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Bilan de carbone d'une prairie pâturée en Région wallonne: effets du climat et de la gestion du pâturage

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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FÉDÉRATION WALLONIE –BRUXELLES

ACADÉMIE UNIVERSITAIRE WALLONIE –EUROPE

UNIVERSITÉ DE LIÈGE –GEMBLOUX AGRO-BIO TECH

B

ILAN DE CARBONE D

UNE PRAIRIE PÂTURÉE EN

R

ÉGION WALLONNE

:

EFFETS DU CLIMAT ET DE LA GESTION DU PÂTURAGE

.

Elisabeth JÉRÔME

Essai présenté en vue de l'obtention du grade de

Docteur en Sciences agronomiques et Ingénierie biologique

Promoteur : Pr. Marc AUBINET

2014

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Copyright. Aux termes de la loi belge du 30 juin 1994, sur le droit d'auteur et les droits voisins, seul l'auteur a le droit de reproduire partiellement ou complètement cet ouvrage de quelque façon et forme que ce soit ou d'en autoriser la reproduction partielle ou complète de quelque manière et sous quelque forme que ce soit. Toute photocopie ou reproduction sous autre forme est donc faite en violation de la dite loi et de ses modifications ultérieures.

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Résumé

Jérôme Elisabeth (2014). Bilan de carbone d’une prairie pâturée en Région wallonne : effets du climat et de la gestion du pâturage (thèse de doctorat). Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgique.

Résumé

Le stockage de carbone (C) dans les sols des écosystèmes prairiaux pouvant jouer un rôle significatif dans l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) des systèmes d’élevage de bovins (dioxyde de carbone – CO2, protoxyde d’azote – N2O, méthane – CH4), cette thèse étudie le bilan de C d’une prairie pâturée en Région wallonne et analyse plus particulièrement l’impact des conditions climatiques et de la gestion du pâturage sur ce bilan.

La parcelle d’étude est une prairie permanente de 4.22 ha gérée intensivement depuis plus de 50 ans par le pâturage de bovins de la race Blanc Bleu Belge culard et la fertilisation minérale et organique. Le mode de gestion mais également le climat sont représentatifs des exploitations d’élevage basées sur l’élevage de bovins producteurs de viande en Région Wallonne.

Les variations du stock de C du sol sont étudiées sur une période de trois ans en réalisant le bilan net des flux de C échangés à l’échelle de la parcelle. Cette approche prend en compte non seulement les flux de CO2 et de CH4 échangés entre l’écosystème et l’atmosphère mais également les flux de C organique aux frontières de la parcelle. Les flux de CO2 sont mesurés par covariance de turbulence alors que les autres termes du bilan sont estimés sur base de données provenant directement de l’agriculteur, de prélèvements ponctuels et de mesures de la biomasse sèche au-dessus du sol.

Considérant uniquement l’assimilation et la respiration, l’écosystème se comporte en moyenne comme une faible source de CO2, avec néanmoins une grande variabilité interannuelle. Celle-ci ne semble pas significativement reliée aux principales variables climatiques mais est principalement influencée par la gestion de la fertilisation. Tenant compte des autres flux, le site est neutre d’un point de vue du C. La gestion par l’agriculteur (fertilisation organique), mais également les conditions climatiques influençant la gestion (compléments), sont les principaux facteurs influençant le bilan. Les résultats

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Résumé

des flux de CO2 et de C montrent donc que les pratiques de gestion jouent un rôle primordial dans la variabilité des flux de C de cette parcelle.

L’impact du pâturage sur les flux de CO2, que ce soit à l’échelle saisonnière ou annuelle, n’apparaît pas de manière immédiate. Il est mis en évidence par des analyses et expériences complémentaires. Un premier impact, indirect, résulte de la consommation de biomasse, des excrétions et de la compaction du sol par le bétail qui modifient l’assimilation et la respiration totale de l’écosystème. Celui-ci est quantifié sur base d’une étude de la variation de la productivité primaire brute à saturation de rayonnement (GPPmax) et de la respiration noire normalisée à une température de 10°C (Rd,10) pendant des périodes avec des charges en bétail fixées. En moyenne, GPPmax diminue durant les périodes pâturées et augmente durant les périodes non-pâturées, ce qui s’explique par la diminution de la biomasse au-dessus du sol et sa repousse, respectivement. De plus, les variations de GPPmax sont négativement corrélées à l’intensité du pâturage (définie comme le produit du taux de chargement et de la durée du pâturage). Au contraire, aucune évolution significative de Rd,10, à la fois durant les périodes pâturées et non-pâturées, n’est observée ce qui est probablement dû à des effets antagonistes du pâturage sur les composantes de la respiration. Un deuxième impact, direct, résulte de la respiration du bétail qui s’ajoute à la respiration totale de l’écosystème. Celui-ci est quantifié sur base d’expériences de confinement du bétail. Le flux net échangé par la parcelle est comparé entre des jours successifs de climats similaires, le bétail étant confiné (≈ 26 unités gros bétail ha-1) ou retiré de la zone principale d’influence du dispositif de covariance de turbulence. Les résultats obtenus sont validés par des mesures indépendantes basées sur l’ingestion du bétail durant le confinement.

Finalement, l’établissement et l’analyse du bilan de C d’une prairie pâturée de notre région permet de voir que, tenant compte des conditions climatiques et de la gestion durant les trois années étudiées, la parcelle est neutre du point de vue des échanges de C. Concrètement, cela signifie que les émissions liées à la fertilisation (N2O) et au pâturage (CH4) de la parcelle ne sont pas partiellement compensées par une séquestration de C par la parcelle. Néanmoins, la gestion étant le principal facteur influençant le bilan, des mesures d’adaptation visant à augmenter le stockage de C dans le sol existent. Si de telles mesures sont étudiées, une approche globale, estimant conjointement le bilan de C et les autres flux de

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Résumé

GES serait nécessaire, afin de voir si ces mesures d’adaptation n’induisent pas des émissions supplémentaires de N2O et de CH4.

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Summary

Jérôme Elisabeth (2014). Carbon balance of a grazed grassland in southern Belgium: impact of climatic conditions and grazing management (PhD thesis). University of Liege – Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgium.

Summary

As grassland carbon (C) sequestration can play an important role in mitigating total greenhouse gas (GHG) emissions of livestock production systems (carbon dioxide – CO2, nitrous oxide – N2O, methane – CH4), this PhD investigates the C balance of an intensively managed grazed grassland in the temperate climate of southern Belgium. It analyses more particularly impact of climatic conditions and management practices on the C balance.

The research site is a permanent grassland, covering 4.22 ha, intensively used for more than 50 years for Belgian Blue cattle grazing with the application of organic and inorganic fertilizers. Management practices but also climatic conditions are representative of livestock production systems developed in southern Belgium.

