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Le dumping social au coeur des préoccupations de l'Union Européenne

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Academic year: 2021

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UNIVERSITE D’AIX - MARSEILLE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

Le dumping social au coeur des préoccupations de l’Union

européenne.

Mémoire pour l’obtention du Master II Droit des Transports

Terrestres

par

Manon BADET

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« Le problème qu’il faut bien prendre en compte, c’est que dans la stratégie d’un

certain nombre d’entreprises ou d’officines, nous avons basculé aujourd’hui dans un monde qui est le monde du trading de main d’oeuvre ».

Gilles SAVARY 1

Gilles SAVARY, député français, ancien député européen et ancien vice-président de la commission transport et 1

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur le Professeur Cyril Bloch, ainsi que toute l’équipe du CDMT, pour leurs enseignements, leurs précieux conseils et leur soutien tout au long de l’année.


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SOMMAIRE

TABLE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONOMES……….p 5 INTRODUCION ………..….……p 6 PARTIE 1 - LE DROIT EUROPEEN CONFRONTE AU DUMPING SOCIAL….…p14 CHAPITRE 1 - LE CADRE SOCIAL EUROPEEN……….…………p15 SECTION 1 - L’INSTAURATION D’UN MARCHE UNIQUE EUROPEEN ..….…p16 SECTION 2 - L’ELABORATION DIFFICILE D’UNE POLITIQUE SOCIALE COMMUNE ……….…p24 CHAPITRE 2 - LA LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL ………p30 SECTION 1 - L’IMPOSSIBILITE POUR LES ETATS MEMBRES DE CONTRER EFFICACEMENT LE DUMPING SOCIAL ………..…….p31 SECTION 2 - LA NECESSITE D’UNE MESURE EUROPEENNE EFFECTIVE…p42 PARTIE 2 - LA PRATIQUE DU DUMPING SOCIAL AU SEIN DE L’UNION..…..p56 CHAPITRE 1 - LA PRATIQUE GENERALE DU DUMPING SOCIAL …..….……p57 SECTION 1 - L’INSTAURATION D’UN STATUT ILLUSOIRE COMME FACTEUR D’OPTIMISATION SOCIALE ………p57 SECTION 2 - LE RECOURS A LA SOUS-TRAITANCE COMME FACTEUR D’OPTIMISATION SOCIALE ………p64 SECTION 3 - AUTRES TECHNIQUES DE DUMPING SOCIAL ………p68 CHAPITRE 2 - LA PRATIQUE DU DUMPING SOCIAL DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS ROUTIERS DE MARCHANDISES ……….p70 SECTION 1 - UNE PRATIQUE TOUCHANT PROFONDEMENT LE SECTEUR DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES ……….…p71 SECTION 2 - L’IMPACT DE CETTE COMPETITIVITE EUROPEENNE SUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES DE TRANSPORT ………p78 CONCLUSION ………p85 RESUME ………..………p86 BIBLIOGRAPHIE ……….………..………p87 TABLE DES MATIERES……….………p94


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TABLE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES

Art. Article

Cass. Cour de cassation

Cass. com Cour de cassation, chambre commerciale

C. Com Code du commerce

C. Transports Code des transport

CJCE Cour de justice des communautés européennes

CJUE Cour de justice de l’union européenne

E15 L’Allemagne, la France, la Belgique, l'Italie, le Luxembourg, les

Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Grèce, Espagne, Portugal, Autriche, Finlande, Suède.

E12 Chypre, Malte, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne,

République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Roumanie, Bulgarie et la Croatie

TCEE Traité instituant la communauté économique européenne

TCE Traité instituant la communauté européenne

TUE Traité sur l’Union européenne

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INTRODUCTION

L’Europe, une union dans la diversité.

L’union européenne est une organisation internationale ayant pour objectif le rapprochement des peuples par l’instauration d’une politique économique commune. Cette volonté s’est matérialisée par la création d’un marché commun au sein duquel les opérations commerciales, des différents Etats membres, sont complètement libéralisées. Pour parvenir à cet objectif, l’Union européenne (à l’époque « communauté européenne ») a institué quatre grandes libertés auxquelles on ne peut que difficilement déroger : la libre circulation des marchandises, la libre circulation des personnes, la libre circulation des services, et enfin la libre circulation des capitaux.

Ces quatre grandes libertés sont le fondement et la force de l’Union européenne.

La libre circulation des personnes et des services - Parmi ces quatre libertés, deux sont à définir dans le cadre du sujet ici traité : la libre circulation des personnes, et la libre circulation des services.

La libre circulation des services (Art. 56 à 62 TFUE ) : est la possibilité, pour tout 2 ressortissant de l’Union, d’exercer une activité indépendante, effectuée normalement contre rémunération, sur le territoire européen. Tandis que la libre circulation des

personnes (Art. 45 à 48 TFUE) : est la possibilité pour tout ressortissant de l’Union

d’exercer une prestation économique, contre rémunération, sur le territoire européen, dans le cadre d’un contrat de travail créant un lien de subordination entre lui et son employeur.

La combinaison de ces deux libertés se traduit en une liberté d’établissement (article 49 à 55 TFUE) qu’il faut strictement distinguer de la libre prestation de services. En effet, la liberté d’établissement est la possibilité, pour tout ressortissant de l’Union, d’établir

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dit traité de Lisbonne, adopté le 13 décembre 2007 à Lisbonne, 2

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son activité de façon permanente, ou tout du moins prolongée, sur le territoire européen. Elle se distingue de la libre prestation de service par le caractère nécessairement temporaire de cette dernière, qui ressort de la nature même de l’activité de prestation de services. En effet dans le cadre d’une prestation de services, l’entreprise est établie sur le territoire d’un Etat membre et ne vient exercer son activité, dans un autre Etat membre, que de façon ponctuelle en détachant un ou plusieurs de ses employés sur le territoire de l’Etat d’accueil. A ce titre, il est nécessaire de distinguer le « travailleur » entendu au sens de l’article 45 TFUE, circulant au nom de la liberté de circulation des personnes, et le « travailleur détaché » qui lui se déplace par application de l’article 56 TFUE relatif à la libre prestation de service. En effet, et selon la Commission européenne, « un travailleur est considéré comme détaché s’il travaille dans un État

membre de l’Union européenne parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre » 3

Distinction entre les différentes catégories de travailleurs - Il existe cependant plusieurs types de travailleurs, dont l’activité apparente se rapproche de celle du travailleur détaché, mais qui pourtant n’en sont pas.

A ce titre, il est possible de citer le travailleur transfrontalier, qui exerce une profession dans un Etat membre mais qui réside dans un autre, nécessairement frontalier au premier, et qui n’est pas un travailleurs détaché. En effet, bien qu’il exerce son activité sur le territoire d’un Etat sur lequel il n’a pas résidence, celle-ci ne varie pas et demeure sur le même Etat, contrairement au travailleur détaché qui, lui, se voit exécuter une mission à l’étranger.

