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Les intellectuels et la production des valeurs

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HAL Id: hal-01274495

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Submitted on 17 Feb 2016

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Les intellectuels et la production des valeurs

Yves Gonzalez-Quijano

To cite this version:

Yves Gonzalez-Quijano. Les intellectuels et la production des valeurs. Egypte - Monde Arabe (CEDEJ), 1990, Etudes du monde arabe : approches globale et spécifiques, pp.99. �hal-01274495�

(2)

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. Y. ûONIALEZ-OUUANO

- P-J. LUIZARD

- I. FARAG

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K. AL.SA\YID

. R. LEVEAU

- M" CAMAU

- N. MUS'AD

- J-F.

LEGRAIN

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Etud.es politiques du monde arabe Dossier du CEDEJ, Le Caire 1991.

LES INTELLECTUELS

E T L A P R O D U C T I O N DES VALEURS:

L'EDITION EGYPTIENNE

Yves GONZALEZ-QUIJANO CEDEJ - Le Caire

L'étude des productions culturelles peut-elle nourrir I'observation des phénomènes

sociaux-et politiques propres à I'Egypte contemporaine ? A I'intérieur des productions

culturelles, I'expression écrite représente-t-elle encore un domaine significatif ? euelles

sont les conditions sociales er politiques qui régissent, de nos Jourr, la pùtique

professionnelle de I'ecriturc en Egypte ? euels sont les systèmes de ùeurs, les normes,

que les producteurs d'ecrits reprennent à lcur compte et diifusent ? Comment

remplissent-ils, actuellcment, leur fonction médiatrice entre les détenteurs du pouvoir et la masse des

gouvernés ?

. Je tenterai de répondre à cette série de questions en precisant d'entree que ma démarche

v.ise moins à analyser les textes eux-mêmes, leur contenu ou leurs modes d'expression qu'à

s'interroger sur les conditions sociales qui régissent la production et la consommation des

écrits imprimés. En effet,. pour interprétcr cè que les productions symboliques peuvent

nous révéler sur l'évolution de cette société, il me paraît nécessâire d'eiaminer, au

préalable, les conséquences des transformations historiques, politiques et économiques à

I'intérieur du champ symbolique.

c'est donc sous cet angle que je m'intéresscrai ici à l'édition égyptienne, en

m'intcrrogeant dans un. premier temps sur la portée sociale de l'écrit, "oâns t'rgypte

actuelle. Dans ce domaine, le problème essentiel consisl.e à expliquer le paradoxË'que

constitue I'indéniable marginalisation des pratiques ecrites (ccritures'et lectures) et la nïn

moins évidente centralité de I'ecrit à I'intérieur du champ symbolique.

Dans la seconde partie de ce texte, je proposerai une analyse de la fonction

intellectuelle dans la société égyptienne moderné, à partir du champ dês pratiques écrites.

En traitant de l'édition, je m'cfforcerai de mettrc en évidence ies piocessus qui me

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d'intellectuels qui ont fait de cette activité leur praûque privilégiée et qui tirent - ou qui tiraient - de cette pratique leur légitimité sociale'

Si I'on accepte la détinition du champ intellectuel comme < système de rclations sociales dans lesquelte, s'u.co.plit la création comme acte de communication 1>, le constat de cette marginalisation tnèn" naturellement à s'interrogcr sur les conditions et les "ànr"q*n."r de ce ieaménagement, et en particulier sur la nature des agents et des produits qui en sont les bénéficiaircs.

L E P U B L I C D E L ' E C R I T

Etudier l'édition égyptienne, lcs productions écrites et leur diffusion, soulève différentes questions. lalrèmière conccrne la portcc d'un phénomène qui ne touche, nous l" u.r.on, pius loin, qu'un" fraction infime de ia populatior. En dépit dc I'imprécision des itatistiquei dans ce dbmaine, on dispose toutefois de repères suffisants pour dessincr un tablcau^qui ne prédispose guèrc à acôorder aux formes écrites une imporlance quelconque dans la diffusion des normés et des valeurs à I'intérieur de la société églptiennc.

premier élément dans ce rableau, le nombrc des analphabètes' Les stâtistiqucs egypfiennes (cf. tableau ci-dcssous) mcntionncnt un laux de 50Vo (31 ,870 pour. les t6r."s,61,87o pour les femmes). M'ême si I'on accorde quclque crédit à ces estimations oifi.i"fËr 1tâ presse cite plus volônûers le chiflre de 60Vo et même de707o), il n'en reste pas moins qu'en raison d'un fort taux de croissance naturelle lcs progrès de î'alphabétisation ne suffisent pas à faire baisser le nombre total des analphabètes' En poo..entag", leur nombre baisse ; en données brutcs, il progresse'

R é p a r t i t i o n d e l a p o p u l a t i o n s e l o n l e n i v e a u d ' é d u c a t i o n d a n s l e s r e c e n s e m e n t s d e 1 9 6 0 à 1 9 8 6 ( p o u r c e n t a g e s )

1 - BouRPtei; (Pierrc), "ChamP l v o o .

intclleciuel et projet créa'.cur", Les lemps modernes, novembre

1960 r916 1 9 8 6

niveau universitaire et au-delà (70)

3 , 3

s , 8

r

2 , 8

2 , 2 4 , 4 25,6 26 r3,1 11 ,4 1 9 , 6 2 l , 8 28,5 30,4 1 3 , 1 1 8

nivcau pré- universitaire (7o)

hommes fcmmes t o t a l hommes femmes t o t a l hommes femmes t o t a l t \ n , ) 0 ' 8 9 a À 6 r 2 2,'l A 1 ) 4 lisentet ecivent(Vo) 2 2 . 5 2 l 2 4 , 4

(5)

1960 56,9 84 7 0 , 5 > 1 9 r976 illettrés (7o) soit. en hommes femmes total m i l l i o n s 4 2 , 6 3 7 , 8 7 2 , 5 6 1 , 8 5 7 ,2 4 9 , 4 > 2 0 > 2 3 1 0 1

. -_ Sgurces : Population, I'lousing and Establishmenl Census - 1986. preliminary Results, ARE, central Agency for Public Mobilization and Statistics, June 19g7, p.-rg.

Par ailleurs, il faudrait pouvoir avancer une estimation plus précise du nombre des

personnes qg ont été alphabétisées mais qui, faute de pratique, ont perdu la capacitaOà

liie

ou d'écrire' Enfin, parmi les lecteurs potentiels, il conviendlaii oe savoir combien il existe

de liseurs, c'est-à-dire de personncs pratiquant effectivement la lecture. Même en I'absence

de données chiflrées tout à fait fiablcs, celles que I'on possède sur la circulation des

imprimés sont déjà exfrêmement éloquentes, et celâ d'autaniplus qu'il s'agit d'un indicateur

plus fiable que d'autres. En effet, la modicité du prix des journaux fait qu'il n'y a pas de

réel obstacle économique au désir de lecture, au contraire àu livre 2. De pius, depuis la fin

du siècle dernier, la lecturc du journal, dcverru un symbole de promôtion so.iale, fuit

véritablemenr partie des habitudes égypriennes 3. si l;Egyptien cônsomme de la marière

imprimée, c'est. avant. tout sous la forme du journal.

