1 INRA Antilles‐Guyane, Unité Agropédoclimatique de la Zone Caraïbe, F 97170 Petit‐Bourg 2005 Deuxième édition, 2013 ________________________________________________________________________ Effets non intentionnels liés à l'intensification agricole dans la Caraïbe Yves‐Marie Cabidoche INRA, UR135 Agropédoclimatique de la zone Caraïbe, F‐97170 Petit‐Bourg, Guadeloupe, France Résumé
Depuis la seconde guerre mondiale, la productivité agricole a augmenté dans la Caraïbe. Cette intensification a surtout concerné les cultures d’exportation, recevant des niveaux élevés d’intrants, dont les effets intentionnels n’étaient pas forcément évalués. Dans ce contexte, des effets non‐ intentionnels ont émergé sans prévision scientifique, qui peuvent affecter les propriétés des sols et de l’environnement, voire la santé humaine. Nous analysons les effets de quelques niveaux élevés d’intrants concernant les engrais, herbicides, pesticides, travaux du sol, l’irrigation et l’alimentation du bétail en stabulation. Nous soulignons la complexité de l’analyse de leurs impacts environnementaux, engendrée par la connectivité des écosystèmes naturels et anthropisés sur de courtes distances, caractéristique de la Caraïbe. Si des processus hydro‐pédologiques originaux retardent la pollution azotée des nappes, des pollutions des sols, eaux et légumes par les pesticides ont frappé les Antilles françaises, dans l’ignorance des mécanismes de transferts et des conséquences possibles sur la santé. Il faut donc créer des systèmes de culture innovants, optimisant les voies biologiques de capture des ressources et de régulations. Quelques principes d’amélioration sont suggérés, combinant associations ou rotations de plantes de service, réhabilitation de la polyculture‐élevage, mosaïque de cultures et gestion territoriale des matières organiques. Enfin, il faut une nouvelle attitude de recherche, moins expérimentale, plus fondée sur le diagnostic agronomique de la diversité des systèmes de culture existants, incorporant l’écologie fonctionnelle, aidée par la modélisation.
2 Non‐intentional effects of agriculture intensification in the Caribbean
Summary
Crop productivity has been increasing in the Caribbean since WWII. This intensification concerned mainly exportation crops, which received high level input packages, while the intentional effect of each input was not systematically measured. In such a context, non –intentional effects have emerged without scientific forecasting, and may affect soil and environment properties, as well as human health. We analyse the effects of several high inputs levels related to fertilizers, herbicides, pesticides, tillage, irrigation and cattle‐food. We underline the complexity of the analysis of environmental impact of these inputs, due to the connectivity between natural and cropped ecosystems, and other human activities on short distances, which is specific of the Caribbean. Some hydrological and pedological processes prevent nitrogen pollution of water‐tables. Nevertheless, pesticide pollutions of soils, water, and food crops occurred in the FWI, as no sufficient knowledge on the transfer mechanisms and their impacts on human health were available. In such a situation, innovative cropping systems must include more biological capture of resources and regulations. We suggest some guide‐lines to improve the cropping systems, including service‐plants intercropping or rotating, crop patching, reintroducing cattle on crop farms, and a better management of organic resources. Finally, additional research on this issue should be done with a new focus, less experimental, deriving more from systemic analysis of the diverse existing cropping systems, more dedicated to functional ecology and helped by in silico experiments.
Mots‐clés :
Agriculture tropicale – Intrant chimique – Sol – Pollution azotée – Pesticide – Matière organique
3 Introduction
Depuis la fin de la 2e guerre mondiale, l’agriculture caribéenne a augmenté sa productivité, grâce à ce qu’il est convenu d’appeler une intensification. Cette augmentation a été permise par l’usage croissant d’intrants, apports de matière ou d’énergie diminuant les contraintes que supportent les plantes cultivées, ou les animaux élevés, et donc d’augmenter les rendements. Cette trajectoire ne différencie pas l’évolution générale de l’agriculture caribéenne de celle des régions tempérées, qu’elle a suivie sans délai sous des influences différentes mais convergentes : le poids des cultures d’exportation en filières intégrées et leur importance dans l’équilibre des échanges commerciaux a partout accéléré cette intensification et les intrants qui l’ont accompagnée, la plupart du temps sous la pression de l’aval. Cette motivation exogène d’intensification ne s’est pas forcément appuyée sur des paquets techniques endogènes, le corollaire étant que les intrants utilisés ou leur niveau d’application ne correspondaient pas forcément à une adéquation réfléchie à des objectifs définis. Outre le gaspillage d’intrants, on a donc inévitablement assisté à l’apparition d’effets non intentionnels négatifs, affectant de manière diverse, à hauteur de la diversité des milieux, la durabilité des systèmes de culture, l’environnement, et potentiellement la santé humaine.
