DEPOSITED BY THE FACULTY OF
GRADUATE STUDIES AND RESEARCH
I VM
•X&l S\\
GILL
UNIVERSITY
LIBRARY
1941
*/ A
La Pensée Religieuse Dans Le Théâtre
de François de Cure!
étudiée par
Doris Pearl Barrett
12 Liberty Street
Montpelier, Verniont
Thèse
sentee a la faculté des arts de
L'Université McGill
pour le degré universitaire de A.M
en littérature française
Montréal, Québec
TABLE DES MATIERES
I. La vie de Curel selon les influences religieuses... 1
II. Les sources des idées philosophiques et religieuses 23
1. La littérature
a. Les tragédies de Corneille et de Racine
b. Pascal et le christianisme
c. Les modernes, Stendhal, Zola, Ibsen, Tolstoi
;
2. La science et la philosophie
a. Comte
b. Spencer, Darwin et l'évolution
c. Freud et l'inconscient
III. Curel, peintre de la vie religieuse 44
1. Les pièces
2. Les personnages
IV. Curel et l'idée religieuse
1. La place de la question religieuse dans son théâtre
64
2, Conception religieuse d'après son théâtre et ses préfaces
3. Etapes et évolution
4. Sa conception
V. Conclusion.. 100
Chapitre I
La vie de Curel: les influences religieuses
François de Curel est né à Metz le 10 .juin 1854. Par son père le Vicomte Albert de Curel il descendait d'une
ancienne famille noble qui a rempli un rôle honorable dans 1*Histoire militaire et religieuse de la France.
Le village ae Burel est situé près de Joinville et l'un aes ancêtres de François de Curel a accompagné le pieux
historiographe de Saint-Louis outre-mer en qualité
d'écuyer. Si l'on accepte les théories darwiniennes de
l'importance de l'hérédité sur la vie de l'individu, qqi ont tant séduit Curel, on distingue déjà dans cette
histoire du Xlil siècle les origines de la préoccupation
des idées et de l'atmosphère religieuses oui devait éclater six cents ans plus tard dans le théâtre de François de Curel
Cet ancêtre de Curel, Gautiers d'Escuire - ou Gauthier de Curel selon l'orthographie moaerne - s'est distingué
en iigypte au moment que les Sarrasins étaient sur le point de lancer le feu grégeois contre les croisés. Nous citons
* •
ici les mots de Joinville parcequ'ils montrent jusqu'à
quel point le caractère de son écuyer était pieux, preux et croyant: "... mes sires Gautiers d'Escuire, dit-il, li
bons chevaliers, qui estoit avec moy nous dit? ainsi:
"Signour, nous sommes ou plus grant péril que nous
fussiens onques mais; car se il ardent nos chatiaus et nous ûemourons nous sommes perdu et ars; et se nous lessons
honni; dont nulz de cest péril ne nous puet deffendre fors que Dieu. Si vous lo et conseil que toutes tes foiz
c|ie il nous geteront le feu, que nous nous me tons à
coûtes et à genouzj et prions isfostre Signour que il nous de ce péril".
IL
Curel nous dit qu'il s'est souvent rappelé ces mots
quand les bombes allemandes tombaient pendant la guerre aux environs de son domicile à Paris.
Son arrière grand-père, dont François de Curel porte
le noiBj était directeur des fortifications de Sarrelouis et de Metz sous Napoléon I. Il est l'auteiir d'un "Art d'irriter
la gueule" dont Curel nous dit "J'ai le regret de dire que" le livre ne tient pas la promesse, du titre".
Son grand-père, Léonce de Curel était chasseur passioné
*
et auteur de plusieurs brochures sur la chasse, c'est de lui que Curel a hérité sans doute cet amour de la chasse et de
la nature auxquelles il a dévoué une si grande partie de sa vie.
La mère de Curel était une Wendel. Les Wendel sont
célèbres et riches depuis le commencement du XVIII siècle par leur rôle considérable dans la métallurgie française.
I. Joinville, Histoire de Saint-Louis, Librairie Hachette, * • \
Paris, p.86. Il faut se souvenir que Joinville, déjà
vieillard, p^rle ici d'événements qui lui sont arrivés pendant sa jeunesse.
forges de Hayange, situées^aux environs de Thionvillë
été achetées vers l'an 1700 par Jean Martin dé Wendel
et l'usine du Creusot fut fondée en.1781 par Ignace de Wend Au commencement du XX siècle les usines Wendel s'étaient
tellement agrandies qu'elles occupaient une population de &k)QQQ ouvriers.
Cette hérédité à la fois féodale et industrielle, reïi h
ieuse et scientifique, restera toujours évidente dans les
*
oeuvres de François de Curel. Elle éveillera en lui un
conflit qu'il ne saura pas résoudre. Gabriel Tràrieux a
j
remarqué, "Il est dans le, même minute coup sur coup moderne
-•
-et moyenâgeux, rationaliste -et catholique. C'est un Janus à deux visages."
L'enfance de Curel s'est passée à Metz où il a fait
ses études au Collège p& Saint Clément dirigé par lees pères
V
Jésuites. Toute cette partie de lavville où est situé le
collège a go.rdé son aspect ancien et conventuel. Même les noms.de sescrues étroites sont des noms religieux: rue des
*
Clercs, rue des Chanoines. Cette atmosphère conventuelle a
laissé son impression sur l'esprit du futur dramaturge.
¥•
Il y a vu et connu sans doute plus d'un des moines, des
novices, des prêtres et des religieuses qu'il va encadrer
un jour dans l'une ou l'autre de ses pièces. Nous réservons
à
4
l'at-tituae religieuse des Jésuites sur la philosophie de Curel. Il a gardé pendant toute sa vie "un excellent et respectueux
souvenir" de ses anciens maitres.
Il ne faut pas croire que toute la. jeunesse de Curel
se soit passée en devoirs d'écolier ou dans cet ancien hôtel de la noblesse XXX&IpQQQi aux façades grises et mornes, sans
ornements qui XXXXKXX e^ait le domicile des Curel à Metz.
Il passait ses vacances dans le domaine de sa grand'mère de Curel à Coin-sur Seilie. Ce domaine, avec son castel, son
parc et ses forêts magnifiques fournira DIUS f'une fois la
1
mise-en-scène d'une de ses pièces. Et sans doute il s'est
souvenu au Don aumônier au château quand il a. dépeint l'aboe Charrier au xtepas du lion.
IL par ses goûts vers la littérature et les arts; le
.jeune François ae Curel ne s'est pas montré récalcitrant
: uana sa famille a demande qu'il entrât dans la vie industri-elle. A.près avoir passé à Nancy ses deux baccalauréats il
jrenu ses inscriptions à l'Ecole Centrale des arts et aes manifaetures. C'était son dessein de dévouer Sa vie aux
affaires des usines et des forges Wendel dont il espérait hériter une grande p< rtie un .jour.
1. Théâtre complet; La Figurante, acte I: l'Ivresse du Sage; la Fille sauvage, acte III, etc.
Après avoir reçu son diplôme d'ingénieur en 1876 il va passer plusieurs mois en Allemagne à Magdebourg pour se
familiariser avec la langue allemande, ce qui était nécessaire à cause de l'annexion de l'Alsace-Lorraine où étaient situées la plupart des usines Wendel. Cette même anriexation qui l'a
r
envoyé en Allemagne a terminé son beau rêve d'être un grand
• \
industriel et a donne a 1^ littérature française un de ses grands écrivains dramatiques. Les-autorites allemandes de
l'Alsace-Lorraine avaient détendu à,tou& français d/âge militaire
r
de séjourner dans ces provinces. La décision irrévocable
s
t- -.
/ \
du gouvernement allemand a été communique a la mère de
François,de Curel dans une lettpe du Prince Hohenlohe,
r
ambassadeur d'Allemagne à Paris, datée le 15 juillet 1877. Curel la cice dans la préface du Théâtre complet.
