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.LA TYRANNIE ET LES TY·~S
. DANS 'L'OEUVRE ROMANESQUE DE STENDHAL
(~)
by'Danielle Cohen
, ,
A thesis submitted to
The Faculty of Gradua'te "Studies and Research McGill University
.
In partial fulf~lment of the requirements
\
for the degree of Master
'of
ArtsDepartment of French L~9uaqe
and
Li
terature \..
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Ty~annie Beyle CChêrubin), tyranrie Ralilane, tyrannie
.
\
Daru, tyrann~e Restauration, tyrannie Misêre, tyrannie Rigny,
.
tyrannie Lysimaque, -- sans camp~er tyrahnie Louason, tyrannie Pietragrua, tyrannie M~tilde, tyrannie Curial, etc .•• etc •.• , on n'en finit pas de d~nombrer tous les tyrans des deux sexesri
qui,
a
un moment: ou l'autre de s'on existence, ont tent6 de' s'emparer du bien le plus prêcieux de Stendhal: sa libert6.s'il a douloureusement souffert de ces tyrannies dans sa
/
vie terrestre, il s'est bien veng6 des tyrans dans son oeuvre romanesque. Ils l'ont"hant~. Il en a mi,s partout, de 'tout poil et de toute origine, et il s'est ouvertement c0!'1plu
a
les peindre dans tous les d~tails~e leurs bassesse~, de leurs 'vilenies et de leurs ridicules. Mais, en gentilhomme de lJttres,il n~ s'est attaqu~ qu'aux hommes.
Le prêsent mêmoire s'efforce dl ide,ntifier tous les tyrans n6s de l'~xp6rience et de l'imagination de Stendhal. Il les, classe selon les trois principales formes 1 de tyrannie
politique, religieuse, familiale ~-·qulils'illustrent. Il d~mon
te les rouages de leurs machinations, et en e~an.'ine les causes et' les effets. Il leur oppose leurs victimes, lés §tres purs --Julien, Lucien, Fabrice ~- qui lu~tent contre leurs'm'faits pour l'êdification des "happy few". Il conclut sur le contraste entre la conduite de Beyle dana sa vie, et celle du Stendhal dont le vrai
,
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mdti:er" "e~t 4'~crire des romans dans un grenier."
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j,. :; ", ABS 'l'RAC '1'Beyle (Çherubin (
tyra~ny,
Raillane tyranny, Daru tyranny,"
Restoration tyranny, Misery tyraI)ny, R~gny tyranny, Ly:simaq~e
tyranny -- and a1so Louason tyranny, Pietragrua tyranny, Métilde tyranny, Curial tyranny, etc.' -- the list is endless of the' tyrants of both sexes that at one" time or another have attempted during Stendhal' a 'lifetime to get hold of his most precious possession: his freedom.
Although he has painfully sustained such tyrannies during
t~
his earthly life, he took due revenge on the tyrants 1,n his
fictional worka. They obsessed him. He inserted them everywhere, \
under different aspecta or origina, he took pleasure in pQrtraying
1
their meanness, their deceitfulness and their absurdity. But as a gentleman writer his attacks were limited.to those of his own
5~)(· ..
This the.r.tsattempts to identify those tyrants 'born from Stendhal' s experience and imagination. It cateqorizes them "according to the three main forms of tyz:anny they personify:
pOlitical, religious and family tyranny. It exposes the motives behind their plots while examining their causes and their effects.
,
I~ alsooconfronts them with their victims, straightforward
individuals such as
Julien~
Lucien and~rice, w~o
continuously try to neutralize their wrong-doings', for the benefio/ 'Of thehappy few. By way of conclusion, i t stresses the contrast between
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the conduct of Beyle dur1ng his U.fetime and that of Stendhal whose
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real occupation "was the writing ;bf fictional Works in an attic."
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chapitre'" lU La Tyrannie religleu8e ... " , • '0 ••••• 11 • • • • • • • • , • • • • • • page 811 Chapitre IVLes Tyrans domestiques ...
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• • o • • page 1481
Bi~liographie •• ~ ••.•••...
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"Les mots libert~, justice~ bonheur du plus grand nombre sont. infl s et criminel:s •.• " l C'est du moins
ce que déclare "Mo ignore" oèl Dongo
a
son retour de Naples,a
la premiare audien e que lui accorde l'Al tesse S6r~nissimeexerçant l Parme un po voir absolu.
Sans doute Stendhal a-t-il mis délib~rément dans la bouche '_.-de son héros favori '_.-des propos dont l 'hypocrisie est si '
\
man'ifeste qu'elf~ne trompe personne, mime pas le prince',
qui s'y connatt erlmensonges.
Mais le romancier n'a-t-il pas cédé également au ,plais;r "
..
de jeter, une fois de plus, sur le papier lès mO~8-clefset' de
.
liberté, jus t.ice 1de sa vie son oeuvre: bonheur?
i,
.. ~ l!Jo, J
Et surtout bonheur, dont. les deux autres termes sent d~s
composantes. 1 Il
Il serait superflu de rappeler
a
quel point "la c~s~ au bonheur" fut une constante beylienne. Mais i l nous para'1t utile d'esq'4isser'a, grands traits comment cette chasse achangé de caracta!e, de m~thode et d'objet avec le passage
du temps.
1. La Chartreuse de Parme, p.U 7
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l 2A ses d6buts dans la vie, Stendhal a pris exemple sur les philosophes matErialistes qui lui semb1aient"avoir le mieux dêmontê la machine humaine. (
Avec une nal vetê touchante 1 il s'est mis a noter ,dans son
Journal comme dans sa Correspondance la conduite des hommes et femmes de son entourage et cell;.ë des hêros de th68tre et de roman. En m8rne temps, i l les analysai t avec tout le d'tachement dont il 6tait capable pour appr6hender 1
tra-,
.
vers des comportements visibles, sentiments cachêa et
pas-, \
sions secr~tes. Ces exercices d'apprenti devaient. " croyait-il, l'aider 1 pên'6trer le fond même de la nat humaine, 1 mattriser ses propres sentiments et
.
-a
en quer che z a'utrui. Le bonheur 6tai t d'apprendre, et objet, la v6ritê de l'homme. Si ces 6tudes ne l 'o~t pas IJ' condui t 1 ~une "logique des passions fi, eiles ont eu l'avan-~ ~ ,
tage de le d6barrasser du sentimentalisme rousseauiste dont
.r-f:..-on le voit encore imprêgn6 l son retour
a
Paris, en 1802.\
Ce scientisme prêcoce, auquel l'avaient initi6,
.
condilla~) ~'HOlbach et Tracy, n'a pas rêsistê aux chocs
6motifs
tJa
vie r6elle et sentie. Aprês deux annêes austêres,oU le n60phyte picore,deci, dela, des miettes de savoir - de la d~,clamation des alexandrins awc rêgles de la syntaxe anglaise - entrent en seine,' en 1805, Victorine et LOUAson.ï
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<, , " 3Du coup, les philosophes sont
re1~gu(!!s
AI la cave, et le bonheur red(!!fini. Ce n'est plus le vrai 'qui compte, mais l' appj!lrence, et la fringale de savoir fait placea
1 ,'ap-p(!!tit 4e s~voir-faire. Bey~e succomb~ aux s~ductions du monde onil
a pire~
faire bonne figure avant de se lancer! sa conqu en habit bronze-cannelle et ,jabot superbe. 'Il ne se r(!!occupe plus quêre du genre humain. Le
deux-ilme sexe l'absorbe totalement. Le bonheur,c'est l'amour.