De même, les travailleurs plurinationaux exerçant plusieurs activités permanentes dans plusieurs Etats, ne sont pas des travailleurs détachés. A titre d’exemple, il s’agirait d’une personne, résidant en France et exerçant des contrôles « qualités » dans les filiales de son entreprise situées dans plusieurs pays comme la Suisse, la Belgique ou encore l’Allemagne. Ces travailleurs doivent être distingués des travailleurs détachés en ce sens que leurs déplacements sont institués de façon permanente et font partie intégrante de leur fonction.

Site http://ec.europa.eu; Commission européenne, Emploi, affaires sociales et inclusion, travailleurs détachés. 3

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Enfin, il faut distinguer les travailleurs mobiles, qui ont pour mission l’exercice d’une activité sur une zone géographique européenne non déterminée, des travailleurs détachés qui ont eux pour mission d’exercer leur activité sur un territoire principalement. A titre d’exemple, les routiers ou encore les marins sont des travailleurs mobiles.

Directive 96/71/CE - Afin de réglementer la pratique du détachement des travailleurs sur le territoire européen dans le cadre d’une prestation de service, l’Union européenne a adopté le 16 décembre 1996 la directive 96/71/CE. Cette directive a pour principal objectif d’instaurer un cadre minimal de règles sociales à appliquer afin d’éviter toute dérive en la matière.

L’idée phare de cette directive était d’éviter le « dumping social » en imposant l’application directe du droit de l’Etat d’accueil aux opérations de détachement de travailleurs, tout en prévoyant la possibilité de déroger à cette règle dans le cas où le droit de l’Etat membre d’origine est plus protecteur des salariés.

Cependant cette directive n’aura qu’une portée factuelle limitée et se verra très vite dépassée par l’application abusive du principe de libre circulation.

Ces quatre grandes libertés sont, bel et bien, le fondement et la force de l’Union européenne, mais dans sa diversité, elles en sont aussi sa faiblesse.

L’Europe, une union dans l’adversité.

Une construction à deux vitesses - L’Union européenne ne s’est pas réalisée dans une « construction d’ensemble » mais par la concrétisation progressive des objectifs fixés 4

par les traités. Ces objectifs, principalement d’ordre économique, ont favorisé la construction d’une union économique forte, en délaissant l’aspect social pourtant primordial dans les relations d’affaire.

Robert Schuman 4

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L’élargissement de l’Union européenne à 28 Etats aujourd’hui, a instauré un clivage important entre les pays membres constituant l’ancienne Union des 15 et ceux qui l’ont 5 intégrée postérieurement (en 2004, 2007 et enfin 2013 ). 6

L’absence d’harmonisation sociale - Dans la construction européenne, l’élaboration d’une politique sociale harmonisée n’a été perçue que comme le corollaire d’une construction économique commune. En effet, l’idée d’un cadre social commun à l’Union n’est apparue que dans le but d’encadrer cet outil de production, nécessaire à la création d’un marché économique viable, qu’est la main d’oeuvre, le travail. De sorte que la politique sociale n’a pas été suffisamment approfondie et l’harmonisation des différentes législations sociales composant l’Union, quasi-inexistante.

Dans ce cadre, l’Union a choisi d’effectuer une « harmonisation » par le bas en imposant certaines règles sociales « minimales », comme ce fut le cas avec la directive 96/71/CE, ce qui n’est, bien évidemment, pas suffisant. En effet, ces règles minimales ne permettent ni d’effacer le clivages accablant l’Europe, ni de contrer efficacement cette concurrence déloyale devenant de plus en plus exacerbée.

C’est dans ce contexte d’absence totale d’harmonisation sociale européenne que le « dumping social » va apparaître.

L’assiette du dumping social : un niveau économique et social disparates - Selon la définition donnée par le dictionnaire du commerce international , le dumping social 7 est : « toute pratique consistant, pour un Etat ou une entreprise, à violer, à contourner

ou à dégrader, de façon plus ou moins délibérée, le droit social en vigueur – qu’il soit national, communautaire ou international – afin d’en tirer un avantage économique, notamment en termes de compétitivité."

L’Allemagne, la France, la Belgique, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Danemark, 5

Grèce, Espagne, Portugal, Autriche, Finlande, Suède.

! Chypre, Malte, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Roumanie, 6

Bulgarie et la Croatie

Glossaire du commerce international; http://glossaire-international.com « dumping social » 7

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L’élargissement de l’Union à 28 pays membres a renforcé l’écart économique et social composant l’Europe. C’est dans cet écart que le dumping social a trouvé racine et n’a cessé de se développer.

Sa pratique n’est pas exclusive aux pays d’Europe de l’Est, elle vient de toute part (Allemagne, France, Espagne, Suède, Pologne…), et par divers moyens. Parmi les techniques de fraude les plus connues figurent l’utilisation d’entreprises « coquille vide » ou encore « boite aux lettres » permettant de détacher une main d’oeuvre low cost sur tout le territoire de l’Union européenne. Mais ce ne sont pas les seules techniques existantes, ainsi il est possible de recenser d’autres méthodes de concurrence sociale déloyale telles que notamment : l’utilisation d’entreprise « réservoir de main d’oeuvre », l’emploi de faux-travailleurs-indépendants, ou encore une utilisation abusive et détournée du statut de « travailleurs détachés».

Cette pratique de concurrence sociale déloyale, développée au sein de l’Union par les entreprises européennes au sens large (comprenant tous les pays de l’Union et non pas seulement l’Europe des 12), a touché tous les secteurs économiques, mais notamment et surtout, le secteur de l’agroalimentaire, de la construction, ou encore le secteur des transports …

Le dumping social dans le secteur des transports (routiers de marchandises) - Il est bien évident que la concurrence sociale déloyale gangrène peu à peu l’ensemble des transports (terrestres, aériens, maritimes), l’actualité jurisprudentielle ou encore journalistique de ces dernières années ne peuvent que confirmer cette dure réalité. Cependant, et afin de pouvoir étudier dans sa profondeur le développement du dumping social, le présent mémoire ne traitera, à titre de simple illustration, que du dumping social dans le secteur des transports routiers de marchandises.

En effet, le secteur du transport routier de marchandises fait partie des secteurs les plus touchés en matière de dumping social. A la une des actualités ces dernières années : « Mory Ducros », « Acosta » ou encore plus récemment, ou du moins plus fréquemment : « Norbert Dentressangle ». Les premiers pour leur faillite, le dernier pour ses abus notoires en matière d’optimisation sociale.

Mais ce ne sont pas les seuls. A titre d’exemple l’entreprise Ikea a été accusée par le syndicat de l’Union Belge du Transport (UBT-FGTB) de pratique du dumping social

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indirect en contactant avec le transporteur Gilbert De Clercq qui, comme l’entreprise Norbert Dentressangle, détachait des conducteurs étrangers pour vendre ses services à des prix préférentiels injustement gagnés sur le prix de la main d’oeuvre. D’autres entreprises de transport sont concernées, mais aussi d’autres grands groupes, comme Décathlon ou encore Danone , sans pour autant faire l’objet d’une condamnation, où 8 même d’une accusation viable, car la plupart de ces montages d’optimisation sociale, bien que « border line », se réalisent par une stricte application du principe de libre circulation.

