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Adoption et mise en œuvre d'un programme éprouvé de soutien à la parentalité par des intervenants sociaux et éducatifs

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Adoption et mise en œuvre d’un programme éprouvé de

soutien à la parentalité par des intervenants sociaux et

éducatifs

Thèse

Emilie Charest

Doctorat en psychologie - recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Adoption et mise en œuvre d’un programme éprouvé de

soutien à la parentalité par des intervenants sociaux et

éducatifs

Thèse

Émilie Charest

Sous la direction de :

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Résumé

La thèse a pour but d’évaluer le positionnement initial d’intervenants sociaux et éducatifs vis-à-vis de l’adoption d’un programme à données probantes (PDP) multi-niveaux/multi-modalités et d’examiner les associations entre ce positionnement et l’utilisation du programme pendant les deux premières années de mise en œuvre. Pour ce faire, la thèse examine le processus d’implantation du PDP de soutien aux habiletés parentales Triple P – Positive Parenting Program (Sanders, Cann, & Markie-Dadds, 2003) dans deux localités québécoises. Dans le premier volet de la thèse, des profils d’intervenants sont identifiés sur la base de divers aspects de positionnement initial : attitudes vis-à-vis des PDP, sentiment de compétence à intervenir auprès de parents qui présentent des difficultés avec leur enfant, perception de leurs besoins de formation liée au travail auprès de parents, perception de l’adéquation de l’espace physique de leur organisation pour soutenir la mise en œuvre de Triple P et perception des barrières et des facilitateurs à la mise en œuvre de Triple P (liés aux caractéristiques de l’organisation, du personnel et du chef d’équipe). Des analyses de profils latents font émerger deux profils d’intervenants se distinguant principalement par le niveau d’optimisme ou de scepticisme vis-à-vis de l’implantation de Triple P. L’analyse des profils met en lumière l’importance de caractéristiques individuelles et contextuelles en ce qui a trait à l’adoption des PDP. Les associations entre les deux profils et trois mesures rétrospectives auto-rapportées d’utilisation du programme (a utilisé, ou non, Triple P au moins une fois pendant les deux premières années de mise en œuvre) et de quantité d’utilisation (nombre de familles rejointes pendant les deux premières années de mise en œuvre et nombre de séances réalisées depuis les 6 derniers mois) sont examinées. Les intervenants sceptiques rapportent avoir utilisé le programme autant que les intervenants optimistes, suggérant que les organisations désireuses d’implanter un PDP ne devraient pas être réticentes à sélectionner des intervenants initialement plus sceptiques pour suivre les formations et offrir le programme. Dans le deuxième volet de la thèse, les indicateurs de positionnement initial et des variables sociodémographiques associées sont utilisés afin de prédire l’utilisation et la quantité d’utilisation du PDP par les intervenants formés. La quantité d’utilisation est mesurée à l’aide de trois indicateurs prospectifs auto-rapportés (nombre de parents rejoints, nombre d’activités réalisées et durée totale des interventions Triple P réalisées pendant les deux premières années de mise en œuvre). Une analyse factorielle exploratoire confirme l’adéquation d’intégrer ces trois mesures en un indice multidimensionnel d’utilisation du PDP. Des analyses de régression permettent de conclure à l’importance de caractéristiques individuelles et contextuelles lors de la mise en œuvre des PDP. La thèse permet de conclure que, lors de l’implantation d’un PDP, il ne s’agit pas de sélectionner des intervenants expérimentés ou optimistes ou ayant des attitudes positives vis-à-vis du PDP, mais plutôt d’offrir aux intervenants formés le soutien nécessaire afin de réduire le plus possible les barrières organisationnelles à l’implantation du PDP. Elle souligne l’importance d’intégrer plusieurs mesures d’utilisation du programme lors de l’évaluation de la mise en œuvre.

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Abstract

This thesis aimed at assessing service providers’ initial stance toward the implementation of a multi-level/multi-modality evidence-based program (EBP). It also aimed at examining the association between initial stance and subsequent program use during the first two years of active implementation. To do so, the thesis examined the implementation of the EBP Triple P – Positive Parenting Program (Sanders, Cann, & Markie-Dadds, 2003) in the province of Quebec, Canada. In the first part of the thesis, profiles of providers were identified based on their pre-implementation attitudes toward EBPs, self-efficacy in conducting behavioral family interventions with parents, perception of their perception of their training needs related to working with parents, perception of the adequacy of their organization’s offices and physical space available to support the implementation of Triple P, and perception of the facilitators and barriers to its implementation (characteristics of the agency, staff and team leader). A latent profile analysis was conducted, and a two-profile solution was chosen as the best representation of the data. The two profiles differed mainly by the level of optimism or skepticism toward the implementation of Triple P. The associations between the profiles and three retrospective self-reported measures of program use (whether or not the provider used Triple P at least once during the 2-year period following their initial training) and amount of program use (number of families reached during the 2-year period, and number of sessions conducted during the last six months) were examined. Program use and amount of program use did not differ between the two profiles, suggesting that agencies willing to implement a new program should not held back from involving more skeptical providers into the implementation efforts.In the second part of the thesis, the indicators of initial stance, as well as sociodemographic characteristics were used to predict program use and amount of program use. Amount of program use was assessed using three self-reported prospective indicators (number of parent reached, number of activities conducted, and total duration of Triple P interventions conducted during the two-year period following initial training). An exploratory factorial analysis confirmed the adequacy of integrating these three measures within a multidimensional usage index. Regression analyses showed the influence of individual and contextual factors on the usage of an EBP. The thesis highlighted that, when implementing a new EBP, what matters is not to target only optimistic providers to receive training, but rather provide all providers with adequate support in order to reduce organizational barriers to implementation. It also underlined the importance of studying many indicators of usage in implementation research.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... v

Liste des tableaux ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... viii

Avant-propos ... x

Introduction ... 1

Les données probantes dans le secteur enfance-famille ... 2

La prévention selon une approche populationnelle ... 4

Processus d’implantation des PDP ... 10

Facteurs influençant le processus d’implantation des PDP par les intervenants formés ... 15

Critique de la littérature existante et pertinence de la thèse ... 22

Objectifs de la thèse ... 24

Chapitre 1 Service providers’ initial stance toward the adoption of an evidence-based parenting program : a latent profile analysis ... 26

1.1 Résumé ... 26

1.2 Abstract ... 26

1.3 Introduction ... 27

1.4 Method ... 33

1.5 Statistical Analysis ... 38

1.6 Results ... 39

1.7 Discussion ... 40

1.8 References ... 46

Chapitre 2 Measuring and predicting service providers’ use of an evidence-based parenting program 56

2.1 Résumé ... 56

2.2 Abstract ... 56

2.3 Introduction ... 56

2.4 Method ... 60

2.5 Strategy for Analysis ... 65

2.6 Results ... 67

2.7 Discussion ... 70

2.8 References ... 74

Conclusion ... 81

Principaux constats ... 83

Limites et forces de la thèse ... 98

Pistes de recherches futures ... 100

Implications cliniques ... 102

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Liste des figures

Figure 1. Adopter categorization on the basis of innovativeness ... 48 Figure 2. Latent profile analysis two-profile solution. ... 49

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Liste des tableaux

Tableau 1. Description of the sample ... 50

Tableau 2. Correlations between variables. ... 51

Tableau 3. Model fit indices for one- to five-profile solutions ... 52

Tableau 4. Profile differences based on initial stance and related variables ... 53

Tableau 5. Description of the sample. ... 75

Tableau 6. Summary of logistic regression analysis for variables predicting program use ... 76

Tableau 7. Model fit indices for one- to five-class solutions ... 77

Tableau 8. Summary of linear multiple regression analysis for variables predicting amount of program use as indicated by the PUI ... 78

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Liste des abréviations

BIC ... Bayesian Information Criterion DPJ ... Direction de la Protection de la Jeunesse EBP ... Evidence-based program EBPAS ... Evience-Based Practice Attitude Scale FRPI ... Factors Related to Program Implementation KMO ... Kaiser-Meyer-Olkin LCA ... Latent class analysis LMR ... Lo-Mendall-Rubin Likelihood Difference LPA ... Latent profile analysis MUI ... Multidimensional usage index ORC ... Organizational Readiness for Change PBLR ... Parametric Bootstrapped Likelihood Ratio PCSC ... Parent Consultation Skills Checklist PDP ... Programme à données probantes

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Remerciements

Tout au long de mes études doctorales, j’ai eu le privilège d’être entourée de superviseurs-es, collègues, amis-es et proches dont le soutien a été inestimable. Je profite de cette occasion pour remercier toutes ces personnes qui ont été présentes de près ou de loin et m’ont accompagnée dans la réalisation de cet accomplissement.

