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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'avenir du travail ou le travail à venir

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

L'AVENfR

DU

TRAVAfL

ou,

Lt TRAVAfL

A VtNfR

Synthèse par M. LETOURNEAU

Dans sa revue AXIALES N°4 l'association ASTS ( www.asts.asso.fr 1 19 pL de l'Argonne 765019 Paris) relate un ensemble de conférences-débats-réflexions dont le thème était l'Avenir du travail ou le travaü à venir face à sa « marchandisation », face à sa « socialisation » et face aux nouvelles technologies. Celles-ci ont eu lieu les 28/10/00 ; 25/11/00 ; 09/12/00 ; 20/01/01

L'homme peut-il encore être autonome face à la mondialisation de la « financiarisation » ?

N'y a-t-il pas contradiction entre« l'autonomie requise mais non admise par l'organisation du travail»? Qu'en est-il de la course à la productivité et au rendement dont le seul critère, qui n'est pas exclusif des financiers, est la rentabilité en gains immédiats ?

.

Ci-dessous l'avant-propos du vice président de l' ASTS à ces journées et le texte de la 1ière conférence.

Avant

a

Propos

Maurice Caron Viceprésident de l' ASTS

-Si le droit au travail est inscrit dans la consti-tution avec pour corollaire le plein emploi, force est de constater que son application est aujourd'hui pour le moins incertaine.

À la fin du XX:e siècle, la profonde transforma-tion des modes de productransforma-tion, l'abandon de certaines fi-lières industrielles, l'arrivée des technologies de l'infor-mation et de la communication, de nouvelles formes de management, la mondialisation de l'économie ont fon-cièrement modifié le travail et les rapports sociaux. Ces mutations ont permis ~x pays développés d'accroître leurs richesses alors que dans le même temps se multi-pliait le nombre de chômeurs et d'exclus. Cette situa-tion paradoxale accuse de fait l'expansion· sans précé-dent de la financiarisation des profits au détriment de la rentabilité sociale. Devant cette situation,

qui pourtant rend le travail précaire, flexi-ble et peu rémunéré, d'aucuns ont vu là le signe d'une libéralisation .des contraintes pesant sur les individus et la société, voire de

«

la fin du travail

».

Or nous constatons que celui-ci reste une activité de création

collective, une source d'épanouissement et de recon-naissance. sociale. Si le rapport au travail a changé au regard de sa nature même et des aspirations individuel-les, il continue à se poser en termes de revenus, de for-mation, d'égalité des chances et de partage des riches-ses.

Depuis la tenue de nos débats autour de L'avenir du travail ou le travail à venir la tendance à une cer-taine reprise économique a quelque peu modifié

plu-sieurs éléments statistiques. mais les problèmes de fond restent, nous semble-t-il. toujours d'actualité. 0 M. C.

1ier débat : lE TRAVAil

à

(aJ

SA PlACE

Thierry Méot -Président de 1

'Asts-Pour ce premier Dialogue 1999-2000 de l'Asts, nous avons choisi de mettre " le travail en débat ". Son devenir est au centre d'enjeux actuels comme la loi sur les 35 heures et d'enjeux d'avenir. Par ailleurs, notre association s'efforce d'équilibrer ses activités entre les sciences de la nature et les sciences humaines.

Au delà de ces Dialogues. L' .ASts développe de multiples initiatives pour permettre aux citoyens de rencontrer des chercheurs et de débattre des enjeux que posent à la société les évolutions fulgurantes des

décou-vertes et des inventions. À l'orée du ille millénaire, de nombreuses situations - du clonage au nucléaire, en passant par le dé-veloppement d'hlternet - justifient 1 'orga-nisation par les pouvoirs publics d'États généraux de la science et de la technolo-gie, pour que tous les citoyens puissent être associés aux grandes orientations de ces domaines. C'est donc un des axes centraux de notre activité. Antoine Spire

Dans ce débat, nous essayerons de définir la place du travail dans nos vies et plus généralement dans la société, et d'y réfléchir.

