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Risques liés à la commercialisation des plantes transgéniques ?

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Academic year: 2021

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(1)

Transgenèse et estimation des risques Plantes transgéniques :

de l’estimation

à la gestion des risques

F.D. PESSEL, ETAL. il

3 P

Le génie génétique, véritable révolution techno- v) logique de cette fin de siècle, divise largement l’opinion, en particulier lorsqu’il est question d’in- troduire des plantes transgéniques dans notre environnement. Dans un contexte social difficile et alors que le maïs transgénique Novartis résis- tant à la pyrale est aujourd’hui cultivé en France, un grand débat de société s’instaure autour des organismes génétiquement modifiés (voir la Conférence de Citoyens). Dans ce cadre, où les interactions entre citoyens, industriels et pou- voir politique demeurent complexes, la commu- nauté scientifique est amenée à donner des avis sur un certain nombre de dossiers. Nous pré- sentons ici les moyens actuels pour estimer les risques écologiques de la mise en culture de variétés transgéniques ainsi que les difficultés auxquelles nous restons confrontés. D’une esti- mation complexe à une gestion qui débute (mise en place du Comité de biovigilance, les risques sont au cœur de tous les débats, qui s’écartent bien souvent de réalités déjà loin d’être simples.. .

Transgenic crops:

assessment to risk management ED. PESSEL, ET AL.

The deliberate release of transgenic crops into our environmentis widelydebated in France today. For the first time, French public opinion was explored bypoli- ticians during the “Conférence de Citoyens” in June 1998. There are currently many conflicts concerning this complexsubjectand some veryirrationalpositions are held by some members of the public. Within this context of complex interactions between citizens, industrialists and politicians, the scientific communi- ty has been asked to quantify the risks associated with the release of different transgenic crops. Howevec every transgene introduced in each trop species is unique and we consider that it is impossible to for- mulate a general opinion or establish general guide- lines for all transgenic plants. There are manypoten- tial risks with respect to ecological impact assess- ments. Here we concentrated on three major risk components: (il the probabiliiy of transgene transfer from a trop to the natural environment (via seeds, pollen flow or horizontal transfer); (ii) the success of this transgene in a natural uncultivated environment; and (iii) its effect on ecosystem stability and biodiver- sity (plants, animals, bacteria and virus communities). Itseems therefore important to identify the biological processes and listthe parameters thatcould influence these three components(Table) in order to assess the ecological risks. Then experiments must subsequent- ly be carried out to quantify each relevantparametel When the insertion of a transgene does notincrea- se a plant’s survivalor fecundityin the naturalenvi-

ronment /e.g. herbicide tolerant oilseed rape does not differ from non-transgenic rapeseed in the absence of herbicide treatment[4]), experiments on non-transgenic material cari be conducted and the results extrapolated to transgenic plants [34]. In all other cases (e.g. trans- genic insecticidalrapeseed, which benefits from insec- ticides in natural populations [6]), experiments are necessary to investigate the ecological behaviour of new transgenic plants. However, French laws regar- ding the deliberate release of experimental transgenic crops limit the area and number of generations of trans- genic plants cropped. Consequently, resolts are obtai- ned on a local spatiotemporal scale and cannot be directly extrapolated to commercial-scale cropping. Mathematicalmodels and computer simulations could therefore be useful tools for assessing risks on broad spatiotemporalscales. Thismeans thatscientific inves- tigations of risk assessment are not usual, since obser- vations ofreal situations are impossible and mathema- tical mode1 simulations cannot be validated. Within this conteti, the accuracy ofpredictions depends largely on both the modelling assumptions and the accuracy of bio- logicalparameter estimates.

Concerning transgenic maize cropping (insect-resis- tant varietyproduced by Novartis), which represents the first commercial release in France, we now have an opportunity to set up observation and monitoring schemes for potential large-scale releases. For all of the above-mentioned reasons and in view of variations between the many different crop/transgene combinations, appropriate scientific investigations Will require more time and resources to adequately assess tbe ecological risks of transgenic trop release.

Cahiers Agricultures 1998; 7: 541-6.

Risques liés à la commercialisation

des plantes transgéniques

?

Éric Lainé, Robert Haïcour

a transgenèse végétale réalisée par l’homme est une technique récente. On peut faire remonter ses balbutie- ments à 1983 environ avec les pre- mières utilisations d’Agrobactt&m tume- faciens, tandis que ses premiers produits

É. Lainé : Laboratoire de biotechnologies et physiologie végétales, UFR Sciences, Université de Picardie, 33, rue Saint-Leu, 80039 Amiens cedex, France.

R. Haïcour : Laboratoire de morphogenèse expérimentale végétale, bâtiment 360, Frni,Ce,rsité Paris-Xl, 91405 Orsay cedex,

Tirés à part : É. Lainé

étaient commercialisés en 1994, telle la tomate à maturation retardée aux États-

part des surfaces dévolues à la culture de plantes transgéniques (12 millions d’hec- Unis. Des milliers d’essais au champ de tares en 1997) devient significative : en plantes transgéniques ont été autorisés : 1998 elle représente 15 % des surfaces pour plus de 3 609, avec 48 espèces différentes le maïs (contre G % en 1997) et jusqu’à rien qu’aux Etats-Unis [l]. Ils concernent 40 % pour le soja. Colza et coton transgé- pour la plupart des plantes de grande cul- niques sont également très largement cul- ture et sont réalisés par des compagnies pri- tivés. Les gènes introduits jusqu’à présent ne vées, plus des trois quarts concernant les sont guère variés, la plupart codant pour des plantes suivantes : colza, tabac, tomate, résistances à des agents pathogènes, à des pomme de terre, maïs, tournesol, soja, insectes ou à des herbicides. La maturation coton, luzerne, betterave sucrière, courget- ou la sénescence retardée ou modifiée est te et melon. Des plantes transgéniques por- également au point pour plusieurs espèces tant simultanément deux caractères nou- comme la tomate ou l’œillet. La gamme veaux apparaissent : il y aura bientôt des des promoteurs utilisés est encore plus rédui- pommes de terre résistant à la fois à un

insecte et à un virus. Aux États-Unis, la

te, la plupart des réalisations employant des promoteurs viraux constitutifs.

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Transgenèse et estimation des risques La faible diversité de ces plantes transfor-

mées s’explique par les intérêts écono- miques, mais aussi par les difficultés tech- niques . . les plantes déjà commercialisées reflètent l’état de la technique du début des années 90, mais la gamme des gènes et des promoteurs disponibles s’élargit rapi- dement, tout comme celle des espèces « transformables ».

L’indispensable effort d’évaluation des risques est déjà mentionné dans la résolution de la Conférence sur l’environnement tenue à Rio en 1992 [2]. Bien sûr, les produc- teurs de semences transgéniques ne sou- haitent pas financer toutes ces évaluations et, le feraient-ils, on pourrait douter de leur impartialité. Il incombe donc aux orga- nismes publics de soutenir les recherches en ce domaine. Ainsi, l’Agence américaine de l’agriculture (USDA) finance des projets d’évaluation des risques liés aux agro-bio- technologies [3] et a organisé récemment un Forum national sur la résistance des insectes à Bacihs thringiensis, afur de trouver des solutions pour éviter que de telles résis- tances ne se répandent trop vite [4]. En France, I’INRA procède à des travaux sur l’interfécondité du colza et de ses adventices apparentées, pour estimer le potentiel de la dissémination des gènes introduits [5]. La FAO termine actuellement un catalogue de recommandations sur la sécurité des ali- ments, le Codex Alimentarius.