Je remercie d’abord ma directrice de thèse, Marie-Hélène Gagné, qui m’a guidée et soutenue tout au long de ce parcours. Merci d’avoir cru en moi, de m’avoir offert un nombre inestimable d’opportunités de formation et de m’avoir appuyée et encouragée dans la réalisation de chacune d’entre elle. Vous m’avez permis de vivre des expériences uniques qui ont significativement enrichi mon parcours et m’ont préparée à ma future carrière. Merci de m’avoir permis d’atteindre mon plein potentiel, tout en respectant mes limites. Merci d’avoir su souligner mes succès et d’avoir toujours trouvé les mots justes pour me rassurer dans mes craintes. Merci pour votre rigueur, votre disponibilité et votre sens de humour. J’ai beaucoup de chance d’avoir pu bénéficier de votre présence et de votre encadrement pendant toutes ces années. Vous êtes un modèle inspirant que je tenterai d’atteindre à ma façon dans ma future carrière.

Je remercie tous les collaborateurs en recherche qui m’ont offert un encadrement de grande qualité. Merci aux membres de mon comité de thèse, Sylvie Drapeau et Marie-Claude Richard, pour leur apport à ce travail et leurs conseils constructifs. Les questionnements que vous avez soulevés au cours des dernières années ont considérablement enrichi ma réflexion et m’ont amené à développer mon esprit critique. Merci aux membres de mon jury de soutenance, Marie-Josée Letarte et Caroline Cellard, de m’avoir permis de profiter de leur savoir pour approfondir ma réflexion dans le domaine. Merci à Hélène Paradis et Bei Feng pour leurs précieux conseils statistiques. Merci pour votre disponibilité, vos explications et votre patience, j’ai beaucoup appris grâce à vous. Merci à Julie Goulet pour sa précieuse écoute, ses encouragements et sa joie de vivre contagieuse. Merci aux étudiants du laboratoire de psychologie communautaire pour leur soutien et leur présence, ce fut un réel plaisir de vous côtoyer et de travailler avec vous. Je remercie le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC), le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance, ainsi que le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) pour leur appui financier.

Outre les gens qui m’ont entourée et soutenue dans mes activités de recherche, plusieurs personnes ont joué un rôle majeur dans ma formation clinique et dans le développement de mon identité professionnelle. Je tiens à remercier Caroline Chiasson et Louis Boivin qui m’ont guidée dans mes premières expériences cliniques et

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m’ont offert des bases solides sur lesquelles développer mes compétences en évaluation et en intervention. Merci à Isabelle Bureau et Michelle St-Pierre de m’avoir accueillie si chaleureusement pour la fin de mon parcours doctoral. Merci d’avoir eu confiance en moi dès le début et de m’avoir encouragée à en faire autant. Vous m’avez donné accès à des réflexions et approfondissements théoriques enrichissants, et m’avez permis de développer ma compréhension et mon sens clinique. Merci de m’avoir transmis ce riche héritage et votre affection pour la psychologie. J’aspire à devenir une clinicienne aussi équilibrée et passionnée que vous.

Je tiens également à remercier mes amis-es qui m’accompagnent au quotidien. Merci pour les brunchs, les soupers et les soirées parsemées d’anecdotes et de fous rires qui ont rendu les dernières années mémorables. Merci à mes collègues et amies, Marie-Kim et Dorothée, sans qui ce parcours laborieux n’aurait été aussi plaisant. Je garde de précieux souvenirs de nos journées de travail dans des cafés, à Québec ou ailleurs, et de nos affiches en cavale. Un merci tout particulier à Éva et Eddy, qui ont su m’écouter et me soutenir dans mes maintes périodes de doutes et de questionnements. Je suis privilégiée d’avoir pu partager avec vous les précieux moments qui constituent assurément mes plus beaux souvenirs du doctorat.

Pour terminer, je remercie mes proches qui m’ont accompagnée à leur façon lors de ces longues études. Je remercie mon amoureux qui est entré dans ma vie juste à temps pour m’aider à réaliser les dernières étapes de ce bel accomplissement. Par ta persévérance, ta détermination et la passion que tu entretiens pour ton travail, tu es un modèle qui m’amène à me dépasser et donner le meilleur de moi-même chaque jour. Merci pour ton réconfort et ta capacité à dédramatiser mes inquiétudes. Merci de m’aimer aussi fort et de créer avec moi un couple qui se respecte, se soutient et devient plus solide chaque jour. Je suis impatiente de voir ce que la vie nous réserve.

Je remercie mes beaux-parents qui ont su souligner mes réussites et s’intéresser à mes projets. Merci de m’avoir accueillie aussi chaleureusement et généreusement dans votre famille.

Enfin, je ne saurais conclure sans remercier mes parents, Martine et Gervais. Merci à ma mère, généreuse, dévouée et soucieuse de mon bien-être, qui a su accueillir mes incertitudes et mes angoisses lors de nos longues conversations téléphoniques. Merci à mon père, grand philosophe voire psychologue à ses heures, qui m’a toujours bien conseillée tout en me permettant de me forger mes propres opinions. Merci à vous deux de me soutenir continuellement, de toutes les manières possibles, et d’être présents malgré les kilomètres qui nous séparent. Peu importe mes doutes, vous, vous n’avez jamais douté. Votre conviction que je pouvais me rendre où j’en avais envie m’a encouragée à poursuivre mes études et persévérer dans les moments difficiles. Sans vous, je n’aurais pas pu réaliser un tel accomplissement. Je vous aime!

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Avant-propos

La présente thèse a reçu l’appui financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). L’auteure de la thèse, Émilie Charest, a effectué les analyses statistiques, l’interprétation des résultats et la rédaction des deux articles scientifiques du présent travail avec la collaboration de Marie-Hélène Gagné, Ph.D., directrice de recherche, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance de l’Université Laval. L’auteure de la thèse a participé à la collecte de données menée par la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance et son équipe de chercheurs. L’introduction générale de la thèse ainsi que la conclusion ont été rédigées par Émilie Charest.

Le premier article de la thèse intitulé Service Providers’ Initial Stance Toward the Adoption of an

Evidence-based Parenting Program a été accepté en juillet 2019 pour publication dans la revue Children and Youth Services Review. Le second article, intitulé Measuring and Predicting Service Providers’ Use of an Evidence-based Parenting Program a été publié en mars 2019 dans la revue Administration and Policy in Mental Health and Mental Health Services Research.

