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Géomorphologie d'un lac de cratère d'impact météoritique profond ennoyé par un barrage hydro-électrique : le cas du lac Manicouagan, est du Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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GÉOMORPHOLOGIE D’UN LAC DE CRATÈRE D’IMPACT MÉTÉORITIQUE PROFOND ENNOYÉ PAR UN BARRAGE HYDRO-ÉLECTRIQUE : LE CAS DU LAC MANICOUAGAN, EST DU QUÉBEC

Mémoire

FRANÇOIS-XAVIER L’HEUREUX HOUDE

Maîtrise en sciences géographiques Maître en sciences géographiques (M. Sc. Géogr.)

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

L’analyse des données bathymétriques à haute résolution et des profils acoustiques de sous-surface, obtenus lors de campagnes de terrain aux étés 2014 et 2016 au réservoir Manicouagan, a permis l’identification de plusieurs formes et processus sédimentaires sur les pentes et le plancher lacustre de l’ancien lac Manicouagan. L’analyse géomorphologique qui en découle a pour objectif de mieux comprendre l’évolution de la dynamique sédimentaire du bassin depuis la déglaciation. Avec une profondeur maximale de 322 m, il s’agissait du lac le plus profond connu à ce jour à l’est des Grands Lacs, avant l’ennoiement par le réservoir Manicouagan, dont la profondeur maximale se chiffre maintenant à 452 m. Le lac Manicouagan se divise en trois secteurs : Un secteur nord, au plancher très plat et aux pentes abruptes incisées de chenaux. Un secteur central, où se trouvent les bassins les plus profonds. Un secteur sud, au plancher lacustre chaotique et aux pentes plus douces, hôtes d’importants systèmes de ravins. Avant l’ennoiement, les apports sédimentaires vers le plancher lacustre étaient dominés par l’apport fluviatile des principaux affluents, à travers leurs deltas, de même que par les courants gravitaires à l’origine des ravins et chenaux. La mise en eau du réservoir a entrainé une augmentation de l’importance des mouvements de masse dans l’apport sédimentaire vers les bassins profonds, tout en éliminant l’apport des affluents, dont les sédiments se déposent désormais sur les plateaux et sur les rives du réservoir Manicouagan.

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Analysis of high resolution bathymetric data and acoustic sub-bottom profiles acquired during the summers of 2014 and 2016 in the Manicouagan reservoir allowed the identification of numerous forms and sedimentary processes on the slopes and lake floor of former Lake Manicouagan. The following geomorphological analysis aims at better understanding the basin’s sedimentary dynamics following the deglaciation. Reaching 322 m deep, Lake Manicouagan was the deepest know lake east of the Great Lakes, before the flooding of the Manicouagan reservoir, whose depth now reaches 452 m. Lake Manicouagan can be divided into three areas: The north area, with a flat lake floor and steep slopes eroded by channels. The central area, where the deepest basins can be found. The south area, with an hummocky lake floor and gentler slopes, eroded by large gully systems. Before the flooding, sedimentary supply to the lake floor was dominated by river sources, through their deltas, and by gravity currents, causing the erosion of channels and gullies. The flooding of the reservoir caused a rise in the importance of mass movements in sedimentary transport to the lake floor, while eliminating river imput transport to the deep basins. The river sediments are now mostly deposited on the shelves and shores of the Manicouagan reservoir.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES FIGURES ... VIII LISTE DES ANNEXES ... X REMERCIEMENTS ... XI INTRODUCTION ... 1 CHAPITRE PREMIER ... 5 1 SECTEUR D’ÉTUDE ... 5 1.1 GÉOLOGIE ET GÉOMORPHOLOGIE ... 6 1.2 HISTOIRE GLACIAIRE ... 8 1.3 ACTIVITÉS ANTHROPIQUES ... 11 CHAPITRE 2 ... 13 2 MÉTHODOLOGIE ... 13 2.1 DONNÉES GÉOPHYSIQUES ... 13

2.1.1 Données bathymétriques et de rétrodiffusion acoustique ... 13

2.1.2 Données de sous-surface ... 15

CHAPITRE 3 ... 17

3 RÉSULTATS ... 17

3.1 BATHYMÉTRIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE DU LAC MANICOUAGAN ... 17

3.2 GÉOMORPHOLOGIE LACUSTRE ... 20

3.2.1 Anciens niveaux lacustres ... 33

3.2.2 Ravins... 34

3.2.3 Chenaux érosifs ... 34

3.2.4 Crètes Morainiques ... 36

3.2.5 Formes d’écoulement glaciaire... 37

3.2.6 Chenaux des rivières submergés. ... 37

3.2.7 Cônes subaquatiques ... 39

3.2.8 Dépôt et chenal de contourite ... 39

3.2.9 Systèmes deltaïques ... 41

3.2.9.1 Delta de la rivière Racine de Bouleau... 41

3.2.10 Mouvements de masse ... 43

3.2.11 Niveaux de terrasse ... 45

3.3 UNITÉS STRATIGRAPHIQUES ... 45

3.3.1 Unité 1... 46

(5)

3.4.2 Zones d’érosion ... 53

CHAPITRE 4 ... 54

4 DISCUSSION ... 54

4.1 ÉVOLUTION DU BASSIN DU LAC MANICOUGAN ... 54

4.1.1 Chronologie de la mise en place des formes et des processus sédimentaires observés dans le lac Manicouagan ... 54

Déglaciation ... 54

4.1.1.1 4.1.1.1.1 Formes d’écoulement glaciaire ... 54

4.1.1.1.2 Dépôt de crêtes morainiques et seuils ... 54

4.1.1.1.3 Formation des systèmes deltaïques ... 55

Holocène postglaciaire pré-ennoiement ... 56

4.1.1.2 4.1.1.2.1 Formes associées à la dérive littorale ... 56

4.1.1.2.2 Chenaux, escarpement de tête de chenal et ravins ... 57

4.1.1.2.3 Cônes subaquatiques ... 58

4.1.1.2.4 Formation du dépôt de contourite et chenal associé... 59

Post-ennoiement ... 60

4.1.1.3 4.1.1.3.1 Mouvements de masse ... 60

4.1.1.3.2 Niveaux de terrasse ... 61

4.2 GÉOMORPHOLOGIE DU PLANCHER LACUSTE ... 61

4.2.1 Comparaison entre le plancher lacustre des différents secteurs du lac Manicouagan ... 61

Secteur nord du lac Manicouagan ... 62

4.2.1.1 Secteur central du lac Manicouagan ... 62

4.2.1.2 Secteur sud du lac Manicouagan ... 62

4.2.1.3 4.3 IMPACTS DE LA CRÉATION DU RÉSERVOIR SUR LES PROCESSUS SÉDIMENTAIRES ... 63

4.3.1 Modification du transport sédimentaire ... 63

Arrêt du transport sédimentaire deltaïque... 63

4.3.1.1 Courants associés à la dérive littorale et à l’action du vent ... 64

4.3.1.2 CONCLUSION ... 66

RÉFÉRENCES ... 69

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Morphologie typique de certaines des formes répertoriées dans le lac Manicouagan 21 Tableau 2 : Unités stratigraphiques répertoriées dans le lac Manicouagan ... 46

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Figure 1 : Localisation du réservoir Manicouagan et de l’ancien lac Manicouagan. ... 5 Figure 2 : Géologie de la structure d'impact de Manicouagan, adapté de O'donnell-Cooper et

Spray, 2011. ... 7 Figure 3 : Bassin-versant et écoulement moyen interannuel du bassin Manicouagan, adapté de

Jones et al., 1973. Les deux affluents principaux du secteur du lac Manicouagan sont la rivière Racine de Bouleau et la rivière Hart-Jaune. ... 8 Figure 4 : Modèle du retrait du front glaciaire de l'Inlandsis laurentidien, au Québec-Labrador,

tiré de Occhietti et al. (2011). Le retrait se serait opéré entre 8,2 Cal ka et 7,5 Cal ka BP. .... 10 Figure 5 : Traces d'écoulement glaciaire pour la région des hautes-terres du Québec, tiré de

