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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Des modèles d'opérateurs au modèle de référence : outil de formation pour la supervision d'un processus continu à long délai de réponse

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Academic year: 2021

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DES MODÈLES D’OPÉRATEUR AU

MODÈLE DE RÉFÉRENCE :

OUTIL DE FORMATION POUR LA SUPERVISION D'UN

PROCESSUS CONTINU À LONG DÉLAI DE RÉPONSE

RENAN SAMURÇAY

RÉSUMÉ

On présente une approche ergonomique et didactique pour la conception d'un outil de formation à la conduite de haut fourneau. On décrit les différentes étapes d'une démarche de construction de "savoir de référence" qui consiste à identifier des catégories d'objets et de traitements communs à des pratiques efficaces, qui sont quant à elles spécifiques à des situations, contextualisées et personnalisées. On tente ainsi de transformer l'expérience des opérateurs en connaissances transmissibles.

Cette recherche a été subventionnée conjointement par le programme Ergonomie et Productivité du Ministère de la Recherche et de la Technologie et le Département Fonte du complexe sidérurgique USINOR-Dunkerque.

Mots clés : Contrôle de processus, Modèles mentaux, Stratégies,

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1. PROBLÉMATIQU: FORMATION AUX ACTIVITÉS DE CONTRÔLE D'ENVIRONNEMENTS DYNAMIQUES

L'étude présentée ici s'inscrit dans le cadre d'un programme de recherche plus vaste qui porte sur l'analyse des activités de prise de décision dans le contrôle d'environnements dynamiques. Il s'agira ici des aspects liés à la spécification des contenus de formation pour les opérateurs qui contrôlent de tels environnements et en l'occurrence un haut fourneau (qui est un processus continu à longs délais de réponse).

Les environnements techniques actuels obligent les opérateurs humains à travailler de plus en plus avec des systèmes artificiels conçus avec une intentionnalité qui correspond à celle du concepteur. La conception de ces systèmes s'appuie sur des modèles (physiques, chimiques, électroniques,...) calculables qui réalisent les buts et les fonctions désirés. Le plus souvent, ces modèles décrivent un fonctionnement théorique normal du système. En fonctionnement réel, l'opérateur contrôle et corrige les écarts à ce fonctionnement théorique. L'opérateur qui interagit avec un tel système ne manipule pas directement ces modèles de conception ; il se construit un ensemble de modèles opérationnels pour son activité à travers des situations de formation et des situations de travail. C'est cet ensemble que nous désignons par "modèle de l'opérateur" qui, dans la littérature, rencontre d'autres appellations comme modèle de l'utilisateur, modèle descriptif, représentation interne, etc... (WILSON & RUTHERFORD, 1989). Les modèles prescriptifs ou systèmes de représentations externes qui décrivent ce que devrait être un modèle opérateur efficace, peuvent être qualifiés de "modèles de référence".

Les modèles des opérateurs ont plusieurs caractéristiques : (1) ils sont spécifiques à un type d'activités (le conducteur et le technicien de maintenance de centrale nucléaire ne manipulent pas le même modèle du fonctionnement de la centrale) ; (2) ce sont des objets conceptuels qui permettent de comprendre l'état présent du système, de générer des évolutions possibles et de décider des actions appropriées ; (3) ils sont nécessairement marqués par les propriétés des représentations externes (les signifiants: langue, tableaux, courbes, synoptiques, etc...) ; (4) pour un même système physique plusieurs modèles de nature et de niveaux d'abstraction différents (RASMUSSEN, 1986) peuvent coexister chez un même opérateur ; (5) ils ne sont pas nécessairement un simple sous-ensemble du modèle de référence : ils sont différents en quantité et en qualité. La validité et l'étendue de ces modèles sont alors tributaires des situations rencontrées s'il n'y a pas par ailleurs une action de formation qui les corrige, modifie et enrichit. Par ailleurs, la maîtrise technologique des processus industriels (développement des outils de mesure, des techniques de construction, des modèles calculables, ...) contrairement à ce qu'on pouvait imaginer ne s'est pas traduite par la diminution des compétences qu'exige l'accomplissement des tâches. Au contraire, le

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caractère indirect et médiatisé de l'activité de contrôle (régulation automatique, systèmes de contrôle-commande, informations pré-traitées, ...) exige de la part de l'opérateur la construction de connaissances nouvelles qui ne peuvent plus seulement être acquises par l'action dans les situations de travail. La diminution du nombre des incidents de marche (due à la maîtrise technologique), ne favorisant plus la rencontre des opérateurs avec des situations d'incidents variées (constitutives des connaissances et des stratégies nouvelles), peut produire paradoxalement une diminution des compétences potentielles.