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Introduction

À l’heure où la prise de décision fondée sur les données probantes est devenue une ligne de conduite en matière de santé publique (Agence de la santé publique du Canada, 2016), on constate un essor de l’intérêt des chercheurs, décideurs et praticiens pour la mise en application de stratégies d’intervention éprouvées destinées aux familles (Atkins, Rusch, Mehta, & Lakind, 2016). Cette volonté d’utiliser judicieusement les données probantes dans le secteur enfance-famille s’accompagne toutefois d’un défi lié au transfert des connaissances de la recherche à la pratique. En effet, il ne suffit pas simplement de sélectionner un programme ayant démontré son efficacité dans un contexte scientifiquement contrôlé, encore faut-il que l’organisation et les praticiens responsables de l’implanter se l’approprient, l’arriment aux paramètres du milieu et développent leur capacité à l’utiliser de manière optimale (Bérubé, Coutu, Dubeau, Lafantaisie, & Devault, 2013; Gray, Joy, Plath, & Webb, 2012; MacMillan et al., 2009). En ce sens, le support empirique suggère que si les programmes basés sur les données probantes (PDP) ne sont pas implantés adéquatement, ils n’auront pas le pouvoir d’engendrer les mêmes retombées que celles observées dans les études d’efficacité (Durlak & DuPre, 2008). Ce phénomène souligne l’importance de réfléchir aux conditions nécessaires à une implantation de qualité permettant d’engendrer les effets positifs escomptés. Malheureusement, à ce jour, peu d’études empiriques ont examiné les facteurs influençant l’implantation des PDP par les intervenants impliqués dans l’offre de service (Asgary-Eden & Lee, 2012; Bérubé et al., 2013; Durlak & DuPre, 2008; Meyers, Durlak, & Wandersman, 2012). Encore moins ont porté sur l’implantation de PDP qualifiés dans la présente thèse de « multi-niveaux/multi-modalités », qui commencent tout juste à être développées et évaluées dans le domaine enfance-famille. Ceux-ci sont structurés suivant une approche en gradins: ils comportent plusieurs niveaux d’intervention caractérisés par une intensité et une spécificité croissante, adaptée aux besoins de la population ciblée par chaque niveau. Les données empiriques disponibles suggèrent que ce type d’approche constitue une avenue intéressante pour intervenir efficacement au niveau populationnel puisqu’elle permet de maximiser l’efficience de l’intervention, réduire les coûts engendrés et desservir une plus grande proportion de la communauté (Gagné et al., 2012; Nelson & Caplan, 2014; Lee et al., 2012). En raison de la popularité croissante du concept d’universalisme proportionné en santé publique (qui renvoie à l’adaptation des interventions à chaque catégorie de la population en fonction de son niveau de besoin), il est attendu que le développement des stratégies d’intervention multi-niveaux/multi-modalités s’accroisse dans un avenir proche (Marmot, 2010). L’intérêt pour les PDP multi-niveaux/multi-modalités revêt donc une importance grandissante dans la recherche sur la science de l’implantation.

La présente thèse vise à évaluer le positionnement initial d’intervenants sociaux et éducatifs vis-à-vis de l’adoption et de la mise en œuvre d’un PDP multi-niveaux/multi-modalités dans le secteur enfance-famille. Elle

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vise également à examiner de quelle façon ce positionnement prédit leur utilisation du programme pendant les deux premières années de mise en œuvre. Pour ce faire, la thèse examine le processus d’implantation du PDP de soutien aux habiletés parentales multi-niveaux/multi-modalités Triple P – Positive Parenting Program (Sanders et al., 2003) dans deux localités québécoises. Cette initiative relève d’un partenariat université-communauté visant à prévenir la maltraitance envers les enfants au sein de leur famille.

Afin de bien comprendre la nature des variables étudiées, il convient d’abord de procéder à un relevé de la documentation pertinente. Un préambule portant sur les données probantes dans le secteur enfance-famille permettra d’introduire l’utilisation de PDP en tant que stratégie de prévention populationnelle permettant d’agir en amont de problématiques sociales touchant les familles. La maltraitance envers les enfants sera introduite comme exemple de problématique pouvant être prévenue à l’aide de PDP. Le programme multi-niveaux/multi-modalités Triple P sera présenté comme une stratégie préventive se démarquant par sa capacité à réduire la maltraitance au sein de la population. Les résultats d’études d’efficacité portant sur les programmes de prévention de la maltraitance permettront d’introduire l’importance du processus d’implantation des PDP dans le secteur enfance-famille. Il sera ensuite question du processus d’implantation des PDP et de l’importance de la documentation de divers paramètres d’implantation, y compris l’utilisation du programme par les intervenants formés. Enfin, les facteurs influençant le processus d’implantation seront présentés, ainsi que leur incidence sur l’utilisation du programme par les intervenants formés. Des critiques adressées à la littérature existante permettront de situer la pertinence de la thèse. En fin de chapitre, les objectifs de la thèse seront exposés.

Les données probantes dans le secteur enfance-famille

Les pratiques fondées sur des données probantes représentent « l’usage consciencieux, explicite et judicieux d’interventions dont l’efficacité est démontrée empiriquement dans la prise de décisions au sujet des soins des clients » (Sackett, Richardson, Rosenberg, Haynes et Strauss, 1997, p. 2). Cette approche soutient un usage éclairé des ressources financières limitées et accroît la probabilité d’influencer positivement la santé (Brownson et al., 2009).

À l’appui de ces objectifs, les instances gouvernementales québécoises accordent de plus en plus d’importance aux données probantes dans les cadres structurants de santé publique. Depuis les dernières années, la prise de décision fondée sur les données probantes est même devenue une ligne de conduite en matière de prévention en santé. En effet, la Politique gouvernementale de prévention en santé 2016-2025 (Gouvernement du Québec, 2016) mise sur l’implantation d’un ensemble de mesures éprouvées, susceptibles

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de procurer des gains de santé appréciables aux personnes, aux communautés, ainsi qu’aux populations considérées comme étant vulnérables. Cette Politique vise à favoriser la prise de décision basée sur les données probantes et ainsi retenir les approches reconnues efficaces et les composantes de programme les mieux adaptées aux contextes et aux besoins des familles québécoises. La mise en place de stratégies préventives pertinentes, appuyées par des données probantes et ayant une portée populationnelle, permettrait de réduire le fardeau évitable de certaines problématiques de santé et d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble de la population (Gouvernement du Québec, 2016).

Depuis une quinzaine d’années, la recherche dans le domaine enfance-famille accorde également une importance accrue à l’utilisation des données probantes afin d’améliorer la qualité et l’efficacité des services offerts (Gervais, Chagnon & Paccioni, 2011). Par ailleurs, les recherches témoignent d’un écart important entre le développement de connaissances empiriques et leur utilisation chez les intervenants et les gestionnaires oeuvrant auprès des jeunes et des familles vulnérables (Aarons et Palinkas, 2007; Barwick, Boydell, Stasiulis, Ferguson, Blase et Fixsen, 2008; Chagnon, Pouliot, Malo, Gervais et Pigeon, 2010; Proctor, Landsverk, Aarons, Chambers, Glisson et Mittman, 2009). En général, on remarque que les PDP représentent une faible proportion des programmes d’intervention et de prévention implantés dans le secteur enfance-famille. Sur plus de 1 400 programmes évalués à travers le monde, moins de 5% ont été qualifiés de programmes « modèles » ou « prometteurs » par l’initiative Blueprints for Healthy Youth Development selon les critères suivants : 1) la description du programme doit identifier clairement les retombées du programmes, les risques et les avantages associés, la population cible à qui s’adresse le programme, et de quelle façon les composantes du programme permettent d’engendrer les résultats escomptés ; 2) l’évaluation des effets, qui requiert minimalement une étude randomisée contrôlée ou deux évaluations quasi-expérimentales, doit conduire à des résultats valides et fidèles ; 3) les résultats de l’évaluation doivent indiquer des changements positifs au niveau des problématiques ciblées, et ceux-ci doivent être attribués au programme ; et 4) le programme dispose des ressources nécessaires en termes de manuels, de formation et d’assistance technique, afin que d’autres communautés ou systèmes de santé publique puisse les implanter de façon fidèle (Center for the Study and Prevention of Violence, 2017). Au Québec, une enquête récente réalisée dans un centre jeunesse1 auprès d’intervenants (N = 364) et de gestionnaires (N = 83) montre que seulement 18 %

des intervenants et 22 % des gestionnaires utilisent souvent les données probantes afin de guider leurs pratiques (Chagnon et al., 2010). De façon similaire, une étude ontarienne effectuée au sein des services de santé mentale pour la jeunesse auprès d’intervenants (N = 483) et de gestionnaires (N = 80) montre que plus de la moitié des répondants estiment qu’ils ne parviennent pas à appliquer les données probantes dans le

1 Désormais intégré à un Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) ou Centre

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cadre de leurs pratiques quotidiennes (Barwick et al., 2008). Ces résultats soulignent l’importance de mieux connaître les conditions nécessaires à l’utilisation des données probantes par les intervenants et les gestionnaires oeuvrant auprès des jeunes et des familles en difficulté (Gervais et al., 2011).