Nous proposons à la session un cadre général d’analyse des risques associés à l’usage des différents intrants, et de la réalité des impacts que nous commençons à observer. Les différents intrants évoqués seront : les fertilisants chimiques, les herbicides, les produits phytosanitaires, le travail du sol, l’irrigation, l’alimentation du bétail en stabulation.
Usage croissant des fertilisants
Si la fertilisation est à l’origine d’une incontestable augmentation de la productivité, la nature des fertilisants apportés, essentiellement des engrais ternaires NPK les moins coûteux à l’importation, a pu provoquer des déséquilibres minéraux dans les sols acides des zones à forte pluviosité. Valony (1981) a montré que le potassium apporté déplace mole pour mole du calcium et du magnésium dans les ferralsols à halloysite de Guadeloupe, ce qui provoque rapidement des carences en magnésium. Le potassium étant ensuite absorbé par les racines, puis souvent massivement exporté avec la biomasse dans les cultures industrielles, il s’ensuit une acidification faisant apparaître des toxicités aluminiques (Cabidoche et van Oort 1989). Sur les Ferralsols des plateaux du sud d’Haïti, une fertilisation NPK appliquée sur un seul cycle de culture de choux handicape ensuite la culture associée traditionnelle haricot‐maïs, qui souffre d’une carence en magnésium (Clermont‐Dauphin et al. 2005). Dans les Andosols sous bananeraies des petites Antilles, un chaulage excessif aggrave le lessivage du potassium et diminue la sorption des nitrates, une composante essentielle de la fertilité de ces sols (Sansoulet et al. 2004). Plus généralement, la recherche d’un pH neutre ou faiblement acide requiert un chaulage excessif, qui déséquilibre les rapports Ca/Mg et diminue les propriétés physiques favorables des sols acides : infiltrabilité élevée et stabilité
4 macrostructurale, deux composantes essentielles de la résistance à l’érosion en nappe, diminuent si le pH augmente.
Dans certaines cultures, comme les cultures maraîchères, ou les bananeraies, les niveaux de fertilisation azotée, organique ou minérale, peuvent être considérables, dépassant de loin les quantités exportées par les cultures. Il s’agit parfois d’une compensation délibérée du lessivage de l’azote, qui diminue sa disponibilité pour les plantes (Godefroy et Dormoy 1988). On peut craindre alors une pollution des nappes phréatiques. Il n’y a pourtant pas de pollution azotée des ressources en eau dans les Petites Antilles pour trois raisons (Cabidoche 2003) : (i) les nappes, à renouvellement rapide, sous soumises à des chasses d’eau des périodes très pluvieuses (ii) les bananeraies se développent essentiellement dans les zones pluvieuses, portant des sols à capacité d’échange anionique, qui tamponne les flush de nitrates (Andosols, et, plus faiblement, Ferralsols) (iii) la dissémination territoriales des cultures maraîchères ne peut provoquer que des injections de nitrates multiponctuelles, diluées dans le flux général d’alimentation des nappes. Le risque de contamination des sols par des éléments trace métalliques n’a jamais été évalué. Les niveaux élevés en V, Ba, Zn, Sn, Cu, Cr sont pour l’instant attribuables au bruit de fond géochimique élevé associé au volcanisme des Petites Antilles (Cabidoche 2004), aux basaltes et péridotites dans les Grandes Antilles.