Or on s aperçoit que les tirages des plus grands quotidicns oscillent entre 500 000

exemplaires les jours ordinaires, et I million les jourj de congé (chiffre aes ûrages ùu

quotidien al-Akhbôr qui bénéficie de la plus grosse ctiffusion*aciuellcment). Mô-me

en

cumulant les différents titres disponiblcs sur le marché, on attcint difficilement les 2

millions d'exemplaires par jour (cf. tableau ci-dcssous). on voit bien que I'imprimé, sous

cette forme tout au moins, n'intéresse qu'une fraction minime de la poputation a.

D i f f u s i o n d e s q u o t i d i e n s é g y p t i e n s "o f f i c i e u x " , rggs-19g6

uc,Grr (W. A.) , Arab Press, Syracuse University

2 - L'Etat subventionne largement. le .prix des journaux, surtout à travers I'octroi de papier. Augmenté en 1988, le prix <i^e^s^quotidiens égypticns esr aujourd'hui de 20 piasrres, soii SO centimes au cours acruel (été 1989).

3 - cf. Brnque (Jacques), Impériarisme er révorution, paris, Garimard, 1967, p.2r0.

4 - Rappelons que la population de l'Egypte est aujourd'hui de 56 millions d'habirants environ.

utre estimarion de Ia diffusion anncc de cieation al-Akhbâr

al-Ahrân al-Gumhûriyya al-Masâ'

The Egyptian Gar,ette [e Progrès égyptien 650 000 5s0 000 400 000 s0 000 l 0 0 0 0 I 000 1952 1 8 7 5 r 9 5 3 1956 r879 1 8 9 7

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t02

Toutefois, deux facteurs peuvent élargir quelque peu l'étendue du lectorat telle qu'il

apparaît à travers la diffusion de la presse :

- la persistance de pratiques de lecture collective, encore très courantes, surtout dans

les campagnes );

- l'èxistence de lectures qui ne se confondent pas avec celle de la presse. Très

marginales en ce qui concerne le public naditionnel du liwe (dans sa définition occidentale,

cellà d'une certainè "édition de qualité"), ces pratiques sont plus importântes dans d'autres

domaines, celui du livre d'enseignement et surtout celui du livre religieux.

Ces différentes pratiques, dont il faudrait tenir compte pour une appréciation

véritablement juste du lectorat, posent indirectement la question des conduites culturelles

et des lectures légitimes. En effet, si les problèmes de I'accès à l'écrit et au livre

reviennent, depuii toujours ou presque, comme un leitmotiv dans le discours des

responsables eides acteuts culturels, c'est aussi parce que I'on ne trouve pour ainsi dire

aucune réflexion sur la nature des formes et des modèles véhiculés par l'écrit "légitime", et

encore moins sur celle des supports et des pratiques "populaires" de l'écrit, y compris

lorsqu'elles sont associées à des formes orales (dévotions religieuses, pratiques magiques,

"folklore", etc.)

Il est donc actuellement presque impossible d'évaluer le lectorat égypûen, d'autant

plus que les rares statistiquei 'Suhta*i qui existent sont difficilement exploitables. Sayyid

al-s'est néanmoins livlé à cet exercice en proposant une estimation globale évaluée à

quelque 800000 lecteurs, soit 17o à2Vo de la population totaleo. Estimation alarmante

mais qui conespond à la fois à ce que I'on peut observer sur le marché en termes de tirages'

de points de vente, etc., aux déilarations des professionnels du-livre7, et enfin aux

"onitrts qu'établissent les plus lucides des responsables égyptiens, dcpuis fort longtemps

déjà 8.

Acceptable comme point de départ, cette appréciation du lectorat égyptien actuel

mériterait d'être affinée. Toutefois, même en tenant compte de son imprécision, elle

conduit déjà à se demander comment une telle marginalisation des pratiques de lectures

."rte co.putible avec I'indéniable csntralité du liwe à I'intérieur de I'espace symbolique ?

En d'autres terrnes, comment expliquer ce paradoxe que représente la perpétuation du culte

de l'écrit dans une société majoritairement analphabète et désormais profondément

acculturée par les médias modemes ?

5 - Warmr (Magdi), La potitique culturelle de l'Egypte, Paris, UMSCO' 1974' p'14'

6 - Al-BAm1wrlSayyiaj, "Le public de la littérature, un domaine à étudier", in Le livre arabe et I'édition en Egypte, Eulletin du CEDEJ, no25, ler semeste 1989' p' 179-182'

7 - V o i r a " " i u i " t L e l i v r e a r a b e e t l ' é d i t i o n e n E g y p t e , o p . c i t . , n o t a m m e n t p p . 5 T - 9 1 e t l 2 3

-t 4 r .

À - Cf. p* exemple HusnyN (faha), Ivlustaqbal at-thaqâfa (L'avenir de Ia culture), Le Caire, Matba'at al-ma'ârif, ll944l, pp. 166 et sq.

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L A CENTRALITE DE LA CULTURE ECRITE

De cette centralité de la culture écrite, il existe de nombreux témoignages, à

commencer par ceux qu'ont fournis récemment des événements comme l'amibutiàn

O"u prix

Nobel de lirrérarure à Najîb Mahfûz (novembre lggg) ou iu poieÀiq"" à propos des

versets sataniques dc l'écrivain Salman Rushdie (printemps-éré 19g9i9. t';";ii;;;

cas ont mis en valeur les-résonnances politiques àe la piblication d'æuvres écrites,

indépendamment de leur audience réclle.

Alors qu'une partie de.l'opinion égypûenne a salué I'attribution du prix Nobel comme

une troisième victoire de I'Egypte et du monde arabe (après suez et dctobre iqz:j, """

autre, dont il faudrait pouvoir évaluer précisément I'ampieur et la stratification sociale et

politique, approuvait lafawa de chaykh 'umar'Abd al-Rahmân condamnant implicitement

à mort l'écrivarn égyptien, accrrsé d'être un agent de penétration d'idees et dc représentations

éffangères à la culture arabe eVou musulmanc.

Parallèlement, "l'affaire Rushdie" fut peut-être une opération politique dont les

acteurs surent exploiter les retombees médiatiques, il n'cn dcmeure pas'moini qu'un vaste

mouvement de protestation s'est. cristallisé autour de la publication d"un texte imprimé. En

Egypte, ce livre dont on ne saurait trouver un exemplaire sur le marché - il a été

officiellement interdit. par les autorités - n'en a pàs moins suscité de nombreux

commentaires 10. Dans l;ensemble, un consensus s'est dégagé autour de la condamnation,

sans appel, de la fiction ecrite par I'ecrivain d'origine indieîné, avec, dÀs bien des .^, un.

critique des modalités selon lesquelles cctte cond-amnation ouuit pu ôtr" prononcée l t.'

, Comment expliquer que l'ec.rit imprimé puisse continuer à représenter de tels enjeux

alors qu'il est de plus en plus clarrement supplanté par d'autres rnËdiu, (télévision, vidô,

cassettes, etc.) ? En effet, les nouvelles techniqués de communication véhiculent

des

rcprésentations qui touchent un public à l'évidence bien plus important 12.