Toxicité

Les phénomènes potentiellement les plus dangereux sont ceux touchant à la toxicité possible (à court ou long terme) des produits synthétisés suite à l’introduction des gènes. Rappelons au préalable la situation qui pré- vaut actuellement : rien qu’en France, envi- ron 100 000 tonnes de pesticides « clas- siques » sont épandues chaque année et les résidus toxiques ne sont pas une nouveau- té absolue, certains insecticides nocifs (DDT) ayant déjà été retirés du marché. Le risque de toxicité des produits codés par les transgènes de résistance est perçu comme nouveau, mais il existe parfois déjà, parti- culièrement avec les produits issus de l’agri- culture biologique. Ainsi Bac&~s thwin- giensis (Bt) ou sa toxine sont répandus depuis 50 ans sur les cultures comme insec- ticide « biologique » !

Mais ces gènes introduits ont ceci d’in- quiétant pour le public qu’ils ne viennent plus seulement d’autres végétaux, comme pour la sélection classique, mais de bactéries

ou de virus qui ne font pas habituellement partie de notre alimentation. Et ceci d’au- tant plus s’ils sont employés pour leurs pro- priétés de générer des produits toxiques, fût-ce pour des insectes... quand bien même certains composés végétaux ont le même rôle (roténone, lectines, pyrèthre). L’origine végétale d’un gène ne constitue d’ailleurs pas une assurance d’innocuité. En effet, sans parler des poisons violents syn- thétisés par de nombreux végétaux, cer- tains composés peuvent montrer des effets nocifs seulement après une consommation répétée : par exemple il y a débat actuelle- ment sur les effets féminisants des « phyto- œstrogènes » du soja [6]. Rappelons aussi que de nombreuses plantes comestibles contiennent en quantités minimes des com- posés toxiques : les solanacées par exemple sont une famille chez laquelle la présence d’alcaloïdes est fréquente. En outre, la recherche de toxicité est également à effec- tuer après une sélection classique : en 1969 une nouvelle variété de pomme de terre, la « Lenape », s’était révélée toxique et fut à l’origine de l’empoisonnement d’un fer- mier américain [7].

Une toxicité pourrait aussi résulter indi- rectement de la transgenèse dans le cas où la résistance à un herbicide serait accom- pagnée de la rémanente de l’herbicide ou de produits toxiques de sa dégradation dans la partie consommée de la plante. Or, le gly- phosate, facilement biodégradé, est cepen- dant toxique lorsqu’il n’est pas dégradé [8]. Le risque est alors celui d’un « empoison- nement à bas bruit durant des dizaines d’années » [9]. L’agence de protection de l’environnement des États-Unis vient d’ailleurs d’interdire l’utilisation du bro- moxynil pour le coton (pourtant un produit non alimentaire) en raison des résidus pos- sibles du traitement, empêchant ainsi la commercialisation des variétés tolérantes de Calgene et Rhône-Poulenc [ 101. Ces problèmes toxicologiques sont en fait les mêmes que ceux rencontrés lors de la mise sur le marché de nouvelles molécules phar- maceutiques ou phytosanitaires. Dans ces domaines aussi, il y eut des retraits du mar- ché lorsque des effets nocifs à long terme sont apparus après des années de consom- mation (remarquons que personne alors n’a demandé l’interdiction globale des insec- ticides ou des médicaments.. .).

Tant pour l’estimation de l’allergénicité que pour celle de la toxicité, des progrès tech- niques considérables sont enregistrés. Les tests prédictifs (simulation par ordinateur, comparaison de séquences) et les tests in vitio sur cultures cellulaires (dégranulation, profils d’activation génique.. .) permettent

un criblage effkace préalable aux tests sur l’animal ou l’humain [ 111.

Pour l’instant la position de nombreuses administrations est d’accepter la commer- cialisation pour l’alimentation si la com- position d’un produit transgénique est équi- valente à celle de son homologue déjà com- mercialisé. Si le produit est nouveau, il sera admis si les molécules nouvelles sont recon- nues non toxiques ; ainsi, aux États-Unis, il est exigé que ces composés soient « genwalb recognized as safe ».

Il est cependant possible d’éviter la consom- mation du produit résultant de la transge- nèse. Pour le moment les autorisations de mise sur le marché se font pour des plantes qui expriment le gène dans tous les organes et en particulier dans ceux constituant la récolte. Certaines autorisations sont d’ailleurs transitoires, dans l’attente de la création d’une variété équivalente, munie d’un promoteur non constitutif, et aussi d’une évaluation plus complète des disper- sions de gènes. Les parades existent déjà ; en effet, l’expression des gènes introduits n’est souvent pas nécessaire dans l’organe consommé. Par exemple, les résistances à de nombreux ravageurs (insectes, nématodes) doivent être exprimées au niveau des feuilles ou des racines alors que la partie consom- mable est souvent constituée par la graine ou le fruit. 11 est possible d’utiliser des pro- moteurs spécifiques d’organes (ou de stade de développement) qui vont conduire à une expression localisée dans le temps et/ou l’espace ; dans ce cas, la toxicité éventuelle restera limitée à des organes non consom- més. De tels promoteurs sont déjà identifiés, un exemple significatif de cette technique étant la création de plantes mâles stériles par PGS (Belgique) à l’aide d’une construction contenant un promoteur spécifique du tape- tum des anthères. La transformation de la récolte conduit parfois également à ne pas consommer les protéines elles-mêmes (oléa- gineux, féculiers, etc.) et peu d’effets toxiques sont à redouter dans ce cas. 11 est parfois inévitable de faire exprimer les gènes dans l’organe récolté, par exemple s’il s’agit de lutter contre des charançons ou de modi- fier la composition en acides gras d’une graine.

Il est aussi envisageable de choisir d’autres gènes. Il existe, pour lutter contre les insectes ravageurs ou pathogènes, d’autres straté- gies que la substance insecticide. On peut citer à titre d’exemple le transfert du géno- me d’un virus pathogène pour le ver de la capsule chez le cotonnier, réalisé par le CSIRO [12]. On peut citer encore l’exa- cerbation des défenses naturelles du végétal (chitinases, thionines, résistance systémique

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acquise) ou la synthèse par le végétal de « planticorps » contre les nématodes. Les inhibiteurs de protéases aux propriétés insec- ticides sont déjà présents dans l’alimenta- tion, puisqu’ils peuvent représenter une importante proportion des protéines solubles dans certains fruits (60 % chez le kiwi) ou légumes (80 % chez la patate douce). En ce qui concerne les résistances aux virus de végétaux, elles ne posent pas a priori de problèmes de toxicité et ceci consti-

tue un champ d’application très large.

Allergies

Le risque d’allergie existe pour toute nou- velle plante consommée et on retrouve avec les plantes transgéniques les problèmes ren- contrés lors de l’introduction de tout nou- vel aliment. Cependant, l’organisation d’un réseau spécifique d’allergovigilance est envi- sagée en France [ 131.

Hormis les transformations avec des stra- tégies antisens (ou co-suppression), la trans- genèse entraîne la présence de protéines nouvelles dans une plante et donc celle d’un allergène potentiel. Les propriétés allergéniques des protéines ne sont toutefois pas toujours imprévisibles ; on connaît par exemple des familles de protéines allergé- niques très conservées dans le règne végétal (profilines du pollen, protéinases, lysozyme etc.) et l’on peut donc estimer ce risque ; à l’inverse, celles dont les masses molécu- laires ne sont pas comprises entre 10 et 70 kDa sont rarement allergéniques [ 141. La démonstration la plus célèbre à ce jour est la réalisation par une équipe de « Pionneer Seeds » d’un soja transgénique possédant un gène codant pour l’albumi- ne 2s de la noix du Brésil et destiné à amé- liorer la richesse en acides aminés indis- pensables à l’homme. 11 se trouve que les propriétés allergisantes (connues) de la noix du Brésil sont dues à cette protéine et qu’elles furent transférées au soja [15]. Précisons que ce soja n’a pas ensuite fait l’objet de commercialisation.

