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MANAGER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE: UN NOUVEAU CHAMP DE COOPÉRATION ENTRE COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET ENTREPRISES

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MANAGER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE: UN

NOUVEAU CHAMP DE COOPÉRATION ENTRE

COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET ENTREPRISES

Michel Casteigts

To cite this version:

Michel Casteigts. MANAGER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE: UN NOUVEAU CHAMP DE COOPÉRATION ENTRE COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET ENTREPRISES. Sedjari A. (dir.), Partenariat public-privé et gouvernance future, Paris-Rabat, L’Harmattan GRET., 2005. �halshs-01593158�

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10ème Colloque international du GRET - 3 et 4 mars 2005 - RABAT

« Partenariat public-privé »

Manager le développement durable: un nouveau champ

de coopération entre collectivités publiques et entreprises

Michel Casteigts*

Publié dans Sedjari A. (dir.), Partenariat public-privé et gouvernance future, Paris-Rabat, L’Harmattan GRET.

Le développement durable comme idéologie et comme pratique

La fortune de la notion de développement durable est à bien des égards singulière. L'idée, sinon l'expression, apparaît à l'occasion de la conférence de Stockholm en 1972, comme compromis entre préservation de l'environnement et développement économique, notamment au profit du tiers-monde. L'époque était marquée par les débats suscités par le rapport du MIT au Club de Rome sur les limites de la croissance1. Le concept

d'éco-développement, première version du développement durable, a été avancé comme support

d'un armistice idéologique entre écologistes et développeurs. L'origine de l'expression

développement durable elle-même reste obscure. Elle figure dans un rapport de l’Union

Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses Ressources paru en 1980, sans qu'on sache si cette première mention dans un texte de référence correspond véritablement à son acte de naissance.

La notion de développement durable a commencé à être connue du grand public à partir de 1987, quand la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, réunie à l’initiative de l’ONU et présidée par Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège

* Inspecteur général de l’administration. Haut fonctionnaire du développement durable du Ministère de

l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire (France). Professeur associé à l’Université de Pau et des pays de l’Adour. Tél. +33 (0)6 87 24 19 56 ; courriel : michel.casteigts@univ-pau.fr

1 Meadows D., Meadows D., Randers J. et Behrens III W. , « The limits to growth », Universe books,

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l'a défini comme un modèle de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. C'est en 1992 que la Conférence de Rio a consacré le développement durable comme norme d’action collective en précisant qu’il s’agissait d’un modèle de développement conciliant les exigences de la croissance économique, de la cohésion sociale et de la préservation de l’environnement. A compter de ce moment les choses vont s'accélérer, le concept migrant en quelques années du champ idéologique au domaine juridique. En Europe notamment, avec le traité d’Amsterdam2,

le projet de constitution européenne et de nombreux textes nationaux3, le développement

durable est devenu un principe normatif à part entière.

Parallèlement à ce passage rapide d'un statut idéologique à un ancrage institutionnel, la portée pratique de la notion n'a cessé de se renforcer. Loin d'être, comme on s'est plu longtemps à le penser, un effet de mode ou un gadget pour gauchistes mal repentis, le développement s'est imposé comme référence obligée aussi bien à l'action de pouvoirs publics qu'à celle des acteurs économiques et de la société civile, au moins dans les pays les plus développés. Or cette référence partagée transforme les enjeux des coopérations entre collectivités publiques et entreprises, les exigences d'un management en commun du développement durable remodelant en profondeur les processus de décision collective .

Développement durable et enjeux des coopérations

entre collectivités publiques et entreprises

Déplaçant la frontière entre biens marchands et biens publics et modifiant la nature des enjeux collectifs, le développement durable pose en termes renouvelés la question du partenariat public-privé.

Développement durable et contexte économique du partenariat public - privé

Le partenariat public - privé entre biens publics et activités marchandes

2 signé le 2 octobre 1997.

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La thématique du partenariat public - privé repose sur un présupposé idéologique d'autant plus fort qu'il reste implicite: les politiques publiques sont conçues comme des produits proposés par les institutions publiques sur un marché des biens collectifs. Le partenariat public - privé est alors une façon de restreindre l'offre de biens publics aux biens collectifs « purs », le secteur privé prenant en charge la partie des biens collectifs mixtes qui est susceptible d'une régulation marchande classique.