^ La nature particulière.de l'économie symbolique apporte une première réponse. D'une

façon générale,la valeur d'un bien symboiique .ôit "n'proportio'n inrrerse

du nombre de

?--.M9ry si elle a provoqué moins d'agitation médiatique au plan intemarional, l'attribution du Nobel de littérature à l'écrivain égyptién a donné lieu à des ir."L"!"*""is politiques en tous points comparables' Depuis sa prison, le chef religieux d'un mouiement extrémiste, chaykh 'Umar'Abd

al-Rahmân, a émis, en avril 1989,unefatwa qui légitimait I'emploi de la violence contre Najîb Mahfuz (Cf. le dossier présenté dans Rriz al_yûsuf, i.ltld, Z4,lc/illggg).

10 - En plus du très important dossier de presse, à notre connaissance, il s'est publié en Egypte durant I'année 1989 au moins trois "réfutitions" des,V_e.rsets sataniques: SulinN (1.),eiitlat salmân Rusdî (La question_sarman Rushdie), Dâr al-Risâla;errlrab <n. À l, ayat'citaltaniyyta (.L,es versets sataniques), al-Kâr al-charqiyya et clrAKrR (2. ,A;, at-chiab al-abyad (Le corbeau blarc), Kitâb al-HilâI. voir égalemenT Revue de ra presse égyptiennc, GEDEJ, n. jo-:2, ze-" semestre 1989.

11 - cf. le dossier publié par la Revue de la presse du GEDEJ et coNZALEZ-eur.n,No (yves), "Du !n usage de la fiction en terre d'isram", Les cahiers de |orieru, (à paraître).

12-Conformément à cette-tendance, la plupart des analyses du Àarché de la production des valeurs ont privilégié les industries culturellei de masse corrme la presse et l'audio-visuel.

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ses détenteurs : moins ils sont nombreux, plus leur valeur est grande. Par contre, la croyance en cette valeur doit être la plus générale possible : plus une valeur est reçue comme légitime, et plus elle acquiert, effectivement, de valeur, et plus elle est ccntrale à I'intérieur de I'espace symbolique. Dans une large mesure, la situation de la culture écrite répond à cette double qualification. Sans doute, peu de personnes lisent-elles en Egypte, mais on en trouverait encore moins pour affirmer que le livre (et même Le livre,le Coran, dans une société qui place la charî'a au fondement de toute législation) n'est pas l'élément central de toute culture.

Ainsi rctrouve-t-on régulièrement exprimés, sous la plume des représentants de la haue intelligentsia égypienne 13, différents clichés particulièrement significatifs de cctæ conception : pour Tawfîq al-Hakîm, le livre est un alimcnt de I'esprit aussi essentiel à I'existènce que le pain (et son prix doit être par conséquent lui aussi subventionné par lEtaù ; selon Tharwat'Abâdha, président de I'Union des écrivains égyptiens, le livre est le père de la culture, le,livre est I'humanité même lal-kitôb huwa al-bachariyyal; les exemples abondent... r+

S'il est exagéré d'affirmer qu'en Egypte le livre représente à lui seul toute la culture, il n'en est pas moins vrai qu'il conserve, sur le plan symbolique, la loute première place : y compris dans I'imaginaire des élites égyptiennes, le livrc continue à totaliser la culture ou plus exactement les représentations légitimes de la culture tant il est vrai que ces repÉsentations restent très loin de se superposer aux autres pratiques, notammcnt celles que I'on pourrait qualifier de "populaires" 15.

L A N A I S S A N C E D E L ' I N T E L L E C T U E L M O D E R N E

La dimension quantitative ne joue qu'un rôlc secondaire dans la légitimité, et, partant, dans la valorisation de telle ou telle pratique culturelle. De même, compte tenu de la persistcnce d'une certaine tradiûon de I'ecrit, on peut comprendre quc les pruluctions écrites

13 - J'utilise cette expression dans le sens que lui donnc Régis Debray dans Le pouvoir intellectuel en France, Paris, Ramsay,1979. Voir également du même auteur la scribe,Paris, Crasset et Fasquelle, 1980 et Hauox (H.), RorrruN (P.), Les intellocrates. Expédition en haute intelligentsia, Paris, Ramsay, 1981.

M -Cr. par exempie 'ABADHA (Tharwar), "Kalam hawla sinâ'at al-kalam" (un mot autour de I'industrie du motj, uktûbir, 2u11,28111 et 5112 i976. Voir à ce sujet Ar-sIN (M.)' "official Culture in Egypt and the Role of the Bot>k", Journal of the American Research Center in Egypl, vol. XXIV, 1937,

-pp.7l-79.

Les témoignages de cette prééminence du livre sont nombreux. Par exemple, lo.rquê Tharwat 'Ukâcha dresse le bilan de son æuvre en tant que ministre dc Ia Culture à l'époque nassérie6e, les différents domaines dc I'action culturelle sont évoqués et, systématiquement, le livie vient en tête de la hiérarchie qui est implicitement suivie. Cf. 'Uractta (Tharwat)' Mudhakkirâtî (Mes mémoires), Le Caire, Maktabat Madbûlî, 1989,2 tomes, et "Thawrat yûlyû wa-I-mas'ala a1-thaqâfiyya" (La révolution de juillet et la question culnrrelle), 'l'hawrat 23 yûlyît, Le Caire, Dâr al-Mustaqbal al-'Arabî, pp. 425 499'

15 - Sur Ia notion de "populaiie", cf. notamment les travaux de le Cnnrrau (Michel), en particulicr L'invention du quatidiàn,Paris, UGE, 1980,2 tomes e! VolelLe (Michel), Idêologies et tnentalités, Paris. La Découverte, 1985.

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continuent à occuper, aujourd'hui encore, un tel rang parmi les valeurs symboliques, et

qu'elles se prêtent, mieux que d'autres, à certaines manipulations dans le ci.,a.p pôtltique

et social.

Toutefois, ces deux facteurs ne suffisent pas à expliquer la place singulière de la

culture écrite dans I'imaginaire culturel de I'Egypte côniemporaine. parmi différents

éléments qui ont pu jouer un rôle important, il convient d'acèorder une attention toute

particulière aux circonstances historiques qui ont permis la naissance conjoinæ de I'Egypte

modeme et de la figure actuelle de I'intellectuel-homme de lettres.

A l'époque où les troupes de Bonaparte envahissaient lEgypte, al-Jabârtî se lamentait

dans ses Chroniques sur l'état de décadence inlellectuelle dè son pays. Il déplorait tout

particulièrement la difficulté des recherches qu'il s'efforçait de menei à bien èn dépit de

I'absence de ûextes écrits disponibles, y compris pour un chaykh d'al-Azhar 16. gn lgzt,

Muhammad 'Alî decidâ la création de t'imprimerie à caracÈres mobiles de Bûlâq. Au seuil

du XIXe siècle,3lus de 10 000 titres avaient été édités et diffusés à plus de 7 millions

d'exemplaires r/. Entre 1800.et 1929,2 700 périodiques virent le jour dans le monde

arabe et les pays islamiques 18. Ces chiffres montrent à quel point la multiplication de

l'écrit, grâce à I'imprimerie, modifia I'organisation du champ symbolique.

