La naissance du mythe nationaliste dans les Principautés roumaines
pendant la domination ottomane, comme décrit dans La Troisième
Lettre
de Mihai Eminescu
-L'importance de l'église orthodoxe et le refus de
11slâm-par
Mimna Catalina Radulescu
Thèse remiseàla Faculté d'Etudes Supérieures et de Recherche afin de remplir en partie les demandes
pour le niveau de
Maîtrise d'Arts
Institut des Etudes Islamiques UniversitéMcGiIl, Montreal
Juillet 2002
1+1
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Remerciements
Je ne trouve
pas
de mots suffisants pour remercier le Professeur Onnsby~mon directeur de thèse, pour tous ses conseils et ses extraordinaires encouragements. De même~ j'aimerais adresser un grand merci au Professeur A Ûner Turgay~ qui, depuis le tout début, m'a aidé et soutenu aftn que je puisse rendre mon rêve de faire ma maîtrise réalité. malgré mon jeune âge et ma peur. J'aimerais également remercier le Professeur Boulatta qui m'a toujours adressé, lui aussi, plein de mots d'encouragement.Je n'ai
pas
oublié, mon amie, le Professeur Marina Swoboda grâce à laquelle je suis aujourd'hui étudiante àMcGill, qui m'a toujours comblé d'amour et de compréhensio~ ainsi que le Professeur Minoo Derayeh qui a su m'inspirer la curiosité envers l'étudedel'Islâm et qui m'a soutenu, ensemble avec le Professeur Swoboda, tout au long du processus d'acceptationdansl'Institut des Etudes Islamiques (fiS).
Je pense également à tous mes amis de t'IlS et à tous ceux qui m'ont soutenu Valery, Khalil, Salwa, Dawn, Ann et bien sûr, le meilleur des meilleurs, Wayne.
Mon plus grand support tout au long de mes études est venu de la part de ma petite famille de ma mère et de mon père, obligé de travailler
à
mes côtés malgré la distance énonne qui nous séparait, afin de pouvoir me fournir tous les documents trouvables seulement en Roumanie, de mon frère qui a payé mes études et qui s'est quotidiennement préoccupé de tout ce qui pouvait m'entourer et dont la paternelle présence j'ai toujours ressenti, de ma feu grand-mère qui m'a entouré d'amour et m'a apprit lapersévérence~de Chris sans lequel je n'aurais jamais été ici et surtout de la part de celui qui a toujours partagé mes moments de bonheur, ainsi que ceux de panique, de fatigue, de stress ou de réussite, mon très cher Ouatiq.Résumé
Titre: La naissance du mythe nationaliste dans les principautés roumaines pendant la domination ottomane, comme décrit dans La Troisième Lettre de Mibai Eminescu -L'importance de l'église orthodoxeetlerefusdel'Islâm
Auteur: Miruna Catalina Radulescu
Département: Insitut des Etudes Islamiques, Université McGilI
Niveau: Maîtrise
La plupart des héros nationaux roumains ont vécu pendant la domination de l'empire ottoman dans les Balkans. L'histoire témoigne de leurs faits mais certaines figures sont devenues presques mythiques grâce au pouvoir de la littérature nationaliste. Mihai Eminescu, le poète national roumain par excellence, dont les écrits ont été tollérés pendant le communisme, a eu une influence tellement forte avec ses écrits peu objectifs, qu'il est parvenu a créer une confusion historique au niveau de plusieurs générations. Après 1989, les livres d'histoire roumaine ont du être changés et j'essaie dans ma thèse de défaire tout le mythe des invincibles héros roumains et de comprendre pourquoi les principautés roumaines ont bénéficié d'un traitement
à
partàl'époque ottomane.Les principautés roumaines ont servi d'états tampons, empêcheant souvent l'avancée des ottomans au nord du Danube. Le double jeu, dont les leaders roumains se sont souvent servis, ont fait que la Valaquie et la Moldavie aient pu garder leur statut
à
part. De même, les traités de vassalité signés avec les roumains et le pouvoir de la foi orthodoxe ont empêché les ottomans d'imposer leurs lois et coutumes. Je souligne egalement que les ottomans avaient toujours eu la possibilité de tout changer dans les deux principautés et que c'est plutôt les intérêts financiers qui les en empêchaient.L'héroïsme des roumains est bien mis en évidence tout au long de ma thèse, cependant je chercheàajuster les véritables positions de chaque partie impliquée.
Abstract
Tide: The coming to being of the nationalistic myth in the Romanian principalities during the ottoman domination, as described in The Third Letter of Mihai Eminescu - The importance of the orthodox church and the refusaI of Islam.
Author: Miruna Catalina Radulescu
Department: Institute ofIslamic Studies, McGill University
Degree: Masters Degree
Most Romanian national heroes lived while the Ottoman Empire dominated the Balkans. History bears witness to their doings, yet certain figures have become aimost mythical thanks to the powerful impact of the nationalistic literature.
Mihai Eminescu, the Romanian national poet par excellence, whose writings were merely tolerated by the Communists, exerted a strong influence despite his passionate involvement and he managed to create historical confusion lasting for generations. After 1989, Romanian history books changed. In my thesis, 1 seek to modify the myth of invincible Romanian heroes and to understand the reason why Romanian principalities enjoyed a special treatment during the Ottoman period.
The Romanian principalities served as buffer states, stopping, halting the Ottoman advancement to the north of the Danube on many occasions. The double game often used by Romanian leaders helped Valaquia and Moldavia retain their special status. Also, the treaties of vassalage signed with the Romanians and the power of the Orthodox Church have prevented the Ottomans from imposing their own laws and customs. 1 also argue that while the Ottomans always had the power to change everything in the Romanian principalities financial considerations kept them from doing so.
Romanian heroism genuine enough but must be adjusted to reflect the true positions of each party involved.
Note:
Le
clavier français ne m'a
paspermis l'utilisation de
laméthode de translittération
utilisée
parl'Institut des Etudes Islamiques de l'Université McGill. J'ai donc été obligée
d'utiliser des signes acceptés
parle clavier français tels que:
-
â au lieu de
il- Ji
au lieu
deh
De même certains mots tels que devsirme ou paSa, je les ai écrit en utilisant la lettre
turque
"~.~.Table de matières Remerciements 1 Résumé
ü
Abstraet üi NœW
Table de matières vTraductionLaTroisième Lettre 1
Introduction 1
a~~l 8
L'EMPIRE OTTOMAN A LA CONQUETE DES BALKANS 8
Ùl création delaMaison d"O!,mân 8
Ùlconquête territorialeetlesystèmed'allillnces 10
Lesystème de deVJirme 19
Lecomportement des ottomans dJzns différentes régions 0CCIlpéJ!S 23
L'occupation de la Serbie et de la Bosnie 24
L'occupation de la Grèce 26
Lesrelations des Ottomans avec les états vassaux 28
Larelation de l'empire ottoman avec Dubrovnik (Ragusa) 28 La relation des Ottomans Ql'ec la Va/aquie et avec la Mo/dm'ie 31
Chapitre2 38
LES CINQ CENTS ANS DE VASSALITE DES PAYS ROUMAINS 38
Les règnes les plus remarquables dans l'histoire roumaine du XIVe au XVIIe siècle 41
Mircea l'Ancien 41
LaMoldavie de Etienne le Grand 1er 45
Vlad Tepes 48
Michelle Brave 50
L'époque phanariote 54
Origine des Phanariotes et les premiers hospodars 54
Ladeuxième période du règne phanariote et le rapprochement des Russes 57
L'évolution culturelle des pr;IIcïpautés dès son début jusqu'au milieuduXlXe siècle 61
L'importance de l'église orthodoxe et des premières écritures du Moyean Age 61
L'influence occidentale et la littérature roumaine 65 L'influence des voïévodes phanariotes sur la culture roumaine 68
Laculture transy!l'aine et le réel rb'eil nalionaliste 70
Conclusion 72
La Troisième Lettre
Traduite
par Miruna Catlina Radulescu
Un sultan parmi ceux qui règnent sur une langue
Qui
change la patrie des champs appartenant aux troupeaux
Donnait
àterre gardant la main droite sous son chef
Mais l'œil fenné en dehors. dedans se réveille.
Il voit comment la lune glisse et descend des cieux
Et s'approche de lui transfonnée en vierge.
