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Engagement paternel et vie militaire

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Academic year: 2021

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Engagement paternel et vie militaire

Mémoire

Isabelle Chouinard

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Engagement paternel et vie militaire

Mémoire

Isabelle Chouinard

Sous la direction de :

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Résumé

De récentes études s’intéressant aux pères militaires démontrent que leur paternité peut être une réalité empreinte de défis. Le présent mémoire s’intéresse à leur résilience face à cette réalité en répondant à la question suivante : « Quelles stratégies perçues comme

efficaces sont mises en place par les pères militaires afin de maintenir leur engagement paternel autour d’une période d’absence prolongée ? » Afin d’y répondre, il fut nécessaire

de considérer préalablement deux sous-questions : « Que représente l’engagement

paternel pour les pères militaires? » ainsi que « Quels sont les défis rencontrés par les pères militaires dans un objectif de maintien de leur engagement paternel ? ». Des entrevues

individuelles semi-dirigées auprès de dix pères militaires canadiens ayant vécu une absence prolongée (cours, déploiement, exercice) eurent lieu. Les résultats démontrent que les participants utilisent notamment des stratégies transversales, par exemple en passant le plus de temps possible avec leurs enfants lorsqu’ils sont présents, ou bien en priorisant leur famille par rapport à leur carrière. Ils utilisent également des stratégies ponctuelles avant, pendant ou après une absence prolongée afin de minimiser l’impact des défis rencontrés à ces moments précis. À l’aide de la conceptualisation de l’engagement paternel du groupe de recherche ProsPère, il est possible de cibler les dimensions de l’engagement dans lesquelles les participants s’impliquent davantage, soit : un père en interaction, un père pourvoyeur ainsi qu’un père qui prend soin (Dubeau, Devault et Paquette, 2009). La discussion des résultats de cette étude qualitative permet d’affirmer que les participants font davantage d’efforts afin de demeurer engagés dans les dimensions où ils sont naturellement désavantagés en raison de la fréquence de leurs absences. Des pistes de réflexion quant à l’intervention ainsi qu’à la recherche sont finalement présentées.

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Abstract

Recent studies about military fathers show that their fatherhood can be a challenging reality. The present research focuses on their resilience facing this reality by answering the following question: "What strategies, perceived as the most effective, are used by military

fathers to support father involvement around a prolonged absence? ". In order to answer it,

it was necessary to consider two sub-questions beforehand: "What does represent father

involvement for military fathers?’’ as well as "What are the challenges faced by the military

fathers in order to maintain their father involvement? ". Individual semi-directed interviews

with ten Canadian military fathers who had experienced an extended absence (course, deployment, exercise) took place. The results show that participants use cross-cutting strategies, for example spending as much time as possible with their children when they are present or prioritizing their families over their careers. They also use punctual strategies before, during or after a prolonged absence in order to minimize the impact of the challenges encountered at these specific times. According to the conceptualization of father involvement by the “ProsPère” research group, it is possible to target the dimensions of involvement in which the participants become more involved: an interacting father, a provider , and a caring father (Dubeau, Devault and Paquette, 2009). The discussion of the results of this qualitative study makes it possible to affirm that the participants make more efforts to remain involved in the dimensions where they are naturally disadvantaged because of the frequency of their absences. New ideas for intervention and research on military fatherhood are finally presented.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures, tableaux, illustrations ... vii

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 L’absence des pères militaires canadiens ... 3

1.1.1 Impacts de l’absence sur la relation conjugale ... 5

1.1.2 Impact de l’absence sur les enfants ... 5

1.1.3 Impact de l’absence sur la santé mentale du père ... 6

1.1.4 Services aux pères militaires ... 8

1.2 Recension des écrits ... 9

1.2.1 Les défis de la période entourant l’absence ... 10

1.2.2 Les facteurs facilitant la période entourant l’absence ... 14

1.2.3 Limites des études actuelles ... 15

Chapitre 2 : Cadre conceptuel ... 18

2.1 Approche épistémologique retenue... 18

2.2 Définition des concepts ... 18

2.2.1 Absence prolongée ... 18

2.2.2 Stratégie efficace ... 18

2.2.3 Engagement paternel ... 19

2.3 L’engagement paternel selon le groupe ProsPère ... 19

2.3.1 Distinctions entre engagement paternel et engagement maternel ... 19

2.3.2 Différentes approches pour l’étude de l’engagement paternel ... 21

2.3.3 Différentes conceptualisations ... 22

2.3.4 Le modèle de ProsPère ... 23

2.3.5 Le modèle de ProsPère et les pères absents ... 24

2.4 Les stratégies de maintien de l’engagement paternel ... 26

Chapitre 3 : Méthodologie ... 27

3.1 Question et sous-questions de recherche ... 27

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3.3 Population à l’étude, échantillonnage et recrutement ... 28

3.3.1 Population à l’étude ... 28

3.3.2 Échantillonnage ... 28

3.3.3 Recrutement ... 29

3.4 Caractéristiques des participants ... 30

3.5 Méthodes de collecte des données ... 31

3.6 Analyse des données ... 32

3.7 Considérations éthiques ... 33

Chapitre 4 : Résultats ... 36

prolongée. ... 36

4.1 Définition de l’engagement paternel ... 36

4.2 Défis entourant la paternité des militaires ... 37

4.2.1 Défis pour le père ... 38

4.2.2 Défis pour les enfants ... 44

4.2.3 Défis pour la conjointe et pour le couple ... 46

4.3 Satisfaction par rapport à la relation père-enfant ... 48

4.4 Stratégies utilisées ... 49

4.4.1 Stratégies transversales ... 50

4.4.2 Stratégies ponctuelles ... 54

Chapitre 5 : Discussion des résultats ... 61

5.1 Liens entre les questions de recherche ... 61

5.2 Forces et limites de l’étude actuelle ... 64

5.3 Les caractéristiques des pères militaires ... 67

5.4 La paternité entourant une période d’absence prolongée ... 70

5.4.1 Avant l’absence ... 70

5.4.2 Pendant l’absence ... 71

5.4.3 Après l’absence ... 72

5.5 Paternité militaire et dimensions de l’engagement paternel ... 73

5.6 Pistes de réflexion ... 76

5.6.1 Pistes de réflexion sur le plan de la recherche ... 76

5.6.2 Pistes de réflexion sur le plan de l’intervention ... 77

Conclusion ... 78

Bibliographie ... 80

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Annexe II : Grille d’entrevue... 88

Annexe III : Arbre de codification ... 89

... 89

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Liste des figures, tableaux, illustrations

Tableau 1 : Données sociodémographiques des participants……….31 Tableau 2 : Stratégies d’engagement paternel utilisées dans la période entourant l’absence………..60 Schéma 1 : Influence de la conceptualisation de l’engagement paternel sur les stratégies utilisées……….63

Schéma 2 : Stratégies utilisées selon le modèle de conceptualisation de l’engagement paternel……….64

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

ARDC : Aide au retour à domicile en congé FAC : Forces Armées Canadiennes

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Remerciements

J’offre premièrement de sincères et chaleureux remerciements à mon directeur de recherche et professeur de l’Université Laval, M. Normand Brodeur. Un mémoire de maîtrise peut être un chemin inconnu et inquiétant pour une étudiante provenant directement du baccalauréat. Normand a su m’accompagner et me soutenir dans mon parcours en faisant preuve de compréhension, tout en s’assurant que je retire le meilleur de mon aventure au deuxième cycle. Son expertise, sa patience et son humanisme font en sorte que je n’aurais pu souhaiter un meilleur directeur de recherche. Merci infiniment.