Un présupposé complémentaire est que l'efficacité économique du secteur marchand est toujours supérieure à celle du secteur public. Ce dernier postulat peut-être démenti par les faits, comme le prouve la comparaison de la sécurité ferroviaire privatisée en Grande-Bretagne et publique en France. De nombreux autres exemples pourraient être avancés, comme celui de la fourniture en eau de trois communes de l’agglomération de Bayonne dans le sud-ouest de la France. Sur la ville de Bayonne, l’eau est gérée depuis toujours en régie municipale ; l’eau y est moins chère et la régie est bénéficiaire. Dans la ville voisine de Biarritz, le service de l’eau est concédé depuis longtemps, l’eau est plus chère et le concessionnaire se plaint de ses déficits. A Anglet, située entre les deux villes précédentes, le service est affermé et le prix de l’eau est intermédiaire. Il n’y a donc pas de fatalité à la supériorité économique ou technique des activités marchandes.

Biens collectifs et externalités

Avec la faillite du modèle soviétique, un sentiment de confiance sans nuances dans l’efficacité du marché a conduit au déclin des réflexions sur les biens collectifs. La récente montée en puissance des préoccupations environnementales, nourrie par les inquiétudes sur le réchauffement climatique, sur la sécurité sanitaire et sur l'épuisement des ressources naturelles, a contribué à réhabiliter la notion de bien collectif. Sans entrer dans un débat de théorie économique qui serait hors de propos, il est utile ici de rappeler que l'usage des biens et services collectifs est indivisible: ils ne sont l'objet d'aucune rivalité entre consommateurs potentiels et ne peuvent donner lieu à aucune appropriation privée. Les mécanismes de marché sont donc inopérants pour en déterminer l'allocation. Lorsque, dans leur gestion, une régulation collective s'avère nécessaire, elle est usuellement le fait de collectivités publiques: on parle alors de biens publics. Il arrive en outre fréquemment que des dispositifs communautaires ou coopératifs de gestion des biens collectifs soient mis en oeuvre sans être juridiquement portés par des personnes publiques.

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La commodité d'accès à certains biens collectifs est souvent un élément important dans la compétitivité des entreprises. En effet, la production de biens et services marchands implique souvent des coûts qui restent hors bilan, car ils relèvent de la consommation de biens collectifs. Il peut s’agir de ressources externes disponibles gratuitement ou à moindre coût pour les entreprises dans leur environnement naturel ou humain. Ce sont généralement des éléments caractéristiques du territoire sur lequel les entreprises sont implantées : qualité et accessibilité des milieux naturels et urbains, agrément du cadre de vie ou de travail, sécurité des biens et des personnes, disponibilité des ressources technologiques ou scientifiques, richesse de l'offre pédagogique et culturelle.

A côté des externalités positives dont elles bénéficient, les entreprises produisent aussi des externalités négatives, notamment les coûts d’irréversibilité liés à l’usage de biens non-reproductibles ou le coût des nuisances et de la pollution . Afin de maîtriser ces processus et d'assurer un partage équitable des charges qui leur sont liées, les pouvoirs publics sont amenés à contrôler réglementairement et à internaliser par voie de taxation les effets externes négatifs de l'activité économique. La gestion des externalités, positives ou négatives, conduit donc à des interférences multiples entre régulation publique et coordination des activités économiques par le marché.

Développement durable et biens collectifs

Ce phénomène est d'autant plus net que la mutation des démarches environnementales traditionnelle vers les logiques de développement durable élargit sensiblement la problématique des externalités. Les processus de décision économique ne portent plus seulement sur des arbitrages internes au champ des activités marchandes, depuis longtemps théorisés et formalisés, mais doivent inclure critères sociaux et environnementaux. Le mythe d'une coordination optimale de l'activité économique par le seul marché s'en trouve d'autant plus affecté que l'échange marchand est incapable de servir de support aux arbitrages intergénérationnels: les générations futures ne peuvent faire valoir aucun droit sur aucun marché.

Il résulte de ce qui précède que les principes de développement durable accroissent considérablement la complexité des dispositifs de régulation: il s’agit de mettre en jeu de multiples interactions systémiques entre activités privées et actions publiques que l'on s'est efforcé de rendre de plus en plus indépendantes. Le partenariat public - privé prend dans ce

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contexte une tout autre signification que la simple sous-traitance de mission d'intérêt général par des entreprises privées.