Les modèles de processus sur lesquels s'appuie l'activité de l'opérateur sont construits d'une part, à travers des formations explicites et, d'autre part, par l'activité même de conduite. Le plus souvent comme il n'existe pas de modèle unique permettant de décrire le fonctionnement complet de ce type de processus, la formation consiste à présenter aux opérateurs les modèles locaux valides dans certaines conditions de marche normale. La recomposition de ces modèles et leur articulation sont laissées à la charge de l'opérateur, qui doit les réaliser nécessairement dans les situations de travail. Ainsi, le modèle de l'opérateur est façonné par la qualité et la quantité des situations-problèmes traitées.

Dans les environnements statiques, la construction du modèle du fonctionnement d'un système pourrait s'appuyer en partie sur les effets des actions et buts de l'opérateur. Lorsque le système est dynamique (i.e qui évolue indépendamment des actions du sujet) et à longs délais de réponse, comme dans le cas du processus étudié, la construction du modèle de fonctionnement ne peut plus s'appuyer seulement sur les régularités observées entre les actions et leurs effets. Deux types de connaissances doivent être articulées: les connaissances sur le fonctionnement du système et les connaissances sur les effets des actions. Les connaissances construites par l'action sont en général spécifiques à des situations, contextualisées et personnalisées : ce sont des savoirs en acte qui se manifestent dans des pratiques. La construction du modèle de référence consiste à identifier les catégories d'objets et de traitements communes à des pratiques efficaces. De ce point de vue les modèles de référence comportent en plus des modèles du domaine ou de l'expertise des éléments pertinents pour l'action. La formation des opérateurs à des tels modèles a pour but de transformer l'expérience en connaissances explicites et transmissibles.

2. LES EXIGENCES COGNITIVES DE LA TACHE

Le haut fourneau (HF) a deux grandes fonctions : réduire les oxydes ferreux en fer et combiner ce fer avec le carbone et d'autres éléments pour former la fonte. C'est un échangeur à contre-courant de matières descendantes, (coke+minerai qui cède son oxygène en se réduisant), et un courant gazeux ascendant (le vent chaud injecté, qui fournit la chaleur). Des couches alternées de coke et de minerais sont automatiquement

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chargées par le haut, par le bas on souffle de l'air chaud (à 1200°C) et la fonte est récupérée dans le creuset à 1500°C. Le CO et une partie de la chaleur nécessaire à la réduction sont obtenus par la combustion de coke; l'autre partie de la chaleur est obtenue par l'injection de charbon et d'oxygène par le bas. L'existence de deux mouvements opposés, la descente lente des charges (4 m/h) et la montée rapide des gaz (1 m/s) crée des délais importants dans la propagation des effets dans la chaîne causale. Les transformations qui s'opèrent dans le haut du fourneau ont des effets sur celles qui s'opèrent dans le bas et vice versa; ces effets ont par ailleurs des délais de latence et de réponse différents selon la nature des variables impliquées.

Les opérateurs utilisent environ 60 paramètres qui portent d'une part, sur les pressions, les températures et, d'autre part, qui proviennent des analyses physiques et chimiques des matières entrées (solides et gaz) et de celles obtenues à la sortie (liquides : fonte et laitier, et gaz). Les représentations externes disponibles actuellement dans la salle de contrôle sont essentiellement : les documents, les enregistreurs, un système de contrôle-commande (du type synoptique) qui donne accès aux données instantanées, un système de consultation qui donne accès aux historiques et aux paramètres calculés (à la base d'un certain nombre de modèles) qui renseignent sur l'état de la marche et les communications échangées avec d'autres opérateurs.

Les causes des transformations rencontrées dans la conduite de haut fourneau sont de deux types :

- les phénomènes physico-chimiques continus qui se déroulent sans l'intervention directes de l'opérateur (comme par exemple la réduction des oxydes ferreux) ;

- les interventions de l'opérateur, pouvant être discrétisées du point de vue de l'action, mais dont les effets sont continus (ex : l'augmentation de la proportion de coke dans la charge, qui peut être réalisée soit d'une façon ponctuelle, soit par pallier, va progressivement augmenter la température de fonte en passant par des évolutions continues).

L'activité de conduite de haut fourneau a été analysée dans un cadre théorique qui permet de caractériser cette activité selon trois dimensions d'une typologie cognitive.

