L'ENSEIGNEM ENT PRATIQUE
D A N S LES ECOLES D'INGÉNIEURS
Nous pensoufi que nos lecteurs se ro a t heureux de trouver ci-dessous le texte de l'exposé su bstan tiel p résen té p a r M. Ch. Vercler, inspecteur général de TE.T., aux ing-énieurs e t p rofesseurs techniques des E.N.I.A.M. d u ra n t les journées d’inform ation
des 3 e t 4 novem bre 1947. L ’enseignem ent p ratiqu e n ’est p a s trè s en faveur
clans nos Ecoles d’A rts et M étiers : c’est un fait. Les élèves sentent que l’évolution des méthodes appliquées d ans nos ateliers n ’a p as suivi celle de l’industrie.
Ils boudent le tra v a il m anuel et ne se fo nt pas faute, souvent à to r t e t p arfo is à raison, de c ri tiquer les applications qu’ils en font.
O bservateurs intelligents, ils ont eu l’occasion, dans des visites ou des sta g es en usine, d’apprécier le rendem ent d’un personnel en tra în é e t de m a chines m odernes dont ils ne tro uven t pas d’exemples à l’école.
Les tra v a u x p ratiq u es on t tou jo urs joué un rôle prép on dérant dan s nos Ecoles d’A rts e t M étiers ; ils ont f a it leur succès.
Leur im portance, a u m oins qu an titative, a été trè s jalousem ent m ain ten ue : peu t-être trop sévère m e n t m aintenue.
Ce qui ju stem e n t a fa it le mal, à notre avis, c’est la querelle, vieille de q u ara n te ans, qui opposa (je dis bien opposa) les p a rtisa n s de l’atelier aux p a rtisa n s des étu des scientifiques ; comme s’il avait pu y avoir contradiction formelle en tre le dévelop pem ent de l’habileté e t celui de l’intelligence : on lu tta pour la durée des heures d’atelier.
Les prem iers cham pions désignés défendirent avec défiance leur position, sous p rétexte que leurs aînés et eux-m êm es av aien t réussi dans la vie et, pour conserver au x écoles leur esprit trad itio n n el et leur vieux caractère, avec prédom inance rigide des tra v a u x p u rem e n t p ratiqu es.
Ils ne v iren t pas, pen d an t qu’ils s’affrontaient, que, d an s l’industrie, le m a riag e se consom m ait entre la science e t la m achine et que, la prem ière a p p o rta n t des outils à l’autre, des prod uits de valeur so rtaien t de cette union.
N otre querelle de fam ille se trouve à peine term inée. II f a u t corrig er cette erreu r qui a reta rd é l’évolution pédagogique de notre enseignem ent technique.
J ’ai lu dans un rap p o rt d até de 1921 ;
« Les Ecoles d’A rts et M étiers devront-elles for m er de v rais ingénieurs ou des ouvriers capables de devenir des chefs d’ateliers ». L ’au teu r ne dissi m u lait pas que ses p références allaien t à la seconde conception.
Voilà pourquoi, en nous en lisan t dans d’antiques formules, nous avons, depuis des années, perdu un tem ps précieux.
Nous désirons, au jo u rd ’hui, form er de « v rais ing énieurs-co nstru cteu rs qui soient aussi de v rais ouvriers » ; nous ne voulons p a s en effet dissocier la seconde fo rm atio n de la prem ière sous peine de produire des su je ts incom plets e t médiocres.
On ne p eu t p as plus être < ingénieur > en con naissant uniquem ent les sciences p ures qu’on ne peut l’être en con naissan t uniquem ent la production.
Comment, pour nous, se présente la situatio n ? A leur entrée dans nos écoles, pour l’in s ta n t dans la m ajo rité (d an s quelques années pour la to talité), les élèves ne possèdent que les connaissances élé m entaires du tra v a il à l’étau ; ja m ais ils n ’ont touché une machine-outil.
Nous avons donc affaire, en prem ière année, à des ap p re n tis to u t au début de leur ap pren tissag e ; ap p re n tis éveillés certes, m ais qui ig norent n éan moins les prem ières notions du m étier.
Ces notions, d’un c a rac tère étroitem ent profes sionnel, il fa u t les leur apprendre comme au prem ier venu, m ais dans u n tem ps stric te m e n t lim ité p a r les besoins d’une ascension rap id e ; c’est-à-dire : appli quer, pour leur form ation, des principes efficaces qui nous p erm e ttro n t de les conduire trè s vite a u stade d’application dont ils sont les prélim inaires.