Cette conclusion abrupte de ses espérances industrielles ne semble pas avoir beaucoup dérangé le jeune Curel et à partir ae ce moment il a passé plusieurs années, comme il nous en informe lui-m^ie, en partageant sa vie entre
excercises violents au corps et la lecture.
Les pères Jésuites l*ui avaient bien enseigné le Latin
et le Grec mais ils n'admaitalent guère l'existence d'une
T
littérature française après la fin du XVIII siècle. Il
h
s'est mis à combler cette lacune. N'ayant pas de conseiller capable de diriger ses lectures, et élevé mi-partie par des
moines, mi^partie par des ingénieurs, il a erré dans toute la
4.
littérature moderne et a fini, comme il nous dit, par aimer ce qui était digne d'enthousiasme. 1
• *
Dès sa plus tendre enfance Curel a été profondément
in-fluencé par les livres aVec lesquels on le mettait en contact • *
et même à 1'époque ou il consacrait sa vie à une carrière
scientifique il a gardé la convietmon que "tôt ou tard grâce
\ •
à on ne sait quel miracle je parviendrais à la gloire
littéraire qui me semblait la première de toutes... la seule Il commence alors à écrire.
Ce sont d'abord des romans et des nouvelles
"Ltbté des fruits secs", "le Sauvetage du grand due", "L'Or
phe^inat de Gaétan", que Curel n'a pas jugés dignes d'être compris dans les oeuvres complètes et qui sont aujourd'hui introuvables. Il a pris pendant cette époque la
décision de ne faire jamais de théâtre. Il essayait
_ h
d'écrire des romans psychologiques à la Stendhal et il lui •v
semblait que le théâtre ne convenait pas à la représentation
i
-ni de ses personnages -ni de ses Idées.
1. Préface du Théâtre complet| p.11
I
I
V
Ces premiers efforts de Curel n'ont pas .joui d'un grand succès et le jeune romancier, désirant peut-être le jugement d'un homme d'autorité sur la valeur de ses romans a envoyé
i
le "Sauvetage au grand daaM à Maurras. Ce qui nous frappe
dans ce rornan-ci c'est qu'il est écrit presqu'entièrement
en dialogues. Ceuue particularité n'a pas échappé à Maurras qui a écrit dcôis l'Observateur français au 25 avril 1889
"un malheureux vaudevilliste perdu dans la toge du romancier voilà M. ae Curel. Au théâtre ! Au théâtre ï ,., ae Curel."
bans hésiter Curel se tourne vers le théâtre
Pendant trois ans Curel a confié ses pièces aux con-cierges de l'udeon et au Théâtre-Francais. On les refuse. & n f m M. Lavoix, lecteur au Theatre-Français lui a ait que
-pas un théâtre, pccS même le Théâtre-Libre d'Antoine
n'accepterait ae pièces d'une psychologie si compliquée. C'est alors que curel a conçu le stratagème d'envoyer
a Antoine trois ae ses pièces sou^ trois noms différents.
*
i/'aDora il envoit la Figurante sous son propre nom, et ne recevant c.ucune réponse il croit que peut-être Antoine
•
le prena pour un amateur et dilletante à cause de son titre aristocratique• Aussi lui envoie-t-il l'nnvers d'une sainte
et l'.-jnour brode sous les noms ae deux ae ses amis iut toujours Antoine ne répond pas.
guère^le temps de lire de manuscrits pendant la saison des
représentations et il jetliait dans une malléoles manuscrits pour les lire pendant les vacances d'été.
Au mois de juillet 1891 Curel se trouvait à Vienne en
Autriche. On lui remet une lettre d'Antoine, adressée à
r
w
l'ami dont il s'était servi au nom , et qui accepta l'Envers d'une sainte et qui le nommai "incontestablement auteur
dramatique pour tout bon". Pour rendre complète la joie de l'auteur deux lettres sont arrivées pendant la même semaine
h
acceptant la Figurante et l'Amour broàe. Curel n'a pas laissé Antoine rester en ignorance de l'identité de l'auteur des
* *
trois pièces.
C'était l'avis d'Antoine, dont Curel a toujours respecté
P i
Jugement, qu'an dut représenter d'abord l'Enve
sainte. Car, dit-il, cette pièce gagnera pour son auteur une réputation d'écrivain* les autres pièces seront
représentées plus tard aux théâtres réguliers et lui
r
"* • «
apporteront la renommée d'homme de théâtre et d'auteur
dra-r ¥
matique. L'impression produite par l'Envers d'une sainte
sur le publique lettré à sa représentation en février 1892
montre qu'Antoine connaissait bien le monde qui fréquentait le Théâtre-Libre.
Comme galvanisé par le beau succès de sa pièce Curel
tf
écrit pendant les répétitions de l'Envers" et représentés au Théâtre*Libre en novembre de la même année.
à
Cependant les grands théâtres commencent à reconnaitre
w
la présence d'un nouveau dramaturge d'importance» Moins de
t
deux mois s'écoulent entre le htpas du lion et la représentation
f1 H
de Xa Figurante Vaudeville
Ïhéatre-Frangals, qui a si longtemps refusé toute pièce de
4
ri *
Curel, qui accepte l'Amour brode. Tous les directeurs de ce
*"*
théâtre n'étaient pas en faveur de représenter une pièce de
, ,
s-r
Curel, mais les demandes du public les ont poussés au point où il ne leur était plus possible de refuser au jeune auteur la
r L -, •.
-scène la plus importante de la France. Avec des pressentiments» peut-être à cause déune cabalei on accepte la pièce que
• r
Curel apporte. C'est l'Amour brode» représentée le 25 octobre
1893. Cette pièce» crée par une
exceptions lie, a connu une chute mémorable qu'on peut comparer à celle de Pertharite.
Ayant atteint en 1894 la quarantaine Curel peut enfin résider tout le temps qu'il veut dans ses terres situées
en pays annexé. Fâché peut-être de 1* chute denl'Amour
brode" Curel fréquente ae moins en moins le monde
parisien du théâtre et passe de longs mois au cnâteau de
'**>
Ketaing ou à Coin-sur-Seille au milieu des forêts et des bfctes.
V
connut une réussite complète. Cependant "la Fille sauvage"
V
t "le Coup d'aile", représentés, l'un en 1902, l'autre en •.
J
1906 n'ont éveillé aucun intérêt chez le publigu*r. Curel
•
nie que cette indifférence publique lui ait causé du chagrin
Néanmoins de 1906 jusqu'à 1914 il n'écrit pas de nouvelles
*
pièces.
Dans l'historique de "l'Ame en folie" il explique
F
1
ce long silence en l'attribuant à ses devoirs de forestier
et de maître d'un grand domaine féodal. Ses écrits de cette époque se composent de remaniements considérables de ses
pièces, surtout de "l'Amour brode" dont la chute avait
*
semblé irrémédiable et qui est devenu enfin "la Danse
devant le mdrroir" représentée en 1914 quelques mois avant la guerre avec un succès éclatant.
Prévoyant cette catastrophe qui allait accabler le
monde entier Curel a quitté son domaine de Coin-sur-Seille
•
trois jours avant la déclaration de guerre, emportant
r
avec lui le manuscrit de l'Ame en folie qu'il venait de
terminer. De 1914 à 1917 il reste en Suisse ou il recontre le grana écrivain suisse, Carl'Spitteler. Il avait eu :
l'intention de se servir de cet homme pour modèle du héros ae la comédie au génie, mais il a terminé la pièce avant
de faire la connaissance de Spitteler. S'il y a un modèle pou» le personnage de Félix Dagrenat c'est Curel lui-même.
La guerre terminée et le retour de la Lorraine assuré la patrie (qui a dû être une joie énorme pour Curel) tout le monde, ses amis et le public le poussent à l'Académie.