Il est à signaler que le transfert de gène pourra aussi servir à rendre non allergi- santes certaines plantes qui l’étaient natu- rellement, ceci en empêchant l’expression de gènes codant pour les protéines impliquées dans ces allergies (par stratégie antisens, co-suppression ou action via des régula- teurs de transcription). Du riz dépourvu d’une protéine, cause d’allergie chez 10 000 Japonais avait déjà été obtenu par fusion cellulaire ; la même performance a été réalisée par la société Mitsui par transgenèse (stratégie antisens avec un gène d’albumi- ne) [16].

Transgenèse et .estimation des risques -

Problème

complexe

de l’étiquetage

Le consommateur potentiellement aller- gique à une plante transgénique souhaite bien sûr être informé de sa présence dans sa nourriture par un étiquetage spécifique mentionnant l’espèce d’origine du trans- gène. 11 est plus facile d’éviter un aliment identifié particulier (fraise, œuf, etc.) qu’une variété transgénique de soja ou de blé, sur- tout si de plus elle entre dans la composition de produits alimentaires transformes (60 % des aliments industriels contiennent des dérivés du soja). En Europe, la directive « Novel Foodr ~5 [ 171, adoptée en 1997 en ce qui concerne l’étiquetage, est interprétée différemment selon les Etats. Bien qu’un étiquetage soit obligatoire, il tarde à entrer dans les faits. 11 ne mentionnera d’ailleurs pas l’origine du transgène, mais seulement le caractère transgénique (ou potentielle- ment transgénique) d’un ingrédient. Pourtant un étiquetage similaire existe déjà : on peut lire sur de nombreux produits des mises en garde comme « peut contenir un produit issu d’arachide », espèce fréquem- ment responsable d’allergies alimentaires.. . Le corollaire d’une telle obligation est que les récoltes transgéniques et non transgé- niques doivent être identifiées. Pour l’heu- re c’est plutôt le contraire qui est la règle, car les produits de plantes transgéniques et non transgéniques sont mélangés volontaire- ment, afin d’empêcher le choix. Il existe pourtant la possibilité technique de marquer simplement une récolte, avec des confettis par exemple (cela a déjà été effectué pour du colza, les confettis étant éliminés par souf- flage avant la trituration). D’ailleurs les firmes qui affirment ne pas pouvoir séparer les récoltes transgéniques sont capables de le faire pour leurs nouvelles variétés à conte- nu « diététique » (modification des teneurs en acides gras par exemple). Peut-être qu’à moyen terme, l’étiquetage sera effectué pour les produits non transgéniques si ceux-ci deviennent minoritaires.

Le problème soulevé par l’étiquetage réside dans sa véracité qu’il sera difficile de contrô- ler. Il existe des obstacles techniques : la détection par PCR impose de connaître les séquences nucléotidiques introduites (ii faut savoir quel gène on cherche et une solution serait d’imposer la présence d’une petite séquence donnée dans tous les organismes transgéniques), et l’ADN ne doit pas se trouver trop dégradé par les traitements reçus par le produit. La détection des pro- téines est confrontée aux mêmes types d’obstacles [1X]. De plus les séquences nucléotidiques ou la nature de la protéine

codée par le transgène devront être divul- guées par le « fraudeur » lui-même. . . Pensons aussi à la possibilité de faux posi- tifs pour des graines récoltées sur des plantes non transgéniques, mais découlant de pol- linisation par du pollen transgénique (ce qui fournira un argument pour contester les tests positifs).

Est-il donc à craindre que des organismes du sol ou de la flore commensale ou pathogè- ne, intestinale ou stomacale, des hommes et des animaux puissent être en contact avec des transgènes conférant des résistances ou des propriétés nouvelles et devenant ainsi plus dangereux en acquérant ou en renfor- çant leur pathogénicité ?

Une transgenèse naturelle existe, réalisée par des organismes comme Agrobactehm ou certains virus qui transf&rent dans le génome d’un hôte une partie de leur maté- riel génétique. Par ailleurs, la transmission horizontale de matériel génétique entre espèces non apparentées se produit natu- rellement, particulièrement chez les bacté- ries, ce qui représente un clément important du risque lié à la transgenèse. De plus, on commence à réaliser que l’ADN transféré n’est pas toujours seulement celui que l’on croit. Van de Graff et al. [19] ont ainsi montré que, en plus de l’ADN-T, tout ou partie d’un plasmide d’Apo6acterizm était parfois intégré dans le génome végétal (et donc éventuellement d’autres genes de résis- tance que ceux souhaités).

L’inquiétude concerne ici essentiellement les gènes de résistance aux antibiotiques, parfois utilisés pour la sélection des cel- lules, puis des plantes transgéniques. Remarquons cependant qu’il s’agit souvent d’antibiotiques plus ou moins obsolètes en raison justement de la grande fréquence de souches de pathogènes qui leur sont déjà résistants. Cependant l’ampicilline, la néo- mycine, la kanamycine ou la rifampicine entrent encore dans la composition de spé- cialités pharmaceutiques commercialisées. Par ailleurs la persistance de I’ADN végétal dans le sol (après récolte) a été mesurée afin

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Transgenèse et estimation des risques d’évaluer les risques de recombinaison des

transgènes avec le matériel génétique des micro-organismes du sol. La quantité enco- re présente après 120 jours était de 0,14 % dans le cas d’ADN de feuilles broyées [20] et une détection par PCR fut possible jusqu’à 24 semaines lors d’autres expériences [21]. Le passage zk le sol d un transgène de résistance à l’hygromycine d’un végétal transgénique vers Aspergillus niger et son expression par celui-ci ont été décrits par Hoffmann et dl. [22]. Ces auteurs avancent l’hypothèse que la dégradation de l’ADN est retardée par des molécules protectrices. Il a été égale- ment remarqué que les transferts de gènes entre bactéries sont favorisés en présence de vers de terre [23] ! Les gènes de résis- tance introduits ne sont pas synthétiques mais tirés de micro-organismes du sol et donc déjà présents dans la nature, par exemple Streptomyces ou k’lebsiella, d’autres proviennent de plantes. La possibilité de leur transfert naturel vers d’autres orga- nismes pré-existait donc à la transgenèse ! Une source de dissemination des gènes vers diverses bactéries est SAgrobncterizmz lui- même. C’est pourquoi les laboratoires auto- clavent leurs déchets porteurs d’agrobacté- ries transgéniques utilisées pour le transfert de gène. Mais la phase d’éradication d’Agroductetiwrz est parfois insuffisante, il est courant de voir « ressortir » la bactérie d’ex- plants supposés axéniques après plusieurs mois passés en présence de l’antibiotique d’éradication. Une étude récente [24] a montré qu’une importante proportion de tiges transgéniques portait encore des agro- bactéries, en particulier dans le xylème, et que leur présence n’était révélée que par un broyage suivi d’étalement sur un milieu de culture adapté. La raison principale est que les antibiotiques utilises le sont souvent à des doses bactériostatiques et non bactéricides, cela pour atténuer leur phytotoxicité. Il est cependant possible d’augmenter très forte- ment les doses pour certains antibiotiques sans conséquences délétères pour le matériel végétal (résultats non publiés). De plus le plasmide binaire de la bactérie est souvent conservé, car porteur de résistance à l’anti- biotique utilisé également pour la sélection des cellules et des tiges régénérantes trans- formées. Le corollaire de cette persistance des agrobactéries est l’apparition de faux positifs dans les tests utilisant la PCR pour vérifier la transformation. Il apparaît donc souhai- table de procéder à des indexations du maté- riel végétal par culture sur milieu favorable à la multiplication des bactéries pour s’assurer de son axénie et de réaliser des PCR avec des amorces correspondant à des gènes dagro- bactéries (par exemple ZGY ou nzkz) .