Une préoccupation européenne - Cette application extensive et abusive des libertés ainsi proclamées par les traités, n’est pas sans inquiéter l’Union européenne.

Afin de désamorcer les craintes de dumping social provoquées par l’entrée dans l’Union de la Grèce (1981), de l’Espagne et du Portugal (1986), l’Union européenne a adopté le 16 décembre 1996 la directive 96/71/CE.

Cependant cette directive est restée sans effet et n’a pas permis d’éradiquer le dumping social qui n’a cessé, malgré elle, de se développer. Afin de pallier à ses carences, l’Union a adopté, le 13 mai 2014, la directive 2014/67/UE relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service. Cette directive a pour principal objectif de réduire considérablement la présence du dumping social sur le territoire de l’Union en précisant les mesures de contrôle qui doivent être effectuées par les Etats membres, et en renforçant leur coordination pour un meilleur résultat. Cependant il y a fort à parier que cette directive ne sera, elle aussi, que de faible effet.

En effet, pour supprimer durablement le problème que constitue la concurrence sociale déloyale, la solution doit venir d’une Union forte, et déterminée à gommer les clivages qui l’accablent, notamment, en prenant les mesures nécessaires pour réaliser une réelle harmonisation des législations sociales des Etats membres qui la composent, ou, tout du moins, en cessant de déléguer aux Etats le contrôle de la juste application du droit de l’Union en instaurant une autorité européenne ayant pour mission de l’exercer.

J. Collinet, IKEA ACCUSÉE DE DUMPING SOCIAL ET D’EXPLOITATION, 15 septembre 2014, Equaltimes : 8

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Afin d’illustrer cette nécessité, le président de la République Française, Monsieur François Hollande à déclaré, le 25 aout 2015, qu’il était fondamental de réformer l’Union européenne pour mener à une convergence fiscale et sociale des économies. Il expose en ces termes que : « Le gouvernement économique de la zone euro doit se faire

dans un premier temps dans le cadre des traités actuels. Les décisions à la majorité qualifiée doivent être la règle au sein de l’Eurogroupe, mais à terme, la zone euro doit organiser la convergence fiscale et sociale des économies, avec de nouveaux droits du travail ». Pour le Président Français, la création de nouveaux droits du travail est bel et

bien inévitable.

Une incohérence européenne - A travers l’adoption de ces directives, l’Union exprime sa dissension envers le dumping social sans pour autant s’opposer avec force à sa pratique. En effet, l’union est tiraillée entre sa volonté d’accroitre la libéralisation du marché économique commun (ou tout du moins, sa volonté d’éviter toute entrave à son fonctionnement) et sa volonté de préserver une véritable union économique en prenant de réelles mesures pour contrer efficacement l’exercice du dumping social sur son territoire.

En effet, à travers la directive 2014/67/UE, l’Union encourage ses Etats membres à prendre des mesures visant à éliminer la concurrence sociale déloyale, mais dans un second temps elle sanctionne les pays adoptant des mesures concrètes pour l’éradiquer. A titre d’illustration il est possible de mentionner cette récente affaire concernant l’adoption d’une loi le 1er janvier 2015 par l’Allemagne, prévoyant l’instauration d’un salaire minimum unique, imposé à tous les transports routiers de marchandises effectués sur le territoire Allemand (y compris en cas de cabotage). Forte de cet exemple, la France a inséré la même disposition au sein de la Loi Macron. Cependant, cette mesure a du être suspendue devant la saisine de la Commission par la Pologne et la République Tchèque, en vue de déterminer la légalité de cette mesure au regard du droit et des principes européens. La commission s’est alors prononcée en défaveur de cette loi qui « nuit à la libre circulation des marchandises » et à introduit une procédure d’infraction contre l’Allemagne.

Autre illustration en la matière, l’Union adopte cette nouvelle directive 2014/67/UE, sans pour autant insérer en son sein un des principaux facteurs du dumping social : la

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protection sociale des travailleur. En effet, les charges sociales salariales sont actuellement régit par le règlement CE n°883/2004 prévoyant l’affiliation du travailleur au régime de protection sociale de son pays d’origine. De ce fait, en ne mentionnant pas les conditions et le régime de prestations sociales applicables aux travailleurs détachés dans le cadre d’une prestation de service transfrontalière, la directive cautionne une sorte de « dumping social légal » permettant aux entreprises dont le régime de 9 protection sociale est plus faible d’en tirer profit et d’exercer des prix concurrentiels et déloyaux.

L’étude de l’avènement du dumping social - Afin de mieux comprendre comment la concurrence sociale déloyale s’est propagée au sein de l’Union européenne, j’ai choisi de confronter dans une première partie le droit européen au dumping social (partie 1) en abordant tout d’abord le cadre social européen (chapitre 1) et ensuite la lutte contre le dumping social (chapitre 2).

Afin de mieux comprendre par quels moyens la concurrence sociale déloyale s’est propagée au sein de l’Union européenne, j’ai choisi d’exposer dans une seconde partie la pratique du dumping social (partie 2) en étudiant tout d’abord la pratique générale du dumping social sur le territoire de l’Union (chapitre 1) et enfin la pratique spécifique du dumping social dans le secteur des transports routiers de marchandises (chapitre 2).

Rapport Savary n° 1087, p. 12. 9

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Partie 1 - Le droit européen

confronté au dumping social.

L’union européenne ne s’est pas construite par une harmonisation générale des législations la composant. Ses Etats membres, souhaitant avant tout développer le commerce sur le territoire communautaire, se sont accordés pour effectuer un rapprochement (uniquement) économique des pays membres, par la construction d’un marché commun à l’Union totalement libéralisé (Chapitre 1).

Cependant cette politique, ne s’est pas accompagnée de l’élaboration, essentielle, d’une politique sociale commune permettant de transformer ce territoire économique commun en une réelle union économique. Les disparités sociales composant le territoire européen affectent profondément le commerce intracommunautaire. La pratique du dumping social, toujours plus agressive, accentue considérablement la crise économique accablant déjà l’Union.

La volonté d’accroitre la libéralisation du marché économique commun, ou, tout du moins, la volonté d’éviter toute entrave à son fonctionnement, font obstacle à une lutte effective et efficiente de l’Union, et de ses Etats membres, contre le dumping social (chapitre 2).

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CHAPITRE 1 - LE CADRE SOCIAL EUROPEEN

« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera

par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait."

Robert SCHUMAN (1886-1963)

Dans la philosophie de la construction européenne, la coopération économique des différents Etats membres, matérialisée par un partage des ressources, était avant tout un moyen de parvenir à une réconciliation des peuples. En effet, l’Europe détruite par la seconde guerre mondiale, devait se reconstruire par une union solidaire des pays la constituant. Cette construction ne s’est pas faite d’un coup, ni dans une construction d’ensemble, cependant elle a développé une union économique des Peuples, par l’instauration d’un marché économique commun à la communauté européenne (section 1), qui a eu pour corollaire l’élaboration de mesures sociales communes permettant de réglementer les relations d’affaires entre les différents Etats membres, sans pour autant faire place à une réelle harmonisation des législations sociales (section 2).