Over a three years study period, soil C stock variations are determined indirectly by measuring the balance of C fluxes at the system boundaries. This approach not only takes into account CO2 and CH4 exchanged with the atmosphere but also organic C imports (manures, complementary feedings), exports (harvests, animal products) and C lost through leaching. CO2 fluxes are measured by eddy covariance while other C fluxes are estimated from data provided directly by the farmer, from punctual measurements and from aboveground herbage mass measurements.

Considering only assimilation and respiration, the ecosystem behaves, on average, as a weak CO2 source, although the interannual variability is large. Interannual variability seems not to be significantly correlated with the main environmental drivers but rather influenced by fertilization management. Taking other C fluxes into account, the site appears as being at equilibrium. Management (organic fertilization), as well as climatic conditions that dictated them (complementary feeds), are the principal factors influencing the C balance. Finally, results show that management practices were the key control of the C flux variability at this grassland.

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Summary

Grazing impact on CO2 fluxes appears not explicitly at the seasonal and annual scale. It is therefore quantified by developing innovative eddy covariance data analyses and experiments. For that, indirect and direct grazing impacts are separated. Indirect impact results from biomass consumption, excretion deposits and soil compaction by cattle modifying CO2 exchanges. To quantify it, the variation during periods with fixed stocking rate of gross primary productivity at light saturation (GPPmax) and normalised dark respiration (Rd,10) is analysed. On average, GPPmax decreases during grazing periods and increases during non-grazing periods. This could respectively be explained by aboveground biomass reduction and re-growth. In addition, GPPmax variations are negatively correlated to grazing intensity (defined as the product of the stocking rate and the grazing duration). On the contrary, no significant evolution of Rd,10 is found during both grazing and non-grazing periods, probably due to a combination of opposing effects of grazing on the total ecosystem respiration components. Direct impact results from livestock CO2 emissions through respiration that adds to the total ecosystem respiration. It is emphasized through specific designed livestock confinement experiments. Net CO2 exchange is compared on successive days with similar climatic conditions, livestock being confined (≈ 26 livestock units ha-1), or not, in the main wind direction area of the eddy covariance set-up. Results obtained are corroborated by independent estimates based on the C ingested by cattle during confinement.

Finally, the C balance analysis of this particular grazed grassland in southern Belgium reveals that, taking into account the climatic conditions observed and the management practices developed over the three study years, the site is C neutral. This means that GHG emissions linked to fertilization (N2O) and grazing (CH4) are not partly mitigated by soil C sequestration. However, we conclude that, management practices being the main factor controlling the C balance, strategies to enhance soil C sequestration exist. If those kinds of management practices are studied, a global approach, taking into consideration both the C fluxes and other GHG fluxes, would be required to see if they do not induce supplementary N2O and CH4 emissions.

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Remerciements

Remerciements

J'adresse mes remerciements à la Direction Générale Opérationnelle de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement, Département du Développement, Direction de la Recherche qui a financé le projet intitulé « Etablissement du bilan de carbone d’une exploitation agricole pratiquant le système allaitant : effets du climat et de la gestion du pâturage », en parallèle duquel s'inscrit cette thèse de doctorat.

Les remerciements… Une des parties les plus sympas à rédiger (regain d’inspiration…). Moi qui ne me prédestinais pas du tout à faire une thèse, je me suis vue embarquée dans cette aventure il y a de cela un peu plus de quatre ans.

C’est très sincèrement que je remercie en premier mon promoteur, Marc Aubinet, qui m’ a proposé ce projet. Merci pour votre grande disponibilité, votre soutien sans faille lorsqu’il fallait défendre le projet, la qualité de la formation scientifique dont j’ai pu bénéficier et la confiance témoignée. Particulièrement, merci pour les innombrables relectures d’articles (pas toujours facile…). Merci enfin également de m’avoir proposé un tel projet d’actualité et une première expérience professionnelle plus qu’épanouissante.

Mes remerciements s’adressent également à Adrien Paquet. Merci pour ces années de collaboration, pour ta disponibilité, ta bonne humeur lors de la mise en place des dispositifs expérimentaux et pour avoir toujours fait en sorte que nos recherches se passent dans les meilleures conditions possibles. C’est, je pense, assez rare qu’une collaboration scientifique puisse aussi bien se passer.

Un énorme merci à ma chère collègue et non moins « grande » amie Steph. Durant ces quatre années, tu as été un rayon de soleil quotidien. Merci pour ta bonne humeur, ton humour, tes attentions, ton soutien tant au niveau professionnel que personnel. Merci d’avoir joué le rôle de coach lorsqu’il le fallait. Je retiendrais également tous les moments passés avec ta famille : Titi, Antoine, tes parents et tous tes frères et sœurs. Quel bonheur !

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Remerciements

Merci à tout le reste de l’équipe de l’Unité de Physique des Biosystèmes : merci à Bernard Heinesch, sûrement pas pour tout le travail délégué, mais plutôt pour tous les bons moments passés en congrès, les temps de midi, etc. Plus sérieusement merci aussi pour le suivi de la thèse et du site durant ces derniers mois. Un merci tout particulier à Henri et Frédérique qui se sont occupés du site de mesures. Merci aussi à Alain, Pierre, Katia, Anne, Aurélie, Expedit, les anciens Pauline et Quentin ainsi qu’aux nouveaux arrivants de ces derniers mois. Merci à tous pour les bons moments passés lors des apéros, les soupers de Noël, les anniversaires, etc. Merci enfin à Bernard Longdoz pour sa gentillesse et sa positive attitude qu’il nous transmettait à Steph et moi.

Je n’aurais pas pu avoir également toutes mes données sans Jean-Christophe qui a passé énormément de temps sur le terrain pour moi. Merci pour tout le travail accompli.

Merci aux autres personnes associées à ce projet : Notamment Bernard Bodson mais surtout

Christine : merci pour le suivi scientifique et les relectures d’articles, ta bonne humeur pendant les

réunions, tous les coups de téléphone et les mails échangés. Merci également à Yves pour son investissement dans le projet et sa disponibilité. Merci aussi à tous ceux qui, d’un point de vue scientifique, m’ont aidée et encouragée à mener ce travail à terme.

Je n’aurais probablement pas décidé de faire cette thèse si, toi, ma chère Anouk, tu n’avais pas décidé d’en faire une également. En quelque sorte, l’amitié qui nous lie depuis plus de 25 ans maintenant nous aura guidées à chacune des étapes importantes de nos vies. Merci pour tous les moments partagés pendant nos études, nos années de collocation et encore après malgré la distance. Merci pour le soutien durant les moments importants de ma vie. Merci de m’avoir choisi comme Marraine. Vivement les anniversaires avec Robin, Johnny et toute la famille.

