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L'effet Poclain. À propos de l'atelier « Invention de la tradition et construction du rapport au passé » (Marseille, Maison Asie-Pacifique, Credo, 24-25 mai 2002)

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Texte intégral

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Pierre Lemonnier

L ' e f f e t Poclain

À propos de l'atelier

« Invention de la tradition et construction du rapport au passé »

CMarseille, Maison Asie-Pacifique, Credo, 24-25 mai 2002)

Pierre Lemonnier

(Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie - Maison Asie-Pacifique,

Université de Haute-Provence, Marseille)

« M onsieur a son a v e n ir d e v a n t lui, m ais il l'a u ra dans le do s c h a q u e fois q u 'il fe ra d e m i-to u r » Le Sar R a b in d ra n a th D u va l (Pierre D a c ) Poclain é ta n t à la pelle m écanique c e que Bic est au stylo-bille et Seb à l'autocuiseur, on appellera bien volontiers « e ffe t Poclain » la dém arche qui consiste à creuser le passé pour en déposer des bribes d e va n t soi. Situé au fondem en t m êm e du procès archéologique, l'exercice n'est pas inconnu des ethnologues, que le recueil e t l'analyse de l'histoire orale autorisent à parler prudem m ent d'ordres sociaux, de systèmes d e pensée ou d e pratiques bien antérieurs à ceux qu'il leur est d onné de côtoyer. Avec ces paroles mises en notes ou en bandes m agnétiques — enrichies d'inform ations archéologiques ou historiques c h a q u e fois que celles-ci sont disponibles —, les ethnologues te n te n t par exem ple d e mettre au jour des constantes socioculturelles, de saisir des discontinuités ou d'interroger leurs hôtes sur leurs conceptions des temps anciens, leur sens d e l'histoire, etc. L'é tude du passé constitue alors l'une des approches do n t disposent les chercheurs pour mieux décrire et com prendre les réalités sociales qu'ils o n t vocation d e présenter e t d'expliquer dans les termes d e leur propre culture, en l'occu rre nce a v e c les mots, les problém atiques et les schémas d e pensée qui sont ceux d e la c o m m u n a u té scientifique à un m o m e n t donné. Bien que s 'a p p u y a n t sur des m atériaux différents, l'archéologie, l'histoire e t l'ethnologie pa rta g e n t ici un m êm e propos.

Mais ces disciplines ont aussi en com m un de fournir des images du passé à tous ceux qui désirent en faire leur miel. Ces représentations d 'u n temps qui n'est plus viennent singulièrement nourrir les processus extrêm em ent complexes e t variables au term e desquels individus e t sociétés définissent leur(s) id e n tité © . Les travaux d e l'histoire, d e l'arch éologie e t d e l'ethnologie sont alors manipulés, réécrits ou contestés par des utilisateurs secondaires dans un b u t qui n'est plus d e simple connaissance (si tel fû t jamais le cas), mais bien politique : construire, c'est-à-dire imaginer, une identité — disons « un contenu d e conscience » (Jean-Luc Bonniol) relatif à l'a p p a rte n a n c e à une com m unauté.

Déjà bien à la peine lorsqu'il s'ag it de distinguer l'identité qu'il plaque de l'extérieur sur la société qu'il étu d ie ou reconstitue d e celle que les membres d e celle-ci s'attribuent (ethnologie) ou se sont peut-être attribué (archéologie e t histoire), le chercheur se trouve bon gré, mal gré, em b a rq u é dans la définition d'identités d 'u n troisième typ e : celles que certains d e ses contem porains revendiquent. Embarqué, c'est-à- dire ta n tô t volontairem ent e n g a g é a ve c armes e t bagages scientifiques dans un c o m b a t politique qui lui im porte (Kaeser pour la Suisse du milieu du XIXe siècle, Schlanger pour l'Afrique du sud des années 1920), ta n tô t prié d e fournir les briques identitaires q u 'o n lui réclam e ou de justifier des ruptures ou perm éabilités culturelles qui déra n g e n t ; voire d e faire am ende honorable lorsque sa « science » diverge pa r trop du passé que se rêvent les descendants réels ou imaginaires des gens d o n t il tente d e reconstituer l'a n cie n n e société (Douaire- M arsaudon pour les démêlés récents des ethno-historiens d'H aw aii a v e c les représentants des premiers habitants d e la région).