A partir du dernier tiers du XD(e siècle, un marché de I'imprimé se mit en place. Cette

création impliquait I'apparition d'un lectorat, ainsi que celle d'acteurs spécialisés dans la

production, la fabrication et la mise en circulation des productions écrites. Confronté à

cette nouvelle situation, lEtat dut aussi imposer de nouvelles procédures de contrôle (dans

les années 1820, puis 1850 et enfin avec la loi de 1881 sur les publications). Mais plus

importanûe encore fut la creation, au temps de la Renaissance ara6e [Nahda),de vérita-bles

"politiques culturelles"

avant la letre, politiques auxquelles lEtat associa les représentants

de ce qui allait devenir une intelligentsia.

Pour l'essentiel, les membres de cette intelligentsia étaient les produits du nouvel

ordre culturel instauré avec la "modernisation" et la colonisation de I'Egypûe 19. Toutefois,

durant cette période de transition entre deux âges, quelques indivirtualités dont le capital

symbolique étâit lié à la tradition manuscrite, purent rejoindr'e I'ordre nouveau. A condition

toutefois de faire allégeance aux formes de la cult.ure imprimée.

l6 - nlI--JnsanTI,'Ajâib athâr, cité par Ban.lr,qr (A.), Ru'yat Jabârtî li-azmat at-hayât al-fikriyya (L'opinion de Jabarti sur la crise de la vie intellectuelle), Le Caire, al-hay'at al-misriyya at-'âmma

lil-kitâb, 1987, p. 33.

17 - Cf. Nus.qvn (A.), Harckat nachr al-kitâb fi-l-qarn al-tâsi' 'achar (Le mauvemenr de l'édition du livre auXIXèrc siècte),Thèse de Docroraî, Université du Caire, 1987.

18 - TARAZ (P.),Târîkh al-sahâfa al:arabiyya (L'tlistoire de la presse arabe), Bagdad Maktabat at-mutanna, 1967, tome 4, p.494.

19 - Je fais référence ici aux travaux de MrrcsrrL (Timothy), Colonising Egypr, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.

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De ces hommes, partagés enne deux ordres culturels, antagonistes à plus d'un titre, le XIXe siècle offre des exemples nombreux, et singulièrement dans les milieux de I'imprimerie et de I'edition20.La figure de Hdsayn al-Marsa{i rcste peut-ôtrc I'une des plus exceptionnelles. Atteint de cécité, et de ce fait destiné à I'exercice d'une fonction intellectuelle dont seule I'ordre culturel ancien avait usage (un collège d'al-Azhar érait réservé à la formation des aveugles), chaykh Husayn al-Marsafî sut mettre ses qualités au service du nouvel ordre culturel en devcnant professcur à Dâr al-'ulttrrz (l'équivalent de I'Ecole normale). Néanmoins, en s'efforçant de jcter les bases d'un vocabulaire politique arabe moderne dans un ouvrage fondamental pour la compréhension de cette époque, L'épitre des huit mots LRisâla ql-kalim sl-thamanl, imprimé en octobre 1881, Husayn al-Marsafi ne put s'empêchcr d'exprimer toute son inquiétude face à la diffusion de I'imprimerie, cause d'un déferlement incontrôlé de textes que s'appropriait une nouvelle génération de lecteurs à qui ce savoir, selon la tradition classique, n'était pas destiné 21...

En fait, y compris dans son refus, chaykh Husayn al-Marsafî prenait acte des transformations que la multiplication de I'imprimé avait imposées au système de production des biens symboliques. Quelles que soient. leurs origines, qu'ils tircnt leur légitimité, pour tout ou pour partie, de "l'ancienne" institution religieuse ou du nouveau système de valeurs qui accompagna la mise en æuvre delaNahds,les acteurs culturels agissaient. désormais au sein d'un champ structuré par le mot imprimé, par les techniques et lcs logiqucs qui lui appartenaicnt en propre et qui n'étaient plus celle de la société du manuscrit. Cette transformation dcvait trouver inévirablement sa traduction dans le champ social et politique égyptien : ce fut I'apparition d'une figure sociale inédite, celle de I'homme de lettres, profcssionnel de l'écrit 22 (publicistc, journaliste, éditeur, imprimeur, auteur, etc.)

L'écrit imprimé fut en effct le dénominateur commun de destinées aussi différentes que celles de grands commis d'Etat comme Rifâ'a al-Tahtâwî et 'Alî Mubârak, de penseurs comme al-Afghânî et Muhammad'Abduh, d'hommes politiqucs comme Sa'ad Zaghlûl et Mustafâ Kâmil, de publicistes comme chaykh 'Alî Yûsuf et 'Abd Allâh Nadîm (les rédacteurs de al-Mu'ayyad et al-Ustâdâ). Dcpuis la fin du siecle demier, et de plus en plus au fur et à mesure que s'accentua le processus "d'acculturation typographique" 23 dela société égyptienne, le champ de I'ecrit imprimé était devenu par excellence le lieu où les élites se distinguaienr (au sens donné à ce terme par Pierre Bourdieu 2a),t" lieu oir se mesurait le capital symbolique détenu par tcl ou tel acteur, le lieu enfin où s'exprimaient les rivalités entre lcs différcntes représentations légitimcs de I'ordre social. S'il y eut un

20 - Cf. Slnlr (K.), Târîkh al-tibâ'a Jî l-charq al-awsat (Ilistoire de l'imprimerie au Proche-Orient), [æ Caire, Dâr al-ma'âril 1966.

21 - Sur Husayn al-Marsafi, cf. notammcnt DELANoUE (Gilbert), Moralistes et politiques musulmans dans l'Egypte du XIXe siècle, Le Caire, IFAO, 1982 et Mtrcrar-L (Timothy), Colonising Egypt, op. cir., chap. 5.

22-La figure de I'homme de lettres, en tant que professionnel vivant de ses écrits, apparaît en Europe occidentale un siècle plus tôt, en fait, quelques années avant la Révolution de 1789, en particulier en Grande-Bretagne et en France. Cf. Esc.q,npn (Robert), Sociologie de la littérature, Paris, PUF, 1958 et DgsRlv (Régis), Le Scribe, op. cit.

23 - Cg,tnrmn (Robert), Lecture et lecteurs dans la France d'ancien régime, Paris, Le Seuil, I 9 8 7 .

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âge d'or de I'intellectuel égyptien, ce fut bien dans cette période qui s'étcnd depuis la diffusion de la culture imprimée sur le sol égyptien (essentiellcment à partir de 1870) jusqu'à la révolution de Juillet 1952.