Usage croissant des herbicides
Très peu d’informations sont disponibles sur ce sujet dans la Caraïbe. A noter cependant que les nappes phréatiques de Guadeloupe montrent une contamination faible, mais croissante, sous les régions de grandes cultures ou les herbicides sont abondamment appliqués.
Usage intense des produits pesticides
Les contraintes parasitaires sont particulièrement vives aux Antilles. Outre les conditions climatiques propices à leur développement, les milieux insulaires ne comportent pas forcément les auxiliaires de régulation naturelle des parasites. Ce phénomène a bien sûr été aggravé par l’intense importation de plantes exotiques apportant avec elles leur cortège de parasite, par l’absence de rotations, et par l’exploitation de grandes surfaces monospécifiques de cultures d’exportation. Les traitements sont donc fréquents, mais aussi souvent surabondants. Les surdosages sont soit délibérés, soit provoqués par l’illettrisme de certains applicateurs qui ne peuvent lire les modes d’emploi. Ces applicateurs encourent de plus des risques sanitaires par défaut de protection. Par ailleurs les traitements intenses et durables réduisent singulièrement la biodiversité, en particulier les populations d’auxiliaires régulateurs, en finissant par laisser le champ libre au parasite cible, très momentanément contenu (Clermont‐Dauphin et al. 2004). A la Guadeloupe, cela a été aussi le cas lors de l’invasion des cultures de melon d’exportation par le Thrips palmi.
5 Une multitude de molécules a été appliquée par le passé, à fortes doses, sans traçabilité, sans références écotoxicologiques. On en connaît mal aujourd’hui les conséquences. C’est particulièrement vrai pour les pesticides organochlorés, dont les usages ont été autorisés plus tardivement que dans les régions tempérées. Le dernier en date, la chlordécone, bien que son application n’ait plus lieu depuis 1993, a créé aux Antilles françaises une crise de pollution majeure (Cabidoche, 2004). On a d’abord détecté une pollution de certaines ressources en eau, puis une contamination durable des sols de vastes zones autrefois bananières, puis des organes souterrains de plantes récoltés. Un contrôle drastique de la contamination des sols a été mis en place, mais l’agriculteur doit fournir la preuve que sa culture est indemne s’il a pris le risque de cultiver sur un sol contaminé, pour pouvoir commercialiser ses produits. Si ce n’est pas le cas, il doit détruire sa récolte. Cette crise intervient alors que les mécanismes régissant les transferts de la chlordécone dans les différents sols, dont les matrices minérales sont particulières, dans les eaux et dans les plantes ne sont pas connus. Ils font l’objet de recherches « pompier », nécessaires si l’on veut définir un niveau « acceptable » de chlordécone dans les sols, en regard des Limites Maximales de Résidus définies par les Agences de Santé Publique.
Enfin, la contamination des biocénoses d’eaux douces et côtières est avérée. Pourtant, deux alertes, restées trop confidentielles, avaient été données par la recherche : Snegaroff (1977) avait montré la pollution des eaux et des sols, Kermarrec (1980) avait signalé la contamination de vertébrés terrestres et d’invertébrés aquatiques.
Labours fréquents et profonds
Les effets attendus du labour sont multiples : aération du sol, stimulation de l’activité biologique, notamment pour la minéralisation de l’azote, dimensionnement d’une structure optimisant les enracinements, désherbage et nettoyage du pool semencier de mauvaises herbes…Cependant rien n’explique, sinon une puissante mécanisation non réfléchie, pourquoi dans les cultures mécanisées des Antilles, les labours ont été si profonds et répétés. Si la fonction de désherbage est correctement assurée, les autres le sont de manière douteuse, en particulier compte tenu de la richesse en argiles des sols de la Caraïbe. La minéralisation de l’azote est probablement amoindrie par la dilution du stock organique (Feller et al. 2001). L’activité macrobiologique des vers est anéantie (Clermont‐Dauphin et al. 2004). Le drainage est handicapé par la semelle de labour lissée qui se forme dans des sols argileux inévitablement humides et plastiques au moment d’au moins un des passages d’outils. Les racines ont du mal à dépasser cette semelle. La porosité structurale intra‐agrégats, importante pour la réserve en eau des sols en regard de la faible disponibilité de l’eau des matrices argileuses (Cabidoche et Guillaume 1998), est diminuée par pétrissage. Finalement, la disponibilité de l’eau pour les plantes est affectée, particulièrement dans les vertisols des zones les plus sèches (Cabidoche et al. 2000). Si de plus ces vertisols ont une garniture magnésienne et sodique dans les couches profondes, on remonte en surface des argiles très dispersables, extrêmement susceptibles d’érosion superficielle (Blanchart et al. 2000). Enfin, les
6 travaux du sol profonds ont parfois enfoui des pesticides organochlorés rémanents et hydrophobes, interdisant toute dépollution par décapage des couches superficielles.