Je propose d'organiser la discussion autour de quatre grands thèmes :

(2)

--1- La définition du travail et ses motivations C'est un droit constitutionnel-lié à la Constitu-tion de 1946 pensé dans une conjoncture de plein em-ploi. Très longtemps, il s'est défini comme étant:

- une source de revenus ;

- une source d'identité, de reconnaissance et, éventuellement, de capacité créatrice et

donc comme étant susceptible de réaliser les capacités de création d'un individu, que ce soit un homme ou une femme ;

- une activité collective organisée avec toutes les conséquences que cela en-traîne.

Nous nous demanderons si cette dé-finition est légitime, comment ces trois

points peuvent servir à définir le travail et ses objectifs. -2- L'évolution du travail

Èn France, de 5 à 7 millions de salariés travail-lent 50 à 60 heures par semaine, alors que 1' on discute des 35 heures. L'emploi salarié total a augmenté de 90% de 1983 à 1998, et, dans le même temps, le nom-bre d'emplois précaires a quadruplé, la hausse des em-plois à durée déterminée (CDD) étant particulièrement forte. Une étude réalisée en 1991 sur les débouchés de ces CDD (entendus au sens large : contrats d'intérim, contrats de stage, contrats aidés comme les CES, les CIE ... ) montre que seuls 35% de ces salariés travaillant en CDD étaient employés en CDI l'année suivante.

En 1996, ce taux est tombé à 27% ; en 1997 il est remonté à 29%. Aujourd'hui, 16% des gens qui tra-vaillent le font à temps partiel, et 4 sur 10 d'entre eux

souhaiteraient un temps plein. Donc, pour la moitié des personnes concernées, le travail à temps partiel n'est pas forcément un temps désiré. Il y a aussi une transfor-mation des statuts qui aboutit à une précarisation. Nous devrions, au cours de ce débat, réfléchir sur ce « travail jetable » dont parle Gérard Filoche dans son livre épo• nyme. ll explique que la France ne compte que 432 ins-pecteurs du travail en dépit de cette précarisation qui va croissant. Une entreprise qu'ils n'ont pas ciblée ne sera contrôlée qu'une fois tous les dix ans. Seulement 27000 PV sont dressés chaque année, pour un total d'infrac-tions au Code du travail qu'ils chiffrent à environ un million. Les pratiques illégales sont très nombreuses. C'est le cas des heures dépassant la durée légale du tra-vail sans pour autant être considérées comme

«

supplé-mentaires ». Par ailleurs, actuellementles travailleurs se voient imposer certaines contraintes sans pouvoir ré-pliquer faute de moyens d'organisation et de pouvoir.

Dans cette deuxième partie, nous nous intéresse-rons aussi aux conditions dans lesquelles de nouveaux métiers apparaissent La nouvelle génération est-elle at-tirée par des métiers à fort risques de chômage et de précarité mais qui offrent plus de responsabilités et sont

plus créatifs, comme le sont les emplois dans l'infor-matique, les emplois culturels, mais aussi tout ce qui touche la création de micro-entreprises ? Cela conduit à

des situations où le droit du travail devient un horizon lointain ; il n'est plus pris en compte comme structurant la pratique. Nous nous interrogerons sur les formes de travail en groupe, sur 1' auto-organisation et sur 1' essor du travail indépendant, en particulier aux formes de travail -ni indépendant ni sala-rié - qui se développent dans le spectacle et dans la formation. Cela concerne de plus en plus de travailleurs. Dernière question : la mobilisation des cadres dans les grandes et les moyennes entreprises. Ceux-ci tra-vaillent énormément (pour qu'ils s'identi-fient à l'entreprise), avec une très grande amplitude journalière, et leur situation dans l'entreprise est particulière.

-3- Pourquoi parle-t-on de « fin du travail » Que signifie aujourd'hui cette expression ? Le travail est-il perçu comme une contrainte ou un épanouissement ? Les trois points que j'évoquais au début de mon intervention sont-ils encore valables ? Est-ce encore un lieu de socialisation et d'émancipa-tion ? Michel Verret, dans La Culture ouvrière

(L'Harmattan, 1996), explique :

«

Le temps libre [du travailleur] est sous le signe du temps contraint.»