Merci à ma « copine » Natha pour tous les moments partagés, tout particulièrement durant ces deux dernières années… Que de discussions…, de soirées filles devant PBLV, de sorties, de coups de téléphone, de moments avec ta famille, ma famille, etc. Vives nos vacances et l’UCPA. Bref, vive toi !

Merci aussi à Fredou et Jeannette pour tous les moments passés ensemble et aussi pour votre présence et vos encouragements. Dans la même veine mais pour ne pas trop se répéter, merci à Marie,

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Remerciements

Nana, Phinou, Mathilde, Lapinou (mon meilleur ami…), Emi. Sans oublier Abi (qui ne lira de toute

façon jamais ces remerciements…). Un merci tout particulier également à Julie et Marie (et leur homme respectif, Tom et François) : vous rencontrer, c’était l’une des choses les plus extras de l’année dernière !

Un immense merci à toute la famille Pirotte : spécialement à ma Marraine, qui depuis toujours me rend la vie plus belle (pourtant, la vie n’est pas toujours facile, comme dirait Sinette…). Merci pour les encouragements, merci de toujours m’accueillir avec le sourire, merci de faire autant de choses au quotidien pour moi. Merci pour tous les moments passés en équipe durant les courses d’endurance ou en famille, notamment durant les soirées « The Voice ». Tout cela ne serait pas possible sans toutes les autres personnes de la famille : un énorme merci donc à Robert, Zoé (la plus belle et la plus géniale de toutes les cousines), Nico, Christine (ne pleure pas en lisant ces remerciements), Yves, Sinette,

Maggy, Rolly et tous les autres.

Merci aussi Sylvie pour ta générosité et pour m’avoir fait réussir mon permis van (ça n’était pas gagné…).

Merci à mes parents qui sont présents à chaque étape importante de ma vie et me soutiennent dans tous les projets que j’entreprends. Merci de vous investir autant dans ma vie, tout en me laissant prendre mes propres décisions. Merci à ma chère Maman surtout qui supporte toutes mes humeurs depuis tant d’années... Merci enfin à l’ensemble de ma famille. Ce serait trop long de citer tout le monde mais mention spéciale à : Doudou, Pépère et Mamy, Grand-mère, Parrain, mes supers filleuls Maurine et Nathan et enfin mes cousines adorées Gé, Méla, Marie, Julie et Esther.

Une spéciale dédicace à Laurent Ruquier et toute son équipe de chroniqueurs qui ont rythmé les longues après-midi de rédaction avec leur émission « On va s’gêner » sur Europe 1. Un régal !

Finalement, merci à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont fait partie de ma vie durant ces quatre dernières années que ça soit à la fac (vive le mess, les verres en terrasse, les joggings sur le temps de midi, etc.) ou autre part. Merci pour tous les moments partagés. J’espère qu’elles se

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Remerciements

reconnaîtront… Vous avez pleinement contribué à mon épanouissement et sans aucun doute donc à l’aboutissement de ce projet que fut la thèse.

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Table des matières

Table des matières

Introduction ... 1

1 Contexte général ... 1

2 Cadre de la thèse... 2

3 Stratégie scientifique ... 5

3.1 Principe général ... 5

3.2 Caractéristiques du site de mesure ... 6

3.3 Mesures envisagées ... 8

4 Mesure des flux de gaz à effet de serre par covariance de turbulence ... 9

4.1 Intérêt... 9

4.2 Théorie de la covariance de turbulence ... 10

4.2.1 Incertitudes sur les flux de nuit ... 12

4.3 Système de mesure de covariance de turbulence ... 13

4.4 Traitement des données ... 15

Objectifs ... 17 Article 1 ... 21 Article 2 ... 39 Article 3 ... 91 Discussion ... 103 1 Bilan de carbone ... 103

1.1 Conséquences du bilan de carbone sur le bilan de gaz à effet de serre ... 107

2 Effets du climat et des pratiques culturales ... 108

2.1 Effets sur les flux de dioxyde de carbone ... 108

2.2 Effets sur les autres termes du bilan de carbone ... 110

3 Gestion du pâturage ... 110

3.1 Gestion du pâturage pendant les épisodes de sécheresse ... 114

Conclusions et perspectives d’amélioration du bilan de carbone ... 117

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Liste des figures

Liste des figures

Figure 1 : Représentation schématique des échanges de gaz à effet de serre à l’échelle d’une exploitation d’élevage de bovins producteurs de viande (flèche discontinue : émissions indirectes ; flèches continues : émissions directes). Crédit dessin : Julie Dumortier.

Figure 2 : Dispositif de covariance de turbulence mis en place sur la parcelle de l’observatoire terrestre de Dorinne.

Figure 3 : Représentation schématique des procédures d’acquisition, de traitement et de stockage des données de covariance de turbulence (adapté de Aubinet et al., 2000).

Figure 4 : Stockage de carbone (C) des prairies permanentes selon les pratiques culturales (d’après Dollé et al., 2013).

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Introduction

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Introduction

1 Contexte général

Actuellement, la problématique du réchauffement climatique fait régulièrement la une de l'actualité par le biais, le plus souvent, d'événements exceptionnels ou d'idées chocs qui, relayés et amplifiés par bien des médias, marquent profondément l’esprit des citoyens. Le dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat – GIEC (IPCC, 2013), selon lequel le réchauffement du système climatique est sans équivoque, a une fois de plus renforcé la crédibilité scientifique et sociétale de la réalité des changements climatiques (Soussana, 2013). Spécifiquement, c’est la confrontation des scénarios climatiques pour le 21ième siècle et des observations récentes qui permet d’attribuer les changements observés, au-delà des facteurs naturels, au renforcement du mécanisme de l’effet de serre par l’action de l’homme (Soussana, 2013). Quels que soient les efforts de réduction des émissions de gaz à effet (GES) qui seront déployés, des changements importants sont inéluctables du fait de l’inertie du système climatique. La question des changements climatiques a donc cessé d’être une question strictement scientifique concernant un avenir lointain pour devenir un enjeu majeur pour la société, les politiques et les acteurs privés (Soussana, 2013). Partant des objectifs de réduction des émissions de GES engagés à l’échelle mondiale (Kyoto et ses suites), européenne (réduction des émissions de GES de 80 à 95% en 2050 par rapport au niveau de 1990) et nationale (transition de la Belgique vers une société bas carbone à l’horizon 2050), il est manifeste que tous les secteurs de l’activité humaine et économique doivent contribuer aux efforts de réduction.