L'ECRIT ET LA REVOLUTION DE JUILLET 1952

En se réclamant d'une autre légitimité politique et en æuvrant pour la création d'un

nouvel ordre social, la révolution de Juillet 1952 devait nécessairement provoquer de

profondes transformation à I'intérieur du champ symbolique tel qu'il avait pu se constituer

avec la Nahda. D'une façon générale, I'anivee au pouvoir d'une nouvelle equipe politique

ne changea pas les données du problème, ce que I'on pourrait appeler I'articulation

fondamentale du champ intellectuel au champ politique. Les conditions sociales et

politiques qui régissaient I'exercice de la fonction intellectuelle restèrent. les mêmes. Les

specialistes de l'écrit, qui se recrutaient au sein des couches intellectuelles, continuèrent

leur mission : assurer un travail de médiation sociale 25 entre les gouvernants et les

gouvernés, entre les valeurs légitimées par le projet politique officiel et les valeurs

reconnues et adoptees par les membres de la société.

Cependant, dans la pratique, différents facteurs vinrent modifier les conditions

d'exercice de cette fonction intellectuelle. Certains d'entre eux relèvent d'une évolution

globale (généralisation de l'enseignement, évolution des techniques de communication,

contexte politique, etc.), d'autrcs concernent plus particulièrement la production et la

diffusion de I'ecrit, et à ce titre, ces demiers méritent d'ôtre rapidement rappelés pour mieux

comprendre les donnees actuelles de l'édition égyptienne.

Il n'est guère besoin de se lancer dans une analyse détâillee des politiques nassériennes

pour trouver des témoignages de I'attention que portèrent les autorités égyptiennes aux

questions de communication, nolamment dans le domaine de l'écrit. Trente-six heures

après le déclenchement de la révolution de Juillet, le mouvement des Officiers libres

mettait en prison les frères Amîn, propriétaires du journal al-Akhbâr. Les relations du

nouveau pouvoir avec la presse devaient se poursuivre sur ce mode difficile, jusqu'à la

nationalisation de la presse (loi 156 du 24 mai 1960). Aujourd'hui encore, la structure

juridique de I'information égyptienne est un héritage direct des politiques nassériennes,

même s'il existe, depuis la fin des années 70 et surtout I'arrivée au pouvoir de Husnî

Moubârak, un plus grand espace de liberté à I'intérieur de la presse (dans la presse d'Etat et

également par la crcation de différents organes de presse indépendants).

Conrairement à celle de la presse, la situation de I'edition a fait I'objet d'un nombre

très limité d'études 26. Sans enfter dans le détail d'une hisûoire qui s'éænd sur une trentaine

25 - voir Desnly (Régis), Le Scribe, op. cit.

26-La principale référence dans ce domaine restant KIIALITa (A.), Ilaralcat rnchr al-kitâb fi Misr (Le mouvetnent d'édition du livre en Egypte), Le Caire, Dâr al-thaqâfa lil-tibâ'a wal-nachr,

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d'années, il convient néanmoins de rappeler les grandes lignes des différentes politiques qui

furent adoptées dans ce domaine, jusqu'au début deS annees 80.

Entre 1960 et 1966, parallèlement à son action vis-à-vis de la presse, I'Etat égyptien

decida de nationaliser la majeure partie du secteur de I'edition (notamment D âr al-ma'ôrif et

de Dôr al-qalam) simuh.anément à la constitution d'un secteur public de l'édition sous le

nom de Dôr al-qawmiyyc devenue, à partir de 1961, al-Mu'assusa al-misriyya al-'âmma

puis, en 1967, al-Mu'assasa lil-tô'tîf wal-naclv 27. Encore plus lourde de conséquences fut

la main-mise de lEtat sur les différentes étapes de la chaîne éditoriale : nationalisation de

la plupart des imprimeries, imposition d'un monopole d'Etat sur la distribution, en Egypte

et à l'étranger, ainsi que sur I'approvisionnement, en matières premières nécessaires à

l'édition (papier, encre, matériel, etc.).

La prise de contrôle de l'édition, et du champ de l'écrit d'une façon générale,

correspondait à la mise en æuvre d'un "projet nal.ional", fortement articulé autour d'une

idéologie, le socialisme arabe. Dans leurs déclarations, les responsables officiels

énonçaient clairement leur volonté de promouvoir la diffusion de certaines valeurs

conformes à leur dessein politique et idéologique :

( L'Etat ldoit] posséder un appareil de production dont la tâche sera de participer à

I'orientation nationale, d'élever le niveau du peuple culturcllement, socialement et

politiquement et d'éclairer I'opinion publique par la diffusion de I'information intérieure

et extérieure (...) dans la République arabe d'Egypte, dans le monde arabe et dans les

pays étrangers. Et cela, par I'impression, l'édition et la traduction d'ouvrages

nationalistes, politiques et lappafienant à la culture] mondiale, et par leur diffusion

dans les pays arabes et partout dans le monde 28. >>

Inévitablement, un tel projet passait également par la mobilisation des élites. Ainsi,

Muhammad Hasanayn Haykal, I'homme qui avait rédigé pour Nasscr Lc philosophie de Ia

révolution, publiait en 1961 La crise des intellectuels. Au moment oùr le régime nassérien

s'engageait dans une phase de radicalisation, les intellectuels se voyaient sommés de

s'engager aux côtés de la révolution :

<< Dire que de nombreux intellectuels ont collaboré avec les forces

révolutionnaires, après le 23 juillet, cela est loin d'être suffisant. Il s'agit en fait. d'une

sorte de loyauté politique [wilô siyôsî1. Le rôle naturel et obligatoire des intellectuels

ne consiste pas seulement à "coopérer" avec la révolution, mais à "agir en interaction"

avec elle, à en "adopter" la cause, à lui "donner", par leur pensée, "une théorie

nationale", à lui forger, du plus profond de leur pensée et de leur savoir, "une

profession de foi nationale". . . Voilà la voie qui ménera à un changement fondamental

et radical de la société égyptienne 29. ".

27 - Pour le détail, ci. Le livre arabe et l'édition en Egypte, op (L.), "De la révolution à la crise du livre", pp.2l-29.

28 - Décision ministérielle 8/1964 du 1012/1964 (cité dans CHa'nlN (A. K.), Harakat nachr al-kitâb fi Misr, op. cit., p.743.

29 - Havral (Muhammad Hasanayn), Azmat muthaqqafin, charika 'arabiyya al-mutahhida li-l-tawzî', 1961, pp. 50-51.

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Si I'on considère la partie la plus significative de la production édinoriale des années

60, c'est-à-dire un certain type d'ouvrages qui relèvent d'un projet intellectuel et non pas,

priori[airement, d'un projet. commercial e/ou pédagogique, il est manifeste que I'Etat

nassérien réussit à atteindre ses objectifs. Que ce soit par conviction ou par opportunisme,

les auteurs se coulèrent dans les modèles qui leur étaient fortement suggérés, ou bien

cherchèrent à l'énanger, et surtout au Liban, des éditeurs désireux ou capables de publier

leurs æuvres - quand ils ne furent pas purement et simplement contraints de garder le

silence.

Iæs ouvrages mis en circulation durant cette période reflètent, dans leur immense

majorité, I'ideologie officielle ælle qu'elle se concrétisait dans le cadre d'un projet visant

< à développer la conscience de l'être égyptien et ses goûts, à un moment difficile, celui

oùr s'operait un changement entre ce qui avait été et ce qui serait > (Tharwat 'tlkâcha,

minisfre de la CultrLrre de 1958 à 1962 er de 1966 à 1970 30). A cer égard, lcs rirres des

collections proposées au public sont. éloquents: Livres nationalistes, Etudes socialistes,

Nous avons choisi pour l'ouvrier et le paysan, Nous avons choisi pour l'étudiant...