-4- Des propositions

Anne Marie Grozelier avance quelques proposi-tions dans son livre Pour en finir avec la jin du travail : un nouveau contrat social pourrait articuler sécurité de 1' emploi et mobilité professionnelle. Plus largement, nous nous demanderons quel mode de régulation est à envisager et comment il serait possible d'en imposer un nouveau type prenant en compte les mutations des conditions de travail aujourd'hui.

Pour commencer ce débat, je demanderai à Anne Marie Grozelier sa vision du travail. La triple dé-finition que j'ai donnée en ouverture du débat (travail . source de revenus, d'identité, de reconnaissance, voire de création, et activité collective organisée) lui paraît-elle encore valable ?

Anne-Marie Grozelier -Sociologue LASAIRE

(laboratoire Social d'Actions et d'Innovations Réflexions Echanges)

-La réponse à ces trois définitions est d'autant plus affirmative que le droit du travail n'est pas encore totalement acquis pour 1 'ensemble de la population, no-tamment pour les femmes.

Le travail en tant que source de revenus consti-tue pour les femmes la source de leur autonomie et les a libérées des tutelles traditionnelles. À l'opposé, cet aspect renvoie à la question d'un revenu universel qui

- - - A.ul11

6'1'1

info N°86 Nov. Déc. 2000

-36

(3)

serait déconnecté du travail Plus particulièrement, le travail a offert aux femmes la possibilité de sortir de

elles bouger ces trois grands axes qui constituent autant de motivations au travail ?

chez elles et non plus d'être définies comme épouses Anne-Marie Grozelier

mais d'être - en tant que telles -reconnues dans

laso-ciété comme agents de production. Plus généralement, Ces définitions, qui pour certains d'entre nous

des études de sociologie du travail montrent que ressur- relèvent de l'évidence, sont remises en cause. L'idée gissent des identités professionnelles fortes ; de nom- d'un revenu universel est de plus en plus souvent évo-breux conflits tournent autour de la qualification du tra- quée, de multiples propositions sont avancées. Cette vail et de sa reconnaissance. Enfin, dernier élément de idée traîne son origine dans les courants néo-libéraux : définition, l'activité collective organisée est ce qui ca- Milton Friedman, l'école de Chicago ... Ces

proposi-r---.

tions continuent d'être avancées dans une

perspective très libérale : le travail se S O M M A I R E

L'avenir du travail ou le travail

à

venir

Avant-propos

Maurice caron

VK<preidentdefAm

Le travail à {a) sa place Anne-Marie Grozelier

page6

page 13

concentrerait sur quelques uns ; il faudrait donc assurer un minimum de survie à

l'en-Sodologu.,IASA/RE ([aboratDiœ Soda/ d~d!Ons ct d'Innovations Réfle.iom tchonges)

semble des citoyens en créant un revenu universel déconnecté du travail. Des posi-tions issues de tous les bords politiques, y compris de la gauche, se greffent sur ces propositions initiales. Par exemple, André Gorz considère qu'il vaut mieux donner un revenu universel à chaque citoyen pour qu'il puisse s'accomplir dans des activités hors travail.

2' débat

3'débat

4' débat

Gérard Filoche

lnsp«œur rJu lravtJil

Le travail en mutation Daniel Bachet

page37

MairiTI de œnféfences à runivet!hé rtlvry,

rappo<te<Jr genéral de la <OJJIIJlÎ!!Ion <Compétitivilé frall{alre• au l<f Plan

Danièle Linhart

SOOO/ogue; directriCe de rechetche au Cl/li~

/abor.rtoite IIT(Ç~Vai/ et mobHitis», unirenité Parif.X

Le travail incertain page 71

Jean-Pierre Durand

Ptofessevrdo sociologie à l'vnivet!hé d'Evry

Olivier Schwartz

PtofeSl<UI' de sociologie a J'ui!Mnllé de Mame.la-V.Uffl

Le travail au futur

Christian Baudelot

page93

S«iologue, profelll!ur l rENt diœdl!ur du département Sciences humaines

Michel GoLLac

Antoine Spire

Comment voyez-vous cette évolu-tion ? Avec le « travail jetable », pour re-prendre l'expression de Gérard Filoche, il

devient très difficile de faire du travail une source d'identité et une forme de recon-naissance. Pour beaucoup de nos conci-toyens, ce ne l'est déjà plus.