Depuis plusieurs années, le secteur de l’agriculture et surtout celui de l’élevage sont régulièrement pointés du doigt pour leur contribution significative aux émissions de GES et sont donc perçus comme étant préjudiciables à l’environnement. A l’échelle mondiale, les systèmes d’élevage génèrent, compte tenu des émissions directes et indirectes, pratiquement 20% des émissions anthropiques globales. Ce chiffre comprend les émissions de l’ensemble de la filière, depuis la production des aliments en amont jusqu’à la fabrication et le transport des produits alimentaires en aval (Steinfeld et al., 2006). Ces

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Introduction

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systèmes agricoles sont principalement émetteurs de trois GES, à savoir : le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et le méthane (CH4). La spécificité de ces émissions est qu’elles sont contrôlées par l’action de l’homme sur des processus naturels (Soussana et al., 2013). Ainsi, selon Steinfeld et al. (2006), les systèmes d’élevage sont responsables de 9% des émissions anthropiques de CO2, 65% des émissions anthropiques de N2O et 37% des émissions anthropiques de CH4. Au vu de son poids dans les émissions globales, le secteur de l’élevage est donc appelé à réduire lui aussi ses émissions de GES. De plus, les changements climatiques ayant déjà des impacts sur la production alimentaire au travers d’évènements climatiques extrêmes (Coumou et Rahmstorf, 2012 ; Lobell et al., 2011), il devra également s’adapter (Soussana, 2013). L’un des grands défis du secteur agricole pour ce 21ième siècle sera donc d’assurer une sécurité alimentaire pour une population mondiale qui sera comprise, selon les projections, entre 8 et 10 milliards d’habitants en 2050, tout en évitant des changements environnementaux dangereux (Soussana et al., 2012 ; Rockström et al., 2009).

2 Cadre de la thèse

Cette thèse s'inscrit dans le cadre d'une subvention de recherche de la Direction Générale Opérationnelle de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement 1

allouée à l’Unité de Physique des Biosystèmes de l’Université de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Le projet s’intitule « Etablissement du bilan de carbone d’une exploitation agricole wallonne pratiquant le système allaitant : effets du climat et de la gestion du pâturage ».

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Projets n° D31-1235 (Janvier 2010-Décembre 2011) et n° D31-1278 (Janvier 2012-Décembre 2013) ; Service public de Wallonie, Direction Générale Opérationnelle de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement, Département du Développement, Direction de la Recherche, Belgique.

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Introduction

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Réfuter le rôle de l'élevage, et plus globalement des activités agricoles, sur le réchauffement climatique n'est pas le but poursuivi. Le reconsidérer et l'objectiver au travers de son inventaire au niveau de notre région l’est bien davantage. De fait, de grandes incertitudes subsistent toujours sur le bilan de GES des systèmes de production animale. De plus, même s’il existe un potentiel considérable d’atténuation des émissions (IPCC, 2007), il n’existe pas de pratiques universellement transposables. Le bilan de GES des exploitations d’élevage et les stratégies de réduction doivent donc être évalués de manière individuelle. C’est pourquoi, il est apparu pertinent d’établir un inventaire de la contribution nette des systèmes de production animale en Région wallonne aux flux des trois principaux gaz à effet de serre mis en jeu dans les activités d’élevage (CO2, CH4 et N2O). Cet inventaire doit permettre, à long terme, d’étudier les possibilités de réduction des émissions nettes par des adaptations des modes de conduite et des systèmes de production tout en conciliant les objectifs économiques et sociaux de l’activité agricole en Région wallonne.

En Région wallonne, le secteur agricole est fortement dominé par les élevages et principalement par l’élevage de gros ruminants. Sur les 13 306 exploitations wallonnes, 9 577 détiennent des bovins, soit 72% d’entre elles. Précisément, on dénombre 1 212 884 bovins. Suite au contingentement de la production laitière et l’instauration des quotas laitiers en 1984, le secteur s’est considérablement restructuré et on a assisté les années qui ont suivi à un important accroissement de la production de viande bovine à partir des vaches allaitantes. Ce n’est cependant plus le cas depuis 1995 et, suite la seconde crise de la vache folle, le cheptel allaitant tend même à diminuer. A ce jour, sur un total de 498 740 vaches en production, 59% sont des vaches allaitantes et 41% des vaches laitières. De plus, les exploitations ont tendance à se spécialiser. Sur les 9 577 exploitations détenant des bovins, 4 139 détiennent des vaches laitières et 7 248 des vaches allaitantes. Avec la race Blanc Bleu Belge dont l’effectif représente près de 54% du total des vaches recensées en Région wallonne, les exploitations bovines sont résolument orientées vers la production de viande (SPW, 2014).

Les systèmes de production de bovins viandeux en Région wallonne sont fondamentalement basés sur la prairie pour fournir du fourrage aux ruminants, soit directement durant la saison de pâturage, soit

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Introduction

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sous forme de foin ou d’ensilage durant la période hivernale (Devun et al., 2013 ; Flechard et al., 2007). Sur les 714 954 ha de surface agricole utile (SAU) en Région wallonne, soit 54% de la SAU nationale, les prairies couvrent à elles seules 45% de la SAU de notre région. La prépondérance des prairies dans le paysage wallon se justifie par des contraintes climatiques ou agronomiques. En effet, dans certaines régions, la somme des températures et la durée de végétation active sont faibles et limitent considérablement le choix de cultures susceptibles d’atteindre la maturité avant la récolte avec certitude. Dans d’autres régions, les prairies s’imposent davantage en raison de la nature du sol, la disposition des parcelles ou encore le relief du territoire. C’est pourquoi, les prairies en Région wallonne ne peuvent pas, pour la plupart, être remplacées par des cultures et sont donc des prairies obligées que seuls les ruminants sont habilités à valoriser au mieux. En effet, grâce à la présence d’un rumen en amont de l’estomac, les bovins sont les seuls animaux capables de transformer la biomasse herbacée en produits de grande valeur nutritionnelle pour l’homme, tels que la le lait et/ou en l’occurrence, la viande.

Dans ce contexte, il est opportun de dresser le bilan de GES des exploitations agricoles wallonnes basées sur l’élevage de bovins producteurs de viande. Celles-ci utilisent principalement la race Blanc Bleu Belge culard. Face à la complexité du problème, cet inventaire se limite, dans le cadre de ce projet, à la spéculation « vaches allaitantes » étant donné que ces exploitations représentent 7248 unités soit 76% des détenteurs de bovins en Région wallonne. Ces exploitations détiennent principalement des vaches allaitantes, les veaux non sevrés de l’année et les femelles de remplacement.

Les objectifs spécifiques poursuivis dans le cadre de ce projet, tels que définis initialement, sont de :

Objectif 1 : Mettre en place une méthodologie d’établissement du bilan carboné.

Objectif 2 : Réaliser le bilan des flux de CO2 et de CH4 d’une exploitation agricole du type « naisseur-éleveur ».