Les métamorphoses des jeux d'acteurs

Puisque le développement durable impose d’organiser en permanence des arbitrages, des transactions entre marchand et non marchand, entre biens individuels et biens collectifs, entre économique, social et environnemental, il exige qu'on repense l'action collective, en sortant de logiques institutionnelles marquées par la seule rationalité juridique.

Les limites de la rationalité juridique

Nous sommes pour la plupart des héritiers de Descartes et de Kant. Toute notre organisation mentale du monde s'est déterminée selon un principe de spécialité qui imprègne nos classifications scientifiques, sociales et juridiques. Nous distinguons soigneusement les différents domaines d'activités sociales, nous en théorisons les spécificités, nous en modélisons les pratiques en les subdivisant sans fin et en érigeant entre chaque micro-territoire ainsi constitué des frontières académiques défendues par d'inexpugnables remparts conceptuels. Un recensement sommaire permet d'identifier plus d'une trentaine de spécialités dans chacune des principales disciplines des sciences sociales (économie, gestion, droit, sociologie, un peu moins en anthropologie et en science politique). Cet émiettement académique renvoie à une vision tout aussi morcelée de la réalité sociale et des pratiques collectives, à l'image des catégories juridiques dans lesquelles elles sont pensées.

C'est ce principe de spécialité que le développement durable nous oblige aujourd’hui à remettre en cause: agir pour un développement durable, c'est au contraire penser le réel et ses transformations dans leur complexité, sans chercher à les simplifier artificiellement, c'est accepter que toute action s'inscrive dans un jeu foisonnant d'interactions. Dans un tel contexte, la régulation de l'action collective fondée sur le droit devient largement inopérante, précisément parce que tout l'édifice de nos catégories juridiques, fragmentant et classifiant nos pratiques en entités juridiquement homogènes, vole en éclat face à la nécessité de ces interactions systémiques permanentes entre les multiples champs de la vie sociale.

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Les stratégies collectives, entre transactions sociales et médiations politiques

Cette situation oblige, à l'évidence, à penser les comportements collectifs hors de leurs normes usuelles. Elle implique une remise en cause des postures auxquelles se conforment habituellement les acteurs de la scène sociale. Elle brouille bien des repères et semble vouée aux turbulences les plus imprévisibles. Elle ne condamne pourtant pas au chaos mais appelle d'autres types de règles : dès lors que la cohérence des actions collectives ne repose plus sur le droit et les procédures, elle doit se fonder sur des démarches stratégiques et managériales communes.

Il n'y a rien d'évident ni de spontané dans la transition d'une situation où les acteurs sociaux s'arc-boutent à leurs prérogatives juridiques pour faire prévaloir leurs intérêts spécifiques vers un dispositif où il s'agit de mettre en oeuvre des projets partagés au service d'intérêts collectifs. Cela suppose la plupart du temps qu'un acteur public, généralement un représentant de l'Etat ou une collectivité territoriale, renonce à défendre ses propres positions pour adopter une posture de médiation face aux inéluctables divergences d'appréciation entre groupes d'intérêts. Le sacrifice est souvent de courte durée, car les bénéfices collatéraux du leadership ainsi constitué récompensent rapidement les efforts consentis. L'objet de ce type de médiation est de permettre que se concluent entre catégories d'acteurs sociaux des transactions de nature diverse, généralement composites, où les concessions économiques ou financières peuvent avoir pour contrepartie une reconnaissance symbolique ou une influence politique. Ces transactions se concrétisent dans l'adoption de projets stratégiques communs dont la mise en œuvre s'appuie sur la mutualisation des moyens de chacun et sur des compromis managériaux légitimés par les fondements transactionnels de la démarche.

Cela conduit à des jeux d'acteurs profondément renouvelés, à même de lier coopération économique, transactions sociales et responsabilité partagée de l'environnement dans une production en commun de l'intérêt général4. On voit qu'il s'agit là de la conception totalement

renouvelée d'un partenariat public - privé fondé sur la convergence des intérêts stratégiques à long terme et non sur des commodités instrumentales ou financières à court terme.

Management du développement durable

et processus de décision collective

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De nouveaux cadres décisionnels: les territoires

Cette complexité, que les logiques institutionnelles ont tant de mal à prendre en compte, fait du développement durable un objet éminemment territorial5.