Vingt-cinq' ans plus tard, la vie aura transfor (!! notre' homme. Il aura beaucoup aim~, beaucoup souffert et eau .. coup appris. Avec les années, la calvitie, l'obésfié\ la maladie, il se trouvera r(!!duit
a
~6ver
d'amoursirr~a~i~a
bles. Le hussard avide de sensations cêdera le pas au\ro-~ancier
cr(!!ateur~'éPigOneS
--/ulien, Luci.en, Fabrice~
qui, eux, connaItront le parfait bonheur du parfait amour. Stendhal s'apercevra que "le vrai bonheur de l'animal est".
d'écrire des romans dans un grenier".
Entre temps, la vie lui aura enseigné une autre du~e leçon: le bonheur d'un Français qui a , dans~ de joie en apprenant l'ex~cution de Louis XVI est inséparable du bonheur de sa nation. Or, depuis 1814, la France, estime
Ste~dhal, est loin d'être heureuse. Elle qui avait ,jet~
1
o 1
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4
a
la face du monde la Déclaration des Droits de l'Homme, guillotiné ses tyrans, et bousculê l'armée prussiennea
,
Valmy, se retrouve, apr~s l'épopêe napoléonienne, livrêe
J, •
a
de ,nouveaux tyrans imposês par des puissances ennemies, p10ngêe dans i ' obscurantisme du rêgime de "l'éteignoir"/ et dans la PuPtion du "gouvernement des girouettes". Le chemin du bonheur passe désormais par la politique:' une nouvelle rêvolutio~ e s t ! faire.On se prend parfois
a
regretter qu'un homme si intelligent,
ait mis si longt~mps ! le comprendre, et qu'il ait, par exemple, êcri t au Gênéral Dupont que· M. Henri de Beyle
"adh~re avec empressement aux actes passés par le sénat
depuis le 1er Avril 1814". 1 ,
Mais Henri de Beyle n'est qu'un fonctionnaire mis! pied, , avec de lourdes dettes e't pas de ressources, réduit
a
fairefl~che de tout bois. Henri de Beyle est un vaniteux
qué-mandeur qui
s~l
con ten terai t du ti tre d'Inspecteur honoraire du mobilier de la Couronne: "l' honneur de servir le Roi me suffit". 2 Heureusement cette crise d'aveuglement/etde pan~que sera br~ve: dês la fin de mai 1814, i l s'ëst
résolu
a
quitter une France dont i l abomine le climat poli-tique et ! partir finir ses jours en Italie. Il exécute son projet ~omptement. Il quitte Paris le 20 juillet pour1. Corresp?ndance: Pléiade,Tome I, p.766
2. Ibid. PlcHade,Tome l, p.772. Lettre au Comte de Blacas.' , '
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arriver à Milan le 1'0 'Aont. ~e passage du Mont-Cenis est le grand versant de sa vie: c'est un m~diocré Monsieur de
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--Béyle qui gravit les"Alpes, mais c'est un autre homme 'qui les descend vers Turin,- qui se nOJlUTlera désormais Stendhal.
7,
L' éXi1~ volontaire ne Cil~pouil.le pas son libéralisme:
i l lui ,devra sàn expulsion de Milan. Et puisque Paris est la seule ville où i l peut e spêrer ga:gne~ sa vie de sa pl ume,
i l lui faut s'y établir. Le voici journaliste,! même
d'~-~
crire ce qu'il pense de la France, de son gouvernement et Q de ses gens en place. Mais i l ne l '~crira pas pour les Français: le Courrier Anglais en fait foi. Pendant ces ar.mées que chroniq,uent les Souvenirs d'Egotisme, les
convictions_ p'~litiques de Ste.ndhal se durcissent au contact de l'expérience. La-liberté de penser et d 1 éc~ire, l' ~ga
li té devant la loi, l' int~gri té de l' apparei 1 judiciaire, le gouvernémen-t des deux chambres, sont les conditions nécessaires, sinon suffisantes, de son bonheur personnel. Il se sait différent de la masse de ses concitoyens, il demeure l'aristocrate intellectu~l qui ~ s'adresse qu'aux "happy few" - mais i l se sait solidaire de la soci~té de _ son temps, et responsable, . selon ses moyens, de son progrês,
On ne le verra pas sur les barricades au cours des Trois Glorieuses - ce n'est pas un homme d' action- - mais i l publie-r'a Le Rouge et le Noir,
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6 ' 1-Le voici engagé dans la dénonciation de la tyrannie sous toutes ses formes, et des vices qu'elle engendre: cruauté, cupidi t~, hypocrisie, bassesse.
A cette tâche Stendhal consacrera ses derni~ré-s-années' . La condamnation du pouvoir injuste exercé par des hommes' ou des groupes sur dl autres hommes "et d'autres groupes, 'deviendra le leit-motiv de son oeuvre.
Quiconque attente à la liberté est un tyran, que ce- soit la liberté du peuple, la liberté de conscience, ou la liberté domestique.
La tyra»nie a existé en tous temps et en tous pays. Le grand Napoléon lui-même n'a pas -êchappé à son insidieuse intrusion: comment soumettre l~,s peuples sans restreindre
leur libe'rté, sans les contraindre par la peur?
Tout~pou-voir qui se veut absolu est tyrannique. C'est donc un tyran que le neveu de Daru a servi avec -z~le • Mais les yeux gr ands ouverts et non sans d~ graves réserves. Il n'a jamais été
un admirateur inconditionnel de ,1 ' Empereur. Cert~s il l'a
(j
~ \ .
porté aux nues lorsque ce dernier s'est fait le c~ampion de
la R~pub1ique et de l'héroisme, m~is i l a d~testé en lui le
tyran militaire et administratif, le despote d~vor~ d' ambi-tion. Pourtant dans ses romans, c'est'.le-'Napoléon-héros que
@ Stendhal dépeint toujours, parce qu'il le voit il travers d.es yeux d'adolescent: épris de liberté et d~ gloire.
·
...
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:1J o 7d'
Julien Sorel, I].ucien et Fabrice ne. sont qu.' un reflet du
Stendhal .qui a sàluê en Bonaparte le mythe de la grand~ur.
Ce que l'auteur regrette avant tout c'est moins l'homme '
que l'êpoque h~rOiqu~il a fait.naître, e~" dont il se
"- '
sert ! pr~sent pour,l'QPposè~,
a
la m~diocrit~ de laRestau-ratio~ et de la Monàrchie de Juillet.
1)
,Ces r~gimes, pour lui, rel~vent de la tyran~, non par un
exe~cic~ cruel du pouvoir, tel n'est pas le cas,-- Stendhal
leu~ r~connart le m€rite d'avoir instaur~ le syst~me
parle-D "
mentaire qui lui est, ch~r-- mais parce <1\.1'ils n 'ont pas tenu
l'engagement de li~rt~ et d'~ga1it~ politique qu'un tel
syst~e pr~supposait. ~_ ) •
La noblesse
exi~r~e
de pouvoir, est~venue
en·force, non pour êpo~ser les idées nouvelles inspir~es par
la R~volution, mais pour revendiquer les places fortes du
, ,
gouvernement. selon les principes d'une monarchie absolue
dé8u~te, tout en se prot~geant derrière là Chaite~
La sociét~) d~ même coup,se retrouve h~~iarchis~e: la libert~
.
/poli tique est un leurre;
SeU1S-\1~~"~<?b{es
et les riches 1 ontdroit de vote,' et le clergé- qui a toujours
,
~tê le plus sûr'
garant de la monarchie, reprend .son pouvoir occulte. '
TOut cela sous-entend
~ ~systè~e
de privilèges qui~ntraine
fatal,ement 1 f iIïjustice sociale, là corruption et la bassesse.