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Introduction

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Objectif 3 : Proposer des itinéraires techniques qui permettent d’améliorer ce bilan tout en

conciliant les objectifs économiques et sociaux de l’activité agricole dans notre région, et contribuer ainsi à la durabilité du système allaitant en Région wallonne.

Cette thèse de doctorat s’attache à répondre au premier et au deuxième objectif et s’intéresse plus particulièrement aux flux de C échangés à l’échelle d’une prairie permanente d’une exploitation agricole de référence de notre région. Le troisième objectif est abordé lors de la discussion des résultats expérimentaux obtenus et remis en avant dans les perspectives.

3 Stratégie scientifique

3.1 Principe général

Réaliser le bilan de GES d’une exploitation agricole requiert une quantification précise de tous les puits et les sources de GES. Pour ce faire, l’exploitation étudiée est généralement décomposée en un certain nombre de compartiments. L’étude des échanges de GES par gaz ou par poste revêt un intérêt pour l’acquisition de connaissances sur les mécanismes d’émission et l’identification des leviers d’action (Dollé et al., 2013). Un schéma est repris à la Figure 1. A cette échelle, les trois principaux GES entrant en jeu dans les activités d’élevage (CO2, N2O et CH4) sont émis de manière directe et indirecte dans l’atmosphère. Sont donc comptabilisées : les émissions indirectes principalement liées aux quantités et à la nature des intrants nécessaires aux productions animales et les émissions directes liées à la consommation d’énergie fossile, au stockage des effluents et aux bovins à l’étable. Une exploitation de type « naisseur-éleveur » base généralement son système d’alimentation essentiellement sur la valorisation des surfaces prairiales. Par conséquent, le bilan de GES doit tenir compte du fait que ces systèmes d’élevage sont liés au système herbager et comptabiliser les flux de GES directement échangés à l’échelle de ces écosystèmes (Dollé et al., 2013). Cela est d’autant plus nécessaire que ces flux participent de manière non négligeable au bilan global et qu’ils constituent l’une des plus grandes sources d’incertitudes sur ce bilan (Dumortier et al., 2012 ; Scollan et al.,

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Introduction

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2010). De plus, ces échanges sont fortement variables selon les conditions climatiques et les modes de gestion et peuvent donc l’influencer significativement (Soussana et al., 2010). Enfin, il est important de constater que la prairie est le seul compartiment qui peut se comporter soit comme une source, soit comme un puits de GES. En l’occurrence, le stockage de C sous forme de CO2 dans le sol est l’une des principales voies d’atténuation des émissions de GES à l’échelle de la parcelle. Ces dernières années, de nombreuses études se sont d’ailleurs attachées à l’étude du bilan de C des prairies (Soussana et al., 2010) afin de pouvoir développer des pratiques de gestion capables d’améliorer le stockage de C tout en limitant les émissions de CH4 et de N2O. Dans cette optique, cette thèse de doctorat analyse le bilan de C et les échanges de CO2 d’une prairie pâturée en Région wallonne.

Figure 1 : Représentation schématique des échanges de gaz à effet de serre à l’échelle d’une exploitation d’élevage de bovins producteurs de viande (flèche discontinue : émissions indirectes ; flèches continues : émissions directes). Crédit dessin : Julie Dumortier.

3.2 Caractéristiques du site de mesure

Les recherches sont menées à l’observatoire terrestre de Dorinne. Ce site est situé sur la commune d’Yvoir, à 18 km au sud/sud-ouest de Namur, dans le Condroz. La parcelle d’étude est une prairie

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Introduction

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permanente de 4.22 hectares. Le relief est dominé par une large dépression colluviale orientée sud-ouest/nord-est au sein du plateau limoneux sur substrat calcaire et/ou argileux. Les altitudes sont comprises entre 240 (nord-est) et 272 mètres (sud). Actuellement, elle est bordée au nord par une rangée d’arbres. L’examen des formes du relief laisse supposer que d’autres haies existaient au sein de la parcelle et qu’au pied de celles-ci les colluvions s’accumulaient, ce qui a provoqué une modification du profil le long de l’axe colluvial principal. La carte des sols indique l’existence dans le passé de fosses d’extractions de matériaux qui devaient être argileux au regard de la carte géologique (non présenté). A d’autres endroits, le substrat sous les limons semble plus sableux. D’après la carte numérique, les sols sont principalement des sols colluviaux sur matériaux limono-caillouteux, à drainage naturel normal (A-Gbp1) ou modéré à faible (A-GDp1, en haut et en bas de l’axe colluvial de la parcelle). En bordure de plateau, on retrouve des sols limoneux à horizon BT de faible épaisseur sur un substrat indéterminé (xAba) ou argilo-sableux (wAba) et des sols sur silexite (wGbax2). L’ensemble est relativement typique des sols condruziens associés aux plages de limons éoliens sur calcaires.

La parcelle est bordée au sud et au nord-ouest par deux autres parcelles appartenant à l’agriculteur. Elle a été convertie en prairie permanente depuis au moins 50 ans et est gérée depuis lors intensivement par le pâturage et la fertilisation (minérale et organique). Les espèces constituant la flore de la parcelle sont caractéristiques des prairies permanentes des régions tempérées. Elle est en effet composée de 66% de graminées, 16% de légumineuses et 18% d’autres espèces. Les espèces dominantes sont le Ray-grass anglais (Lolium perenne L.) et le Trèfle blanc (Trifolium repens L.). La prairie fait l'objet, au cours du cycle de croissance de l'herbe, d'un pâturage par des bovins de la race Blanc Bleu Belge culard (jeune bétail, vaches gestantes, vaches allaitant leur veau, taureau) et éventuellement d’une coupe destinée à constituer les réserves hivernales. Elle est exploitée sous la forme d’un pâturage de plus ou moins longue durée (3 à 4 semaines) suivi d’une période de repousse sans les animaux. Ce mode de gestion est proche du pâturage continu et est défini par l’agriculteur de manière à combiner au cours du temps une production de biomasse végétale importante et une

(24)

Introduction

8

valorisation maximale de cette biomasse par les animaux. La gestion de la prairie doit donc permettre une croissance suffisante de l’herbe afin de produire cette biomasse herbacée. Les périodes de pâturage et de repousse sans bétail se succèdent au rythme de la croissance du tapis herbacé et de sa consommation par le bétail. Dans ce contexte, les conditions climatiques jouent un rôle prépondérant sur la période d’occupation et le chargement instantané est adapté si nécessaire. Ce mode de gestion s’opère en utilisant un nombre plus ou moins réduit d’animaux par unité de surface durant la période de pâturage proprement dite. Il peut par ailleurs être adapté durant toute la période active de végétation en modifiant la charge animale par unité de surface de manière à maintenir en permanence un couvert végétal d’une hauteur comprise entre 5 et 10 cm. Ainsi, en période d’abondance végétale, la charge peut être ponctuellement augmentée, alors qu’elle est diminuée en période d’insuffisance végétale. Une alimentation complémentaire (ensilage de maïs, foin, mélange de paille et de ProtiWanze®) est éventuellement distribuée au bétail durant les périodes de pâturage. Des fertilisants, sous forme d’engrais minéraux industriels et/ou de compost, sont appliqués à plusieurs reprises tout au long de la saison de croissance.