En fait la transmission de gènes de résis- tance est dejà très répandue parmi les bac- téries. Cependant les plasmides qui les por- tent tendent à être perdus en l’absence de pression de sélection. La présence d’anti- biotique, en augmentant la pression de sélection, favorise la diffusion des résis- tances apparues par mutation spontanée, voire même leur apparition, en favorisant la multiplication de bactéries réparant mal leur ADN [25] et qui sont également les plus à même d’échanger du matériel géné- tique. Ceci nest toutefois pas toujours véri- fié en pratique : ainsi dans le cas d’Agrohact.erium « persistant », une pro- portion importante des bactéries conservait le plasmide binaire même en l’absence d’antibiotique de sélection. Il a également été observé, chez les souches résistantes de différents pathogènes humains, que des résistances acquises persistaient en l’ab- sence de pression de sélection, car elles participaient à un nouvel « équilibre » du génome [26].

La multiplication gênante de souches résis- tantes est donc plus lice à l’usage intensif d’un antibiotique qu’à l’apparition spora- dique, nécessaire mais non suffisante, d’in- dividus résistants [27]. Un antibiotique uti- lisé dans l’alimentation des porcs et de la volaille, l’avoparcine, vient d’ailleurs d’être interdit en Europe pour cette raison : il était analogue à la vancomycine utilisée pour les entérocolites humaines déjà mul- tirésistantes. Les souches multirésistantes qui posent des problèmes sanitaires sont en fait plus à même d’être trouvées dans les hôpitaux que dans le rumen d’une vache éle- vée au maïs transgénique.. .

Agrobacteriwn tumefciens lui-même peut occasionner des infections chez l’hu- main [28] et pourtant personne ne redou- te de manger des légumes crus porteurs de milliers de tels germes tant cette éventuali- té reste rare et inconnue du public. Enfin, les transgènes pourraient-ils aller s’installer directement dans les cellules du consommateur ? Il existe des résultats sur- prenants : ainsi Schubbert et al. [29] ont montré que des fragments d’ADN phagique incorporé à la nourriture de souris se retrou- vaient quelques heures après l’ingestion dans des noyaux de leurs cellules hépatiques ou de leurs leucocytes.. . mais leur expression ulté- rieure suppose un promoteur fonctionnel dans la cellule réceptrice, une absence de silerzciiag, un épissage correct ; même si I’ex- pression est réalisée, elle a toutes les chances d’être dénuée de conséquences pour l’orga- nisme et sa descendance.

Il est à souligner que le débat sur l’utilisation des gènes de résistances à des antibiotiques

sera bientôt obsolète car, tout du moins pour les transformations par Agrobacterium, leur rôle sera tenu par des gènes de résistance à un herbicide ou conférant la possibilité d’utilisation d’une source carbonée nor- malement non métabolisable. Enfin, la réalisation de double transformation par infection simultanée avec deux Agrobac- te&n, [30] ou 2 ADN-T [3 11 portant l’un le gène de sélection, l’autre le gène d’inté- rêt, permet de séparer ceux-ci dans la des- cendance pour ne garder que des plantes munies du seul gène d’intérêt agronomique. Les progrès de la recombinaison homo- logue chez les végétaux pourraient aussi permettre d’ôter un gène de sélection [32].

Sélection

de populations

de pathogènes

résistants

Les insecticides classiques sont bien sûr aussi battus en brèche par l’évolution rapi- de des populations d’insectes (environ 500 espèces sont résistantes aux insecti- cides).

Les résistances monogéniques (verticales) peuvent parfois persister plusieurs décennies, mais le plus souvent la population parasite évolue d’autant plus vite que la pression de sélection qui s’applique est forte et ceci se produit lorsque la variété résistante devient très répandue. Ainsi des variétés d’avoines résistant à la rouille furent mises sur le marché américain en 1943, jusqu’à représenter 90 % des emblavements en 1948 ; dès 1949, de nouvelles races de rouilles se sont développées, conduisant à d’importantes pertes les années sui- vantes [33]. Ceci est également valable pour les plantes cultivées transgéniques : plus la variété sera répandue, plus la population d’insectes subira une pression de sélection forte à même de la faire évoluer vite vers la résistance envers la plante initialement pro- tégée ! Or la résistance à la pyrale, par exemple, introduite dans le maïs présente tant d’avantages économiques pour le cul- tivateur qu’elle ne peut que rencontrer un succès qui l’amènera à devenir très répan- due. Aux États-unis, deux tiers de la surfa- ce semée en maïs sont infestés par cet insec- te, en France environ 15 %, et la demande s’annonce donc très forte, d’autant plus que la protection est également efficace vis- à-vis de la sésamie, autre ravageur du maïs. En effet, ce caractère de résistance introduit par transgenèse supprime des traitements coûteux et parfois ineffkaces car la larve

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Tranqcpx-&se et estimation des risques pénètre dans la tige trois jours après l’éclo- sion et s’y trouve à l’abri des traitements. Même plurigéniques les résistances seront vraisemblablement contournées si elles concernent des voies métaboliques proches : il existe déjà des insectes multirésistants aux différentes protéines de Bac&s thu- ringie& (B) et ceci est également observé au champ ; un seul gène de résistance chez I’insecte peut lui conférer une résistance à plusieurs toxines de Bt.

On crut même, en 1996, que les insectes résistants se répandaient déjà : du coton transgénique résistant au ver du bouton fourni par Monsanto fut semé en très gran- de quantité, mais les dégâts dus aux insectes étaientconsidérables. Monsanto dut encou- rager les cultivateurs à rétablir un traite- ment phytosanitaire classique, ce qui pro- voqua une polémique. Tabaschnik [34] mentionne qu’en fait la polémique n’était pas justifiée car les dégâts constatés étaient dus à Helicovetpa zea, contre lequel la toxi- ne CryIA est quasiment ineffrcace et non à Heliothis virescens contre lequel était dirigée CrylA produite par ce coton.

Cela a attiré l’attention sur ces problèmes de sélection de pathogènes résistants aux insec- ticides des plantes transgéniques. Pour éva- luer la vitesse de cette sélection il est néces- saire de connaître la fréquence des allèles de résistance chez l’insecte. Ces allèles résistants étant en général récessifs, si la proportion d’allèles résistants est p, la fréquence d’in- dividus résistants homozygotes sera p2 et celle des porteurs hétérozygotes 2p. Jusqu’à une date récente, la plupart des études pos- tulaient que la fréquence de l’allèle résistant était faible, mais les évaluations allaient de 10-’ à 10-13, ce qui comme le souligne Tabaschnik revient à dire qu’on n’en savait rien ! Une étude de l’équipe de Gould [35] apporte une première estimation fondée sur une expérimentation d’envergure : la fréquence d’un allèle de résistance à CryIA chez Heliothis virescens, le ravageur du coton, est d’environ 1,5.10m3. Cette fréquence non négligeable (il s’agit d’un seul allèle de résis- tance à CryIA, au seul locus BtR4 et il peut en exister dautres) amène à penser que la sélection des résistants par une proportion croissante de cultures transgéniques (13 % pour le coton en 1996) risque d’être rapide. L’agence américaine de protection de l’en- vironnement (EPA) a donc édicté des règles de culture afin de tenter de parer à la mon- tée rapide des résistances. La stratégie est celle du refuge [36] : on crée un îlot de plantes non résistantes afin de laisser proli- férer des insectes sans pression de sélec- tion : ces individus généralement non por- teurs de résistance iront se croiser avec les

individus résistants des parcelles transgé- niques. La descendance sera hétérozygote et donc non résistante si le gène de résistance est récessif, cas le plus fréquent (ainsi pour Heliothis 100 % des hétérozygotes sont tués par la plante transgénique) .