Les ruelles fleurissent comme sous le
pasdu doux printemps
Ses yeux sont remplis de l'ombre de longues douleurs
Les bois sont émus de tant de beauté
Les eaux bouclent en tremblant leurs visages diaphanes
Dela poudre de diamant tombe fine comme un bourre
Etincelant, elle flotte dans l'air et dans toute la nature
Et dans ce beau sort,
ilsonne une musique de chuchotements
Et sur les cieux montent l'arc-en-ciel de la nuit
Elle, assise
àses côtés, sa fine main lui étend
Ses noirs cheveux de soie dans des vagues se décrochent
Laisse-moi lier ma vie à la tienne... Dans mes bras viens
Et apaise ma douce douleur avec la tienne
Il est écrit dans le livre de la vie et dans celui des siècles
etdes étoiles
Moi je serai ta maîtresse, toi le maître de ma vie.
Et comme
ilregardait le sultan, elle noircit et disparut
Et de son cœur il sentit un arbre qui poussa
Qui grandit dans comme d'autres en siècles, toujours plus grand
Il s'élargit avec ses branches sur le monde
etsur la mer
II comprit l'horizon de son immense ombre
Il vit les chaînes des grandes montages dans les quatre coins du monde
L'Atlas, le Caucase, le Taure et les Balkans séculaires
TI vit l'Euphrate et le Tigre, le Nil et le vieux Danube
L'ombre du fier arbre sur tout en
futla maîtresse
Ainsi l'Asie, l'Europe, l'Afrique avec ses déserts
Et les vaisseaux qui se balancent sur les ruisseaux
Les vagues vertes de blé qui se balancent sur les près
Les mers littorales et les châteaux des havres
Tous s'étendirent devant lui... comme sur un immense tapis
Il
vit pays après pays et peuple après peuple
Comme
pardes brouillards blancs il s'esquivèrent
etfirent semblant
Dans
l'étendue du royaume sous l'ombre d'un arbre
Les vautours
dansleur départ vers
lescieuxjusqu'à
sesbranches n'y arrivèrent
Mais un vent de victoire commença fortement
Et bâtit de
rang en rang
la
verdure qui
sonna
Descris
d'Allah! L'Allah! S'étendirent en
haut parmi lesnuages
Le bruit grandit comme une mer troublée
ethaute
Des cris de bataille se prolongèrent encore plus loin
Mais les feuilles pointues se plièrent après le vent
Et au-dessus de la nouvelle Rome s'inclinèrent jusqu'à terre
Le sultan tremble... il se réveille
etsur le ciel
Il voit la lune flotter sur les lieux d'Echicker
Il regarde tristement la maison du cheikh Edebali
Il aperçoit une enfant derrière les barreaux à
lafenêtre
Elle lui sourit, souple comme une branche de noisetier
C'est la fille du cheikh, la belle Malcatun
Alors
ilcomprend ce rêve que le Prophète lui a envoyé
Que pendant un infime instant il s'était élevé au Paradis chez Mahomet
Que de son mondain amour un empire ira naître
Dont les années et marges uniquement le ciel connaîtra
Son rêve se réalise et il étend comme un vautour
Année après année son empire de plus en plus grand
Et la bannière verte grandit an après an
Ainsi pays après pays route glorieuse lui en ouvrent
Jusqu'au Danube
ilarrive l'orageux Bayazid...
A un signe, un rivage de lie à un autre balançant bateaux
etbateaux
Et dans un son de fanfare passe son armée entière
Janissaires, enfants d'âme d'Allah et des soldats
Ils viennent et noircissent la terre à Rovine dans les plaines
Serépartissant en essaims, ils ouvrent leurs grandes tentes
Seulement loin, à l'horizon sonne le bois des chênes
Voilà venir un messager de paix avec une écharpe au bout d'un bâton
Bayazid, le regardant, lui demande avec mépris
Que veux-tu
?Nous, bonne paix.
Etsi cela ne dérange
pasNotre Sieur voudrait voir le grandiose Empereur.
A un signe la route lui fut ouverte et s'approche de
latente
Un vieux tellement simple d'après sa parole, d'après son port
Tu es Mircea
?Oui Empereur!
Sinon je change ta couronne dans des branches d'épines
Quelle que soit ton intention, Empereur et comment tu serais venu Tant qu'il
y
a encore la paix, je te souhaite: la Bienvenue!
Quant à nous incliner, Sire, excuse-nous:
Et si maintenant tu veux nous punir avec l'année et la guerre Ou tu voudrais faire dès maintenant demi-tour
Afin de nous faire signedela compassion de ton Altesse.
Que ce soit l'une, que ce soit l'autre...Ce qu'il estécritpour nous Nous l'obéirons volontiers, que ce soitlaguerre oulapaix.
Comment? Quand le monde entier m'est ouvert, tu penses que je pourrais regarder Mon armée qui trébuche sur une souche
a
vieillard tu ne penses même pas combien sont venus couper ma route Toute la fleur renommée de l'entier OccidentTout ce qui restedansl'ombre de la croix, empereurs et rois réunis Ils sont venus s'opposer à l'ouragan élevéparle quart de lune Habillés dans des armures brillantes, les chevaliers de Malte Le Pape avec ses trois couronnes mises une sur l'autre Des éclairs réunis contre les éclairs qui,
Dans la tempête de sa ragea couvert terre et mer
Ils n'avaient qu'à faire signe aveclamain ou avec l'œil, Et l'Orient a poussé tous ses gens vers ici;
Pour le triomphe de la croix ruisseaux et ruisseaux bougeaient Ou relevés des bois ou mouvements des déserts
Ebranlant de la paix profonde les commencements du monde,
Noircissant l'horizon entier avec leurs dizaines de milliers de boucliers Elles bougeaient affreusement comme des bois de lances et d'épées La mer tremblait apeurée de leurs navires
A Nicopole as-tu vu combien de campements se sont réunis Pour empêcher mon passage comme un mur invincible. Quand j'ai vu leur nombre autant que les feuilles et l'herbe Avec une haine inconsolable, je me suis chuchoté dans ma barbe J'ai juré qu'au-dessus d'eux je passerais fier, sans soucis
De l'autel de Rome je donnerai de l'avoine à mon cheval Et de mon cruel ouragantute défends avec un bâton? Et mené par le triomphe, je trébuche sur un vieillard?
Oui, sur un vieillard, Empereur, parce que le vieillard que voici N'est pas un commun des mortels,ilest le roi du Pays des Roumains. Je ne souhaitepasque tu arrives à nous connaître
Ni que le Danube coule tes armées en écume.
Depuis les anciens temps beaucoup sont venus, en commençant par cet hôte Dont les ancêtres parlaient en l'appelant Darius de Istaspe
Beaucoup ont fait un pont sur le Danube dans le temps
Et ils sont passés avec la peur du monde et avec une multitude de peuples; Des Empereurs que le monde ne pouvait plus contenir
Et je ne voudrais
pas
me louer
~tnon plus
temenacer mais
dès
qu'ils sont venus, ils sont
tous devenus terre et eau
Tu te glorifies que devant toi
tuas renversé vite fait
Les années en annures des empereurs et des vaillants
Tu dis que l'Occident a coupé ta route
Qu'est-ce qui les amenait à la guerre
Que voulaient-ils ces Occidentaux 1
('
Ds voulaient arracher les lauriers de ton front
de
fer,
Le
triomphe
de
la croyance, c'est ce que cherche
un
chevalier
Moi, je défends ma pauvreté, mes besoins
etmon peuple...
Et c'est pour cela que tout ce qui bouge dans ce pays, les fleuves et les arbres
Sont amis justes avec moi, avec toi, des ennemis
Tu seras hars par tous sans même te rendre compte
On
n'a
pasd'armées, mais l'amour pour la terre est
un
mur
Qui n'a
paspeur de
tar~nomméeBayazid!Et à peine s'en alla le vieillard... Quels cris, quels tremblements
Le bois bouillait dans les bruits d'annes et de buccins
Et dans ses bras verts, des milliers de têtes à longs cheveux
Des chevaliers remplissent le champ et bougent suite à
un
signe
Et avec leurs chevaux sauvages ils parcourent tous les bois
Ils traversent avec leurs sabots le noir visage de la terre
Des lances étincellent dans le soleil, les arches s'étendent dans le vent
Et comme des nuages de cuivre et comme le trot de grêle
Noircissent l'horizon, viennent des flèches de partout
Violents comme l'ouragan et comme la frappe de pluie
Hurle le champ de trots
etde cris de bataille
L'Empereur crie pour rien comme un lion enragé
L'ombre de la mort s'étend de plus en plus grande
En vain élève-t-il vers l'armée l'étendard vert
Parce qu'accaparés par la mort et de front et de côté
Parce que les longues rangées de bataille pendulent de plus en plus rares
Les chevaliers tombent comme les unités dispersées à travers le champ
Les pédestres s'agenouillent, là les cheveux sont retournés
Les flèches en vagues sifflent et rompent
Et attaquent d'en face et d'arrière, comme l'aquilon et le gèle
Sur la terre il leur semble que tombe le ciel en entier
Mircea lui-même mène dans la bataille l'affreux ouragan
Qui vient, vient, vient, marche sur tout ce qu'il rencontre
Les chevaliers arrivaient comme un grand mur de lances
Passant parmi les têtes païennes te perçant à travers les grandes rangées
Eparpillés des dissipent les files des ennemis
Et courant triomphants, viennent sans arrêt les drapeaux du pays
Comme un déluge qui détruit, comme une mer tumultueuse
Après une heure les païens sont comme la balle de blé éventée
Cette grêle d'acier vers le Danube est menée
Et derrière eux s'étale farouchement l'année roumaine.