Je tiens également à remercier Philippe Roy et Dominic Bizot pour lesquels j’ai eu la chance de travailler comme assistante de recherche au cours de ma maîtrise. Ils ont contribué, par leur passion et leur savoir envers la recherche auprès des hommes à alimenter mon propre intérêt envers ce champ de recherche et d’intervention. Ils m’ont permis d’acquérir l’expérience et la confiance nécessaire à la production de ce mémoire. Leur patience et leur accompagnement dans la production de leur propre recherche auront eu un impact positif sur mon mémoire et pour cela, merci énormément.

De chaleureux remerciements aux pères militaires qui se sont portés volontaires afin de participer à cette étude. Sans leur générosité ainsi que leur ouverture, il ne m’aurait pas été possible de développer de nouvelles connaissances et de mener à terme ce mémoire. Merci de m’avoir laissé entrer dans votre vie familiale et d’avoir contribué à l’avancement de la recherche, votre voix est importante.

Enfin, je ne peux passer outre ma reconnaissance envers mes parents et mon frère. Merci pour vos encouragements, votre présence, votre écoute et votre confiance en moi. Votre soutien constant dans toutes les dimensions de ma vie m’assure des bases solides me permettant de persévérer et de me surpasser. Merci également à Philippe pour ta patience, ton positivisme et ton soutien qui me permettent d’avancer chaque jour. À vous quatre, c’est avec fierté que je termine mes études supérieures par la remise de ce mémoire, en sachant que cela n’aurait pu être possible sans votre présence et votre amour.

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Introduction

Au Canada, 30 bases militaires entrainent actuellement approximativement 44 000 militaires qui œuvrent au sein des Forces armées canadiennes, dont environ 85 % sont des hommes (Défense nationale et les Forces armées canadiennes, 2016). Ces militaires sont appelés à remplir diverses conditions et obligations d’emploi, dont celui de s’absenter de leur domicile durant de longues périodes afin de suivre des cours, de partir en exercice ou bien en déploiement. Or, parmi ces militaires, près de la moitié choisissent de fonder une famille (MacLean, Campbell, Macintosh, Lee et Pedlar, 2014). Il est pertinent de s’intéresser à la parentalité de ces militaires dans un contexte où, depuis les dernières décennies, on définit le père comme un homme présent pour sa famille (Dubeau, Devault et Paquette, 2009). Au-delà du conflit apparent entre les modèles valorisés dans la société et la réalité de la paternité en contexte militaire, il est pertinent de s’intéresser à la façon dont ces pères militaires composent avec leurs absences fréquentes.

La littérature actuelle soulève de nombreux défis quant à la paternité militaire, entre autres en raison de l’impact des nombreuses absences sur l’engagement parental (Walsh, Dayton, Erwin, Muzik, Busuito & Rosenblum, 2014). L’engagement parental est aujourd’hui un concept central de la paternité, puisque les pères ne sont plus considérés comme de simples pourvoyeurs, mais plutôt comme un parent à part entière qui a ses propres responsabilités (Lamb, 2000). Il peut ainsi être difficile pour un père de demeurer engagé auprès de ses enfants, notamment dans ses responsabilités parentales, alors qu’il est appelé à les quitter fréquemment pour de longues périodes. Les études actuelles documentent largement les défis vécus par ces pères militaires, mais également ceux vécus par leurs enfants ainsi que par leurs conjointes. Il est toutefois possible de constater un manque de connaissances au niveau de la résilience des pères qui tenteront de demeurer engagés malgré ces nombreux défis. Le présent mémoire a donc pour objectif de répondre à la question suivante : « Quelles stratégies perçues comme efficaces sont mises en place

par les pères militaires afin de maintenir leur engagement paternel autour d’une période d’absence prolongée ? »

L’objectif de la présente étude étant de documenter les stratégies que les pères utilisent et perçoivent comme efficaces, le constructivisme s’avère être le paradigme épistémologique le plus pertinent à utiliser. Morris (2006) souligne que l’approche constructiviste s’intéresse au sens que les gens donnent à leur réalité́. Dans le présent contexte, cela signifie que

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l’efficacité des stratégies utilisées est subjective à chaque participant. On s’intéresse également au sens que les pères donnent à leur paternité avec la question de recherche suivante : « Que représente l’engagement paternel pour les pères militaires ? » Afin de bien comprendre le contexte dans lequel les pères militaires évoluent, on s’intéresse également à la troisième question de recherche suivante : « Quels sont les défis vécus par les pères

militaires autour d’une période d’absence prolongée ? »

Il sera possible de répondre à ces trois questions de recherche à l’aide d’entrevues semi-dirigées réalisées auprès de pères militaires canadiens qui furent recrutés principalement par le réseau social Facebook. Un guide d’entrevue a été construit en se basant sur le cadre conceptuel de la présente étude, soit la définition de l’engagement paternel selon le groupe de recherche québécois ProsPère. Selon eux, un père engagé est un homme qui s’impliquera dans diverses dimensions de sa paternité. Un père engagé est donc un père en interaction, un père qui prend soin, un père affectueux, un père responsable, un père pourvoyeur ainsi qu’un père évocateur. Cette conceptualisation de l’engagement paternel a également été utilisée dans l’analyse des résultats d’entrevue auprès des participants.

Le présent mémoire a pour objectif de présenter l’étude réalisée dans le cadre de la maîtrise en travail social de l’Université Laval. La problématique sera d’abord présentée afin de bien comprendre le contexte de la paternité militaire dans lequel l’étude fut réalisée, ainsi que d’effectuer une revue de la littérature actuelle. Puis, le cadre conceptuel utilisé, soit l’engagement paternel selon le groupe ProsPère sera présenté afin comprendre sous quel angle le sujet d’étude sera abordé. La méthodologie utilisée tout au long de la réalisation de l’étude sera par la suite présentée. Les résultats des entrevues seront ensuite présentés, suivis de la discussion de ces résultats qui permettra de présenter l’apport ainsi que les limites de la présente étude dans le contexte de la littérature actuelle. Finalement, les recommandations quant à la recherche ainsi qu’à la pratique seront élaborées, à la lumière des résultats.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1 L’absence des pères militaires canadiens

Les 44 000 militaires canadiens sont régulièrement appelés à quitter leurs bases respectives pour des périodes prolongées en raison de diverses tâches professionnelles (Gouvernement du Canada, 2018). Approximativement 49 % des membres des Forces armées canadiennes sont des hommes qui ont au moins un enfant à charge (MacLean, Campbell, Macintosh, Lee et Pedlar, 2014). Ces pères militaires ne sont pas épargnés du contexte professionnel militaire, les entraînant à s’absenter de leur famille de façon régulière pour des périodes prolongées. Que ce soit pour aller suivre un cours sur une base militaire canadienne autre que celle à laquelle ils sont affectés, partir en exercice, servir dans un contexte d’opération domestique ou bien défendre leur pays en mission de combat ou de paix, les pères militaires peuvent s’absenter de quelques semaines à plusieurs mois du domicile familial. Par exemple, dans un contexte de déploiement en mission de combat, les périodes d’affectation peuvent être de six, huit, neuf ou douze mois (Défense nationale et les Forces armées canadiennes, 2012). Selon une recherche ciblée du Service aux familles des militaires (SFM, 2016), les fonctions de l’emploi peuvent entraîner le père militaire à s’absenter en moyenne de 69 à 92 jours par année. Pour ce qui est de la fréquence de ces absences, selon un sondage réalisé auprès de conjointes de militaire canadiens, 70 % de celles-ci affirment avoir vécu au moins une expérience de déploiement depuis le début de leur relation amoureuse tandis que 17 % affirment en avoir vécu plus de cinq (Sudom, 2010). La diversité des motifs d’absence des militaires, spécifique à ce corps d’emploi, engendre une diversité des impacts de ces absences puisque le niveau de dangerosité peut varier de façon importante en fonction du contexte. Il est en effet possible d’affirmer qu’un père militaire qui s’absente de sa famille pour une période prolongée en raison d’un cours de perfectionnement dans une autre province connaîtrait un contexte d’absence différent d’un autre père militaire déployé à l’international afin d’œuvrer dans une mission de combat. Ces deux réalités très différentes l’une de l’autre pourraient donc engendrer des impacts différents par rapport au degré de stress vécu ou encore à la préparation à l’absence. Toutefois, tous les types d’absences reliées à l’emploi se rejoignent au niveau d’un dénominateur commun : un père qui doit s’éloigner de sa progéniture pendant une période prolongée. De façon générale, le contexte professionnel militaire rime avec périodes

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d'absence fréquentes en comparaison avec d’autres métiers plus traditionnels, ce qui crée une instabilité pour le militaire ainsi que sa famille.

