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y a déjà quelles années, dans un·lycée de la région messine, en salle des professeurs, j'étais avec un collègue "mécanicien · technologue" comme moi, en train de travailler sur une intégrale triple, une sommation sur un élément de volume pour déterminer le moment d'inertie d'un solide par rapport à un point. Quand soudain, une voix interrogative et perplexe s'élève . :Tiens,
tufais des Mathématiques ! ! !.
Un collègue mathématicien croyant avoir le monopole des Mathématiques s'étonnait de voir des non-mathématiciens faire des Mathématiques. Je lui ai répondu :
Eh oui, je fais des Mathématiques
!. Avec du recul, je crois qu'il fallait répondre:Non, je ne fais pas des Mathématiques,
mais j'ai besoin des Mathématiques,
j'utilise l'Outil-Mathématique.
Je limiterai mes réflexions à l'utilisation des Mathématiques dans l'enseignement de la Mécanique en lycées, classes de seconde, première et terminale ainsi que dans les
cl~ses de Sections de Technicien Supérieur. La Mécanique, branche de la Physique est une discipline qui est enseignée par des Physiciens et par des Technologues. De par la spécificité de l'enseignement de la Mécanique en Technologie Industrielle dans la voie S et dans les filières Génie Mécanique des baccalauréats technologiques, la part de l'Outil-Mathématique est très importante dans l'enseignement de la Mécanique. Par exemple
la
par Philippe GUIBERT
- la géométrie vectorielle, et bien sûr les torseurs. (statique, cinématique et dynamique, quand ce n'est pas en métrologie avec l'utilisation des torseurs des petits déplacements).
- les dérivées, par rapport au temps et par rapport à un repère, dx/dt, dx2/dt2, ....
- les intégrales, centre d'inertie, produit et
dl ' • moment mert1e, ...
- les équations différentielles, en dynamique par exemple, ...
- les matrices, déterminants, ...
et bien sûr les relations trigonométriques, développement limités, ...
Bien sûr les élèves suivent avec profit et intérêt les enseignements de Mathématiques au cours de leur scolarité. Ds se posent parfois la question :
A quoi ça sert
?La réponse est évidente. Mais hélas et c'est une des spécificités de l'enseignement Français, on fait des Mathématiques, de la Mécanique, de la Physique, de la Géographie et de la Gymnastique comme . des blocs, des tiroirs totalement étanches et renfermés sur eux mêmes, sans interaction entre les différentes disciplines.
Voilà pourquoi, quand on aborde la notion de vitesse, on utilise les dérivations par rapport au temps et par rapport à un repère, et là les élèves, s'ils ont traité en Mathématiques les dérivées, ce sont les dérivées par rapport à x,· mais pas par rapport à t, alors là incompréhension et l'enseignant est alors obligé de faire un "rappel" et on entend parfois quelques uns s'exclamer :
Ah, j'ai compris, c'est la même chose,
ça sert
àça les dérivées !
- - - aptep-info 58 nov. 1993
. Cela est vrai pour beaucoup de points du programme. Par contre, là où c'est plus grave, c'est quand certains points du programme n'ont pas été vus en Mathématiques, par non-synchronisme des programmes du fait peut être de la sacro-sainte . organisation · hebdomadaire de l'enseignement. L'enseignant de Mécanique doit alors faire des Mathématiques, mais ce n'est pas · un professionnel. Il manque souvent de rigueur notamment pour les hypothèses, Son langage, sa méthodologie n'est pas forcement très dogmatique, bref, il "bricole", c'est un pragmatique, il donne des astuces, il explique souvent sans démontrer, la dérivée de sin.x
c'~st cos.x, l'intégrale de dx!(l-x2
) c'est Arg.thx+c ou 1/2 Log Il +x/l-x~ En réalité, il
a besoin de l'Outil-Mathématique.
Je respecte trop les Mathématiques pour accepter cet état.
Quand j'ai appris, il y a trois ans, la création du Conseil National des Programmes, je me suis réjoui, car je pensais qu'enfin, les programmes seraient vus dans leur i~tégralité, avec des correspondances horizontales et verticales. La Charte des programmes insistait sur la nécessité et l'importance de l'interaction des différentes disciplines dans la rédaction des programmes. J'ai même eu l'honneur de participer à ces travaux dans le cadre du groupe technique disciplinaire Génie Mécanique auprès du Conseil National des Programmes. Mais pour différentes raisons, les principales étant d'ordre financièr€? et de crédibilité, il n'a
pas
été possible de concevoir des programmes interdisciplinaires, ni même d'harmoniser l'enseignement des Mathématiques avec celui de la Mécanique par exemple.La
seule instance pluridisciplinaire qu'est le Conseil National des Programmes n'a même pas eu les cinq ans de vie que lui avait accordée la loid'orientation du 10 Juillet 1989. Le Conseil National des Programmes n'existe plus.
Aujourd'hui, il reste l'I.R.E.M., (Institut de Recherche de l'Enseignement des Mathématiques) et il serait souhaitable que l' A.P.T.E.P. propose de mettre sur pied une réflexion interdisciplinaire sur l'enseignement des Mathématiques, pour aider les utilisateurs . de l'outil-mathématique dans les différentes disciplines à faire des Mathématiques et non du faire du "bricolage".
Quand je dis faire des Mathématiques, c'est comment bien utiliser l'Outil-Mathématique, avec un langage juste, rigoureux, clair, qui soit compris par tous les utilisateurs et qui soit abordable et exploitable dans les différentes disciplines et à l'instant adéquat. Ce n'est pas une tâche facile, l'Outil-Mathématique en Mécanique n'est pas le même qu'en Géographie ou qu'en Biologie. Chaque discipline nécessite l'utilisation d'une "caisse à Outil-Mathématique" spécifique.
Je suis prêt, et j'invité d'autres collègues à travailler avec moi à la didactique des Mathématiques au travers de l'enseignement de la Mécanique.
Philippe GUIBERT Professeur Agrégé de Mécanique Unité de Formation et de Recherche
Math., lnfo., Méca. Faculté des Sciences
Ile du Saulcy 57 045 METZ CEDEX
Tel : ·87 .31.52.87
aptepinfo 58 nov.1993