La pesanteur des impératifs ideologiques se devine aisément. Mais plus importânte

encore me paraît être I'orientation générale de ce projet d'inculcation. Derrière un titre

comme Nous avons choisi pour rol (nom d'une autre collection de cette époque), se profile

un modèle politique oir I'Etat prétend décider des modèles culturels recevables et les

imposer en tânt que seules valeurs légitimes. Le travail des producteurs spécialisés - les

auteurs, les artistes, les intellectuels d'une façon générale - n'a plus d'autre justification

que de participer à I'imposition de ces modèles imposés "par le hau[".

Sans douæ, depuis la Nahda,le modc d'exercice de la fonction intellectuelle moderne

dans le monde arabe se caractérisait par la présence constante du pouvoir et de ses

représentants et, consécutivement, par un relativcment faible degré d'autonomie des élites

intellectuelles au regard d'autres contextes historiques. La comparaison entre le

développement de I'imprimerie en Europe et dans le monde arabe (et musulman) est

révélatrice à cet égard : aulant le développement, du livre occidental fut avant tout le fait

d'individus, souvent en butte aux pouvoirs constitués, sous leurs formes religieuses et/ou

politiques 31, autant celui du livre arabe naquit de la volonté de I'Etat (ui, pendant

longtemps, imposa, seul, I'existence de I'imprimé arabe 32.

Pourtant, des mesurcs politiques decidées par le régime nassérien, résulta un nouveau

rapport entre les intellectuels et I'Etât. Au contraire de ce qui a pu être parfois affirmé 33,

30 -'UrlcHA, (Tharwat), "Thawrar yûlyû wa-l-mas'ala al-thaqâfryya", op. cir., p.353. 31 - Cf. Fssvnr (L.) et ManrlN (H.-J.), L'apparition du /ivre, Paris, Albin-Michel, 1971. 32 - Voir les travaux de M. Ar-sIN, notarnment, "The Survival of the Boulaq Press Under Abbas and Said", Inlernational Association of Orientalist Librarians, Bulletin jO-:t, tgSZ, pp.1l-1 7 .

33 - "Si I'on considère les régimes politiques des pays arabes au milieu du siècle dernier en se demandant si Ies intellectuels [aâl al-fllcr] y détenaient du pouvoir et de I'influence, la réponse est négative. Si I'on se pose la même question pour ce siècle, et jusqu'à aujourd'hui, on constate I'aura et le poids que ces hommes ont acquis, dans un délai très court >). Hlnx (Ilya), "sirâ' tabaqî wa-l-intalijansiâ 'arabiyya", lntalijansiâ 'arabiyya,'Amman, Muntadâ fikr al-'arabî,

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1 1 0

le pouvoir en fut le véritable bénéficiaire, lout au moins dans le court terme. Mais surtout,

la dépendance politique des producteurs de valeurs, et d'une façon générale la dépcndancc dcs

représentants des élites intellectuelles, devaient s'en trouver plus accentuee encore.

Quclles qu'aient pu êre les motivations ou les causes de leur engagement aux côtés

de I'Etat, il devait être lourd de consequences sur la nature de leurs relations avcc I'autre

terme de leur médiation, les consommateurs de produits culturels, la population

égyptienne. En effet, si le projet voulu par les idéologues nassériens réussit à produire des

æuvres conformes à la ligne éditoriale souhaitée, Ie bilan de cette expérience reste très

négaûf, ne serait-ce que parce que l'édition égyptienne se trouva totâlement asphyxiée et

surtout parce que cette production ne trouva pour ainsi dire jamais son public. Il faut

savoir par exemple que la diffusion des titres publiés, et tout particulièrement dans lcs

collections les plus militantes, ne dépassait pas, en moyenne, 15Vo du total dc la

production ! 34

Lorsque les conditions politiques, économiques et sociales du marché des biens

culturels changèrent, avec l'ère del'infitâh et plus encore à partir des années 80, le passif

d'une situation historique durant laquelle s'était creusé un fossé entre les élites

intellectuelles et le public devait entraver sérieusement les efforts de ceux qui prétendaient

au rôle de "représentants de la société civile".

O U V E R T U R E E C O N O M I Q U E E T M A R C H E C U L T U R E L

Les politiques de I'infitâh se donnèrent comme l'exact contre-pied des politiques

nassériennes. Le domaine des politiques culturelles ne fit pas exception à la règle. A partir

du milieu des années 70, il est indéniable que l'édition égyptienne connut un véritable

renouveau dont il convient d'examiner la nature et les conséqucnces à plus ou moins long

terme.

A partir de l9'/l,le président Sadate lança une politique d'ouverture linfitôhl

économique fondée sur I'arrêt de la planification, la réhabilitation du sectcur privé,

I'ouvertue aux capitaux étrangers, et, par là, à l'économie capitaliste occidenule. L'infitâh

visait à "ouvrir" directement l'économie égyptienne aux investissements privés. L'apport

de capitaux et de technologies devait permettre la croissance economique du pays et "donc"

assurer son développement. La nouvelle législation (en particulier les lois no65 de 1971 et

no43 de 1974) accordait toutes sortes de garanties et d'avantages aux investisscurs : zones

franches, garanties de non-nationalisation, avanlages fiscaux, facilités administratives,

une définition très large de l'intellectuel, visible en particulier dans I'expression arabe utilisée, ahl al-fikr, et qu'elle peut, à ce titre, être défendue dans ie cadre d'une macro-analyse).

34 - Contre 507a po:ur les collections plus traditionnelles. Cf. 'Awnu (Llis), al-Thawra wa-l-adab (La révolution et la littérature), Le Caire, Dâr al-Hilâl, 1914, p.179.

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etc.35 Sans conteste possible, c'est grâce àl'infitôh que l'édition égyptienne put renaître, en rattrapant une partie du retard technique accumulé à partir des années 50 (à un moment où I'impression et I'edition avaient justement èonnu une importante révolution technique) et en accueillant une nouvellc génération d'éditeurs 36.

lancee au nom dc la "révolution de la rectification" lthawrat al-tashîh),1'infitôh étart toutefois indissociable d'une "conre-révolution" politique et idcologique qui visait à briser les noyaux de résistance pro-nassériens en favorisant notamment I'expression de courants développant un discours politique articulé autoru d'une thématique islamique. Certes, le régime sadatien ne lança pas d'offensive comparable aux vastes campagnes d'éducation culturelle [tatlqîf] des années 60. D'ailleurs,la tendance n'érait-ellc pas au désengagement de I'El.at (le ministère de la Culture, prcmier du genre dans un pays arabe, fut même momentanémcnt supprimé par le décret présidentiel 150, dc 1980) 37 ? En réalité, duranr la période sadatienne, les mesures d'encouragement visant à soutenir la production de biens culturels conformes à une certaine idéologie passèrent. non plus par des tentative d'inculcation directe, prenant la formes de politiques culturclles, mais par une action diffuse qui trouvait son expression à tous les nivcaux du marché, dans les pratiques du marché culturel.