Anne-Marie Groze/ier

Cette thèse a été reprise notamment par André Gorz et Dominique. Méda. Un courant de pensée laisse entendre que l'in-vestissement personnel des gens doit se faire maintenant dans le hors travail, ce-lui-ci ayant perdu tout intérêt et étant de-venu pénible, rare et difficile. J'en reviens

Directeur de rech<rche au Cenùe rt~tudes de I'Emplo~ profeueur >SSocié; l'ENS

Jean-Louis Laville

à l'exemple du travail des femmes. La dualité et la complexité contenues dans le travail ne semblent pas être comprises par ceux qui traitent de ces questions. L'as-pect aliénant, difficile et pénible - surtout lorsque les conditions de travail sont parti-culièrement dégradées - est réel. À l'in-verse, il possède une dimension

d'émanci-Sociologuo, chargé de re<herche au CNRS.CRIDA

---·---!iéi;;t,.-;~;~és-~;;Aiitàifiëspirë

_____

-Joumalfrle

ractérise le travail moderne tel qu'il est exercé aujourd-'hui. Le travail est un lieu d'apprentissage de la

ci-toyenneté, du conflit, de la communication ... où se for-gent des coopérations entre équipes. Autant d'éléments forts qui constituent le milieu de travail collectif mo-derne.

Antoine Spire

Les transformations et 1' évolution du travail font

pation et d'affirmation de soi que l'on peut retrouver dans le travail même le plus dégradé. Les femmes se trouvent souvent dans les situations de travail·les plus difficiles (travail parcellisé, travail à la chaîne, travail contraint ou précaire, temps partiel ... ). Pourtant, elles y trouvent - quelque part une forme d'émancipation et d'affirmation, un lieu pour se créer des relations et une identité dans le travail, en dehors de la vie familiale.

(4)

-Antoine Spire

Sans travail, les gens se considèrent comme étant hors de la société, et leur dignité élémentaire leur manque. Donc, 1 'activité de travail, aussi aliénante soit-elle, contient quelque chose qui est de l'ordre de la dignité. En même temps, ce travail, s'il est très alié-nant, répétitif et abrutissant, n'a pas de sens. C'est contradictoire : on a un travail, mais on peut difficile-ment y manifester son identité. Comdifficile-ment se vit cette contradiction ?

Gérard Fi/othe Inspecteur du travail

-Mon dernier rendez-vous à ma permanence était avec deux traders qui travaillent dans une caisse de Bourse. Ces salariés ne me rencontraient pas pour des problèmes de salaire mais de conditions de travail, en particulier pour 1 'un des deux, de durée du travail. Il s'agit notamment d'une femme qui travaille depuis sept ans dans cette entreprise et qui doit gagner environ 300000'francs par mois sans compter des primes der~­

sultat pouvant atteindre 500000 francs dans l'année. A son retour de son congé maternité, on lui a annoncé que sa place n'avait pas été conservée, car, avec son bébé, elle ne pourrait plus faire des .journées de douze ou de treize heures. Elle m'a dit: "On m'a appris à être une battante. Je veux mon poste, mon fric et du temps pour mon bébé. » Pour obtenir ce résultat, son travail doit être recadré, notamment en matière de durée journa-lière, celle-ci devant encore augmenter, la Bourse ou-vrant maintenant une heure plus tôt. Il s'agit simple-ment de faire respecter la durée de travail d'ordre public et social, en vigueur : dix heures.

Antoine Spire

Dans Le Travail jetable, vous affirmez que 5 à 7 millions de travailleurs travaillent 50 à 60 heures par semaine en France.