L’absence, tout comme la vie familiale des pères militaires, est teintée de la culture organisationnelle militaire. Le dévouement envers son pays est en effet une valeur prônée au sein des Forces armées canadiennes et la communauté militaire encourage tout comportement qui va dans ce sens. Cela a comme impact une normalisation de l’absence d’un père auprès de sa famille dans le cadre de ses fonctions professionnelles. La culture organisationnelle militaire prône également un certain type de masculinité, plus particulièrement l’homme traditionnel (Courtenay, 2000). Les militaires sont perçus comme des héros, des hommes forts et courageux. Ils sont encouragés à contenir les émotions liées au travail afin de pouvoir demeurer centrés sur la tâche.

Au cours des dernières années, il a été possible d’observer une évolution de ce modèle masculin plus traditionnel au sein de la société. L’homme moderne est aujourd’hui encouragé à s’éloigner de ce modèle afin d’accueillir sa sphère affective. La masculinité et la paternité étant étroitement reliées, le continuum de l’engagement paternel allant du plus traditionnel au plus moderne se concrétise d’une façon semblable à celui de la masculinité. Le rôle paternel autrefois limité à celui de pourvoyeur laisse aujourd’hui davantage d’espace à un modèle dominant qui présente un homme présent, en harmonie avec sa famille, qui a un revenu adéquat ainsi qu’une bonne relation de couple (Eerola et Mykkäen, 2015). Dans un même ordre d’idée, Dubeau, Devault et Paquette (2009) décrivent le père moderne comme un homme impliqué émotionnellement et engagé auprès de ses enfants. Il est donc possible de croire que la culture organisationnelle ainsi que le contexte militaire qui entraîne des absences régulières désavantagent les pères militaires face aux attentes fixées par les normes sociales. Ces attentes prônent en effet une certaine stabilité de leur présence ainsi qu’une participation active à l’éducation des enfants, ce qui peut être limité par des contraintes reliées à leur emploi. Toutefois, Eaton et Fees (2002) soulèvent dans leur étude quantitative qui compare des pères militaires et des pères civils qu’en temps de paix, donc lorsqu’ils sont présents, les pères militaires passent autant de temps avec leurs enfants. Ils ont également l’impression d’avoir autant d’influence positive sur eux que la mère et que les pères civils. Selon cette perspective, un père militaire demeure donc un père comme les autres, mais qui présente certains défis supplémentaires reliés à son emploi.

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1.1.1 Impacts de l’absence sur la relation conjugale

L’absence du père militaire de son domicile entraîne des conséquences sur la vie familiale de ce dernier. De nombreuses études se sont penchées sur la réalité des conjointes de militaires qui doivent pallier l’absence de leur partenaire auprès des enfants lorsque celui-ci quitte pour une période prolongée. Au cours de la période d’absence du père, les conjointes de militaire présenteraient un niveau de stress deux fois plus élevé qu’en présence de celui-ci (Burton, Farley et Rhea, 2009), en partie en raison de l’augmentation des responsabilités parentales à assumer. De plus, le taux de signalements liés à la maltraitance des enfants augmenterait de 42 % au cours de cette période dans les familles militaires qui ont déjà fait l’objet d’un signalement antérieur (Creech, Suzannah, Hadley et Borsari, 2014). La période qui entoure l’absence du père est empreinte de défis d’adaptation au niveau du couple et de la coparentalité, ce qui peut faire naître des tensions entre les conjoints ainsi qu’un niveau de satisfaction conjugale moins élevé (Walsh et al., 2014). Ces tensions peuvent avoir un impact sur la parentalité du père militaire puisqu’elles peuvent teinter son comportement au sein de la famille.

1.1.2 Impact de l’absence sur les enfants

Au Canada, approximativement 64 000 enfants grandissent à la charge d’un père militaire (Cramm, Norris, Tam-Seto, Eichler et Smith-Evans, 2016). Les conséquences de l’absence du père se concrétisent différemment chez les enfants selon leur âge. Notamment, les enfants d’âge préscolaire présenteraient des comportements extériorisés tels qu’un fort besoin d’attention, un tempérament plus difficile, des troubles de l’appétit ainsi que des troubles du sommeil durant l’absence du père (Chartrand, Frank, White et Shope, 2008). Les enfants d’âge scolaire présenteraient des réactions plus intériorisées tels qu’une hausse de l’anxiété ainsi que des symptômes dépressifs (Flake, David, Jognson et Middleton, 2009). Les résultats de l’étude de Engel, Gallagher et Lyle (2010) qui s’intéressent aux enfants de militaires ayant un parent actuellement déployé soulèvent des difficultés d’inattention plus importantes qu’en présence du parent, une hyperactivité plus marquée ainsi qu’une diminution des résultats scolaires. En général, les enfants présentent sensiblement les mêmes difficultés pendant l’absence du parent qu’à son retour, possiblement en raison de la déstabilisation que crée la réintégration de celui-ci dans leur routine (Lester et Flake, 2013). Les enfants de militaires peuvent également présenter d’importantes difficultés de gestion de leurs émotions, en majeure partie en raison de

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l’ambivalence ressentie par rapport à l’expression de celles-ci (He, Gewirtz et Dworkin, 2015). En effet, lorsqu’ils sont témoins des difficultés d’expression des émotions de leur père, ils peuvent se sentir troublés lorsque leur mère les encourage à manifester les leurs, puisqu’ils se retrouvent face à un message contradictoire.

Les adolescents retirent quant à eux certains avantages de cette déstabilisation de la structure familiale. En effet, ceux-ci se retrouvent avec de plus grandes responsabilités familiales en l’absence d’un de leurs parents, ce qui leur apporte une valorisation liée à l’occupation d’un nouveau rôle familial (Huebner et Mancini, 2005). Toutefois, ce nouveau rôle peut ajouter un certain stress à l’adolescent ainsi qu’une plus grande difficulté d’adaptation au retour du père lorsque la famille retrouve son équilibre habituel. Certains adolescents peuvent par contre présenter de plus grandes difficultés face à l’absence de leur père, puisqu’il existe une prévalence plus importante de consommation d’alcool et de drogues par les adolescents qui ont un parent militaire actuellement absent en comparaison à des adolescents civils (Reed, Bell et Edwards, 2011).

1.1.3 Impact de l’absence sur la santé mentale du père

Les évènements vécus au cours de son absence peuvent avoir un impact important sur la santé mentale du père miliaire. D’abord, certains auteurs se sont intéressés aux impacts d’un état de stress post-traumatique sur la paternité étant donné la prévalence de 11,1 % de ce trouble chez les militaires actifs ainsi que de 72 % chez les vétérans (Pearson, Zamorski et Janz, 2015). Selon l’American Psychiatric Association (2003, p.533) :

La caractéristique essentielle de l’État de stress post-traumatique est le développement de symptômes caractéristiques faisant suite à l’exposition à un facteur de stress traumatique extrême impliquant le vécu direct et personnel d’un événement pouvant entraîner la mort, constituer une menace de mort ou une blessure sévère, représenter des menaces pour sa propre intégrité physique ; ou consécutif au fait d’être témoin d’un évènement pouvant occasionner la mort, une blessure ou une menace pour l’intégrité́ physique d’une autre personne ; ou consécutif au fait d’apprendre une mort violente ou inattendue, une agression grave ou une menace de mort ou de blessure subie par un membre de la famille ou de quelqu’un de proche.