Car il faut s' abaisser pour plaire aux tyrans j l' hypocrisie ,
est de rigueur tout comme la doci~ité ~t le conformisme sont
,
1
(;
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\
8
encouragés pour acc~der aux faveurs. La liberté, par
consé-quent se trouve sérieus~ment compromise.'
A l'enc~ntré de~ tyrannies cruelles, celles que décrit
Stendhal sont sournoises, cauteleuses, elles sont de celles "qui n'osent pas dire leur nom", l comme le dit si justement
Maur~ce Bard~che, et auxquelles le libéralisme de Stendhal'
voue une haine impitoyable.
Tel est le monde stendhalien dans lequel évoluent des héros,
9ui, de même que leur créateur, so~t en ~ésaccord profond
avec leur temps. L'~nergie qui les anime ne vise qu'un seul
~ ~
but: la poursuite du bonheur, dont' malheureusement la course est entravée par des contraintes politiques, religieuses et
\\
..
familiales.
/ .l,Le présent mémoire se propose donc d' analyser ~1es
di-/ ' verses formes de tyrann;ie auxquelles s'attaque Stendhal,
grou-... · h
.
pées" pour plûs de clarté, selon des domaines bien définis.
ILes deux premiers chapitres se concentrent sur la tyrannie
et
les tyrans poli tiques _ - d'une part les dirigeants, del'autre, les subalternes, - le tr~i~me,' sur le pouvoir
<-religieux ~ui a partie lié~ avec les précédents; le quatri~me
est consacré! la tyrannie domestique. Dans ce dernier
cha-O'
pitre, on notera, plus que dans les autres, l'apP9rt
"
.
1. M. Bard~che, Stendhal Romancier, p.125
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.9d'ê1êments au~obiographiques qui jouent un raIe significatif
dans l' êlaboration des romans de Stendhal.
.'
Toutes le~ notes, en bas de page t se rêfêrant ,aux' oeuvres'
romafiesques de Stendhal se rapportent aux deux volumes de la Plêiade. Romans et Nouvelles, Tomè l" 1972
" t ,TOme II, 1968.
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CHAPITRE lLA TYRANNIE Dts HOMMES D'~TAT
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L
Il
I- RANUCE-ERNEST
IV
DANS LA CHARTREUSE DE PARMEQuatretannêes se
so~t ~coulêes
entre lar~daction
deLucien Leuwen qui d'ailleurs est rest~ inachevé, e.t cell,e
\
de La Chartrevse de Parme, quatre années durant lesquelles
;
Stendhal, en ~olitique, va s'~loigner de plus en plus des
partis-pris
9~gmatiques
pour adopter une attitude proche dudétachement.
Il s'est aperçu, en effet, que la république dont il exal-tait le principe, demeure une utopie, d'autant plus qu'il
l'associe désormais, ~ tort ou
a
raison, ! l'exemple desEtats-Unis. Qu'y voit-il essentiellemènt? Une tyrannie
du peuple et de l'opinion. l Aussi, Stendhal,
fonci~rement
aristocrate,refuse-t-il d'y souscrire.
Quant
a
la Constitution appuy~e sur les deux Chambres qui"
garantissait ~e certaine libert~ aux Français, elle ne
lui parait pl~s aussi sublime qu'en 1835, ~tant donn~ la
vanit~ des luttes oratoires que se livrent au Parlement
les partisans de VGuizot et de Thiers.'
Cepend'an t sa haine des régimes d' oppress ion. res te intacte._
Revenu de bien des ill~sions il se-contente du stat~ quo~
Aussi écrit-il en 1837:
1. Stendhal,se platt
a
revenir sur cette idée,en particulierdans Lucien Leuwen, p.13S8~, chap. LXV.
,
\>.'
1" \
o
j
12
,"Quant! moi, je d~sire le fuain4en 'pur et simple de ce qui est". l
Stendhal serait-il devenu conservateur? En apparence
Beu-o
lement car dans cette dêclaration il y a plus de r~signation
lass~e que de r~elle conviction. Il sait fort bien que
l'~tat politique et social est loin de le satisfaire.
On sent dans cette boutade le d~tachement de l'homme las
de se battre vainement et qui se retranche derriêre
l'atti-tude, qu'au fond il a toujours eue: celle d'un aristocrate
content de l'être et observant, de loin,l'agitation effrênêe
des nations cherchant leur d~finition de lalaibert~.
Cette ___ ~tti tude, il la transmet de .toute évidence aux personnages principaux de La Chartreuse de Parme.
Ainsi s'explique le manque de convictions politiques chez Fabrice, ia parfaite indiffêren'ce de Gina pour les intr.i-gues de cour, et le superbe détachement de Mosca se moquant de tous les partis to&t en affectant de leur prêter
l'inté-rêt le plus pr~fond.
,
Pourtant, dans ce roman, et plus encore ici que dans
les pr~c~dents, Stendhal veut d~noncer +es abus de pouvoir.
Il s'agit, en l'occurence, du pouvoir absolu imposant ses volOntês aux individus opprimês.
1. M~moire$ sur Napolêon, prêface, p.27 - Le Divap
Q'
: \ , ~ : :f t { Il. \ ~ ,,
E \' ~1
,(1
w .. ~,
o
r " > 13Cependant, 1'atmosph~re on plonge ce r~cit reste d'un bout
! l'autre, irr~elle, par la poêsie qui s'en d~gage, et tient
-'dè",~~
opêra-bouffe et du Lorenzaccio de Musset par lecarac-~ ,
t~re èt les actions des personnages.
\
Stendhal se contente de relater les actiqns, les
t
....r -~-..
~ pensêes ou ~es sentiments des protagonistes; il n'intervient
pas pour les juger. Ou alors, s'il intervient, c'est pour ~
se moquer, sans mêchancetê toutefois, même de ce.ux que nous ,. trouvons lés plus ignobles. C'est que ce roman veut 8tre '\, "celui du bonheur au sens le p~us beyliste du terme, et
Stendhal, bien qu'il maintienne la politique au premier pla~
comme dans Le Rouge et dans Lucien teuwen, sêmble ne pas
la pr~ndre au sêrieux,
a
cause prêcisêment de son dêtachement,et surtout afin d'accorder le premier plan
a
la passion et au' bonheur.1
Pourtant rien n'est plus pOlitique que La Chartreuse. Tout se passe comme si, en transposant son rêcit
a
l'êpoque de Machiavel,' tout en gardant les êv~nements de la sc~necontemporaine, Stendhal ait voulu ,donner consciemment une
dimension intemporelle, et par s~ite, universelle l son roman.
Les tyrans sont des tyrans typiques, les bons ministres y sont, des'mod!lesode vertu, et les magistrats, policiers, et autres
,0
14 "
tonctionnaires ressemblent ! tous ceux que Stendhal a connus sous les diffêrents rêgimes. Car n'oublions pas
. ~
que La Chèrtreuse de Parme reste essentiellement la satire d'une restauration dans l'Italie de Metternich, l'Italie de \ la Sainte-Alliance.
