et des différences homme-femme ... 66

Annexe H - Satisfaction conjugale abrégée de l’Échelle d’ajustement dyadique - 4 items . 68 Annexe I – Échelle de conflit travail-famille ... 69

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Liste des tableaux

Tableau 1. Corrélation entre les mesures de bien-être et les prédicteurs envisagés ... 49

Tableau 2. Modèle de régression pour expliquer le bien-être global ... 50

Tableau 3. Modèle de régression pour expliquer la satisfaction de vie ... 51

Tableau 4. Modèle de régression pour expliquer les affects positifs... 52

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Liste des figures

Figure 1. Présentation graphique des hypothèses ... 54 Figure 2. Interaction entre les écarts entre les sois de travailleur et les attitudes non

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

ÉS : écarts entre les sois

ÉS-père : Écart entre les sois de père

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Introduction

Devenir père constitue un changement important dans la vie d’un homme. Bien que la naissance d’un enfant puisse susciter beaucoup de joie et de bonheur chez les nouveaux pères (Deave et Johnson, 2008; Lacharité, 2009), elle est une expérience exigeante, qui implique notamment des transformations au sein de la relation conjugale (Deave et Johnson, 2008, Fägerskiöld, 2008; Premberg, Hellstrom et Berg, 2008; St John, Cameron et McVeigh, 2005) ainsi que la nécessité d’intégrer un nouveau rôle, de nouvelles responsabilités et de développer de nouvelles compétences (Lacharité, Calille, Pierce et Baker, 2016). Le nouveau père doit également continuer de répondre aux attentes et aux exigences dans ses autres rôles, tels que celui de travailleur (Lacharité et al., 2016). De tels changements et la conciliation entre ces rôles peuvent représenter des défis importants pour certains pères, engendrer du stress, un mal-être et même parfois la dépression (Bergström, 2013, Cooklin et al., 2015; de Montigny, Girard, Lacharité, Dubeau et Devault, 2013; Paulson et Bazemore, 2010). Par exemple, une méta-analyse rapporte un taux de dépression périnatale chez les pères de 10,4% (Paulson et Bazemore, 2010). La détresse chez les nouveaux pères a reçu moins d’attention de la part des scientifiques que la détresse chez les nouvelles mères. Pourtant, la dépression et la détresse chez les nouveaux pères, en plus d’affecter la qualité de vie de ces derniers, sont associées à un plus faible développement socioémotionnel et cognitif chez les enfants, à un risque plus élevé de trouble de santé mentale chez ces derniers, à un risque plus élevé de dépression chez les mères, à une plus faible satisfaction conjugale et à une coparentalité de moins bonne qualité (Buist, Morse et Durkin, 2002; Cabrera, Shannon et Tamis-LeMonda, 2007; Cummings, Keller et Davies, 2005; Ip et al., 2018; Mezulis, Hyde et Clark, 2004, Paulson et Bazemore, 2010; Ramchadani et al., 2008; Volling, Yu, Gonzalez, Tengelitsch et Stevenson, 2018; Wee, Skouteris, Pier, Richardson et Milgrom, 2011). Par ailleurs, la détresse et la dépression chez les nouveaux pères ont été associées à un plus faible sentiment d’efficacité paternel (de Montigny et al., 2013; de Montigny, Lacharité et Devault, 2012). Certains peuvent ne pas se sentir à la hauteur de ce qu’ils envisagent désirable ou attendu dans leurs rôles, tant celui de père que celui de travailleur, ce qui nuirait à leur bien-être (Cowan, 1988; Ferketich et Mercier, 1995; Lawton et Coleman, 1983; McBride, 1989). Le maintien d’une image de soi positive pourrait donc constituer un défi particulier lors de la transition à la paternité, car les responsabilités et désirs concernant le travail peuvent entrer

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en compétition avec les responsabilités et désirs concernant la famille. Les difficultés de conciliation entre le travail et la famille sont fréquentes chez les parents d’enfant de 0 à 5 ans (Institut de statistique du Québec, 2016) et son intensité est positivement associée au stress, aux désagréments, à la détresse (Cooklin et al., 2015) et à l’augmentation du risque de présenter des troubles de santé mentale cliniquement significatifs (Frone, 2000). Ainsi, il est envisageable que le fait d’avoir une image de soi positive dans les rôles de père et de travailleur, c’est-à-dire de se sentir à la hauteur de ce qui est attendu et de ce que l’on désire être comme père et travailleur, favoriserait l’adaptation et le bien-être lors de la transition à la paternité, alors qu’une image de soi négative en tant que père ou en tant que travailleur susciterait un plus faible bien-être. La présente étude a pour objectif d’évaluer la contribution des images de soi de père et de travailleur dans le bien-être des hommes nouvellement pères. Elle a également pour objectif d’examiner la dynamique existante entre le conflit travail-famille, ces images de soi et le bien-être. La présente étude est la première à s’attarder à mieux comprendre l’adaptation à la paternité et le bien-être vécu par les nouveaux pères sous cet angle et avec cette méthode.

Rôle de père

La signification de la paternité a considérablement varié selon les époques de l’Histoire en fonction des contextes sociaux et économiques (Forget, 2005). Cette signification a considérablement changé en Amérique du Nord au cours des 50 dernières années (Cabrera, Tamis-LeMonda, Bradley, Hofferth et Lamb, 2000). Alors que le rôle de père consistait principalement à celui de pourvoyeur financier de la famille autrefois, les changements sociaux ont entraîné une augmentation de l’importance du rôle d’éducateur et de l’apport de soins directs aux enfants dans la conception de la paternité (Lamb, 2010). Parmi les changements sociaux ayant contribué à la transformation de la paternité au Québec figurent entre autres les politiques de congés parentaux payés. Les politiques de prestations de congés parentaux du Québec visent à favoriser la présence du père auprès de son enfant durant sa première année de vie et les statistiques actuelles suggèrent que bon nombre de pères québécois mettent de côté le travail pour quelques semaines voire quelques mois afin de contribuer aux soins de leur enfant ou même d’en assumer la principale responsabilité dans certains cas (Conseil de gestion de l’assurance parentale, 2013).En même temps que

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définie que l’identité paternelle. Selon Arendell (2000), toutes les définitions de ce que constitue l’identité maternelle partagent un thème, celui des pratiques sociales d'éducation et de soins pour un enfant dépendant. Ainsi, le rôle de donneuse de soin est central dans la définition de l’identité maternelle. Par contraste, les rôles pouvant constituer l’identité paternelle sont moins homogènes (p. ex., Habib, 2012) et on note une grande variété de façons de définir la paternité. Par exemple, Habib (2012) décrit cinq types de pères. Cette description comporte le père distant, caractérisé par un léger intérêt pour l’enfant; le père pourvoyeur, un rôle traditionnel dans lequel l’engagement principal est de faire vivre monétairement la famille; le père parent-assistant ou secondaire, consistant principalement à aider la mère; le père donneur de soins partagés, consistant en une coparentalité où le partage des tâches et responsabilités de soin de l’enfant avec la mère est plutôt égal; et le père donneur de soins principal, qui est le principal responsable des soins de son enfant. Forget (2009) souligne la complexité de la conception du rôle de père, celle-ci pouvant différer d’un père à l’autre, en soulignant sept dimensions pouvant constituer le rôle de père, soit le père pourvoyeur, le père responsable, le père en interaction, le père qui prend soin de l’enfant, le père affectueux, le père évocateur et le père citoyen.