Alors que les soldats s'asseyent, voici le coucher du soleil
Qui couronne les hauts sommets de notre pays
Avec une auréole de triomphe; foudre longue pétrifiée
Marge des montagnes noires et de tout le crépuscule
Jusqu'au jaillissement, l'une
aprèsl'autre des étoiles
séculaiœsEt
à travers la brume et
les bois,tremblant se montre la lune
Dame des mers
etde
lanuit qui verse silence
et sommeil.
Près de sa tente, l'un des fils du fàrouche roi
Reste, souriant
àun souvenir, écrivant un livre sur ses genoux
Pour l'envoyer
à sa bien-aimée, auprès d'Arges, aux environs
De la vallée de Rovine
Nous nous adressons Dame
àvous
Pas en paroles, mais en écriture
Car vous nous êtes tellement lointaine...
J'aimerais Altesse te demander
De m'envoyer avec quelque messager
Ce qu'il y a de plus fier dans ta vallée
Les bois avec leurs vallées
Les yeux avec leurs surcils
Moi je vous enverrai
Ce qu'il y a de p/usfier che= nous
Mes armées avec leurs drapeaux
Les casques hauts avec leurs plumes
Les yeux avec leurs sourcils.
Et sache= que je suis en santé
Que grâce au Christ
Je vous embrasse. Madame, tendrement.
De tels temps parlent les chroniqueurs
etles poètes
Notre époque est remplie de saltimbanques et de mendiants
Dans les sources anciennes, je peux encore chercher des héros,
Ou une lire qui rêve, ou des sons de flûte
Tu peux accueillir les patriotes qui sont venus dès lors ici ?
Devant eux cache-toi Apollon!
Oh héros! Qui dans le passé n'aviez pas besoin de louanges
Vous êtes
àla mode maintenant et on vous sort des écritures
Et avec vous ils exposent leur ignorance, tous les ignorants vous citent
Mélangeant l'époque d'or avec la boue lourde de la prose
Restez
dans lasainte ombre Basarabes et Musatins
Libérateurs de pays, donneurs de lois et de traditions
Qui avec les charrues et l'épée aviez étendu votre domaine
De la mer
àla montagne au Danube bleu
Mais notre présent n'est pas si grand? Je n'aurai pas ce que je demande?
Je ne rencontrerai pas panni les nôtres un bijoutier plein de mérites?
Ou bien au Sybaris ne sommes-noc.s
pasprès du comble
Clela
détresse
Les gloires ne naissent point dans la rue
etnon plus
à
laporte de quelque café
Nous n'avons
pasde gens qui luttent avec des lances rhétoriques
Dans l'applaudissement lourd
dela racaille des chemins
Des cordonniers des affaires du pays qui jouent, comme aux
carteDes masques renommés de
lacomédie
desmensonges
Or de patrie, de vertu ne parle pas le libéral
Et
tucroyais que la vie
esthonnête comme le cristal.,
Tu ne vois même pas que devant toi
il
ya un pilier
decafés
Qui
ritdeces paroles et en les répétant souvent
Tu vois là comment la laideur sans âme et sans songe
Avec son regard poilu, gonflé dans les joues
etdans le budget
Noir, bossu
etgourmand, une source de magouilles
A ses camarades il raconte ses vénéneux n'importe quois
Tous ayant vertu sur leurs lèvres et dans la monnaie ils se cachent
Quintessence de saletés de
latête jusqu'aux talons
Et au-dessus de tous, leur armée pour la reconnaître
Ils jettent leurs cochonneries, ceux avec des yeux gonflés comme de grenouille
Parmi ceux-ci choisit aujourd'hui notre pays des ambassadeurs
2!
Gens appliqués qui mettent le fondement de la Sainte Gaule 1
Dans des chemises avec de longues manches et avec des tarbouches sur la tête
Ils font nos lois et nous obligent
àpayer tribut, nous parlent
dephilosophie
Les Patriotes! Les Vertueux et les fondateurs de maisons
Là où la décadence flotte dans les pestes et dans les mots
Et applaudissent des schismes frénétiques, des chaussons
etdes jeux...
Et ensuite
àla Cour du pays ils se rassemblent pour s'admirer
Des Bulgares avec la nuque grosse, des Grecs avec le nez mince
Toutes ces geules sont prétendues de romains
Tous ces greco-bulgares petit-fils de Trajan!
Cette écume vénéneuse, ces vulgaires, ces déchets
Qui arrivent
àêtre maîtres sur le pays et sur nous !
Tout ce qui est marqué avec la putréfaction de la nature
Tout ce qui est perfide et gourmand, tout le Phanar, tous les ilotes
Tous se sont écroulés ici et forment les patriotes
Et ainsi les fanfarons et les bêtes, les gros et les retardés
Bafouilleurs à la bouche déformée sont maîtres de cette nation.
Vous êtes les descendants de Rome? Des méchants et des gourmands
?Il est honteux pour
1'humanité de vous appeler des hommes
Et cette peste dans le monde et toutes ces créatures
Même la honte n'en trouve part dans leurs bouches folles
Amenant la honte sur la gloire du pays
Et osent appeler ton nom... pays!
A Paris
dansles bordels de cuisine et de paresse
Avec leurs femmes perdues et leurs orgueils obscènes
2Le mot pertinent serait plutôtmessagers, mais dans le contexte du ISe siècle ambassadeurs me paraît plus
Là vous avez mis votre fortune
etvos jeunesses, à pourrir
Qu'a fait de vous l'Occident, quand
iln'y a rien a faire
Et ensuite vous êtes retournés chez nous, à la place de cervelle une bouteille de pommade
Consommés, sans temps, mais avec le cerveau d'enfants
Comme connaissance ayant en
tête,une valse de Bal-Mabil
Et en échange
desa fortune un soulier de courtisane
Oh, comme je t'admire, progéniture
deromane !
Et maintenant vous regardez avec peur notre visage sceptique
etfroid,Vous
êtesétonnés comment m.gourd'hui votre mensonge ne
passeplus
Quand on voit que tous ceux qui jettent des mots grandioses
Qui ne chassent autre que l'argent
etle bénéfice sans peine
Aujourd'hui quand la phrase soignée ne peut plus nous tromper
Aujourd'hui, Messieurs d'autres sont coupables n'est-ce
pas?Vous avez trop montré votre arôme, dévorant ce pays,
Vous avez trop rempli ce peuple de honte
etd'injures
Vous avez trop abusé de la langue,
desanciens et des habitudes
Pour qu'on ne puisse
pasmontrer une fois que vous êtes des escrocs.
Oui le bénéfice sans travail, voici l'unique départ
La
vertu? Une connerie.