Deux modalités sont proposées et laissées au choix du cultivateur : cultiver 4 % de la surface en plantes non transgéniques et non traitées par des insecticides, ou cultiver 20 % de la surface en plantes non transgé- niques traitées par des insecticides existants, à l’exclusion de ceux faisant appel à la toxi- ne CryIA ou à Bt sous-espèce (( kurstaki » dont elle provient (ce qui risque fort de beaucoup réduire la population d’insectes dans ce refuge). Heureusement, pour de nombreux ravageurs, il existe des hôtes non cultivés qui peuvent faire office de refuge. Ainsi la pyrale du maïs, en dépit de son nom, infecte aussi le houblon et les ama- rantes [37].

Faisons remarquer que la prochaine géné- ration de plantes transgéniques sera plus sophistiquée. Ainsi la même plante portera plusieurs résistances très différentes : aux gènes Bt seront associés des transgènes codant pour des inhibiteurs de protéases ou d’amylases, afin de protéger le produit générateur de la résistance ou d’inhiber la digestion de l’insecte ; ceci devrait rendre plus difficile la multiplication de ravageurs résistants. Une autre stratégie possible est de ne pas tuer les insectes, ce qui permet dévi- ter leur sélection ; ainsi des gènes de synthèse de cytokinines associés à des promoteurs inductibles par la morsure de l’insecte ne provoquent quune perte d’appétence pour la plante transgénique.

Dissémination

des plantes

résistantes

:

de nouvelles

adventices

?

La dissémination des plantes transgéniques et de leurs gènes a été dès les premiers tests en champ une préoccupation réglementai- re majeure. Aussi a-t-on d’abord imposé des essais avec destruction des plantes avant floraison, puis plus tard des essais en condi- tions d’isolement de la culture transgénique par la création de bordures non transformées et le respect d’une distance minimale par rapport aux cultures semblables ou appa- rentées. Malheureusement le respect de ces limitations a conduit un peu vite à sous-esti- mer le flux de gènes vers les autres plantes puisque, par définition, tout était fait pour le limiter. Le premier point à prendre en compte est la possibilité de dissémination du pollen vers les espèces cultivées ou adventices

apparentées. On imagine facilement que du pollen porté parfois sur des kilomètres par le vent ou sur environ 2 km par des abeilles puisse être un vecteur très efficace du gène introduit. II suffit pour s’en persuader de consulter les recommandarions exis- tantes destinées à garantii la « pureté » de la production de semences. Les graines sont aussi une source de dissémination : pour elles le vent ou les animaux ne sont plus les seuls vecteurs, camions et tracteurs sont très efficaces.

Pour que les gènes s’évadent, encore faut-il que les plantes réceptives, fécondables par 1 e pollen transgénique, produisent des hybrides fertiles. S’il s’agit de la même espè- ce cultivée, le plus souvent les graines hybrides seront détruites ou utilisées lors de la récolte et, en tous cas, le risque écologique sera inchangé puisque le gène n’aura pas changé d’espèce hôte. Une étude néerlan- daise [38] réalisée sur 42 espèces cultivées concluait que la moitié de celles-ci n’étaient pas ou que peu à même de se croiser avec des espèces sauvages apparentées : en revanche, pour un quart d’entre elles un flux de gènes important était probable. Ce dernier pourcentage pourrait sans doute être plus élevé sous les tropiques, zone dori- gine de nombreuses espèces cultivées où l’on retrouve beaucoup d’espèces apparen- tées. Une étude plus récente [3Y] men- tionne que la quasi-totalité des espèces cul- tivées peut se croiser avec une espèce cou- sine sauvage. Les apparentes contradictions de ces études résultent souvent des diffé- rences dans la prise en compte des hybri- dations provoquées artificiellement. Un exemple d’échappement possible de transgène est fourni par le colza qui peut polliniser des espèces sauvages apparentées, la pollinisation étant anémophile et ento- mophile. Le colza lui-même est déjà deve- nu une plante assez envahissante : une étude anglaise a relevé la présence de populations transitoires le long de l’autoroute périphé- rique de Londres ainsi que de populations bien installées près de zones de culture en Écosse [40]. Après croisement du colza avec Bmsica campestris, des hybrides fertiles sont produits qui peuvent ensuite se croiser

(backcross) avec le parent sauvage [41,42]. Le passage du transgène de résistance au glu- fosinate a ainsi été observé du colza vers Brassica campestris [43]. Les travaux récents de Chèvre et a/. [5] ont montré l’évasion possible d’un gène de résistance (bar) via des hybrides colza x Rapbanus raphanistrum, le retour vers une morphologie et un nombre de chromosomes identiques à ceux de l’adventice demandant cependant plu- sieurs générations. Le colza présente donc

(6)

un risque de dissémination connu car, contrairement à la betterave, elle aussi capable de se croiser avec des cousins sau- vages, sa floraison et donc la pollinisation ont lieu durant la culture.

L’introgression des transgènes dans la flore sauvage fait l’objet d’études nombreuses parfois contradictoires. Pourtant on peut quasiment assurer qu’elle est inéluctable dès que d’importantes populations de plantes transgéniques seront cultivées dans des zones où existent des adventices inter- féconds. En effet, l’espérance mathéma- tique de la survenue d’un événement tend vers 1, même si sa probabilité est très faible, pour peu que le nombre de « tirages » tende vers I’infmi.

L’apparition d’une plante sauvage portant un transgène ne signifie toutefois pas qu’une population importante va en découler, comme l’indique la génétique des popula- tions qui permet de modéliser les flux de gènes en présence ou en l’absence de sélec- tion. Par ailleurs, les résistances introduites par sélection classique dans les plantes cul- tivées n’ont pas provoqué de catastrophes écologiques.. . Pourtant, dans le cas du colza, la plus grande prudence semble indis- pensable, car tous les éléments sont réunis pour l’évasion vers les adventices. La ques- tion qui se pose n’est donc plus vraiment « les gènes vont-ils s’échapper ? » mais plu- tôt « quelles en seront les conséquences ? »

Les résistances aux herbicides sont appe- lées à se multiplier si l’on considère que, en plus de leur intérêt agronomique (coût du désherbage divisé par deux pour la bettera- ve), elles sont aussi la principale alternative aux résistances aux antibiotiques de sélection qui posent d’autres problèmes évoqués pré- cédemment.

Si des adventices apparentées et fécondables existent, le risque de voir apparaître des mauvaises herbes hybrides, capables de résis- ter aussi bien que la culture au traitement herbicide voulu sélectif, va être élevé. Si l’on admet que ces plantes soient envahis- santes ce ne sera toutefois que par rapport à un traitement herbicide donné et non en conditions naturelles, leur avantage sélectif n’existant qu’en présence de l’herbicide. Il faudra donc envisager une rotation de cul- tures (résistantes à des produits différents). Faute de quoi, l’herbicide en question risque de devenir inefficace, donc invendable, ainsi d’ailleurs que les variétés résistantes à cet her- bicide. Ce serait une catastrophe écono- mique pour le producteur de l’herbicide et des variétés résistantes (il peut s’agir de la

Transgenkse et estimation des risques même société) et aussi, indirectement, en

conduisant à l’abandon de produits peu rémanents, un risque plus sanitaire qu’éco- logique ! Il est à signaler que la transfor- mation des chloroplastes est un moyen d’éviter la dissémination de transgènes via le pollen ; du tabac résistant au glyphosate a déjà été ainsi obtenu.