Veillette (2004). Trois orientations sont observables pour la région du réservoir Manicouagan, dans le coin en haut à gauche. ... 11 Figure 6: Couverture des données de rétrodiffusion acoustique, obtenues à l’été 2016, se

concentrant principalement sur les secteurs centre et nord du lac Manicouagan. ... 15 Figure 7 : Localisation des levés acoustiques de sous-surface obtenus lors de la campagne de

terrain de l’été 2014. ... 16 Figure 8 : Un des bassins profonds du lac Manicouagan, dans la partie centrale du lac, séparé en

plusieurs sous-bassins par des seuils. La ligne pointillée représente une cicatrice de rupture et les flèches représentent la direction du glissement. Exagération verticale : 3, illumination 315o ... 18 Figure 9 : Classification des pentes du lac Manicouagan et division en trois secteurs. ... 20 Figure 10 : Bathymétrie du lac Manicouagan et localisation des figures et profils. Noir : Image

bathymétrique 2D. Blanc : Image bathymétrique 3D. Rouge : Profil sismique/bathymétrique. ... 22 Figure 11 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) du secteur nord présentant les principales

formes du lac Manicouagan (1/10). ... 23 Figure 12 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (2/10). ... 24 Figure 13 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (3/10). ... 25 Figure 14 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (4/10). La flèche représente la direction de l’écoulement glaciaire. ... 26 Figure 15: Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (5/10). ... 27 Figure 16 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (6/10). La flèche représente la direction de l'écoulement glaciaire. ... 28 Figure 17 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

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Figure 18 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (8/10). ... 30 Figure 19 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (9/10). ... 31 Figure 20 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac

Manicouagan (10/10). ... 32 Figure 21 : Chenal érosif et escarpement de tête associé, situés dans la partie sud du lac

Manicouagan. Un glissement est également présent, de même que la cicatrice de rupture associée. La ligne pointillée représente la cicatrice de rupture et la flèche représente la direction du glissement. Exagération verticale : 4, illumination 32o. ... 35 Figure 22 : Une crête morainique de 1000 m de longueur et une brèche de 200 m de longueur

peuvent être observées, dans la partie centrale du lac Manicouagan. Exagération verticale : 5x, illumniation 42o ... 37 Figure 23 : Deux cônes subaquatiques retrouvés dans la partie nord du lac Manicouagan, avec les

chenaux de rivière qui leur sont associés. Des chenaux érosifs peuvent également être observés. Exagération verticale : 3x. Illumination : 315o ... 38 Figure 24 : Dépôt de contourite et chenal associé retrouvé dans le secteur nord du lac

Manicouagan. A : Image bathymétrique 3d, Exagération verticale 7x, illumination 0 degrés. B : Profil sismique (12 kHz) C: Profil topographique. ... 40 Figure 25 : Système deltaïque dans le secteur sud du lac Manicouagan, présentant plusieurs

chenaux, des cicatrices de « delta lip failure » de même que des séries de formes en croissant. Exagération verticale : 5x, illumination 338o. ... 41 Figure 26 : Données bathymétriques à haute résolution (2 m) montrant le delta de la rivière

Racine de Bouleau, nord du lac Manicouagan. De nombreuses séries de formes en croissant, ou « step train », peuvent être observées, de même que des cicatrices de « delta lip failure » au rebord du delta. Exagération verticale : 4x. Illumination : 22o ... 43 Figure 27: Données bathymétriques à haute résolution (2 m) du secteur central du lac

Manicouagan, montrant des mouvements de masse avec leurs dépôts associés. Une série de niveaux de terrasse peut également être observée. Les lignes pointillées représentent les cicatrices de rupture et les flèches représente la direction des glissements. Exagération verticale : 2x, illumination : 170o. ... 44 Figure 28 : Profil sismique (3,5 kHz), partie centrale du lac Manicouagan, présentant les unités

U1, U2, U3 et U4, de même qu’une crête morainique. Voir figure 10 pour la localisation. . 47 Figure 29 : Profil sismique longitudinal (3,5 kHz) du delta de la rivière Racine de Bouleau,

présentant l’unité U5. Voir figure 10 pour la localisation. ... 49 Figure 30: Données d'imagerie satellitaire présentant des zones d'accumulation sédimentaire

(plages et flèche littorale) sur les berges du secteur centre du réservoir Manicouagan. ... 51 Figure 31: Orthophotographie et carte bathymétrique présentant une ancienne berge du lac

Manicouagan en accumulation, avec une flèche et une plage, près de l’embouchure de la rivière Hart-Jaune. ... 52 Figure 32 : Orthophotographie et carte bathymétrique présentant les berges du secteur nord du

lac Manicouagan en érosion, incluant une falaise érodée de plusieurs ravins. ... 53 Figure 33 : Données de rétrodiffusion acoustique dans le secteur nord du lac Manicouagan. On

peut y observer la signature plus claire des cônes dont l’activité s’est produite plus récemment que les autres cônes. ... 59

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Annexe A – Carte bathymétrique du lac Manicouagan ... 77 Annexe B – Carte géomorphologique du lac Manicouagan ... 78

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REMERCIEMENTS

J’aimerais remercier intensément mon directeur Prof. Patrick Lajeunesse (U. Laval) pour sa patience, son expertise et son encadrement lors de l’accomplissement de cette maîtrise. De plus, je remercie Étienne Govare (Hydro Québec) et Alexandre Normandeau (NRCan), mes coévaluateurs, pour leurs commentaires très constructifs, pertinents et éclairants, particulièrement pour la rédaction de la discussion.

Je remercie également du fond du cœur l’équipe du LGM, le Laboratoire de Géosciences marines : Antoine Gagnon-Poiré, Gabriel Joyal, Annie-Pier Trottier, Pierre-Olivier Couette et Etienne Brouard, pour leur aide inestimable lors de l’acquisition et/ou du traitement des données, de même que Daniel Deschênes, capitaine du N/R Louis-Edmond-Hamelin. Je tiens aussi à souligner l’admirable l’hospitalité de Daniel Beaulieu et Hélène Forbes, du refuge du prospecteur où nous avons été reçus comme des rois lors de la campagne de terrain de l’été 2014. Ce mémoire n’aurait pas été possible sans le soutien de Valérie, Renée, Lulu, Julien, Jérémie, Alexandre… Leur support a été plus qu’apprécié.

Ce projet de recherche a été financé par une subvention CRSNG-Découverte de P. Lajeunesse et de Temps-Navire (St-Onge, G., Lajeunesse, P. et Francus, P.), ainsi que par une subvention d’équipe du FRQNT (Francus, P., Lajeunesse, P. et St-Onge, G.). Les instruments utilisés pendant cette mission ont été acquis grâce à des subventions de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) et du Ministère de l’Éducation du Québec à P. Lajeunesse.

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Introduction

De nombreuses études se concentrent sur les sédiments lacustres, en tant qu’archives des changements climatiques et environnementaux, à l’aide de l’acquisition de données sismostratigraphiques et / ou bathymétriques (e.g. Eyles et Mullins, 1997 ; Todd et al., 2007; Christoffersen et al., 2008; Guyard et al. 2011 ; Hilbe et al., 2011 ; Philibert, 2012; Normandeau et al., 2013; Hilbe et al., 2014). Les lacs représentent en effet un milieu intéressant d’étude des variations environnementales, étant donné qu’ils sont des bassins de faible énergie, relativement peu affectés par les processus hydrodynamiques, et donc propices à la déposition des sédiments (Philibert, 2012). Il est possible d’inférer les variations climatiques à l’aide d’indicateurs trouvés dans les sédiments lacustres, tels les assemblages de minéraux argileux, la granulométrie et les structures sédimentaires (Asikainen et al., 2006). De plus, les lacs ne sont pas sujets à l’érosion terrestre, ce qui permet de préserver leurs archives sédimentaires à long terme, (Normandeau et al., 2013). Plusieurs travaux portent également leur attention sur le potentiel de telles archives sédimentaires lacustres pour les études paléosismologiques, principalement en ce qui a trait aux mouvements de masse (Fanetti et al., 2008; Lajeunesse et al., 2008; Moernaut et al., 2009; Doughty et al., 2010; Ledoux et al., 2010; Hilbe et al., 2011; Philibert, 2012; Doughty et al., 2013; Normandeau et al., 2013; Hilbe et al., 2014).