- Le contrôle du HF est indirect et les délais de réponse du système sont longs. Pour obtenir un effet désiré, l'opérateur ne peut pas toujours agir directement sur les variables cruciales à contrôler. L'activité de planification porte non seulement sur les connaissances des règles de fonctionnement du processus mais également sur les connaissances des effets de ses propres actions sur le processus.

- Les informations sur le processus (les valeurs courantes des variables cruciales) ne sont pas toutes directement mesurables. Elles sont indirectement accessibles à partir des valeurs de paramètres qui servent d'indicateurs. Les activités d'inférence sont alors nécessaires pour comprendre et modifier l'évolution du processus.

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- Les variables qui décrivent le fonctionnement du processus sont continues. Les activités de raisonnement se déroulent alors essentiellement sur les évolutions et les transformations continues.

Plusieurs modèles calculables du haut fourneau existent déjà ; chacun modélise les relations mathématiques entre un sous-ensemble de variables du processus. Il n'existe pas à l'heure actuelle de modèle calculable unique permettant de rendre compte de l'ensemble des interactions possibles entre les variables possibles du processus. Ces modèles opérationnels pour l'activité des concepteurs et des ingénieurs du processus ne le sont pas nécessairement pour l'activité des opérateurs. C'est pour répondre à ce besoin qu'un travail à la fois théorique et expérimental a été conduit avec le concours des opérateurs et des ingénieurs pour construire un modèle de référence pertinent pour l'action et basé sur les modèles de fonctionnement existants chez les opérateurs. Pour accéder à ces modèles deux méthodes de recueil et d'analyse de données ont été utilisées conjointement : entretiens sur les paramètres du processus et leurs relations, observations en situations de conduite simulées.

3. MODELES DES OPERATEURS, LES BESOINS EN FORMATION

Les connaissances qu'ont les opérateurs à propos du fonctionnement du HF ont été analysées à partir des entretiens menés avec eux sur les relations entre les paramètres observables d'entrée et de sortie (HOC,, 1988, 1989a). Ainsi pour chaque opérateur un réseau causal et un ensemble de règles d'actions ont été obtenus. Les résultats ont révélé l'importance accordée par les opérateurs à des variables non mesurables dans l'expression des relations causales entre les paramètres mesurables. Ces variables que nous avons appelées descripteurs agissent comme des entités intermédiaires entres les paramètres d'entrée et ceux de sortie, correspondent à des phénomènes non observables (par ex. réduction) à l'intérieur du HF et leurs valeurs qualitatives sont inférées à partir des paramètres mesurables.

La mise en œuvre de ces connaissances a été étudiée dans une situation de marche simulée (HOC,,1988, 1989b). Un critère d'efficacité a été défini pour comparer les stratégies observées. Les résultats montrent une relation très étroite entre l'utilisation des descripteurs et l'efficacité. Ainsi, les stratégies les plus efficaces expriment plus d'hypothèses en termes de descripteurs, basent les décisions d'action davantage sur les descripteurs et développent des activités de raisonnement sur des hypothèses simultanées.

Les effets de deux facteurs ont été examinés pour définir le domaine de validité de ces premiers résultats (HOC,, 1991) : (1) complexité de la

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situation (définie par le nombre de dysfonctionnements en interaction) ; (2) familiarité avec la conduite (10-15 ans vs 7 ans d'expérience).

L'analyse des données provenant de plusieurs situations permet d'affiner la nature de l'activité et de dégager des invariants dans la conduite de ce type de processus. Ainsi les résultats indiquent que l'activité de conduite n'est pas une activité de simple réglage des paramètres d'entrée par rétroaction de l'examen des sorties. Il s'agit d'une activité de supervision des grands équilibres de phénomènes internes au haut fourneau qui assurent une "bonne marche". Les paramètres d'entrée et de sortie sont utilisés surtout comme indicateurs pour construire et mettre à jour un "modèle mental" qui guide les activités de supervision et de prise de décision. La qualité du produit n'est pas un critère opérationnel pour la supervision; elle est obtenue comme une résultante des actions réalisées pour maintenir le système en équilibre. Pour accomplir cette tâche, les opérateurs décomposent cet équilibre recherché en sous-systèmes décrivant chacun un phénomène interne du fourneau que nous avons désigné par descripteur. Ces invariants paraissent liés, non seulement à la longueur des délais de réponse sur ce type d'installation, mais également au caractère indirect des informations et des effets des interventions sur les variables cruciales de processus.