Bien-être des nouveaux pères

Même si la naissance d’un enfant suscite généralement de la joie et du bonheur (Deave et Johnson, 2008; Lacharité, 2009), la transition à la paternité a le potentiel de susciter de la détresse chez les hommes. Par exemple, une méta-analyse estime le taux de dépression périnatale paternelle, au cours de la période se situant entre le premier trimestre de grossesse et 1 an postpartum, à 10,4% (Paulson et Bazemore, 2010), alors que la prévalence du trouble dépressif majeur serait de l’ordre de 2 à 3% dans la population masculine selon l’Association américaine de psychiatrie (2000). Un meilleur bien-être chez les nouveaux pères est associé à une meilleure santé mentale chez les mères, de même qu’à une meilleure santé mentale et un meilleur développement cognitif et socioémotionnel chez les enfants (Buist, Morse et Durkin, 2002, Cabrera, Shannon et Tamis-LeMonda, 2007; Cummings, Keller et Davies, 2005; Ip et al., 2018; Mezulis, Hyde et Clark, 2004, Paulson et Bazemore, 2010; Ramchadani et al., 2008; Volling, Yu, Gonzalez, Tengelitsch et Stevenson, 2018). Des chercheurs se sont penchés sur les facteurs associés à la détresse et à la dépression lors de la transition à la paternité (Kumar, Oliffe et Kelly, 2018; Wee, Skouteris, Pier, Richardson et Milgrom, 2011).

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Ils ont notamment relevé les éléments suivant: le fait de vivre des difficultés de conciliation entre le travail et la famille (Cooklin et al., 2015), de vivre un écart entre les attentes prénatales et les expériences familiales et sociales après la naissance (Bielawska-Batorowicz et Kossakowska-Petrycka, 2006), d’avoir une conjointe dépressive (mère de l’enfant), d’avoir une faible satisfaction conjugale (Bergström, 2013, de Montigny et al., 2013; Nishimura, Fujita, Katsuta, Ishihara, et Ohashi, 2015; Wee, Skouteris, Pier, Richardson et Milgrom, 2011), d’avoir un enfant avec un tempérament difficile, d’avoir une interaction dysfonctionnelle avec l'enfant, de vivre de la détresse dans le rôle de père et d’avoir une faible perception d’efficacité paternelle (de Montigny et al., 2013). Ainsi, trois thèmes majeurs identifiés dans la littérature comme associés au bien-être des nouveaux pères sont retenus pour le présent projet, soit le conflit travail-famille, la satisfaction conjugale et la perception de soi dans ses rôles.

Conflit travail-famille. Le fait d’ajouter et d’intégrer de nouvelles facettes au rôle de père, impliquant un engagement plus important et direct auprès de l’enfant et de la famille tout en gardant un accent majeur sur l’aspect de pourvoyeur financier (Deave et Johnson, 2008; St John et al., 2005), a donné naissance à un nouveau défi pour les pères, soit l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle (St-Amour et al., 2005). L’institut statistique du Québec (2015), dans une enquête réalisée auprès de 14 905 parents d'enfant de 0 à 5 ans, indique que 31% des pères ont un niveau modéré de conflit entre le travail et la famille et que 15% des pères vivent un niveau élevé de conflit travail-famille. Vivre un certain niveau de conflit travail-famille pour les pères de jeunes enfants au Québec semble donc plutôt fréquent. Une situation de conflit travail-famille émerge lorsque les demandes du travail sont incompatibles avec celles de la famille (Greenhaus et Beutell, 1985). Une étude américaine (Frone, 2000), auprès d’un échantillon représentatif de la population, composé de 2700 parents d'un enfant de 18 ans et moins, suggère que le conflit travail-famille est positivement associé à la présence de troubles de santé mentale cliniquement significative (c.-à-d.., troubles de l'humeur, troubles anxieux ou troubles de l'utilisation de substance). De plus, une étude malaisienne, réalisée auprès de 335 parents mariés (incluant 46% d’hommes)

ayant au moins un enfant à la maison, relève une corrélation négative significative de

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et 12 mois indique qu’après le contrôle des variables confondantes clés (l'âge, le niveau d'éducation, le revenu familial, l'emploi de la mère, la santé mentale de cette dernière et la satisfaction conjugale), les nombres d'heures travaillées par semaine plus élevés, les horaires de travail inflexibles, les quarts de travail de nuit, l'insécurité d'emploi, le manque d'autonomie au travail et le fait d'avoir plus d'enfants à la maison sont associés au conflit travail famille, lequel est, à son tour, associé à un niveau de détresse plus élevé (Cooklin et al., 2015). Du côté québécois, une étude auprès de 1306 personnes syndiquées avec la Confédération des syndicats nationaux (CSN) relève que le conflit travail-famille est associé négativement avec la satisfaction de vie (St-Onge et al., 2002). Allant dans le même sens, une étude qualitative, sur les aspects influençant la satisfaction et le sentiment d’accomplissement dans le rôle de parent, indique que plusieurs parents décrivent leur emploi et leur milieu professionnel comme incompatible avec la vie familiale, rigide et peu sensible à l'égard des responsabilités parentales (Lacharité et al., 2016). Les auteurs ont observé que la plupart des parents expliquant que l'organisation de vie familiale se passe bien témoignent de la flexibilité de leur milieu professionnel. En somme, le bien-être des nouveaux pères semble potentiellement compromis par les conflits travail-famille, en partie parce que ceux-ci limitent la capaceux-cité des hommes de s’engager dans leur rôle de père comme il le souhaiterait.

Satisfaction conjugale. Une association positive entre la satisfaction conjugale et le bien-être chez les nouveaux pères est fréquemment rapportée (pour une synthèse de la recherche, voir Wee et al., 2011). Par exemple, une étude québécoise réalisée auprès de 205 pères en période postpartum révèle qu'après le contrôle de la variance reliée à des variables confondantes (l'âge du père, l'expérience d'une fausse couche antérieure et le revenu familial), la faible satisfaction conjugale est significativement et indépendamment associée à la dépression postpartum paternelle (de Montigny et al., 2013). De plus, une étude anglaise (Bergström, 2013) et une étude japonaise (Nishimura et al., 2015) rapportent des résultats similaires. Des décennies de recherche ont documenté que la satisfaction conjugale tend généralement à diminuer avec l’arrivée d’un enfant au sein du couple, en raison des changements dans la relation de couple ainsi que des nouveaux défis auxquels font face les couples devenus parents (pour une synthèse de la recherche, voir Lawrence, Rothman, Cobb & Bradbury, 2010). Cependant, plusieurs pères expérimentent des changements positifs dans

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la relation avec leur conjointe avec la transition à la paternité (Fägerskiöld, 2008; Premberg et al., 2008; St John et al., 2005). Certains pères mentionnent avoir une relation plus forte, plus profonde, plus unie avec leur conjointe depuis l’arrivée de leur enfant et disent ressentir un sentiment de complétude qui semble compenser pour la diminution du temps passé en couple, le manque de spontanéité et la diminution de l'intimité (Fägerskiöld, 2008; Premberg et al., 2008; St John et al., 2005). De plus, certains pères mentionnent que le partage de la parentalité renforce leur relation conjugale, la parentalité leur permettant de se voir dans différents rôles (St-John et al., 2005). En somme, les résultats de recherche suggèrent qu’il est important de prendre en compte la satisfaction conjugale pour comprendre le bien-être des nouveaux pères. De plus, il semble envisageable que de vivre une expérience plus satisfaisante avec leur conjointe lorsqu’ils intègrent leur nouveau rôle de père puisse les aider à avoir une image plus positive d’eux-mêmes dans ses rôles, ce qui pourrait en partie expliquer le lien entre la satisfaction conjugale des pères et leur bien-être.