Le territoire comme organisation et comme système

Lorsque l'on dit que le développement durable implique un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental, il ne s'agit pas simplement d'un équilibre statique, d'une juxtaposition d'éléments séparés, mais bien d'un équilibre dynamique qui suppose des interactions systémiques permanentes entre champ économique, champ social et champ environnemental. Il faut pour cela que quelque chose « fasse système ».

Nous avons vu plus haut que les dispositifs institutionnels y sont peu propices, puisque fondés sur des logiques de segmentation et de spécialisation. C'est donc à l’organisation territoriale - ou plutôt au territoire considéré comme organisation - qu'il appartient de « faire système », c’est à dire de donner au dispositif d’interaction une stabilité et une cohérence, que ni l’agencement sectoriel des activités économiques, ni la structuration des relations sociales, ni l’architecture institutionnelle ne peuvent séparément garantir. Il revient précisément aux territoires, dans leur infinie diversité et dans leur nécessaire articulation, de servir de cadre et de support aux mécanismes de régulation croisée inhérents aux stratégies de développement durable.

Le principal écueil en la matière semble résider dans la multiplicité des échelles territoriales qu’un même processus met en jeu dans les différents champs d’action où il se trouve engagé.

Echelles territoriales, logiques entrepreneuriales et médiations publiques

La science économique a abandonné pendant très longtemps la réflexion spatiale et donc la notion d’échelle territoriale des processus. Les économistes se sont progressivement

5Certains des développements ci-dessous reprennent de façon synthétique quelques points de la communication

présentée lors du 7ème colloque du GRET, en mai 2003, sur le management territorial stratégique, in Sedjari A. (dir.), "Gouvernance et conduite de l'action publique au 21ème siècle ", L’Harmattan, Paris, 2003.

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habitués à raisonner de façon de moins en moins spatialisée, voire plus spatialisée du tout comme dans certaines versions du modèle standard cher aux théoriciens néo-classiques. Cela ne résiste évidemment pas à l'épreuve des faits. Une décision économique parfaitement localisée - savoir si l’on ferme une usine ou si on ne la ferme pas, si on licencie ou non – est liée à des facteurs qui se jouent sur une multitude d'échelles, du fonctionnement du marché local du travail à l’évolution mondiale des cours des monnaies: ce sont tous ces éléments disparates qui déterminent la compétitivité d’une usine installée en Bavière par rapport à une usine installée à Casablanca pour fabriquer les mêmes composants électroniques.

L'échelle territoriale à laquelle se pense l'activité des entreprises, et qui est de plus en plus celle de la planète, n'a donc rien à voir avec les échelles où se manifestent les conséquences sociales ou environnementales des décisions économiques. La médiation des pouvoirs publics a un rôle irremplaçable à jouer dans l'articulation de ces échelles et dans la mise en cohérence globale des processus, précisément parce que la puissance publique est présente à tous les niveaux de l'organisation territoriale.

De nouveaux objets de décisions communes

L’apparition de nouveaux sujets de préoccupation collective, qui deviennent autant d'objets de décisions et d'actions communes, est le corollaire de cette interdépendance croissante.

De la compétitivité économique à la performance globale

Comme il a été dit plus haut, les atouts tirés de leur environnement territorial, notamment les opportunités d'économies externes, jouent un rôle essentiel dans la capacité des entreprises à répondre aux pressions concurrentielles. Sur ce plan, la qualité des ressources humaines, les facilités d’accès à la technologie et au savoir et l’efficacité des communications jouent un rôle essentiel dans les performances des entreprises et leurs choix de localisation: la compétitivité de la firme et celle de son territoire d'implantation sont ici indissociables.

Dans une logique de développement durable, ces synergies s'élargissent à tous les aspects de la vie sociale et à de nombreuses aménités non-économiques, qui déterminent les conditions de vie et de travail et l’image de marque du territoire et de ses acteurs. Beaucoup

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de ces facteurs relèvent de l'action des collectivités publiques et notamment locales. Il est donc naturel qu'elles soient de plus en plus conscientes des enjeux, qu’il s’agisse d’attirer de nouveaux investisseurs ou de renforcer l’efficacité des entreprises déjà implantées : autant d'occasions de partenariat entre entreprises en quête d’économies externes et pouvoirs publics susceptibles de les leur apporter.