Également, bien que la mise en œuvre de PDP apparaisse comme une stratégie intéressante pour intervenir efficacement dans le secteur enfance-famille, il émerge que même les PDP ayant démontré leur efficacité dans des environnements contrôlés (avec des ressources suffisantes, du personnel bien formé et une bonne adhérence aux composantes du programme) n’engendrent pas toujours les effets escomptés une fois implantés sur le terrain. Selon plusieurs auteurs, ce phénomène serait attribuable aux conditions d’implantation de ceux-ci. En effet, en raison de ressources insuffisantes des organisations ou de la non-utilisation de modèle pour guider l’implantation, la plupart des PDP ne sont pas implantés dans des conditions optimales, ce qui compromet leur efficacité. En ce sens, Nelson et Caplan (2014) soutiennent qu’une attention particulière doit être accordée au processus d’implantation des programmes de prévention et que ce processus doit faire l’objet d’un suivi rigoureux et systématique.

En résumé, la mise en œuvre de PDP constitue une avenue intéressante pour les praticiens, gestionnaires ou décideurs politiques qui souhaitent investir leurs ressources dans l’implantation d’un programme dont l’efficacité est reconnue empiriquement. Tel qu’il sera présenté dans la prochaine section, les PDP peuvent être utilisés comme stratégie de prévention populationnelle efficace permettant d’agir en amont de problématiques sociales touchant les familles. Malgré l’intérêt grandissant pour l’utilisation des données probantes, la connaissance des conditions favorables afin de soutenir la mise en œuvre des PDP dans les milieux d’interventions du secteur enfance-famille est limitée et demande à être développée. La présente thèse vise notamment à identifier les facteurs associés à l’adoption et à l’utilisation d’un PDP relevant du secteur enfance-famille par les intervenants sociaux et éducatifs impliqués dans l’offre de services. Pour ce faire, la thèse examine le processus d’implantation du PDP de soutien à la parentalité Triple P. Cette initiative s’inscrit dans une démarche visant à prévenir la maltraitance envers les enfants au sein de leur famille au niveau populationnel, dans deux localités québécoises.

La prévention selon une approche populationnelle

Dans le domaine des sciences sociales, la prévention vise la réduction de l’incidence d’un problème social en éliminant ou en réduisant les facteurs de risque qui y sont associés avant l’apparition des symptômes (Caplan, 1964). L’Institute of Medicine (Mrazek & Haggerty, 1994) distingue trois niveaux de prévention: la prévention universelle, la prévention sélective, et la prévention indiquée. La prévention universelle s’adresse à l’ensemble

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d’une population, et vise à intervenir en amont du problème, sur des facteurs de risque associés au problème. La prévention sélective cible quant à elle des groupes d’individus plus vulnérables présentant certains facteurs de risque associés à l’apparition du problème. La prévention universelle et la prévention sélective visent toutes deux à réduire l’incidence d’un problème. Enfin, la prévention indiquée s’adresse à des individus en contexte de grande vulnérabilité, cumulant de nombreux facteurs de risque, ou qui présentent des symptômes ou des signes précurseurs du problème. Tandis que les stratégies de prévention universelles et sélectives s’inscrivent nettement dans le champ de la prévention, la prévention indiquée se confond parfois avec l’intervention précoce puisqu’elle est généralement mise en place dès les premiers signes d’apparition du problème (Gagné, Drapeau, & Saint-Jacques, 2012).

Dans une perspective de santé publique, on conceptualise une population vulnérable comme étant un sous-groupe de la population générale qui, en raison de caractéristiques sociales partagées, est à plus haut risque d’être exposé à une variété de facteurs de risque (Frohlich & Potvin, 2008). Ces facteurs de risque peuvent se situer à divers niveaux écologiques : sociétal (ex. : politiques économiques, de santé et d’éducation; normes sociales et culturelles), communautaire (caractéristiques de la communauté, par ex. : inégalités communautaires, manque de services, pauvreté), relationnel (composition et caractéristiques des familles, par ex. : attachement entre le parent et l’enfant, violence familiale, séparation familiale) et individuel (caractéristiques de l’enfant et du parent, par ex. : difficulté à établir un lien affectif, présence de problèmes physiques ou mentaux, impulsivité). Selon l’Organisation mondiale de la Santé, aucun facteur de risque ne peut expliquer à lui seul la présence d’un problème. La compréhension du phénomène doit plutôt reposer sur l’analyse de l’interaction complexe de plusieurs facteurs à différents niveaux.

Plusieurs experts estiment que les initiatives préventives devraient adopter une perspective populationnelle, graduée en fonction du niveau de risque et des besoins présentés par les individus. Autrement dit, les stratégies préventives devraient être graduées en fonction de leur caractère universel, sélectif et indiqué (Gordon, 1987). Une telle approche « en gradins » s’inscrit dans le courant de l’universalisme proportionné (Marmot, 2010) qui vise fondamentalement à réduire les inégalités sociales en matière de santé, en posant entre autres des actions universelles permettant de répondre aux besoins de toutes les populations (des très démunies aux classes moyennes et supérieures). Le principe de proportionnalité renvoie à une notion complexe qui est celle de l’adaptation des interventions à chaque catégorie de la population en fonction de son niveau de besoin. Cette adaptation implique non seulement de moduler l’intensité de l’intervention au degré de défavorisation, mais également d’assurer une diversité de modalités d’intervention par la mise en œuvre d’actions différenciées et appropriées aux besoins spécifiques de ces populations. L’universalisme proportionné met notamment à profit l’utilisation de programmes multi-niveaux/multi-modalités qui allient

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plusieurs modalités d’intervention afin d’en potentialiser les effets. Le terme multi-niveaux réfère au fait que ces initiatives ciblent plus d’un niveau de prévention (universelle, sélective, et/ou indiquée). Les prochains paragraphes, qui présentent brièvement la problématique de la maltraitance envers les enfants, permettront d’introduire un exemple de programme multi-niveaux/multi-modalités ayant démontré son efficacité pour prévenir la maltraitance parentale au sein de la population.

La prévention de la maltraitance envers les enfants

La maltraitance envers les enfants désigne les violences et la négligence envers toute personne de moins de 18 ans. Elle s’entend de « toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir » (Krug, Dahlberg, Mercy, Zwi, & Lozano-Ascencio, 2002, p. 65). Une analyse approfondie des statistiques publiées sur une période de 50 ans estime que la prévalence de la maltraitance envers les enfants serait globalement en hausse dans les sociétés occidentales (Dekker, 2010). Au Québec, depuis 1980, le nombre de signalements traités par la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ) a augmenté de 176%, alors que le nombre de jeunes âgés entre 0 et 17 ans dans la population a diminué de 14% (Association des centres jeunesse du Québec, 2014). Le bilan 2018 des Directions de protection de la jeunesse du Québec (DPJ) fait état de 96 014 signalements, ce qui correspond à environ 263 signalements par jour. Cela constitue une augmentation de près de 9,4% par rapport au bilan 2015-2016 (87 800 signalements). Les motifs les plus fréquents répertoriés sont : l’abus physique (25% des cas), la négligence (21%), les mauvais traitements psychologiques (17%) et le risque sérieux de négligence (12%). Dans près de 41% des cas, les DPJ ont conclu à la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant (38 945 signalements retenus). Les populations les plus touchées sont les enfants de 0 à 5 ans (33% des signalements retenus) et ceux de 6 à 12 ans (44% des signalements retenus) (Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2018). En plus d’être associée à un éventail de répercussions affectives, comportementales, cognitives et physiques, à court et à long terme pour la victime, la maltraitance envers les enfants entraîne un coût économique majeur. Bowlus et al. (2003) chiffrent ce fardeau économique pour la société canadienne en milliards de dollars par année. Considérant l’ampleur de la problématique de la maltraitance envers les enfants et de ses conséquences pour les victimes et la société, la mise en place de stratégies préventives est primordiale.