E n développant ainsi l’habileté, le coup d’œil, la vitesse d’exécution e t le sens de la précision chez les élèves d ébutants, nous les préparero ns à en tre prend re le second chap itre de leur form ation dans lequel viennent s ’in d u r e les principes m a th ém a tiques industriels.
D ans l’ordre ascendant, ces derniers touchent à l’éducation du régleur, du coritrernaître, du chef d’atelier et de l’ingénieur.
E xam inons les tra v a u x d’atelier dont l’exécution est basée su r des calculs num ériques ou des données scientifiques, et qui reposent sur les m athém atiques, la ciném atique appliquée et la trigonom étrie in dustrielle.
L# L'usinage des m étaux sur m achines cou ran te s : chariotage, rabotage, filetage, rectifi cation, etc...
Sa rapidité, son m axim um d’efficacité, le fini du travail, le rendem ent des m achines opératrices, dé pendent de la com binaison convenable des vitesses e t des avances de la pièce et de l’o u til; com binai sons qui posent des problèm es sim ples m ais v a riables, su iv an t les m achines employées.
M# Le trav ail au diviseur ; division simple, divi sion composée et division différentielle ; calcul du
m écanism e de commande.
c) Le taillage et la rectification des engrenages, ou pièces sim ilaires dont la rép a rtitio n des tra v a u x successifs, sur chaque dent, s’opère p a r un réglage g én éral de la m achine ; ce rég la g e conduit à des calculs souvent complexes et à des problèm es de ciném atique appliquée.
O# L a déterm ination et le réglage des cames de tours autom atiq ues qui com m andent la vitesse, la course longitudinale e t la plongée des outils : trac és et applications encore de ciném atique à réaliser sur le vif.
e) Les problèm es im p o rta n ts que pose l’équipe m ent de certain es m achines, en particu lier le f ra i sage, en vue de l’inclinaison à donner aux outils et à leur support : rég lag e des outils sur m achines à fraiser, à tailler e t à pointer, calcul du décalage des fra ise s dans le taillag e hélicoïdal et le taillag e en bout, calcul des modules réels, trad u ctio n des données d’un dessin pour le taillag e des en gren ag es coniques, position d’affû tage des outils de form es diverses, etc...
/) V ient ensuite la m étrologie ; c’est, vous le savez, la science des mesures.
Nous n ’insisterons p as sur la nécessité de son emploi : elle domine toute la production ; elle est la condition inéluctable de l’interchang eab ilité et doit p erm e ttre d’éviter toute retouche ultérieure et coûteuse au m om ent du m ontage.
Qu’elle s’applique au rég lag e des m achines, au contrôle des produits en cours d’usinage ou à la réception des pièces term inées, elle englobe toute la trigonom étrie, seule science capable de résoudre la p lu p a rt de ces g en res de problèmes.
Dès le début de son apprentissage, on doit en tra în e r le jeune élève à effectuer les m esures cor rectem en t e t scientifiquement.
Il s’a g it le plus souvent, d’ailleurs, de com parer à un étalon type e t non de m esurer ; de respecter des approxim ations suivant des échelles de valeurs.
D ans le domaine de la métrologie, nous pouvons , distinguer deux groupes : le prem ier, qui oblige
à des calculs num ériques, nous intéresse par-dessus tou t ; le nom bre des problèm es y est illimité, m ais ces derniers p rennent une im portance p articulière dès qu’on a tte in t l’exécution des pièces coniques, contrôlées p ar l’emploi de la règle sinus et, en général, pour la vérification des pièces dans les quelles le parallélism e n ’existe pas : les usinages de form es tria n g u laire s, trapézoïdales, détalonnées, la m esure des en tailles en vé, en queues d ’arondes m âles et femelles, des filetages et des dents d’en g ren a g es p a r interposition de « types » d’atelier, piges ou cales.
Nous ne citerons que pour mémoire le second groupe de la m étrologie : il utilise des instru m en ts de m esuré optiques ou opto-m écaniques dont la di versité se m ultiplie san s cesse. De m êm e que le principe de l’exam en des surfaces p a r interférence, ils sont les en fa n ts de nos physiciens.
E ta b lis sur des bases scientifiques, et donnant des m esures rap ides et sûres, ils nous intéressent su rto u t au point de vue technologique et en ta n t qu’in stru m en ts m odernes de contrôle, m ais ils se p rête n t moins bien que les m éthodes précédentes aux applications num ériques qui développent, au p re m ier chef, la form ation de nos élèves : le ré su lta t des com paraisons qu’on opère sur ces appareils s ’y trouve g énéralem ent donné p a r simple lecture.