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Section 1 - L’instauration d’un marché unique européen.

L’instauration d’un marché commun d’abord, puis unique ensuite, à l’Union européenne est le fruit des différents textes fondateurs de l’Union. Cette construction s’est effectuée en deux étapes, tout d’abord en supprimant les frontières entre les différents Etats membres (§1) puis en élaborant un cadre harmonisé de règles (§2).

Paragraphe 1 - La genèse du marché unique européen.

La mise en commun des ressources nécessaires à l’économie de guerre. - Au lendemain de la seconde guerre mondiale a émergé l’idée d’une réconciliation des 10 Nations européennes par la création d’une organisation supranationale ayant pour 11 objectif principal le rapprochement des peuples par un rapprochement économique et plus particulièrement par la mise en commun des ressources nécessaires à l’économie de guerre (charbon et acier). Cette organisation va permettre la mise en commun de la production et de la consommation du charbon et de l’acier entre les six pays signataires: la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg.

L’instauration d’un marché commun - Le Traité de Rome, signé le 25 mars 1957, et, entré en vigueur le 1er janvier 1958, marque une étape essentielle dans l’histoire de la construction européenne. En effet, l’article 2 dudit traité énonce que « la Communauté

a pour mission, par l'établissement d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les États qu'elle réunit ».

Pour y parvenir, les pays européens entreprennent de supprimer progressivement les barrières internes à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes (« les quatre libertés »). Ils prévoient notamment la mise en place d’une politique commerciale commune, ainsi que la création d’une union douanière

Discours prononcé par Robert Schuman le 9 mai 1950 10

La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, instituée par le Traité de Paris le 18 avril 1951 et entrée en 11

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supprimant totalement les droits de douanes intérieurs aux Etats membres de la Communauté Economique Européenne, tout en instaurant un tarif douanier extérieur commun . 12

La notion de « marché unique européen» - Jacques Delors, à son arrivée à la tête de la Commission européenne en 1985, fixe comme objectif l’achèvement de la réalisation du marché commun. Le 14 Juin 1985, la Commission présente au Conseil européen « le Livre Blanc », projet visant à stimuler la reprise économique en levant les obstacles réglementaires, fiscaux, techniques et financiers faisant échec à la libéralisation des échanges intracommunautaires. Ce texte abouti à la signature de l’Acte Unique Européen, signé le 17 février 1986 et entré en vigueur le 1er juillet 1987.

Le marché unique, élément clef de la politique européenne - La notion de « marché unique européen » dépasse l’objectif économique initial pour atteindre une envergure politique avec le Traité sur l’Union Européenne , il demeure cependant un objectif à 13 poursuivre et à étendre à d’autres domaines . 14

Le Traité de Lisbonne, quant à lui, en donnera une définition : « le marché intérieur

comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités » . Il apportera en définitive peu de modification au marché

unique, à l’exception de l’obligation imposée à l’union européenne de prendre en compte le respect d’exigences sociales dans l’élaboration de ses politiques . 15

La mise en place d’un marché commun nécessite l’élaboration d’un cadre juridique harmonisé permettant de régir les opérations effectuées sur son territoire par les différents Etats membres et ainsi d’éviter les disparités législatives obstacle au libre échange européen.

Article 3 du Traité de Rome, 25 mars 1957 précisé au chapitre 1 du titre 1 du même traité. 12

Traité de Maastricht, signé le 7 février 1992. 13

Par exemple: l’instauration d’une monnaie unique européenne. 14

Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, Article 9 : « Dans la définition et la mise en œuvre de ses 15

politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine». Dénommée « clause sociale transversale ».

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Paragraphe 2 - L’élaboration d’un cadre harmonisé de règles.

L’harmonisation européenne des règles nationales s’est effectuée en plusieurs étapes et selon des mécanismes différents. Certaines règles ont fait l’objet d’une harmonisation de principe afin de ne pas limiter la liberté de circulation (A) tandis que d’autres ont été harmonisées par l’avènement d’un principe issu de la nécessité de réguler le marché commun (B).

A/ Une harmonisation de principe : la liberté de circulation ancrée dans les Traités européens.

Quatre grandes libertés - Le liberté de circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, est garantie sur un marché au sein duquel aucun frein ne peut être porté à la liberté de mouvement des valeurs économiques . 16

La libre circulation des marchandises - La liberté de circulation des marchandises a été la première liberté reconnue dans le Traité de Rome de 1957 . Réaffirmée par la 17 Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui Cour de Justice de l’Union Européenne) en ces termes « la libre circulation des marchandises constitue un des principes fondamentaux du traité » , elle est aujourd’hui garantie par l’article 28 du 18 Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne selon lequel : « l'Union comprend

une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers ».

Traité sur le fonctionnement de l’union européenne, article 26 alinéa 2 : « Le marché intérieur comporte un espace 16

sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ».

Traité instituant une communauté économique européenne, article 9 : « La Communauté est fondée sur une union 17

douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers. ».

CJCE, 9 Décembre 1997, Commission c/ France. 18

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Cette liberté de circulation des marchandises repose donc sur une nomenclature commune ; les Etats membres de l’Union ne peuvent contourner le tarif douanier commun en instaurant des droits de douane particuliers sur les marchandises en provenance de pays tiers ou en provenance de l’union. Ainsi, les Etats ne peuvent 19 édicter de mesure faisant obstacle à cette liberté, de sorte que toute taxe d’effet équivalent à des droits de douane ou que toute autre mesure d’effet équivalent à une 20 restriction quantitative sont explicitement prohibées. Avec ces arrêts, la Cour de 21 Justice des Communauté Européenne transforme cette liberté en principe fondamental n’ayant plus besoin d’harmonisation, ce sera aux Etats de justifier leurs mesures dérogatoires par un objectif d’intérêt général.

La libre circulation des personnes et des services - Toute personne résidant de l’Union Européenne peut se déplacer librement sur son territoire pour voyager, étudier, travailler ou même pour y résider, c’est un principe fondamental de l’Union Européenne. Son corollaire est la libre circulation des services. En effet, la libre circulation des personnes permettant la libre circulation des travailleurs, une libéralisation fonctionnelle et effective du marché intérieur impliquait alors que le prestataire de service puisse lui aussi en bénéficier selon une autorisation limitée puisque temporaire. Pour permettre une telle libéralisation il a fallut gommer les obstacles existants notamment en matière de reconnaissance des diplômes, de sécurité sociale ou encore de retraite. Mais aussi en supprimant les obstacles à la libre circulation des services . 22

A noter qu’il existe tout de même un tarif douanier commun spécifique concernant les pays en voie de 19

développement, ou encore concernant les marchandises en transit.