Parme devient un microcosme des passions politiques on les conflits sont en miniature; les situations et certains per-sonnages sont tracês dl une plume satiriq~ et mordante;
"tout est êpigramme", di:a;-a
Bard~che.
l De' là \a
lacariCi~
ture ,'il n' y a qu'un pas. Stendhal, du reste, 'rxcelle dans l'art du portrait, et il crêera des types (d'ho es politi-ques en particulier) dignes de figurer'9ans Les aract~res de La Bruy~re. Evidemment ces portraits seront c ux qui inspireront la raillerie, car il est gênêralement plus ten-dre pour ceux qu'il aime.Parmi les p,ortrai ts que l'on retient .figure celui de Ranuce·Ernest IV, authentique tyran et prince tout puissant de Parme. Tyran, il l'est ~ans les deux sens du mot.
Reprenons à cette effet la dêfinit~on de Montesquieu:
, "il Y a dtux sortes de tyrannie: une rêelle qui consiste dans la violence du gouvernement; et une -èi'opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent êtablissent des choses qui choquent la mani~re de penser d'une nation." 2
1. Bard~che M. Stendhal Romancier, p.377
2. Montesquieu, L'Esprit des Lois, Livre XIX, chap.3.
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15 ,Ranuce-Ernest, quatri~me du nom, poss~de le pouvoir l~gale:
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ment. Il est m~nt~ sur lé~~rene de la monarchie absolue non
pas par la violence mais par primogêniture: on est tyran de
pêre en fils dans la familte. De plus, et c'est lA' que nous rejoignons Montesquieu, il entend exercer son pouvoir d'une
maniêre cruelle. Stendhal charge
a
l'exc~s ce personnageainsi qu~ sa cour. Par lui, et A tr~vers lui, le romancier
libêral veut mettre au pilori tout ce qui se croit important et se prend un peu trop au sêrieux.
Le portrait moral 'de 'Ranuce-Ernest IV s'inspire, comme le veut la tradition, de celui de François IV,
grand-duc de Mod~ne, installê,lA par le Congr~s de Vienne. l Aux
yeux de Stendhal il reprêsentait le gouvernement le 'plus
odi ux de toute l'Italie. Maisopour les besoins du rom~n
ain i que pour garantir sa propre s~curitê, Stendhal (alors
Con ul A Civita-Vecchia) a pr~fêrê situer son histoire dans,
l'êtat de Parme pour êviter tout rapprochement fâcheux. 2 Ernest IV ressemble A plus d'un titre au duc de Modêne: comme lui, il d'teste les libêraux, il a une rêputation de o bourreau et d'assassin, mais ne manque ni d'esprit, ni de
compêtence dans le domaine politique. De plus, il se
1. Henri Martineau de mime que Antoine Adam, entre autres, font ce rapprochement. Edition de la Plêiade. Note ft "
la pàge 1402. Edition Garnier, introduction ft
la page XIV. \
2. A Patme en effet, r'gnait l'ex-impêratrice Marie-Louise
! titre dé grande-duches,se. ~es apparences sont donc
sauves. (note, Edition de la Pl'iade, p.1402). /'I!,
,
, fi
! tf
[1
1
i(
((
, 16 l'rapproche du duc par l'i~en~itê de sa richesse et par
l'espoir qu'il caresse
~devenir
roi constitutionneld'Italie. Mais, par la magie de Stendhal, la ressemblance s'éloigne de l'original pour devenir la caricat,ure du tyran. Chez ce despote fictif, fêru de pouvoir absolu
A
la Louis XIV,o~
les traits d'un personnage de comédie ou de farce;" [1a Duchesse Sanseverin~ trouva un homme d'une taille élevée, mais un peu épaisse; ses cheveux, ses mous-taches, ses énormes favoris étaient d'un beau blond selon' ses courtisans;,
ailleurs ils eussent provoqué par le~r
couleur effacée, 'le mot ignoble de filasse. Au milieu d'un gros visage: s'élevait fort peu un tout petit nezi
presque féminin E.~. Au total, il,
avait l'air d'un homme d'esprit et
d'un caractêre ferme. Le port du '
prince, sa maniêre de se tenir n'é- 1
taient point sans majesté, mais sou-i vent il voulait imposer ~ son inter-I locuteur: alors i l s'embarrassait luli-même e.t tombait dans un balancement 1
d'un.,e jambe ~ l'autre presque conti-/
nuel." l 1
Son plus grand désir est d'atteindre
~
lagra~deU;
de cet autretyran qu'était Louis XIV, dont il se pique
d,Jmit~r
l'extrava-gance surtout sur le plan de l'étiquette. C'est le pygmée qui veut se faire géant.
Brave ~ la gUerre on "on l'a vu vingt fois gutder une colonne
a
l'attaque", notre "roi soleil" plein de prertance et de dignité se meta
trembler de peur la nuit depbis qu'il a eu1
le malheur de faire pendre deux libéraux peu coupables tldans
i
un moment d'ennui et de col~re, et aussi un ~eu pour imiter
1
1 1
1- :La Chartreuse de Parme, chap. 6, page 124.
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r 17Louis XIV faisant couper la t@te A je ne sais qqel h~ros
de' la Fronde." 1 Voila le tyran tourn~ en d~rision. Continuellement guid~ par so~ amour-propre et sa vani'tê, Ranuce est un. inquiet perpêtuel qui se d~fie de tout ce qui a de l'esprit. Son credo: "il vaut mieux tuer le
2
diable que si le diable nous tue;" aussi n'h~site-t-il
pas ~ faire pendre, par l'interm~diaire du fiscal Rassi
tous ceux qui s'opposent d'une maniêre ou d'une autre A son
r~gime absolutiste.
Quand il n'~limine pas ses adversaires, il les condamne
a
l'emprisonnement. La fameuse tour Farnêse projette son
ombre terrible sur la petite principautê et sur tout le v
roman, elle symbol, se pr~cis~ment l'arme toute puissante
de la tyrannie princi~re.
"Ernest IV rép~tait souvent que
l'essentiel ~tait surtout de
frapper les imaginations.
Toujours est un grand mot, et plus terrible en Italie qu'ailleurs: en
cons~querice, de sa vie il n'avait
accordé de grâce." 3
Malgrê son pouvoir sans limites, Ranuce-Ernest se permet
le l~xe d'être jaloux. Il envie les princes r~gnant , sur un
territoire plus ~tendu que le slen et nourriss~it
. 1. La Chartreuse de Parme, chap. 6, page 126. A l'~poque de la Fronde Louis XIV avait sept ans! Les connaissances historiques de Stendhal sont parfois sujettes 1 caution. 2. Ibid., chap. 6, page 143.
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l~l'espérançe archifolle' de se faire~r'oi constitutionnel"
de l'Italie.l Il jalouse surtout les gens heureux dont
le bonheur est trop humain pour,@tre
a
sa portée. "L'aspect du bonheur le rendait furieux.2Il est piqué par l'indifférence de Gina â son égard, et c01lU1\e il est "parfaitement habile dans l'art de torturer les coeurs," 3 il insinue cruellement dans une lettre ano-nyme adressée ~ Mosca que Gina et Fabrice sont amants. N'est-il pas prêt même, â jeter le comte en prison pour
s'assurer l'amour de la Sanseverina?~
Il le dit sur le ton de la plaisanterie, mais n'en, pense
pas moins. De plus, comme un ebfant qui passe ses caprices,
il se réjouit ~ l'idée d'envoyer en exil l'intrigante marquise
Raversi. "Le prince avait un plaisir particulier
---:-
â exiler --les gens." 4
La peur le ~end cruel et paradoxalement temp~re sa cruaùté. Il fait enfermer Fabrice dans la citadelle par jalousie, pour
,1 brouiller Mosca et Gina, mais ne peut aller au bout de son
crime, car,en fait, rien ne l'empêchait de mettre Fabrice â
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mort tout de suite. Seule la peur de voir ~ina s'éloigner
;'
de Parme l'a, tout d'abord, empêché d'a~ir, mais lorsque
~ette derni~re s'aperçoit de la cruauté du/prince et de la faiblesse du comte, elle lui tourne le dos:
1. La Chartreuse de Parme, chap; 19, p. 337.
2. Ibid. , chap. 6, p. 140. 3. / laid. , chap. 7, p •
.