Pourtant, la culture de la canne à sucre avec pour seul travail du sol un sillonnage léger permet d’obtenir en premier cycle des rendements équivalents à ceux des cultures ayant subi 5 passages d’outils. Aux Antilles françaises, l’adoption du travail minimum du sol est cependant retardée chez les petits agriculteurs, qui confient leurs labours à des prestataires équipés de tracteurs puissants, à quatre roues motrices leur permettant de travailler dans des sols humides, chers, qu’il faut donc amortir par le maximum de travaux.
Irrigation appliquée en excès
Le développement de périmètres irrigués, depuis les années soixante, n’a pas été accompagné par des formations des agriculteurs à la maîtrise de l’eau. L’accès à l’eau agricole, outre la déstabilisation des savoir faire qu’elle entraîne en autorisant des spéculations nouvelles, s’est partout accompagné d’apports d’eau excessifs. La première conséquence est le gaspillage d’une ressource en raréfaction, engendrant d’inévitables conflits entre les usagers (habitants, hôteliers, industriels, agriculteurs). Cet excès d’apport est particulièrement contre‐productif dans les sols argileux gonflants des zones sèches de la Caraïbe, car l’irrigation excessive entraîne une asphyxie des racines (Cabidoche et Ney 1987). Même si des outils adaptés d’aide à la décision ont été conçus comme THERESA (Cabidoche et Ozier‐Lafontaine 1995 ; Guillaume et Cabidoche 2001), ils restent peu utilisés car les agriculteurs ont une assiduité technique réduite à cause du temps affecté à d’autres taches, notamment la commercialisation. Une conséquence paradoxale de l’irrigation excessive est de diminuer la qualité de réservoir d’eau et de minéraux des sols argileux : elle empêche la création des pores tubulaires les plus fins, d’un diamètre de 10 à 30 µm, par les radicelles et les hyphes des mycorrhizes et actinomycètes dans les couches profondes (Cabidoche et al. 2001), alors que leur fonction de réservoir d’eau instantanément disponible est importante (Cabidoche et Ruy 2001). Par ailleurs, dans bien des régions de vertisols supportant des nappes légèrement salée, ou arrosés avec de l’eau légèrement salée, la « pompe » racinaire devient trop superficielle et entraîne une salinisation des couches de surface. Plusieurs millions d’hectares de vertisols ont ainsi été stérilisés dans la Caraïbe, à Cuba, Haïti, Sto Domingo. Enfin, lorsque les cultures irriguées reçoivent une fertilisation excessive, l’excès d’irrigation, candidat au drainage vers les nappes, peut être fortement concentré en solutés notamment en nitrates. C’est sous ces situations que le risque de pollution azotée des nappes est maximal dans la Caraïbe (Cabidoche et al. 2003).
Alimentation du bétail en stabulation
Nuisances olfactives, pollution des ressources en eau (azote, anti‐helminthiques) sont classiquement associés aux élevages industriels. Les Petites Antilles échappent pour l’instant à ces questions, qui ne restent que perspectives, l’élevage étant en général très disséminé. Cependant plusieurs porcheries industrielles sont en cours d’installation en Guadeloupe ; à la Martinique, la production de viande porcine s‘est
7 accrue de 350t à 800t/an entre 2003 et 2004. La question de la dépollution des effluents et la recherche du meilleur recyclage des matières organiques issues de ces élevages se pose d’ores et déjà.