2# Le m ontage des m achines neuves ou révisées. C ette section présente un in té rê t éducatif double: elle perm et au x élèves :
1° De constater, de visu, les anom alies qui se sont produites d ans les m achines en service, de rechercher les causes d’avarie dans le b u t de sup prim er ces causes en m odifiant la forme, la dispo sition ou les qualités physiques et Chimiques des pièces en contact, responsables de l’accident ;
2“ D’effectuer le m ontage de la m achine et de procéder, à l’aide du com p arateur à cadran, à sa vérification géom étrique et à ses essais de réception, ceci, conform ém ent aux norm es dont on doit p a r venir à resp ecter les tolérances.
Ces problèm es sont encore du dom aine de la métrologie.
S# E t nous arrivo ns aux essais de rendem ent des m achines et des outillages ; nous touchons là a u x fron tières des tra v a u x p ratiq u es de laboratoire, m ais nous pensons que ces tra v a u x doivent se faire à l’atelier en raison de l’usinage qu’ils com portent.
Toutes nos écoles ne sont pas encore équipées pour effectuer ce g en re d’essais qui consiste à m e su rer l’effort de coupe principal, la pression d’avance, la réactio n su r l’outil et à déterm iner les varia tio n s du rendem ent de la m achine en fonction de la profondeur de passe et de la section du copeau.
Le trac é des courbes correspondantes e t les m e sures qu’elles im posent e n tre n t' bien dan s la for m atio n d’un élève ingénieur auquel on p eu t faire > relever, en outre, à l’atelier, des courbes de vitesses sur des m achines à m ouvem ent a lte rn a tif : rabo teuse ou étau limeur, p en d an t le tem ps où la pièce s’usine (u tilisatio n des tem ps m orts-élèves qui
(au ssi parado xal que cela p araisse) correspondent au x tem ps utiles des opérations-m achines).
i) Le chapitre de la p rép a ra tio n du trav a il, qui intéresse plus spécialem ent le bureau des travaux , s’il n ’emploie p as les sciences à h au te dose, s ’appuie solidement aur l’expérim entation.
L e bu t de ce b ureau e st de chercher à pousser le travail, en qualité et en quantité. Il f a u t pour cela connaître les principes et les ré su lta ts de longues expériences, fa ire preuve d’intelligence tech nique e t d’ingéniosité.
P our une fab rica tio n déterm inée, le bu reau des tra v a u x doit :
1“ Rechercher la succession logique dps op éra tions d’usin ag e ;
2“ Choisir le m eilleur rend em ent pour réaliser chacune d’elles ; qualité optim um , économie de r é a lisation.
Cette fo rm atio n est, plus spécialem ent, celle du technicien.
Nous n ’entrero ns d ans le détail de ses a ttrib u tions que pour rap peler brièvem ent les principaux fac teu rs qui interv ien nent dans l’étude des fa b ri cations e t dont la p lu p a rt sont issus des sciences expérim entales :
Analyse des gam m es d’opérations.
Calcul et estim atio n des tem ps d’usinage. Analyse des tem ps de chronom étrage.
E tude des ajustem ents, des outillages et des porte-pièces.
E tud e des tra ite m e n ts therm iques. Procédés de contrôle.
P u is les études de gestion ; Etude des devis estim atifs. E tud e des délais.
Etude des p rix de revient.
e# L ’activité du bureau des travaux, du moins dans nos écoles, se prolonge ju sq u ’à l’atelier où doit s’effectuer la liaison en tre le service de p répa ratio n et le service d’exécution : c’est le service de rép a rtitio n du trav a il et de lancem ent, le contrôle de cadence des fabrications, le chronom étrage des tem ps d’ouvriers et la vérification des pièces et m achines term inées.
Je m ’excuse d’avoir à rép éter certaines indica tions données dans des conférences ou dans des causeries que j ’ai eu l’occasion de fa ire dans nos écoles, à l’époque des inspections.
S ans vouloir supprim er la confection d’exercices parfois indispensables, j ’ai estim é que, seule, la construction d’une machine-outil, entièrem ent et r a pidem ent réalisée p a r vous, livrée en é ta t de m arche, é ta it capable de procurer au personnel et aux élèves l’occasion de rencontrer, dans l’ordre convenable, tous les problèm es qu’on résoud à l’usine ; la respon sabilité encourue doit conduire les ex écu tan ts à suivre l’évolution constante des procédés industriels :
Nous attachons, p a r exemple, une im portance • p articu lière au choix des m étaux, beaucoup trop négligé pour qu’on a it pu obtenir jusque là des m achines de qualité.