Des facteurs de risque de la maltraitance se situent aux divers niveaux écologiques présentés précédemment. Par ailleurs, les facteurs proximaux tels que la faible qualité de la relation parent-enfant, le fait de percevoir

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son enfant comme étant la source du problème, la réactivité du parent, ainsi que l’environnement familial (absence de cohésion et présence de conflits familiaux), semblent avoir les liens les plus directs avec la maltraitance envers les enfants (Stith et al., 2009). Ce constat a guidé le développement de plusieurs programmes et initiatives ciblant les familles et visant à instaurer des conditions propices à de saines relations parent-enfant afin de réduire l’incidence de la maltraitance envers les enfants. Ces programmes utilisent diverses modalités d’intervention telles que des campagnes médiatiques d’éducation et de sensibilisation, des approches de groupe (qui peuvent être destinées aux parents ou aux enfants) ou des visites à domicile (Gagné et al., 2012). Certains programmes multi-niveaux/multi-modalités allient plusieurs de ces modalités d’intervention afin d’en potentialiser les effets. Ces programmes sont particulièrement intéressants dans une approche populationnelle puisqu’ils permettent de maximiser l’efficience de l’intervention, de réduire les coûts engendrés et de desservir une plus grande proportion de la communauté (Gagné, 2013). Le programme Triple P en est un exemple.

Triple P – Positive Parenting Program (Sanders et al., 2003), traduit par « Pratiques Parentales Positives » dans le cadre de la présente initiative d’implantation au Québec, est un programme de soutien aux habiletés parentales visant à promouvoir l’adoption de pratiques parentales positives chez les parents d’enfants de 0 à 12 ans. Appuyé sur des données probantes, ce programme propose un système gradué en cinq niveaux d’intensité croissante s’adressant à des parents qui affichent un risque de plus en plus grand, s’apparentant au continuum de prévention universelle, sélective et indiquée décrit précédemment. Le système inclut des stratégies médiatiques (niveau 1), éducatives (niveau 2), de coaching parental individualisé (niveau 3), d’entraînement aux habiletés parentales (niveau 4) et d’accompagnement plus ciblé des parents qui affichent les plus grands besoins (niveau 5). Le niveau 1, qui prend la forme d’une campagne universelle d’information, cible l’ensemble de la population selon une approche de promotion de la santé. Dans le cadre de la présente initiative, le matériel de promotion comprend notamment un site web ainsi que du matériel publicitaire imprimé (affiches et brochures) et distribuées dans les établissements partenaires de l’initiative (centres de santé et de services sociaux, organismes communautaires, centres de la petite enfance et écoles primaires). Le niveau 2 - Triple P Sélectif, s’offre en deux modalités et s’adresse à tous les parents qui souhaitent se renseigner concernant les pratiques parentales, ou qui ont des préoccupations concernant le comportement ou le développement de leur enfant. La première modalité prend la forme d’une série de trois séminaires d’une durée de 90 minutes chacun, qui portent sur la puissance des pratiques parentales positives, comment élever des enfants compétents et sûrs d’eux et comment élever des enfants résilients. La seconde modalité prend la forme d’une, parfois deux rencontres individuelles brèves d’une durée de 15 à 20 minutes avec un intervenant, qui se font par téléphone ou en personne et visent à fournir des conseils pour un problème de développement ou de comportement mineur chez l’enfant. Le niveau 3 – Triple P Première ligne, cible le même public que le

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niveau 2, mais les conseils et l’information fournis aux parents sont appuyés par du coaching actif visant l’acquisition de compétences par ceux-ci. Ce niveau prend une forme structurée et manualisée et s’échelonne habituellement sur quatre rencontres individuelles avec un intervenant. Le niveau 4 – Triple P Standard ou de groupe, qui est le niveau le plus utilisé et le plus évalué, s’adresse aux parents à risque plus élevé qui éprouvent de la difficulté à encadrer les comportements de leurs enfants et dont les enfants affichent des problèmes de comportements ou d’opposition. Ce niveau vise à aider les parents à développer leurs habiletés parentales et à les appliquer à une grande variété de comportements perturbateurs ou indésirables de l’enfant, à la maison et en public. Dans le cadre de la présente initiative, la modalité de groupe est privilégiée. Elle s’échelonne sur huit rencontres, soit quatre à cinq séances de groupe de 2 heures chacune et trois à quatre séances téléphoniques de 15 à 30 minutes. Enfin, le niveau 5, s’apparentant à de la prévention indiquée, est destiné aux familles où les problèmes persistent même après les niveaux 3 et 4, ou qui font face à d’autres facteurs d’adversité familiale qui n’ont pas été résolus par les niveaux d’intervention antérieurs. Ce niveau peut s’offrir en différents formats ; dans le cadre de la présente initiative, le format Triple P de Cheminement est appliqué. Celui-ci s’échelonne sur un total de cinq séances et prend la forme d’une intervention de groupe ou individuelle qui touche les thèmes de la gestion de la colère et des pièges parentaux (i.e., comportements, approches ou attitudes inefficaces que les parents ont tendance à adopter, par ex.: laisser passer sous silence le bon comportement de leur enfant, ou s’investir tellement dans son rôle de parent qu’il en oublie ses propres besoins), et privilégie l’autorégulation émotionnelle et la restructuration cognitive. De façon générale, le modèle Triple P repose sur deux principes importants : l’autorégulation et la suffisance minimale. D’abord, le principe d’autorégulation joue un rôle central dans le système Triple P : les interventions sont basées sur les atouts existants et le développement des compétences des parents et encouragent cci à résoudre eux-mêmes les problèmes de façon à ce qu’ils apprennent à faire face avec confiance aux difficultés futures sans aide extérieure. Ensuite, Triple P repose également sur le principe de suffisance minimale qui implique que chaque parent devrait recevoir uniquement les services qu’il désire et dont il a besoin, sans plus. La présente thèse porte sur la mise en œuvre des niveaux 2 à 5 du programme Triple P par les intervenants formés dans deux localités québécoises.