Les lacs situés dans les dépressions créées par des impacts météoritiques présentent des cas intéressants, car ils peuvent contenir des archives sédimentaires à long terme, pouvant s’étendre jusqu’à la fin du Pliocène (Schwamborn et al., 2006). C’est le cas du lac El’Gygytgyn, situé dans un cratère météoritique vieux de 3,6 millions d’années BP, dans la partie nord-est de la Sibérie (Melles et al., 2006 ; Nolan et Brigham-Grette, 2007). Une carotte de 13 m de longueur y a déjà été prélevée, mettant à jour l’historique sédimentaire du lac lors des 250 000 dernières années (Nolan et Brigham-Grette, 2007). Les variations climatiques des trois derniers

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cycles glaciaire-interglaciaire ont pu y être observées (Melles et al., 2006). Niessen et al. (2006) ont étudié les archives sédimentaires du lac remontant à sa formation, à l’aide de profileurs de sous-surface. Ils ont démontré que les taux de déposition avant les premières glaciations dans l’hémisphère nord (2,6 millions d’années BP) étaient deux fois plus élevés et présentaient moins de variabilité que les sédiments des strates supérieures, qui se seraient déposées depuis 2,6 millions d’années BP. Il faut cependant noter que la région du lac El’gygytgyn n’a jamais été couverte par les glaciers lors du Quaternaire (Melles et al., 2006). Cela n’aura permis aucune pause dans les apports sédimentaires du lac et aurait protégé le lac de l’action érosive des glaciers.

Le lac Bosumtwi a quant à lui fait l’objet d’études qui ont permis la reconstruction paléoclimatique des derniers 16 000 ans pour la partie ouest de l’Afrique (Shanahan et al., 2006). Ce lac est localisé dans un « jeune » cratère d’impact météoritique complexe datant d’il y a environ 1,07 millions d’années (Shanahan et al., 2006). Des relevés sismo-stratigraphiques réalisés par Brooks et al., (2005) ont révélé d’anciennes surfaces d’érosion, que les auteurs ont estimé vieilles d’environ 65 000, 86 000 et 108 000 ans et corrélés avec des bas niveaux de lac d’origine climatique (Brooks et al., 2005). Le lac Bosumtwi représente donc un autre exemple d’un lac de cratère météoritique permettant des reconstitutions paléo-climatiques à long terme. Le lac Siljan, un lac juché dans un cratère météoritique complexe dans la partie centrale de la Suède, a été étudié par Calles (1985). Une reconstruction de la déglaciation de la région, à partir d’environ 7490 ans B.C. a été réalisée à l’aide des varves du fond du lac et des lacs avoisinants.

Le lac du cratère des Pingaluit, au Nouveau Québec, a fait l’objet d’un article paru en 2011 par Guyard et al., (2011). Les chercheurs ont eu recours pour leur étude à des données sismostratigraphiques, de même qu’à une carotte sédimentaire de 9 m de longueur et à la modélisation. Ce lac d’une profondeur remarquable de 246 m aurait connu une phase de lac sous-glaciaire lors de la dernière glaciation. Ses sédiments ayant été épargnés par l’érosion glaciaire, le lac pourrait héberger des archives sédimentaires à long terme pour l’Arctique canadien (Guyard et al., 2011). Les enregistrements sédimentaires du lac ont également permis de renseigner sur la disparition de la calotte glaciaire, vers 6850 cal BP (Guyard et al., 2011).

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environ 15 000 ans dans une fosse profonde de 620 m dans la baie de Christie, Grand Lac des Esclaves. Les auteurs ont conclu que ce lac aurait existé dans un environnement dynamique dans lequel un système hydrologique sous-glaciaire aurait permis un apport de sédiments dans le paléolac (Christoffersen et al., 2008). Cela impliquerait donc que les lacs sous-glaciaires ne seraient pas toujours des bassins fermés, mais qu’ils pourraient à l’inverse interagir avec l’écoulement basal et être interconnectés.

D’autres études ont comme sujet les réservoirs créés par l’endiguement de rivière, comme c’est le cas du réservoir hydroélectrique de Tucurui au Brésil (Curtarelli et al., 2014). Child et al. (2003) notent quant à eux que la structure de déposition des sédiments dans le lac Englebright, lac créé par l’endiguement de la rivière Yuba, en Californie, ressemble à celle d’un delta fluvial en progradation. Le réservoir Cerro Prieto (N-E du Méxique) a également fait l’objet de sondages bathymétriques et sismiques à haute résolution (Yutsis et al. 2014). On y a observé de hauts taux de sédimentation, principalement dans la partie est du réservoir, près du barrage.

Selon Fanetti et al. (2008), les variations de niveau d’eau en milieu lacustre ou marin représentent un facteur pouvant être à l’origine de mouvements de masse, de même que d’événements d’érosion littorale. Les changements de pression dans la colonne d’eau dus aux fluctuations de niveau affectent les sédiments mal consolidés. Leur pression interstitielle n’étant plus la même que la pression de la colonne d’eau mène à la fuite de liquide interstitiel et au cisaillement du sédiment (Fanetti et al. 2008). Dans la mer Adriatique, les impacts des variations de niveau marin ont également étés étudiés par Trincardi et al. (2004). En plus des mouvements de masse, des déformations dans le sédiment, la migration de liquide entre différentes couches de sédiment et des fuites de gaz emprisonnés ont été observés par ces chercheurs. Ils notent également que la présence de couches de sédiments peu consolidés peut venir accentuer le phénomène (Trincardi et al, 2004).

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Le lac Manicouagan semble être un site d’exception pour des études paléoclimatiques et paléoenvironnementales pouvant couvrir une portion fort intéressante du Quaternaire. En effet, la position du lac, sis dans la profonde dépression d’un astroblème vieux de plus de 200 millions d’année, laisse entrevoir la possibilité de la préservation de sédiments datant d’avant les derniers cycles de glaciation et déglaciation. De telles archives sédimentaires se font rarissimes au Québec, où l’action érosive des glaciers a éliminé presqu’en totalité les enregistrements stratigraphiques datant d’avant le dernier maximum glaciaire.

De plus, la glaciation et la déglaciation subséquente n’ont été que survolées brièvement dans les trop rares études ayant eu lieu dans la région du lac Manicouagan. Il semblerait approprié d’étendre au secteur de l’astroblème Manicouagan les connaissances sur ces perturbations climatiques cycliques.

Enfin, l’ennoiement du réservoir par l’endiguement de la rivière Manicouagan présente également une opportunité unique d’analyser la dynamique sédimentaire holocène et même anthropocène d’un bassin qui a vu sa superficie et sa profondeur changer drastiquement en l’espace d’à peine plus d’une décennie.

Objectifs

L’objectif général de ce mémoire de maîtrise est de mieux comprendre la dynamique sédimentaire des périodes la déglaciation, de l’Holocène et de l’Anthropocène du lac Manicouagan. Pour ce faire, les deux objectifs spécifiques de ce mémoire sont :

 Identifier les formes de terrain et les dépôts présents dans le lac Manicouagan en réalisant une carte géomorphologique.

 Répertorier les impacts de la hausse du niveau d’eau par l’ennoiement du réservoir Manicouagan sur les processus sédimentaires actifs sur les pentes et le fond du lac.

(15)

Chapitre premier

1

Secteur d’étude

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1.1 Géologie et géomorphologie

Le réservoir Manicouagan (superficie de 1690 km2 (Veillette, 2004) est situé dans le centre du Québec, au centre du plateau Manicouagan (Occhietti, 1982). Il est sis dans une structure complexe d’impact météoritique dont le centre possède les coordonnées géographiques 51o 29’ N et 68o 44’ O (Currie, 1972; Spray et al, 2010). Avec un diamètre d’environ 90 km, il s’agit du quatrième plus large cratère de la planète et le deuxième en importance au Canada (O’connell-Cooper et Spray, 2011). L’âge de l’impact a été daté à 215,56 ± 0,05 millions d’années (O’connell-Cooper et Spray, 2011). Cette structure s’est formée dans les roches métamorphiques et ignées à prédominance cristalline de la zone imbriquée de Manicouagan, dans la province géologique de Grenville du Bouclier canadien (O’connell-Cooper et Spray, 2011)( Figure 2 ). Cette zone imbriquée est composée de roches du Paléoprotérozoïque et du Mésoprotérozoïques, comprenant de l’anorthosite, de la mangerite, de la charnockite et du granite (O’connell-Cooper et Spray, 2011) (Figure 2). On note cependant également la présence d’affleurements de roches sédimentaires calcaires à plusieurs endroits dans les roches de la province de Grenville (Jones et al., 1973).