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Culture et identité

Se g a rd a n t bien d e préciser le contenu d e c e tte boîte noire qu'est l'« identité », l'atelier marseillais a mis en regard plusieurs situations, anciennes ou contem poraines, illustrant ch a cu n e à sa manière, mais de façon lumineuse, l'insertion dans des politiques identitaires d 'u n passé révélé par les savants. Leur rapprochem ent m ontre que, dans c e t exercice au moins, la distinction entre archéologie, histoire e t ethnologie n 'a pas lieu d'ê tre, Une fois admis que l'archéologie pe u t parler d 'id e n tité (C oudart e t Cleuziou), les m éthodes ou la nature des conclusions proposées par l'une ou l'au tre de ces disciplines sont secondaires : seule c o m p te la manière d o n t ceux qui ont accès à c e qu'ils pensent être un aperçu de leur propre passé y puisent des « ressources identitaires » (Morin). Il im porte peu que les questions d e stabilité ou d e perm éabilité des cultures soient résolues — ou simplement décidables — ou q u e soit tra n ch é e celle de la continuité d 'u n e culture e t d 'u n e société contem poraines a ve c des « manières des ancêtres » a ve c laquelle jouent ta n t d e peuples autochtones pour d éfend re leur existence, leurs intérêt, en to u t cas leur vision du futur (Douaire-Marsaudon, Jordan, Morin, Tcherkézoff). Les produits de l'archéologie, d e l'histoire e t de l'ethnologie ne sont plus alors que des prétextes à différenciation, au m êm e titre q u 'u n e peinture faciale, que la form e d 'u n to it ou q u 'u n cha p e a u rond mythique. Et la manière do n t les chercheurs sont sommés d e s'interroger sur la « vérité » des reconstitutions qu'ils proposent ou sur leur responsabilité dans la genèse d e processus identitaires est largem ent la même.

En vérité, les thèmes et les cas exposés lors d e l'atelier marseillais sont si probants qu'ils constituent autant de cas d 'é c o le qui n 'o n t pas besoin d 'ê tre présentés. Je ne soulignerai que deux résultats d e c e tte rencontre pluridisciplinaire, qui sont, chacun à sa manière, particulièrem ent rassurants. D 'abord, les chercheurs (pour ne pas dire la science) se tireraient plutôt bien d e c e recyclage de leur travail qu'ils n 'o n t pas toujours sollicité. C om m e Kaeser puis Schlanger l'o n t montré, les constructions identitaires faisant app e l à l'archéologie sont « établies sur des données matérielles construites, mais pas inventées », La science utilisée — pour ne pas dire invoquée — par ceux qui veulent y lire les traces d 'u n passé qui les arrange est sim plem ent celle d'une é p o q u e ; elle n'est pas forcém ent mise à mal, pas plus que les savants ne sont aveuglés par des intérêts extra­ scientifiques.

Ensuite, traitant l'un et l'autre d e douloureuses situations coloniales (ou post-coloniales) lors desquelles des Européens d é b â te n t a vec ceux chez lesquels l'histoire les a conduits à vivre, deux orateurs ont mis en lumière un second e ffe t Poclain, qui consiste à projeter dans le futur, non pas les bribes d e passé que l'on s'est je té à la face, mais le fa it d 'e n avoir d é b a ttu ensemble. À propos des Kanak e t des C aldoches d e Nouvelle- Calédonie, Sand parle ainsi d e « co m m u n a u té d e destins parta g é » ; q u ant à Schlanger, il évoque pour les peuples d'A frique du Sud « un passé qui n'est le leur que dans le futur ». A utant ou d a v a n ta g e que l'histoire d o n t on filtre e t réorganise les traces, c e serait alors le fait de les m anipuler à plusieurs qui créerait entre les adversaires d 'u n m om ent une solidarité e t une expérience p a rta g é e ; une sorte d e « faire e t penser ensemble » qui rapproche e t co n fo n d ceux qui, hier, s'ach arnaient à affirmer des identités divergentes.

Cham pignaciens : d e b o u t !

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