Perception de soi dans ses rôles. Une étude sur la structure narrative de la vie des pères suggère que la transition suivant la naissance d’un premier enfant est une période pendant laquelle plusieurs hommes deviennent hautement investis dans le rôle de père et les rôles associés tels que celui de conjoint et de pourvoyeur (Farrell et al., 1993, cité dans Strauss et Goldberg, 1999). Par ailleurs, Strauss et Goldberg (1999) infèrent que le rôle de travailleur augmenterait en importance chez les hommes lors de la transition à la paternité, car ces derniers peuvent augmenter leur implication au travail suite à l’arrivée d’un enfant. Puisque le rôle de père et les rôles associés à celui-ci seraient susceptibles d’augmenter en importance lors de la transition à la paternité (Farrell et al., 1993, cité dans Strauss et Goldberg, 1999), des auteurs ont proposé que le sentiment de succès et de compétence dans ces rôles favorise une adaptation saine à la paternité et un meilleur bien-être, alors qu'un sentiment d'échec et d'incompétence dans ces mêmes rôles nuit à cette adaptation et au bien-être (Cowan, 1988; Lawton et Coleman, 1983). En ce sens, Ferketich et Mercier (1995) ont observé que le sentiment de compétence parental des pères (c.-à-d., la perception d’avoir acquis les habiletés et les connaissances nécessaires pour être un bon parent et de vivre une expérience parentale gratifiante) est associé négativement à leur niveau de dépression et positivement avec le sentiment de maîtrise de leur vie. De plus, McBride (1989) a observé

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une relation négative entre le sentiment de compétence parental des pères et le niveau de stress parental qu’ils rapportent.

Un concept connexe au sentiment de compétence qui a également fait l’objet de recherche chez les pères est celui de perception d’efficacité parentale. En se référant à la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1977), on peut définir la perception d’efficacité parentale comme la confiance quant à ces compétences pour réaliser avec succès les tâches parentales. Ainsi, alors que la perception de compétence réfère aux habiletés que l’on croit posséder à titre de parent, la perception d’efficacité porte plutôt sur les croyances que ces aptitudes permettent d’organiser et de mener à bien ses tâches parentales (deMontigny & Lacharité, 2005). Bien que peu de recherches se soient attardées au lien entre la perception d’efficacité parentale et le bien-être des nouveaux pères, leurs résultats concordent avec les travaux sur le sentiment de compétence parentale. À l’instar des résultats de McBride (1989) pour le sentiment de compétence parental, de Montigny et collaborateurs (2012) ont observé une association négative entre le stress et la perception d’efficacité paternelle. De plus, de Montigny et collaborateurs (2013) notent que la perception d’efficacité parentale paternelle et la détresse vécue dans le rôle de père sont, tous les deux, significativement et indépendamment associées à la dépression postnatale paternelle, après avoir contrôlé pour ce qui pourrait être attribuable à l'âge du père, à son expérience antérieure d'une fausse couche et au revenu familial. En somme, les résultats de ces diverses études soulignent que l’évaluation que l’homme se fait de lui-même dans son rôle de père peut s’avérer un aspect important pour expliquer son bien-être. C’est par ailleurs une hypothèse qui est mise de l’avant par la Théorie de l’écart entre les sois (Higgins, 1987), selon laquelle l’écart entre ce qu’une personne croit posséder comme attributs et ce qu’elle souhaite ou croit devoir posséder comme attributs génère des affects négatifs. Examiner la transition à la paternité à l’aide de cette théorie peut aider à mieux comprendre les sentiments et les difficultés vécus par les hommes nouvellement pères.

Théorie de l’écart entre les sois

Selon la Théorie de l’écart entre les sois (Higgins, 1987), l’écart entre ce qu’une personne croit posséder comme attributs et ce qu’elle souhaite ou croit devoir posséder comme attributs génère des affects négatifs. Pour mesurer cet écart, Higgins (1987) propose d’utiliser trois sois. Le soi obligé représente ce qu’un individu croit qu’il se doit de posséder

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comme attributs et peut être défini en lui demandant de nommer les attributs qu’il se doit de posséder. Le soi idéal représente ce qu’un individu aimerait idéalement avoir comme attributs et peut être défini en lui demandant de nommer les attributs qu’il aimerait idéalement posséder. Le soi réel représente ce qu’un individu croit posséder comme attributs et peut être défini en lui demandant de nommer les attributs qu’il croit posséder. À partir des sois réel, obligé et idéal, deux types d’écarts entre les sois (ÉS) peuvent être mesurés. L’écart

réel-obligé correspond au degré de non-correspondance entre le soi réel et le soi réel-obligé et l’écart réel-idéal correspond au degré de non-correspondance entre le soi réel et idéal. La Théorie

de l’écart entre les sois postule que de percevoir un écart entre son soi réel et ses sois idéal et obligé génère de l’inconfort se traduisant par des affects négatifs. Plus spécifiquement, l’écart réel-obligé générerait de l’anxiété et l’écart réel-idéal générerait des affects dépressifs (p. ex., Boldero et Francis, 2000). De plus, cette théorie postule que plus les ÉS des individus sont prononcés, plus ils sont susceptibles de vivre des affects négatifs de forte intensité (p. ex., Boldero et Francis, 2000).

L’association entre les ÉS et les affects négatifs est largement appuyée empiriquement. Des études rapportent des corrélations allant de r = 0.25 à 0.36 entre l’écart réel-idéal et les affects dépressifs et des corrélations allant de r = 0.21 à 0.34 entre l’écart réel-obligé et les affects anxieux (p. ex., Boldero et Francis, 2000; Carver, Lawrence, et Scheier, 1999, Polasky et Holahan, 1998; Tangney, Niedenthal, Covert et Barlow, 1998). Les affects dépressifs et anxieux, de même que les ÉS réel-idéal et réel-obligé étant fortement corrélés, il s’avère pertinent de vérifier s’il existe réellement des relations spécifiques et distinctes entre un type d’ÉS et un type d’affect, tel que le postule la Théorie de l’écart entre les sois. Conformément à cette théorie, Boldero et Francis (2000), dans leur étude 2, ont observé une corrélation partielle de r = 0.31 entre l'ÉS réel-obligé et l'intensité des affects anxieux et de r = 0.37 entre l'ÉS réel-idéal et l'intensité des affects dépressifs, après avoir contrôlé la corrélation entre les ÉS réel-idéal et réel-obligé ainsi que la corrélation entre les affects anxieux et dépressifs. Cependant, d’autres études ne rapportent pas des associations aussi discriminantes (p. ex., Polasky et Holahan, 1996) et sur la base de résultats de recherche peu discriminants, des auteurs ont critiqué la validité discriminante de cette théorie (p. ex., McDaniel et Grice, 2008, Phillips et Silvia, 2010). En effet, dans l’étude de Phillips et Silvia

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similaires sont observés pour l’ÉS réel-idéal (β = .31, p = .04) et l’ÉS réel-obligé (β = .30, p = .07), ce qui ne concorde pas avec la théorie. Par contre, les résultats de l’étude de Phillips et Silvia (2010) concordent avec la théorie en ce qui concerne les affects anxieux, ceux-ci étant expliqués par l’ÉS réel-obligé (β = .52, p = .004), mais non par l’écart réel-idéal (β = .12, p = .46). Par ailleurs, Boldero, Moretti, Bell et Francis (2005) argumentent que les études utilisant une méthodologie et des procédures statistiques appropriées ont clairement soutenu qu’une relation discriminante existe entre les types d’écart et les types d’affects. Quoi qu’il en soit, l’association entre les affects négatifs, plus globalement, et les ÉS sont clairement établis et fait état de consensus. De plus, les ÉS ont été associés aux affects positifs (Barnett, Moore et Harp, 2017) ainsi qu’à la satisfaction de vie (Reich et al., 2013).

La Théorie de l’écart entre les sois a été appliquée à des thématiques de recherche variées telles que les normes sexuelles (p. ex., Wood, Christensen, Hebl, et Rothgerber, 1997), la motivation (p. ex., Draycott, 2012; Hardin, Weigold, Robitschek, et Nixon, 2007; Moretti et Higgins, 1999; Shah, Higgins et Friedman, 1998) et la gérontologie (Heidrich et Powwattana, 2004). Deux études appliquant la Théorie de l’écart entre les sois à la parentalité ont également été recensées (Alexander et Higgins,1993; Polasky et Holahan, 1998).