153. 4. Ibid. , chap.14, p. 255.-1
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dês lors. le prince n'hésite plus: il décide d'empoisonner (.
Fabrice.
Cependant, la tyrannie du prince se traduit moins par des' actes précis que par des rumeurs circulant sur son compte. Il jouit d'une réputation de despote sanguinaire,. amplifiée et colportée par sa cour et par le peuple. De~ bruits
courrent sur ses mesures pénit~ntiaires, les sévérités dont'
il fait preuve font frémir 'les libéraux, et ses courtisans . -.
~--'---interprètent gestes, et ~..rol--es-avec le plus grand effroi.
---.-- Jo
---Aux ye~~lecteUr il donne l'impression du méchant ogre
.---des contes de fées. Bard~che l'a comijaré â "un gros chat" qui n'ose pas sortir ses griffes ••• tyran sournois restant
à la limij::.e du crime par calcul. ,,1 C'est le Raminàgrobis de'la fable:
Pourtant on hésite à le condamner puisque Stendhal 'lui-m@me ne le juge p.as. Aucune phrase lapidaire, aucun reproche amer comme pour M. de' Vaize ou pour les tyrans dans Le Rouge,
~e ponctuent les actes du prince, tout est dit par les
prota-gonistes livrés ~ leurs passions.
1
Pourquo~ soudain cette apparente désinvolture chez celui qui se veut l'avocat des opprimés et qui a toujours' détesté les
tyrans? Encore une fois les apparences sont trompeuses.
1. B~rdêche M., .Op. Cit. page 379
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20L'int~rêt de Stendhal pour la politique est toujours présent,
seul le registre a changé. Sans'
dou~ehas
de s'indigner contre 'les vrais tyrans, précisément parce qu'ils sont trop présents, trop près de lui, . Stendhal a voulu en peindre de plus odieux, plus ignobles au point d'en être déshumanisés pour enfin arriver à la dimension de la fable._~a~ _ce projet, Stendhal a voulu, également démontrer que le despotisme a atteint un tel ~egré de ridicule que sa seule vocation est de disparaître. Partout en Europe, l'on s'évr=-lle à la liberté. L'odieux devient dO~C burlèsque.
Le
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du prince est trop chargé pour être vrai.- Mais il faut qu'il en soit ainsi pour que la tonalité du bonheur.
domine dans le roman. Stendhal traitera de la même manière les autres personnages vils et monstrueux de La 'Chartreuse que nous verrons plus tard .
.,.
Derrière la façade burlesque où s'agitent des pan-tins grimaçants, nous devons découvrir ceux qui tirent les
fice~s; n'oublions pas la transposition historique:
Parme est un symbole de l'Italie de la Restauration où les a •
"
idées libérales sont réprimées. l'eu d·' allusions, du reste,
aux perso~na'ges pOlitiques r~els, mais on peut constater
"
les résultats de leur tyrannie à tous les niveaux, aussi
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,,---~ ~ (;> 21bi~n dans les 'couches sociales ~lev~es que chez le bas
·peuplè.
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La Parme des coulisses t<?,ut autant que' Milan', est
remplie de ~erre~r: la police est partout. Le secret
sem-. ble" ê~re lé .,mot ,d' ordré; on c9m:plote, ~n espiorine" oq p'rend'
d'infinies pr~cautions pour tromper la vigilance des sbires,
'
-on ~envoie des 41ettres anonymes pour
indique la permanente dpsesSion de Comte Mosca lui-même, confirme' par
se,venger~ Tout cela
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la POl~C~ d'~t •. Le
sa pos1t10n au se1n du
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gOÇlvernement la toute puissance de celle-ci:'
"pàr la .police., c' e,st-',à-dire par la pe~r je suis devenu ministre
d~"la
guerre e't desfinances~"
1L'histoire de Fabrice n'ést qu'une fuite perp~tuélle pour
~chapper à la répression ou aux' dénonciations.
Stendhal a beau affecter le d~tachement vis-à-vis du tyran
Ranuce"s~ colère n'en est pas moins visible en ~egard d'une tyrannie dont le" but est d'avilir l' homme. ,
.
Aussi bien, comment expliquer, sinon par la peur,
la,',réac-tion des prisonniers~de la citadelle chantant un TE DEUM en
1
'ho~nrU~
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la guérison de leur geôlier? :(La peur. ft peut-être l ' e.poi; .ecret ,de veil. ""doucir la
tyrannie tIu gouverneur pouvaienJ: seuiLs(
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'J?I~plirèŒ! ua tel acte.- ; - ,
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1. La Chartreuse de Parme, chap. 6, p. 127
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22"Oh! effét du malheur sur ces hommes!
o que celui q.ùi les blâme soit conduit, ,
par sa destinée à passer un an dans ~
cachot haut de trois pieds avec huit ,
onces de pain par jpur et jeûnan~ l~s
vendredis." 1
,
.
Tous les régimes fondés sur la peur se ressemblent: ils ne vi$ent qu'à asservir l'humanité à la volonté du plus
fort. La libération dép~nd seulement de l'envergure des
,-opprimés, et la yolonté de l'homme de survivre en dépit des obstacles reste'son unigu~ garantie de perpétuer "la plante humainè saine et libre Il •
.
,,Certes, l'auteur condamne 'le ,despotisme en ce 1ge siË!cle qui en est â ses premiers pas vers, la démocratie.
Pour lui, la solution de rechange c'est la monarchie
consti-tutionnel~è dont il fait sa profession de foi.
J
En revanche, la république lui est aussi odieuse que la 1
tyrannie des Bourbons. Qu'en est-il dans La Chartreuse?
Que propose Stèndhal pour faire échec au despotisme moribond?
--'
-Au milieu de cette cour désuË!te, tyrannisée ~ar un
prince d'opéra-bouffe, Stendhal a eampé un homme politique aux dimensiqns humaines, l'antitnêse romanesque de
Ranuce-\
Erne~t IV, et son premièr ministre: le comte Nasea.
.
1. La Chartreuse de Parme, chap. 21, p. 37e
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23Comme dans tous ses romans Stendhal inves'ti t l'un de ses " personnages, de ses propres 'prêceptes politiques tout en
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laissant à sa cr~ation une personnalitê distincte, et tout
en, tenant compte du climat social et pOlitique de l'~poque.
Etant donnê l'ambiguitê temporelle de La Chartreuse, le
personnage clef 'semble assumer les caractêristiques ~êmes
de cette ambiguité: Mosca tient à l-a fois de t'Machiavel
et de Metternich. Par lui et à travers lui nous saurons
. !
en quoi consiste le pouvoir, verslon stendhalienne.
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24
11- MOSCA OU LA FAUSSE TYRANNIE
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A premi~re vue, d~ moins ! premi~re lecture, le
Comte Mosca nous paraît être la personnification même du
cynisme. Plus d'une fois, il emboite le pas à
l'exêcra-ble tyrannie 'de Ranuce tout en la dênonçant. En rêalit~
~.
ce prétendu cynisme recouvre une phi1oso~hie \de là' vie et
du pouvoir étrangement similaire à celle de Machiavel.