La diversité des domaines de coopération

Les domaines de coopération se déduisent directement des impératifs d'une gestion rationnelle des externalités qui permette de renforcer à la fois la performance d'ensemble du réseau local de partenaires et la performance individuelle de chacun dans son propre champ d'action. Sont donc prioritairement concernés le développement des économies externes par utilisation optimale des ressources communes et la réduction des externalités négatives par gestion collective des contraintes.

La mutualisation des connaissances et des informations, la création d'infrastructures de transport ou de services à forte valeur ajoutée améliorant l'accessibilité et la desserte du territoire, les démarches de marketing territorial et, de façon plus générale, tout développement coordonné de biens et services collectifs contribuent manifestement au renforcement des économies externes. La gestion collective du temps pour résoudre les problèmes d'encombrement et de mobilité, la création de filières intégrées de traitement des eaux et des déchets, une politique foncière économe de l'espace relèvent d'une maîtrise collective des effets externes négatifs. Certaines actions peuvent contribuer à la fois au développement d'externalités positives et à la réduction d'externalités négatives, comme les actions en faveur de la cohésion sociale et territoriale ou le management environnemental.

De nouveaux processus décisionnels

C'est dans le domaine décisionnel que la logique institutionnelle et sa rationalité juridique montrent le plus fortement leurs limites. Les décisions prises individuellement par chaque partenaire, même juridiquement irréprochables, sont privées de toute légitimité si elles ne s'inscrivent pas dans la démarche collective. Moins que jamais il est possible d'avoir raison tout seul, ce qui explique l'importance croissante des nouveaux processus décisionnels

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désignés sous le terme générique de gouvernance.

Le développement de nouveaux modes de gouvernance

L’histoire du concept de gouvernance permet de mieux en situer les implications et les enjeux6. Au XIIIe siècle le terme de gouvernance désignait les bailliages, avant d’être

employé à la Renaissance comme synonyme de gouvernement puis de disparaître pour quelques siècles. A partir de 1975, O.E.Williamson développe la théorie des coûts de transaction pour expliquer qu’une firme intégrée ou des relations contractuelles structurées puisse être plus efficace que des transactions ponctuelles sur le marché7. Il définit la

gouvernance comme l’ensemble des mécanismes de coordination réglant d’une part l’organisation hiérarchique interne à l’entreprise, d’autre part les relations entre l’entreprise et ses partenaires, notamment dans le cadre de rapports contractuels stables destinés à réduire les coûts de transaction8. A la fin des années 1980, le terme de gouvernance apparaît dans le

vocabulaire des institutions financières internationales, qui désignent par l’expression « good governance » les règles d’administration publique préconisées aux pays emprunteurs. Au même moment, des politologues anglais opposent « urban governance » à « local government », pour décrire les effets des réformes thatchériennes sur les pouvoirs locaux. Cette notion de gouvernance urbaine (ou territoriale) s’est aujourd’hui imposée dans l’analyse des évolutions du pouvoir local.

Ce passage de la notion de gouvernance du champ économique au champ politique n’est pas l’effet du hasard. Dans les deux cas, il s’agit de désigner des mécanismes partenariaux de coordination, dans un contexte d’organisation structurée mais souple, à mi-chemin entre intégration hiérarchique forte (firme ou institution politique) et atomisation des décisions (fonctionnement du marché ou comportements individuel). La gouvernance est donc un processus de décision intermédiaire entre les procédures hiérarchiques et formalisées, qui prévalent dans les entreprises intégrées ou les institutions politiques, et les modalités atomisées de décision des échanges marchands et des initiatives individuelles.

6 Pour un examen plus systématique de l’histoire et de la portée du concept de gouvernance se reporter à

Casteigts M., La gouvernance urbaine entre science et idéologie , in Le Duff R. et Rigal J.J. (dir.) "Démocratie et management local, 1ères Rencontres Internationales", Dalloz, Paris, 2004