Sa réception en 1919 (il a succédé au dramaturge Paul Hervieu) a été suivie de le- representation.de l'Ame en
r
folie, jouée pendant deux cent représentations consécutives
t
-au théâtre des Arts. En même temps les -autres scènes de sont occupées de-B nouvelles versions de la Fille
sauvage, du Repas au lion -et de l'Envers d'une sainte, écrites pendant les longues années de retraite et de
s
méditation. A ce cte époque Curel assiste à sa propre apothéose &n 1922 Curel présente Terre inhumaine, sombre drame
de la guerre et l'Ivresse du sage, comédie dans la tra-aition de Molière.
En 1925, se£t ans après la fin de la guerre, à une
heure où le monde commence à questionner la valeur de ses victoires, il fait représenter "la Viveuse etvle Moribond" En 1927, peu avant sa mort, il écrit "Orage mystique"
ri-où il est question de la survie.
Curel avait alors soixante quatorze ans et jouissait d'une santé se vantait lui-même de
1 n'avoir 5pûfiXXX pas un cheveu blanc
En décembre 1927 comme il se rendait au théâtre des Arts une 2
l'a renversé. n s'est relevé en souriant mais
V.
il ne s'est jamais entièrement rétabli. Il est mort à
V- '
en 1928. Comme s'il avait prévii sa fin il a appelé 3
e mystique sa dernière nièce.
2. Kodolpne Darzens - 1Ô Liberté, 28 avril 1928.
-h
Quelles sont les influences religieuses et philo-sophiques dans cette vie d'aristocrate, partagée entre
V
les boulevards, les théâtres de Paris et les forêts de la
*,. • i
TA
raine ? Nous avons déjà indiqué le rôle de l'hérédité sa vie, Il a subi dans sa jeunesse une' influencé qui a continué penaant toute. sa vie, une unf luence
dont Curel lui-même n'a pas entièrement reconnu l'importance
w
ni même la présence. C'est ceile des pères Jésuites du
collège p4 Saint-Clément.
*
L'ordre des Jésuites, fondé en 1539 en Espagne par
St. Ignace de Loyola au moment au^ Martin Luther en
Allemagne se révoltait contre l'Eglise s'est toujours rangé Au côté ae l'activité et de l'énergie. Loyola a
* _
cru que le prêtre qui devait avancer la religion dans
le monde dût savoir, vivre en dehors de la vie de monastère. -*- .
Les Jésuites.ont toujours trouvé leur sphère d'influence
. / • ,
et d'action dans le monde actuel. Par ce goût de l'activité
* \
ils s'opposent au quiétisme et au jansénisme du XVII siècle
%
C'est ce goût de l'activité, cette croyance dans
la valeur de l'énergie qui a eue une si grande influence r
w
rir
sur François de Curel. S'il n'a pas gardé intacte la théologiefdes Jésuites après avoir quitté le Collège^T
é
»
moins, qu'il a trouvé une attitude envers la vie, une méthode de penser qu'il
a toujours.
Dans un dans la Revue hebdomadaire
de janvier 1902 tionné Curel sur les sources littéraires de son oeuvre. Curel a nié que ses pièces
*
procèdent surtout d'Ibsen, somme l'avaient diÈ plusieurs
4 •
critiques, et il a avoué que les écrivains qui l'ont le V v
inluencé sont les russes, Tolstpi et Dostoiewski.
"Alors, dilF M. Pascal, vous êtes pour la douleur, pour la. pitié et la sentimentalité eplorée des russes ?" Curel
a reponau, "Pas du tout. Je suis pour l'énergie, moi."
ri- *
r
On a souvent parlé de la psychologie cornélienne de
^
ançois de Curel. Il faut se souvenir que Corneille, lui
-* S •
* •
aussi, t». été l'élève des Jésuites. Par leur énergie
abon-dante et par leur puissance morale, Albert Donnât, Marie,
• . > • '-'
la fiile sauvage, Julie Renctudin et Jean de Miremont
, m
sont vraiment semblables à l'Horace, le Polyeucte et le
Cinna de Corneille. Cette psychologie qui exhalte des hommes
X" rih
-F
et des femmes qui savent régler leurs vies ou pour le
bien ou pour le mal, vient d'une inclination de l'esprit, si
qui,velle n'a pas été causée par les Jésuites, s' fixée sous leur instruction.
Curel, quoi qu'il ne parle pas beaucoup de l'influence des Jésuites sur son caractère, ne les a jamais perdus de
vue. Pour montrer qu'il n'a jamais cessé de s'intéresser à leurs affaires il a pris d'une publication illustrée
* *
dis pères Jésuites belges les documents dont il avait 1 besoin pour créer, les costumes de la Fille
1. Félicien Pascal - Interview Revue hebdomadaire, janvier 1902
Sn 1902 il ait des Jésuites "Jai été leur élève. Je dois
dire qu'ils n'ont jamais témoignés la moindre intention
ri
W
de m'attirer à eux quoiquiils connussent la fortune de ma famille. Ce sont d'excellents professeurs. Ils m'ont très bien préparé aux mathématiques. En littérature ils sont
ri-' i
plus timorés qu'il ne faudrait peut-être. Cependant ils
donnent de bons fondements par leur enseignement approfondi des classiques. Et je leur sais gré de m'avoir laissé
2
prendre connaissance par moi-même de la littérature moderne. En-effet les pères Jésuites lui ont donné bien plus
qu'un " enseignement approfondi des classiques". Leur
enseignement a contribué à la création de cet esprit qui a conçu des personnages qui peuvent dire avec le Cinna
F
ri
de Corneille "je suis maître de moi comme de l'univers". Une troisième influence religieuse, qui s'ajoute
a eel£ s de l'hérédité et de l'éducation Jésuite, influence religieuse si l'on emploie ce mot dans son sens le plus
ri
vaste, dans le sens que Curel l'aurait employé, c'est celle de la nature, des étangs et des bêtes et surtout
de lct forêt.
f
r l
peintres primitifs qui dessinaient des scènes
< i
avaient toujours soin d'ouvrir une fenêtre sur 1 ri r *
Cette fenêtre ouverte est la source de la
du tableau et, par là, la source de beaucoup de son * Presque toutes les pièces de Curel ont, elles
aussi, pour ainsi dire, leur fenêtre
m>mwwm*mmm
sfcèrte au delà de laquelle on a la conscience de la forêt.
C'est une belle forêt sauvage, aux arbres verts de grande
r
4
i J
, aux taillis épais. Pour le lecteur cette f
entrevue est la souce d'une grande partie du charme de 1
y
*
-el. Elle en fournit l'atmosphère et même quand il d'une pièce aux personnages peu sympathiques, on
f
èe sent aux environs de la beauté. Et pour l'auteur lui-même !<-. forêt est la grande source d'Inspiration.
çois ae Curel a vécu son enfance au milieu
des lorêts. Il aurait pu dire, comme Jean de Miremont
»
r
le Repas du lion: "Mon enfance entière s'y promène " Dans le temps où les allemands lui ont refusé
le -permis ae rester dans la Lorraine il nous dit qu'il ses jours entre la lecture et les exercises
violents du corps. Que sont-ils ces "exercises vio
1. Conf. - H. Bordeaux, Portraits d'hommes, LIb. Pion,
*
du corps" ? Sans aucun doute Curel parle ici de la chass • /
qui était la grande passion de sa vie. Mais il est plus
4
qu'un simple chasseur. Il tue il est vrai des cerfs et des
4- "^
sangliers, mais surtout il trouve dans la forêt elle-même
•
r
4-un certain je ne sais quoi qui le rend heureux, qui lui donne
41
r
le sentiment de se trouver chez lui.
w
Au commencement de sa carrière de théâtre, qui a
•«
nécessité sa présence à Paris il a tant senti le besoin
J
I
des forêts que son père lui a acheté la terre de Marmouset près
•
de Paris» Là| entouré des grands domaines des Wagram et
des Rothschild, il a pu chasser et marcher au milieu des 1
forêts et en même temps ménager ses affaires à Paris.
w
Après la chute de l'Amour brode et la froideur publique à l'égard de la Fille sauvage il va passer huit années
entières dans ses cMteaux dâns-^r^Lorraine. Quest-ce
r
que cette longue absence du monde du théâtre si ce n'est
"• •
une espèce de retraite religieuse. Le moine se renfermé dans sa cellule pour méditer et pour prier. Curel cherche la
•
santé morale en chassant et en méditant auX" milieu^ de la nature.