Comme lui, Mosca est un thêoricien de la politique, son
é1~ve Fabrice l'admire mais répugne parfois à suivre ses
prêceptes.(C'est que Fabrice est une créature d'instinct, un "primitif" comme le qualifie Mosea, "è'est un'jeune êcer-, velê si l'on peut dire la vêritéêcer-, qui ne fera jamais preuve
~d'intelligence, prêférant se laisser guider par ses
impul-sions). Souvent, en effet, ces prêceptes mis en pratique,
n'aboutissent pas compte-tenu,de l'importance de variables telles que l'amour, la passion ou simplement la bontê. Le seul fait qu'il soit ministre dans un'rêgime politique
o
rêpressif suffirait,! nous rendre Mosca odieux. Pourtant,
Stendnal, d~s' le dêbut,en fait un être supêrieur auquel
échoit la tâche difficile de gouverner avec un tyran, sans s'attirer le m~pris des gens qu~,il aime, et sans non plus parattre hypocrite.
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\ ---25.
'Machiavel disait dans Le 1frince que:
...
\
.
\ "La distance est si grande entre la façon
\ dont on vit et celle dont on devrait vivre,
\. 'que quiconque ferme les yeux s ur ce qui
\ est et ne veut voi.r gue ce qui' devrait être,
apprend plutôt à se/perdre qu'à se conserver~,
~.
cfar~i tUd'~heux
endtbo~t ~t to~joturst df~ire
pro-, ess~9n orome e 1en parrn~ an autres' l~
qui sont le contraire, ta perte est ce*taine.""- ,}
Voilà· \i r~sume ~'attitude de Mosca ~u sein de 'cette cour
m~prisable. Il sait ce qu'il veut et ne, s'en cache pas:
-\
l'argent èt le pouvoir; il hurle donc avec les loups pour \
avoir sa part et pour rester en place.
Tax~ d'immoralisme par la Sanseverina, Mosca r~plique que ce qu'il fait n'est
"pas plus immoral que ce que l' 'On fait à
la cour et dans vingt autres, le pouvoir absolu a cela de commode qu'il sanctifie tout aux yeux des peuples; or qu'est-ce qu'un ridicule que personne n'aperçoit? Notre politique pendant vingt ans va
consister ~ avoir peur des j~cobins, et
quelle peur! ••. Tout 'ce qui pourra di-minuer cette peur sera souverainement moral aux yeux des nobles et des dévots.
OrÎà Parme, 'tout ce qui n'est pas noble
ou d~vot est en prison, ,ou fait ses
pa-quets pour y entrer. U 2
-t
Cela revient,à dire, comme le laissait entendre Machiavel,
que la morale devient dangereuse pour celui qui la pratiq~e
seul.
1. Machiavel, Le prince, chap. 15,
p.
79CI
26
E~ entretenant et en exploitant chez le'prince la peur des
jacobins, Mosca est conscient de se rendre ridicule, pour-tant, il accepte de jouer le jeu du despote, sans toutefois
y croire.
La poli tique alors, pour lui ,devient un jeu de salon. "Est-ee qu'on ferait dès objections aux ;-êgles ,du whist?" l
.
L'argument deux fois invoquê par La Sanseverina faisant la
leçon ~ Fabrice, semble aussi s'appliquer
A
Mosca. Lepou-.
voir est â ce prix. A partir de là, le calcul, la ruse, l'intelligence et la prudence guideront les pas du ministre afin de conserver la faveur du prince et de dêjouer les manoeuvres de ses ennemis politiques.
Le pouvoir êtant un jeu, tous les coups sont permis. Aussi
Mosca, en thêoricien consommê, utilise toutes les cartes •
qu'il a en main, ~n s'accommodant-du mili~u dans lequel il
êvolue. Cela ne ,va pas sans efforts constants de sa part,
efforts qui ~ la longué sapent son ~nerg,ie. Ne nous ~ton
nons donc pas de lui entendre dire à maintes reprises qu'il songe ~ se d~mettre de ses fonctions. Sa passion pour la
--Sanseverina n'en est pas la seule cause. "Je suis dêsabusê " de tout," dit-il à l 'av~nement de Ranuce-Ernest V: la
pers-pectiv~ de continue~ son rôle de ~'ministre intrigant.", lui
ôte toute ênergie.
1. La Chartreuse de Parme, chap. 6, p. 130; chai' 7, p.l47'
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J . ..'! 27 /.Çependant, le Machiavel en lui émerge
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tous moments.Sa-"
chant, sa carri~re mise en jeu par les manoeuvres incessantes
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de ses ennemis, il multiplie les co~tre-attaques et sa
posi-tion au gouvernement s'en trouve affermie.
En nommant le chef des libêraux, Fabio Conti, gouverneur de la Citadelle, Mosca espêre bien démasquer son prêtendu libé-ralisme. Le résultat qu'il escomptait ne se fait pas atten-dre:· la surveillance de la prison est triplée, les'
prison-niers plus nombreux, et la cruautê des ge8liers encoura9~e.
Ce n'est pas tout: pour avoir les qoudêes franches,' il songe
êgalement
a
êloign~r de lui les ultra monarchistes, aussifonde-t-il un journal avec l' üftention de voir les "ultra furibonds" s'en charger et en faire l'objet de leurs querel-les, oubliant ainsi les vrais problêmes politiques. 1
Accusé par -Gina de "vile courtisanerie" parce qu'il
• 1>
cause directement la perte de Fabrice en ome\tant les mots
"procêd~re injuste fi de la lettre dictée au prince, par la
duchesse, .Mosca est ft ce point "intêgre" dans l'exercice de son métier, qu'i,l va jusqu'!', montrer au monarque dêtestê comment gouverner en bon despote.
1
1. La Chart~euse de Pa~, chap. 6, pa. 138 & 139
~
1
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28
"Sachez mon prince, qu'avoir reçu le pouvoir de la E'rovidence ne suffit ~lus en ce si~cle,
" i l faut beaucoup d'esprit et un grand
carac-t~re pour être' despote." 1
•
Il n'épargne pas non plus
à
Fabrice ses conseils dont le cynisme fait parfois frissonner le jeune homme...
Dans l'épisode du cheval volé, par exemple, Fabrice, pour fuir au plus vite le territoire autrichien) 'avaitjpris le cheval d'un valet. Mosca lui reproche de n'avoir pasiabat-tu ce dernier afin de s'éviter toute
d~nonciation.2
"Il,
vaut mieux tuer le diable que si le diable vous tue 7 Il
dit-il, faisant écho au prince. 3 Pourtant i l est le premier
! ne pas appliquer ces pr~ceptes. Le pouvoir, d'accor~,
l'argent, certes, mals i l ne veut pas de vil~nies qU'il" devra payer par des remords: "J'aime mieux cent absurdi t~s
atroces, qu'un seul pendu". 4 Voila la distance qui le sé- \ pare du fiscal Rassi et de Fabio Conti.
1
La clef de sa supériorité est son sens de l'honneur, compo-sante essentielle de r la vertu machiav
1
1ienne.D~s le début du roman, nous savons que Mosca a particip~ aux campagnes napoléoniennes, cela suffit aux yeux de Stendhal
1- La Chartreuse de Parme, chap. 17, p. 306 ~
\ 2. IbUl., chap. 10, p. 185 3. Ibid. , chap.1O, p. 184 4. Ibid. , chap.6; p. 139 ,~, ••
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l , 29Pl?ur le rêconcilier ~vec l,El pouvoir.