La familiarité avec la conduite se manifeste notamment dans la richesse des connaissances activées dans l'analyse d'une situation de marche. Les opérateurs les plus familiers avec la conduite travaillent dans un cadre d'analyse plus large en considérant plus de descripteurs (aussi bien quantitativement que qualitativement), et traitent plus d'hypothèses (en terme de nombre et d'opérationnalité).

La complexité des situations affecte surtout les formes des stratégies (raisonnement, génération d'hypothèses, gestion de la prise d'information, etc...). Dans une situation complexe les opérateurs utilisent les hypothèses davantage pour les tester que pour prendre des décisions. Les raisonnements sont plus orientés par la compréhension de la situation que par la décision d'action. Tandis que dans une situation plus simple, les hypothèses sont effectivement utilisées pour décider d'une action. Cela pourrait s'interpréter par le fait que dans des situations complexes où les anticipations sont plus difficiles à mettre en œuvre (à cause du grand nombre de variables et d'interactions entre variables à traiter) les opérateurs ont tendance à attendre l'apparition des indices qui confirment leurs hypothèses avant de décider d'une action.

Il résulte de cet ensemble d'analyses qu'une action de formation peut intervenir à deux niveaux : (a) enrichir les représentations schématiques des opérateurs ; (b) leur fournir des connaissances de nature stratégique favorisant le passage d'un point de vue à un autre dans l'analyse des phénomènes du processus.

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4. CONCEPTION DU MODELE DE REFERENCE HAUT FOURNEAU

RELATIONS VERBALISÉES PARLES OPÉRATEURS

M1

REPRÉSENTATIONS DU GROUPE D'INGÉNIEURS

M3 M2

LE FORMAT DU MODÈLE

PHÉNOMÉNOLOGIQUE REPRÉSENTATIONS CAUSALES EXPRIMÉES PAR L'INGÉNIEUR

Figure 1: Les étapes de construction du modèle de référence

La figure 1 présente les étapes de construction du modèle de référence Le modèle M1 correspond au graphe fusionné des relations causales exprimés par les opérateurs lors des entretiens (HOC, 1989a). Ce graphe causal décrit des relations entre les paramètres en passant par des variables intermédiaires que nous avons appelées "descripteurs" (par ex., le débit vent a un effet sur l'accrochage/décrochage qui a un effet sur la pression circulaire). ACTIONS OPÉRATEURS ACTIONS INGÉNIEURS ENTITÉS DÉTERMINÉES ENTITÉS DÉTERMINANTES INDICATEURS DESCRIPTEUR

ENTITÉS DÉTERMINÉES CAUSALEMENT PAR LE DESCRIPTEUR: POUR RÉGLER UNE ENTITÉ DÉTERMINÉE ON PEUT RÉGLER LE DESCRIPTEUR.

PARAMÈTRES PERMETTANT D'ÉVALUER INDIRECTEMENT LE DESCRIPTEUR:

QUAND ON DOIT RÉGLER CES PARAMÈTRES, ON NE RÈGLE PAS LE DESCRIPTEUR.

VARIABLE

LORSQUE LE DESCRIPTEUR EST ÉVALUÉ DIRECTEMENT PAR UN PARAMÈTRE. ENTITÉS QUI DÉTERMINENT

CAUSALEMENT LE DESCRIPTEURS

Figure 2: Le format de représentation des descripteurs

La figure 2 présente le format qui a été utilisé pour représenter les relations.

les entités déterminantes : les paramètres et les descripteurs ayant un effet causal sur le descripteur;

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les entités déterminées : les paramètres et les descripteurs déterminés causalement par le descripteur;

les actions (opérateur ou ingénieur) possibles sur ce descripteur.

Les indicateurs : les paramètres qui permettent d'évaluer le descripteur; cette évaluation peut être plus ou moins directe et complète.

Les indicateurs covarient avec les descripteurs ou sont déterminés par lui. La différence essentielle entre indicateur et entité déterminée réside dans le fait qu'on peut modifier une entité déterminée en agissant sur le descripteur, tandis que le but de modifier un indicateur n'a pas de sens. Le travail qui a fait passer du modèle M1 au M2 a été réalisé avec le concours d'un ingénieur et a consisté à :

- identifier et regrouper des entités verbalisées avec des désignations différentes, mais qui relèvent d'une même sémantique (par ex., chute, accrochage, décrochage etc..., ont été regroupées sous un même descripteur "irrégularité et asymétrie de la descente des charges" comme étant les différentes manifestations d'un même phénomène). Pour la dénomination des descripteurs, deux critères ont été retenus : 1. ne pas donner au descripteur le nom d'un de ses indicateurs (par ex.,

le descripteur état thermique a été désigné par "les échanges thermiques zone inférieure" à cause de l'indicateur WU) ;

2. éviter d'utiliser des noms qui sont trop familiers pour lesquels la sémantique pouvait être différente d'un opérateur à l'autre (par ex., le descripteur garnissage/dégarnissage a été désigné par "l'état des parois").