Selon les historiques du Théâtre Complet Curel a souvent commencé à écrire une pièce inspiré par une seule i
1. P.V. Stock: - François ~e Curel anecdotique; Mercure de France 15 novembre 1933.
Ces images lui arrivent le plus souvent quand il se trouve
dans la forêt. am
l'un de ses gardes il conçoit l'acte premier de la Fille sauvage. "Quel dommage, dit-il, que nous ne soyons pas
venus au monde deux mille ans plus tôt... IL y avait alors dans ces bois des filles sauvages" 1
Lans la même pièce se trouve la célèbre image du
peoit coucou, un jour que Curel escaladait une montagne
accompagné d'une très petite fille, l'enfant se trouvait fatiguée et ne voulait plus-essayer de monter, A ce
moment on entend au sommet de la montagne un coucou
dont le chant trompeur entraine l'enfant jusqu'au' cime.
Ce chant du petit coucou, c'est l'idéal qui amène l'humanité à des efforts prodigieux. Et si, ayant gravi la montagne
il n'y a pas de petit coucou... Curel explique.les ré-sultats de cette découverte dans la Fille sauvage.
Le Hepas du lion, nous dit l'auteur, est né sur les oords d'un étang où il a vu tout à coup les eaux
s'agiter d'un grand courant intérieur,' comme si elles
sentaient le travail souterrain des mineurs qui venaient
transformer les belles forêts selon les besoins destructifs de l'industrie moderne. i£-st-ce le mem- étang qui a fourni
l'image des nénuphars qui, sous les eaux demeurées
tendent désespérément leurs tiges vers le soleil, comme l'âme se tend vers l'Infini ?
i
Les images, les comparaisons, la poésie et même
-la philosophie essentielle de François de Curel se trouvent dans la nature. I y a vécu en chasseur, J savant
et en philosophe. De sa connaissance de la forêt il a tiré h
m
non seulement des images inspiratrices et des émotions
reli-4^
gieuses et mystiques mais aussi des leçons de civilisation. Uhomme, comme l'arbre, vit en société. Si un seUl arbre
dépasse en grandeur les autres arbres de la forêt, ?;**;**
voyez quelle leçon A«[urel tire de ce fait. C'est Georges
Broussard qui parle à Jean 'de Miremont: "Vous avez
trop pratiqué £ s forêts, dit-il, pou ignorer que danà
P
%
un semis, dès qu'un jeune arbre dépasse les autres, fut-ce de l'épaisseur d'un fil les autres ne le rattraperont
pas. Il montera dans la lumière, voleur inconscient du soleml. Dans l'humanité il y a également des plante^
1
voraces. Tout les aide à dominer." Une image empruntée
4"
à la chasse, celle du lion qui après avoir dîné laisse
aux chacals de quoi manger, a fourni même le nom de cette * \
pièce.
Dans l'historique de l'ilme en folie Curel nous
révèle dans son intimité sa vie de chaque jour. Il se lève de bonne heure bien avant l'aube et se rend à la
Là il passe plusieurs heures à marcher sans bruitj à 14 manière d'un indien, en épiant les bêtes dont il
con-à merveille toutes les habitudes. Il sait le
r selon la direction du vent, il sait les bruits s effrayeront et les bruits qui les attireront
ri
F
curiosité ou par amour.
L'amour chez les bêtes l'intéresse surtout* Par
H
quel procès d'évolution et de transformation le rut
devient-il l'amour de l'homme ? Ce problème l'a tant intéressé qu'il commence à écrire un livre
scienti-t
/'
sur le sujet. Il le trouve un peu ridicule et finit par écrire une pièce l'Ame en folie, où il exprime par
voix de Justin Rlolle les idées qui lui sont venues en observant les bêtes. L'homme, décide-t-il, surpasse
n -•
4-les bêtes à mesure que la morale s'ia^espose entre la ion et sa satisfaction. Ayant parcouru toute la
1
4-philosophie il ne se retrouve pas loin du Christianisme. Comme sa vie approche de sa fin François de Curel
'intéresse de plus en plusaux questions de la mort et *. \ • \
la survie. Celle-ci est le sujet de sa dernière pièce,
' • v*
Orage mystique. Suivant son impartialité habituelle il ne se rcinge ni du côté du Dr. Tubal, sceptique, ni du
é de Pétrel, poète et croyant. Nous réservons à un futur une discussion de la foi de François de Curel.
Il s'agit ici seulement dindiquer une dernière influence
4
T
religieuse. Celui qui a traité toujours d s questions
empruntées à la vie se pose enfin le plus grande question, celle de la mort. Il n'en avait aucune peur, seulement
une grande curiosité.
i *
Jusqu'au matin de sa mort il a continué sa vie de
chaque gour et, suivant les mots de Le Goffic "la mort
vint le frapper, comme lui-même avait frappé ses fauves,
•
d'un coup au coeur bien ajusté".
rii
Son ami Paul Haynal est venu le soir de ce même
jour faire ses adieux aux restes du poète. Le crucifix
aux mains, le corps de François de Conel reposait dans son cercueil. M. Raynal a dit "Vous étiez ce matin mon
confrère et ce soir vous êtes le confrère de Racine". 1
J
Chapitre II
Source des Idées philosophiques et Religieuses
Dans la préface du Théâtre complet François Curel S*"
nous informe que les pères Jésuites du Collège ^Le Clément à Metz lui avaient bien enseigné la littérature latine
et grecque et la littérature française de la période
classique. Il nous dit qu'il avait lu et aimé surtout le
théâtres* de Corneille et de Racine. En discutant les sources des idées philosophiques et religieuses de Curel il
nous faut d'abord examiner les pièces de ces deux
grands écrivains pour voir jusqu'à quel pipint ils ont influencé la ohilosophie de Curel.
Quant à Corneille il n'est pas difficile, corime
beaucoup de critiques l'ont déjà remarqué, d'apperçevoir son influence sur Curel. Depuis que cette influence
est peut-être la plus forte de toutes les influences littéraires dans son théâtre nous allons l'examiner
longuement
Corneille est célèbre ..surtout à cause de la
moralité de son théâtre et puisque la moralité est une partie essentielle de la religion, une discussion de
l'in-fluence de Corneille sur Curel n'est pas en dehors du but ue cette thèse.
dans l'empire de la volonté sur les passions. Corneille
4i
pose toujours des problèmes moraux et des cas de conscience
Les exemples sont rares et la beauté des problèmes vient
i
de ce que le* héros,"cependant est libre et presque
*
F
clairvoyant. Il examine les deux devoirs mais enfin il
*?• «
-discerne le vrai devoir du devoir spécieux. Et après avoir choisi il ne regrette jamais d'avoir suivi le vrai devoir. Rodrigue, par exemple, le coeur saignant de son sacrifice,
% •
dit à.Chimène, "Je le ferais encor si j'avais à le faire".
-*^î. :
Polyeucte, survie point du martyre, fera ma même réponse
-r I
-- ririV
à Pauline; et le jeune Horace ne regrette pas le meurtre
de sa soeur. Ces personnages «ont l'intelligence qui peut discerner le bien et la force morale qui soutient le choix
4
Voyons, maintenant, jusqu'à quel point la moralité
*
de'Curel ressemble à celle de Corneille.
La première pièce de Curel représentée sur la scène
*
•
ri*
est "l'Envers d'une sainte". Julie Renaudin, héroïne de
la pièce, ayant essayé de tuer sa rivale se retire ^un couvent pour se punir. Après la mort de l'homme qu'elle
rir
avait aimé elle revient à la vie mondaine. Trompée encore une fois par la force de sa jalousie elle essaye de se
venger sur sa rivale en ruinant le mariage attendu de la fille de celle-ci. Mais quand on lui révèle la vrai cause de cette action (elle s'était déçue en pensant
qu'elle sauvait la .jeune fille d'un mariage avec un
•r
homme.indigne) elle avoue sa faute, renvoie la jeune
femme à son fiancé et va expier son crime .en retournant
4-passer le reste de sa vie au couvent.