CJCE, 14/12/64, COMMISSION c/. LUXEMBOURG et BELGIQUE (affaire du pain d’épices), " la TEE peut être 20

considérée qu’elle que soit son appellation et sa technique comme un droit unilatéralement imposé, soit au moment de l’importation, soit ultérieurement et qui frappant exclusivement un produit importé d’un pays membre à l’exclusion du produit national similaire a pour résultat , en altérant son prix, d’avoir ainsi sur la libre circulation des produits les mêmes incidences qu’un droit de douane «

CJCE, 01/07/69, COMMISSION c/. REPUBLIQUE ITALIENNE : « la TEE est une charge pécuniaire fut-elle minime, unilatéralement imposée, qu’elle que soit son appellation et sa technique et frappant les marchandises nationales ou étrangères à raison du fait du franchissement d’une frontière, alors même qu’elle n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale "

CJCE, juillet 1974, DASSONVILLE « affaire du Whisky »: les MEERQ sont " toute réglementation commerciale 21

des Etats membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intra-communautaire "

Directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive service » ou 22

(20)

La libre circulation des capitaux - Dès l’origine, les Etats membres ont tenté de limiter cette liberté afin de conserver le contrôle des investissements, des moyens de paiement et des marchés financiers pour préserver leur indépendance économique. En effet, avec le traité de Rome la libre circulation des marchandises, des personnes et des services étaient consacrées comme une liberté de principe alors que la liberté de mouvement des capitaux, elle, n’était envisagée que pour un nombre restreint de mouvements et devait être « assurée progressivement et dans la mesure nécessaire au

bon fonctionnement du marché commun » . De sorte que l’application de cette liberté 23 était, contrairement à la libre circulation des marchandises, soumise à l’application d’un droit dérivé venant définir cette « mesure nécessaire et ses conditions ». En effet, dans son arrêt « Guerrina Casati » prononcé le 11 novembre 1981 la Cour de Justice des Communautés Européennes affirme que l’absence de directive en la matière fait échec à l’application de l’article 67 et suivants du Traité. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que va se construire peu à peu la libéralisation des capitaux.

Le 24 Juin 1988, le Conseil européen adopte la directive 88/361/CEE qui va entièrement libéraliser certains mouvements de capitaux en supprimant à compter du 24 1er juillet 1990 toutes les restrictions subsistants entre les Etats Membres. Le Traité de Maastricht de 1992 permet une constitutionnalisation de la directive de 1988 et renforce la libre circulation des capitaux en mettant en place une « union économique et monétaire » prévoyant l’instauration d’une monnaie unique et d’un système de banque centrale unique permettant une réelle construction d’un marché unique de capitaux. Aujourd’hui la circulation des capitaux et des moyens de paiement est totalement libéralisée tant entre les Etats membres que pour les échanges avec les pays tiers par l’article 73 B du TCE et par l’article 63 TFUE. De sorte que la libre circulation des capitaux et des moyens de paiement est désormais de principe : on ne peut y déroger que par exception. Cette liberté de mouvement des capitaux est à la fois le parent pauvre de la libre circulation, mais aussi un élément essentiel de la construction du marché intérieur.

Article 67 du Traité instituant une Communauté Européenne, Traité de Rome du 25 mars 1957. 23

notamment les opérations de prêts financiers, de dépôts en devises ou encore les opérations sur titres 24

(21)

B/ Une harmonisation sectorielle : les principes régulateurs du marché commun.

Les principes régulateurs du marché commun sont d’une part le principe d’harmonisation (1) et d’autre part le principe de reconnaissance mutuelle (2).

1/ Le principe général d’harmonisation.

Les fondements juridiques de l’harmonisation - Afin d’éviter les divergences entres les Etats membres, pouvant provoquer des distorsions de concurrence , ou encore une 25 limite à la liberté de circulation, le droit de l’Union va procéder à une harmonisation des législations. Cette harmonisation consiste en un rapprochement des législations nationales par l’adoption d’un texte de l’Union se substituant totalement ou pour parti 26 aux dispositions nationales en vertu du principe de primauté du droit de l’Union institué par la Cour de Justice des Communautés Européenne le 15 juillet 1964 . 27

L’article 94 du Traité instituant une Communauté Européenne prévoyait la possibilité d’effectuer une harmonisation des législations nationales à condition d’obtenir l’accord unanime des Etats membres de la communauté. Désormais, et depuis l’Acte Unique Européen, cette harmonisation s’effectue à la majorité qualifiée pour les compétences expressément prévues par les traités , et demeure à l’unanimité pour les compétences 28 non expressément prévues par les traités mais qui ont une « incidence directe sur

l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur » . 29

Traité de Rome, 25 mars 1957, article 3 : « Aux fins énoncées à l'article 2, l'action de la Communauté comporte, 25

dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité: (…) g. un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur (…) »

Article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne: « Pour exercer les compétences de l'Union, les 26

institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis. »

CJCE, 15 juillet 1964, COSTA C/ ENEL : « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE 27

a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres [...] et qui s’impose à leur juridiction. En instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes (…) le droit du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ».

Article 114 TFUE. 28

Article 115 TFUE. 29

(22)

Distinction entre les différents éléments d’harmonisation - L’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (ancien article 249 TCE) apporte une précision quant aux éléments d’harmonisation. Il distingue en ces termes les mesures faisant l’objet d’un effet direct : « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire

dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre. La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci». Ainsi, selon la mesure adoptée, l’harmonisation sera

d’effet direct ou, à défaut, nécessitera une transposition dans la législation nationale 30 des Etats membres.

Distinction entre les différents degrés d’harmonisation - Il existe plusieurs degrés d’harmonisation. Le premier degré est l’harmonisation totale consistant en une réglementation intégrale du domaine visé, l’Etat doit l’introduire dans sa législation de façon à ce que l’objectif visé par le droit européen soit respecté. Il ne conserve pas de compétence normative, contrairement au second degré d’harmonisation qu’est l’harmonisation dite « partielle » selon laquelle l’Etat n’est tenu que pour la partie entrant dans le champ de l’harmonisation. Enfin, le dernier degré d’harmonisation permet d’obtenir une harmonisation minimale des règles sur le territoire européen laissant l’opportunité aux Etats d’édicter des mesures plus protectrices s’ils le souhaitent.

Pour autant, l’harmonisation des législations nationales peut aussi s’effectuer par reconnaissance mutuelle, mécanisme introduit par la CJCE et repris dans les traités.

2/ Le principe général de reconnaissance mutuelle.

CJCE, 5 février 1963, arrêt van Gend en Loos, affaire 26-62 : « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique 30

de droit international, au profit duquel les États ont limité leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants ». La Cour reconnait ainsi l’effet direct du droit communautaire.

(23)

L’origine jurisprudentielle de ce principe - Par un arrêt de principe , la Cour de 31 Justice des Communautés Européennes a, le 20 février 1979, reconnu le principe de reconnaissance mutuelle selon lequel : « tout produit légalement fabriqué et

commercialisé dans un Etat membre, doit pouvoir être commercialisé dans un autre Etat membre » sauf exception d’intérêt général. Par cette jurisprudence, la Cour assure la

libre circulation des services et des marchandises sans qu’il ne soit nécessaire d’harmoniser les législations nationales.