Gérard Filoche

La durée de travail hebdomadaire de 6 millions de salariés est plus proche de 45, 55, voire 60 heures. Un jour, Lionel Jospin m'a dit que mes chiffres n'é-taient pas fiables, car je ne donnais pas un chiffre glo-bal, mais cinq ou six différents. Effectivement, je ne calcule pas une moyenne comme le ferait

un institut. J'établis des projections à par-tir des situations que je connais : par caté-gorie et par profession (restauration, bâti-ment, nettoyage, gardiennage.. ). Pour certaines catégories de salariés, la moyenne hebdomadaire de travail est pro-che de 45 ou de 55 heures. Pour les rou-tiers, elle sera proche de 60 heures ; dans

la restauration - qui concerne près de 700 000 person-nes -, elle s'établira forcément entre 50 et 60 heures. Dans le gardiennage et le nettoyage, les horaires tour-neront autour de 45 ou 50 heures. Les chercheurs de l'Insee ou de la Dares étudient le travail théorique,

affi.-ché, et incluent dans leur moyenne tous les temps par-tiels. Dans ces conditions, ils peuvent annoncer que, en France, la durée du travail a baissé. Mais un contrôleur ou un inspecteur du travail en entrant dans une entre-prise découvre immédiatement une infraction, doublée d'un délit Le patron dissimule les heures supplémen-taires et accumule des obstacles pour ne pas être pris.

Dans l'entreprise où travaillent les deux traders que j'ai déjà évoqués, le patron n'a qu'une peur: la vi-site d'un inspecteur du travail qui l'obligerait à rendre des comptes. Pour cette raison, il veut négocier en pos-tulant sur la future loi Aubry [Ce débat s'est déroulé avant le vote de la deuxième loi Aubry sur les 35 heu-res Ndlr], se disant que l'on ne comptera plus en heur~s

mais selon un forfait journalier. Du coup, pensent-tl, ses salariés pourront travailler 13 heures par jour, et ce sera légal !

n

pourrait aussi tenter d'obtenir une modu-lation, mais pour ce faire, il devrait résoudre une contradiction. En effet, il devrait reconnaître l'existence de pics d' activité dans son entreprise., Or, d~puis cin~

ans il a nié l'existence d'heures supplementaires.

n

lm est 'donc impossible de prouver ces pics d'activité, à moins de reconnaître qu'ils existaient sous forme d'heures supplémentaires. Dans ce cas, il devrait les payer de manière rétroactive jusqu'à cinq ans en ar-rière.

Aujourd'hui, tous les salariés sont soumis à une pression et à un stress considérables qui n'ont ri~n à voir avec la situation qui prévalait il y a encore qumze ou vingt ans. Pourtant, la France ne s'est jamais aussi bien portée économiquement. Les indices qu'affection-nent les économistes montrent l'absence d'inflation, voire, certains mois, son recul. Les déficits ont été ré-duits au-dessous des critères adoptés au niveau euro-péen, les taux d'endettement reculent et ceux de l'épar-gne sont « parfaits », comme le sont les taux ~e

consommation et

de

croissance. Nos gains de producti-vité sont parmi les plus élevés du monde, et la France a 200 milliards de francs d'excédent commercial.

n

y a encore dix ans, les Japonais faisaient peur ; aujourd'hui Renault ferme Nissan. Le maintien du stress, du surtra-vail, de la pression sur les gens à un niveau aussi élevé montre la volonté politique de conserver un chômage important qui permet de continuer à presser ceux qui travaillent et à obtenir des marges de résultat de plus en plus importantes. Le profit seul ne suffit pas ; il doit être ~­

mal. Pour des millions de gens, le travail est piégé de A à Z, car ils ont le couteau de l'Anpe sous la gorge. Soit ils en acceptent la logique, soit on leur dit :

«

Cinq ~lions

de gens attendent votre place dehors. » Une enquete pu-bliée dans un magazine montrait que 6 millions de sala-riés étaient, peu ou prou, victimes de violences, ~'insul­ tes, de stress ou de harcèlement dans leur travail. Dans ces conditions, parler de l'identité du travail ... Une

ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- ser-- Atlll 11'1'1

info-

N°86 Nov. Déc. 2000

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veuse de restaurant dont l'amplitude de travail quoti-dienne est de 16 heures ne fera pas de philosophie. Elle se demandera seulement quand elle pourra dormir. Quelle peut être l'identité au travail pour un ouvrier du bâtiment qui est à 55 ans derrière son marteaun

pi-queur ? Elle se résume à survivre pour espérer atteindre 1' âge de la retraite. Dans le nettoyage, les

gens se lèvent à 5 heures du matin, pour être dans les bureaux avant leur ouverture. Pour survivre, ils font trois temps partiels, commencent à Nanterre le matin, conti-nuent dans le 3e arrondissement de Paris à

midi, et le soir sont à Montreui~ pour des salaires qui, au total, avoisinent le Smic. Depuis quinze ans, une terrible violence

existe dans cette société pour établir un partage inégali-taire du travail. Je tiens deux permanences par semaine. Sur 20 personnes que je reçois dans ce cadre, 15 sont concernées par cette description.