Legénie" Un impédiment
Mais laissez au moins les anciens dormir dans
lapoussière des chroniques
Dans leur glorieux passé vous regardent au moins ironiques
Pourquoi ne viens-tu pas Tepes mon prince et mettant ta main sur eux
Tu les partagerais en deux camps de fous et d'escrocs
Et dans deux larges prisons, tu les jetterais contre leur bon grès
Et mets feu
àla prison et à
lamaison de fous
!IntrodJlctlon
Toute nation et tout peuple reposent surunpassé,
passé
qui leur appartient plus ou moins.. passé qu'ils aient pu s'associer ou s'inventer. Quel qu'il soit, il aà
l'origine des faits réels, qui ont été remodelés ou tout simplement mal comprisparles peuples en question. Les Grecs d'aujourd'hui s'associent très souventà
la Grèce Antique, alors que les Dieux de l'Olympe ne voient plus cette population se prosterner devant eux et les habitudes anciennes ont été remplacées par celle de l'église chrétienne orthodoxe, si importante aujourd'hui dans cette région. De la même manière, les Turcs nationalistes parlent de l'époque pré-ottomane, alors qu'ils sont beaucoup plus proches de l'empire ottoman~les Français parlent des anciens Gaulois et même de leur héritage celte, les Mexicains des Aztèques dont les connaissances en matière de génie civile semblent dépasser celles contemporaines, les Roumains parlent de leur latinité et de leurs ancêtres Romains ou bien de leurs héros du temps des ottomans dans les Balkans. Pendant cinquante ans de communisme, le peuple roumain a pu bénéficier d'une histoire très subjective, très souvent fabriquée de faits réels, mélangée avec beaucoup d'imagination et avec beaucoup de subjectivité. Une histoire mentie, dont la vraisemblance était loin et pourtant certains faits que le Parti Communiste aurait préféré laisser en dehors des pages des livres d'histoire, ont cependant été mentionnés. Ces faits portent en eux les graines de cettevérité reconstruite après la Révolution roumaine de 1989 par les historiens roumains, vérité qui a été mentionnée dans les livres d'histoire ottomane publiésàl'étrangerl.
Dans le contexte de l'écriture de cette histoire mal interprétée ou mal évoquée de la période communiste, ily a eu
besoin
d'aller fouillerdans
le passé pour trouver des faits qui puissent être utilisés afin de mieux convaincre les masses.De
même, certains événements ou certaines personnalités sont tellement bien inscrits dans la mémoire commune d'un peuple, qu'il est difficile de les effacer. Ainsi, dans la culture propagandiste communiste, une place a du être reservée au poète Mihai Eminescu2,quoiqu'il ne se soit aucunement plié aux clichés imposés par cette nouvelle manière d'expression tellement rigide. Il est évident que ses poèmes n'avaient rien qui ait pu servir au but de la propagande, mais ils n'avaient pas trop d'éléments qui aient pu nuire non plus. Cependant, il fallait garder l'attention sur les méthodes d'interpretation qui auraient pu être risquées si les enseignants n'adoptaient pas le conformisme très strict, en évitant ainsi toute possibilité de faire appel à l'imagination. Nous pouvons conclure à une nouvelle manière de propager le nationalisme roumain, qui ne se comptait pas au sein du Parti Communiste. Par ailleurs, le fait d'interdire un tel poète aurait pu créer beaucoup plus de chaos. Il valait donc mieux lui permettre cette existence quoique peu justifiable. Sa censure aurait pu entraîner un désir très fort de partager ses idéaux, son écriture, ses messages et certains faits qu'Eminescu évoquait de façon ironique ou
1La plupart des livres dont je me sers tout au long de lathèsedont les auteurs sont roumains ou d'origine roumaine ont été publiés à l'étranger, avant 1989. Leur vue de l'histoire roumaine à l'époque de l'empire ottoman n'était souvent pas connue par les Roumains qui n'avaient aucun accès à ces sources.
2Ecrivain roumain, néàIpotesti en 1850, mort en 1889. Ce qu'il est très intéressant est le fait qu'il ait été souvent accusé de xénophobie pendant sa vie. Cependant, son vrai nom est Mihail Eminovici et on
négative auraient puêtre directement superposés au communisme: Je fais référence plus
exactement au passage où il parle de ce qu'il est resté de ce glorieux passé des roumains
et de cette race de guerriers après l'arrivée
des
Phanariotes, parvenus, en détresseetsansaucune éducation, ni scrupule.
Mihai Eminescu est considéré jusqu'à nos jours le poète national roumain par excellence
etbien d'entre ses poèmes sont appris parcœur dès l'âge le plus jeune. Panni ceux-ci se
compte La Troisième Lettre,que toutjeune roumain doit retenir religieusement dès les
premières années d'école, généralement à partir de neuf ou dix ans. Ce poème évoque
l'héroïsme du peuple roumain dans le passé et suit les événements
à
partir de 1394 jusqu'au contemporain de l'écrivain, c'est à dire au XIXe siècle, époque de ladésintégration de l'empire ottoman. En évoquant tous tes moments importants de
l'histoire roumaine dans un seul poème, Eminescu ait crée l'impression que le
nationalisme roumain a existé, bien avant que la notion même de nationalisme ait pu
trouver ses racines. L'auteur parlait avec une tene ardeur des luttes menées par les
Roumains contre les Ottomans et des victoires évidentes, sans même se soucier des
vérités historiques. A vrai dire, son intérêt était plutôt de pouvoir faire sentir à ses
compatriotes que le précipice vers lequel ils se sont orientés, sans avoir le droit de veto,
voudrait dire signer l'arrêt de mort de toute une culture et toute une tradition ancienne et
forte. La suite de cet événement serait l'apparition de salons de café français, en compagnie des récentes découvertes teUes que l'arrivisme, la prostitution, le prétendu
argumente que son père soit d'origine bulgare. Ceci fait que son comportement xénophobe soit aperçu comme sans fondements et il s'est retrouvé discrédité d'une certaine façon sur le plan politique.
savoir-vivre d'Wle couche inférieure
de
la société,dont
le pouvoir financier en était devenu énorme.J'ai évoqué plus haut la notionde nationalisme, mais ce qu'il faudrait comprendre dès le début est qu'au moment où les mouvements nationalistes se
1àisaient
profondément ressentirdans
l'ouest de l'Europe, les Balkans étaient encore sous occupation ottomane. Ainsi, non seulement le nationalisme a été retardé de presque cent ans, mais encoreil
s'est basé sur l'idéalisation des mythes glorieux du
passé.
L'impact de la Renaissanceet
de l'llluminisme des XVIIe et XVIIIe siècles occidentaux n'ont
pas
pu faire naître des réactions dans une Europe orientale, si axée encore sur un passé démodé. A ce propos l'historien allemand Hans Kohn argumente que:Le nationalisme en Europe Centrale et de l'Est est souvent crée de mythes du
passé
et de rêves du futur, de la patrie idéale liée de près aupassé,
manquant toute connexion immédiate3 avec le présent et qu'on attend de voir devenir une réalité politique.4L'idée ci-haut s'applique parfaitement
dans
le cas des pays roumains (et ceci vient contre dire en partie le poète Mihai Eminescu). C'est une des ces parties de l'Europe où le passé a tardé, où l'ouverture vers un monde moderne avec de nouveaux idéaux n'a pas été possible, sa seule ouverture, n'étant que celle vers Istanbul, vers lespa~as (ou pachas),les vi=irs et les sultans, vers un passé traditionnel et lointain. Nous allons faire une comparaison chronologique du poèmeLaTroisième Lettre avec l'histoire teUe quelle, en
3Ceci représente l'argument clé dans tout le reste de la présentation.
4Sugar, Peterf. - Nationality and Society in Habsburg and Ottoman Europe 1354-1804, Variorum, Great
essayant de comprendre Pimporœnce stratégique des
pays
roumains devant lepassage
des armées de Pempire ottoman en Europe.Le
fait de jouer le rôle d'état tampon, a mis plusieurs fois enjeu la situation économique autant que politique des pays roumainsetlefait de pouvoir garder le contrôle
dans les
affaires intérieures a pu être envisageableseulement grâceàla bonne foi des leaders roumainss.
Bien des gens ont essayé d'écrire à nouveau l'histoire roumaine après la tombée du
communisme, mais il faut comprendre quels sondes facteurs qui ont contribuéàtordre la
vérité. L'influence d'un poème tel que
La
Troisième Lettre
a été si grande que tes gensont fini par l'accepter comme vérité irréfutable. Il est d'autant très difficile de nier tout
ce qu'on leur a appris pendant cinquante ansetchanger la mentalité de deux générations
demande, au moins, l'attente d'une nouvelle prêteàaccepter ce phénomène. Mais avant
de parler de la lutte anti-ottomane portée au long des siècle
par
les des roumains,il
est important de comprendre le contexte, c'est à dire le pouvoir de l'empire ottoman et sesintérêts dans les Balkans. Ainsi, mon travail sera divisé en deux parties importantes,
l'empire ottoman et son influence dans les Balkans en général, suivi par une deuxième
partie qui illustrera chronologiquement (et plus en détail) le cas des deux pays roumains,
la Valaquie et la Moldavie à l'intérieur de cet énorme empire6. Il s'agit d'illustrer et de
bien comprendre ce qui a mené les Ottomans à arriver si loin de l'Anatolie. Il faudrait
saisir les origines du désir de posséder les terres de l'Europe orientale, d'abord pour des
SEn parlant de bonne foi, je veux dire bonne foi visàvis de leurs principautés respectives. nfiwt surtout
comprendre que le double jeu a été un des moyens par lesquels des zones si petites que les pays roumains ont pu grader leur indépendance. Ainsi, la bonne foi n'est pas une vertu montrée ni envers les Ottomans, ni envers tout autre état voisin.