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Figure 2 : Géologie de la structure d'impact de Manicouagan, adapté de O'donnell-Cooper et Spray, 2011.

Le bassin-versant du réservoir Manicouagan possède une superficie totale de 29,300 km2, de même qu’un débit moyen interannuel de 68 800 L/s (Jones et al., 1973). Pour le secteur de l’ancien lac Manicouagan, deux affluents principaux représentaient la majeure partie de l’apport en eau, soit les rivières Racine de Bouleau et Hart-Jaune (Figure 3). Le bassin-versant de la Racine de Bouleau est de 4200 km2 et son débit moyen annuel est de 9 920 L/s (Jones et al., 1973). La rivière Hart-Jaune possède un bassin-versant encore plus imposant avec 6 330 km2 de superficie, avec un débit moyen interannuel de 15 650 L/s (Jones et al., 1973).

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Figure 3 : Bassin-versant et écoulement moyen interannuel du bassin Manicouagan, adapté de Jones et al., 1973. Les deux affluents principaux du secteur du lac Manicouagan sont la rivière Racine de Bouleau et la rivière Hart-Jaune.

1.2 Histoire glaciaire

Au Québec, la dernière glaciation, lors du Wisconsinien supérieur, de même que la déglaciation subséquente, ont été étudiés à maintes reprises (Ochietti et al., 2011 et références incluses). Or, certaines périodes restent à être analysées plus en profondeur, notamment le Wisconsinien

Rivière Racine de Bouleau

Rivière Hart-Jaune

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Occhietti et al. (2011) notent à cet effet des tills et des dépôts stratifiés retrouvés dans certaines coupes de l’estuaire du Saint-Laurent, des Appalaches et d’un site au Labrador.

Durant le Wisconsinien, le Labrador et le Québec auraient été complétement recouverts par l’Inlandsis laurentidien (Occhietti et al., 2011). Le centre de dispersion central aurait évolué, suite au dernier maximum glaciaire, en plusieurs dômes périphériques, connectés ou non au dôme central, nommé le dôme du Québec-Labrador (Occhietti et al., 2011). Au-dessus du Bouclier canadien, la retraite de la marge glaciaire aurait commencé vers 13 000 ans BP et se serait terminée par la fonte des masses de glace résiduelles au Nouveau-Québec, vers 6 000 ans BP (Occhietti et al., 2011). Les moraines de Saint-Narcisse et de Mars-Batiscan seraient associées à des stabilisations, voire des réavancées du front glaciaire durant l’épisode du Dryas récent, entre 12,7 et 11,5 cal. Ka BP (Occhietti et al., 2011).

La déglaciation de la région du réservoir Manicouagan se serait opérée entre 8 000 cal BP et 7 500 cal BP (Occhietti et al., 2011) (Figure 4). Cependant, peu de recherches concernant le Wisconsinien supérieur et la déglaciation se sont penchées sur cette région. Occhietti (1982) a proposé un modèle selon lequel un centre d’englacement aurait existé durant tout le Wisconsinien, centré sur le plateau de Manicouagan. Ce modèle n’aurait toutefois jamais été validé par la suite (Occhietti et al., 2011). Une étude réalisée par Veillette (2004) s’est concentrée sur la large région des hautes-terre du Québec, au sud du lac Mistassini. Cette étude avait pour but de créer un modèle de l’écoulement glaciaire d’une partie du dôme du Québec-Labrador lors du Wisconsinen (Veillette, 2004) (Figure 5). Le lac Manicouagan délimitait la partie orientale de la zone d’étude. Deux directions d’écoulement ont été observées pour la région de Manicouagan, à l’aide de linéations glaciaires et de formes en queue de rat : une première vers l’est-sud-est et une deuxième, superposée (et donc plus récente), vers le sud-est-sud (Veillette, 2004). Une troisième orientation, vers le nord-est, a également été observée, mais sa position chronologique n’a pu être déterminée (Veillette, 2004). L’auteur a pour sa part

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postulé que les traces d’écoulement glaciaire observées sur le territoire étudié, de même que le matériel transporté par la glace, pointaient vers un centre d’englaciation centré sur la région du sud du lac Mistassini, plutôt que sur le plateau Manicouagan, tel que proposé par Occhietti (Veillette, 2004).

Figure 4 : Modèle du retrait du front glaciaire de l'Inlandsis laurentidien, au Québec-Labrador, tiré de Occhietti et al. (2011). Le retrait se serait opéré entre 8,2 Cal ka et 7,5 Cal ka BP.

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Figure 5 : Traces d'écoulement glaciaire pour la région des hautes-terres du Québec, tiré de Veillette (2004). Trois orientations sont observables pour la région du réservoir Manicouagan, dans le coin en haut à gauche.

1.3 Activités Anthropiques

Le réservoir Manicouagan a été créé en 1969 lors de l’ennoiement de la dépression de 65 km de diamètre du cratère, par l’édification du barrage Daniel Johnston et de la centrale hydroélectrique Manic-5. Une période de 13 ans aura été nécessaire pour compléter le remplissage du bassin. Avant la formation du réservoir Manicouagan, deux lacs occupaient la dépression périphérique du cratère, soit le lac Mouchelagane pour la partie ouest et le lac Manicouagan, pour la partie est. Ce sont les limites de ce dernier qui seront à l’étude. De plus,

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la profondeur maximale du lac dans ce secteur n’est pas connue dans la littérature. Elle avait cependant été estimée à environ 240 m avant la formation du réservoir (Jones et al., 1973).

(23)

Chapitre 2

2

Méthodologie

2.1 Données géophysiques

2.1.1 Données bathymétriques et de rétrodiffusion acoustique

L’acquisition des données bathymétriques et sismiques de sous-surface a été réalisée au cours des étés 2014 et 2016 sur le réservoir Manicouagan, à bord du N/R Louis-Edmond-Hamelin du Centre d’études nordiques de l’Université Laval. Lors de la campagne de terrain de 2014, les données bathymétriques de haute résolution ont été acquises à l’aide d’un sonar multifaisceaux de modèle Reson Seabat 8101, qui opère à une fréquence de 250 kHz (Philibert 2012 ; Normandeau et al., 2012 ; Joyal et al., 2013). Cet échosondeur a été jumelé à une plateforme inertielle de type Octans III de IXSEA, dans le but de rectifier le positionnement des points recueillis et corriger les erreurs dues aux 6 mouvements du bateau, soit le tangage, le roulis, le pilonnement, le lacet, le cavalement et l’embardée. Un GPS différentiel de type Sx Blue de Geneq, possédant une précision de 60 cm, 95% du temps, a été utilisé pour permettre le géoréférencement des données recueillies (Normandeau et al., 2012 ; Philibert 2012). L’utilisation d’un profileur de vitesse du son (SVP), ou célérimètre, Odom Digibar Pro a permi d’obtenir des données sur les variations de vitesse du son dans la colonne d’eau. Cela a permis de corriger les données bathymétriques, qui sont influencées par la vitesse de propagation du

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son dans l’eau. Des relevés de profil de vitesse de son ont été effectués à un intervalle de 2 à 3 heures, tout le long de l’acquisition des données.

Le logiciel Echo Control de Knudsen a été utilisé pour l’acquisition des données brutes. Les tracés à suivre sur le lac pour l’acquisition des données bathymétriques et sismostratigraphiques ont été créés dans le logiciel Hypack 2010 et superposés à une carte topographique représentant l’étendue de l’ancien lac. Ces données bathymétriques permettent de visualiser l’étendue de l’ancien lac Manicouagan, de même que les structures associées aux phénomènes géologiques et géomorphologiques qui y ont eu lieu.

Les données bathymétriques acquises lors de la campagne de 2016 l’ont été à l’aide d’un échosondeur multifaisceaux Kongsberg EM 2040, opérant à des fréquences comprises entre 200 et 400 kHz (Trottier et al., 2016). Cet échosondeur permet de produire une meilleure résolution que le Reson Seabat 8101. Un système de navigation inertielle Kongsberg a été utilisé pour la calibration. Des données de rétrodiffusion acoustique ont également recueillies par l’échosondeur, permettant de renseigner sur la granulométrie, la rugosité et la densité du fond lacustre (Normandeau et al., 2012) (Figure 6).