1
liEn Espagne, sous le gên~ral Saint-Cyr 1 j'affrontais des
cdups d~ fusil pour arriver ~ la croix et ensuite a un peu
1 l
d~ gloire. Il (
F9rmê a l ' êcole de la gloire et de l' honneur avec Napoléon, Mosca se retrouve ministre de la police, de la guerre et des finances dans un êtat despotique, rôle qui le gêne, aussi assume-t-il ses fonctions .sans trop de convictions car "il avait honte de la gravitê cie sa place." 2 Tout au plus considère-t-il ce qu'il fait comme tenant de la farce.
"Maintenant, dit-il, je m'habille comme un personnage de comêdie pour gagner un grand ~tat de maison et quelques milliers de francs." 3
D~concertant, ce comte Mosca, il poss~de toutes les
quali-t~s requises pour être ministre ~'un souverain -absolu, en même temps qu'une personalitê attachante
on
l'on perçoit les trai ts de caractË!re· de l'auteur.Il ne se cache pas d'être courtisan, parfois même!
i
'excês; <ne va-t-il pas j,-!squ' à prend,re les armes contre les insurg~~ ,
de Parme pour d~fendre la statue du prince dêtest~? 1
Pour gouverne'r il Si entoure de toutes sortes de pr~cautions,
et ses agents 61?ostês un peu partout, lui rendent compte des manoeuvres de ses opposants.
1. La Chartreuse de Parme, chap. 6, p. 111 2. Ibid., chap.
'6,~
1123. Ibid., chap. 6, p. III
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30L' ambi tien qui l' habite, malgr~ ses vellêi t~s d' abandonner la poli tique peur suivre Gina, reste un des moteurs essen'" tiels de son comportement. Pourtant i l se s0U!llet constam-ment A une censure s~vêre, et sa jalousie comme son ambi-tion subis'sent une rigoureuse analyse; sa raison dominant )toujours le-,d~bat int~rieur. Dans les moments de crise i l
se juge sinon avec s~vérité, du moins avec ironie, écartant ainsi tout recours
a
la complaisance. Le récit qu'il fait...
11 Gina de la r~pression populaire de Parme en est l'exemple le plus frappant. Alors qu'il se trouvait 11 la tête des troupes, l'ivresse de la bataille et du pouvoir l'ont un
instant emporté, étourdi, i l a même envisagé de se faire nommer gén~ral en chef des troupes royales~\ mais il s'es~ ressaisi aussitôt:
"Mais le plaisant li mon âge, c'est que j'ai eu un moment d'enthousiasme en parlant aux soldats de la garde en arrachant les épaulettes de ce pleutre de général P... En cet instan. t, j' au-rais donn~ ma viè 1 sans balancer, pour
le prince; j'avoue main tenant que c' eût éU une façon bien bête de finir." 1
I l est curieux et
a
la fois intéressant de constater que Stendhal, romancier de réputation li~érale, ait fait de\~~': Mosca un membre du parti Ultra, et de plus, farouchement
opposé aux idées libérales. Du reste, les lib~raux, la
Raversi en tête, font l'objet d'une caricature déplaisante
~I
1. La Chartreuse de parme chap. 23, p. 410
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r 31 f 1d'un. bout ~ l'autre du roma~ fai t peut s'expliquer
~i i'on'~onge
A
l'attitu~des libêraux italiens sous lerègne de Napolêon.
Ils s'étaient, parait-il, délibérément tenus à l'écart
de la politique, prétextant ne pas vouloir servir sous un
régime despotique. Cette cau'se, seule, pourrait justifier
J
l'antipathie de Stertdhal à leur égard; mais l'accusation
pèse doublement du fait qu'ils auraient applaudi
a
l',assas-sinat du comte Prina, ancien ministre de Napoléon à Milan. , Stendhal, du reste, fait a,llusion à cet épisode tragique
au début de La Chartreuse (chap. II) ~ le comte Pietranera,
mari de Gina, aurait tenté de sauver l'infortuné ministre.
,
Antoine Adam qui annote une édit~on de La Chartreuse,
rap-porte ce fait historique, l tout en soulignant la
partici-,pation des libéraux. Plus loin 2, il établit un
~lien
entre la marquise Raversi et une certaine madame Traversi queStendhal avait connue à Milan, et qui également aurait pris
part à l'assassinat du comte. D'on le portr,ait sarcastique
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'~'.-\. de .1' intrigante marquise.
De plus, les libéraux italiens de cette période se recru-taient le plus souvent dans les rangs de la bourgeoisie dont la seule ambition était de s'enrichir. Autant d'accusations pesant sur ce parti qui ne mérite décidément pas la sympathie'
1. La Chartreuse de Parme, Edition Garnier, annotée par A.
Adam, p. XVII. 2. Ibid., p. 669
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_. _ _ _ _ .... __ ._ .. _~_ ... _ _ _ .. _u .... 32de Stendhal. Doit-on s' ~tonner ,d~ s lors, que ses personnages
pr€f€r~s soient des ultras?
,
DË!s qu'il nous est pr€sent€, Mosca , on le constate 1 arbore
fièrement une attitude aristocratique charg€e de m~pris pour les républicains "connus pour leur "imprudence". Par U, il ressemble A stendhal qui lui-même à tOlljOurS professé
-une aversion exag€r€e pour la r~publique de fait tout en se
réclamant d'en aimer le principe.
Lorsque Mosca conte à la duchesse l~ d€roul~ment de la r€vol': te de Parme et la façon dont il·l'a contenue, i l ne peut s'empêcher d'ajouter en se vantant: I~sans moi, Parme eû.t été' république pendant deux mois av~c le poË!te Ferrante Palla . pour dictateur." l ,En. effet, rien ne lui parait plus d€plo-rable, pas même la tyrannie d'un Ranuce-Ernest, qu' une répu:' blique, nom qui est pour lui synonyme -dl anarchie.
·"Il faut cent ans à ce pays pour
que la république n'y soit pas une absurdité." 2
Et à ses yeux, la monarchie reste encore la meilleure sole-tian pour un peuple qui n'a jamais encore fait l ' exp~rience
de la liberté.
A.ristocratique dans ses goûts, politique intelligent et
".
ambitieux, connaissant les hommes et leurs faiblesses, Mosca
1. La Chartreuse de Parme, chap. 23, p. 411 2. Ibid., chap. 23, p. 413
1
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" a " 3.1apprend pourtant la dé.sillusion~ Comme tous les hêros Stendhaliens, i l n'ignore pas la fragilit~ des rêgimes,
-
,de tous les rêgimes, et ceux fond~s sur la peur en par-ticulier. Aussi se contente-t-ii de profiter des avan-'tages que lui p.rocure sa position.
, ,
Opportuniste, peut..:
,
ê-;,re; mais Mosca, ~ 1 f instar de Fabrice e~ Gina, mêpriS!e
..
le rêgime, qu,' il s~rt,. bien' qu'il> s'enrichisse â se!} dêpends.'
, ,
Le Metterchich en lui, froid calculateur't in telligen t'et
1
.'
rusé, doublê du th~oricien machiavêlique disparait aussitôt
fr ~
que ses sentiments personnels entrent en conflit avec .les devoirs d f ~tat.
CI es t I f êgotïste ,qui prend la relêve, et lÈ! seul, ~evoir qui
, \
compte d~s lors, est ,son propre bonheur:
"Le comte ni avait pas de vertu"
(dit Stendhal).