Julie Henaudin n'a pas la clairvoyance d'un héros
w - * •
de Corneille. Il faut qu'un autre lui fasse discerner le
s
bien du mal. Mais une fois qu'elle voit la vérité elle
possède cette volonté toute corne-pilienne qui peut
dominer même la plus forte passion.
&ean du lion" fait serment de dévouer sa vie aux ouvriers pour expier un crime de sa
4r
jeunesse. Il devient chef d'une organisation d'ouvriers \
4-chrétiens mois, convaincu par les raisonnements de son
-beau-frère qu'il doit devenir capitaliste il. n'hésite pas
w I
à avouer son dessein aux ouvriers eux-mêmes. A la fin de la pièce il est devenu un des plus grands industriels
de la France. Il a suivi ce oui lui a semblé le bien avec une puissance de volonté qui est digne d'un Auguste. Il
faut se rappeler, cependant, qu'il trouve sa moralité, non pas dans le christianisme, mais dans la nature. Par
cela il est bien différent du Héros ae Corneille.
L'
Le jeune Hobert des "Fossiles" se trouve en face •r *
f
d'un problème moral des plus aifficiles. Il trouve que son
père a été l'amant de sa femme.. Il lui faut décider s'il 4h
J
perpétuation de sa race. Déjà mourant de la tuberculose il
retourne du midi au froid épouvantable des montagnes du nord, sachant bien qu'il se suicide. Par sa-mort il résoud la
querelle de sa famille et assure l'éducation de son fils.
Lui aussi, il a choisi le bien et rien ne peut "le détourner.
41
ri-La pièce contient encore un exemple d'une volonté toute
,^
-puissante. Par son testament (dont les premières lignes
vienrient du testament de cet ancêtre de Curel qui avait
4h
accompagné Joinville outre mer) Hobert demande j%é sa soeur
*
-rii
ri
-'* >' * ~
rih
qu'elle dévoue sa vie à l'éducation de son fils enfant. Celle-ci, jeune et belle, qui pourrais'attendre'à un
ri"
mariage heureux, accepte sans hésiter ce long devoir pénible
1£.
Il faut que le bébé soit un représentant digne de la race.
Comme son frère avait choisi la mort pour accomplir ce qui - -»
lui avait semblé le comble du bien, elle est prête à
* * *
— r
dévouer sa vie à ce même bien.
Blanche Kiolle de "l'Ame en folie" devient amoureus
d'un jeune-.-homme. Elle dompte sa passion et reste fidèle à son mari. Elle ne choisit pas entre deux devoirs, il
4r
est vrai, mais elle a la volonté de choisir le devoir au lieu de la passion.
4*
Le Dr. Albert Donnât de "la Nouvelle idole" trouve
qu'il a inoculé le virus du cancer à. une jeune fille. Pour expier son crime, et pour étudier plus exactement
riF
Il nous fournit encore un exemple d'une volonté presque surhumaine„
Les héros cureliens n'ont pas la clairvoyance des héros
y
de Corneille. Cependant ils arrivent en général à discerner
•J ^
le vrcti devoir du devoir spécieux. La moralité de Curel s'accorde, alors, deux points sur trois avec celle de
I
Corneille. Les héros de tous les deux ont la volonté de
v*
choisir et, de suivre un cours. Ayant fait le choix ils n'ont
•s'-ri"
pas de regrets. Cependant, et sur ce point les héros de Curel
4h rifr
diffèrent extrêmement de ceux de Corneille, ils ne choisissent
pas toujours le'bien que la morale chrétienne aurait indiqué. Racine était l'élève des -s-eégeews dé Port-Royal.
Où-Corneille accentue la volonté de l'homme, Racine accentue
• - H —
sa faiblesse et exalte le pouvoir de Dieu qui seul peut le
sauver. L'Auguste de Corneille peut dire "Je suis maitre
• *
de moi comme ue l'univers". Les héros de Racine sont moins
- J
puissants. Ils pèchent et ils meurent à cause de leurs péchés
H
l-Il faut que Dieu les aide et les garde des résultats de leurs passions. En effet, on est toujours conscient de la
-t
présence de Dieu dans une pièce de Racine. L'Etre Suprême
* •
omme un acteur qu'on ne
§>
\
i- '' *- '
force•
Il faut avouer qu'on a rarement la sensation de la
n.
présence de Dieu dans une pièce de Curel. Ses personnages
Fius les personnages de Curel ressemblent à ceux de Corneil^ diffèrent de ceux de Racine. L'influence de Racine
.E
/ . X
n'a pas ete exercéeni sur la philosophie ni sur la religion
ri
ae Curel mais sur son"style et sur son sens de ce qui
i. T
.1
convient au théâtre.
Il iious semble qu'une discussion de cette influence
- —» ni
n'a pas grande place dans cette thèse. Il suffit de dire que
ri- •
la clarté du style curélien, les réductions du nombre de
personnages et l'élimination de matière superflue dans les nombreux remaniements de son théâtre, tou^ indiquent
l'in-s
fluencé de Racine. Pér son style clair et raisonable Curel est de l'école classique.
N-Cette courte analyse ne l'influence de Raviné nous
•m
mène à examiner l'influence dû plus grand écrivain chrétien
r
eux de la France _ Pascal_ et, pai^Là, à examiner
l'Importance du christianisme comme une des sources des de Curel.
Quelles sont les théories fondamentales de la
ri
théologie chrétienne ? Il est très difficile de les
4
préciser à cause du grand nombre de sectes qui sont nées
- j
is la Réforme. îtfou's nous bornons, donc, au catholicisme,
•
il ne semble pqs que Curel se soit intéressé au protestantisme), et surtout au catholicisme de Pascal.
Pascal est le seul théologien Mentionné directement dans 1
le théâtre de Curel .
Pascal a destiné son livre aux libertins.qui se
moquent de tous ceux qui se croient en possession de la
i
T
vérité aDsoiue. Il aurait commencé son livre (s'il avait
4F
pu le mettre en forme final*) par une analyse de la
psychologie humaine. De cette analyse sortirait une énigme
l'homme est faible et misérable mais - il a des aspirations \
4'4niesurées de grandeur. Comment expliquer le problème ? Les philosophies, dit Pascal, sont de deux types: le
pyrrhonj.sme de Montaigne qui ne voit aue la faiblesse de l'homme et le stoïcisme qui .n'en voit que la grandeur. On
F
41
commence, donc, à chercher dans les documents historiques la solution de l'énigme. On arrive à la Bible, on
apperçoit le christianisme et tout s'explique. Le dogme de
1
w •"
la Chute explique la misère et les souvenirs de la créature déchue expliquent les aspirations de grandeur. Le
de la nédemption légitime les aspirations. La. théologie chrétienne, donc, explique la nature de l'homme et la foi
lui donne l'espoir d'une félicité future. Pascal aurait ajouté, sans doute, des épreuves de la vérité historique
™ 4F
de Jésus-Christ, des miracles et de 1' Eglise. -i
Curel, homme moderne et savant, n'accepte pas dans
4P-leurs simplicité les idées de Pascal. Le dogme de la
chute, telle qu'on le trouve dans le Genèse, il l'aurait
t
surtout dans "la Fille sauvage". Marie, la fille sauvage,
r
qui résume dans sa courte vie toute l'histoire de l'humanité
procède de la sauvagerie à la foi, de la foi à la raison, de la raison au doute et du doute au barbarisme raffiné.
*
Lt même dans son état final on sait qu'elle garde des
•D
t
souvenirs d'un bonheur passé et l'espoir supprimé d'un bonheur futur.
Albert Donnât dans "La nouvelle idole" par son célèbre
^4-bole des nénuphars représente presque exactement les
ri
aspirations de grandeur. On croit que Curel, en écrivant
s-4
ces lignes, se rappelait les "Pensées" de Pascal.