L’étude de Alexander et Higgins (1993), menée auprès de 29 couples hétérosexuels attendant la naissance de leur premier enfant, examinait le lien entre les ÉS et des sentiments et symptômes postnataux connexes à la dépression et à l’anxiété. Cependant, il importe de noter que l’ÉS réel-idéal référait à l’évaluation que les parents se faisaient d’eux-mêmes, alors que l’ÉS réel-obligé se rapportait à la perception que les parents avaient de ce que leur conjoint ou conjointe pensait d’eux et que dans les deux cas, l’évaluation portait sur le soi en général (non spécifique au rôle de parent). Les mesures des deux dimensions émotionnelles se sont avérées fortement corrélées et ce autant pour les mères que les pères, avant et après la naissance de l’enfant (rs variant de 0.56 à 0.65). Par ailleurs, on a noté une légère hausse des émotions de tristesse et une baisse des émotions d’agitation entre les évaluations prénatale et postnatale. De plus, les mesures d’ÉS réel-idéal et réel-obligé se sont avérés si fortement corrélés qu’ils ne pouvaient être entrés simultanément comme prédicteurs dans des régressions (c.-à-d., qu’ils présentaient un problème de multicolinéarité). Afin d’isoler les contributions uniques des ÉS à l’explication des affects prénataux et postnataux, les auteurs ont calculé des corrélations partielles, contrôlant pour l’apport de l’autre mesure d’ÉS à

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l’explication d’un affect donné. En employant cette approche, ils ont pu isoler un lien positif entre l’ÉS réel-idéal et une hausse des émotions de tristesse après la naissance, qui semblait globalement présents chez les mères et les pères (même si le coefficient n’atteignant pas le seuil de signification faute de puissance statistique; n = 29 mères et 29 pères). Mais une telle contribution ne fut pas observée pour l’ÉS réel-obligé. Par ailleurs, ils ont observé qu’un plus grand ÉS réel-obligé prénatal prédisait une baisse d’agitation après la naissance, mais uniquement chez les mères. Une telle contribution n’a pas été observée pour l’ÉS réel-idéal. L’interprétation que les auteurs font de ce résultat souligne toutefois une limite importante de cette étude, l’ÉS réel-obligé relevait de la perception que le conjoint reflétait au parent et non celle qu’ils avaient d’eux-mêmes. Les auteurs proposent qu’avec l’arrivée d’un enfant, l’attention est détournée de son partenaire vers son enfant, l’ÉS réel-obligé perçu de son/sa conjoint(e) deviendrait donc moins saillant, ce qui aurait pour effet de dissiper les émotions qu’il suscite.

L’étude de Polasky et Holahan (1998) a quant à elle mesuré les ÉS spécifiques au rôle de mère chez 103 femmes professionnelles, mariées, travaillant à temps plein et ayant au moins un enfant de moins de 12 ans. L’étude visait à expliquer le conflit travail-famille et les émotions de dépression et d’anxiété des mères ayant un emploi par les ÉS. Les ÉS réel-idéal et réel-obligé sont tous deux corrélés positivement avec les symptômes anxieux (r = 0.37 et 0.25, respectivement) et dépressifs (r = 0.25 et 0.20), de même qu’avec le niveau de conflit travail-famille (r = 0.43 et 0.28). Des corrélations modérées étant à nouveau observées entre les ÉS, les auteurs ont eu recours à la même stratégie analytique que celle employée par Alexander et Higgins (1998) pour déterminer les contributions uniques de chacune des mesures d’ÉS dans l’explication des variables d’intérêt. Cependant, au terme de telles analyses, aucun lien significatif unique n’a été identifié. Cette étude appuie non seulement le questionnement quant aux effets discriminants des différents types d’ÉS, mais également l’idée de mesurer les ÉS pour un rôle spécifique plutôt que pour le soi en général pour comprendre le bien-être dans un contexte de vie particulier, tel que celui de la transition à la parentalité. Enfin, puisque cette étude était de nature transversale, les liens observés dénotent davantage des associations que des liens causaux.

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et al., 2016; Md-Sidin et Sambasivan, 2010; St-Onge et al., 2002), et que Polasky et Holahan (1998) soulignent que les ÉS dans le rôle de parent sont associées au niveau de conflit travail-famille et à des symptômes anxieux et dépressifs, il semble pertinent d’envisager que le lien entre le conflit travail-famille et le bien-être puisse être médiatisé par les ÉS des pères. En effet, la difficulté à concilier les obligations et idéaux familiaux avec ceux du travail pourrait creuser l’écart entre ce qu’un homme croit être et ce qu’il veut être dans son rôle de père et dans son rôle de travailleur.

Les multiples rôles et leur importance

Polasky et Holahan (1998) ont démontré que de mesurer les ÉS pour un rôle spécifique permet d’expliquer le bien-être d’une personne. Cependant, le concept de soi étant composé de multiples rôles (p. ex., Kurzban et Aktipis, 2007; Linville et Carlston, 1994; McConnell, 2011), pour mieux expliquer le bien-être d’une personne, il pourrait s’avérer pertinent de mesurer les ÉS pour différents rôles (p. ex., Boldero et Francis, 2000). Procéder ainsi pourrait permettre d’évaluer la contribution unique des ÉS de chacun de ses rôles au bien-être. Par ailleurs, les multiples rôles d’une personne peuvent avoir une importance différente pour elle (Thoits, 1983). Ainsi, plus un rôle est important pour une personne, plus les ÉS de celui-ci devraient avoir un impact important sur son bien-être. Boldero et Francis (2000) ont évalué la contribution au bien-être des ÉS pour deux rôles à la fois et ont observé que l’importance relative accordée à chacun de ses rôles modère l’association entre les ÉS et les affects négatifs.

On peut se questionner sur ce qui est susceptible d’influencer l’importance relative de différents rôles chez une personne. À ce sujet, il y a environ une trentaine d’années, des théoriciens américains avançaient que les femmes seraient davantage socialisées pour s'évaluer et s'investir davantage dans les rôles en lien à la famille, les parents et les amis, alors que les hommes seraient davantage socialisés pour s'évaluer et s'investir dans le rôle professionnel (Bielby et Bielby, 1989; Chodorow, 1978; Kessler et McLeod, 1984). Si l’importance relative des rôles en lien à la famille et au travail pouvait être liée au sexe et au genre, l’importance accordée aux rôles de père comparativement à celui de travailleur pourrait être liée à la conception que les hommes se font des rôles de parent des hommes et des femmes. Ainsi, les idéologies de genre (Gaunt, 2006), les perceptions essentialistes (Bem, 1993), de même que les conceptions traditionnelles et non traditionnelles des rôles maternel

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et paternel pourraient être liées à l’importance relative accordée au rôle de de père et à celui de travailleur.

Les idéologies de genre sont les normes traditionnelles ou non traditionnelles concernant les tâches considérées comme appropriées pour les hommes et les femmes (Gaunt, 2006). Les personnes ayant une attitude traditionnelle à l’égard des genres assignent les tâches liées à la parentalité selon des lignes de conduite traditionnelles, c’est-à-dire que l’homme s’occupe du rôle de pourvoyeur, alors que la femme est responsable des soins de l’enfant. Par contre, les personnes ayant une attitude non traditionnelle à l’égard des genres se répartissent les tâches de façon plus égalitaire, de sorte que l’homme et la femme se partagent de façon sensiblement égale les soins de l’enfant et le rôle de pourvoyeur.

L’essentialisme biologique consiste à comprendre les différences observées entre les hommes et les femmes comme des conséquences naturelles et inévitables de la nature biologique des femmes et des hommes (Bem, 1993). Ainsi, lorsqu’une personne a une perception essentialiste à propos des rôles parentaux, elle croit que les femmes sont biologiquement supérieures aux hommes pour prendre soin des enfants et que les hommes sont biologiquement supérieurs aux femmes pour pourvoir au financement de la famille. Inversement, une personne avec une perception non-essentialiste des rôles parentaux croit que les différences entre les hommes et les femmes quant aux comportements parentaux ne sont pas le fruit des prédispositions biologiques. Ainsi, une personne ayant une perception non-essentialiste des rôles parentaux est susceptible de croire que les hommes pourraient aussi bien prendre soin des enfants que ne le font les femmes.