Monocultures et intensification
L’intensification poussée est généralement appliquée à des mono‐ spéculations, mais toutes les monocultures ne sont pas également intensives. Si les cultures fruitières d’exportation représentent un extrême d’intensification monoculturale, il n’en est pas de même, par exemple, de la culture de la canne à sucre, qui couvre de larges surfaces aux Antilles. En témoignent les rendements moyens, autour de 60 à 70 t/ha/an, très éloignés du potentiel de la plupart des variétés, supérieur à 120 t/ha/an. Des progrès objectifs ont été réalisés dans la durabilité de cette monoculture, notamment grâce à l’arrêt du brûlage, et à la restitution organique importante que permet la coupe mécanique : le mulch formé à chaque coupe permet d’alléger la fertilisation azotée, de stimuler l’activité biologique globale, d’économiser l’eau et de diminuer les désherbages. Le cortège parasitaire de la canne comporte peu d’espèces, et leur impact est la plupart du temps marginal. La canne à sucre ne reçoit ainsi pratiquement pas de pesticides.
Les monocultures intensives ont des atouts, qui ont fait négliger les risques jusqu’à la fin du siècle dernier, parmi lesquels on peut noter : l’intégration de filière et les économies d’échelle qui lui sont associées, un meilleur amortissement des équipements spécialisés, et globalement une professionnalisation des agriculteurs qui bénéficient d’un encadrement efficace.
La prise de conscience des risques associés aux monocultures intensives et de large extension spatiale a été tardive, mais rapide. A la fragilité économique se sont ajoutées des explosions parasitaires couplées à une perte de biodiversité, qui ont augmenté le besoin d’apports de pesticides d’application coûteuse. Puis a émergé la prise de conscience des risques agri‐ environnementaux. Ces derniers ont été soulignés par des pollutions avérées des eaux ou des aliments par les métaux ou pesticides, à gérer dans l’urgence sans référentiel scientifique sérieux, dans un contexte d’inquiétude citoyenne immédiate, aboutissant à des expertises puis des réglementations hâtives.
Ces crises ont en tout cas montré le besoin de connaître, dans les écosystèmes tropicaux (i) les propriétés et mécanismes de stockage, transformation, transfert des éléments et molécules dans l’environnement (ii) le fonctionnement des biocénoses. Ces aspects sont compliqués dans les contextes insulaires caribéens qui se caractérisent par une diversité, une promiscuité et une connectivité des milieux et des activités qu’ils supportent, assurées par une population dense. Par exemple dans les Petites Antilles, s’étagent de haut en bas, sur quelques kilomètres, des espaces forestiers souvent protégés, au contact immédiat de cultures ou d’élevages intensifs, ou de cultures moins intensives (canne à sucre), des périmètres irrigués intensifs (notamment maraîchers), proches des écosystèmes récepteurs côtiers (mangroves, récifs coralliens). Par ailleurs on constate une imbrication étroite des agro‐systèmes, des activités agro‐industrielles et d’une urbanisation rapide dont les déchets sont
8 loin d’être correctement traités. Cette imbrication rend difficile le diagnostic des sources d’éventuelles pollutions des écosystèmes côtiers, notamment par les métaux ou par l’azote. Le risque est grand de conclure sur des faux semblants.