"L 1 on peut même ajouter que ce
que les libéraux entendent par vertu, (chercher le bonheur du plus grand nombre), lui semblait une duperie, il se croyai t oblig~ ~ chercher avan~ tout le bonheur du 'comte Mosca Della Rovere." 1
"
Au cons.ervatisme êclairê dont i l fait -Sa thêorie du pouvoir,
i l joint une philosophie hédoniste de la'vie, faisant de lui le parfait gentleman, tel que le concevait Stendhal et tel >que lui-même aurait aimê' être. Hosea est l'un'de ces
1. La Chartreuse de Parme, chap. 16, p., 288
' ...
"
....
û
o
, ,
---~---'---_.,
...
"happy few" qui possêdent la faculté d'aimer avec passion au détriment d'autres considérations qui deviennent alors
()
futiles.
La fin laconique du roman -dans laquelle Stenqh~l signale que
Mosca revient
a
Parme ~ la' mort d.e Gina, "premier ministretout puissant et immensément riche Il 1, lai sse tout à l '
imagi-nation. Qu 1 importent les Mtails, s~ul le résultat compte
pour l '.auteur qui, en Mosca, a vu la personnification de
ses propres illusions perdues, de son d~senchantement. Aussi
cette fin se veut-elle un exorcisme de la fatalité, l'art
restant 'p~ur l'auteur le ,seul recours contre la déception du
réel. 1
l'
l
, ,
o
<',c)
~ ) ''',/)., ".
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3S l 'IIi ... LA,
T'iRANNI~
'PRINCES DANS LES CHRONIQUES ITALIl'NNESNul n'ignore que Stendhal, malgré une"imagin~tion
féèonde et un don inné pour l'analyse psycho~ogique, s'est
t " )
,~oujours inspiré de faits réëls pour élaborer ses romans.
Il en est ainsi p.~ ses oeuvres majeures comme pOur les mbins
èonnues.
' i
.
Le sujet du
~'uge
et Noir~st
puisé directement â.ans IILa-,
Gazette des Tribun~.ux", tandi~ que celui dlArmance provient
d'une'; no,Uvelfe déjA
composé~
par un autre auteur."l. Mêmeprocêdé pour Lucien Leuwen 2 Quant à La Chartreuse de
Parme, nous savons qu'elle s'inspire d'un manuscrit italien
"datant du XVIe sièole: Llorigine de la grandeuI: de la
• 1
Famdlle Farriè&e, manus~rit ~ui-mêrne extrait d'une série
irn-porta,nte de 'récits re~,atant les aventures souvent tragiques
.
,.
,, . pe noblès familles italiennes de la Renaissance.
, 1
J ' ,1
• 1 ~ 1
" "
bes histoires ont tellement passionné
st~ndh'al
par leurêitran-, \
,geté qu'il 0 déefde de les traduire fid~~m~nt, et de les publier.,
-
',Plus tard, elles seront réunies sous lé titre de "Chroniques ~
l talienrie s " __
, "
1. On attribue! Henri de la Touche un. roman intitulé Ol'ivier
dont Stendhal se serait inspiré pour composer ,Arman ce
(in-troduction par H. Martineau. Edit. :ihéiade, Tome l, p •. 12).
'2. Madame Gaultier avait écrit en 1833 ,Le Lieutenant dont
Stendhal a pris con~aissance et qui luI a inspir' Lucien
Leuwen (Pléiade.préface,page 734.)
(
,
.'
1 r'
c)
,.'~'o,
v
, L ri G • ..,~~~ 36 .>"Henri Martineau q~i pr~face ~e.s Chroniques dans' l' ~di tion de la Pléiade, nous app~end que Stendhal, ne pouvant se
.-contenter dlune simple traduction de récits fQrt p~u int~
réssantspar-Ie style, "crée une foule de d~tails, de petits
traits révélateurs.,. et imprime.un mouvement étonnant à
. l
tous ces drames un peu stagnants. Il Il"S laisse donc sa·
marque, son style ,parfois, et souvent, ses idées. Q
Plus qu'une adaptation, c'est la re-cr~ation dlune oeuvre;
il y décrit une époque violente où les passions se libêrent. Les Chroniques ne sont plus une source d' il1spiration pour
StenQhal, mais le. canevas même d'une Qeuvre
qu'~l ernbellir~
par son,talent •
. L' énergie, caractéristique du héros stendhalien--et présentée dans Les Chroniques sous sa forme la' plus crue
"
devient l".éiémént capi tal qui séduit l'auteur.
-...
Cette Italie de la Renaissance révêle son aspect,
sombre e~ cruel, inconnu jusqu'alors
a
cause de lacompli-cité des historiens et des tyrans. 2. Et Stendhal de nous expliquer que la passion, la vengeance et le
.
crime~ cesformes ext,êmes de l'énergie, sont l'ëlhôutissement logique
1.. La Chartreuse de Parme, préface p. 534, Edit. la Pl~iade.
2. L~Abbesse de' Castro, pages 561 & 564, Edit. de la Pléiade,
• Tome II.
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.III._
37
et inévitable d'un gouvernement tyrannique.
Paradoxalement, son admiration ~emble aller dans la
direction de ce régime relevant moins de la tyr~nie que
d'une anarchie totale et que caractérise l'absence de
contraintes" sociales, morales ou autres. L'homme, explique
Stendhal, s'y ~panouit pleinement. L'auteur exalte la
pùissancedéchafnée des princes dress~s les uns cont~e les
autres' autant que celle des brigands courageux d~fiant
l'autorité de ces granBs f~odaux.
,
Vendettas, procès et crimes horribles, sont ,
lé~o~
. dans Les Chroniques, oti Stendhal, on le sent, verse sans retenue dans les détails souvent atroces, bien qu'à plusieurs reprises, il regrefte d'élaguer le texte original.
La:mor,üe s'en trouve-t-elle offensée? Qu'importe, Stendhal
~~
l!f • excuse pour la forme, mai~Cpe.rs~e n'es t dupe, nous
connais-sons sa réputation d~non-conformiste:
l
"cet état de civilisation fait gémir la morale, j'en conviens; de nos jours on a le duel, l'ennui, et.les juges ne se vendent pas; mais
ces usages du XVlG si~cle étaient
merveilleu-sement propres ~créer des hommes dignes de
ce no~. Il 1 .
LlAbbesse de Castro, chap. 1, p. 563.
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38 1Du reste, Stendhal, plus d'une fois, se platt
a
mettre en opposition cette sorted-1âge d'or de l'homme qu'était la Renàissance italienne, avec les moeurs timorées de ses'compatriotes. En France, la vani té, ressort de toute
ac-tion humaine, de m~me que l'honneur et l'esprit de
'galan-"
terie ont plus sOrement tué les passions que ne 1"' aurai t fait l'épée du tyran. 1
Avec L'Abbesse de Castro nous entrons dans les
Etats pontificaux e~e~p~e ,de monarchie absolue.
1)
Cependant, malgré l'autorité suprême du Saint-Si~ge,
1
les gra~des familles italiennes,' fonmant un état dans l'état,
\
jouissent d'une liberté quasi totale, et par conséquent, d'un pouvoir sans limites.
,
Les Orsini, les Colonna ou les Carafa n'ont
a
répondre à "personne de leurs actes( aussi parfois abusent-ils de leur puiss'ance, quand ils sont assez rusés, sans qu'aucune auto-rité n'intervienne.
J
Ils ont leur troupes de choc, leurs paysans fid~les qu'ils.
, ' , lit d . 1\ •
gUl.dent p0t!r donner 1 assaut a ceux u pZl. ce enneml..
Sou-vent, i l achêtent des juges qui prononcent dei'sentences de mort contre des individus dont les crime sont dérisoires.
1. L'Abbesse de Castro, chap. l, p. 562
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