La portée de ce principe - Afin que le principe de reconnaissance mutuelle soit pleinement appliqué, le Conseil et le Parlement européen ont adopté le 9 juillet 2008 32 le règlement (CE) n° 764/2008 selon lequel : « le principe de reconnaissance mutuelle

(…) est l'un des moyens permettant de garantir la libre circulation des marchandises sur le marché intérieur. La reconnaissance mutuelle s'applique aux produits qui ne font pas l'objet de la législation communautaire d’harmonisation, ou aux aspects des produits qui ne relèvent pas du champ d'application de cette législation. Conformément à ce principe, un État membre ne peut pas interdire la vente sur son territoire de produits qui sont commercialisés légalement dans un autre État membre, et ce même si ces produits ont été fabriqués selon des règles techniques différentes de celles auxquelles sont soumis les produits fabriqués sur son territoire. Les seules exceptions à ce principe sont des restrictions justifiées par les motifs énoncés à l'article 30 du traité ou d'autres raisons impérieuses d'intérêt public et proportionnées à l’objectif qu'elles poursuivent ». Selon ce même règlement, régissant les droits et obligations des autorités

publiques et des entreprises souhaitant commercialiser leurs produits sur le territoire d’un autre Etat membre, le présent principe s’applique à toute décision administrative mais aussi à toute disposition législative, réglementaire ou, une nouvelle fois, administrative perturbant le commerce intracommunautaire, à l’exception des décisions judiciaires . 33

CJCE, 20 févr. 1979, Rewe-Zentral AG c/Bundesmonopolverwaltung für Branntwein (Cassis de Dijon) 31

Règlement (CE) n°764/2008 est entré en vigueur le 13 mai 2009. 32

Directive (CE) n° 764/2008, du 9 juillet 2008, article 2 « champs d’application ». 33

(24)

Section 2 - L’élaboration difficile d’une politique sociale

commune.

La volonté de développer une politique sociale européenne (I) a donné naissance à un modèle social européen insuffisant (II).

Paragraphe 1 - Le développement d’une politique sociale européenne.

L’élaboration d’une politique sociale commune s’est effectuée tout d’abord comme une mesure d’accompagnement de la construction économique (A), puis, dans les années 80 par une réelle volonté d’harmoniser le droit social européen en tant que tel (B).

A/ Une construction sociale comme corollaire à la construction économique.

Une construction lente - Durant les vingt premières années de la construction européenne le développement d’un modèle social européen ne figurait pas parmi les préoccupations des politiques européennes. En effet, celles-ci étaient focalisées sur la nécessité de consacrer pleinement la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux sur le territoire de la Communauté. De ce fait, le développement d’un cadre social européen n’était que le corollaire d’une construction européenne principalement économique et monétaire.

La Commission Delors et l’idée d’une Europe sociale - En souhaitant dynamiser la construction économique européenne pas l’achèvement du marché unique européen, la Commission Delors va effectuer un premier pas vers la création d’une Europe sociale. Bien que les avancées soient insuffisantes, l’Acte Unique Européen va étendre le pouvoir décisionnel de la Communauté Européenne en matière sociale en permettant l’adoption de directive, dont l’objet est de « promouvoir l’amélioration, notamment du

milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs », à la majorité

qualifiée . L’acte Unique Européen va aussi introduire le « Dialogue Social » en 34 permettant aux partenaires sociaux, sous l’initiative de la Commission, de conclure des

Traité de Rome, 25 mars 1957, article 118 A modifié. 34

(25)

accords collectifs dont la portée normative est reconnue comme effective dans le droit communautaire.

B/ Les prémisses d’une construction sociale indépendante.

La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs - A travers la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs , la 35 Communauté Européenne reconnait que la construction d’un marché économique devait aller de concert avec la création d’un espace social européen excluant la pratique du dumping social. Pour y parvenir, elle énonce un certain nombre de droits sociaux représentant un socle de principes minimaux communs à l'ensemble des États membres de l’Union européenne. Pour autant cette Charte n’ayant pas de réelle portée normative il faudra attendre le traité de Maastricht pour établir une véritable politique 36 sociale.

Le traité de Maastricht - Le traité de Maastricht étend les compétences de l’union en matière sociale ainsi que le domaine du vote à la majorité qualifiée. De façon générale, et pour la première fois depuis le début de la construction européenne, la politique sociale est affirmée dans le droit primaire de manière totalement indépendante de 37 l’établissement d’un marché commun et d’une union économique et monétaire. En outre, le traité consacre et renforce de manière significative l’action des partenaires sociaux, dans le cadre de l’élaboration de normes communautaires s’effectuant par le biais de négociations collectives.

Avec le Traité d’Amsterdam, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le Traité de Nice l’assise de la politique sociale européenne a été renforcée.

Ces textes ont permis d’établir un ensemble de normes sociales minimales en matière de santé et de sécurité, par l’adoption de la directive-cadre 89/391. D’autres directives ont

Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée le 9 décembre 1989. 35

la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs se limite en une déclaration d’intention 36

entre onze Etats parties à la communauté sur les douze présents (le Royaume Unie ayant refusé d’y adhérer). Article 2 et 3 TCE modifiés.

(26)

suivi : sur le temps de travail (1993), les congés parentaux (1996), le travail à temps partiel (1997), les contrats de travail à durée déterminée (1999), l’égalité de traitement dans le domaine de l’emploi (2000) et l’information et la consultation des travailleurs (2002).

Le traité de Lisbonne - Le traité de Lisbonne, quant à lui, renforce la dimension sociale de l'Europe en introduisant des nouveautés dans les droits et les objectifs de l’Union, ainsi que dans le contenu des politiques et les modalités de décision. Concernant les droits et les objectifs : le traité de Lisbonne garanti une force juridique contraignante aux droits sociaux fondamentaux énoncés par la Charte des droits fondamentaux ; il insère aussi une « clause sociale horizontale » en son article 9 stipulant que « dans la définition et la mise en oeuvre de ses politiques, l'Union prend

en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine »; enfin, le traité

de Lisbonne assigne de nouveaux objectifs sociaux à l’Union européenne et renforce le dialogue social mis en place par la Commission Delors.

Concernant les modalités de décision, le vote à la majorité qualifiée à été étendue aux prestations sociales, mais le traité prévoit aussi la possibilité de passer à la majorité qualifiée dans un certain nombre de domaines précisément énumérés et nécessitant normalement l’unanimité.

Cependant, et malgré toutes ces avancées, l’Europe social stagne et son modèle social demeure insuffisant pour accompagner et réglementer le marché européen actuel.

Paragraphe 2 - L’émergence d’un modele social européen insuffisant.

Malgré les avancées établies en matière sociale, l’objectif d’une convergence des législations sociales n’a toujours pas atteint un résultat satisfaisant (A), de telle sorte qu’une concurrence sociale déloyale continue de s’exercer de façon croissante.