Curel / reconnaît, comme Pascal, iba nécessité de la foi
- r
quoiqu'il n'accepte pas dans son entier#£è la philosophie cnrétienne. Curel est, on peut dire, comme Pascal qui est encore troublé par des douces. Les causes de ces doutes
ri-4 '•
• h_
viennent de la science, bien plus avancée aujourd'hui
ri
m
qu'à l'époque de Pascal, dont nous discuterons plus tard
4-ri>
l'influence.
4F
Il y a d'autres influences du christianisme dans
*
le théâtre ae Curel qu'il faut ajouter à celle de la théologie de Pascal. La moralité de Jésus-Christ, 1
de sacrifice de soi-même est souvent évidente dans son
théâtre. La mère Amélie, le père Maximin, le Dr. Albert
- i
sacrifier pour, l'humanité; l'abbé Charrier dévoue sa
vie aux pauvres; Robert des "Fossiles" choisit la mort
41 4 *
pour assurer la perpétuation de sa race. Tous ces personnages
-sont présentés avec une sympathie qui révèle avec quelle
*
admiration Curel a regardé l'essence de l'éthique
JF
chrétienne.
D'autre part, l'idée chrétienne d'expiation se trouve
dans les personnages de Julie Ranaudin, Jean de Miremont
.1
et Albert Donnât.
i£n général on peut dire que Curel a trouvé beaucoup
de ses idées dans le christianisme, qu'il les présente ^ _ A . J
avec sympathie mais qu'il présente a cote d'elles le point
rir
41
de vue matérialiste.
Curel a trouvé de ses idées dans la littérature du
XIX siècle. Il nous informe dans la préface du théâtre
4F
F
complet qu'il a commencé sa carrière en écrivant des romans parcequ'Il voulait étudier la psychologie, à la Stendahl.
4
Il me semble que l'influence ae Stendahl se fait sentir une seule pièce, "L'envers d'une sainte". Par la
* —
subtilec analyse psychologique ae l'âme de Julie Renaudin,
4 F
-et par la comparaison de 1^ vie ecclésiastique avec la
vie mondaine on peut voir l'influence de "Le rouge et le
- ».
noir". Après cette pièce de sa jeunesse Curel procède^à^ des nouveaux problèmes. L'influence de Stendahl a été
exercée surtout au commencement de sa carrière et elle a
41
i comme une inspiration. Le Curel de "La Comédie
énie" est,très éloigné, du Curel de "l'Envers-". Il a trouve de nouveaux intérêts, de nouvelles idées et Stendahl n'est qu'un souvenir de sa jeunesse.
Curel a senti aussi l'influence de Zola. Puisu'il
écrit pour le Théâtre-Libre, centre du réalisme de la
ri
scène française vers la fin du siècle et puisu'éâ y
représentait des romans dramatisés de Zola il est naturel que Curel en ait senti l'influence. Cette influence se
_-riH ^"^
>
W
remarque surtout dans "le Mepas du lion". L'intérêt dans \
4»
les problèmes de la société, le grand nombre de personnages
rii
*
et la portée de la pièce ne peuvent que rappeler "Germinal"
* *;*..#..t.t:t:?-:f.*rr*:*:#
J ^ 3 ^
" 4r
et "l'Assomoir". Cependant, Curel développe
riF ^
lé problème d'après ses propres idées et théories. Comme
rii
dans le cas de Stendahl, l'influence n'a pas continué et
elle a agi comme une inspiration plutôt que comme une source d'idées et de pnilosophie. Pour trouver les vraies souces
rnes de idées de Curel il faut se tourner vers la
ilosophie et vers la scienee de Comte, de Spencer et de
-rii
Darw in.
Auguste ComCe est l'auteur de la philosophie
positiviste. D'après sea théories l'humanité a passé
par. trois phases: la phase théologique, la phase métaphysique W
a w
l'enfance de la race, l'esprit enfantin de l'homme a
41
besoin <de la divinité pour expliquer le mystère de l'univers,
4>~
Plus tard, dans la phase métaphysique, on adopte l'idée que
tour s'explique par des forces abstraites maiks. mystérieuses.
4 —
-1
*—
-r
Enfin, on arrive à la phase positiviste, où tout s'explique
~ -
•-par les sciences positives: les mathématiques, l'astronomie,
ri"
la physique, la chimie, la biologie et la sociologie..
• •
Cette dernière science n'a pris que récemment sa place parmi
ri t
les sciences positives. Quand elle sera établie fermement l'humanité pourra se diriger par méthodes scientifiques et
F —
elle arrivera à un état parfaitement heureux.
- -i
On croirait qu'il y a peu de place pour la religion
4F
dans une philosophie qui nie tout ce qui ne peut pas être
• »,
étuaié par la science. Cependant, Comte ne 1*élimine pas
entièrement qe sa philosophie. Pour la religion traditionelle il substitue la "iteligion de V Humanité". Le monde
\
ieur n'a pas de valeur intrins£que. Il faut l'étudier
ri ^
scientifiquement pour développer l'humanité. L'humanité est la seule chose étudiée par la science qui a une
signification morale et elle doit être le vrai ob.ject de
cette adoration que le monde a toujours dissipé sur un Dieu
*
-4 T
-qui n'existe pets.
Il y a des indications que cette dernière idéee de
4»
Comte a influencé Curel. Curel'n?est pas cynique et il a
pv>**-~
ri-doutes M Inexistence de*Dieu, mais sentant le besoin d'un
summum pour diriger la moralité de la race humaine il a crée plusieurs héros qui adorent l'humanité quoiqu
soient sceptiques à l'égard au christianisme. Par
exemple, Jean de Kiremont dit à la fin du "Repas du lion"
riF - i
I
"Je suis certain,pourtant, d'avoir marché vers le progrès".
*.
Le bonheur de l'humanité est, ennépit de son arrogance de grand nomme, le but de tout son travail.
r
Paul Moncel, savant et sceptique, essaye toujours
4h
d'améliorer la condition des hommes. On connait avec
/s _ _ v
quelles douleurs il a vu la chute de tous ses rêves a
l'égard de la. civilisation des -africains'. Ayant perdu la
foi religieuse il n'a pas perdu son sens moral et le bonheur
4F
de l'humanité fournit l'inspiration de cette morale.
4P *
Le Lr. Albert Donnât est le plus saillant exemple
ue l'homme moderne pour qui l'humanité est l'ebjet
d'adoration. Il est vrai, comme indique le titre de cette pièce-ci, que la science est la nouvelle ftdole. Biais le
rii
1
péché du docteur, comme il le reconnaît lui-même, c'est
rii
J
d'avoir accepté la science en idole. La science, en effet, n'est qu'un outil dont en se sert pour aider V humanité
Là idole est l'humanité elle-même. 1
li Pour une discussion en détail de cette adoration de numa; IV de ce livre.
*rangois de Curel a passé une grande partie de sa vie à
la campagne dans les forêts de sa Lorraine natale. Il est
4i
E
naturel que les longs jours qu'il a dévoué à la chasse aient produit en lui un intérêt dans la nature et que cet intérêt l'aii mené à étudier les théories du i rand biologiste an
4
Charles Darwin et du philosophe Herbert Spencer.
Charles Darwin, en publiant le "Origin of Species"
au'milieu du XIX siècle a commencé la grande bataillé entre la. science et la religion. Quoiqu'il n'ait pas attaqué
me la religion beaucoup de philosophes qui ont adopté
f
ses théories les ont portées à des conclusions définitivement
/
matérialistes. Même Spencer, qui n'est pas athée3 est très
loin d'accepter les dogmes de l'église traditionelle.
t
-Il faut examiner les théories de. .Darwin et de. Spencer avant
ri-
4-d'essayer de trouver leur influence sue le théâtre de Curel.