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Les principaux symptômes de l’état de stress post-traumatique sont le fait de revivre l’évènement traumatique de différentes façons tels que des cauchemars récurrents ou des hallucinations déclenchés par des stimuli reliés au traumatisme, le fait d’éviter de façon continue les déclencheurs du traumatisme, par exemple en évitant les lieux publics ou en limitant inconsciemment la capacité à ressentir certaines émotions ainsi que divers symptômes physiques tels qu’une forte irritabilité, une difficulté à se concentrer ainsi qu’une anxiété marquée. Plusieurs de ces symptômes de l’état de stress post-traumatique peuvent affecter négativement le rôle parental d’un militaire atteint. Par exemple, l’incapacité à se retrouver dans des lieux publics en raison d’une hyper vigilance pourrait empêcher un père de faire des sorties au parc avec ses enfants. Une hausse de l’irritabilité de ce dernier pourrait accentuer l’impulsivité des réactions face au comportement des enfants, ou encore des crises de colère inadéquates. Toutefois, l’émoussement de l’affect c’est-à-dire l’incapacité à ressentir tout ce qui a trait à la dimension affective serait le symptôme qui a le plus d’impacts négatifs sur les relations interpersonnelles, donc sur la paternité (Ruscio, 2002). L’émoussement de l’affect est caractérisé par le désintérêt, le détachement ainsi que la non-disponibilité émotive du père, ce qui diminuerait sa capacité à profiter des moments positifs avec ses enfants et par le fait même détériorerait la relation parent-enfant. L’état dépressif, qui touche près de 16 % des effectifs de l’armée canadienne (Pearson, Zamorski et Janz, 2015) aurait sensiblement les mêmes conséquences sur les compétences parentales que l’état de stress post-traumatique, majoritairement caractérisé par le désengagement du père face à ses responsabilités parentales (Roggman, Boyce, Cook et Cook, 2002). Les pères militaires sont conscients de l’impact de leur absence ainsi que de leur état psychologique sur leurs compétences parentales, ce qui crée pour eux un fort sentiment d’incompétence et de culpabilité (Daton, Walsh, Muzik, Erwin et Rosenblum, 2014). Plus de 70 % de ceux-ci présenteraient des symptômes d’anxiété liés à leur rôle parental, d’abord parce qu’ils sont conscients des difficultés vécues par leurs enfants autour d’une période d’absence, mais également en raison de la pression ressentie à accomplir à la fois le rôle de pourvoyeur et de père présent auprès de leur famille (Andres et Moelker, 2011). Il est donc possible d’observer de l’ambivalence face à leur réalité dans leurs discours, puisque les conditions de l’engagement dont ils ont fait promesse envers leur pays nuiraient à leur engagement envers leurs enfants.

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1.1.4 Services aux pères militaires

La paternité est une réalité empreinte de défis à différents niveaux pour tous les individus concernés, la mise en place de services auprès des pères est donc un besoin nécessaire. Dans un souci de bien-être des pères militaires, certains services sont actuellement mis en place par les Services bien-être et moral des forces canadiennes afin de leur venir en aide ainsi qu’à leur famille. Le seul service offert aux familles de militaires sur l’ensemble du territoire canadien est fourni par l’organisme à but non lucratif « Strongest Families Institute ». Ce service consiste en une ligne téléphonique ainsi qu’une plateforme internet mise en place afin d’offrir aux familles militaires de l’aide en lien avec la santé mentale des enfants. Pour ce qui est des services offerts sur les territoires plus spécifiques, chaque communauté militaire canadienne est desservie par un Centre de ressources pour les familles de militaires (CRFM), soit un organisme à but non lucratif dirigé par un conseil d’administration composé de conjointes de militaires. Ces centres de ressource ont pour but d’évaluer les besoins locaux de la communauté afin de mettre en place des services accessibles aux familles de militaires (Services bien-être et moral des forces canadiennes, 2017). Dans la région de Québec, c’est le Centre de la Famille de Valcartier (CFV) qui dessert la communauté militaire. Au CFV, divers services tel que des séances d’information familiales de préparation au déploiement viennent soutenir la famille militaire dans l’ensemble. Le père faisant partie intégrale de la famille militaire, il est possible d’affirmer que celui-ci peut bénéficier d’un soutien à sa paternité avec l’aide de ces séances. Un seul service a déjà été et est encore offert aujourd’hui spécifiquement et directement aux pères militaires, celui-ci consistant en des activités ludiques pères-enfants. Les activités ludiques ont pour avantage de donner un espace aux pères afin qu’ils puissent passer un moment privilégié avec leurs enfants, dans un contexte d’intervention informelle.

Toutefois, les pères militaires ont accès à ce type de service au civil. Au Québec, le Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP), qui regroupe plus de 250 organismes depuis 1997, organise et soutient l’offre de services auprès des pères tels que des conférences, des programmes psychosociaux ainsi que des formations (Regroupement pour la Valorisation de la Paternité, 2018). Les pères militaires pourraient donc bénéficier d’un tel regroupement en utilisant les services offerts dans de multiples organismes communautaires ou Centre locaux de services communautaires (CLSC) à travers le Québec, cependant ceux-ci consultent très peu ou pas les ressources civiles à leur disposition. Que ce soit par accessibilité ou par manque de spécificité des services civils,

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les militaires se dirigent habituellement vers les ressources médicales et psychosociales militaires lorsqu’ils présentent un tel besoin. L’importance de l’offre de services spécifiques aux pères militaires par les CRFM est donc à prendre en compte. Afin d’aider les ressources à soutenir ces pères, des connaissances quant aux stratégies utilisées afin de minimiser l’impact de leur absence est nécessaire. En effet, les stratégies déjà mises en place par les pères pourraient inspirer les ressources actuelles quant aux services de soutien de ces stratégies. Ces connaissances permettraient également d’obtenir un portrait précis des besoins des pères quant à la réalité des absences prolongées.

1.2 Recension des écrits

1

La présente recension des écrits a pour objectif de documenter la période qui entoure l’absence des pères militaires afin d’élaborer un bref portrait des caractéristiques de cette réalité particulière. La présente sectionsera divisée en deux thèmes, soit les défis auxquels les militaires peuvent faire face lors de la période qui entoure leur absence ainsi que les facteurs facilitant l’engagement parental durant cette même période. Les défis, quant à eux, seront divisés en trois sous-thèmes qui réfèrent au cycle de déploiement, soit avant, pendant et après l’absence. Ce découpage du cycle de déploiement est inspiré du modèle de Logan (1987) qui fait référence au cycle émotionnel vécu par les conjointes de militaires de la marine autour d’une période d’absence liée à une mission de combat. Préalablement conçu afin d’expliquer la réalité vécue par ces femmes, le modèle a pu être également utilisé par certains auteurs afin de faire référence aux émotions vécues par les enfants de militaires déployés ainsi qu’aux pères eux-mêmes. Aujourd’hui, le modèle de division du cycle de déploiement militaire utilisé dans la littérature est une version simplifiée de celui de Logan. Il se résume en trois périodes critiques qui entourent la période d’absence soit avant le départ, pendant l’absence ainsi qu’au retour du militaire (Willerton, Schwarz, Wadsworth et Oglesby, 2011 ; Louie et Cromer, 2014 ; Devoe et Ross, 2012). Malgré les diverses causes possibles d’absence prolongée autre que le déploiement, c’est ce modèle qui sera utilisé afin de structurer la présente recension des écrits en raison de sa possibilité d’application à diverses réalités.