-raisons économiques (les richesses de ces terres,
et
leur rendement agricoleet
maritime etc., qui a pennis de nourrir presque tout l'empire ottoman) et pour des raisons politique(l'ouverture vers l'Europe occidentale
et
le désir peut-être d'arriverà contrôler le monde entier). La conquête ottomane étaitpossible
grâceàla conquête terrestreet
au partage du terrain suite à la conquête.Quant
au
désir de contrôler le monde, il serait peut-être intéressant de citer le propos de Franz Babinger7 dansMehmed the Conqueror and HisTime, afin de se rendre compte de la persévérance des sultans ottomans et les pouvoirs
dont ils disposaient
Mehmed n'avait rien à craindre dans la partie du nord-est de la Roumélie. La Valaquie ne donnait aucun signe d'hostilité et dans tous tes cas ses forces armées étaient négligeables. Clairement la Hongrie était le seul adversaire sérieux, et donc, c'était contre la Hongrie que, l'été de 1456, le sultan a orienté sa première large campagne après la conquête
de
Constantinople. Certainement, le premierpas devrait être la subjugation totale de la Serbie [...
J.
l'annexe de Belgrade. la forteresse hongroise du Danube. Une fois ceci entre ses mains ~...J
il serait capablede
manger son dîner en paix8àBuda .6 Quelques paragraphes seront dédiés à la Transylvanie également. La raison pour laquelle je n'ai pas choisi de parler entièrement de la Transylvanie est son passage continu de l'autorité hongroiseàl'autorité turque et son impossibilité de "garder le même rythme'" que les autres deux principautés roumaines.
7Franz Babinger - Mehmed the Conqueror and His Time, translatedbyRalph Manheim, ed.byWilliam C. Hickman, Princeton University Press, (l978) 138.
8Rien ne prouve que ce soit véritablement les dits de Mehmed le Conquérant. A mon avis l'auteur rentre dans la personnalité du personnage du sultan et il utilise cette formule sarcastique afin de mieux illustrer la force des ottomans et dirai-je presque l'impossibilité de trouver un adversaire qu'ils puissent craindre.
9 Toutes les citations sont traduites par moi-même en français afin de permettre un meilleur suivi de
Ce pouvoir des ottomans a été gagné de manière tellement mpide et sans préalables, que
même les rois européens tels que François 1er ont été obligés de reconnaître l'existence
de l'empire ottoman et deses bénéfices. Cepropos est énoncé par
Halil
InaJciklO dansStudies in Ottoman Social and Economic
History:
En 1532, François 1er avouait qu~iI considérait l'empire ottoman comme l'unique puissance garantissant l'existence des états européens contre Charles Quint. A cette époque J'empire ottoman passa sans aucun doute de la situation d'un état anatolien et balkanique à celle d~un empire mondial.
Mais comments~estdéroulée l'évolution ascendance de J'empire ottoman avant J'arrivée
au bord du Danube? Nous aJlons suivre plusieurs étapes telles que la création de la
maison d"O~mân, avec les conquêtes et le système de mariages atnlngés, plus tard
l'imposition de l'Islâm dans certaines zones occupées, l'adoption de l'Islâm pour de
raisons opportunistes et le système de dev$irme par lequel les sultans avaient plus de
contrôle dans les régions occupées et finalement la place des principautés roumaines dans
le cadre de l'expansion dans les Balkans. Cette place est à part et c'est justement ce
traitement différent dont les Roumains ont disposé qui a permis le développement de mon
sujet.
Après avoir bien illustré la position géopolitique des principautés, J'avantage de leur richesse, de leur collaboratio~je vais me concentrer sur les cinq cents ans pendant lesquels les principautés roumaines ont signé plusieurs traités de vassalitéetvoir s'ils ont
été véritablement respectés autant d'un côté que de l'autre. Ceci m'aidera à comprendre
la naissance de ce mythe nationaliste que Mihai Eminescu semble évoquer avec tant
de
fierté. Dans cette deuxième partie, je procéderaiàune étude chronologique des différents
règnes des pays roumains, en commençant
par
les plus remarquables du XIVe au XVIIe siècles, règnes sous l'autorité des princes purementroumains,
suivispar les règnes des Phanariotes. issus des anciennes famines nobles de Byzance.Dans
le cadre de cettemême partie, je suivrai l'évolution culturelle des principautés dès le début jusqu'au XIXe
siècle, en soulignant tous les apports des différents règnes et bien sûr l'influence de
l'église orthodoxe.
Chapitre 1
L'EMPIRE OTTOMAN A LA CONQUETE DES BALKANS
Lacréation de la A-faison d"OE,mânl l
L'origine de cet empire, qui a dominé pendant plus de six cents ans dans le monde, se
trouve dans les tribus turques situées au sud de la Sibérie. Ces tribus étaient réunies sous
formes de "fédérations tribalesl2"formant en quelque sorte des "états13". Ces fédérations
Il '''Othmân 1er, fondateur éponyme dela dynastie ottomane. Dest impossible d'établir la date de sa
naissanceet ceJle de son ascension au pouvoir souverain. Son activité s'étendit sur le premier quart du VIlIelXIVe siècle, et la tradition ottomane affirme qu'i! mourut peu aprèslaconquête de Bursa (... ]par son fils Orkhân." C.E. Bothworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs et G. Lecompte - Encyclopédie de !'!stID:!!,Nouvelle édition, Leiden, Brill, (1995), VIII, 183.
12 Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, A History of East Central
étaient dirigées
par
des conquérants. Ds suivaient un système pyramidal, dont lesinfluences seront vues plus tard dans la croissance et l'organisation de l'empire ottoman.
Leurs statégies et la confiance montrée au leader ont fait que ces peuples aitpugagner un
pouvoir très fort dans la région eten
permettant
r
expansionde certaines tribus. fi estdifficile de suivre leur l'évolution car la plupart ne possédaient pas de pouvoirs
héréditaires et donc uniquement les plus grandes se sont fait remarquer.
Les premiers "états" turcs étaient au mieux des "fédérations tribales" mises sur pieds
par
des hommes très forts dont la mort signifiait la finder"étaf,14.Cependant, toute règle a une exception et dans ce cas il s'agit des tribus de Turkmènes
à
l'origine des ottomans. Elles étaient établies aux environs de la mer d'Aral vers la fin duXIe siècle. C'était des Seljuqs, provenant de Ghuz et de Orghuz. Ces tribus formées de
guerriers étaient menées par un fort désir expansionniste. Comme résultat, ils ont établi
plusieurs centres où leur pouvoir était entièrement reconnuetrespecté, dont l'Anatolie et
même Baghdâd. Ds sont parvenusàavoir un tel pouvoir tel qu'ils ont réussi à régner sur la totalité de l'état abbâside15.
Ce qu'il est important de mentionner est que ces tribus turkmènes étaient déjà converties
à J'Islâm avant même qu'on puisse parler d'un état seIjuq. Elles avaient donc adopté les
lois musulmanes et nous allons voir comment, plus tard, leur devise est devenue plutôt la
13Ibid.
14Ibid
lutte contre le non-croyantsetnon plus te désii."de pouvoir, notamment celui offerts
par
les conquêtes territoriales. Alp Arslan, neveu de Tughril, le leader seljuq en place àBaghdâd, a été envoyé en Anatolie pour offrir la sécurité des frontières. D'ailleurs,
lorsque les Seljuqs ont étémisen dehors de
Bagl!dâd
àtoutj~ ilsont profité de leur forte influence en Anatolie pour s"y installer définitivement. Les soldats turkmènes, lesdéfendeurs de la religion musulmane étaient connus sous le nom degâzÎ.
ns
portaient des luttes constantes contre les défendeurs byzantins, les artikois. Autant les gâzîs queles artikois, quoique soldats au nomdelareligion, ils n'étaientpassuffisamment éduqués
pour savoir exactement au nom de quoi ils luttaient.
n
y avait toute sorte de mythes et d'histoires populaires qui influençaient les vraies pratiques musulmanes et chrétiennes.Suite àce fait, les lois islamiques ont pu gagner plus de terrain, et bientôt, la principale
influence dans la région de l'Anatolie, devenue l'état des Seljuqs de Rûm avec la capitale
Konya (SeIjuqs de Rome), était celle de l'Islâm.