Il fa u t m e ttre de l’ordre d ans les m agasins, contrôler ces m étau x dès la réception, les contrôler encore après tra ite m e n ts therm iq ues p a r tous les m oyens dont on dispose à l’atelier e t au x lab ora toires essais m écaniques et chimiques, micro-, graphie, m acrographie.
La qualité doit être irréprochable, fa u te de quoi les études d’usinage, les plus soignées et les plus élégantes, ne conduiront q u ’à des fab ricatio n s sans valeur.
L a réception finale se ra sévère et conforme aux cahiers des charges de l’in du strie ; plus de tr u quage, il fa u t m e ttre fin au régim e de facilité et ainsi ra y e r le « m argoulin m de la liste des four nisseurs.
Le chemin de l’école, semé des m êm es obstacles et des m êm es em bûches que celui de l’usine, doit être bien entendu déblayé.
L ’a n dernier, j ’ai enreg istré, avec joie, l’échec d’un chef d’atelier qui, pour alim enter ses tours autom atiques, p rit une im p ortante com m ande d’axes de m otocyclettes chez l’un des co nstru cteurs Iw plus rép u tés de F ra n ce ; il se v it refuser, au début, quelques centaines de ces pièces ; il a, depuis, fo rt bien résolu le problèm e e t a fa it classer son école parm i les « entreprises sérieuses > : excellente réfé rence qu’il fa u t ap plaudir et encourager pour l’effort qu’elle a exigé et pour l’exemple de volonté e t d’adresse que n’ont p as m anqué d’apprécier les élèves.
Le program m e des fab rica tio n s est composé de trois secteurs : le prem ier imposé, le second recom m andé et le troisièm e libre.
C ette classification a u ra je pense l’av a n ta g e de m e ttre un peu d’ordre d an s des tra v a u x qui pre n aien t parfo is des orien tation s fan taisistes.
L a rép artitio n , établie d an s la m esure du pos sible, selon le désir de chacun, a été accueillie, j ’ose dire, avec joie, en particu lier dans les Ecoles N a tionales Professionnelles dont aucune n ’a v a it une idée trè s précise du niveau qui lui convenait.
Nous suivrons avec atten tio n et intérêt, dans les ateliers, ces exemples v iv an ts qui rem placeront dans de nom breux cas des tra v a u x san s portée éducative et y ap p o rtero n t une ém ulation bienfaisante.
E n dehors des m athém atiques, de la mécanique, de la ciném atique e t de la physique, dont nous venons d’entrevoir la liaison directe avec l’atelier, deux au tre s disciplines ont une influence non moins directe sur nos travaux, ce sont : l’électrotechnique et la m étallurgie.
Il est superflu, je pense, de parler ici des appli cations innom brables de l’électricité dans' l’industrie ; nous avons larg em en t développé cet enseignem ent dans nos cours, d an s nos ateliers, dans nos labo ratoires.
L a nécessité d’une forte culture scientifique pour l’électro-m écanicien est trop évidente pour que nous insistions.
L a m étallu rgie n ’est p as m oins im po rtan te pour la fo rm ation des élèves-ingénieurs ; ils en trou vent des applications continuelles d ans tous les secteurs où l’on utilise et où l’on « trav a ille » des m étau x aux caractéristiq u es les plus diverses, à chaud ou à froid.
L ’emploi, en particulier, das aciers à h au te résis tan ce auquel nous avons f a it allusion to u t à l’heure, ainsi que des fontes spéciales, pose des problèm es de g ran d e portée à tous les étag e s des études.
De même que la technologie de construction unit l’enseignem ent g én éral à l’enseignem ent du dessin, la technologie professionnelle u n it l’enseignem ent gén éral à celui des tra v a u x pratiques.
II est, en conséquence, indispensable de suivre pour la seconde les m êm es règles de coordination entre professeurs que pour la prem ière, c’est-à-dire de fixer soigneusem ent les lim ites de chacun dans le b u t d’éviter les chevauchem ents, les redites et les désaccords su r la term inologie employée.
M ais de tous ces problèm es, m athém atiqu es et autres, que l’élève a u ra résolus, il f a u t qu’il reste quelque chose.