1 Utilisation des mots clés military OR army OR armed forces OR veteran OR armée OR militaire

OR forces armées ET father OR dad OR père ET involvement OR strategy OR strategies OR

engagement OR stratégies, sur les bases de données PsyNet, Social Services Abstract, Social

Work Abstracts, Sociological Abstracts, Psychology and behavioral sciences collection ainsi que PsycBite.

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1.2.1 Les défis de la période entourant l’absence

1.2.1.1 Les défis avant la période d’absence

Les pères militaires doivent s’adapter à la réalité militaire imprévisible et empreinte de transitions obligatoires. Les militaires peuvent être mis en attente en vue d’un départ dont la date n’est pas déterminée, avant de recevoir les détails officiels de leur assignation. À partir du moment de l’annonce d’un départ imminent, ceux-ci entrent dans une période chargée en émotions difficiles et parfois contradictoires. Le temps qui s’écoule entre l’annonce d’un prochain départ et la connaissance de la date réelle de celui-ci est souvent perçu comme une pause dans le temps, puisque le père a de la difficulté à se mettre en action ne sachant pas combien de temps il lui reste auprès de sa famille (Lapp et al., 2010). Lorsqu’ils sont mis au courant de la date officielle de leur départ, qui peut être imminente ou plus éloignée dans le temps, les pères militaires ressentent une certaine pression de compenser à l’avance le temps qu’ils ne passeront pas avec leurs enfants durant leur absence (Louie et Cromer, 2014). La culpabilité liée au fait de s’absenter d’auprès de leurs enfants s’ajoute à celle ressentie face à l’ajout d’une importante charge parentale à la mère (Andres et Moelker, 2011). Selon les mêmes auteurs, de nombreux pères militaires nomment également une anxiété vécue face au facteur de dangerosité qui peut s’ajouter à une absence en contexte de déploiement. Ceux-ci craignent pour leur sécurité et celle de leur famille advenant le cas où ils ne reviendraient jamais auprès d’eux. Cette notion de dangerosité distingue les défis précédant l’absence d’un père militaire de celui d’un père civil qui doit également s’absenter.

Certains militaires peuvent également vivre de l’ambivalence entre le désir de passer du temps avec leurs proches et celui de se préparer avec leurs collègues aux fonctions qu’ils occuperont lors de cette absence (Devoe et Ross, 2012). Pour certains, la charge émotionnelle sera si lourde qu’ils auront tendance à se distancer émotionnellement de leurs proches avant leur absence. Ce mécanisme de défense leur permettrait de rendre cette période moins pénible (Willerton et al., 2011). Le détachement émotionnel permettrait également au père militaire de se distancer de son propre senti afin de se rendre plus disponible pour ses enfants au moment de la séparation (Devoe et Ross, 2012). Toutefois, cette retenue ayant pour objectif de faciliter la transition du père pourrait avoir des impacts négatifs sur le lien avec les enfants, avant même que la période d’absence débute.

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1.2.1.2 Les défis pendant la période d’absence

À partir du moment du départ de la maison, le défi principal des pères militaires est de maintenir un lien affectif avec leurs enfants malgré leur absence. Selon des entrevues menées auprès de pères militaires, 80 % de ceux-ci utiliseraient la vidéoconférence comme moyen de communication. Cela leur permettrait d’entrer en contact visuellement avec leurs enfants, contrairement au téléphone ou aux lettres. Toutefois, le mode de communication utilisé n’aurait pas d’influence positive ou négative sur leur expérience (Louie et Cromer, 2014).

Certains pères militaires peuvent éprouver un sentiment de manque de contrôle sur ce qui se passe à la maison. Ils ont l’inquiétude, par exemple, de ne pas être en mesure de garder sur le bon chemin leurs adolescents qui traversent une période critique de leur développement (Willerton et al., 2011). Selon les mêmes auteurs, la présence des enfants dans les pensées du père serait importante au maintien du lien affectif et de l’engagement parental. Toutefois, les pères militaires rapportent demeurer prudents quant aux pensées dirigées vers leur famille tout au long de la période d’absence. Le fait de filtrer leurs pensées à l’égard de leur vie familiale leur permettrait de demeurer alertes et concentrés sur leur tâche, d’autant plus qu’une implication émotionnelle trop élevée durant les conversations avec leur famille nuirait également à leur concentration opérationnelle. Ceux-ci doivent demeurer vigilants tout au long de leur absence, mais plus particulièrement au cours des deux derniers mois où les erreurs d’inattention surviennent plus fréquemment. Il peut donc être difficile pour les militaires de demeurer à la fois un père engagé et également un professionnel efficace dans ses fonctions lors d’une absence prolongée.

Il existe une corrélation négative importante entre la durée de l’absence et l’engagement paternel au retour (Davis, Hanson, Dagarmo, Zamir et Gewirtz, 2015). Cela pourrait être en partie en raison de la corrélation également négative entre la sensibilité parentale et le temps d’absence (Flittner O’Grady, Whiteman, Cardin et Wadsworth, 2018). En effet, plus un père est absent longtemps, moins il sera alerte aux besoins de ses enfants. Cette diminution de la sensibilité parentale perdurerait dans le temps et pourrait même être observable plusieurs mois après le retour d’un père qui a été absent pendant une longue période.

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1.2.1.3 Les défis au retour de la période d’absence

La période suivant le retour du père militaire à son domicile est majoritairement empreinte de stress et de difficultés d’adaptation puisque seulement 13 % des pères questionnés sur le processus de réintégration familiale au retour d’un déploiement vivraient cette période sans aucun accrochage (Louie et Demardi, 2014). Le réapprentissage d’un équilibre familial peut présenter plusieurs défis, par exemple dans l’exercice de la discipline ou bien dans l’intégration à une nouvelle routine. Le lien affectif avec l’enfant peut avoir été fragilisé pendant l’absence, ce qui peut avoir un impact sur le fonctionnement familial. La gestion des émotions du père, qui vit lui-même une période d’adaptation qui peut soulever une certaine détresse, peut avoir un impact direct sur la discipline, par exemple lorsque celui-ci est plus irritable. Cette période d’adaptation peut être d’une durée variable, allant de quelques semaines à plusieurs mois (Willerton et al., 2011). Il est possible d’observer une corrélation négative entre la durée de cette période adaptative et le nombre d’absences vécues par la famille (Crow et Seybold, 2013). Plus une famille militaire aurait vécu des périodes d’absence prolongée, moins les membres nécessiteraient de temps à retrouver leur équilibre familial au retour du père. Toutefois, de nouveaux défis peuvent apparaître à la suite de certaines absences, ce qui fragilise la stabilité de la routine acquise au fil des processus de réintégration vécus dans l’histoire familiale, par exemple ceux liés à l’âge de l’enfant (Crow et Seybold, 2013). Ainsi, un enfant qui habituellement présentait des symptômes d’anxiété au retour de son père à l’âge de 12 ans pourrait présenter des symptômes d’irritabilité et une difficulté dans sa gestion de la colère dans un même contexte à l’âge de 15 ans.