Des plantes cultivées ou sauvages ayant acquis des transgènes induisant des résis- tances à des pathogènes ou des stress (par exemple salins) pourraient se trouver dans une situation leur conférant un avantage adaptatif [44]. Contrairement aux résis- tances aux herbicides, la pression de sélec- tion pour une telle résistance sera dans ce cas naturelle et non créée par l’homme et l’on peut craindre en effet de donner ainsi la pos- sibilité à certaines mauvaises herbes de se développer plus. Une étude de Stewart et al. [45] a montré que des colzas transgéniques « insecticides » montraient un avantage sélectif indéniable par rapport à leurs homo- logues non transformés dès lors que les insectes cibles étaient présents : la défolia- tion importante des témoins affectait peu leur survie mais beaucoup leur production de graines, donc leur descendance. Comme les études mentionnées précédemment indi- quent que le passage de transgènes du colza vers les adventices apparentées est possible, celles-ci risquent également d’acquérir un avantage sélectif.

Sur ce point, il y a pour le moment quelques raisons d’espérer, en tous cas du point de vue écologique : les résistances introduites en l’état actuel de la technique sont monogé- niques et, en tant que telles, susceptibles d’être contournées par une résistance de l’hôte, monogénique elle aussi, et donc sus- ceptible d’être sélectionnée et répandue assez rapidement. Quant aux résistances plurigéniques, leur transfert dans les adven- tices sera plus difficile.

On évoque souvent également le risque d’une utilisation accrue des herbicides en raison de la production de plantes transgé- niques résistantes à ces herbicides. Ces plantes constituent d’ailleurs pour l’instant la catégorie de plantes transformées la plus nombreuse ; il s’agit en majorité de plantes transgéniques tolérantes au glyphosate ou au

glufosinate d’ammonium (un dérivé de la phosphinotricine), la résistance étant issue d’une bactérie du sol. Les sélectionneurs ont déjà mis sur le marché des variétés de maïs résistantes à des herbicides (sethoxy- dim, imidazolinone) 11461, mais obtenues par sélection classique. Chez le colza, on ren- contre aussi de telles résistances « sponta- nées » ; les problèmes posés par ces plantes ne sont donc pas limités aux variétés trans- @niques.

La rémanente de produits phytosanitaires dans le sol et l’eau constitue un problème connu du grand public. On retrouve cer- tains de ces produits dans l’eau captée et dis- tribuée au robinet et seule la France milite actuellement pour un relèvement des taux limites autorises. De plus l’application d’her- bicides nous semble peu recommandable en termes d’écologie et le binage apparaît à première vue préférable ; cependant il exis- te des conditions dans lesquelles il est pré- férable d’éviter tout travail de la terre et où le traitement herbicide est considéré plus « écologique » (environmentaly szwtainable) : la culture sans labour (no-til) est par exemple vivement encouragée pour empê- cher l’érosion éolienne. C’est le cas en Australie dans les régions où existent une érosion importante et un dessèchement rapide du sol et également dans une partie du Middle-West américain.

La quasi-totalité des cultures reçoit actuel- lement des herbicides, soit totaux appli- qués en pré-levée (avant la culture), soit sélectifs durant la culture (10 % seulement des cas) comme par exemple l’atrazine, très utilisée pour le maïs (même s’il existe des pratiques culturales alternatives). Son fabri- cant affirme son innocuité lors des débats en cours à propos de son interdiction totale (il est déjà interdit en Autriche), mais l’atrazi- ne est suspectée d’être cancérigène en raison de son action in vitro sur les chromosomes et de l’induction de tumeurs dans le systè- me « ovaire de hamster ». Cet herbicide est présent à des doses supérieures aux maxima autorisés dans 90 % des prélèvements effec- tués en Bretagne.

On peut considérer que les herbicides des- tinés aux plantes transgéniques résistantes à leur égard sont un moindre mal, s’ils sont facilement et rapidement biodégradables (ainsi, le glyphosate et le glufosinate d’am- monium sont dégradés en quelques semaines par des bactéries du sol d’où provient le gène de résistance). Les applications d’her- bicides prévues pour les cultures transgé- niques résistantes ne sont pas supérieures à celles de variétés équivalentes sans résistan- ce (par exemple Monsanto estime à O,66 livre/ha de produit actif les besoins

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Transgenèse et estimation des risques pour sa variété transgénique de soja Roundy Ready contre une livre pour une culture habituelle). Enfin, il est plus sûr commer- cialement pour un obtenteur de réaliser des transformations avec des gènes codant pour des résistances à des herbicides peu toxiques et facilement dégradés, sur lesquels ne pèse aucun risque d’interdiction.

Un risque particulier attaché aux résistances aux insectes est celui de la toxicité possible pour les insectes pollinisateurs, le plus sou- vent l’abeille. Des études ont montré un impact faible mais préoccupant : pas de mor- talité immédiate des abeilles mais une réduc- tion sensible de leur durée de vie dans le cas de butinage de solution contenant une concentration élevée d’antiprotéase de riz utilisée en transgenèse [47] ou encore une capacité d’apprentissage affectée par un inhi- biteur de trypsine [48]. En ce qui concerne les toxines issues de Bt elles sont sensées être très spécifiques et donc présenter un risque nul pour les abeilles. Il faut préciser que le promoteur CaMV 356, souvent utilisé, nest pas aussi constitutif qu’il est supposé I’être : ainsi parfois il ne s’exprime quasiment pas dans le pollen qui fournit une partie de la ration alimentaire des abeilles [49]. Parmi les insectes utiles figure en bonne place la coccinelle qui se nourrit des puce- rons. Birch et Majerus (cités dans Gledhill et McGrath [50]) ont constaté une dimi- nution de la viabilité des oeufs ainsi qu’une réduction de la durée de vie chez des coc- cinelles nourries avec des pucerons élevés sur des pommes de terre transgéniques expri- mant un gène de lectine. Les aphicides actuels sont très spécifiques et ne présentent pas de danger pour les coccinelles mais celles-ci souffrent sûrement des épandages d’insecticides classiques.. . qui pourraient être réduits par l’utilisation d’autres plantes transgéniques résistantes à des insectes. Le bilan global est donc difficile à établir.

Les résistances à dii?Térents virus phytopatho- gènes posent un autre problème : l’incorpora-

tion de séquences virales est une des stratégies qui a fait ses preuves même si le mécanisme de protection n’est pas totalement élucidé. Des acquisitions de propriétés nouvelles de trans- mission ou de spectre d’hôte par des virus venant infecter de telles plantes transgéniques sont-elles possibles ? Des recombinaisons peu- vent exister entre ARN de transgène et virus inoculé même si cela n’a pas été observé en champ : ainsi un transgène conférant la pos- sibilité d’infection systémique chez les sola- nacées fut retrouvé dans le génome d’un virus CaMV incapable d’infection systémique ino- culé dans du tabac transgénique [51]. Un autre phénomène déjà observé est la transencapsidation (ou hétéroencapsida- tion) qui est la possibilité qu’un virus vien- ne « surinfecter » la plante et que son acide nucléique soit emballé dans la protéine de capside « transgénique ». Cela a été obser- vé avec le virus PPV causant la maladie de la sharka chez les pruniers : une souche de TVMV (potyvirus du tabac) non trans- missible par les pucerons fut transmise par cette voie après avoir été transencapsidée dans la protéine d’enveloppe de PPV trans- missible par les pucerons [52]. Notons que le génome viral reste inchangé et que cette transmission n’est donc possible qu’une fois. Le choix judicieux des séquences per- met de parer à ce risque (par exemple le gène peut coder pour des protéines incapables d’assemblage) ; dans la nature les infections multiples sont monnaie courante et toutes ces éventualités existent déjà.