Triple P se démarque par ses effets positifs sur la parentalité et le comportement des enfants (De Graaf, Speetjens, Smit, De Wolff, & Tavecchio, 2008; De Graaf et al., 2008; Nowak & Heinrichs, 2008; Thomas & Zimmer-Gembeck, 2007), mais surtout sa capacité à réduire la maltraitance au sein de la population (Prinz, Sanders, Shapiro, Whitaker, & Lutzker, 2009). Bien qu’ils demandent à être répliqués (Nelson & Caplan, 2014), ces résultats sont particulièrement intéressants considérant que très peu de programmes visant à réduire l’incidence de la maltraitance envers les enfants sont associés à une diminution significative des indicateurs de maltraitance parentale (bien que certains tendent à démontrer des changements positifs auprès

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des familles). Ce phénomène est souligné par plusieurs méta-analyses (Dufour & Chamberland, 2009; MacMillan et al., 2009; Pinquart & Teubert, 2010), dont celle de Nelson et Caplan (2014). Ces auteurs ont examiné 12 recensions d’écrits et méta-analyses, publiées entre 2000 et 2013 et portant sur l’efficacité des programmes de prévention de l’abus physique et de la négligence envers les enfants. Les critères d’inclusion des études retenues étaient les suivants : 1) les programmes évalués devaient s’adresser à des enfants de 12 ans et moins ; 2) ceux-ci devaient être de prévention universelle ou sélective ; 3) les études devaient utiliser un devis contrôlé quasi-expérimental ou randomisé et 4) des mesures objectives d’abus physique ou de négligence, tels que des taux de signalement, de placement à l’extérieur de la famille, de visites à l’hôpital et/ou de mortalité infantile, devaient être rapportés. Cinq méta-analyses rapportent que seuls certains programmes de visites à domicile et/ou de soutien au rôle parental (tel que Triple P) sont associés à une diminution significative des signalements et des hospitalisations en lien avec des abus ou de la négligence envers les enfants. Par ailleurs, même si certaines études d’efficacité concluent à des résultats positifs, les effets rapportés sont relativement faibles (d de Cohen allant de 0,20 à 0,30) et plusieurs programmes ne démontrent aucun effet. Ces constats font écho aux conclusions de Gagné et al. (2012) qui suggèrent, de façon générale, que les programmes de prévention de la maltraitance évalués ont un effet préventif statistiquement significatif, mais dont l’amplitude va de faible à modérée.

De façon générale, Nelson et Caplan (2014) concluent que les conditions de mise en œuvre des programmes de prévention de la maltraitance envers les enfants pourraient avoir joué un rôle majeur dans les effets rapportés. En effet, les programmes démontrant des effets significatifs sont très souvent implantés dans des conditions optimales, avec des ressources suffisantes, du personnel bien formé et une bonne adhérence aux composantes du programme. Or, selon les auteurs, la plupart des programmes de prévention de la maltraitance ne sont pas mis en œuvres dans de telles conditions, ce qui compromet leur efficacité. Ils soutiennent ainsi qu’une attention particulière doit être accordée au processus d’implantation des programmes de prévention et que ce processus doit faire l’objet d’un suivi rigoureux et systématique.

Les bonnes pratiques dans le processus d’implantation d’un PDP varient peu en fonction du niveau de prévention et du type de programme. Ainsi, bien que la thèse soit réalisée dans le contexte d’implantation d’un programme multi-niveaux/multi-modalités, les prochaines sections traiteront du processus d’implantation des PDP en général. L’étude d’une littérature plus large permettra de relever plus systématiquement les défis liés à l’implantation des PDP et d’orienter les facteurs à l’étude dans la présente thèse.

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Processus d’implantation des PDP

L’implantation se définit comme un ensemble d’activités visant à mettre en pratique les composantes d’un programme ou d’une intervention, dans la communauté, les organisations, ou auprès des intervenants (Fixsen, Naoom, Blase, Friedman, & Wallace, 2005). Lorsqu’elle est bien effectuée, l’implantation permet la mise en place d’une stratégie d’intervention atteignant les standards requis et produisant, en principe, les effets désirés (Meyers, Durlak, et al., 2012). Le support empirique suggère que si les PDP ne sont pas implantés adéquatement, ils n’auront pas tendance à engendrer les mêmes retombées que celles observées dans les études d’efficacité réalisées dans des contextes plus contrôlés (Durlak & DuPre, 2008).

Derzon, Sale, Springer et Brounstein (2005) ont constaté que deux des trois facteurs ayant l’impact le plus important sur les effets d’une intervention sont liés au processus d’implantation, soit la mesure dans laquelle les objectifs et les procédures du programme ont été implantés tel que prescrit, ainsi que la fréquence et la quantité d’interventions offertes. En ce sens, Aarons et al. (2011) concluent que la qualité du processus d’implantation est tout aussi importante que la qualité du programme lui-même.

L’implantation constitue un processus complexe suivant une série d’étapes pouvant être regroupées en trois phases principales : 1) adoption (ou pré-implantation), 2) mise en œuvre (ou implantation) et 3) maintien/pérennité (ou post-implantation) (Aarons et al., 2011; Wisdom, Chor, Hoagwood, & Horwitz, 2014). Il est à noter que, dans la littérature scientifique, le terme « implantation » est à la fois utilisé pour faire référence à l’ensemble du processus, ainsi qu’à la seconde phase de ce processus. Afin d’éviter toute confusion, le terme « implantation » sera utilisé dans la présente thèse pour référer à l’ensemble du processus, tandis que le terme « mise en œuvre » sera utilisé pour référer à la deuxième phase du processus. La thèse s’intéresse uniquement aux deux premières phases du processus d’implantation de Triple P au Québec, soit l’adoption et la mise en œuvre.

L’adoption réfère à la décision d’un individu ou d’une organisation d’utiliser un programme ou une intervention (Rogers, 2003; Wisdom, Chor, Hoagwood, & Howitz, 2014). C’est le processus par lequel un individu ou une organisation passe de la connaissance d’un programme, à la formation d’une attitude vis-à-vis de celui-ci, puis finalement à la décision de l’adopter ou de le rejeter (Klein & Knight, 2005; Rogers, 1995). Frambach et Schillewaert (2002) suggèrent que le processus d’adoption survient à deux niveaux : organisationnel et individuel. Une organisation peut donc choisir d’adopter un programme, mais si celui-ci n’est pas accepté et adopté par les intervenants œuvrant au sein de cette organisation, le programme risque de ne pas être utilisé par les intervenants. Les bénéfices escomptés du programme ne pourront donc pas être obtenus. Une fois

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que la décision d’adopter un programme est prise, la prochaine phase consiste à sa mise en œuvre. C’est lors de cette phase que les composantes du programme sont mises en pratique par les intervenants. Tel qu’il sera présenté dans une section ultérieure du chapitre, plusieurs facteurs influencent les processus d’adoption et de mise en œuvre par les intervenants impliqués dans l’offre de service.

Bien que l’adoption d’un programme soit une première étape nécessaire, elle n’est pas suffisante pour garantir la réussite de son implantation (Frambach & Schillewaert, 2002; Wisdom et al., 2014). Le processus d’implantation ne peut être considéré un succès que si le programme est accepté et intégré au sein de l’organisation et que les intervenants démontrent leur engagement par l’utilisation continue des composantes du programme lors de sa mise en œuvre (Frambach & Schillewaert, 2002). Pour évaluer la qualité du processus de mise en œuvre, il importe de mesurer divers paramètres d’implantation, y compris l’utilisation du programme par les intervenants formés (Wasik et al., 2013).

La prochaine section porte sur l’évaluation du processus de mise en œuvre des PDP. Elle traitera de la documentation – ou monitoring – de divers paramètres permettant de déterminer si la mise en œuvre a été réalisée avec succès. L’utilisation du programme sera introduite comme un paramètre primordial à mesurer pour comprendre comment le PDP a été mis en œuvre par les intervenants formés. Cette approche se justifie par diverses raisons qui seront exposées en fin de section. Ce paramètre sera évalué dans le cadre de la présente thèse qui vise notamment à examiner les facteurs qui prédisent l’utilisation d’un PDP pendant les deux premières années de mise en œuvre.

Monitoring de la mise en œuvre des PDP

Le monitoring de la mise en œuvre d’un PDP est le processus permettant d’observer si toutes les conditions nécessaires inscrites dans la planification de ce programme ont été rencontrées lors de sa mise en œuvre. Ce processus vise à documenter si l’ensemble des opérations visant à produire le service requis sont réalisées tel que prévu. De plus, ce processus permet d’investiguer s’il y a place à optimiser ces opérations (Dagenais & Ridde, 2009). Il peut également permettre de documenter les facteurs liés à la mise en œuvre du programme qui limitent son efficacité. Dans un contexte où plusieurs programmes sont implantés à l’échelle locale, le monitoring de la mise en œuvre peut également servir à déceler les meilleures pratiques dans chacun des milieux (Meyers, Durlak, et al., 2012).