L’âge des enfants est en effet un facteur important quant à la nature des défis de réintégration. Par exemple, ceux en bas-âge ne reconnaîtront parfois pas leur figure paternelle à son retour, ce qui pourrait créer de l’anxiété autant pour l’enfant que pour le parent. D’un autre côté, les plus âgés auront de plus fortes réactions émotives et comportementales (Willerton et al., 2011 ; Andres et Moelker, 2011). Les enfants de tout âge auraient des réactions de peur devant certains symptômes de trouble de stress post-traumatique de leur père, tel que la dissociation ou encore l’hyper vigilance (Curry, Kiser, Fernandez, Elliott et Dowling, 2018). Cette perception de la peur de ses propres enfants à son égard pourrait accentuer le sentiment de culpabilité d’un père militaire quant à sa condition psychologique liée à son emploi. Les pères militaires observent des différences dans le lien qu’ils entretiennent avec leurs enfants, de ceux-ci vis-à-vis leur mère ainsi

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qu’entre membres de la fratrie à leur retour d’absence. Les résultats d’entrevues semi-dirigées auprès de pères militaires révèlent qu’ils sont attristés d’observer des changements dans l’importance qu’ils ont aux yeux de leurs enfants (Walsh et al., 2014). Par exemple, ils peuvent ressentir de la déception si leurs enfants ont tendance à se référer seulement à leur mère même après leur retour, puisqu’ils auraient l’impression d’être moins importants et de ne pas être une référence principale pour eux. Ces émotions difficiles et ces défis à reconnecter affectivement avec l’enfant sont accentués lorsque l’absence a été difficile émotionnellement pour le père, qui aurait vécu la perte d’un collègue par exemple (Daton et al. 2014). Celui-ci aurait alors tendance de façon inconsciente à conserver une distance émotionnelle entre lui et ses proches afin d’éviter de souffrir à nouveau, ce qui nuirait au maintien de son engagement parental.

La charge émotionnelle est proéminente au cours de la période de retour, puisque les pères militaires peuvent vivre de multiples émotions en lien avec leur absence et leur réintégration. En effet, cette période représente un important choc culturel et familial pour eux, qui arrivent d’une période prolongée loin de leurs proches en compagnie de militaires seulement. Ils peuvent vivre du regret ou de la culpabilité d’avoir manqué une période importante du développement de leur enfant, par exemple lorsque celui-ci a appris à marcher ou à parler pendant leur absence (Walsh et al., 2014). Étant donné que l’exposition à des évènements difficiles au combat peut entraîner plusieurs difficultés émotionnelles telles que des difficultés à faire face à des émotions intenses (Williams et Poijula, 2008), les pères militaires peuvent craindre leurs propres réactions face aux émotions négatives de leurs enfants. Ils sont conscients de leur propre imprévisibilité, par exemple lorsque ceux-ci font une crise de larmes. Cela pourrait soulever en eux un excès de colère lié à une impulsivité marquée, ou ils pourraient également figer puisque cela leur remémorerait des scènes d’horreur dont ils ont été témoins pendant leur absence et ainsi ne pas être disponibles pour leur enfant (Daton et al., 2014). Certains pères rapportent un fort sentiment d’impuissance lié à de telles situations, ou encore à leur difficulté à prendre leur place dans la famille étant donné qu’ils ont été absents pendant un long moment (Daton et al., 2014).

Plusieurs études soulèvent les difficultés des pères militaires à appliquer la discipline au retour d’une absence prolongée (Willerton et al., 2011 ; Walsh et al., 2014 ; Louie et Cromer, 2014 ; Andres et Moelker, 2011). Ces derniers disent éviter la discipline à leur retour entre autres par un manque d’aisance lié à leur culpabilité d’avoir été absent pendant un long

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moment (Willerton et al., 2011). Ce sentiment de culpabilité est si fort qu’ils éviteront toute action qui les place dans une position de parent sévère, par exemple en punissant des comportements inadéquats. Ils doivent adapter leurs attentes, puisque le contexte militaire dans lequel ils ont vécu pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, est très différent du contexte familial. En effet, les pères militaires quittent une routine stricte où ils savent à quoi s’attendre et où les comportements inadéquats se font punir en tout temps, pour se retrouver dans une routine plus souple et flexible où les enfants peuvent avoir des comportements inattendus. Cette nouvelle réalité soulève des questionnements et surtout de l’incertitude sur la façon d’agir en tant que parent. Les pères se demandent par exemple quels comportements punir, quels comportements tolérer, de quelle façon punir, à quel point un enfant doit être responsable, etc. (Walsh et al., 2014). Les pères qui craignent d’être trop contrôlants envers leurs enfants et de les traiter comme des petits soldats ont tendance à laisser passer certaines situations problématiques afin d’éviter de faire de la discipline (Curry et al., 2018). Cette réticence à la discipline pourrait soulever des conflits entre les deux parents en raison de la désapprobation de la mère face à de telles situations. De plus, durant le congé de travail suivant parfois l’absence, la routine à laquelle l’enfant s’est habitué pourrait être ébranlée en raison de la présence et de la nouvelle disponibilité du père. Cette nouvelle routine instable qui pourrait avoir un impact négatif sur certains enfants est également à la base de certains conflits parentaux (Louie et Cromer, 2014). En effet, plusieurs aspects qui entourent la discipline peuvent entraîner une mésentente entre les deux parents puisque le retour du père viendrait déconstruire les éléments mis en place par la mère. La coparentalité serait donc un défi dans plusieurs situations, entre autres en raison des besoins intensifiés de communication et d’aide mutuelle des deux parents dans le processus de réintégration du père (Daton et al., 2014). Ne pas combler ces besoins pourrait alors venir fragiliser l’équipe parentale qui présenterait déjà certains défis reliés à leur relation amoureuse dans un contexte de l’absence du conjoint.

1.2.2 Les facteurs facilitant la période entourant l’absence

Afin de surmonter les défis reliés à l’absence des pères militaires, la littérature actuelle fait ressortir des facteurs qui peuvent faciliter cette période empreinte d’adaptation. De façon générale, la stabilité de leur emploi, les bénéfices reliés à celui-ci ainsi que la sécurité des communautés militaires viendraient soutenir les pères militaires dans leur rôle de pourvoyeur au sein de leur famille (Rodriguez et Margolin, 2015).

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La préparation au départ pourrait être une stratégie efficace afin d’atténuer les impacts négatifs sur les enfants (Willerton et al., 2011 ; Louie et Cromer, 2014). Les moyens utilisés par les pères militaires peuvent varier et prendre toute sorte de formes, tel que fêter les anniversaires et autres fêtes à l’avance, enregistrer des vidéos et écrire des lettres que la mère donnera aux enfants lorsqu’ils s’ennuieront, prendre plusieurs photos, informer l’enfant sur le lieu de déploiement, discuter directement de l’absence ainsi que faire plus d’activités avec eux. Il existe une corrélation positive entre une bonne préparation pré-déploiement et une meilleure réadaptation post-déploiement (Louie et Cromer, 2014).

Ensuite, le soutien social informel s’avère être un facteur facilitant l’engagement parental lorsqu’il est question de la période entourant l’absence d’un père militaire (Roggman et al., 2002). Étant donné que le modèle masculin traditionnel auquel adhèrent plusieurs hommes dans notre société actuelle entraîne une résistance au principe d’aller chercher de l’aide au niveau des services, le soutien social informel tel que celui de la famille et des amis s’avère être la ressource principale des hommes en difficulté (Courtenay, 2000). Le fait d’avoir accès à ce type de soutien est un facteur facilitant pour les pères militaires. Les mères gagneraient également à aller chercher du soutien formel ou informel afin d’atténuer les impacts négatifs de l’absence de leur conjoint sur leur santé mentale ainsi que sur leur parentalité. En effet, le stress de la conjointe au cours de cette période nuirait à la relation de couple et par le fait même pourrait entraîner des défis supplémentaires à la réintégration du père à son retour (Monson, Taft et Fredman, 2009). Dans un objectif de soutien à la parentalité, il est donc primordial pour les deux conjoints d’avoir accès à de l’aide formelle ou informelle. Une bonne coopération entre les deux parents pourrait en effet faciliter la réinsertion du père dans son milieu familial, puisqu’il se sentirait soutenu et compris par sa partenaire dans les difficultés qu’il peut vivre au cours de cette période (Daton et al., 2014).