La
conquête territoriale et
lesystèmed'a[Dances
Il n'y a pas de précision exacteàpropos de la formation de l'empire ottoman. Ce qui est
cependant sûr est que ses bases ont été établies par 'O~mân, le fils d'Erthogrul, gâzî de Sôgüt. Pendant l'époque des invasions mongoles plusieurs de ces petits états, dont celui
d'Erthogrul, ont pu devenir indépendants et continuerà vivre d'après leurs propres lois.
'O~mân est devenu le chef militaire ainsi que le chef spirituel de turcsl6
• Il a continuéà
16 Inalcik, Halil -Studies in Ottoman Social and Economie HistQIY,
n,
77: "Mais l'entourage d"O~mân, c'est-à-dire les'O~mânh (Ottomans) comme lesTurahanIJ, lesEvrellz/u, plus tard était peut-être formé dese servir du système de
tlmarl1,er. ayant mis en place Wle bureaucratie
trèsstable
1B•Ce
qu'il a très vite compris était le besoin de conquête territoriale, que ce soit
par le moyen
de l'épée ou bien
par le moyen des alliances.
'~mâna réussi
à s'élever très vite
grâceà
son association avec le sheikh Edebali, en prenant sa fille comme épouse
l9•Plus
tard,pendant que le
pèreO~mânmenait la lutte contre Byzance
20,arrivant
dansces conquêtes
très près de Constantinople, le fils, Orkhân occupait Bursa en 1307.
guerriersgâzî venus de toutes parts. Dans la vieille tradition ottomane, '~mânestreprésenté comme un chef protecteur degaribs, c'est-à-dire des guerriers vagabonds, gens ayant abandonné leurs foyers pour
venir s'enrôler sous ses drapeaux. Toujours, selon cette tradition, les gens qui entouraient 'OImânétaient des gâzîs desahi, des derviches. Lui distribueàceux-ci sous fonne de tlmar, de vakoufs ou de mülk les
terres qu'il a conquises. Certains leaders appartenant à l'aristocratie militaire de Byzance aux frontières tels que Gâzî Mihal, se joignirent à lui. Les grandes donations terriennes faites à Gâzî Mihal dans la région centrale de Sakarya étaient, d'après les cahiers de registre XVe siècle, encoreàcetteépoque détenus par ses descendants". Voicià quel point celui qui s'alliait avec les Ottomans, pouvait en profiter, sans que sa religion ou sa descendance soient prises en compte. Cette tradition a été gardée pendant plusieurs générationset nous allons voir comment Mehmed 1er a essayé de la changer, sans cependant que ceci dure au-delà de ses années de règne.
17Système qui ressemble fortement au système féodal européen.
l iCeci est très favorable aux historiensd'aujourd'hu~ car c'est la dynastie musulmane qui offre le plus de
documents. Elle pennet d'établir avec précision certains faits historiques.
19Dans son poème, La Troisième Lettre, MihaiEminescu fait allusionà la belle filledu sheikh Edebali. Ceci peut aiderà mieux comprendre la chronologie de son poème et aussi de nous éviter à penser que Malcatun était l'amoureuse de Bâyazîd. A mon avis, après d'innombrables lectures du poème, cette confusion demeure fort possible. "Malkhâtün, fille de ·Ùmer Beg, dont le nom figure aussi comme témoin dans le même document, peut avoir été l'épouse de 'O~mân. La tradition ottomane à partie de •Âshi~pashazâde, appelle son épouse Malkhun, fille du derviche légendaire, Edebali." Ençyclopédie de l'Islam, VIII, 183.
20Inalcik, Halil - StudiesinOttoman Social and Economie HistQty, II, 75.. Les Turcs n'ont pas toujours
mené une politique d'attaque envers Byzance. Plutôt, aux environs de 1290" Devant la pression exercée par son rival, protégé des mongols, le sultan seldjoukide Izzeddin Keykâvus, chercha, avec son entourage, refuge dans les marches. Un épisode concernant Keykâvus qui se réfugia en fin de compteà Byzance, a son importance pour l'histoire des Balkans. En effet, trente à quarante "oba", panni ses partisans, rejoignirent le sultan àByzance et furent installés par le gouvernement byzantin en Dobroudja où ils fondèrent des bourgadeset des villes. Là ils passèrent sous la domination du puissant Emir Nogay de la Horde d'Or, qui était musulman. D'après le professeur Wittek, ils prirent le nom de Gagavuz, déformation de Keykâvus. Le chef moral des ces turcs musulmans d'Anatolie, le derviche hétérodoxe Baba Saltuk, est représenté dans la grande épopée des turcs des Balkans appelée5altllknâme, comme un Gâzi, comme une
grande figure religieuse ayant joué le rôle prépondérant dans la diffusion de l'Islâm dans les Balkans. La mort de Nogay en 1299 priva ces musulmans de leur protecteur. Une partie essaya de retourner en Anatolie. Ceux qui restèrent embrassèrent le christianisme". J'ai choisi de citer ce paragraphe en entier, car je trouve qu'il a une forte importance pour l'étude de la lutte avec les principautés roumaines de plus
Dès les premières incursions ottomanes en Europe, jusqu'à plus ou moins la conquête de Edirne (Adrianopolis, Adrianople, Adrianopol, Odrin) en 1365, plusieurs facteurs, ajoutés à la pression de la population mentionnée plus hauf1, rendaient
la
migration extensivedes turcsen Europepossible. Les Ottomans ont réalisé lanécessité de gagner fermement le contrôle des Dardanelles pour deux misons.
militaire et économique. Ils espéraient contrôler le
passage
de l'Anatolie vers les Balkans
et
de charger des frais de passage sur les biens transportés dans les détroits. lisétaient donc impatients de créer une nouvelle frontière en
~llrope[...]22.
Une raison importante pour laquelle cette conquête territoriale de plus en plus étendue
était fort nécessaire, était le fait que les gâzis. classe militaire exemptée de taxes, avaient
un revenu provenant de leurs territoires et donc, plus ils avaient de territoires sous leurs
contrôles, plus ils pouvaient avancer sur l'échelle sociale. Apartla conquête territoriale,
il existait une autre manière de gagner le pouvoir territorial. Il s'agit du système
d'alliances que je viens d'évoquer plus haut. Nous pouvons remarquer qu'à mesure que
le temps passait, les alliances avec les voisins étaient de plus en plus nombreuses.
Généralement ces alliances se faisaient grâce au mariage du sultan avec les filles des
leaders voisins, que ce soit des princesses de la famille Cantacuzène ou bien de la famille
Paleologos23. Nous allons voir plus tard que les alliances se faisaient graduellement vers
tard. Cet épisode prouve que les Ottomans avaient donc une forte connaissance des Balkans, bien avant qu'ils ne décident de les attaquer.
21TI s'agit du désir des soldats de détenir le plus de territoire, d'avoir des domaines qui leur appartenaient et
de profiter bien évidement des conquêtes. Laclasse militaire était constamment croissante. Pour pouvoir tenir les soldats satisfaits, il fallait être capable de leur offrir des biens. Ceci mettait les leaders dans la positionoùils devaient continuer l'occupation des territoire chrétiens quisetrouvaientdansle voisinage.
22Sugar, PeterF. -Southeastern Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 18. 23Familles princières byzantines.
l'intérieur des Balkans. D'un côté, ceci
assumit
en quelque sorte la paix entre leaders opposés (ils donnaient leurs filles en gage de leurs accords de garder la paix dans lesterritoires), d'autre côté, ces mariages mixtes pennettaient aux ottomans de mieux garder
le contrôle sur leurs sujetscbrétie~montrant ainsi leur
tolérance.