3.3 Mesures envisagées

Afin d’étudier les échanges de CO2 et d’établir le bilan de C de la parcelle d’étude, de nombreuses mesures sont effectuées.

A l’échelle de l’écosystème (ha), un dispositif mesure automatiquement, en continu et à haute fréquence les flux turbulents en utilisant la technique de covariance de turbulence. Le flux net de CO2 échangé entre l’écosystème prairial et l’atmosphère est ensuite calculé pour une demi-heure. Ce flux est la différence entre le CO2 absorbé par l’écosystème lors de la photosynthèse et le CO2 réémis par la respiration des plantes et du sol auquel il faut ajouter, durant les périodes de pâturage, les émissions de CO2 du bétail. Pour connaître les conditions climatiques dans lesquelles se produisent les échanges et pour étudier les réponses de ces flux aux variables climatiques, une station micro-météorologique complète le dispositif de covariance de turbulence (mesures continues).

(25)

Introduction

9

A l’échelle de la mini parcelle (jusqu’à quelques m²), des échantillons de biomasse sont prélevés régulièrement au cours de la saison de végétation. La hauteur d’herbe de la prairie est également suivie chaque semaine afin d’estimer la quantité de matière sèche disponible sur la parcelle à un moment donné. Ces mesures permettent d’estimer la production nette de biomasse au dessus du sol et la quantité de biomasse consommée par le bétail. Elles permettent également de déduire la quantité de CH4 et de CO2 émis par le bétail ou encore la quantité de C rejeté sous forme d’excrétions par le bétail, et ce, à l’échelle de la parcelle et pour une période de temps déterminée (mesures régulières).

Les quantités de C éventuellement exporté sous forme de foin ou d’ensilage, importé par épandage ou sous forme de nourriture complémentaire sont également mesurées. Des prélèvements ponctuels sont effectués à cette fin lors de ces opérations. La durée des périodes de pâturage, le chargement instantané et les performances des animaux sont également relevées (mesures ponctuelles).

4 Mesure des flux de gaz à effet de serre par covariance de turbulence

4.1 Intérêt

Pour mesurer les flux de GES échangés entre un écosystème terrestre et l’atmosphère, différentes méthodes existent (Denmead, 2008). Le choix de l’une ou l’autre dépend des moyens techniques disponibles et des objectifs à atteindre (échelle de mesure, type de flux, etc.) (Soussana et al., 2006). A l’échelle de la parcelle, les mesures micro-météorologiques ont l’avantage à la fois de rendre compte de la variabilité temporelle et d’intégrer la variabilité spatiale. Ainsi, la méthode des fluctuations turbulentes consiste à mesurer le flux net en effectuant la moyenne semi-horaire des produits instantanés de la composante verticale de la vitesse du vent et de la concentration du gaz. Les bases théoriques et les modes de mise en œuvre de cette méthode ont été revus récemment par Aubinet et al. (2012a). Malgré les difficultés de réaliser ces mesures en continu et de développer des algorithmes d’évaluation des données manquantes (Falge et al., 2001), cette technique est celle qui fournit le taux de couverture de données le plus élevé. Elle permet donc un suivi à long terme des flux (de plusieurs

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Introduction

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mois à plusieurs années) avec une haute résolution temporelle et offre ainsi la possibilité de cerner des épisodes spécifiques d’émission ou de séquestration des GES. Cette méthode fournit également une évaluation des flux intégrée sur une grande surface (≈ 1 ha) (Aubinet et al., 2012a). Cette intégration a d’une part l’avantage de gommer la variabilité spatiale des flux et de fournir une estimation représentative de l’échange net de l’écosystème et d’autre part le désavantage de fournir un flux net qui résulte de la combinaison de processus distincts qu’il n’est pas toujours facile de distinguer (Reichstein et al., 2005). Si la méthode de covariance de turbulence est actuellement la plus répandue pour mesurer en continu le flux net de CO2 échangé par les écosystèmes terrestres (Gilmanov et al., 2007 ; Soussana et al., 2007), elle est encore peu utilisée pour des composés tels que le N2O et le CH4 (Kroon et al., 2010 ; Neftel et al., 2010 ; Skiba et al., 2009 ; Neftel et al., 2007 ; Leahy et al., 2004 ; Edwards et al., 2003), du fait notamment du coût élevé des analyseurs.

4.2 Théorie de la covariance de turbulence

Les mesures par covariance de turbulence se basent sur le fait que la couche limite atmosphérique est caractérisée par la présence de mouvements turbulents responsables du transport vertical de traceurs tels que le CO2, la vapeur d’eau ou encore la chaleur sensible. Cette méthode nécessite la mesure simultanée de la concentration du traceur et de la vitesse verticale du vent (Aubinet et al., 2012a). La théorie de la méthode de covariance de turbulence se fonde sur l’équation de conservation de la masse (Foken et al., 2012) : D S z ρ w y ρ v x ρ u t ρs s s s              (1) Où ρs est la concentration du scalaire considéré (mol m-3) ; u, v, w sont les trois composantes de la vitesse du vent (m s-1), respectivement dans la direction moyenne du vent (x), dans la direction horizontale perpendiculaire à celle-ci (y) et dans la direction perpendiculaire à la surface de

(27)

Introduction

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l’écosystème (z) ; S est le taux de production ou d’absorption du scalaire ρs (mol m-2

s-1) ; D est la diffusion moléculaire (mol m-2 s-1), négligeable par rapport aux autres processus.

Si la décomposition de Reynolds, qui consiste à décomposer la valeur instantanée d’une variable x en une valeur moyenne et une fluctuation autour de cette moyenne : xxx', est appliquée sur u, v, w et au scalaire ρs (les barres horizontales désignent les moyennes et les primes les fluctuations par rapport à cette moyenne), que la moyenne de chaque terme de l’équation supra et une série d’approximations simplificatrices sont effectuées, on obtient, après intégration selon la verticale (Foken et al., 2012) :

V

IV

III

II

I

dz

z

ρ

w

dz

x

ρ

u

dz

t

ρ

'

ρ

w'

Sdz

m m m m h 0 s h 0 s h 0 s s h 0

(2) Tous les termes de l’Equation 2 s’expriment en µmol m-2

s-1.