1.2.3 Limites des études actuelles

Les connaissances à propos de la réalité des pères militaires présentent certaines limites que la présente étude cherche à pallier. D’abord, certains concepts gagneraient à être explorés sous un nouvel angle. Par exemple, les défis auxquels les militaires doivent faire face quant à leur rôle parental sont bien explorés dans la littérature. Plusieurs auteurs tentent de définir et de classifier les défis de la paternité militaire, sans toutefois se pencher sur les solutions que ces pères pourraient mettre en place face à ces difficultés (Alfano, Lau, Balderas, Bunnel et Beidel, 2015 ; Andres et Moelker, 2011 ; Daton et al., 2014 ; Walsh et

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al., 2014 et Willerton et al., 2011). En effet, un seul écrit recensé porte sur le concept de solutions (Louie et Cromer, 2014). Il existe donc une lacune au niveau des connaissances quant à la résilience des pères militaires face à ces défis, à savoir quelles stratégies ceux-ci utilisent afin de soutenir leur engagement paternel autour d’une période d’absence prolongée. Documenter l’efficacité subjective des stratégies utilisées par des pères militaires dans leur engagement parental permettrait ainsi d’avoir une meilleure connaissance de leurs forces et par le fait même cibler les pistes d’action à prioriser au sein des services à leur disposition au sein des CRFM.

Une seconde limite des études actuelles consiste en un manque de recherches effectuées auprès de la population militaire canadienne. En effet, sur la totalité des 16 études recensées jusqu’à présent, une seule se base sur un échantillon provenant d’ailleurs que les États-Unis, soit les Pays-Bas (Andres et Moelker, 2011). Un seul document canadien a pu être repéré, toutefois celui-ci consiste en une recension d’écrits majoritairement américains (Régimbald et Deslauriers, 2010). Il est donc possible de conclure qu’il existe une lacune au niveau des connaissances qui portent sur la situation de la paternité auprès des militaires canadiens.

Une troisième limite porte sur l’échantillonnage des écrits recensés. En effet, plusieurs études présentent des échantillons homogènes, qu’il soit question de l’ethnie, l’âge, la santé mentale, le poste au sein des Forces armées, ou la nature de l’absence (Walsh et al., 2014 ; Davis et al., 2015 ; Louie et Cromer, 2014 ; Daton et al., 2014). L’homogénéité d’un échantillon sur une variable comme le type d’absence peut rendre les résultats difficilement généralisables, puisque cela peut créer un biais expérimental. Par exemple, la nature de l’absence pourrait avoir une influence sur la santé mentale du répondant en raison du taux élevé de dangerosité en contexte d’absence liée au déploiement. D’un autre côté, le niveau de stress du militaire pourrait être moins élevé si celui-ci s’absente en raison d’une formation. L’hétérogénéité d’un échantillon permettrait donc un éventail de natures d’absence des pères et ainsi une meilleure généralisation des résultats sur la population militaire.

La présente problématique a permis de dresser un portrait de la situation actuelle des pères militaires canadiens, autant au niveau de l’impact de leur absence auprès de leur famille que des défis que ces absences peuvent comporter. Tel qu’exploré par le biais des limites

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des connaissances actuelles, il s’avère donc pertinent d’étudier les stratégies perçues comme les plus efficaces par les pères militaires canadiens afin de soutenir l’engagement paternel autour d’une période d’absence prolongée.

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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

Le présent chapitre a pour objectif d’exposer le cadre théorique qui sera utilisé pour analyser les données recueillies. Il sera question de l’approche épistémologique retenue, de la définition des concepts principaux, de l’engagement paternel selon le groupe ProsPère ainsi que des stratégies de maintien de l’engagement paternel déjà examinées dans la littérature actuelle.

2.1 Approche épistémologique retenue

Cette recherche s’inscrit dans l’approche épistémologique constructiviste puisqu’on s’intéresse à la réalité vécue par les acteurs, ici les pères militaires. On cherche à comprendre comment ces pères vivent, perçoivent et interprètent leur réalité parentale dans la période qui entoure une absence prolongée et ainsi documenter les stratégies de maintien de leur engagement parental mises en place dans un tel contexte. On s’intéresse à la subjectivité des pères à l’aide de la question principale de recherche, puisqu’ils seront questionnés sur les stratégies qu’ils perçoivent comme efficaces. On s’intéresse donc au sens que ces pères attribuent aux évènements et à leurs actions, ce qui correspond au constructivisme (Morris, 2006).

2.2 Définition des concepts

2.2.1 Absence prolongée

Dans le cadre de la présente étude, le concept d’absence prolongée fait référence à une période où le père militaire est appelé à quitter son domicile pour une activité reliée à son emploi. La période d’absence débute lorsque le militaire quitte son milieu familial et se termine lorsqu’il réintègre celui-ci, totalisant un minimum de 30 jours.

2.2.2 Stratégie efficace

Mintzberg (1987) décrit une stratégie comme étant « A plan —some sort of consciously intended course of action, a guideline (or set of guidelines) to deal with a situation » (p.11). Adapté au contexte de l’étude, ce concept renvoie aux actions volontaires et conscientes effectuées par le père militaire dans un objectif de maintien ou de soutien de son engagement parental. La situation à laquelle ils doivent faire face (deal with a situation) fait

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donc référence aux impacts perçus de leur absence sur leur relation avec leur enfant et l’exercice de leurs rôles parentaux. La mise en place de certaines stratégies d’adaptation à cette réalité dépend donc de l’évaluation de la situation préalablement effectuée par le père, qui déterminera des moyens à mettre en place afin de maintenir son engagement paternel malgré les défis qu’une absence prolongée pourrait engendrer (Lazarus et Folkman, 1984). Le concept d’efficacité est donc utilisé de façon subjective au sujet. On s’intéresse à la perception de l’efficacité des stratégies mises en place par les pères militaires selon leur propre définition de ce concept et des indicateurs qu’ils jugent pertinents pour l’évaluer.

2.2.3 Engagement paternel

Le groupe ProsPère définit l’engagement paternel comme étant « La participation et la préoccupation continus du père biologique ou substitut à l’égard du développement et du bien-être physique et psychologique de son enfant. Cet engagement s’exprime de différentes façons et se développe pas à pas à sa manière » (Dubeau, Devault et Paquette, 2009, p.75). Le concept d’engagement paternel faisant référence au cadre conceptuel d’analyse de la présente étude, il a été jugé pertinent d’y consacrer la prochaine section détaillée.

2.3 L’engagement paternel selon le groupe ProsPère

Parmi les différentes définitions et conceptualisations de l’engagement paternel, c’est celle du groupe ProsPère qui fut retenue à titre de cadre d’analyse de la présente étude en raison de sa pertinence dans le contexte québécois ainsi que de sa bonification de certaines conceptualisations antérieures présentant certaines limites. La communauté scientifique a vécu un nouvel intérêt face au concept de paternité depuis la toute fin du 20e siècle, possiblement en raison de l’évolution de la vision d’un père engagé. Il s’avère pertinent de contextualiser le concept d’engagement paternel préalablement à la présentation du cadre conceptuel utilisé au cours de la présente étude.