Par ailleurs, étant donné ces conceptions variables que peuvent avoir des hommes de ce qui constitue le rôle de père et la large gamme de types de paternité possible (p. ex., Forget, 2009; Habib, 2012), Pleck et Masciadrelli (2004) recommandent que les travaux dans lesquels des participants sont questionnés sur le rôle de père prennent en compte que chacun peut avoir une conception différente de ce rôle en tête au moment de répondre. La méthodologie de la présente étude suit cette recommandation en permettant aux participants de définir le rôle de père tel qu’ils le conçoivent et d’évaluer leur correspondance à ce rôle en fonction de cette définition personnelle.

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La présente étude

Le premier objectif de la présente étude est d’évaluer la contribution des écarts entre les sois (ÉS) des rôles de pères (ÉS-père) et de travailleur (ÉS-travailleur) à l’explication du bien-être des hommes nouvellement pères. Cependant, pour mettre plus clairement de l’avant l’apport du concept d’écart entre les sois à la compréhension du bien-être des pères, il importe de considérer d’autres facteurs explicatifs identifiés par des travaux antérieurs. Ainsi, la satisfaction conjugale, le conflit travail-famille, de même que des variables sociodémographiques sont également pris en compte dans l’étude.

Les écrits antérieurs soulignent la diversité de conceptions du rôle de père et il est possible que les rôles de pères et de travailleur n’aient pas la même importance pour tous. Par exemple, un participant ayant des attitudes plus traditionnelles pourrait s’investir davantage dans son rôle de travailleur et attribuer davantage d’importance à ce rôle qu’à celui de père, ce qui pourrait atténuer l’apport de ses ÉS-père dans l’explication de son bien-être et accentuer celui de ses ÉS-travailleur. Un second objectif de l’étude est donc d’évaluer si l’importance relative des rôles de père et de travailleur aux yeux du père et ses attitudes moins traditionnelles à l’égard du rôle de père modèrent la contribution des père et des ÉS-travailleur au bien-être.

Enfin, les études recensées soulignent que le conflit travail-famille est associé à un plus faible niveau de bien-être (Cooklin et al., 2015; Frone, 2000; Lacharité et al., 2016; Md-Sidin et Sambasivan, 2010; St-Onge et al., 2002), mais également que ces variables sont associées à des ÉS réel-idéal et réel-obligé plus prononcés chez les mères (Polasky et Holahan, 1998). Il est donc envisageable que le lien entre le conflit travail-famille et le bien-être s’explique en partie par les ÉS ressentis dans ses rôles de père ou de travailleur. Le conflit travail-famille limiterait ainsi la capacité des hommes à atteindre leur image idéale d’eux-mêmes ou celle qu’ils perçoivent comme attendue d’eux (image obligée) dans l’un ou l’autre de ses rôles, ce qui peut compromettre leur bien-être, comme le prédit la Théorie de l’écart entre les sois. Un troisième objectif de l’étude est donc d’examiner si un lien entre le conflit travail-famille et le bien-être est médiatisé par les ÉS-père et les ÉS-travailleur. Les hypothèses à l’étude sont illustrées sur la Figure 1.

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Hypothèse 1. Des ÉS plus importants dans les rôles de père et de travailleur sont associés négativement au bien-être global. Plus précisément, ces ÉS sont associés positivement aux affects négatifs et négativement aux affects positifs et à la satisfaction de vie. De plus, les ÉS de chaque rôle ont une contribution distincte à l’explication du bien-être global et de chacune de ses composantes.

Hypothèse 2. L’importance relative accordée au rôle de père comparativement au rôle de travailleur et des attitudes moins traditionnelles à l’égard du rôle de père modèrent la contribution des ÉS-père et des ÉS-travailleur au bien-être. Spécifiquement, plus le père accorde de l’importance à son rôle de père par rapport à celui de travailleur et moins il endosse une vision traditionnelle des rôles parentaux de mère et de père, plus l’ÉS-père et moins l’ÉS-travailleur contribuera à expliquer le bien-être global et ses composantes. Inversement, plus le père accorde de l’importance à son rôle de travailleur par rapport à celui de père et plus il endosse des attitudes traditionnelles à l’égard des rôles parentaux, plus l’ÉS-travailleur et moins l’ÉS-père contribueront à expliquer le bien-être global et ses composantes.

Hypothèse 3. Le lien entre le conflit travail-famille et le bien-être global des nouveaux pères (et ses composantes) est médiatisé par les ÉS-père et les ÉS-travailleur.

Variables contrôles. Deux variables identifiées par des travaux antérieurs comme importantes pour expliquer le bien-être des nouveaux pères seront prises en compte et contrôlées dans l’étude : la satisfaction conjugale et le conflit travail-famille.

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1 - Méthode

Participants

Cette étude faisait appel à des pères occupant un emploi, dont le premier enfant a entre 0 et 2 ans. Près des trois quarts de l’échantillon (n = 58) ont été recrutés par le biais d’une publicité sur Facebook qui a été partagée par plusieurs personnes au cours du mois de mars et d’avril 2015. Les autres participants (n = 22) ont été recrutés via une annonce sur les listes de distribution par courriel aux employés et étudiant de l’Université Laval au cours du mois de décembre 2014. Bien qu’un plus grand nombre de participants a commencé le questionnaire, seuls 80 l’ont complété (voir Annexe A). De ceux-ci, la présence de données manquantes a limité l’échantillon retenu dans les analyses à N = 74. Les participants sont tous nés au Canada et ils sont âgés entre 20 et 46 ans (M = 30.7, ÉT = 5.1). Leur premier enfant est âgé entre 2 semaines et 36 mois (M = 15.1 mois, ÉT = 8.1). Un peu plus de la moitié des enfants sont de sexe masculin (n = 42). Seulement 14 répondants rapportent être le père d’au moins un autre enfant. Selon les informations fournies, les répondants habitent avec leur enfant et sont généralement conjoints de fait avec l’autre parent de l’enfant (n = 55), alors que 16 sont mariés et un seul est séparé ou divorcé de l’autre parent. Le niveau de scolarité des répondants est très varié : un peu plus de la moitié de l’échantillon détient un diplôme de niveau universitaire (24 de 1er cycle, 11 de 2e cycle et 4 de 3e cycle), 21 répondants détiennent un diplôme de niveau collégial, 13 ont terminé au plus un diplôme de niveau secondaire ou D.E.P. et un n’a terminé que ses études secondaires. Les participants rapportent travailler entre 16 et 60 heures par semaine (M = 40, ÉT = 9). Ils sont salariés pour la grande majorité, mais 12 sont des travailleurs autonomes. La moitié travaille dans le secteur privé (n = 38), 15 dans le secteur public et 6 dans le secteur parapublic. Les participants rapportent un revenu annuel se situant entre « 20 000 $ et moins » et « 140 000 $ et plus ». La médiane se situe dans la tranche de 60 000 $ à 80 000$. Suivant la naissance de leur enfant, les répondants ont pris en moyenne 6.3 semaines de congé paternel ou parental (ÉT = 6.5). Le mode est un congé d’une durée de 5 semaines (n = 35), suivi d’une durée un peu plus courte ou plus longue (de 2 à 4 semaines pour 14 pères et entre 6 et 15 semaines pour 13 autres). Peu de pères n’ont pris aucun congé (n = 7) ou un congé nettement plus long (entre 21 et 37 semaines pour 5 pères). Ces informations soulignent que l’échantillon est composé majoritairement d’hommes nés au Canada, pères d’un seul enfant, vivant en couple (mariés

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ou non) avec la mère de leur enfant, occupant un emploi salarié, et ayant pris 5 semaines de congé paternel suivant la naissance de leur enfant. Toutefois, on note une certaine diversité quant à l’âge, le niveau de scolarité et la présence, dans l’échantillon, de pères n’ayant pris aucun congé parental ou ayant pris un congé nettement plus long que les 5 semaines de congé de paternité offertes par le RQAP.