Le terme I correspond à l’échange net du gaz considéré entre l’écosystème et l’atmosphère. Dans le cas du CO2, il est noté FCO2.

Le terme II est le flux turbulent, covariance de la composante verticale de la vitesse du vent et de la concentration du scalaire à la hauteur hm. Il est mesuré par le dispositif de covariance de turbulence. Dans le cas du CO2, il est noté Fc.

Le terme III représente le stockage du scalaire sous le point de mesure. Spécifique au CO2, il est généralement noté Sc. En conditions turbulentes, typiques des journées et des nuits venteuses, Sc est faible. Inversement, les nuits calmes, l’écosystème respirant, le CO2 s’accumule à la surface de l’écosystème. Au petit matin, le CO2 stocké durant la nuit est relâché par turbulence ou assimilé par l’écosystème. La moyenne journalière de Sc est alors nulle. Par conséquent, à long terme, le stockage est négligeable. Toutefois, à plus courte échelle, il est intéressant de savoir dans quelle mesure il influence le flux de CO2 émis ou absorbé par l’écosystème.

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Introduction

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Les termes IV et V sont relatifs aux phénomènes d’advection verticale et horizontale (c'est-à-dire le transport non turbulent vertical et horizontal du scalaire).

Lorsque les conditions de stationnarité atmosphérique et d’homogénéité horizontale sont respectées, les termes II, III, IV peuvent être négligés. Ces conditions sont généralement rencontrées en conditions de jour. Toutefois pendant la nuit ce n’est pas toujours le cas, ce qui nécessite un traitement approprié (Aubinet et al., 2012b).

4.2.1 Incertitudes sur les flux de nuit

Position et cause du problème

Des études ont montré que les mesures de flux turbulents sous-estimaient l’échange net de CO2 de l’écosystème lors de périodes nocturnes calmes (Goulden et al., 1996 ; Aubinet et al., 2000 ; Aubinet et al., 2012a), induisant directement une surestimation du C séquestré par l’écosystème (Moncrieff et al., 1996). En effet, dans ces conditions, les mesures de covariance de turbulence sont entachées d’erreurs (Aubinet et al., 2002). Celles-ci peuvent être dues, entre autres, à des conditions atmosphériques stables, des phénomènes d’advection, à l’hétérogénéité du terrain ou encore à des erreurs instrumentales (Aubinet et al., 2012a).

La sous-estimation des flux nocturnes s’explique par le fait que la nuit la l’échange net de l’écosystème n’est plus égale au seul terme Fc. Les termes de stockage et d’advection doivent être considérés car les nuits calmes, ils deviennent importants par rapport au transport par turbulence. Leur importance relative dépend des caractéristiques du site et des conditions météorologiques. L’impact des erreurs sur les flux de nuit sur la séquestration du C dépend donc fortement du site de mesure. Correction des flux de nuit

(1) Correction de stockage : cette correction consiste à ajouter simplement le terme de stockage (terme III, Equation 2) aux mesures de covariance de turbulence (Aubinet et al., 2001).

(29)

Introduction

13

(2) Filtrage u* : cette correction consiste à écarter les données relatives aux périodes calmes. Pour cela, un critère séparant les périodes calmes des périodes plus turbulentes est utilisé (Aubinet et al., 2012b). Habituellement, la turbulence dans la couche limite est caractérisée par la vitesse de friction u* (m s-1). Celle-ci correspond à la vitesse tangentielle moyenne des tourbillons. C’est donc une représentation de l’intensité de la turbulence :

w' u'

u*

(3) Dans cette équation, u* dépend de l’amplitude des variations de la vitesse du vent. Si ces variations sont grandes, l’atmosphère est plus turbulente. La vitesse de friction est alors plus élevée. Donc, une faible valeur de u* signifie une turbulence peu développée. La nuit, les flux de CO2 devraient être insensibles à la turbulence car la respiration est un processus biologique. Si une relation entre le flux net et u* est observée, cela signifie qu’il y a une erreur dans la mesure du flux. Un seuil en dessous duquel les flux sont entachés d’erreurs est donc identifié. Il est déterminé visuellement à partir de graphiques flux de nuit/vitesse de friction. Les mesures nocturnes pour lesquelles la valeur d’u* est inférieure à cette valeur seuil sont alors remplacées par un flux prédit pour cette période à l’aide d’un modèle adéquat (Reichstein et al., 2005).

4.3 Système de mesure de covariance de turbulence

Le dispositif utilisé pour mesurer les échanges de GES par covariance de turbulence entre un écosystème terrestre et l’atmosphère se compose d’un anémomètre sonique tridimensionnel couplé à un analyseur de gaz. L’anémomètre sonique est positionné sur un mât au dessus de la canopée. Il fournit les valeurs des composantes de la vitesse du vent. L’analyseur de gaz par absorption infrarouge mesure les concentrations du gaz étudié. Les séries temporelles des vitesses du vent et des concentrations scalaires du gaz sont échantillonnées à haute fréquence (généralement 10 ou 20 Hertz)

(30)

Introduction

14

grâce à un acquisiteur de données. Le système de mesure est raccordé au réseau internet ce qui permet un suivi quotidien à distance et une intervention rapide en cas de panne.

Le système de mesure de covariance de turbulence est associé à une station météorologique déterminant les conditions climatiques dans lesquelles se réalisent les flux. Les variables suivantes sont généralement mesurées : le rayonnement, la température et l’humidité de l’air ambiant, les températures et les humidités du sol selon un profil défini, la pression atmosphérique et les précipitations. Les données météorologiques sont échantillonnées à une fréquence inférieure à celle du gaz étudié (0.1 Hz en l’occurrence).

L’ensemble des données échantillonnées est stocké sur une carte mémoire. Finalement, les données brutes des flux sont stockées dans des fichiers individuels contenant une demi-heure de mesure. Les moyennes semi-horaires des données météorologiques sont calculées et stockées dans des fichiers distincts.

Le dispositif spécifiquement mis en place sur la parcelle de l’observatoire terrestre de Dorinne est présenté à la Figure 2.

(31)

Introduction

15

Figure 2 : Dispositif de covariance de turbulence mis en place sur la parcelle de l’observatoire terrestre de Dorinne.

4.4 Traitement des données

Le calcul du flux turbulent à l’échelle de la demi-heure nécessite le traitement de près de 200.000 mesures instantanées. Le traitement de ces données est particulièrement délicat et requiert une analyse spécifique et un suivi continu (Rebmann et al., 2012). La Figure 3 schématise les procédures d'acquisition, de traitement et de stockage des données généralement suivies lors de l’analyse des flux de CO2 mesurés par covariance de turbulence. Ces procédures sont décrites en détail par Aubinet et al. (2012a).