Antoine Spire

Cela ne recouvre-t-il pas deux extrêmes, même si un grand nombre de gens sont concernés ? D'un côté, il y aurait ceux qui travaillent dans des conditions très difficiles, avec des horaires terribles : pour eux, le concept d'identité au travail n'aurait effectivement pas de sens. De 1' autre, des gens travaillent sur des durées très importantes, à 1' instar de ces traders évoqués par Gérard Filoche. Mais le travail indépendant (sous la forme de travail mi-indépendant/mi-salarié, de travail en groupe, d'auto-organisation ... ) qui existe et com-mence à se développer dans les couches moyennes ne transforment-il pas les conditions de travail?

Gérard Fi loche

Soyons net : le salariat augmente. Ces vingt der-nières années, sa part n'a cessé de croître dans la popu-lation active, dont il constitue aujourd'hui 85 à 86% : inversement, seuls 14 à 15% ne sont pas salariés. Le travail indépendant se développent-il ? Le seul chif-frage que je connaisse estime le nombre des travailleurs indépendants à environ 300 000 ou 400 000 personnes. Mais en pratique, un sur deux est un faux indépendant. La loi Madelin du 11 février 1994 encourageait letra-vail indépendant, disant qu'une personne inscrite au re-gistre du commerce avait ull.e «présomption d'indépen-dance

».

En dépit de cette loi, le nombre de travailleurs indépendants a faiblement augmenté depuis 1994. Pourtant, elle rendait la tâche de l'fuspection du travail plus difficile. Il nous fallait prouver que ces personnes étaient en fait subordonnées à quelqu'un qui leur avait dit en substance :

«

Travaillez, et je m'occupe de vos affaires comptables : comme ça, on est débarrassé du Code du travail. » M. Madelin appelait cela : « remettre en cause l'impérialisme du contrat de travail». Cela re-venait à remplacer le contrat de travail par un contrat commercial. L'apparence est moderne, mais cela

re-Moyen Âge. Par exemple, des exploitants forestiers employaient des bûcherons faux indépendants:« Vous avez votre tronçonneuse, votre territoire ; vous coupez et élaguez à votre compte, et je calcule vos cotisations sociales. " Cette formule s'est aussi développée sur la route. Le chauffeur achète un camion (son employeur peut d'ailleurs l'aider à l'acheter), se met à son compte. Il peut alors rouler 15 heu-res de suite. Personne ne pourra rien lui reprocher, car il ne répond pas aux critè-res du Code du travail. Le bâtiment est aussi concerné. Un ouvrier venu travailler chez moi m'a raconté : «Mon patron m'a dit de me mettre à mon compte. Comme ça, je devrais mieux me débrouiller car je n'aurai pas les cotisations à payer. Mais j'ai fait mes comptes :je gagne moins et je travaille plus, et c'est lui qui me gère. » C'était facile à coincer ... La même chose se rencontre dans l'audiovisuel. De jeunes journalistes sont venus m'interviewer. Ils avaient le talent de tout faire : ils connaissaient leur interlocuteur, posaient les questions, tenaient leur caméra. Ils repartaient avec leur image et faisaient leur montage. C'est tout juste s'ils ne diffusaient pas eux-mêmes leur reportage. Ils étaient in-dépendants. Aujourd'hui, les maisons de production emploient des jeunes comme « indépendants

»

ou «

freelance ». Le service public, France 2 par exemple, fait travailler ces sociétés. C'est du faux travail indé-pendant. Cela s'appelle du marchandage ou du prêt illi-cite de main d'oeuvre. Cela pourra facilement se dé-montrer dès que la loi Madelin sera abrogée.

DEBAT ...

(Pour toutes informations complémentaires Cj ASTS)

'•.

vient à ce que connaissaient les loueurs de bras du Dessin extrait du Monde du sam 10 fév 2001

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