7 Williamson O.E., Market and hierarchies : analysis and antitrust implications, New York, The Free Press,

New York, 1975

8 Williamson O.E., Transaction-cost economics, the governance of contractual relations, Journal of Laws

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Même dans le champ politique, la gouvernance conserve cependant une dimension économique importante, les mêmes processus étant transposés du domaine des activités marchandes à celui des biens collectifs et des externalités. Comme en matière de biens collectifs l’allocation des ressources et l’imputation des charges relèvent de processus de caractère politique, l’optimum économique est indissociable de l’optimum décisionnel. Cela conduit de façon naturelle à élargir la théorie des coûts de transaction telle qu’elle a été initialement formulée par Coase9 et Williamson dans le domaine des échanges marchands. En

effet, l’élargissement et la transparence des procédures de décision collective réduisent les coûts des transactions sociales bien au-delà des échanges marchands. Ils permettent aussi d’alléger les coûts de contrainte, en renforçant le consensus autour des choix effectués. Les dispositifs de gouvernance marquent donc un changement fondamental dans la nature des relations entre collectivités publiques et partenaires privés, en les rapprochant des modes de coordination entre entreprises. Ils créent un continuum décisionnel, dans l’espace et dans le temps, là où les procédures traditionnelles de décision institutionnelle instauraient segmentation et discontinuité.

Gouvernance et développement durable

Il ressort de ce qui précède que, loin de se limiter aux « formes de régulation qui ne

sont ni marchandes ni étatiques »10, la gouvernance territoriale se justifie particulièrement

dans les démarches de partenariat public - privé qui sont à la fois « marchandes et étatiques ». Dans son article de 1979, Williamson met particulièrement l’accent sur l’importance que prennent les procédures de gouvernance pour la gestion, dans la durée, des relations contractuelles complexes. Cette observation est encore plus pertinente appliquée aux relations contractuelles entre collectivités publiques et entreprises privées dans une démarche de développement durable, que le contrat soit juridiquement formalisé ou qu’il reste « moral ». Dans ce contexte, les instances de décision doivent en effet arbitrer en permanence entre paramètres hétérogènes et dégager des compromis entre développement des activités marchandes et gestion des biens collectifs. C’est sur ce terrain que l’efficacité de la gouvernance s’impose, parce qu'elle s’inscrit justement à l’intersection de la coordination marchande et de la régulation institutionnelle, tous marchés et toutes institutions confondus.

9 Coase R. H., The nature of the firm, Economica, Vol/n° NS4, pp. 386-405, 1937

10 Benko G. et Liepietz A. in « Les régions qui gagnent. Districts et réseaux : les nouveaux paradigmes de la

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Dans cette perspective, le dispositif de gouvernance, dès lors qu'il est effectivement élargi aux entreprises et aux représentants de la société civile, cesse d'être une instance de décision essentiellement politique: il devient aussi le lieu des arbitrages économiques entre intérêts contradictoires , le théâtre des transactions sociales entre acteurs de la vie collective. Nous avons vu plus haut qu'il s'agit précisément des conditions indispensables au management collectif du développement durable.

Conclusion

Ce n’est pas le moindre paradoxe que le développement durable apparaisse à la fois comme le premier contre-feu efficace à l'hégémonie internationale des logiques marchandes et comme un cadre de coopération pacifiée entre pouvoirs publics et entreprises. Cette fonction d’armistice idéologique, déjà constitutive de la notion d’éco-développement, ne s’est pas démentie depuis lors. Dans un monde lassé des grandes confrontations entre idéologies millénaristes ou intégrismes religieux, cette vocation pacificatrice est sans aucun doute un facteur essentiel de la fortune de l’idée de développement durable.

Par ailleurs, ce concept invite à remettre en cause un autre clivage hérité d’une longue tradition et à s'interroger sur la pertinence de la distinction juridique public/privé pour penser l'action collective. Il est sans doute temps pour les politologues, les économistes et les gestionnaires de prendre quelques distances avec les disciplines juridiques, au sein desquelles ils sont nés et ont prospéré, pour explorer les vastes contrées des autres sciences de la société. A cela aussi le développement durable nous invite.

Cette dernière observation conduit à formuler une mise en garde quant à l’organisation concrète du partenariat public - privé. Si les modalités retenues pour organiser ce partenariat conduisaient à dessaisir les collectivités publiques de toute responsabilité opérationnelle, il est à craindre qu’elles abusent du seul instrument d’action qui leur resterait, la définition des règles de droit. Il y aurait alors un risque réel d’inflation normative, notamment au niveau des clauses contractuelles, dont certaines pratiques constatées aux Etats-Unis donnent un aperçu. Cela doit inciter à maintenir une participation des collectivités publiques aux processus opérationnels et aux enjeux managériaux, pour éviter de marquer trop fortement le clivage entre rationalité juridique et logiques managériales. C’est dire que le succès du partenariat

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entre collectivités publiques et entreprises repose largement sur le modèle de gouvernance auquel il sera fait appel.

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