Au lieu d’en effectuer les calculs à la craie, comme cela se fa it couram m ent, su r l’établi, sur le b âti de la m achine, sur le m a rb re ou sur le sol de l’atelier, les élèves se serviront d’un cahier où ils n oteront égalem ent leurs observations person nelles, les anom alies et les dilScultés qu’ils au ro n t rencontrées au cours de leur travail.
P a r expérience, quelques - u n s d’entre vous connaissent la valeu r de ces recueils dont les élèves revendiquent jalousem ent la p ropriété à la fin de l’année scolaire.
P our m ener à bien ces travaux , nous viendrons bu te r su r certain s écueils dont les p rincipaux sont :
L# L ’insuffisance de quelques m aîtres subalternes; M# L ’équipement souvent vétuste et réduit de nos ateliers.
Vous savez que l’E n seig nem ent Technique fa it actuellem ent un effort im p ortant, dont vous avez d éjà bénéficié, pour la m odernisation du m atériel- m achines, effort m alheureusem ent lim ité p ar la com pression des crédits.
P our le recru tem en t du personnel, les difficultés re ste n t g ran d e s : il fa u t avoir recours, en a tte n d a n t mieux, au perfectionnem ent des m a ître s : dans récole e t p a r récole ; les docum enter, les inform er abondam m ent, o rg an iser des causeries à leur in ten tion : l’expérience en a été faite jad is avec profit. Si nos élèves sont tenus d’apprendre, au début, les gestes élém entaires et corrects de l’ap pren ti m écanicien, p a r une progression rapide, on doit
élever le n iveau de cette form ation à celle du tech nicien qui précède inévitab lem en t celle de l’in génieur.
Mais, en raison de la diversité im m ense des fonctions réservées au x anciens élèves des A rts et M étiers, dont beaucoup deviennent des chefs d’in d u strie e t des ad m in istrateu rs, il est indispensable d’étaler leurs connaissances sur d’a u tre s m atières.
Les services techniques ne sont p a s tout, en effet ; des tâch es m ultiples ex igen t des com pétences variées qui ne peuvent s’appuyer que su r une forte culture générale.
Il y a quelques jours, l’un de m es anciens élèves, qui dirige à P a r is une usine im portante, se fra p p a it devant moi la poitrine en déplorant le peu d’a tte n tion qu’il a v a it apporté à l’école pour l’enseignem ent de la com ptabilité industrielle, à laquelle il a dû se form er depuis, p a r la force des choses, avec assez de peine.
C onducteurs d’hommes, les trois q u a rts de nos élèves le sont ou le seront.
Ils ont à exercer un com m andem ent direct et perm an en t sur des ouvriers e t d’au tre personnel de provenances diverses.
E n dehors des tra v a u x in du striels propres à l’en treprise, ils doivent assu re r la discipline et le respect du règlem ent. *
Nous n ’en tre ro n s p a s d an s les détails d’u n cours de psychologie générale, ni d a n s la fo rm atio n de l’ingénieur social ; il n’en est p a s m oins v rai que nos élèves doivent être av ertis des difficultés qu’ils rencon trero nt dans leur ca rriè re de chef, ne serait-ce que pour y ren forcer leur p restig e e t leur autorité.
D an s la m esure de nos moyens, nous les h ab i tuerons à acq uérir le sens de la responsabilité, nous les en tra în e ro n s à l’aptitu d e au com m andem ent.
Il f a u t leur enseigner un m inim um de vérités, en p articu lier qu’un chef ne doit être ni vulgaire, ni violent, ni in ju ste ; leur confier p arfo is la conduite d’hom m es ou de cam arad es de façon qu’ils puissent app récier l’im portance du fa c te u r hum ain dans la production e t la nécessité d’en tre te n ir avec le personnel des rela tio n s hum aines.
E t je te rm in erai p ar cette citation de M. A ndré Siegfried, de l’A cadémie F ra n ç a ise :
« T a n t qu’il s’a g it des choses, la connaissance est relativem ent facile ; m ais quand l’être hum ain entre en jeu, les difficultés commencent.
« Les actio ns des homm es e n tre n t dans le cadre des fa its observables, m ais elles ne deviennent com préhensibles que si l’on en pénètre les raisons.
« Or, ces raisons, j ’entends les raiso ns véritables et profondes, les hom m es ne les disent jam ais, et c’est à peine s’ils se les disent à eux-mêmes.
« Il n ’est donc guère utile d’in terro g er les gens sur leurs m otifs ; on en e s t réd u it à les deviner. >
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