Les données bathymétriques brutes ont par la suite été traitées dans la suite Caris Hips and Sips 8.0. L’interprétation et la cartographie des surfaces bathymétriques ont été réalisées dans la suite de logiciels ArcGIS 10.3 d’ESRI. Adobe Illustrator et Fledermaus de QPS ont également été utilisés pour la réalisation de certaines figures.

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Figure 6: Couverture des données de rétrodiffusion acoustique, obtenues à l’été 2016, se concentrant principalement sur les secteurs centre et nord du lac Manicouagan.

2.1.2 Données de sous-surface

Un profileur de sous-surface Knudsen Chirp 3112, opérant à des fréquences de 3,5 et 12 kHz, a été utilisé afin d’obtenir les données sismiques de sous-surface. Cette acquisition s’est faite en

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même temps que les relevés bathymétriques. Un deuxième profileur de sous-surface, un échosondeur mono-faisceau Knudsen 320BP (12 kHz) a également été utilisé ultérieurement aux relevés bathymétriques, dans le but de compléter la couverture des parties sud et nord de la zone étudiée. Les relevés bathymétriques et sismiques se sont concentrés sur les parties les plus profondes du secteur est du réservoir, qui correspondent aux limites du lac Manicouagan avant l’ennoiement (Figure 7). Ces relevés ont permis d’identifier les unités stratigraphiques et les structures internes présentes dans les dépôts lacustres (Hilbe et al., 2014). Les profils sismiques ont été interprétés à l’aide du logiciel The Kingdom Suite.

Figure 7 : Localisation des levés acoustiques de sous-surface obtenus lors de la campagne de terrain de l’été 2014.

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Chapitre 3

3

Résultats

3.1 Bathymétrie et morphologie générale du lac Manicouagan

Les données multifaisceaux révèlent que la bathymétrie de l’ancien lac Manicouagan s’apparente à celle d’un lac de fjord, avec de profonds bassins entourés de pentes abruptes et perturbées. Son orientation est conforme avec celle de la partie du réservoir Manicouagan où il est situé, soit dans l’axe N-S pour la partie sud du lac et dans l’axe NO – SE pour la partie nord. Le bassin le plus profond du lac atteint une profondeur de 452 m, alors que les rives autrefois submergées de l’ancien lac se situent à une profondeur de 125 m sous le niveau actuel du réservoir. Le niveau de terrasse de 125 m représente le niveau maximal atteint par les eaux de l’ancien lac, alors que le niveau de 135 m, observé sur toute la circonférence du lac, représente l’ancienne rupture de plateau. Le bassin de l’ancien lac Manicouagan peut être divisé en trois secteurs (Figure 9). La section nord est dominée par les sédiments deltaïques de l’ancien delta de la rivière Manicouagan et possède un axe principalement NO– SE. Elle couvre le secteur entre les rivières Manicouagan et Hart-Jaune. Le fond du bassin y est plat, légèrement incliné du nord-ouest vers le sud-est avec une inclinaison variant de 2 degrés à 0,5 degrés. Cette section est confinée par d’abruptes pentes de chaque côté (inclinaisons entre 25 et 60%) (Figure 9) et on peut y observer la présence de nombreux cônes, certains associés aux anciennes affluents qui alimentaient cette partie du lac. Le plancher lacustre à cet endroit se trouve à des profondeurs variant de 260 à 370 m. C’est dans cette section que l’on retrouve le plus gros système deltaïque du lac, à l’endroit où

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la rivière Racine de Bouleau, un des deux principaux affluents, se déversait. Trois petites baies se trouvent sur la rive Nord, dont une correspondant à l’embouchure de la rivière Hart-Jaune, l’autre principal affluent de l’ancien lac Manicouagan.

La section centrale présente les bassins les plus profonds et les pentes les plus abruptes, avec des valeurs d’inclinaison variant en moyenne de 40 à 60 degrés. On y observe différents niveaux de terrasses couplées. Ce bassin profond central se présente sous la forme de plusieurs petits bassins allongés d’axe NO-SE, séparés par des seuils (Figure 8). Au centre de cette succession, se trouve un bassin plus profond, également de forme allongée et d’orientation N-S, dans lequel se situe le point le plus profond du lac, à 452 m de profondeur, soit environ 317 m sous le niveau de rupture de plateau de l’ancien lac. Ce bassin est bordé au nord et au sud par des seuils d’environ 380 m de profondeur. Cette section s’étend de la rivière Hart-Jaune jusqu’à une baie sur la rive Est du lac, vers le milieu du lac.

Figure 8 : Un des bassins profonds du lac Manicouagan, dans la partie centrale du lac, séparé en plusieurs sous-bassins par des seuils. La ligne pointillée représente une cicatrice de rupture et les flèches représentent la direction du glissement. Exagération verticale : 3, illumination 315o

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des chenaux associés à d’anciens affluents, de même que par de larges réseaux dendritiques de

ravins sur une portion importante, dans la partie la plus au sud. On observe également dans cette section la présence de deltas et de quelques cônes submergés.

Secteur Nord

Secteur

Central

Secteur

Sud

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Figure 9 : Classification des pentes du lac Manicouagan et division en trois secteurs.

3.2 Géomorphologie lacustre

De nombreuses formes ont été répertoriées dans le lac Manicouagan, tant au niveau des plateaux entourant le bassin que sur les pentes et le plancher lacustre. Les plateaux et les anciens escarpements subaériens du lac sont marqués de chenaux d’anciennes rivières et de méandres abandonnés. Des formes d’écoulement glaciaires y sont également visibles. Les pentes du lac sont quant à elles incisées de chenaux érosifs, de ravins et de cicatrices de glissement. Au bas des pentes se retrouvent des cônes alluviaux et des systèmes deltaïques ornés de formes en croissant et de chenaux. Des lobes de déposition de glissement, de même que des bassins et des seuils sont observables au niveau du plancher lacustre. La section qui suit présente une description détaillée de ces formes, accompagnée d’un tableau des formes typiques (Tableau 1) de même que de la carte géomorphologique du lac Manicouagan.

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Chenal érosif

Cône

Chenal de rivière

Ravins

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Figure 10 : Bathymétrie du lac Manicouagan et localisation des figures et profils. Noir : Image bathymétrique 2D. Blanc : Image bathymétrique 3D. Rouge : Profil sismique/bathymétrique.

Fig. 12 Fig. 11 Fig. 13 Fig. 14 Fig. 15 Fig. 16 Fig. 17 Fig. 18 Fig. 19 Fig. 20 Fig. 23 Fig. 27 Fig. 22 Fig. 21 Fig. 26 Fig. 31 Fig. 32 Fig. 24 Fig. 24 Fig. 29 Fig. 2 Fig. 24 Fig. 25 Fig. 33

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Figure 11 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) du secteur nord présentant les principales formes du lac Manicouagan (1/10).

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Figure 12 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (2/10).

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Figure 13 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (3/10).

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Figure 14 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (4/10). La flèche représente la direction de l’écoulement glaciaire.

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Figure 15: Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (5/10).

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Figure 16 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (6/10). La flèche représente la direction de l'écoulement glaciaire.

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Figure 17 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (7/10).

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Figure 18 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (8/10).

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Figure 19 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (9/10).

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Figure 20 : Carte bathymétrique (résolution de 3 m) présentant les principales formes du lac Manicouagan (10/10).

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Les données bathymétriques à haute résolution révèlent la présence de deux lignes de niveau bien définies, une sur le dessus et une à la limite des plateaux qui bordaient l’ancien lac. Une première ligne se trouve à une profondeur de 135 m et peut être suivie avec très peu d’interruptions sur l’ensemble du pourtour de l’ancien lac. Elle se situe à la limite des plateaux et constitue l’ancienne rupture de pente (shelf break). Cette ligne de niveau est fréquemment incisée de façon perpendiculaire par des chenaux érosifs, associés à des processus de ravinement. On les retrouve principalement dans les parties nord et centrale du lac. Par endroit, de plus gros chenaux, liés aux deltas reliques des anciens affluents du lac, viennent également inciser cette ligne de rupture de pente. Vers le centre et le sud du lac, la ligne de niveau se voit incisée à plusieurs endroits par la tête de ravins appartenant à des réseaux de ravinement, certains étant d’envergure considérable. Enfin, cette ligne de rupture de pente est également interrompue sur certaines pentes très abruptes, aux endroits où l’ancien lac devait border directement un pan de falaise rocheuse.