2.3.1 Distinctions entre engagement paternel et engagement maternel

Les différentes conceptualisations de l’engagement paternel proviennent d’une prémisse, soit que l’engagement paternel n’est pas identique à l’engagement maternel. Dans une étude portant sur les pères, il est donc pertinent de déterminer précisément la distinction

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entre les deux types d’engagements et de bien cerner leur caractère distinctif. Lamb (1981) fut le premier auteur à soulever les distinctions entre l’engagement paternel et l’engagement maternel. Selon cet auteur, les types d’engagements varient par nature. Par exemple, une mère aurait des interactions plutôt liées à la prise de soin tandis qu’un père aurait quant à lui des interactions majoritairement de l’ordre du jeu. En termes de quantité, les mères passeraient plus de temps à jouer avec leurs enfants tandis qu’en termes de proportion, les pères passent la majorité de leur temps d’interaction avec l’enfant à jouer. Une évolution des rôles parentaux vers la fin du XXe siècle aurait par ailleurs eu un impact sur la notion d’engagement parental en raison de la présence accrue des femmes sur le marché du travail dans les sociétés occidentales (Lamb, 2000). Les mères auraient maintenant elles aussi un rôle de pourvoyeur en plus de leur rôle de nourrice, ce qui encouragerait les pères à s’engager dans plusieurs fonctions parentales. Cette période critique de l’histoire québécoise est donc venue nuancer les distinctions entre l’engagement paternel et l’engagement maternel (Dubeau, Devault et Forget, 2009). Certains auteurs se sont toutefois intéressés par la suite aux distinctions toujours présentes entre les deux parents.

Les résultats de diverses recherches à ce sujet ont soulevé le fait que les types d’engagements sont soumis à diverses influences. Par exemple, les perceptions des deux parents pourraient influencer la façon dont leur engagement se concrétise (Tremblay et Allard, 2009). En effet, si les parents considèrent que la mère est le parent principal, il est fort probable que leurs actions concordent avec ce type de pensée et entraînent les enfants à agir comme tels en se dirigeant constamment vers leur mère lorsqu’ils nécessitent une aide ou un soutien quelconque. De plus, l’engagement parental du père serait influencé par l’attitude et la perception de la mère à son égard. En effet, une attitude non stéréotypée à l’égard de la division des rôles sexuels, une perception positive de la motivation et de la compétence du père à prendre soin de ses enfants ainsi que la valorisation du rôle paternel au sein de la famille auraient un impact positif sur l’engagement paternel (McBride, Brown, Bost, Shin et Vaughn, 2005).

Ces résultats viennent bonifier ceux d’auteurs précédents (Lamb, 1981 ; Lamb & Goldberg, 1982) qui s’étaient intéressés à la question de l’instinct maternel, à savoir si une mère présenterait de plus grandes habiletés naturelles à la prise de soin qu’un père. Les résultats montrent clairement que les deux parents présentent le même niveau de compétences à la naissance de l’enfant. Ces compétences seraient donc acquises et perfectionnées dans la

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pratique pour les deux parents. Les mères font cependant preuve de plus d’intérêt envers ce type de responsabilité parentale et deviennent donc plus sensibles aux besoins de leur enfant plus rapidement que les pères. Ceux-ci pourraient donc être moins confiants en leurs compétences de prise de soin et auraient tendance à déléguer ces tâches à la mère. Ainsi, la délégation de ce type de tâche parentale aurait comme impact la consolidation des distinctions dans la nature de l’engagement paternel et maternel.

2.3.2 Différentes approches pour l’étude de l’engagement paternel

Il est possible d’étudier la question de l’engagement paternel selon différentes approches. La communauté scientifique qui s’intéresse à ce concept l’aborde sous l’angle de l’approche écologique ou encore de l’approche phénoménologique. Ces approches permettent d’analyser le concept d’engagement paternel de différentes façons et ainsi mieux le comprendre.

D’abord, le modèle écologique de Bronfenbrenner (1986) permet de comprendre l’influence que les systèmes en place autour du père ont sur l’engagement de celui-ci. Certaines études qui adoptent cette approche s’intéresseront aux éléments du microsystème, par exemple les structures familiales en place (Fagan et Palm, 2004) ou encore l’attitude des deux parents face à l’engagement paternel (Hadadian et Merbler, 1995). D’autres études pourraient s’intéresser davantage à l’exosystème, par exemple aux règlements et fonctionnements des services de garde (Fagan, 1997), aux conditions d’emploi du père ainsi qu’aux relations avec son patron (Fagan et Press, 2008). Cette approche permet donc d’adopter une vision globale de l’engagement paternel ainsi que des facteurs qui peuvent l’influencer. Une compréhension des facteurs influençant les stratégies de maintien de l’engagement paternel s’avère pertinente aux recherches dans ce domaine. Toutefois, étant donné la faible quantité d’écrits qui portent sur la paternité militaire au Canada, il est prioritaire de débuter par une recherche descriptive des stratégies utilisées par ceux-ci afin d’obtenir une base d’informations.

L’approche phénoménologique aborde quant à elle les sujets de recherche sous un angle subjectif, en considérant l’individu et sa perception du monde comme la vision à adopter dans l’étude d’un phénomène (Giorgi, 1997). Cette approche est empruntée en recherche sur la paternité lorsque l’objet de recherche porte sur l’expérience subjective vécue par le

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père, par exemple lorsqu’on s’intéresse au sens que celui-ci donne à sa paternité (Willerton et al., 2011). La façon dont le sujet vit un phénomène est alors perçue comme une vérité sur laquelle le chercheur se basera afin de mieux comprendre et analyser une réalité. La présente étude sera effectuée à l’aide de l’approche phénoménologique, étant donné la nature de la question de recherche ainsi que la subjectivité des concepts de celle-ci. La phénoménologie s’articule bien autour de l’approche multidimensionnelle du groupe ProsPère puisque celle-ci est construite en fonction des diversités de réalités vécues et comprises par les pères. La perspective des pères militaires est nécessaire à la compréhension de leurs comportements et c’est ce qui tentera d’être démontré.

2.3.3 Différentes conceptualisations

Au cours des dernières décennies, plusieurs auteurs se sont intéressés à la question de l’engagement paternel étant donné la prise de conscience de l’importance du rôle paternel au sein de la famille. Différentes conceptualisations ont donc émergé. Ce furent d’abord Lamb, Pleck, Charnow et Levine (1985) qui ont offert une première opérationnalisation quantitative de l’engagement paternel, encore utilisée aujourd’hui dans plusieurs études qui s’intéressent à l’engagement paternel. Selon eux, l’engagement paternel se divise en trois dimensions principales où il est possible de calculer le temps que le père alloue à son rôle paternel. Ainsi, le temps d’accessibilité ferait référence au temps où le père est physiquement disponible pour son enfant, le temps de responsabilité ferait référence au temps où le père prend en charge les soins et le bien-être de l’enfant et le temps d’implication ferait référence aux périodes d’interaction directes accordées à l’enfant. Selon cette vision quantitative de l’engagement paternel, il serait donc possible de calculer le temps qu’un père alloue à son rôle parental à l’aide de ces trois dimensions afin d’évaluer son niveau d’engagement.

L’évolution de la recherche des années suivant l’élaboration de cette conceptualisation quantitative a entraîné certains auteurs à se questionner sur une vision qualitative de l’engagement paternel. Plus récemment, Pleck (2010) offre une toute nouvelle opérationnalisation du concept en faisant ressortir la qualité des interactions entre le père et son enfant et non seulement la quantité. Cette conceptualisation de l’engagement paternel opérationnalise la relation père-enfant en trois catégories principales et deux catégories secondaires. Les composantes principales sont : 1 — les activités d’engagement

Figure

Tableau 1 : Données sociodémographiques des participants   Pseudonyme  Nombre  d’années  dans les  FAC   Durée de la  dernière  absence  Nombre  d’enfants   Âge des enfants  Occupation de la conjointe
Tableau 2 : Stratégies d’engagement paternel utilisées dans la période entourant  l’absence

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