'~mân a réussi àmettre les bases de ce que plus tard allait devenirMemâlik-I mahrüse-I
ma 'müreh-I 'osmâniyeh, en d'autres motsLedomaine absolu. divinement protégéetfort fleurissant de la Maison d"O§.mân, dont la durée allait s'étendre sur environ six cents ans et dont les caractéristiques de base étaient deux: l'Islâm et le turque. Ce qu'il est
important d'énoncer et de bien comprendre est le fait que les Ottomans aient été un
exemple de tolérance religieuse, tolérance venue toutjuste des lois fondamentales de
l'Islâm. En effet, quoique la devise même des Turcs ottomans soit devenue la lutte
contre les non-croyants, ilfaudrait comprendre que la conversion des peuples chrétiens et
juifs n'a pas été imposée24• D'ailleurs le Qur'ân tolère deux autres religions monothéistes
le Christianisme et le Judaïsme. Le prophète Muhammad lui-même s'était servi
d'alliances avec les tribus juives de l'Arabie. Pour autant que ces populations étaient
prêtes à accepter les lois fondamentales de l'Islâm et de respecter cette religion en tant
que première autorité, elles étaient tolérées25• D'autant plus que pour l'empire ottoman,
24 Ceci reste quand-même sujet à discuter. Un exemple très clair serait celui de la famille princière roumaine Brâncoveanu, qu'on a obligé à adopter l'Islâm comme religion et dont les membres ont été décapités suite à leur refus.
2~ Sugar, Peter F. - Southeastem Europe under OttomanRule. 1354-1804, 5: "Tout monothéiste qui était prêt à accepter la suprématie politique de l'Islâm et désirait vivre dans un état musulman sous des conditions bien établies, devenait un zimmi, une personne protégée. Cette protection allait plus loin que la liberté religieuse [... ]. fi s'agissait d'une certaine manière de s'autogouvemer qu~ sous les Ottomans devenait une institution, connue sous le nom de système de millet, qui était en effet une minorité de règlements de lois de maisons basées sur l'affiliation religieuse".
le fait d'avoir des sujets chrétiens et juifs représentait un avantage du point de vue économique.
L'Islâm interdit d'avoir des esclaves qui sont musulmans,cependant,si certains esclaves
étaient musulmans avant l'arrivée de t'occupation ottomane, alors seulementlapremière génération était considérée comme telle, la deuxième devenant des hommes libres. L'autre problème que les sultans ont été obligés de surmonter est que très souvent les gâzîs s'opposaient à faire la guerre à leurs frères musulmans arabes, alors les sultans étaient obligés de se servir des artikoî, égalementà leur service. Les gâzîs se servaient du principe islamique qu'il ne faut jamais faire la guerre à un semblable. Alors ceci avait encouragé l'augmentation de soldats chrétiens dans les armées ottomanes. Comme je viens de l'énoncer dans un paragraphe antérieur, les gâzîs ou tes artikois vivaient du produit de leurs luttes, c'est à dire qu'ils recevaient une partie de terre dont ils étaient obligés de s'occuper, d'abord pour défendre le territoire, (w que souvent il s'agissait de territoires nouvellement conquis qu'ils avaient le droit de gérer) et ensuite pour faire vivre leurs familles, ces terrains étant leur seul revenu. Un tel épisode est arrivé au sultan ottoman Bâyazîd Ier6, qui, à la mort de son père a eu énormément de conflits avec les princes de l'Anatolie, (car ils avaient oublié les serrements faits auparavant et qu'ils ont voulu profiter le plus possible du changement de régime). Alors, il s'est
w
obligé de se servir de ses serviteurs chrétiens pour défendre sa place. Par la suite, il a du remplacer toute la noblesse Anatolienne, toutes les «maisons de leaders turques» par des familles26"Bâyazîd 1er, dit ytldmm 'l'éclair', sultan ottoman (régna du 15 juin 1389 au 8 mars 1403), né en 1354, fils de Murâd 1er (... ]. Lorsque Murâd 1er fut mortellement blessé à la bataille de Kosovo (15 juin 1389), il demandaàses paLhas de reconnaître comme sultan Bâyazîd, son remarquable fils aîné, ce qu'ils firent, etle seul de ses frères qui ait survécu fut immédiatement mis à mort affin d'empêcher une guerre civile." Encyclopédie de l'Islam,L1151.
d'esclaves chrétiens, plus honnêtes alors27•
n
ne faudraitpas
oublier que Bâyazid 1er estissu de mère et de grand-mère chrétiennes et donc cette tendance d'être très proche des
chrétiens est explicable. Lors de labataille d'Ankara, bataille menée contre le handes
tataresTimur, Bâyazid 1 a vulapluspartdesessol~musulmans le déserter et ceci lui
a même coûté sa vie. A ce moment-là, il ya eu la disparition du premier empire ottoman,
vite repris en main et suivi
par
la naissance du deuxième empire.Bâyazid étaittrès mal w dans plusieurs des couches de la société turque, et c'est bien connu qu'il a perdu la Bataille d'Ankara car seulement ses forces chrétiennes lui sont restées loyales, pendant que les unités musulmanes l'ont déserté pendant la lutte. Les gâzîs rejetaient cette supérieure et «illégale» manière de traitement de leurs camarades princes musulmans. Les familles turques leaders, descendantes premièrement de gâzîs très glorieux et de ceux qui se sont alliés très tôt avec les Ottomans et sont devenue riches en occupant des positions dominantes, n'aimaient pas les tendances «byzantines» du sultan qui étaient ascendantes: La poussée de la centralisation du pouvoir, Wle cour qui était de plus en plus «impériale», et plusieurs nouvelles influences y inclus des esclaves dans la façon de régner et de prises de décisions, tout ce qui diminuait leur position. Ces deux groupes accusaient Bâyazîd
pas
seulement d'avoir abandonné la tradition des gâzîs, mais même d'être Wl mauvais musulman car il était fortement sous l'influence chrétienne de sa mère, de sa femme et de ses amis européens. Bâyazîd ne montrait certainement aucun intérêt dans le fait de changer sa religion, mais Wl désir de devenir Wl leader universel et son intérêt dans les tendances religieuses éclectiques, à la mode à cette époque, le poussaient à être plus tolérant envers les autres religions qu'il ne l'était sous le règlement d'Wl Islâm choisi et stricte28•27Sugar, Peterf. -Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804,21.
Ce que Bâyazîd a essayé de faire pendant ses années de règne a été de centraliser le pouvoir. Malheureusement
son
essai a échoué,w
les nombreuses antipathies qu'il a réussi à attirer, et ce n'est queMehmed
n
qui auraànouveaucetteinitiative29• Une autreraison pour laquelle la centralisation me paraît presque impossible est le fait que la plupart du temps le sultanétaiten train de faire la guerre soit dans les Balkans, et nous allons parler plus en détail de l'arrivé de Bâyazid dans les principautés roumaines, soit dans le Moyen Orient, sa présence n'étant jamais en Anatolie. Ceci représentait une bonne occasion pour les grandes familles d'aristocrates d'arranger des complots contre le sultan-même. Pourtant ce que Bâyazid a réussi, est de renforcer sa position dans les Balkans, continuant ainsi ce que «Snleymân Pa~ petit-fils d'~~mâm) avait déjà commencé30. Il est intéressant de comprendre comment la démarche à l'attaque se
faisait. A ce propos Inalcik explique que les Ottomans suivaient «une vieille coutume turque, des marches: celles du centre et des ailes droite et gauche31».
Bâyazîd a transfonné les états balkaniques qui avaient, jusqu'à son règne, une relation de vassalité avec l'empire, en provinces ottomanes32. Dans ces lieux occupés dans les
29lnaleik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie HistOlY,Il,78.
30Ibid.,78. "SüleymânPa~a,petit-filsd"O~mân,s'établit en 1352 à Tzympe (Cinbi) comme allié de Jean
Cantacuzène etyorganisa une tête de pont pour l'expansion dans les Balkans. Avec la petite flotte ancrée
àAydincik, il débarqua à Kozludere [ ... ]. Quand la nuit du 2 mars 1354, un tremblement de terre démolit les murs de Gallipolietdes autres forteresses, il occupa ces places fortes et lesfitréparer.
ny
installa des forces qu'il fit venir hâtivement d'Anatolie. Ainsi fut fondé Pqa-Sancak, noyau de la Roumélie ottomane". Cet épisode est important car grâce à cette occupation et à cette nouvelle forteresse, les Ottomans se sont rapprochés de plus en plus du territoire des principautés roumaines. C'est finalement Murâd 1er, qui d'après lnalcik "'soumit les états balkaniques", et qui les transforma en vassaux desottomans. . .
31Ibid, 79.