Par conséquent, ce fut un paysage éditorial totalement différent qui se mit progressivement en place à partir du milicu dcs années 70, lorsque I'edition égyptienne entreprit de reconstituer sa basc productive, en fonction dcs nouvclles donnees politiques et économiques. Les activités du secteur public étant nettemcnt en retrait, la renaissance de I'edition églptienne fut. essenticllcment la conséquence d'un regain d'activité à I'intérieur du sectetu privé. C'est à I'intéricur de ce secteur que lcs profcssionnels de I'ecrit durent trouver à s'cmploycr. Après avoir été soumis aux diktats de I'idéologie officielle, ils devaient désormais subir ceux du marché.

En effet, la commande officielle ayant quasimcnt disparu, les producteurs d'écrits n'eurent d'autres débouchés possibles que ceux offerts par I'initiative privée. Dans un marché traditionnellcmcnt étroit, et rendu plus difhcile encore par une crise economique et une baisse du pouvoir d'achat qui touchait particulièrement les couches sociales consommatrices de biens culturels "de qualité", comme le livre, la diffusion est brusquement devenue un critère de tout premier plan. Même s'il existait toujours des soruces de financement possible, y compris pour des motivations idéologiques, les nouveaux "mecènes" de l'édition se montraient en général beaucoup plus soucieux de I'impact des productions qu'ils soutenaient...

De toute manière, avec le retour à une économie de marché, y compris dans le secteur de la production des biens culturels que prennent en charge, de plus en plus, de véritables

35 - Cf. notarnment Kt{.q,Lar (G. A.), "The open-door policy in Egypt...", tn Studies in Egyptian Political Economy, THoMpsoN (H.M) (ed.), Cairo Papers in Social Sciences, The American University in Cairo, vol. 2, no 3, juillet 1983, pp. 73-100.

36 - Sur cette question, je renvoie le lecteur à mon article "Politiques économiques et industries culturelles: le cas du sectèur de l'édition" Maghreb-Machrek, janv.-mars 1990, pp. 104-120. 37 l* décret créé à Ia place un conseil supérieur de la Culture [al-nnjlis al-a'lâ li-l-thaqâfal. Le ministère de la Culture sera rétabli, quelques années plus tard, sous Husnî Mubârak.

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tt2

industries culturelles 38, h sanction du public a pris une importance sans commune

mesure avec ce qu'elle avait pu ôtre auparavant. Dans le domainc de l'ecrit, I'esscntiel dcs

changements introduits par l'infitâh réside sans aucun doute dans ccttc nouvelle

transformation de la fonction intellectuelle : désormais, la valcur d'un intellcctuel

producteur d'écrits est fonction de la qualité de son rapport, non plus avcc le haut,le

pouvoir et la définition des bicns culturels légitimes qu'il impose, mais avcc le bas,la

masse des consommateurs et leurs pratiques culturelles effectives.

H Y P O T H E S E S SUR L'EDITION ACTUELLE...

Au terme de cette présentation, nous voyons ainsi se dégager trois étapes. Chacune se

caractérise par un rapport particulier entre les trois termes réunis par la fonction

intellectuelle, entendue comme un acte de communication régi par le système social qui sc

met en place avec la Nahde. A I'intérieur de cette riade qui reste I'invariable de la foncrion

intellectuelle des temps modernes, prévalent successivement I'intellectuel cn tant que

producteur des valeurs du changement, puis I'Etat, portcur d'un projet national, et enfin la

société, telle qu'elle s'exprime à travers scs modes de consommation et ses pmtiqucs

culturelles.

Résumée sous cette forme, cctte hypothèse offre à l'évidence une lecture trop

schématique. Aucune de ses trois phascs ne présente un caractère monolitique. Au

contraire, toutes s'interpénètrent et la domination dc tel ou tel élément doit être concue,

non seulement comme une tendance générale, mais également comme la réorganisation

d'un rapport interne où s'instaure un nouvel equilibre.

En définitive, la crcdibilité de toute hypothèse repose sur sa capacité à expliqucr les

phénomènes observables. A ce titre, je me propose de conclure par I'exposition de trois

traits cuh.urels, caractéristiques du contexte social du marché de l'écrit dans I'Egypte

actuelle, et susceptibles de permettre une évaluation de la valeur heuristique du schéma

d'analyse que je propose.

Depuis le milieu des années 70, l'édition arabe, et môme I'edition islamique si I'on

tient compte d'un cas comme celui de l'édition turque, connaît une explosion sans

precédent de ce que I'on nomme, en arabe, le "livre islamique" lal-kitâb alislâmî). D'abord

apparu au Liban 39, le phénomène s'est considérablement étendu, en même temps qu'il

gagnait en imporLance. Aujourd'hui, on peut estimer que près des deux tiers dc la

38 - Il n'est pas indifférent à cet égard que parmi les éditeurs les plus importants, quantitativement parlant, dans I'Egypte actuclle, on retrouve trois entreprises qui se sont développées sur une base industrielle -notamment sur le plan de I'impression- au moment del'infitôh: al-Ahrâm, Dâr al-churûq et al-Maktab al-misrî al-hadîth. Cf. GoNzllez-Qutr,txo (Y.), "Crise du livre ou nouvelles pratiques culturelles", Le livre en Egypte, op. cit., pp.9l-1 pp.9l-1 pp.9l-1 .

39 - Cf. AL-HACHIMI @.), Kitâb 'arabî (Le livre arabe), [Tripoli], Manchûrât iuihâd al-nâchirîn al-'arab. 1986.

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1 1 3

production égyptienne est constituée par ce type d'ouvrages 40. C'est une véritable

avalanche de commentaires religieux qui reprennent plus ou moins la nadition du turôth

(parimoine) islamique, qui proposent des lectures islamiques de I'histoire, de I'economie,

du droit, de la philosophie, etc., ou qui se donnent comme autânt de manuels du

savoir-viwe, du savoir-éduquer et même du savoir-mourir islamiques...

L'existence de financements occultes ne suffit pas à expliquer I'existence d'une telle

production : il y a bien conjonclion entre, d'une pafi, une dészrffection certaine pour les

productions offertes par lcs créateurs patentés, associés aux expériences historiques du

passe, et, de I'autre, la capacité toute nouvelle des réscaux de production des écris à -ecouter

et à répondre - voire môme à multiplier - la demande d'un public longtemps frustré de

produits répondant à ses pratiques réelles.

Pour qui en observe la réalité economique, le marché du livre égyptien offre une

seconde occasion de tester la valeur explicative de cette hypothèse. En effet, il existe une

contradiction, apparemment inexplicable, entre d'une part, les déclarations de nombreux

acteurs culturels 4l et, de I'autre, les données de I'observation du marché du liwe égyptien.

Alors que les auteurs et autres producteurs qui ont fait profession de I'ecrit lancent dcs

cris d'alarme, pressent lcs pouvoirs publics d'intcrvenir d'urgcnce pour sauver le livre 42,

et prédisent pour finir la disparitron de la culturc écrite (voire de la culture tout entière en

vertu de cette dispositron, précédcmment évoquée, à réduire les pratiques culturelles au

seul domaine de l'écrit imprimé), on consLate dans le même temps une progression

importante aussi bien du nombre de titres edités en Egypte que du nombre de maisons

d'édition actives 43.