Mesures

Écarts entre les sois (ÉS). Une adaptation du Integrated Self-Discrepancy Index (Hardin et Lakin, 2009) est utilisée pour évaluer les sois relatifs au rôle de travailleur et au rôle de père tels que définis par les participants (voir Annexe B). Pour évaluer l’ÉS-père, on demande aux participants d’énumérer 3 caractéristiques ou comportements décrivant le père qu’ils voudraient idéalement être (soi-idéal) ainsi que trois caractéristiques ou comportements décrivant le père qu’ils se doivent d’être (soi-obligé). La possibilité de générer des comportements plutôt que des caractéristiques sert aider à ce que la tâche soit la plus simple et concrète possible. L’énumération de comportements plutôt que de caractéristiques a été utilisée dans l’étude de Polasky et Holahan (1998). Francis, Boldero et Sambel (2006) ont observé que cinq caractéristiques constitueraient un nombre optimal pour chaque soi lorsque seulement un soi idéal et un soi obligé sont évalués, pour un total de 10 caractéristiques. Dans la présente étude, où les sois idéaux et obligés sont évalués pour deux rôles différents, on demande aux participants de ne générer que 3 caractéristiques par soi, pour un total de 12. Cette décision est motivée par la constatation que l’énumération de 5 caractéristiques par soi, pour un total de 20, apparait comme exigent et long pour les participants. D’ailleurs, un prétest, constitué des participants recrutés via les listes de distribution de l’Université Laval, suggère que le nombre optimal de caractéristiques par soi est 3, car les participants cessaient fréquemment de générer des caractéristiques après ce nombre, ce qui causait beaucoup des données manquantes.

Une liste de 70 adjectifs tirés de la liste de traits de personnalité de Anderson (1968) est offerte aux participants qui souhaitent s’en servir pour compléter ou modifier leur liste de caractéristiques ou de comportements, comme le suggèrent Hardin et Lakin (2009) pour aider les participants ayant de la difficulté à décrire leur soi idéal et obligé. La liste des adjectifs est présentée dans un ordre aléatoire pour éviter d’introduire un biais qui pourrait résulter du

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leur rôle de travailleur. Afin d’aider les participants à faire la distinction entre le soi obligé et idéal, les explications suivantes leur sont données : pour le soi obligé : « En tant que membre d’une équipe de hockey, je crois que j’ai la responsabilité, le devoir et l’obligation morale de me présenter aux pratiques et aux matchs, car il est important pour moi de ne pas nuire à l'équipe » et pour le soi idéal : « Puisque j'occupe la position d'attaquant, je souhaite marquer des buts lors du prochain match, mais je ne pense pas que je sois moralement obligé de le faire . »

Par la suite, les participants évaluaient le degré de discordance avec leur soi réel de chaque comportement ou caractéristique générée sur une échelle de type Likert à 10 points allant de 0 (parfaitement ce que je suis maintenant) à 9 (pas du tout ce que je suis maintenant). Les scores d’écart par rapport au soi réel correspondent à la moyenne des six évaluations des comportements et des caractéristiques du soi réel sur l’échelle de type Likert pour un même rôle. Les ÉS idéaux et obligés sont donc combinés en un score des écarts pour chaque rôle, générant un écart moyen entre les sois de père (ÉS-père) et un écart moyen entre les sois de travailleur (ÉS-travailleur). Ce choix s’appuie sur quatre éléments. Premièrement, la validité discriminante des ÉS réel-idéal et réel-obligé a fait l’objet de critiques (p. ex., McDaniel et Grice, 2008, Phillips et Silvia, 2010). De manière cohérente avec la difficulté à obtenir des scores distinctifs pour ces deux types d’écarts, dans la présente étude, des corrélations plutôt fortes et significatives ont été obtenues entre les ÉS réel-idéal et réel-obligé, lorsque calculés séparément, pour les rôles de père (r = .56, p < .001) et de travailleur (r =.43, p < .001). Deuxièmement, le nombre de participants à l’étude étant relativement petit, cette combinaison permet de réduire le nombre de prédicteurs et ainsi d’augmenter la puissance statistique des modèles de régression. Troisièmement, puisque les études antérieures utilisent typiquement entre cinq (p. ex., Francis et al., 2006) et dix items (p. ex., Polasky et Holahan, 1998) pour mesurer un ÉS, la combinaison des six items permet de demeurer plus conforme aux pratiques reconnues. Enfin, les cohérences internes pour les mesures résultant de la combinaison des six items référant aux ÉS sur un même rôle sont toutes les deux satisfaisantes ( = .82 et .75 pour père et travailleur).

Bien-être. Le concept de bien-être est évalué par trois mesures distinctes et complémentaires, largement reconnues comme étant des indicateurs de bien-être : la satisfaction de vie, les affects négatifs et les affects positifs. Chacune de ces mesures est

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considérée séparément en lien avec les ÉS, mais elles sont également combinées pour générer un score global de bien-être. Utiliser ces mesures séparément permet de favoriser la validité des conclusions puisque la satisfaction de vie, les affects positifs et les affects négatifs sont des construits différents (Diener, Lucas et Oishi, 2002) et le fait de les combiner permet d’obtenir une vue d’ensemble sur le bien-être global.

L’Échelle de satisfaction de vie. L’Échelle de satisfaction de vie (Blais, Vallerand, Pelletier et Brière, 1989), une validation canadienne-française du Satisfaction with Life Scale (Diener, Emmons, Larsen et Griffin, 1985) est constituée de cinq affirmations pour lesquelles les participants indiquent leur niveau d’accord ou de désaccord sur une échelle de 7 points de 1 (fortement en accord) à 7 (fortement en désaccord; voir Annexe C). Le score de satisfaction de vie se calcule par la somme des réponses aux cinq items. Dans la présente étude, cet outil présente une cohérence interne satisfaisante ( = .87).

Affects négatifs. Les 31 items de chacune des cinq sous-échelles d’affects négatifs d’une adaptation canadienne-française de la version brève du Profile of Mood States (POMS; Shacham, 1983), développée et validée par Fillion et Gagnon (1999), sont utilisés. Les cinq sous-échelles sont : Tension/Anxiété, Dépression/Découragement, Colère/Hostilité, Fatigue/Inertie et Confusion/Perplexité (voir Annexe D). Pour chaque item, les participants évaluent dans quelle mesure ils ont ressenti cette émotion dans la dernière semaine sur une échelle de type Likert à 5 points de 0 (pas du tout) à 4 (énormément). Le score pour chacune des sous-échelles s’obtient en calculant la moyenne des réponses aux items pertinents, alors qu’un score global d’affects négatifs se calcule en faisant la moyenne du score des sous-échelles. Dans la présente étude, les cohérences internes des sous-échelles présentent des coefficients de cohérence interne satisfaisants ou passables (Alpha de Cronbach variant de .62 pour Confusion/Perplexité à .84 pour Dépression/Découragement). Toutefois, prise dans son ensemble, la mesure combinant les 31 items d’affects négatifs présente une excellente cohérence interne ( = .92).

Affects positifs. Bien que le POMS comporte une échelle d’affects positifs, celle-ci n’est restreinte qu’à la sous-dimension vigueur de l’affectivité positive. Un autre questionnaire est donc employé afin d’obtenir une mesure plus complète de ce type d’affects.

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1975) sont utilisées. Elle comporte 20 items regroupés en quatre sous-échelles de 5 items : Joie, Satisfaction, Vigueur et Affection (voir Annexe E). Bien qu’il n’existe pas de version française validée du DABS, elle partage certains items avec le POMS (Fillion et Gagnon, 1999) qui a été traduit et validé en français (p. ex., POMS; Fillion et Gagnon, 1999). Pour les 17 items restants, une méthode de traduction inversée a été employée afin de déterminer les termes émotionnels correspondants en français. Les participants évaluent la fréquence à laquelle ils ont ressenti ces affects au cours de la dernière semaine de la même manière que pour les affects négatifs. Les scores sont calculés de la même manière que pour les affects négatifs. Dans la présente étude, les sous-échelles présentent des cohérences internes satisfaisantes ( variant de.70 pour la Satisfaction à .84 pour la Vigueur). Toutefois, l’échelle globale d’affects négatifs, combinant les 20 items, présente une excellente cohérence interne ( = .92).