Une deuxième ligne de niveau peut être observée en retrait de la première, séparée par des plateaux. Elle suit habituellement une orientation parallèle à la première, à une profondeur de 125 m. Il s’agirait de l’ancienne ligne de rivage du lac avant l’ennoiement du réservoir. Cette dernière ne se retrouve qu’à quelques mètres plus haut que la rupture de pente, encore une fois sur pratiquement tout le pourtour de l’ancien lac Manicouagan. Leur distance peut atteindre entre plusieurs dizaines voire centaines de mètres, ou encore ne former qu’une seule ligne de niveau, lorsque les pentes sont très abruptes. Cette ligne de niveau n’est pas incisée par les chenaux érosifs, mais l’est par le nid des anciens affluents du lac. Cette ligne de niveau se trouve habituellement au pied d’une pente d’une hauteur de 5 m environs, quoi que l’on retrouve des endroits où la ligne de niveau devient très effacée, dû à une pente très faible (moins de 2 %).

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3.2.2 Ravins

On observe, principalement dans la partie centrale et le sud de l’ancien lac Manicouagan, des réseaux de ravins très bien développés, pouvant s’étendre sur plus de 4 km2 (Figure 16, Figure 19, Figure 20). Ces ravins ont généralement un axe perpendiculaire au contour du lac et se présentent sous forme de réseaux dendritiques complexes, atteignant de trois à quatre ordres de magnitude. C’est le cas du réseau le plus expansif, retrouvé vers la rive ouest, au sud de l’ancien lac, face à la baie Memory. Ils s’allongent parfois jusqu’à 2 km en longueur, avec jusqu’à plus de 130 m de profondeur séparant leur tête de leur base. On retrouve à leur base le plancher du lac, présentant à ces endroits une morphologie parfois chaotique, voire mamelonnée. Cela est possiblement dû à la déposition des sédiments qui ont transigé par les ravins. Des réseaux moins bien développés, où l’on peut jusqu’à une dizaine de ravins perpendiculaires, sont également observables sur les deux rives du bassin principal, du sud jusqu’au centre du lac.

Vu l’état avancé du développement de ces systèmes de ravinement, principalement dans la partie sud, il n’est pas possible de lier la formation de ces formes avec l’ennoiement du réservoir, qui est survenu beaucoup trop récemment. Il n’est pas non plus possible de témoigner de l’activité actuelle de ces ravins, qui se trouvent éloignées des principaux apports sédimentaires, suite à la hausse du niveau du lac. Il se pourrait cependant qu’un certain transport gravitaire de sédiments provenant de la dérive littorale se produise encore.

3.2.3 Chenaux érosifs

Sur les pentes abruptes du secteur nord du lac, on observe pratiquement aucun ravinement, mais plutôt plusieurs séries de chenaux érosifs parallèles. Ces chenaux, d’une largeur variant habituellement de 10 à 20 m atteignent parfois jusqu’à 100 m de largeur. Leur profondeur est d’environ 10 m. Ils ont une orientation perpendiculaire au pourtour du lac et peuvent s’étendre des plateaux jusqu’au plancher du lac. Ces chenaux sont également présents, en moins grand nombre et en plus petits groupes dans les parties centre et sud du lac. Ces chenaux érosifs sont

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On retrouve également des chenaux similaires à l’embouchure des anciens affluents mineurs du lac. À leur base se trouvent des cônes sédimentaires, qui témoignent d’un transport beaucoup plus important pour ces chenaux que ceux qui ne sont pas reliés à des cours d’eau. Cela s’explique par une source plus improtante de sédiments, provenant des affluents. Maintenant déconnectés de ces sources, les chenaux servent peut-être encore au transport gravitaire, mais à une échelle beaucoup plus inférieure qu’avant l’ennoiement.

Figure 21 : Chenal érosif et escarpement de tête associé, situés dans la partie sud du lac Manicouagan. Un glissement est également présent, de même que la cicatrice de rupture associée. La ligne pointillée représente la cicatrice de rupture et la flèche représente la direction du glissement. Exagération verticale : 4, illumination 32o.

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3.2.4 Crètes Morainiques

Une crête morainique présentant une brèche peut être observée sur le fond du bassin, au centre de l’ancien lac (Figure 16, Figure 22). La crête mesure environ 1000 m de longueur, pour une largeur moyenne d’environ 50 m et une hauteur variant de 15 à 20 m. La brèche quant à elle atteint 200 m de longueur. L’orientation nord-ouest sud-est de la crête, perpendiculaire à l’axe du lac à cet endroit, de même que sa forme incurvée pointant vers la partie sud du lac semblent indiquer qu’il pourrait s’agir d’une moraine frontale. L’absence de pénétration du signal acoustique sur les profils de sous-surface est caractéristique des sédiments grossiers, dont sont constitués les dépôts morainiques. Une réflexion hyperbolique de forte amplitude à la surface de la crête morainique peut également s’avérer un indice. La brèche est située au centre du bassin et vis-à-vis le chenal principal du fond du bassin. Une deuxième crête morainique (Figure 16) peut également être observée un peu plus au nord-ouest. Cette crête de 400 m de longueur, 40 m de largeur et 10 m de hauteur, a une orientation nord-sud, soit parallèle au bassin. Il s’agirait fort probablement d’une moraine latérale.

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Figure 22 : Une crête morainique de 1000 m de longueur et une brèche de 200 m de longueur peuvent être observées, dans la partie centrale du lac Manicouagan. Exagération verticale : 5x, illumniation 42o

3.2.5 Formes d’écoulement glaciaire

Des formes d’écoulement glaciaire pouvant s’apparenter à des drumlins meublent les plateaux submergés de la partie centrale du lac (Figure 14, Figure 16). Les formes les plus allongées parmi celles-ci atteignent plus de 300 m en longueur pour 50 m en largeur, alors que les plus petites mesurent 200 m de long pour 100 m de large. Elles peuvent dépasser la dizaine de mètres en hauteur. Toutes ces formes ont une orientation similaire, soit nord-nord-ouest vers le sud-sud-ouest.

3.2.6 Chenaux des rivières submergés.

Les données bathymétriques à haute résolution dévoilent la présence de nombreux chenaux et méandres abandonnés sur les plateaux et les pentes subaériennes qu’empruntaient les affluents qui se déversaient directement dans le lac Manicouagan avant l’endiguement. Le complexe le plus impressionnant se situe au nord-ouest de l’ancien lac, vis-à-vis du delta de la rivière Racine de Bouleau. À cet endroit, un chenal de plus de 350 m de largeur est visible, de même que plusieurs

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méandres abandonnés et bras morts, de forme incurvée, qui peuvent atteindre plus de 1 600 ms de longueur et 100 m de largeur. Ces chenaux et méandres sont bordés de talus de quelques mètres de hauteur. Cette zone de méandres représente une partie de la plaine deltaïque du delta de la rivière Racine de Bouleau. Au total, une douzaine de ces affluents plus importants sont visibles sur les données multifaisceaux et la plupart s’accompagnent d’un delta où sont présents des chenaux et des formes en croissant.

Les chenaux de plus petits affluents sont également incisés dans les pentes subaériennes plus abruptes, particulièrement dans la partie nord du lac (Figure 23). Ces chenaux ont une forme allant de droite à légèrement sinueuse et une orientation perpendiculaire aux rives de l’ancien lac. Ils présentent un clair profil en forme de « V ». À l’embouchure de ces chenaux, sur le plancher du lac, on retrouve des cônes subaquatiques, signes de l’apport sédimentaire tout de même important de ces petits affluents pré-ennoiement.