Charles Darwin, il faut se rappeler, n'est pas
philosophe.. Il est d'abord et toujours savant. Si ses
décou-^ 4
vertes ont eues uni effet malheureux sur beaucoup de gens, il
riF
I
*
n'a pas produit cet effet de parti pris. Savant dans le meilleur sens de ce mot, il n'a que décrit et expliqué
r
ce qu'il a vu. Il cherche la vérité absolue et les ' implications de cette vérité ne l'ont pas empêché de l'exprimer.
ri
r
la célèbre théorie d/évolution. D'après cette théorie tout est arrive à son état actuel par une suite de petits
4P-•4F
changements. La vie est une lutte, et seules les bêtes qui sont en état de remporter la victoire dans cette bataille,
.-*•
-continuent à vivre et à reproduire. Les caractéristiques
qui les aident à survivre sont hérités par leurs petits.
QM procèsso^naturel a produit les espèces d'aujourd'hui.
4
... Ce qui a choqué les amis de la religion dans cette
•
4-théorie, c'est que l'homme y est considéré comme membre
de la famille animale. L'homme même est un produit de l'évolution, théorie qui exclu\toui<e possibilité d'une
:.^V
origine divine pour l'humanité.
Si Charles Darwin est le ss.vant de l'évolution,
Herbert Spencer est son philosophe. Darwin était biologiste; Spencer est l'interprète qui a appliqué le darwinisme à tout l'univers.
*
- 7
Spencer commence sa philosophie par un ex?men de la
•ri-•4F
métaphysique, et il conclut que-l'cbsolu ne peut être connu
. /
par l'esprit limité de l'Homme. Quant à l'existence de
c
— rii
I v
Dieu, l'origine de l'univers et sa nature essentielle, a
il trouve que toutes ces questions sont sans solution.
ri-On arrive toujours à une énigme. Il faut, donc, se
ri
borner à l'étude de ces choses qui sont connaissables. Spencer ne nie pqs l'existence de Dieu, mais il dit que
•**•
h
i.
par les mots "Je ne sais pas".
Darwin n'a appliqué ses théories qu'à la biologie.
upencer a essaye d'expliquer tout par l'évolution _ du
déve-riT
loppement de l'univers sidéral jusqu'à l'organisation de
rii
la société moderne. Les^ mêmes forces qui ont produit les
espèces végétales ont produit la société complexe d'aujourd'hui En général, dit Spencer, l'évolution est une transformation
de la matière d'un état simple et homogène à un état
* 4 I
complexe et hétérogène.
Aujourd'hui, quatre-vingt-dix ans après la publication
41
4h
de "l'Origine des espèces", nous avons accepté l'évolution
/
comme Un fcdt, quoiqu'on ait souvent questionne les
expliCcitions darwiniennes de ce fait. Il n'y a cucunc doute que Curel a accepté cette idée à l'heure de la
re'présen-y
>*
r F
r
4i
tation du "Hepas du lion", vers la fin du XIX siècle quand l'église luttait encore contre les doctrines de
/
Darwin et de Spencer.
On ne sait ni par les pièces ni par les préfaces des
premières comédies de Curel s'il a accepté le darwinisme. Il y a beaucoup de psychologie et peu d'idées générales
trois
dans lesAoremières KXMftfflOffi pièces. Avec "le Hepas du
t
lion" les idées occupent une place plus importante
• i
(on pourrait dire une place dominante) et l'évolution est
r #
"Le repcis du lion" est très naturaliste. Son
idée centrale fait une comparaison entre l'homme et les bêtes. Jean la vie comme une
grande bataille où les forts sont importants et les
G»
faibles ne comptentTpour beaucoup. La vie est une lutte,
une lutte continuelle et si la nature vous a favorisé en
-a.
-vous plaçant parmi les forts, il faut agir en accord avec
vos tendances naturelles. La plus haute moralité, c'est
4i
d^être fort. Cette conception de la vie comme une lutte
rir 41
-. *
-4 - - -4;-4;i
vient de .Darwin; son application à la vie sociale vient de; Spencer. Les implications morales qu'il y trouve sont les conclusions de Curel lui-même.
4F
f
ri
"Les Fossiles" avec son accentuation de la chasse,
ri
r
ri
ri
rii ^
de la nature, de l'hérédité et de la décadence montre aussi l'influence des théories darwiniennes, irt quana
w
au nom de la pièce, il ne faut que mentionner l'importance
4*
9
rii
des fossiles dans le développement et comme une preuve
t"
des théories darwiniennes.
4 ^
De toutes les pièces de Curel "l'âme en folie" est
4F - »
incontestablement la plus darwinienne. Dans sa préface, dans sa thèse, même dans son atmosphère cette pièce est
JF
remplie de l'évolution.
Dans la préface de la p^èce Curel nous informe que
l'évolution l'avait longtemps Intéressé. Sa:* longue retraite
•
•t-H
continuel et intime avec les bêtes de la forêt ont aggrandi
4
et cristallisé cet intérêt. Poète et dramaturge il
s'occupe beaucoup de l'amour. Ainsi a-t-il essayé
d'expliquer par la théorieyâ^évolution le développement de l'amour chez les hommes par ses origines, dans le rut
41
4*
»-4
animal. Il a écrit un cahier scientifique de ses observations de l'amour chez'les bêtes, ayant, d'abord, le dessein
d'écrire un iivre. Il n'a jamais écrit le livre mais il a écrit une pièce sur le sujet et il a encadré ses
théories dans les uiscours du personnage de Justin Riolle La pièce elle-même traite d'une femme, âgée de
ri
quarante ans, qui devient amoureuse d'un jeune homme. Son
mari, qui est la voix de l'auteur, a toujours connaissance de l'infatuation de sa femme. Ses commentaires sont ceux
Jh
d'un pnilosophe qui a étudié la nature et qui a accepté
la théorie d'évolution. Bref, "l'Ame en folie" est si
remplie d£ darwinisme qu'on peut dire que le darwinisme est la thème même de la pièce.
Le darwinisme est aussi évident dans "l'Ivresse
*
du sage". Cette pièce qui exalte la nature et les
instincts aux dépens de la^raison et de la philosophie, est presque aussi darwinienne que "l'Ame en folie".
Un jeune et beau fermier gagne l'amour d'une jeune femme
JL
!
qui avait cru d'abord qu'elle aimait un philosophe.
ri-* Jl
'••El*
mots suivants. Le hilosophe a d voué lt 3lunart de c
**- W ^
vie à une explication de l'amour. Il fait des discours s a l'université et il écrit des livres ur le sujet.
Kn dépit ae sa \ tilosophie il ne peut pas se arder de
r- Ci
.evenir jaloux ae son rival. En esse.yant de le rendre
ridicule il lui c nde ce qui lui se ble une ouestion
• >r\ i t
proronde: "Pourquoi aime-t-on ?"
e .j e un ' t <>. r m j:. r , n\v c a s s é t o u t e s a v i e à et u die r
l ' a m o u r ci s l e s b ê t e s * l u i r. icnd t o u t sii l e m e n t ?
J-'OT ime u Pour avoir des enfants", U n ' ) a rien dans O<r0r
le théâtre de Curel ui e r, plus n iraliste et plus darwinien eue ces simples et
Pour résumer ioncj les influe ices du dar inisme sur le théâtre de Curel, il a accepté et employé la biologie
c. _ ^ lication à
la société c. Spencer ae cette théorie. Dans au oins ^u .tre ae ses \ iàces _le Repas u lien, les Fossilesj l'Ame en folie et l'ivresse u si _ _ le arwînisme est une influence directe. Quant à ses autres pièces, leur naturalisme ei leur discussion franche des problèmes
du sexe sont d'origine dar .nienne. Il faut dire, av nt ae conclure, que Curel a îtudié la nature et qu'il a pu juger de se connaissance personelle de la vérité du
Larwinii ie. Il a vérifié à :. propre satisfaction les théories eu'il a lue o
La psychologie est une des plus jeunes des sciences. "la Nouvelle idole", à une heure où la psychologie
- ^
scientifique n'était qu'un mot pour le grand public-,
Curel révèle une connaissance intime des théories et des méthodes les plus nouvelles de cette science. Le deuxième
acte de la pièce commence par une longue explication de
rifa
la part du psychologue Maurice des instruments et des
méthodes qu'il emploie pour guérir les maladies mentales.
i
4 *
Comme Curel a gardé son intérêt dans la biologie pendant
' _ . _ _ . . . •
toute sa vie, aussi a-t-il eci. de son,intérêt dans la
psy-riF
ri
chologie.