Comment dés‐ intensifier raisonnablement
Même si les cultures intensives ne doivent pas être considérées comme la source de tous les maux, les risques qu’elles font courir à l’homme et à son développement durable sont suffisants pour que l’on réfléchisse à une dés‐intensification raisonnée, s’appuyant plus fortement sur les ressources et les régulations biologiques. Plusieurs axes de solutions innovantes (ou revisitées et réintroduites) sont envisagés, ainsi que leurs échelles d’application. Pour diminuer l’application de fertilisants chimiques, il faudra privilégier les captures biologiques et le recyclage organique :
¾ Installer des associations ou rotations de légumineuses et optimiser le volume exploré par les plantes cultivées pour la capture de l’eau et des nutriments, notamment par les systèmes racinaires et les mycorhizes (parcelle)
¾ Réhabiliter la polyculture + élevage (exploitation)
¾ Encourager les mosaïques de systèmes de production divers (territoire) ¾ Organiser le recyclage des déchets organiques (région)
Pour diminuer l’usage des herbicides, il faudra maintenir sur le sol un couvert maîtrisé:
¾ Installer des associations de plantes de services, utiliser des mulchs (parcelle) ¾ Travailler le sol en surface, griffer (parcelle)
¾ Réhabiliter la polyculture + élevage, la jachère prairiale pâturée ayant déjà fait ses preuves fonctionnelles (exploitation)
Pour diminuer l’usage des pesticides, il faudra favoriser les régulations biocénotiques par la biodiversité, et développer la lutte biologique :
¾ Rechercher des variétés résistantes
¾ Identifier, manipuler des auxiliaires régulateurs des parasites, maintenir leurs biotopes ¾ Installer des associations de plantes de services régulatrices, des rotations (parcelle) ¾ Réhabiliter la polyculture + élevage (exploitation) ¾ Echelonner les cultures à contre flux des parasites (territoire) ¾ Encourager les mosaïques d’espaces cultivés et non cultivés (territoire)
9 Un challenge pour la recherche agronomique, demandant une révolution de méthode
¾ La plupart des questions posées ne peuvent être résolues par l’expérimentation en station, même si celles‐ci restent indispensables.
¾ Les axes de recherche majeurs devront être confortés par un diagnostic agronomique, utilisant la diversité des systèmes de culture (approche « space for time »).
¾ Un effort en écologie fonctionnelle, par essence pluridisciplinaire, est indispensable. ¾ La modélisation du fonctionnement des agrosystèmes sera nécessaire pour tester les
multiples combinaisons ou successions évoquées, dans le temps et dans l’espace. ¾ La pertinence des simulations qu’elle produira sera à la hauteur de celle des
segments de mécanismes qui y auront été introduits ; si l’écophysiologie de quelques plantes majeures est bien connue, beaucoup de plantes tropicales sont encore « orphelines ». Quant aux facilitations et régulations biocénotiques, beaucoup reste à découvrir sur ce sujet.
10
Bibliographie
Blanchart, E., W. Achouak, A. Albrecht, M .Barakat, G. Bellier, Y.‐M. Cabidoche, C. Hartmann, T. Heulin, C. Larre‐Larrouy, J.‐Y. Laurent, M. Mahieu, F. Thomas, G. Villemin, and F. Watteau. 2000. Déterminants biologiques de l’agrégation dans les vertisols des Petites Antilles. Conséquences sur l’érodibilité. Etude et Gestion des Sols, 7 : 309‐328.
Cabidoche, Y.M., and B. Ney. 1987. Fonctionnement hydrique de sols à argiles gonflantes cultivés. II‐ Analyse expérimentale des fonctionnements hydriques associés à deux états structuraux en vertisol irrigué. Agronomie, 7, 4 : 257‐270. Cabidoche, Y.‐M., and F. van Oort. 1991. Problèmes posés par la caractérisation, à l'échelle de la parcelle, du statut cationique de sols ferrallitiques de la Guadeloupe, pp. 294‐309. In actes du colloque, 25th annual meeting of the Caribbean Food Crops Society, 2‐8 juillet 1989, Gosier. INRA, Petit‐Bourg, Guadeloupe (France). Cabidoche, Y.‐M., and H. Ozier‐Lafontaine. 1995. THERESA: I. Matric water content measurements through thickness variations in vertisols. Agricultural Water Management, 28: 133‐147.
Cabidoche, Y.‐M., and P. Guillaume. 1998. A casting method for the three‐ dimensional analysis of the intra‐prism structural pores in Vertisols. European Journal of Soil Science, 49: 187‐196.
Cabidoche, Y.‐M., P. Guillaume, C. Hartmann, S. Ruy, E. Blanchart, A. Albrecht, M. Mahieu, W. Achouak, T. Heulin, G. Villemin, F. Watteau, and G. Bellier. 2000.‐ Déterminants biologiques du système poral de vertisols cultivés (Petites Antilles). Conséquences sur la disponibilité de l’eau des sols pour les plantes. Etude et Gestion des Sols, 7 : 329‐352.