Figure 23 : Deux cônes subaquatiques retrouvés dans la partie nord du lac Manicouagan, avec les chenaux de rivière qui leur sont associés. Des chenaux érosifs peuvent également être observés. Exagération verticale : 3x. Illumination : 315o

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à 400 m et ont une hauteur de 50 à 140 m. Plusieurs de ces cônes se trouvent à l’embouchure des chenaux de rivières qui se déversaient dans le lac Manicouagan avant l’ennoiement et dénotent de l’importance de l’apport sédimentaire de ces affluents. La tête de la plupart des cônes observés se trouve à l’embouchure d’un chenal d’érosion, ou encore quelques dizaines de mètre plus bas que la terminaison du chenal. Les cônes les plus volumineux quant à eux voient leur tête commencer au niveau de la rupture de talus, à l’embouchure de des chenaux des anciennes rivières (Figure 23). Leur pente varie en moyenne entre 10 et 30o. Certains de ces cônes présentent une légère élongation vers l’aval du lac, ce qui pourrait être associé aux processus de courants de fond du bassin.

3.2.8 Dépôt et chenal de contourite

Sur le plancher du secteur nord du lac (Figure 12), au bas de la pente du mur sud du bassin, une longue et étroite dépression peut être observée, longeant l’escarpement. Ce surcreusement profond de 3 m et d’environ 100 m de largeur se poursuit sur environ 2500 m, à une profondeur d’environ 330 m. Il s’agit d’un chenal de contourite (moat), associé à un dépôt de contourite. Le dépôt de contourite, d’une épaisseur très faible, n’est visible que sur les profils bathymétriques et sismiques. Ce dépôt possède une largeur d’environ 300 à 400 m pour une hauteur visible de 5 m environ. Étant donné sa très faible épaisseur, de même que l’espacement des profils acoustiques de sous-surface, il est difficile d’établir avec précision la longueur totale du dépôt de contourite, mais il est possible d’affirmer que le dépôt s’étend au minimum sur 2500 m de longueur.

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Figure 24 : Dépôt de contourite et chenal associé retrouvé dans le secteur nord du lac Manicouagan. A : Image bathymétrique 3d, Exagération verticale 7x, illumination 0 degrés. B : Profil sismique (12 kHz) C: Profil topographique.

A

B

C

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Racine de Bouleau et Hart Jaune. C’est sur leur plaine deltaïque que l’on retrouve les chenaux et méandres abandonnés, qui composent les lits sommitaux des deltas. Sur leurs lits frontaux sont présentes des vagues de sables, ou formes en croissant, par moment entrecoupés de chenaux, incisés perpendiculairement à la ligne de rivage (Figure 25).

Figure 25 : Système deltaïque dans le secteur sud du lac Manicouagan, présentant plusieurs chenaux, des cicatrices de « delta lip failure » de même que des séries de formes en croissant. Exagération verticale : 5x, illumination 338o.

On retrouve des lobes de déposition au bas des deltas, au niveau des lits basaux, sauf pour le delta de le rivière Racine de Bouleau, qui présente une transition très douce des lits frontaux aux lits basaux.

3.2.9.1 Delta de la rivière Racine de Bouleau

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Confiné par les parois abruptes, les sédiments deltaïques des lits frontaux et basaux de la rivière Racine de Bouleau s’étendent sur plus de 10 km, avec une pente moyenne de 4,8 % pour les premiers 2500 m (lits frontaux) et une pente moyenne de 0,9 % pour les lits basaux. À la limite des lits sommitaux de ce delta, il est possible d’observer plusieurs cicatrices d’effondrement du rebord du delta, ou « delta lip failure » (Clare et al., 2016). Plusieurs successions de formes en croissant ayant la même orientation, ou « step trains » sont observables (Normandeau et al., 2016). Certains de ces séries comptent plus d’une trentaine de crêtes. La longueur d’onde moyenne de ces formes en croissant est d’environ 50 m, mais atteint environ 40 m pour les premiers 1000 m à partir de l’embouchure du delta. Leur morphologie générale est concave vers le bas de la pente et leur crête est asymétrique. Les formes en croissant observées, que l’on pourrait interpréter comme étant des « cyclic steps ». Vers le haut du delta, la longueur d’onde de ces formes est petite, alors qu’elle s’agrandit vers l’aval. Les structures sont dans l’ensemble plus symétriques en amont qu’en aval. Étant donné la distance créée par l’ennoiement du réservoir avec les rivières actuelles, sources de sédiment, on peut affirmer que ces deltas ne sont plus en progradation. Or, il se peut tout de même que des mouvements gravitaires s’opèrent dans les chenaux et sur les lits frontaux.

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Figure 26 : Données bathymétriques à haute résolution (2 m) montrant le delta de la rivière Racine de Bouleau, nord du lac Manicouagan. De nombreuses séries de formes en croissant, ou « step train », peuvent être observées, de même que des cicatrices de « delta lip failure » au rebord du delta. Exagération verticale : 4x. Illumination : 22o

3.2.10 Mouvements de masse

Plusieurs mouvements de masse sont observables sur les pentes du lac Manicouagan, à l’aide des données bathymétriques (Figure 8, Figure 16, Figure 21, Figure 27). Ils se trouvent principalement dans les sections centre et sud du lac. Ces mouvements de masse semblent surtout se trouver sous forme de coulée de débris. Des lobes de dépôts de glissement sont associés à ces mouvements de masse, sur lesquels des rides de compression sont parfois observables. Ces mouvements de masse sont également caractérisés par une ou plusieurs cicatrices de glissement, habituellement retrouvés sur les pentes du lac, ou encore sur le plateau.

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Un mouvement de masse en particulier, vers le centre du lac, présente un cas intéressant : la cicatrice de glissement se trouve au-dessus de l’ancienne ligne de rivage du lac Manicouagan, à une profondeur comprise entre 40 et 45 m (Figure 27, au centre). Comme ce glissement ne se retrouve pas sur les orthophotographies datant d’avant l’ennoiement, il convient de postuler qu’il s’agit d’un mouvement de masse ayant eu lieu suite à la mise en eau du réservoir. Le glissement semblerait avoir érodé la pente, sur une largeur de 100 m, de même que le plateau sur son passage. Un lobe de dépôt de glissement, d’une superficie d’environ 125 000 m2, est observable au pied de la pente. Un autre petit glissement peut également être observé sur ces données (Figure 27), dont la cicatrice de rupture se trouve à environ 70 m de profondeur.

Figure 27: Données bathymétriques à haute résolution (2 m) du secteur central du lac Manicouagan, montrant des mouvements de masse avec leurs dépôts associés. Une série de niveaux de terrasse peut également être observée. Les lignes pointillées représentent les cicatrices de rupture et les flèches représente la direction des glissements. Exagération verticale : 2x, illumination : 170o.

125 000m2 205 000m2

95 000m2

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cependant que d’autres niveaux de terrasse se trouvent encore plus près de la ligne actuelle du rivage, mais ils se trouveraient à l’extérieur de la couverture bathymétrique. Il s’agit d’une succession de replats et de microfalaises, dont la hauteur semble varier de quelques dizaines de centimètres à environs 4 m. Ces niveaux de terrasse se présentent sur les données bathymétriques à haute résolution (2 m) comme une série de lignes parallèles entre elles, dans l’orientation de l’axe du lac. Les 14 lignes ne se sont pas visibles sur toutes leur longueur et la distance entre chacune d’elles varie entre moins de 5 m et plus de 60 m. Une cicatrice de glissement vient entailler plusieurs de ces terrasses aux profondeurs de 40 à 45 m. Ces terrasses, qui ne sont pas visibles sur les orthophotographies, pourraient s’être formées lors de la hausse graduelle du niveau du lac, suite à l’ennoiement du réservoir.

3.3 Unités stratigraphiques

Cinq unités stratigraphiques ont été identifiées durant l’analyse des profils acoustiques de sous-surface, selon leur propriétés acoustiques et géométriques (Tableau 2) (Philibert, 2012). Ces unités ne sont interprétées qu’à l’aide des données acoustiques de sous-surface. Sans la possibilité d’analyse de carottes sédimentaires, l’interprétation demeure préliminaire.

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Tableau 2 : Unités stratigraphiques répertoriées dans le lac Manicouagan

3.3.1 Unité 1

L’unité 1 (U1) est définie par une absence de pénétration et une morphologie de surface irrégulière (Figure 28, Figure 29). Cette unité est observée dans toute l’étendue de la zone étudiée, à la base de plusieurs profils et sur les pentes. La base de l’unité n’est visible sur aucun profil, dû à l’absence de pénétration. Cette unité peut être interprétée par endroit comme étant la roche en place, comme dépôt de till, ou encore comme dépôt grossier de pente. Il n’est cependant pas possible de déterminer avec certitude si cette unité correspond à une seule ou plusieurs de ces interprétations.