Il est admis que la documentation rigoureuse et systématique du processus de mise en œuvre est essentiel à une implantation de qualité qui atteint les standards nécessaires et produit les effets désirés et attendus

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(Bérubé et al., 2013; Durlak & DuPre, 2008; Meyers, Durlak, et al., 2012). Suite à une recension de 59 études portant sur l’implantation de divers programmes de mentorat destiné aux jeunes, Dubois, Holloway, Valentine, et Cooper (2002) ont montré que les programmes dont le processus de mise en œuvre a été documenté de façon systématique ont obtenu, en moyenne, des tailles d’effet trois fois supérieures (d de Cohen = 0,18) que ceux ne l’ayant pas été (d de Cohen = 0,06).

Dans la littérature actuelle, on retrouve peu d’études proposant une façon rigoureuse et exhaustive de réaliser le suivi et la documentation du processus de mise en œuvre d’un programme ou d’une intervention. Parmi les travaux répertoriées, Meyers et al. (2012) proposent qu’afin de réaliser une implantation de qualité, les organisations devraient documenter sept paramètres de mise en œuvre. Ces paramètres, fréquemment rapportées dans la littérature, sont : la fidélité, la qualité de l’intervention, l’adaptabilité, la réponse des participants, la portée, la différenciation, ainsi que le dosage. Meyers, Katz, et al. (2012) définissent la fidélité, ou adhérence, comme étant le degré avec lequel l’intervention mise en œuvre correspond à l’intervention originale ou prescrite. Cette variable représente la correspondance ou le manque de correspondance entre les composantes du programme et l’actuelle utilisation de ses composantes. La qualité de l’intervention, soit la mesure de l’efficacité de l’intervenant (i.e., comment les composantes de l’intervention ont été transmises par l’intervenant), s’apparente de près au concept de fidélité. En effet, dans la littérature actuelle, la qualité de l’intervention est généralement mesurée en évaluant si l’intervenant a utilisé les techniques, processus et méthodes prescrits par le programme (Klimes-Dougan et al., 2009; Moore, Bumbarger, & Cooper, 2013; O’Donnell, Scott, & Stanley, 2008). À l’opposé, l’adaptabilité fait référence à l’étendue des ajustements qui sont apportés au programme original afin de répondre aux besoins, aux ressources, aux préférences, à la culture, ou à d’autres caractéristiques importantes du milieu, des intervenants et/ou de la clientèle (Meyers, Durlak, et al., 2012). La réponse des participants réfère à la participation, à l’engagement ou à l’implication de la clientèle ciblée. C’est une mesure du degré d’engagement des participants dans l’activité et dans le contenu de l’intervention (Meyers, Katz, et al., 2012). La réponse des participants peut également être mesurée en fonction de l’enthousiasme de ceux-ci (Dane & Schneider, 1998; Lee et al., 2008; Reinke, Stormont, Webster-Stratton, Newcomer, & Herman, 2012), ainsi qu’en fonction de leur jugement par rapport aux résultats et à la pertinence ou à l’utilité de l’intervention (Carroll et al., 2007). La portée d’un programme réfère à la proportion et à la représentativité de la population ciblée (bénéficiaire de l’intervention) qui participe à l’intervention (Durlak & DuPre, 2008; Meyers, Katz, et al., 2012). La portée d’un programme peut être mesurée en divisant le nombre de participants par le nombre total d’individus total appartenant à la population ciblée (Dane & Schneider, 1998; Glasgow, Vogt, & Boles, 1999). La différenciation réfère quant à elle au degré auquel l’intervention sélectionnée diffère des autres interventions présentes dans l’organisation ou la communauté (Bérubé et al., 2013; Durlak & DuPre, 2008; Lee et al., 2008; Meyers, Katz, et al., 2012). Dans le cadre de la

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présente initiative, une analyse portant sur la différenciation du système Triple P par rapport aux autres programmes en usage au Québec (Gagné, Richard, & Dubé, 2015) a été réalisée afin de faire ressortir ses aspects uniques, originaux ou complémentaires. De façon globale, il émerge que Triple P se distingue par son approche en gradins et par la variété de ses modalités d’intervention qui lui confèrent une portée préventive plus grande (Gagné et al., 2015).

En ce qui concerne le dosage, les définitions proposées varient d’un auteur à l’autre. Certains le définissent comme étant la quantité d’intervention livrée par les intervenants (Meyers, Katz, et al., 2012; O’Donnell et al., 2008). Le dosage serait ainsi mesurable à travers le temps, à partir du nombre de séances implantées, de la durée des séances, de la fréquence des interventions (Carroll et al., 2007; Dane & Schneider, 1998; Fagan, Hanson, Hawkins, & Arthur, 2008; Lee et al., 2008; Meyers, Katz, et al., 2012; Mihalic, 2002; O’Donnell et al., 2008), du nombre de composantes du programme ayant été livrées aux participants ou du nombre de participants rejoints (Durlak & DuPre, 2008; Dusenbury, Brannigan, Falco, & Hansen, 2003). D’autres auteurs conceptualisent le dosage comme étant la quantité d’intervention reçue par les participants (Carroll et al., 2007; Dusenbury et al., 2003; Reinke et al., 2012) c’est-à-dire, dans quelles mesures les participants ont été exposés au programme (Bérubé et al., 2013; Stead, Stradling, MacNeil, MacKintosh, & Minty, 2007). Enfin, certains auteurs proposent de mesurer si ces éléments, par exemple la fréquence et la durée de l’intervention, respectent les recommandations du programme (August, Bloomquist, Lee, Realmuto, & Hektner, 2006; Carroll et al., 2007; Fagan et al., 2008). Par ailleurs, cette conceptualisation du dosage est souvent critiquée puisqu’elle s’apparente de près au concept de fidélité. En somme, les nuances présentes dans la littérature nous amènent à distinguer trois types de dosage : la dose livrée par les intervenants – aussi appelée « utilisation du programme » (Dane & Schneider, 1998; Durlak & DuPre, 2008; Hasson, 2010; Lee et al., 2008; Meyers, Katz, et al., 2012; Mihalic, 2002; O’Donnell et al., 2008), la dose reçue par les participants (Carroll et al., 2007; Dusenbury et al., 2003; Hasson, 2010; Reinke et al., 2012) – parfois qualifiée par les termes « présence » ou « participation » (Fagan et al., 2008) –, ainsi que la dose recommandée par le programme (Carroll et al., 2007; Fagan et al., 2008). Puisque la présente thèse s’intéresse à l’adoption et à la mise en œuvre d’un PDP par les intervenants formés, c’est la première définition du dosage, soit la dose livrée par les intervenants, qui guidera la mesure de ce concept. Afin d’éviter toute confusion avec les autres conceptualisations du dosage, le terme « utilisation du programme » par les intervenants sera utilisé dans la présente thèse.

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Utilisation du programme par les intervenants formés

De nombreux auteurs soutiennent que l’utilisation du programme par les intervenants formés constitue un facteur majeur à considérer pour comprendre le processus de mise en œuvre de ce programme et favoriser une implantation de qualité susceptible d’engendrer les bénéfices escomptés (Carroll et al., 2007; Fagan et al., 2008; Lee et al., 2008; Meyers, Katz, et al., 2012; Mihalic, 2002; O’Donnell et al., 2008; Reinke et al., 2012). Puisqu’il fournit un indice quantitatif de la mesure dans laquelle le programme a été mis en œuvre par les intervenants, l’utilisation du programme est l’un des premiers paramètres à évaluer. Sa mesure permet d’abord de vérifier le niveau de participation et d’implication des intervenants dans l’initiative (Shapiro, Prinz, & Sanders, 2012; Turner, Nicholson, & Sanders, 2011), d’évaluer combien d’individus ont rejoints les intervenants et dans quelle mesure l’initiative se rapproche de son objectif (Rossi, Lipsey, & Freeman, 2004).