Il existe enfin un autre phénomène plus gênant en pratique : il s’agit de la synergie qui est observée lors de l’infection d’une même plante par des virus différents. Or ce phénomène existe aussi lorsque la présence d’un des virus est remplacée par celle d’un transgène d’origine virale [53]. Par consé- quent certaines plantes transgéniques résis- tantes à un type de virus pourraient ainsi se révéler plus sensibles lors de l’infection par d’autres virus. La connaissance de ce phé- nomène implique que des études appro- fondies soient réalisées afin d’estimer le gain global de telles transformations.

Il est difftcile de l’évaluer, car il est diffici- le de définir ce que recouvre le terme bio- diversité. Ainsi si l’on considère toute nou- velle combinaison génétique comme un enrichissement de celle-ci, on peut consi- dérer comme Kahn [54] que « le transfert d’un gène d’une espece dans une autre espè-

ce, en particulier, crée une nouvelle diver- sité biologique et ne la réduit pas ».

Chez les espèces cultivées

Sur X0 000 espèces comestibles, environ 300 sont cultivées, dont une douzaine de façon prépondérante [7]. De plus I’appau- vrissement variétal n’a pas attendu la trans- genèse pour se produire : quelques variétés vedettes issues de la sélection classique repré- sentent une part prépondérante des embla- vements. On peut le déplorer, mais il s’agit d’un autre débat. Quel effet spécifique peut avoir la transgenèse ?

Contrairement à ce que I’on pourrait pen- ser, l’influence de la transgenèse ne va pas tendre uniquement à faire disparaître des variétés mais, en rendant possible l’amé- lioration de variétés existantes, dont cer- taines quasi abandonnées, elle peut leur redonner une chance. Cette situation est similaire à celle consécutive aux guérisons de viroses rendues possibles par thermothéra- pie ou culture d’apex in vitro pour des plantes multipliées végétativement comme le fraisier, la pomme de terre ou le crosne du Japon. Par exemple, le fait de réaliser une maturation sur commande peut donner un attrait nouveau à une variété de melon comme le Charentais, intéressant pour ses qualités organoleptiques mais difficilement exportable. La possibilité de cueillir des fruits plus près de leur maturité présente aussi l’avantage d’améliorer le goût du pro- duit.

À

l’inverse l’amélioration de variétés déjà performantes peut les rendre encore plus attractives et renforcer l’uniformisation déjà en cours. Le maïs a déjà conquis des zones de plus en plus froides et il pourrait, pour- quoi pas, devenir cultivable sur sol salé ou lessivé.

Chez les espèces sauvages

Il est envisageable que des adventices ayant reçu des gènes de résistances puissent se tailler une place plus importante dans la végétation et ainsi contribuer à diminuer la part des autres espèces, ce qui à terme pour- rait nuire à la biodiversité. Mais, curieuse- ment, l’augmentation des rendements qui devrait découler de la commercialisation des plantes transgéniques n’est presque jamais évoquée, même par leurs partisans. Il semble qu’il s’agisse d’un argument hon- teux dont l’évocation seule serait une pro- vocation, et l’on préfere mettre en avant la moindre utilisation de pesticides ou la pro- duction de molécules pharmaceutiques. Pourtant personne n’est prêt à soutenir qu’il

(8)

Transgenèse et estimation

des

risques

vaut mieux continuer à produire la même quantité de nourriture pour une population sans cesse croissante et ainsi af&mer une plus grande proportion de l’humanité. Si les rendements de 196 1 avaient encore préva- lu en I.992, il aurait fallu trois fois plus de surface cultivée en Chine et aux États-Unis, et deux fois plus en Inde pour assurer une production de céréales équivalente [55]. Qn peut certes souhaiter que la répartition des récoltes soit plus harmonieuse ou que la consommation de viande décroisse afin de libérer ressources et surfaces actuellement utilisées pour le bétail, mais il faut recon- naître que, malheureusement, on ne peut tabler sur un changement rapide dans ces domaines. Les océans sont, en l’état actuel des techniques, une alternative peu cré- dible pour les productions végétales. La seule solution pour augmenter la production sans augmenter les rendements reste donc la conquête de nouvelles terres arables par la mise en culture de milieux encore « natu- rels », les forêts primaires par exemple. Outre que cela serait difficile par endroits (Asie par exemple), il est permis de douter que cette solution soulève l’enthousiasme des activistes antitransgenèse. Ne peut-on considérer que, en contribuant à augmen- ter les rendements, les plantes transgéniques, pour une même production, réduiront glo- balement les surfaces cultivées, ce qui contri- buera à la sauvegarde des biotopes exis- tants ?

Concentration

des pouvoirs,

monopoles

Transgenèse ou pas, et avec ou sans bre- vets sur le vivant et les plantes transgé- niques, la domination du marché des semences par quelques firmes ou pays est déjà bien avancée : environ deux tiers des semences de ‘grande culture exportées le sont par trois pays (États-Unis, Pays-Bas et France) [56]. Il existe actuellement des pays où la culture de plantes transgéniques est plus facile, car la réglementation et les sys- tèmes de brevets [57, SS] s’y prêtent mieux, et où la recherche, notamment sur le séquençage de génome de plantes de gran- de culture, est soutenue par le gouverne- ment. C’est le cas des États-Unis et cer- tains en Europe craignent que cela consti- tue un handicap pour leur agriculture et leur industrie semencière. On peut aussi pro- duire des protéines recombinantes (vaccin par exemple) sans plantes transgéniques en

infectant des plantes « normales » par un virus transgénique ayant intégré une séquen- ce codante pour un épitope [59].

Désintérêt

pour les cultures

traditionnelles

locales

ou nouvelles

opportunités

?

Un rapport intitulé Lost Crops of

Africa [CO] mentionne que de nombreuses plantes indigènes et cultivées traditionnel- lement comme le millet, le fonio (Digitd& exilis, à maturation très rapide) et le tef (Erapostis te$ riche en fer et acides aminés) arrivent à être considérées localement comme inférieures aux produits importés, phénomène analogue au discrédit récent de la pomme de terre en Europe ou de l’arachide aux États-Unis. Pourtant ces espèces sont bien adaptées aux conditions pédologiques et aux stress rencontrés loca- lement. Malgré cela ces plantes sont l’objet de moins d’efforts de sélection et d’amé- lioration agronomique qu’il ne serait sou- haitable, tendance qui risque de se renfor- cer à mesure que les efforts d’amélioration seront concentrés sur peu d’espèces. Le risque est grand en effet que les efforts d’amélioration soient concentrés sur une gamme de plus en plus réduite de plantes cultivées dans les pays développés au détri- ment d’autres, qui ont un intérêt important mais local. Car les obtentions de variétés transgéniques sont réalisées principalement par et pour les pays riches. Mellon se demandait récemment [6I] si des efforts équivalents à ceux entrepris pour retarder la maturité des melons ne devraient pas exis- ter pour améliorer des plantes des pays en développement. Ces travaux sont peut-être moins médiatisés que ceux touchant les espèces phares mais ils existent : les orga- nismes comme I’ORSTOM en France ou les grands organismes internationaux mono- génériques (IRRI, CIMMYT, etc.) com- mencent à rechercher et à transférer des gènes intéressant spécifiquement des cul- tures tropicales, notamment la résistance à la bactériose du riz [62]. Une papaye résis- tante à un virus est à mettre au crédit d’une collaboration entre l’Université Corne11 et celle d’Hawaii. En Bolivie, une résistance au froid a été introduite chez la pomme de terre. Même les firmes comme Monsanto commencent à être partie prenante dans de tels programmes : une patate douce résis- tante à un virus vient d’être créée en asso- ciation avec le fonds de Développement américain et des chercheurs kenyans. Pour des cultures non vivrières comme les fruits exportés, l’intérêt de la maturation retardée

est également important : Evans [63] esti- me à un quart la part des récoltes qui pour- rissent, par exemple les bananes dans les docks du Costa Rica ou les ananas à même le champ. 11 en va de même pour les cultures vivrières avec des pertes estimées parfois à plus de 50 % [64]. De plus, la possibilité de cueillir plus près de la maturité peut rendre quelques productions plus attractives car plus savoureuses.