3.3.2 Unité 2

L’unité 2 (U2), sus-jacente à l’unité 1, est définie par des réflexions parallèles de faible à forte amplitude (Figure 28). On la retrouve principalement dans les bassins au milieu du lac, dans la partie sud. Encore une fois, une absence de pénétration vers le bas de l’unité empêche de délimiter la limite inférieure de l’unité. Son contact avec l’unité 1 est visible sur les pentes et pourrait être qualifié de franc et de non-conforme. Un réflecteur de forte intensité se trouve au sommet de l’unité. Son épaisseur est d’au minimum 30 m par endroits. L’unité semble suivre

Absence de pénétration,

morphologie en forme de vagues. Unité transparente acoustiquement, morphologie conforme avec l’unité sous-jacente.

Géométrie de remplissage de basin, unité transparente acoustiquement, réflexion supérieure de haute amplitude.

Réflecteurs parallèles, de basse à haute amplitude.

Absence de pénétration, surface irrégulière

Sédiment grossier dérivé par courants gravitaires. Sédiment organique fin postglaciaire, gyttja.

Sédiments fins postglaciaires, possiblement liés à des mouvements de masse.

Dépôts glaciolacustres.

Till, roche en place, sédiment grossier de pente.

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de l’unité. Cette unité est interprétée comme étant composée de rythmites, possiblement d’origine glaciolacustre. En effet, cette unité ressemble aux unités interprétées par Lajeunesse et al. (2008) et Philibert (2012) comme étant des rythmites glaciolacustres, dues à la stabilisation d’une marge glaciaire à l’abord du lac. Toujours selon Lajeunesse et al. (2008), ces réflecteurs parallèles rapprochés sont aussi typiques de sédiments glaciolacustres observés dans d’autres lacs du Québec. Sans l’analyse d’un échantillon, il est cependant impossible d’affirmer qu’il pourrait s’agir de varves, ou simplement de couplets dus à des épisodes de fonte plus ou moins importants.

Figure 28 : Profil sismique (3,5 kHz), partie centrale du lac Manicouagan, présentant les unités U1, U2, U3 et U4, de même qu’une crête morainique. Voir figure 10 pour la localisation.

3.3.3 Unité 3

L’unité 3 (U3) n’est présente que sur de rares profils, au-dessus de l’unité 2, dans la dépression centrale des bassins de la partie centre-sud et sud du lac (Figure 28). Cette unité ne semble pas être placée de manière conforme au sommet de l’unité 2, mais apparaît plutôt à remplir la dépression centrale observée vers le centre du bassin. Il s’agit d’une unité transparente avec un réflecteur supérieur de forte amplitude. De par son positionnement et l’absence de réflecteurs, il

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pourrait être conclu que l’unité est constituée de sédiments fins postglaciaires. La présence d’un réflecteur de forte intensité au sommet de l’unité n’est par contre pas typique avec les dépôts de sédiments fins postglaciaires riches en matière organique (gyttja) (Normandeau et al. 2013).

3.3.4 Unité 4

L’unité 4 (U4) est présente pratiquement partout dans le lac, comme unité sus-jacente aux unités 1, 2 et 3 (Figure 28). Cette unité aux propriétés acoustiques transparentes présente un réflecteur supérieur de faible intensité, souvent même presque imperceptible sur certains profils. Elle a une épaisseur variant de 5 à 10m par endroits. L’unité semble draper conformément les unités sous-jacentes. Cette unité est interprétée comme la déposition de sédiments postglaciaires riches en matière organique, aussi appelés gyttja. Ces sédiments sont habituellement retrouvés directement au fond des lacs québécois (Normandeau et al. 2013).

3.3.5 Unité 5

L’unité 5 (U5) est présente dans la partie nord du bassin, en aval du delta submergé de la rivière Racine de Bouleau, de même qu’à l’aval d’autres deltas de plus petite envergure (Figure 29). Cette unité, présentant un réflecteur supérieur de haute intensité, a une morphologie en forme de vagues et apparait sur les données bathymétriques à haute résolution comme des formes en croissant, similaires à celles observées dans plusieurs canyons sous-marins (Paull et al. 2010; Biscara et al. 2013; Normandeau et al. 2013), comme par exemple par Paull et al. (2010) dans le canyon de Monterey, en Californie. Ces chercheurs avancent que la formation de ces formes se produirait durant de brefs évènements de courants gravitaires, qui auraient lieu plusieurs fois par année. On retrouve par endroits des chenaux verticaux à même l’unité de même que des cônes alluviaux à la base de l’unité. L’absence de pénétration du signal acoustique (associée aux sédiments grossiers) ne permet pas de définir l’épaisseur exacte de l’unité, de même que si l’unité se trouve à recouvrir en partie ou en totalité d’autres unités. L’unité 5 est donc interprétée comme étant composée de sédiments grossiers dérivés de courants gravitaires.

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Figure 29 : Profil sismique longitudinal (3,5 kHz) du delta de la rivière Racine de Bouleau, présentant l’unité U5. Voir figure 10 pour la localisation.

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3.4 Formes littorales pré-ennoiement

3.4.1 Zones d’accumulation

L’analyse des orthophotographies datant des années précédant la mise en eau du réservoir Manicouagan révèle que des falaises bordaient l’ancien lac Manicouagan sur une très grande proportion de son rivage. En effet, on dénote très peu de zones d’accumulation sédimentaires autour du lac. Ces zones d’accumulation se trouvent principalement à l’embouchure des deltas des affluents du lac, la zone d’accumulation la plus imposante étant celle du delta de la rivière Hart-Jaune, au nord du lac (Figure 31). De petites plages, au nombre d’une dizaine pour l’ensemble du lac, occupent le fond de certaines baies ou encore la berge en aval de l’embouchure d’un des affluents du lac. D’une largeur variant de l’ordre de 5 à 10 m, ces plages atteignaient quelques centaines de mètres en longueur. La forte majorité des berges du lac étaient végétalisées, ce qui était également le cas de certaines des flèches répertoriées, ce qui témoigne de leur âge et de leur inactivité lors de la prise des orthophotographies, durant les années 1950. La longueur de ces flèches varie de 50 à 150 m environ. Un tombolo d’une trentaine de mètres de longueur reliant une petite île à la rive ouest du lac, vers la partie centrale du lac, témoigne également de l’action de la dérive littorale sur les berges du lac. On dénote tout de même quelques flèches qui semblent actives, de même que de rares plumes de sédiment en suspension à l’embouchure de certains affluents.

Les formes actuelles de sédimentation littorale sont nettement plus développées et témoignent d’une dérive littorale jouant un rôle beaucoup plus important sur les berges du lac. L’augmentation de la superficie totale du lac, entrainant une augmentation du fetch, pointe vers l’influence accrue du vent sur la dérive littorale autour du lac. On y trouve des flèches littorales pouvant atteindre 2 km de longueur. Des plages de galets et de blocs abondent partout autour du réservoir (Figure 30).

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Figure 30: Données d'imagerie satellitaire présentant des zones d'accumulation sédimentaire (plages et flèche littorale) sur les berges du secteur centre du réservoir Manicouagan.

Flèche littorale

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Figure 31: Orthophotographie et carte bathymétrique présentant une ancienne berge du lac Manicouagan en accumulation, avec une flèche et une plage, près de l’embouchure de la rivière Hart-Jaune.

Figure

Figure 1 : Localisation du réservoir Manicouagan et de l’ancien lac Manicouagan.
Figure 2 : Géologie de la structure d'impact de Manicouagan, adapté de O'donnell- O'donnell-Cooper et Spray, 2011.
Figure  3  :  Bassin-versant  et  écoulement  moyen  interannuel  du  bassin  Manicouagan,  adapté  de  Jones  et  al.,  1973
Figure  4  :  Modèle  du  retrait  du  front  glaciaire  de  l'Inlandsis  laurentidien,  au  Québec- Québec-Labrador, tiré de Occhietti et al
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