Balkans,
il
avait deux choix clam.: soit il éliminait les dynasties locales, les faisant remplacerpar
ses partisans33, soit il les acceptait comme vassaux34• Très souventl'aristocratie locale était acceptée
dans
les forces ottomanes3S et ceux qui acceptaient de s'aligner avaient bienévidemment
des
avantages. Bâyazîd a réussià
assurer le contrôle direct de la Mer Noire, devenant l'ennemi direct de la Hongrie, après t'élimination dela
royauté de la Bulgarie et l'accord de vassalité avec la Valaquie36• Lamort de Bâyazîd 1er a crée énonnément de chaos qui s'est soldé avec la rivalité des ses quatre fils, chacun considérant qu'il a plus le droit autrône que
rautre
37• Denombreux intérêts des nobles de l'extérieur autant que de l'intérieur de l'Anatolie se font sentir. Ceux-ci essaient d'encourager un des fils de Bâyazîd 1er au trône, devenant ainsi son allié38•Chaque sultan a essayé d'amener ses améliorations d'une manière ou d'une autre. Par exemple, Mehmed Ie~9 a toujours accusé ce choix de ses ancêtres de marier des
33 Inalcik, Halil - The Ottoman Empire: Conguest. Organization and Economy, Variorum Reprints, London,
(1978) 103.
34 Voir le cas de la Valaquie et le traité de vassalité qui sera énoncé dans le chapitre traitant de Mrrcea
r
Ancien, prince de Valaquie et des ses relations avec Bâyazîd 1er. 35lnalcik, Halil- Studies in Ottoman Social and Economie HistoQ', Il, 85.36lnalcik, Halil- The Ottoman Empire - The Classical Age1300-1600,Weidenfeld and Nicolson, London,
(1973) 15.
37Pendant l'empire ottoman ce n'est pas le fils le plus âgé qui obtenait le droit de remplacer son père. mais
plutôt celui qui avait le plus de mérite. Dans plusieurs livres historiques, surtout cetles qui racontentlavie de harem, il est évoquélavie des princes, frères du sultan, qui restaient enfermés dans le palais, ceci dans le casoùils avaient eulachance de restee en vie.
38 Plus tard j'évoquerai un épisode où Mircea l'Ancien <!e Valaquie, se servait de nombreuses intrigues
pour encourager l'arrivé au trône de son protégé Müsâ Celebi. Cet épisode est également raconté par Marios Philippides dans Byzantium Europe and the early Ottoman Sultans 1373-1513, Aristide D. Caratzas, New York, (1990) 42.
39"Mehemmed 1er, sultan ottoman qui régna de 1413 à 1241. Il est également appelé êelebi (turc: "de haut
chrétiennes, argumentant que les épouses avaient trop d'influence sur leurs maris et ceci
dans le détriment de
lapolitique
del'empire ottoman
40•Cette décision n'a pas eu
d'influence sur d'autres sultans;
panniles épouses de Murâd
rr!
et de Mehmed
n
42•nous
pouvons aussi compter des
princesses chrétiennes
de lanoblesse européenne. Mais ce
système d'alliances n'était pas le seul moyen
de gagnerle contrôle territorial ou le
contrôle
dela population. Tout au long de l'histoire
lapopulation a sans arrêt essayé de
s'opposer aux ottomans
etsurtout dans les zones les plus frontalières, l'autorité était de
moins en moins évidente.
Süleymân (1402-1411) et Müsâ (1411-1413) dominaientlaRoumélieàpartir d'Edirne. Mehemmed étendit son autorité sur Bursa et l'Anatolie occidentale dans les années 1403-1404 et 1410-1413 et acheva l'unification des deux parties de l'état ottoman sous sa seule souveraineté en 1413." Encyclopédie de l'Islam, VI, 966.
40Sugar, Peterf. -Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 16.
41 "Murâd Il (1421-1444, 1446-1451), Sixième souverain de l'empire ottoman, naquit en 1403-1404? Et monta sur le trône en mai 1421, quand ilarrivaàAdrianopole, quelques jours après la mort de son père, Mehemmed 1er. [... ] Son règne joua un rôle extrêmement important pour l'avenir politique et le développement de la culture de J'empire ottoman. Après les premières années critiques, il poursuivit l'œuvre de consolidation de son père. Son but était surtout de vivre en termes pacifiques avec les princes vassaux." Encyclopédie de J'Islam. volVil,595-596.
42 ..MeflemmedII,sultan ottoman qui régna de 1444à1446etde 1451à1481. nétaitappelé Abü I-Fath
ou Fâtih 'le Conquêrant'etconsidéré comme le fondateur ultime de l'empire ottoman. [...] MelÎemmed
n
est le véritable fondateur de l'empire ottoman dont il a posé les bases territoriales, idéologiques et économiques.[ ] Son empire centralisé fut réalisé par la surpression ou la mise en sous son autorité des familles locales de J'aristocratie foncière dans les Balkanset en Anatolie." Encyclopédie de l'Islam, VI, 970-972.Les taxes continuaient à être inégales pour tous les habitants de rempile ottoman. Par
exemple, les soldats ne payaient quasiment pas de taxes, les musulmans payaient un
certain quota, les chrétiens et les juifs beaucoup plus etc.
ny
avait énonnément de gens qui ont choiside
se convertiràl'Islâm et ceci pour des raisons opportunistes. Quantàun musulman, la volonté de renoncerà
la foi d'Allâh était passible de la punition capitale. En adoptant la nouvelle religion, l'Islâm, les avantages financiers se faisaient sentirégalement.
De
la même manière la personne choisissant ce chemin gagnait un statutbeaucoup plus avantageux par rapport
à
l'empire ottoman, c'est à dire qu'elle devenait citoyen de «première classe». Comme le disait Halil Inalcik, «aucun historien sérieux.,connaissant les archives ottomanes ne peut prétendre que les Turcs ne se maintenaient
dans les Balkans comme la classe militaire dominante44». Un moyen pour bien contrôler
la population sur le plan idéologique était le système de dev~irme. Cela représentait une forme de conversion forcée, complètement différente de celle volontaire, encouragée par
lesdervi~, une sorte de médecin, «sorcier», qui passaient de ville en ville, dictant les bons enseignements de l'Islâm. Mais que signifie ledev~irme? L'esclavage a été permis dans l'IsIâm dès le tout début. Comme je l'avais mentionné plus haut, un musulman n'avait
pourtant pas le droit de tmnsformer un autre musulman dans son esclave. Si cependant,
l'esclave était déjà musulman ou s'est décidé à adopter cette nouvelle foi, ses enfants
43D'après Paul Wittek, ledev~irmese trouve souvent en conflit avec les principes de la loi islamiqueetson établissement dans les Balkans est souvent difficile à expliquer. Voir Wittek, Paul - "Devshirrne and Sharï'a", SOAS Bulletin, 17, London, (1955) 271-278.
allaient devenir des geIlS libres. Ceci veut également dire que nous participons à des
évènements qui risquent de secouerlabalance économique
de
l'empire. D'un côté desgens libres qui se convertissent pour diminuer leurs taxes et pour pouvoir tirer un
maximum de profit, d'autre côté desenfantsd'esclaves devenaient
des
genslibres et pourque le problème soit encore plus grave, le marché d'esclave était en baisse. En effet,
lorsque le système dedev~irmea été mis en place, vers la fin du XIVe siècle, les pays qui livraient des esclaves à l'empire ottoman n'avaient plus les mêmes ressources. Ceci a
obligé les Ottomans à se procurer des esclaves de l'intérieur de
r
empire. Le fonctionnement était simple: les fonctionnaires de la Grande Porte installés dans lesdifférentes régions orthodoxes de l'empire, avaient le devoir de choisir les jeunes garçons
le plus doués des familles locales. Par la suite, ils étaient envoyés dans le palais du sultan
et élevés là jusqu'à l'âge adulte. L'enseignement qui leur était administré était fortement
islamique, destiné à les transformer en vrais musulmans, qui allaient, plus tard, occuper
des positions de cadres dans l'empire. Tous les meilleurs soins leurs étaient attribués et,
à part l'amour maternel, rien ne leur manquait dans leurs vies. Cependant, ce
changement d'identité forcé et subit avait bien souvent ses fins tragiques. Les enfants
devenaient la plupart du temps des fanatiques religieux qui défendaient avec ardeur cette
religion imposée et qui portaient en eux la flamme de cet Islâm à la lettre, dont le plus
grand idéal était la Guerre Sainte4s• Souvent on les faisait retourner dans les régions d'où
ils étaient originellement issus, en tant que vizirs du sultan et c'est là qu'ils devaient