On peut objecter que le travail à accomplir en agronomie et sélection classique reste immense en ce qui concerne les cultures des pays économiquement défavorisés mais la transgenèse, en permettant d’introduire des résistances à des pathogènes (ou à des stress abiotiques), est de nature à réduire le coût des intrants et à limiter les pertes avant et après récolte. La valeur ajoutée se trouve dans la semence transgénique (par exemple résistante à un insecte), ce qui est particu- lièrement important lorsque les moyens techniques et financiers manquent pour assurer les traitements insecticides.

Vers une modification

de la répartition

mondiale

des cultures ?

En conférant des caractéristiques radicale- ment nouvelles à certaines cultures ou récoltes, la transgenèse peut changer la répartition mondiale des cultures. Ainsi, la création de fruits à maturité retardée (déjà réalisée, le plus souvent par inhibition de la synthèse d’éthylène), en rendant possible un transport du fruit vert puis un mûrisse- ment sur commande, autorise la délocali- sation des cultures vers des zones mêmes lointaines aux coûts de main-d’oeuvre très bas et bénéficiant d’ensoleillements plus élevés. Il peut y avoir là de nouveaux débou- chés pour les pays en développement dont certains souffrent de la désaffection pour leurs cultures d’exportations (café robusta ou arachide par exemple).

A l’inverse, de nombreuses plantes aroma- tiques ou médicinales constituent pour cer- tains pays des monopoles en raison d’une répartition géographique étroite des espèces considérées. De nombreuses recherches étaient déjà conduites pour essayer de remplacer ces approvisionnements, parfois aléatoires sinon coûteux, par une production in V~O ou en fermenteur, voire via des bactéries transgé- niques, mais le coût de revient demeurait souvent peu compétitif Or il va devenir pos- sible de faire produire certains de ces méta- bolites par des plantes de grande culture des climats tempérés. 11 en va de même pour des cultures comme le palmier à huile, menacé

(9)

Transgenèse et estimation des risques par l’introduction dans le colza de gènes conduisant à la synthèse d’acides gras comme le laurate.. . Des pans entiers de l’économie d’un pays peuvent ainsi s’écrouler.

La transgenèse a l’image la plus high-teck de toutes les techniques d’amélioration des végétaux, à l’image de la micropropagation in viwo naguère ou des protoplastes plus récemment. A ce titre elle procure plus faci- lement fonds et notoriété et attire les jeunes chercheurs ; cette attraction se fait en par- tie au détriment des techniques plus tradi- tionnelles car la force de travail aussi bien que la manne financière ne sont pas illimi- tées. Or la transgenèse n’est pas une pana- cée ni une fin en soi ; elle est simplement une technique capable de surmonter certains obstacles et d’ouvrir de nouvelles possibili- tés d’amélioration, tout en présentant l’in- convénient de demander des installations coûteuses et une main-d’oeuvre très quali- fiée. Le risque est grand que ce pouvoir d’attraction nuise à l’exploitation de tech- niques plus simples (amélioration tradi- tionnelle par croisements contrôlés ou bio- technologies plus anciennes) qui sont enco- re porteuses de gains importants, en parti- culier pour les plantes dont la sélection est peu avancée, qu’elles soient cultivées dans les pays du Nord ou du Sud.

L’habileté des opposants à la transgenèse consiste à jouer sur l’ignorance du public concernant la situation présente afin de suggérer la « nouveauté » d’un événement. Mais, pour considérer qu’un danger réel est dû aux plantes transgéniques, deux cri- tères doivent être réunis :

- le danger considéré ne doit pas préexister à l’apparition des plantes transgéniques. Ainsi l’existence de bactéries résistantes à des

antibiotiques ou la sélection de pathogènes végétaux virulents ne sont aucunement des nouveautés, les recombinaisons entre génomes viraux pouvant se produire lors d’une CO-infection naturelle. De même l’uti- lisation intensive d’herbicides constitue déjà la règle ;

- l’événement favorisé par la transgenèse doit avoir une conséquence réellement néfaste. Ainsi l’apparition sporadique de bactéries ou d’adventices résistantes doit, pour constituer une menace, être suivie de

leur multiplication importante, ce qui sup- pose une pression de sélection.

De nombreuses recherches restent pour- tant à mener dans des domaines comme : - l’écologie et la génétique des populations des adventices et des pathogènes, les méca- nismes de résistances des pathogènes ; - la génétique et la physiologie des plantes transgéniques : on connaît mal les causes de variations de l’expression d’un transgène dans l’espace ou le temps ;

- la recherche de promoteurs spécifiques évi- tant l’expression (souvent inutile) dans ce qui constitue la récolte ;

- la toxicologie des expositions longues à un produit (insecticide naturel par exemple) pour l’homme, l’animal domestique et aussi les insectes pollinisateurs.

On peut penser que la réglementation, quit- te à retarder de quelques années la mise sur le marché de plantes à usage alimentaire, pourrait être exigeante sur au moins quatre points :

- l’absence de populations d’adventices capables de s’hybrider avec la plante trans- génique dans la zone de culture envisagée lorsque le gène introduit confke une résis- tance à un pathogène ou à un herbicide total ;

- l’absence dans les parties consommées de la plante d’un produit dont la non-toxicité à long terme n’est pas établie ;

- l’utilisation de constructions n’utilisant pas de résistances à des antibiotiques encore utilisés en médecine humaine ou vétérinai- re ;

- l’étiquetage du produit, particulièrement en cas dallergie connue à I’organisme d’ori- gine du gène introduit. Ce point est quasi- ment acquis car il est spécifié dans la der- nière version de Novel Foods 1997. Pour faciliter l’acceptation des produits trans- géniques, pourquoi ne pas tenir compte de certaines craintes du public, même si elles apparaissent peu fondées aux scientifiques, comme c’est le cas pour l’utilisation des gènes de résistances aux antibiotiques ? Si le risque zero n’existe pas, on se doit de procé- der à l’évaluation la plus complète possible des risques associes à la commercialisation d’une plante transgénique. Et la diffusion des connaissances à destination du public est indispensable afin qu’il soit à même de se faire une opinion.

À

défaut, la confiance des consommateurs envers les semenciers et les scientifiques pourrait bien être le facteur limitant de la diffusion de ce formidable outil d’amélioration des plantes que consti- tue la transgenèse. En effet, une mise en évi- dence d’effets néfastes mal évalués a priori aurait à coup sûr un impact très négatif sur le marché des plantes transgéniques

Cahiers Agricultures 1998 ; 7 : 546-56

NDLR : Certaines références (en gras) renvoient

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