- différencier des phénomènes différents mais confondus dans les verbalisations (par ex., les phénomènes thermiques de ceux qui sont de nature chimique) ;

- ajouter des entités et des relations non verbalisées par les opérateurs (par ex., les propriétés thermodynamiques de la fonte et du laitier) ; - supprimer certaines relations non valides (par ex., la covariation entre

les paramètres WU et oméga qui sont des paramètres calculés suivant un modèle mathématique de HF) ;

- donner des définitions à chacun des phénomènes ;

- définir les indicateurs qui permettent d'évaluer les valeurs qualitatives de chaque descripteur ;

- associer à chaque descripteur les actions possibles des opérateurs et ingénieurs.

Ce modèle (M2) a été soumis à un groupe d'ingénieurs du département pour validation. Le débat a porté d'une part, sur la différenciation des phénomènes thermiques et chimiques et, d'autre part, sur le découpage en échanges thermiques zone supérieure et inférieure.

Le travail de validation conceptuelle (la validité et la cohérence des éléments et relations par rapport au domaine) a consisté à :

- examiner chaque descripteur du point de vue de sa cohérence interne ; à cette occasion certaines modifications ont été introduites dans les

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entités déterminées, déterminantes et en particulier dans les indicateurs ;

- regrouper deux des descripteurs en un seul : les propriétés thermodynamiques des liquides et les échanges thermiques zone inférieure ont été regroupés en un seul descripteur "l'élaboration fonte et laitier".

Ce modèle de référence décompose le fonctionnement d'ensemble du HF en phénomènes "élémentaires" identifiés comme tels aussi bien par certains opérateurs que par les ingénieurs : ces phénomènes correspondent à des points de vue différents (thermique, chimique, aérodynamique,...) sur le fonctionnement du processus. Ils induisent à la fois une topologie et correspondent à une décomposition fonctionnelle du but général du processus qui est de "produire de la fonte". Le modèle est hybride : il contient à la fois des connaissances "scientifiques" des ingénieurs et des connaissances opérationnelles des opérateurs en utilisant simultanément des relations causales théoriques et empiriques et les actions possibles de l'opérateur.

Le travail de validation psychologique (utilisation du modèle pour rendre compte des observations) du modèle de référence a été réalisé sur les données recueillies en conduite simulée (Hoc & Samurçay, 1992). Les descripteurs ne sont pas tous utilisés par tous les opérateurs, ni avec la même extension. Leur utilisation est corrélée avec le niveau d'expertise. Les descripteurs utilisées souvent et par tout le monde sont ceux pour lesquels les interventions sont nombreuses et directes. Les descripteurs non utilisés sont ceux pour lesquels les opérateurs n'ont qu'un petit nombre d'interventions très indirectes à leur disposition. Cependant les descripteurs peu ou non utilisés par les opérateurs peuvent être nécessaires pour prendre des décisions dans les situations de marche complexes, caractérisées par un grand nombre de phénomènes interactifs. Par ailleurs, dans certains cas l'utilisation des courts-circuits (relations directes entre paramètres sans passer par les descripteurs) peut empêcher les opérateurs de considérer l'ampleur du phénomène observé et de prendre en compte plusieurs phénomènes qui interagissent. Les situations de marche pour lesquelles l'économie des descripteurs peut être un facteur de risque doivent être identifiées en vue de les faire rencontrer aux opérateurs ne serait-ce que dans des situations de formation simulée.

5. FONCTIONNALITES POTENTIELLES DU MODELE DE REFERENCE COMME OUTIL POUR LA FORMATION

Le modèle de référence HF a fait l'objet d'une implantation informatique* dans un environnement Apple-Macintosh utilisant l'interface souris/grand écran. Le développement a été réalisé à l'aide du générateur d'applications hypermédia "SuperCard".

* L'implémentation a été réalisée par Thierry Gervais, allocataire de recherche à l'URA 1297-Equipe de Psychologie Cognitive Ergonomique.