Bien-être global. L’échelle de bien-être global se calcule en combinant les scores aux trois mesures de bien-être, selon une formule mathématique qui a été utilisée dans l’étude de Negrini, Perron et Corbière (2014). Pour ce faire, les scores aux échelles d’affects positifs (AP) et d’affects négatifs (AN) sont tout d’abord transposés sur une échelle de 0 à 6 (Negrini et al., 2014), plutôt que de 0 à 4 (en multipliant les valeurs par 1.5). Par la suite, la mesure de bien-être global est calculée en multipliant la différence entre le score d’affects positifs (AP) et d’affects négatifs (AN) par le score de satisfaction de vie (SV), tel que présenté dans la formule suivante :

Bien-être global = [7 + (AP – AN)] * SV

Puisque AP – AN peut prendre des valeurs négatives, allant de -6 à +6, la constante 7 lui est ajoutée dans la formule afin d’éviter de multiplier par zéro. Le score ainsi obtenu peut varier de 1 à 91.

Importance relative du rôle de père. Cette mesure consiste en un item demandant au participant d’évaluer l’importance relative de chacun des rôles par rapport à l’autre en plaçant un point sur un continuum où le mot « père » est inscrit à une extrémité et où le mot « travailleur » est inscrit à l’autre extrémité (voir Annexe F). Cet item est accompagné de l’explication suivante :

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« Dans le quotidien, dans quel rôle vos réussites, échecs, bons coups et mauvais coups sont-ils les plus susceptibles de vous causer des soucis ou du bien-être? En d’autres mots, si vous avez à placer votre rôle de père et de travailleur en opposition, accordez-vous plus d’importance personnelle, au quotidien, à votre rôle de père ou celui de travailleur? »

Ce continuum comporte 19 points. Le point central correspond à un score de 0 et signifie que le participant accorde autant d’importance au rôle de père qu’à celui de travailleur, alors que les extrêmes du continuum correspondent à des scores de -9 (le rôle de travailleur est beaucoup plus important que le rôle de père) et de 9 (le rôle de père est beaucoup plus important que le rôle de travailleur).

Attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père. L’échelle d’attitude non traditionnelle à l’égard du rôle de père mesure le niveau d’endossement d’attitudes et de croyances non traditionnelles associées au rôle de père (voir Annexe G). Elle combine la mesure de conception du rôle de père, de perceptions essentialistes et d’idéologie de genre en une seule mesure.

Conceptions du rôle de père. Deux sous-échelles d’une traduction francophone du questionnaire What is a Father? (WIAF: Schoppe, 2001), comportant 10 items, seront utilisées afin d’évaluer les conceptions que se font les participants à l’égard du rôle de père. Cinq de ces items forment la sous-échelle évaluant les attitudes envers les rôles non

traditionnels, alors que les cinq autres items évaluent les attitudes envers les rôles traditionnels. La sous-échelle des rôles non traditionnels mesure les croyances cohérentes

avec l'idéal du père partageant les tâches et responsabilités parentales avec la mère de façon plutôt égalitaire. Un exemple d'item de cette échelle est: « Les pères sont aussi sensibles que les mères aux besoins des enfants ». La sous-échelle des rôles traditionnels mesure les croyances compatibles avec l'idéal du père qui pourvoit au besoin financier de la famille, qui fait la discipline et qui sert de modèle moral. Un exemple d'item de cette échelle est: « Le père est celui qui fait la discipline au sein de la famille ». Chaque item du WIAF est un énoncé concernant les pères et la paternité vis-à-vis duquel les participants évaluent leur niveau d’accord de « fortement en désaccord » à « fortement en accord ». Le score des sous-échelles

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d’elles. Un plus haut score signifie un plus haut niveau d'endossement des croyances se rapportant au rôle mesuré par la sous-échelle. Les cohérences internes de ces sous-échelles sont passables à satisfaisantes ( = .77 pour les rôles non traditionnels et .63 pour les rôles traditionnels).

Perceptions essentialistes. L’échelle de Perception essentialistes, tirée de Gaunt (2006), comporte 7 items permettant d’évaluer dans quelle mesure un participant croit qu’il existe des différences biologiques entre les hommes et les femmes quant à leurs capacités de prendre soin d’un enfant. Un exemple d'item essentialiste est: « Les mères sont naturellement plus sensibles aux émotions d’un bébé que les pères ». Un exemple d'item non essentialiste est: « S’ils le voulaient, les hommes pourraient prendre soin des enfants aussi bien que les femmes le font ». Pour chaque item, les participants évaluent leur niveau d'accord sur une échelle de type Likert à 6 points de 1 (tout à fait d’accord) à 6 (tout à fait en désaccord). Les scores des items essentialistes sont inversés et une moyenne des scores des items est calculée de sorte qu’un score plus élevé reflète un plus faible endossement de croyances essentialistes quant à des différences entre les hommes et les femmes (c.-à-d., plus d’égalité) ( = .75 dans la présente étude).

Idéologies de genre. L’échelle d’idéologie de genre à 5 items, également tirée de Gaunt (2006), mesure l’endossement de rôles sociaux différenciés ou égalitaires des hommes et des femmes. Un exemple d’item reflétant une idéologie de genre différenciée est : « Il est préférable pour tout le monde que l’homme fournisse les revenus et que la femme prenne soin de la maison et des enfants ». Un exemple d’item reflétant une idéologie de genre égalitaire est : « Les hommes et les femmes devraient partager les travaux ménagers lorsqu’ils ont tous deux un emploi ». Pour chaque item les participants évaluent leur niveau d'accord sur une échelle de type Likert à 6 points de 1 (tout à fait d’accord) à 6 (tout à fait en désaccord). Les scores des items reflétant une idéologie différenciée sont inversés et la moyenne du score des items est calculée de sorte qu’un score plus élevé reflète une idéologie plus égalitaire quant aux rôles sociaux des hommes et des femmes ( = .62).

Attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père. L’échelle d’attitudes non traditionnelles combine les scores calculés pour la conception du rôle de père, les croyances essentialistes et les idéologies de genre, et ce, pour diminuer le nombre de variables afin de

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favoriser une meilleure puissance statistique dans les analyses de régression. Cette combinaison en une seule mesure est justifiée en raison des corrélations obtenues entre l’ensemble des sous-échelles. En inversant les scores de trois sous-échelles afin que des scores plus élevés reflètent des attitudes moins traditionnelles sur l’ensemble des mesures, on observe des corrélations positives et significatives entre chacune des six sous-échelles (r = .44 à .81, p < .0001), sauf en ce qui concerne la corrélation entre la conception non traditionnelle et traditionnelle du rôle de père (r = .17, p > .05). La mesure des attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père correspond à la moyenne des trois mesures ( = .85). Satisfaction conjugale. La version brève de l’Échelle d’ajustement dyadique développée et validée par Sabourin, Valois et Lussier (2005) évalue le niveau de satisfaction conjugale à l’aide de 4 items (Voir Annexe H). Trois items évaluent la fréquence de pensées ou de comportements sur une échelle à 6 points de « toujours » à « jamais » et un item évalue le degré de bonheur dans la relation conjugale sur une échelle de 7 points de « extrêmement malheureux » à « parfaitement heureux ». La stabilité temporelle du construit mesuré est assez élevée sur une période de plus de 2 ans (Sabourin, et al., 2005). Dans la présente étude, cette échelle présente un coefficient standardisé de cohérence interne satisfaisant ( =.75).