(27)

Un bilan social en demie-teinte - Dès l’origine de la construction européenne, le travail a été considéré comme un outil de production nécessaire à la création du marché commun. Le traité de Rome a donc conféré aux agents économiques du marché commun le même droit à la libre circulation que les biens, les services et les capitaux. Pour autant, le traité de Rome n’était pas totalement dépourvu d’objectif social. En effet, son article 117 dispose en ces termes que « les États membres conviennent de la

nécessité de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre permettant leur égalisation dans le progrès. Ils estiment qu’une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché commun, qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par le présent Traité et du rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives  ». Ce 38 rapprochement des législations sociales est encadré par l’article 118 A du même traité énonçant que l’harmonisation communautaire s’effectuera par l’adoption de prescriptions minimales ne faisant pas « obstacle au maintien ou à l'établissement de

mesures de protection renforcée de la part des États membres » . En d’autres termes, 39

l’Union se donne pour objectif l’adoption de mesures sociales minimales afin de diminuer les clivages entre les différents Etats membres, et instaure, dans le souci d’une meilleure protection des droits des travailleurs européens, une clause de non régression sociale. Les Etats membres espéraient alors que « l’effet combiné des forces du marché

et de plusieurs dispositions en faveur d’une harmonisation minimale, aboutirait presque automatiquement à une convergence des normes du travail et de qualité de vie » . À la 40 volonté d'établir un socle minimum de droits sociaux se mêle, en effet, le souci d'éviter les distorsions de concurrence par le jeu d'un certain dumping social.

Aujourd’hui, avec l’élargissement de l’Union européenne à 28 Etats membres, cette politique de construction sociale limitée à un cadre constitué de règles minimales est insuffisante et ne permet plus d’éviter la concurrence sociale déloyale devenant de plus en plus agressive.

B/ Une concurrence sociale européenne agressive.

Traité de Rome, article 117 (aujourd’hui article 151 du TFUE, ex article 136 du TCE). 38

Traité de Rome, article 118 A §3. 39

Traité de Rome, article 117. 40

(28)

Contexte - Bien que l’Union européenne dispose d’un certain pouvoir d’harmonisation à minima en matière de droit social, ce domaine relève, de façon plus générale, de la compétence exclusive des Etats membres qui disposent de tout pouvoir normatif en la matière (dans le respect des règles européennes acquises). La compétence uniquement subsidiaire de l’Union européenne favorise le maintien de la diversité des règles sociales sur le territoire de l’Union, et, est donc propice à l’exercice d’une concurrence sociale entre les agents économiques des Etats membres.

La concurrence sociale déloyale - Afin de réguler la concurrence sociale l’union européenne a adopté, le 9 décembre 1996, la directive 96/71/CE dite « directive

détachement » permettant, dans le cadre d’une prestation de service où une entreprise

détache temporairement dans un autre Etat un employé qui travaille habituellement dans le pays d’origine de l’entreprise, d’imposer l’application de certaines normes sociales de l’Etat d’accueil. Cependant, cette directive n’a pas eu l’effet escompté et n’a pas empêché les fraudes et les détournements massifs consistant à utiliser le négoce de main-d’oeuvre « bon marché » comme arme de concurrence.

Une concurrence sociale déloyale venant de toute part - Bien que l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Est ait accentué les clivages sociaux, la concurrence sociale déloyale s’effectue de toute part. En effet, les pays de l’Est ne sont pas les seuls à être suspectés de pratiquer cette concurrence, la Grèce, le Portugal et l’Espagne font aussi l’objet d’une surveillance rapprochée. L’Allemagne, quant à elle, a du instaurer un salaire minimal suite à l’affaire des abattoirs proche de la frontière Française, car elle était elle aussi accusée de concurrence déloyale , ou plus récemment encore 41 l’entreprise française « blablacar » accusée de dumping social par la Confédération patronale des sociétés d'autocars espagnole . 42

Fondation Ifrap, « Agroalimentaire : est-ce la fin du dumping allemand ? », 24 octobre 2013. 41

Les Echos, « BlaBlaCar accusé de concurrence déloyale en Espagne », 11 aout 2015. 42

(29)

Conclusion sur le cadre social européen -

La construction lente, mais efficace, d’une politique économique et monétaire commune n’a pas été accompagnée d’une mise en place effective d’un espace social européen. Cette absence d’harmonisation sociale des différentes législation européennes tend à favoriser la pratique du dumping social.


(30)

CHAPITRE 2 -

LA LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL

« Dans l'hypothèse d’une concurrence interdite, celui qui fait acte de concurrence agit

sans droit ; dans la concurrence déloyale, il fait un usage excessif de sa liberté ».

Le doyen P. ROUBIER 43

Bien que l’Union ait fait de son objectif premier le développement d’un espace économiquement fort à travers l’élaboration du principe de libre circulation, l’absence de législation sociale commune nuit à la cohésion européenne et crée une Europe à deux vitesses ; d’un coté l’Europe aux droits sociaux élevés, et de l’autre, l’Europe aux droits sociaux à élever.

La naissance du dumping social compromet le système économique des pays membres en perturbant les règles de concurrence s’appliquant initialement au sein de chacun des Etats puisque, désormais, les travailleurs d’un Etat européen se verront confrontés à la concurrence salariale d’autres Etats européens.

Cette lutte ne peut s’effectuer efficacement au niveau de chaque Etat européen pris individuellement (Section 1) et doit nécessairement faire l’objet d’une mesure européenne efficiente, permettant un réel contrôle de la légalité des opérations réalisées par l’application d’une des quatre grandes libertés européennes (section 2). Un contrôle s’assurant notamment, que l’opération ne soit pas réalisée par un usage excessif de ces libertés.

P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t. 1, 1952, Sirey, p. 482 43

(31)

Section 1 - L’impossibilité pour les Etats membres de

contrer efficacement le dumping social.

Une mesure visant à lutter contre le dumping social est une mesure qui fondamentalement vient restreindre la libre circulation des travailleurs et des services entre le pays qui promulgue la mesure, et un ou plusieurs autres Etats membres. Cette limitation de liberté se nomme entrave (I) et est interdite à défaut de justification (II).

Paragraphe 1 - Une entrave à la liberté de circulation.

L’adoption de mesure ayant pour objectif de réduire la concurrence social à pour effet de limiter la libre circulation des travailleurs sur le territoire de l’Etat et constitue ainsi une entrave à cette liberté fondamentale. Il existe deux types de mesure menant à cette entrave; les mesures purement discriminatoires (A) et les mesures restrictives indistinctement applicables (B).

A/ L’interdiction des mesures discriminatoires.