La psychologie scientifique de "la nouvelle idole"
est'celle du matérialisme. Vers la fin de sa vie Curel a senti 1'influence du plus célèbre psychologue de nos
jours'_ Sigmund Freud.
F"
Tout le monde connaît au moins un peu les théories
^
freudiennes: l'importance du sexe en expliquant les maladies
*- 4F -F"
mentales; le grand rôle que l'inconscient remplit dans
nos vies et son interprétation des rêves. Un peu de tout
-cela se trouve dans "l'Ame en-folie", "-la Comédie du génie", "la Viveuse et le moribond" et "Orages mystiques".
/
u
par
Blanche Kiolle de "l'Ame en folie" est troublée
-
-F-des rêves et leur interprétation vient sans doute du
fait eue Curel avait lu les ouvrages de Freud. L'importance
riF " •
ri
une. indication que Curel avait étudié la psychologie de Freud.
F
La scène à la Comédie Française dans "la Comédie
due génie" s'occupe presqu'entièrement d'un rêve du héros
F
ri»
de la pièce. Là, tous les problèmes qui l'ont troublés
pendant les heures de conscience se révèlent franchement
* *
pendant son rêve. Ses doutes à l'égard de son propre génie
4h
et sa jalousie supprimée de son fils nous sont présentés.
Curel, il est évident, connaît bien la théorie de Freud que / *
s s
nos désirs et nos peurs inconscients se révèlent pendant 'JE-s heures de sommeil.
Un des personnages de "La Viveuse et le moribond"
ri-est prêtre et psychologue. Par une subtile analyse freudienne
il montre à la jeune héroine de la pièce qu'elle se trompe en croyant qu'une passion religieuse la fait aider le héros "moribond". Ce cii^elle prend pour la pitié d'une
religieuse est vraiment l'amour d'une femme ppur un homme.
Parmi les autres influences il faut mentionner en
.• 4
passât celles des Kusses Tolstoi et Dostoiewsky (que Curel a avoué lui-même). Le désmr d'aider l'humanité,
ri
par exemple, vient autant dé Tolstoi que de la religion
de l'humanité de Comte. L'influence. d'Ibsen est apparente
F
n
dans les premières oeuvres,%surtout dans "l'Envers d'une
sainte"
riF
les plus importantes sont celles de Corneille,
Chapitre
^peintre delà vie religieuse
François de Curel est à peu près le premier
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ais.à représenter sur la sc§ne des idées et des 4b
personnages du milieux religieux. Si l'on excepte le
"Torquemada" de Victor Hugo, qui n'a jamais été représenté parcequ'il blesserait trop "de eoncictions religieuses et
parcequ'il éveillerait l'opposition de l'église, le milieux religieux n'apparait pas sur la scène française depuis les farces du moyen âge. Avant la Révolution, c'est à dire aux
; XVII et XVIII siècles la révérence de la plupart du
pour les gens d'église, et l'opposition belligérante d*une église toute puissante qui accablait les voix, ont
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ëfficafement empêché la représentation de la religion sur
4-scène. Corneille avec Polyeucte et Racine avec Esther
ont traité, il est vrai, des questions religieuses
mais les scènes de ces pièces se placent dans l'histoire
*
ancienne et on ne peut pas douter de la foi profonde et
but religieux des auteurs. On cônnait les difficultés
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par Molière lorsuq'il a voulu faire représenter e, bien qu'il se soit'gardé de le fairej&f son
4'église. En effet, pendant toute cette y
regardait le théâtre, et en particulier la comédie, avec
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soupçoni comme ênfecté du diable. On se souvient de la iffieulté avec ^laquelle la veuve de Molière a réussi à
enterrer en terre sainte.
Pendant la Révolution, quand les pouvoirs de l'|C
©Ut diminués ou entièrement disparus, il n'y avait pas *
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d1écrivains de théâtre capables de faire des pièces de
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valeur et l'église était tombée à un tel niveau clans
l'esti-mation du monde qu'il n'y avait guère d'intérêt dans la igion parmi les écrivains. Plus tard, pendant le XE
iècle, au moment où la foi a grandi chez le public, cette foi a empêché, comme au XVII siècle, la
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sur la scène du milieu religieux courut. Pourquoi
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Curel dépeint-il des scènes religieuses vers 1% fin
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XIX siècle ? Nous croyons en avoir marqué l'une des
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causes dans notre premier chapitre* l'atavisme.
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Descendu d'une longue lignéed'aristocrates d'une foi
profondément catholique, Curel est nér on pourrait dire,
avec une inclination vers les intérêts religieux. Son
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ducation Jésuite et son enfance dans l'atmosphère
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conventuelle de l'ancienne cité de Metz ont contribué à
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l'éclosion de cet intérêt. C'est ici une influence inconsciente
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est incontestablement conscient, l'ont poussé vers la représentation des scènes et des personnages religieux.
Si'JLiS ditiâiMâlCQngBS ont hésité devant la représentation
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de la religion, les romanciers- ne l'ont pas fait. "Le
rouge et le noir" et la Chartreuse de Parme" de Stendahl, "la Comédie humaine" de Balzac,"les Rougon-Maquart" dev
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4-Zola, tous ces romans traitent ou du milieu religieux ou de personnages sortis de ce-milieu. Si Curel n'a"pas de
prédécesseurs dans le théâtre ils ne manquent oas dans le roman
Tous ces romans que nous venons de citer sont de
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-l'école réaliste. "Le rouge et le noir" de Stendahl, " \
publie en 1831, marque la naissance du roman réaliste qui a
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dominé le XIX siècle et qui est d^v^nu, vers la fin dut
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siècle, le naturalisme de Zola. Selon les théories.de cette
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école l'écrivain doit se limiter-a des scènes et a des personnages réels. Le vrai but de l'artiste c'est de
>eindre fidèlement ce qu'il voit et ce qu'il connaît.
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Curel n'est pas de l'école d'Emile Zola. Il faut
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se souvenir, cependant; que le Théâtre-Libre représentait
des romans 'naturalistes dramatisés et qu'il était le centre \
du libéralisme et du réalisme dans le théâtre. A tout dire,
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-Curel n'a que suivi les tendances du siècle quand il a dépeint les scènes religieuses, et le Théâtre- Libre
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tendances naturalistes.
Enfin, Curel commence à écrire des pièces vers la fin
•
u XIX°. lie monde sent déjà le libéralisme du prochain
-siècle. La foi religieuse n'a plus sa force du milieu
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au siècle, et le grand public accepte avec égalité
d'ame.la représentation au théâtre des personnages religieux Le lendemain de la première de "l'Envers d'une
sainte" on ne voit pas dans les journaux de
critique défavorable de la représentation d'une ancienne religieuse, en somme peu sympathique > omme héroine de la
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pièce.
Julie rienaudin, herome ae "lEnvers d'une sainte", est la seul personnage religieux dans le théâtre de
Curel qui occupe la pooition centrale d'une de ses
pièœ s. C'est dans cette pièce que Curel a dépeint le
^lus exactement et le plus intimement la vie religieuse. Pour comprendre le caractère de Julie il faut savoir
quelque chose de son histoire.
Fiancée à son cousin Henri Laval, elle est abandonnée par celui-ci qui épouse Jeanne. Julie, dans un accès
jalousie essaye de se débarasser de sa rivale en la poussant dans un ravin. Jeanne, blés Se grièvement, ne meurt pas et quoi qu'elle connaisse le crime de
de
/
Julie ne dénonce pas c- lie-ci. Julie, touché, le tant