Conflit travail-famille. L’échelle de conflit travail-famille de Senécal, Vallerand et Guay (2001; adapté de Bohen et Viveros-Long, 1981) est employée pour mesurer la conciliation travail-famille. Cette mesure est composée de deux items évaluant dans quelle mesure les participants rapportent avoir de la difficulté à gérer leur temps entre le travail et la famille et dans quelle mesure ils se sentent déchirés entre leur travail et leur famille (Voir Annexe I). Ces deux items sont évalués à l’aide d’une échelle de type Likert à 7 points de 1 (jamais) à 7 (toujours). Une forte corrélation entre ces deux items (r = .79, p < .001) est observée dans la présente étude. Un score plus élevé sur la moyenne des deux items indique un niveau plus élevé de conflit famille-travail.

Données sociodémographiques. Un ensemble de questions ont sondé des éléments sociodémographiques tels que l’âge, l’état civil, le nombre d’autre(s) enfant(s), le niveau de scolarité, le type d’emploi, le nombre d’heures travaillées par semaine, le revenu familial, la durée du congé parental.

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Procédures

Le questionnaire a été administré à l’aide du logiciel LimeSurvey. Une fois le projet approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval, le lieu pour accéder au questionnaire ainsi que les critères d’inclusion pour participer à l’étude ont été diffusés via les listes de distribution courriel de l’Université Laval et via Facebook. Les participants ont rempli le questionnaire de manière anonyme. Cependant, les participants qui souhaitaient recevoir un résumé des résultats pouvaient laisser leur adresse électronique dans une banque de données distincte de celle contenant les réponses aux questionnaires.

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2 - Résultats

Des analyses descriptives ont été effectuées afin de confirmer la normalité de la distribution des variables. L’asymétrie positive notée pour la distribution des mesures d’ÉS-père et d’ÉS-Travailleur et la durée de congé paternel/parental fut corrigée par une transformation par la racine carrée. L’asymétrie négative observée pour la satisfaction de vie fut corrigée par la transformation reflet et racine carrée. Les distributions des autres mesures furent jugées normales, ne présentant pas d’asymétrie marquée (Tabachnick et Fidell, 2007). Aucun cas extrême univarié n’a été observé. Cependant, un cas extrême multivarié a été repéré au terme d’une analyse de Mahalanobis (Tabachnick et Fidell, 2007). Ce cas a été retiré des analyses subséquentes. La proportion de données manquantes pour une variable donnée varie de 0 à 6,5% (M = 1,4%). Les deux variables présentant le plus de données manquantes sont l’importance relative du rôle de père (6,5%) et les attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père (5,2%). Au total, neuf répondants n’ont qu’une seule donnée manquante et un en a trois. Selon les analyses effectuées, le N employé varie de 70 à 74.

Les corrélations entre l’ensemble des variables à l’étude sont présentées au Tableau 11. Les variables évaluant le bien-être sont corrélées entre elles, justifiant leur combinaison dans une mesure de bien-être global. Un bien-être global plus élevé est associé à de plus faibles ÉS dans les rôles de père et de travailleur, à une plus grande satisfaction conjugale et un niveau plus bas de conflit famille-travail. De plus, le bien-être global est corrélé positivement avec l’importance relative du rôle de père et un revenu familial plus élevé. Des

1 L’âge du père, l’âge de son premier enfant, le congé paternel/parental, le nombre d’heures travaillées par

semaine ainsi que le niveau de scolarité paternel (omis du tableau 1) ne sont corrélés significativement avec aucune des mesures de bien-être (rs varient de 0 à ±.20, ps > .05). Les seules corrélations significatives avec ces variables sont que: l’âge du père est lié négativement avec la satisfaction conjugale (r (77) = -.39, p < .001) et positivement avec le conflit famille-travail (r (77) = .38, p < .001) et l’âge du premier enfant (r (77) = .22, p < .05); le nombre d’heures travaillées par semaine est positivement lié avec le revenu familial (r (77) = .27, p < .05) et le conflit travail-famille (r (74) = .31, p < .01); l’importance relative du rôle de père est positivement liée au congé paternel/parental (r (73) = .26, p < .05); et le niveau de scolarité est positivement corrélé aux attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père (r (77) = .34, p < .01). Par ailleurs, des tests-T ne révèlent aucune association significative entre le fait d’être travailleur autonome, d’être le père de plus d’un enfant ou le sexe de l’enfant et les autres variables (Fs varient de 0 à ± 2.27, ps > .10). De plus, les tests de khi carré ne révèlent aucune association significative

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liens semblables sont observés pour chacune des trois mesures de bien-être, soit la satisfaction de vie et les affects positifs et négatifs, même si quelques coefficients de plus faible magnitude n’atteignent pas le seuil de signification de p <.05. Par ailleurs, l’ÉS-père et l’ÉS-travailleur sont positivement corrélés. Enfin, les attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père ne corrèlent significativement avec aucune des variables prises en compte.

Des régressions hiérarchiques menées pour chacune des mesures de bien-être (c.-à-d., bien-être global, satisfaction de vie, affects positifs, affects négatifs) permettent d’établir un modèle explicatif du bien-être. Chaque mesure de bien-être est détaillée afin de favoriser la validité des conclusions puisque chacune de ces mesures constitue un construit différents (Diener et al., 2002). Toutes emploient la même méthode. Les analyses menées avec chacun des trois indicateurs de bien-être, qui ont été combinés pour former la mesure du bien-être global, servent à identifier plus précisément où se situe la contribution des prédicteurs, une fois les observations générales dégagées. Une première étape (modèle 1) considère les variables contrôles potentielles (c.-à-d., Satisfaction conjugale, Conflit travail-famille, Revenu familial), entrées avec la méthode pas à pas (stepwise). Ainsi, seulement les prédicteurs ayant une contribution significative au modèle sont retenus. Dans la deuxième étape (modèle 2), l’ÉS-père et l’ÉS-travailleur sont ajoutés aux prédicteurs retenus au terme de la première étape. La contribution de l’importance relative du rôle du père, de même que sa modération potentielle du lien entre les ÉS et la mesure de bien-être (variable critère) est testée par la combinaison de la troisième et de la quatrième étape de l’analyse (modèles 3 et 4), qui ajoutent en étapes distinctes l’importance relative du rôle de père aux prédicteurs (méthode standard; enter) et les interactions potentielles entre l’importance relative du rôle de père et les ÉS-père et ÉS-travailleur (méthode pas à pas), de sorte que les coefficients d’interaction ne sont estimés et ajoutés au modèle que s’ils atteignent le seuil de signification de .05. La même démarche est employée pour examiner l’apport potentiel de la mesure des attitudes non traditionnelles à l’égard du rôle de père à l’explication du bien-être. Les modèles 1 et 2 sont repris, mais pour les étapes subséquentes (modèles 5 et 6), l’importance relative du rôle de père a été remplacée par les attitudes non traditionnelles et ses interactions potentielles avec les mesures d’ÉS. Une telle démarche permet de limiter le nombre de prédicteurs inclus dans le modèle explicatif final, de sorte à maximiser la puissance

Figure

Tableau 1. Corrélation entre les mesures de bien-être et les prédicteurs envisagés  1  2  3  4  5  6  7  8  9  10  11  Bien-être  1
Tableau 2. Modèle de régression pour expliquer le bien-être global  Modèle  ( standardisés)  Prédicteurs  1  2  Revenu familial  .42***  .40***  Satisfaction conjugale  .32**  .26**  Conflit travail-famille  -.29**  -.15  ÉS-père  -.37**  ÉS-travailleur
Tableau 3. Modèle de régression pour expliquer la satisfaction de vie  Modèle  ( standardisés)  Prédicteurs  1  2  3  4  Revenu familial  .40***  .40***  .40***  .43***  Satisfaction conjugale  .36***  .29**  .29**  .31**  ÉS-père  -.30*  -.30*  -.23†  ÉS
Tableau 4. Modèle de régression pour expliquer les affects positifs  Modèle  ( standardisés)  Prédicteurs  1  2  Satisfaction conjugale  .40***  .32**  ÉS-père  -.37**  ÉS-travailleur  .14  F  13.50***  7.77***  dl  (1,72)  (3,70)  R 2 .16  .25  ΔF  4.30*
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