Fondement textuel - Ce principe est fondé sur plusieurs articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Bien que l’article 18 TFUE prohibe catégoriquement, et de manière générale, toute mesure discriminatoire en raison de la nationalité , ce principe fait l’objet de dispositions spécifiques en matière de liberté 44 d’établissement et de libre prestation de service. En effet, l’article 56 TFUE dispose en ces termes que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre

prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation » . Tandis que l’article 49 TFUE dispose que : « les 45

Article 18 TFUE (ancien article 12 TCE): « Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des 44

dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». Article 56 TFUE (ancien article 49 TCE)

(32)

restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites » . 46

Il existe cependant plusieurs sortes de discrimination; la discrimination directe (1) et la discrimination indirecte (2).

1/ La discrimination directe.

Définition - Est considérée comme directe, toute discrimination, résultant « des

législations, réglementations ou pratiques nationales », ayant pour assise la 47

nationalité d’une personne, et pour effet de placer les ressortissants des Etats membres « dans une situation de fait ou de droit désavantageuse rapport à la situation faite, dans

les mêmes circonstances, à un ressortissant de cet État membre ». 48

La règle du traitement national - C’est un principe selon lequel les ressortissants de l’Union (tant les personnes physiques que les personnes morales) présents sur le territoire d’un Etat membre, doivent être traités de la même manière que les ressortissants nationaux de ce même Etat. Cette règle s’applique quel que soit l’acte (normatif ou non normatif ) et l’autorité qui l’a promulgué . Ainsi, une personne qui 49 50 ouvre un établissement dans un Etat membre de l’Union est assuré de bénéficier du traitement national appliqué à tout ressortissant de l’Etat d’accueil, quand bien même il serait question d’un établissement secondaire . 51

Article 49 TFUE (ancien article 43 TCE) 46

CJCE, 18 juin 1985, Steinhauser, 197/84, Rec. p. 1819, point 14 47

CJCE, 30 Mars 1993, aff. C-168/91, Konstantinidis. 48

acte issu d’une décision jurisprudentielle : CJCE, 11 déc. 2003, aff. C-289/02, AMOK. 49

acte issu d’une pratique administrative : CJCE, 13 nov. 2003, aff.. C-153/02, Neri. Acte adopté par une collectivité locale : CJCE, 29 hoc. 2001, aff. C-17/00, De Coster. 50

Acte adopté par une fédération sportive internationale : CJCE, 12 déc. 1974, aff. 36/74, Walrave & Koch c/ Association union cycliste internationale et a.

Acte adopté par un ordre professionnel : CJCE, 19 fée. 2002, aff. C-399/99, Wouter et a. CJCE, 28 janv. 1986, aff. 270/83, Commission c/ France.

(33)

Précision sur la règle du traitement national - L’application stricte de la règle du traitement national, aux prestataires de service, serait susceptible de leur faire supporter des exigences propres à la liberté d’établissement alors qu’ils n’exécutent qu’une activité temporaire sur le territoire d’un autre Etat membre, et serait donc constitutive d’une entrave.

De même, l’application du traitement national peut parfois amener à la création de discrimination à rebours lorsque les règles régissant les ressortissants d’un Etat sont plus sévères que les règles appliquées par un ou plusieurs autres Etats membres.

A titre d’exemple: la Cour de Justice des Communautés européennes a reconnu le 12 Juillet 1984 que la liberté d’établissement impliquait la possibilité de créer plus d’un établissement sur le territoire de l’Union et ce malgré la règle d’unicité de cabinet qui devenait alors contraire au droit de l’Union . Dans cette situation, l’égalité de 52 traitement suppose le droit pour un ressortissant de l’Union européenne de créer un établissement dans un autre Etat membre sans avoir besoin d’abandonner le premier. Si cet Etat membre d’accueil connait la règle d’unicité d’établissement, alors le ressortissant étranger pourra (en plus de s’établir sans supprimer son premier établissement) ouvrir plusieurs établissements dans le pays d’accueil alors même que ceci est interdit au ressortissant national. Ainsi, le non-ressortissant de l’Etat membre d’accueil se verra conférer plus de droits que le ressortissant national sans que cela ne soit sanctionné par l’Union européenne puisque son but est de favoriser la liberté de circulation. De sorte que l’effet n’y faisant pas obstacle, la discrimination à rebours n’est pas contraire au droit de l’Union (car il suffira au ressortissant national de mettre en oeuvre sa liberté de circulation pour contourner l’effet de la discrimination).

Il existe aussi des discriminations indirectes.

2/ La discrimination indirecte.

Discrimination fondée principalement sur la notion de résidence - Contrairement à la discrimination directe fondée sur la nationalité, la discrimination indirecte repose elle sur un critère de résidence. De telle sorte que les non-résidents de l’Etat membre

CJCE, 12 juill. 1984, Ordre des avocats au barreau de Paris c/ Klopp, aff. 107/83, Rec. 2971. Repris par la 52

(34)

d’accueil se verraient reconnaitre moins de droits que ses résidents . C’est une 53 discrimination indirecte dans la mesure ou les non-résidents d’un Etat sont bien souvent des non-nationaux.

Cette interdiction des discriminations indirectes a été étendue à toute condition de résidence minimale sur le territoire de l’Etat membre d’accueil pour bénéficier des mêmes droits que ceux attribués aux résidents . 54

Pour autant, les mesures discriminatoires ne sont pas les seules à être prohibées par le droit européen et sanctionnées par la Cour de Justice de l’Union européenne, il y a aussi les mesures restrictives indistinctement applicables.

B/ L’interdiction des mesures restrictives indistinctement applicables.

Définition - Une mesure restrictive indistinctement applicable est une mesure tendant à empêcher les ressortissants d’un autre Etat membre de venir exercer son activité sur le territoire de l’Etat membre d’accueil, et ce, que ce soit au titre de la libre prestation de service, ou au titre de la liberté d’établissement. Réciproquement, cela peut aussi être l’Etat d’origine qui met en place des mesures indistinctement applicables afin de limiter la libre circulation de ses ressortissants.

Exemples d’application - Une mesure restrictive indistinctement applicable peut s’appliquer à tout type de réglementation dès lors qu’elle a pour effet de nuire à la libre circulation des ressortissants de l’Union. Il peut s’agir tant d’une réglementation compromettant l’accès au marché que d’une réglementation empêchant l’exercice de l’activité.

La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union est dense en la matière. A titre d’exemple , ont été considérées comme des mesures restrictives indistinctement 55

CJCE, 27 juin 1996, Asscher, aff. C-107/94, Rec. I. 3089. 53

CJCE, 25 juill. 1991, Factortame E.A., aff. C-221/89, Rec. I. 3905. CJCE, 13 juill. 1993, Commerzbank, aff. C-330/91, Rec. I. 4017

en l’espèce une durée de résidence d’au moins un an : 54

Pour bénéficier de l’octroi d’allocation de naissance et de maternité : CJCE, 10 mars 1993, Commission c/ Luxembourg, aff. C-11/91, Rec. I. 817.

Pour obtenir l’immatriculation belge de son aéronef : CJCE, 8 juill. 1999, Commission c/ Belgique, aff. C-203/98, Rec. I. 4899.

Bibliothèque permanente des Editions Francis Lefebvre, « les conditions de travail dans l’Union ». 55

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