L'explication d'une telle contradiction rcpose en partie sur une question de définition.

Er réalité, le rappel régulier de la gravité de la crise, et la prédiction sinistre de la

disparition du livre naissen{. d'une conception particulière de i'écrit, sans aucun doute

défendable, celle de I'ouvrage "de qualité" qui propose des modèles culturels conformes à

certaines normes implicites. Ces modèles ont été portés jusqu'à présent par les

intellectuels reconnus, ceux qui sont nés avec la Nahda et le mouvement d'ouvertuie - et

de confrontration - avec les cultures euroDéennes.

40 - lnformation orale recueillie auprès des services du dépôt tégat cle la General Egyptian Book Organisation.

41 - Cette règle a souffert, récemrncnt, quelques exceptions, Çcitains éditeurs reconnaissant la bonne santé du marché. Cf. par exemple al-Wafd, 19l0llS9 lcnrreriens avec les responsables de Dâr al-churûq, al-Mnkiab al-misrî al-hadîrh et al-Zùtrà'li-l i'lârn al-'arabî).

42 - Cf. I'intcrvention du président Mubârak devant les représentants de l'intelligentsia égyptienne, le 26 février 1984. voir à ce sujer Goxzuaz-eurJANo (yves), "crise du liur" ou nouvelles pratiques culturelles", Le livre en Egypte, op. cit.

43 - si, d'après'A. Khalîfa (Ilaraknt nachr al-kitâb Jî Misr, op. cit.), on peur avancer, pour les années 70, le chiffre d'une vingtaine d'éditeurs actifs, pour unc cenraine d'éditeurs officiêllement déclarés, on conslatc, dans les années [J0, I'existence de 1400 entreprises d'édition et d'imprimerie (Qâ'imat al-nâchirîn wa ashâb al-matâbi', Liste des éditeurs et propriétaires d'imprimerie), al-Hay'a al-misriyya al-'âmma li-l-kitâb, Le caire, 198]', z vol.). La xxle foire du livre au Caire réunissait un total de 288 é:lireurs égypriens.

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1 1 4

Mais ce qui me paraît important, c'est justement cet aveuglement devant la réalité d'une autre production, ou bien encore le refus de lui accorder une légitimité culturclle à I'intérieur du champ symbolique. En réalité, ceux qui élèvent la voix pour condamner la crise du livre cherchent auprèi de I'Etat, en toute ingénuité, un soutien (comme on parlc d'une politique de "soutien du liure", da'm al-kitôb). Leur problème est de résister à un p.oc".ior qul tes condamne à la marginalité. Ce processus n'est autre que la réorgurisation àu champ iymbolique en fonction de nouvelles valeurs, au cours de cette nouvellc phasc qui voit la pioductiôn dcs biens culturcls être dominee par une economie de marché, par la demande ei les besoin culturels du public, et non plus par un projet élaboré par I'Erat' eVou par les productions dcs intellectuels reconnus.

Enhn, je terminerai ce'tte étude en me contennnt dc mentionncr brièvement un dernicr trait qui me paraît caractéristique de la production intellcctuelle dans I'Egyptc contemporaine. J" neu* parler du "nomadisme" ltarhâll dans le champ intellectucl arabe contemporain, nomadisme qu'illustrent les trajectoires individuelles de membres reconnus de la haute intelligentsia. Je pense ici à de nombreux intellcctuels qui ont rompu, souvcnt avec éclat, parfoii de façon plus nuancée, avec leurs premières convictions afin d'épouscr de nouvellei tendances, la trajectoire typique consistant à passer d'idées quc I'on pounait qualificr, selon le vocabulaire en usage, commc "de gauche"' "laïque1" et "progressistes" iasârî, 'lt*âni, taqaddumîl pour adopter une position dc typc

"islamiste"

U.r/dmî1. Si lcs n'ort O" fâriq al-Iiichrî ou âe Sâfi Nâz Qâdhim s'imposcnt, ne scrait-co que parcc qu'ils ont cherché à itréoriser cette mutâtion idéologique, il n'est nul besoin de prouver qu'ils ne Sont en I'occurrence que les figures emblématiques d'un. mouvement dont tout le monde constate qu'il parcourf I'ensemble du champ intellcctuel 44.

Sans accepter nécessaircment la classification ideologique ou politique que rccouvrent les termes couramment employés, il me paraît néccssaire d'examincr ccttc sorte de mouvement de "conversion", en unt que phénomène social. L'intcllectuel, celui qui dans bien des cas tire tout ou partie de sa subsistance de ses écrits, sc trouve placé dcvant une conjoncture dominee par lcs deux traits suivants :

- la commande étatique s'est raréhée. Quand elle n'a pas totalemcnt disparu, elle s'est objectivement dévaluee, diune façon puremenl. economique mais aussi symbolique.

-- la valeur de I'activité intellectuelle est fonction d'une présence sur le marché des biens culturels. Mieux, exister en tant. qu'intellectuel exige qu'on ait accès à un marché oit domine un type d'ouvrages, aisément répérable en ce qu'il exploite, de mille et une façons possibles, unè ueine islamique qui constitue, comme on I'a vu, les deux-tiers, environ, de la production.

Confronté à cette situation, on comprend que I'intellectuel se tourne vcrs d'autres valeurs, même si elles sont contradictoires avec celles qui avait, pu ôtre les sicnnes. Bien sûr, ce constat ne s'impose pas de façon aussi crue et I'intellcctuel n'agit pas comme un producteu cynique qui donne sa marchandise au plus offrant. Mais justement, jamais-la pression du éoniexte-historique et politique ne s'exerce aussi pleinement que lorsque les

44 - Il convient en particulier de signaler qu'il est loin de se limiter à la réflexion politique ou sociale. La productiàn culturelle connait le èas de "mutations" d'actrices qui récusent leur activité passée et s'engagent à ne plus avoir qu'une_ pratique "conforme à^ I'éthique musu-lmane"' à,écrivains qui éhàrchent les voies d'un roman islamique (certains ont même analysé les demières ceuvres de Jamâl al-Ghitânî selon cette perspective), etc.

(19)

il5

acteurs eux-mêmes croient à la vertu de leur indépendance. Selon la formule de Pierre

Bourdieu, c'est < à travers I'illusion de la liberté à l'égard des déterminations sociales (...)

que liberté est donnée aux déterminations sociales de s'exercer 45 >>.

C'est en ce sens qu'aujourdhui les producteurs d'écrits se trouvent confrontés au

dilemme suivant:

- rester fidèles à des modèles culturels qui trouvent souvent leur origine dans les

conditions mêmes d'apparition de la fonction intellectuelle, au temps delaNahda et subir,

inévitablement, une forme d'ostracisme social

- vouloir une reconnaissance sociale en tant que créateurs, ou penseurs, et se voir

imposer, plutôt qu'ils ne les choisissent, des norrnes, des problématiques, un horizon de

pensée, dcs valeurs conforme à un marché dominé par le fait islamique.

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