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Figure 3. Copie d'écran d'un état du système

(en haut à gauche le schéma général des descripteurs, à droite le descripteur "Échanges thermiques zone supérieure", en bas à gauche la carte des

moyennes horaires correspondant au paramètre T° vent)

Le logiciel utilise le multifenêtrage afin de présenter à l'écran des éléments du modèle de nature et niveau différents (cf. figure 3). Un schéma général des relations entre descripteurs permet la permutation entre des cartes dont chacune représente un descripteur (par exemple : "Échanges Thermiques Zone Supérieure"). Chacune de ces cartes permet l'accès aux paramètres (par exemple : "Température Vent") et indicateurs associés au descripteur concerné, ainsi qu'aux autres descripteurs en position d'entités déterminantes ou déterminées conformément au modèle. Les paramètres ou indicateurs sont présentés sous la forme de données numériques (tableaux de valeurs) ou graphiques (courbes ou diagrammes) reproduisant des supports utilisés par les opérateurs en salle de contrôle. La navigation de l'utilisateur au sein de l'application est enregistrée sur une trace récupérable après la session de façon à permettre l'exploitation de ces données en termes d'évaluation ou à des fins expérimentales. La démarche de l'utilisateur est rendue partiellement tutorielle dans la mesure ou les chemins d'accès aux données respectent les caractéristiques du modèle de référence HF. L'application reste néanmoins entièrement statique dans la mesure ou aucun modèle dynamique du processus lui-même n'a été implanté.

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Cette simulation informatique du modèle de référence se prête à diverses utilisations :

- il peut être abordé comme un système d'aide à des opérateurs inexpérimentés dans la conceptualisation et la dénomination des savoirs construits par l'action ;

- il peut être utilisé comme un support d'entraînement des opérateurs à la recherche et à la prise d'information sur le processus et sur la construction d'une représentation opérationnelle du processus.

Dans un travail en cours nous étudions les conditions d'acquisition du modèle par les opérateurs, en faisant l'hypothèse que le processus d'explicitation que va nécessiter l'utilisation du modèle tel qu'il est implémenté sera producteur de connaissance.Le modèle de référence HF a plusieurs fonctionnalités potentielles :

- il structure les différents points de vue qu'on peut avoir sur le fonctionnement du processus (thermique, chimique, aérodynamique) en définissant des relations entre les phénomènes ;

- il fournit un langage opératif qui une fois maîtrisé, pourrait faciliter largement non seulement les communications entre les membres d'une équipe, mais également la transmission de l'information d'une équipe à l'autre ;

- il fournit un cadre conceptuel cohérent pour analyser et interpréter les phénomènes observés ainsi que les effets des actions sur le système ; - il peut guider la recherche et la prise d'information sur le processus en

fournissant un support à l'élaboration et au traitement d'hypothèses simultanées.

Dans le domaine de dépannage, les travaux de Patrick (1989), montrent d'une part, qu'il est possible de former les opérateurs à de tels modèles de fonctionnement et, d'autre part, que les connaissances ainsi construites améliorent les performances.

6. CONCLUSIONS

Le modèle de référence HF dont nous avons présenté les propriétés et les fonctionnalités a à la fois des points communs avec ceux qui ont été développés dans la littérature (RASMUSSEN, 1986; BRAJNICK et al, 1989; WHITE and FREDERIKSEN, 1990) et des caractéristiques nouvelles. Il permet comme les autres types de modèle une décomposition du système selon différents points de vue (topologique, fonctionnel et transformationnel) pouvant contenir différents niveaux d'abstraction. Le caractère original du modèle réside d'une part, dans la structuration de ces différents points du vue autour des descripteurs qui sont des représentations schématiques construites par les opérateurs par et pour l'action, et d'autre part, dans le caractère hybride des connaissances (des opérateurs et des ingénieurs) qu'il représente.

L'approche ergonomique qui a été utilisée dans cette étude, aussi bien pour l'accès aux représentations et aux stratégies que pour leur

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formalisation, met l'accent non seulement sur la validité et la cohérence logiques des connaissances, mais également sur leur validité et représentativité psychologiques pour les opérateurs. Dans la mesure où des méthodes d'acquisition et de la formalisation de connaissances se développent également en IA, cette contribution pourrait être l'occasion d'une confrontation entre les deux approches.

REFERENCES

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WILSON, J.R. & RUTHERFORD, A. (1989) Mental models: theory and application in human factors, Human Factors, 31, 617-634.

Figure

Figure 1: Les étapes de construction du modèle de référence
Figure 3. Copie d'écran d'un état du système

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