Lors de l’implantation d’un PDP, il est généralement assumé que les intervenants formés utiliseront les composantes du programme et l’offriront au public visé par l’intervention. Cependant, bien que les résultats soient parfois incohérents, les études de suivi de la mise en œuvre réalisés auprès d’intervenants formés (e.g., Sanders, Prinz, & Shapiro, 2009; Seng, Prinz, & Sanders, 2006) ont généralement montré qu’environ un tiers des intervenants n’utilisaient pas le programme après la formation. En ce qui concerne les deux tiers restants qui déclarent avoir utilisé le programme, on ignore dans quelle mesure ils l’ont utilisé. La non-utilisation et la faible non-utilisation sont associés à de nombreuses conséquences, notamment un coût pour les agences qui financent la formation des intervenants qui, par la suite, n’offrent pas le programme tel que prévu (Asgary-Eden & Lee, 2012). La faible utilisation implique également une portée moins grande du programme et une couverture plus faible, ce qui réduit la probabilité d'observer des effets populationnels liés à l’intervention (Shapiro et al., 2012).

La mesure de l’utilisation du programme est également essentielle à l’analyse des effets du programme puisqu’elle permet d’interpréter les résultats en fonction de la quantité d’intervention offerte par les intervenants impliqués dans l’offre de services (Hahn, Powers Noland, Rayens, & Christie, 2002). Dans une étude visant à évaluer l’implantation d’un programme de prévention d’abus de substance en milieu scolaire, Hahn et al. (2002) ont évalué l’utilisation du programme par les enseignants formés. Seulement 49% des enseignants formés ont offert le programme aux élèves. Bien que le programme ait été implanté avec une fidélité relativement élevée (72%), les auteurs estiment que les enseignants n’ont offert aux élèves que 80% (étendue entre 27% et 100%) du nombre d’interventions recommandées par le programme. Selon les auteurs, cet élément pourrait expliquer pourquoi le programme ne s’est pas avéré efficace. Les principaux obstacles à la mise en œuvre rapportés par les enseignants étaient le manque de temps, le manque de préparation et la

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difficulté d’arrimage avec les autres tâches prévues à leur curriculum. Certaines caractéristiques des enseignants étaient également associées à l’utilisation du programme, soit leur niveau d’enthousiasme vis-à-vis de la formation et leur confiance en leurs habiletés à offrir le programme. En ce sens, la littérature actuelle suggère que l’utilisation du programme serait le paramètre de mise en œuvre le plus influencé par les caractéristiques et les perceptions des intervenants (Mihalic & Irwin, 2003).

Ces résultats soulignent l’importance de mieux comprendre les facteurs susceptibles de contribuer à l’utilisation du programme par les intervenants après la formation initiale (Sanders et al., 2009). Bien que la littérature documente plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la mise en œuvre des PDP par les intervenants formés, très peu d’études empiriques ont évalué l’impact de ces facteurs sur l’utilisation des PDP. Encore moins relèvent du domaine enfance-famille. La thèse vise notamment à identifier les facteurs associés à l’adoption et à la mise en œuvre d’un PDP relevant du secteur enfance-famille par les intervenants sociaux et éducatifs impliqués dans l’offre de services.

Bien que la thèse soit réalisée dans le contexte d’implantation d’un PDP relevant du secteur enfance-famille, la prochaine section traitera des facteurs susceptibles d’influencer le processus d’implantation des PDP en général. L’étude d’une littérature théorique et empirique plus large permettra de relever plus systématiquement les barrières et facilitateurs liés à l’adoption et la mise en œuvre des PDP et d’orienter les facteurs à l’étude dans la présente thèse.

Facteurs influençant le processus d’implantation des PDP par les

intervenants formés

La littérature théorique et empirique documente plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la façon dont les intervenants vont adopter puis mettre en œuvre un nouveau PDP. Ces facteurs peuvent être divisés en trois groupes : les caractéristiques des intervenants, du programme et du milieu d’implantation (contexte social et organisationnel) (Greenhalgh, Robert, Macfarlane, Bate, & Kyriakidou, 2004). Il importe toutefois de préciser que ces groupes ne sont pas mutuellement exclusifs.

Caractéristiques des intervenants

En ce qui concerne les caractéristiques des intervenants, la littérature suggère que l’utilisation d’un PDP serait grandement affectée par le sentiment de compétence de l’intervenant à offrir les composantes du programme (Damschroder et al., 2009; Durlak & DuPre, 2008; Fixsen et al., 2005; Mendel, Meredith, Schoenbaum,

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Sherbourne, & Wells, 2008; Turner et al., 2011), l’étendue et la qualité de la formation reçue, ainsi que les attitudes de l’intervenant vis-à-vis de l’utilisation des pratiques fondées sur les données probantes (Aarons, 2004; Turner et al., 2011).

D’abord, le sentiment de compétence – ou d’auto-efficacité – de l’intervenant est, pour plusieurs auteurs, un aspect essentiel pour comprendre la façon dont celui-ci va adopter puis mettre en œuvre un PDP (Damschroder et al., 2009; Durlak & DuPre, 2008; Tibbits, Bumbarger, Kyler, & Perkins, 2010; Turner et al., 2011). Bandura (1977) définit le sentiment de compétence comme la croyance qu’un individu a en sa capacité à effectuer une tâche donnée. Dans le domaine de l’intervention, cette tâche pourrait référer au fait de mettre en œuvre les composantes d’un programme ou d’appliquer une intervention. En ce sens, Sethi, Kerns, Sanders, et Ralph (2014) distinguent deux types de sentiment de compétence : de contenu et de processus. Le sentiment de compétence de contenu réfère à la croyance qu’un intervenant a en sa capacité de maîtriser les techniques spécifiques à l’intervention (par exemple, comment enseigner à un parent à faire l’éloge de son enfant). Quant à lui, le sentiment de compétence de processus est conceptualisé par ces auteurs comme la croyance des intervenants en leur capacité à maîtriser les aspects non spécifiques à l’intervention (par exemple, comment gérer les résistances des parents lors d’une séance de thérapie de groupe). À ce jour, les études démontrent que les intervenants qui sont confiants d’avoir les habiletés nécessaires pour implanter un programme sont plus enclins à l’adopter, ont davantage tendance à utiliser le programme, à participer et à s’engager dans le programme, et à offrir les composantes de l’intervention de façon efficace, telle que prescrite, que ceux n’ayant pas ce sentiment (Damschroder et al., 2009; Sethi et al., 2014; Turner et al., 2011; Turner & Sanders, 2006). Le sentiment de compétence aurait tendance à augmenter lorsque les intervenants perçoivent leurs interventions comme réussies. Cela les amèneraient à utiliser davantage le programme, produisant un cycle de renforcement positif entre le sentiment de compétence et l’utilisation des nouvelles pratiques. À l’inverse, lorsqu’un intervenant adopte un nouveau programme, mais que ses interventions ne produisent pas les résultats escomptés, cela engendrerait une diminution du sentiment de compétence et de l’utilisation du programme (Turner et al., 2011). Certains auteurs ont également démontré que le sentiment de compétence aurait tendance à augmenter significativement suite à la formation (Turner et al., 2011; Sethi et al., 2014). Selon Turner et al. (2011), le sentiment de compétence après la formation serait d’ailleurs un meilleur prédicteur de l’utilisation du programme par l’intervenant que le sentiment de compétence avant la formation. Enfin, même si les résultats sont parfois incohérents d’une étude à l’autre, le sentiment de compétence de l’intervenant à utiliser de nouvelles pratiques pourrait être associé positivement à son expérience avec ce programme ou des programmes similaires (Kavanagh, 1993; Shapiro et al., 2012).

Figure

Figure 1. Adopter categorization on the basis of innovativeness (Rogers, 2003).
Figure 2. Latent profile analysis two-profile solution. Note. * = Profiles differed at the p < .05 level

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