Cabidoche, Y.‐M., and S. Ruy. 2001. Field shrinkage curves of a swelling clay soil: analysis of multiple structural swelling and shrinkage phases in the prisms of a Vertisol. Australian Journal of Soil Research, 39: 143‐160.
Cabidoche, Y.‐M. 2003. Gestion de l'azote dans les D.O.M. insulaires. Etat des lieux, besoins de recherche. Expertise pour le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, septembre 2001. INRA Antilles Guyane, Unité Agropédoclimatique de la Zone Caraïbe, Petit‐Bourg, Guadeloupe (France), 68 p.
Cabidoche, Y.‐M., P. Cattan, M. Dorel, and J.‐M. Paillat. 2003. Intensification agricole et risque de pollution azotée des ressources en eau dans les départements français d'outre‐mer insulaires : surveiller en priorité les pratiques agricoles dans les périmètres irrigués. In S. Marlet et P. Ruelle (Eds), "Vers une maîtrise des impacts environnementaux de l'irrigation". Actes du séminaire, mai 2002, Montpellier, France. Cirad, Montpellier, France, CDROM.
Cabidoche, Y.‐M. 2004. Eléments particuliers de l’écotoxicologie tropicale : cas des Départements français d’Outre‐Mer. In M. Babut et C. Bastien‐Ventura Eds, Acte du Colloque « Programme National d’Ecotoxicologie » (PNETOX), 29‐30 mars 2004, Lyon, France. Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, Paris, CD‐ROM.
11 Clermont‐Dauphin, C., Y.M. Cabidoche, and J.M. Meynard. 2004. Effects of intensive mono‐cropping of bananas on properties of volcanic soils in the uplands of the French West Indies. Soil Use and Management, 20 (2): 105‐113.
Clermont‐Dauphin, C., Y.M. Cabidoche, and J.M. Meynard. 2005. Diagnosis on some aspects of the sustainability of low input cropping systems in a tropical upland of Southern Haïti. Agriculture, Ecosystems and Environment, 105: 221‐234.
Feller, C., A. Albrecht, E Blanchart., Y.‐M. Cabidoche, T. Chevallier, C. Hartmann, V. Eschenbrenner, M.‐C. Larré‐Larrouy, and J.F. Ndandou. 2001. Soil organic carbon sequestration in tropical areas. General considerations and analysis of some edaphic determinants for Lesser Antilles soil. Nutrient Cycling in Agroecosystems, 61 : 19‐31. Godefroy, J., and M. Dormoy. 1988. Dynamique des éléments minéraux fertilisants dans le complexe « sol‐bananeraie‐climat ». Application à la programmation de la fumure. III‐Cas des andosols. Fruits, 43 : 263‐267.
Guillaume, P., and Y.‐M. Cabidoche. 2001. Stratégies de gestion des irrigations sur les vertisols de Guadeloupe. Agriculture et Développement, 24 : 132‐140.
Kermarrec A. 1980. Niveau actuel de contamination des chaînes biologiques en Guadeloupe : pesticides et métaux lourds. INRA Antilles‐Guyane, rapport de contrat avec le Ministère de l’Ecologie, Petit‐Bourg, Guadeloupe (France), 155p.
Snegaroff J. 1977. Les résidus d’insecticides organochlorés dans les sols et les rivières de la région bananière de Guadeloupe. Phytiatrie‐Phytopharmacie, 26: 251‐268. Sansoulet J., Y.‐M. Cabidoche, P. Cattan, C. Clermont Dauphin, L. Desfontaines, and C. Malaval. 2004. Solute transfert in an andisol of the French West Indies after application of KNO3 : from the agreggate to the field experiment. “Volcanic Soil
Ressources in Europe”, COST Action 622 final meeting, June 4‐8 2004, Reykjavik, Iceland (poster). Rala Report. 214: 111‐112 (summary).
Valony M.‐J. 1981. Contribution à l'étude du transfert du chlorure de potassium dans un sol ferrallitique à drainage rapide. Mémoire de DEA Agronomie, option Pédologie, ENSAM‐USTL Montpellier, 26 p. + annexes