(32)

Introduction

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Figure 3 : Représentation schématique des procédures d’acquisition, de traitement et de stockage des données de covariance de turbulence (adapté de Aubinet et al., 2000).

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Objectifs

17

Objectifs

Les objectifs spécifiques poursuivis dans le cadre de cette thèse sont les suivants :

Objectif 1 : Faire un état des lieux de la recherche relative au bilan de C des écosystèmes

prairiaux ; Mettre en évidence la nécessité d’établir en premier lieu le bilan de C lors de l’étude du bilan de GES des systèmes d’élevage pour évaluer de manière pertinente la contribution de ce secteur d’activité aux changements climatiques ; Souligner enfin l’importance d’étudier le bilan de C des prairies sur le long terme et pour des sites encore non investigués à ce jour, vu sa dépendance aux conditions pédoclimatiques et aux modes de gestion.

Objectif 2 : Etablir et analyser le bilan de C complet à l’échelle d’une prairie permanente

d’une exploitation agricole représentative des systèmes d’élevage en Région wallonne, à savoir les systèmes bovins viande utilisant la race Blanc Bleu Belge culard suivant un mode intensif ; Etudier la variabilité interannuelle de ce bilan et déterminer les facteurs influençant significativement les différents flux.

Objectif 3 : Quantifier l’impact du pâturage sur les flux de CO2 échangés à l’échelle de cette même parcelle ; Repositionner objectivement la contribution du bétail aux émissions de CO2. Le travail est composé de 3 articles et du présent texte. Les articles, répondant respectivement à chacun des objectifs poursuivis, sont les suivants :

Article 1 : Jérôme E., Beckers Y., Bodson B., Degard C., Moureaux C., Aubinet M. (2013).

Stockage de carbone et flux de gaz à effet de serre en prairie (synthèse bibliographique). Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement. 17 (1), 103-117.

Dans l’optique d’une atténuation des émissions de GES des systèmes d’élevage (CO2, N2O,

CH4), le rôle primordial que peuvent jouer les écosystèmes prairiaux, via le stockage de C

(34)

Objectifs

18

échangés à l’échelle de la parcelle sont développées. Les processus à l’origine des différents flux et les facteurs influençant les échanges sont décrits. Sur base de résultats expérimentaux recensés dans la littérature, les flux sont quantifiés et les bilans sont présentés et discutés. L’importance de réaliser une approche globale, estimant conjointement les flux de C et de GES à l’échelle de la prairie en relation avec les facteurs environnementaux et les modes de gestion, lors de l’étude des bilans des systèmes d’élevage est démontrée.

Article 2 : Jérôme E., Beckers Y., Bodson B., Heinesch B., Moureaux C., Aubinet M.

Management was the main factor controlling the carbon balance of an intensively grazed grassland in southern Belgium. Agricultural and Forest Meteorology, submitted for publication.

Les variations du stock de C de l’observatoire terrestre de Dorinne sont calculées sur une période de trois ans en réalisant le bilan net des flux de CO2 et des autres flux de C échangés

aux frontières de l’écosystème. Les méthodologies suivies pour obtenir chacun des termes du bilan sont présentées en détail. La dépendance des flux aux variables climatiques et aux pratiques de gestion est évaluée. L’influence de la gestion par l’agriculteur sur la variabilité des flux de CO2 et le bilan de C est mise en évidence.

Article 3 : Jérôme E., Beckers Y., Bodson B., Heinesch B., Moureaux C., Aubinet M. (2013).

Impact of grazing on carbon dioxide exchanges in an intensively managed Belgian grassland. Agriculture, Ecosystems and Environment. 194, 7-16.

L’effet indirect et direct du pâturage sur les flux de CO2 mesurés par covariance de turbulence

à l’échelle de l’observatoire terrestre de Dorinne est étudié. L’effet indirect résulte de la consommation de biomasse, des excrétions et de la compaction du sol par le bétail qui modifient l’assimilation et la respiration totale de l’écosystème. Il est quantifié sur base de mesures réalisées durant deux années complètes. L’effet direct résulte des émissions de CO2

(35)

Objectifs

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quantifié sur base de mesures réalisées durant des expériences spécifiques de confinement du bétail dans la zone principale d’influence du dispositif de covariance de turbulence. La contribution du bétail aux échanges de CO2 est discutée et objectivée

(36)
(37)
(38)
(39)

B A

S E Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2013 17(1), 103-117 Le

P

oint sur :

Stockage de carbone et flux de gaz à effet de serre en

prairie (synthèse bibliographique)

Elisabeth Jérôme

(1)

, Yves Beckers

(2)

, Bernard Bodson

(3)

, Christelle Degard

(1)

,

Christine Moureaux

(3)

, Marc Aubinet

(1) (1) Univ. de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité de Physique des Biosystèmes. Avenue de la Faculté, 8. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : Elisabeth.Jerome@ulg.ac.be (2) Univ. de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité de Zootechnie. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). (3) Univ. de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité de Phytotechnie des Régions tempérées. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). Reçu le 13 février 2012, accepté le 14 novembre 2012. Dans l’optique d’une atténuation des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) des systèmes d’élevage, les écosystèmes prairiaux peuvent jouer un rôle important vu leur potentiel de séquestration de carbone (C) dans les sols. Une évaluation pertinente de la contribution des systèmes d’élevage herbivores aux émissions de GES nécessite donc de raisonner en termes de bilan, en considérant à la fois les sources de GES et leur compensation via la séquestration de carbone par les prairies. Cette synthèse, basée sur des résultats expérimentaux recensés dans la littérature, fait apparaitre l’importance de considérer conjointement les flux des trois principaux GES : dioxyde de carbone (CO2), protoxyde d’azote (N2O), méthane (CH4). De plus, les bilans de C et de GES des parcelles présentent une grande variabilité, essentiellement liée aux conditions pédoclimatiques et aux modes de gestion. Cet article souligne la nécessité de poursuivre les mesures à l’échelle de la parcelle et ce, pendant suffisamment d’années, de manière à établir des bilans robustes et intégrant la variabilité interannuelle. Enfin, il met en évidence la nécessité d’améliorer la compréhension des mécanismes contrôlant les différents échanges, en relation avec les facteurs environnementaux et les modes de gestion et ce, afin de pouvoir proposer des itinéraires techniques capables de maintenir un puits de carbone minimum, tout en limitant les émissions de méthane et de protoxyde d’azote.

Mots-clés. Séquestration de carbone, gaz à effet de serre, dioxyde de carbone, protoxyde d’azote, méthane, prairie.

Carbon sequestration and greenhouse gas fluxes in grassland. A review. Grassland carbon (C) sequestration can play an

important role in mitigating total greenhouse gas (GHG) emissions of livestock production systems. An accurate inventory of livestock production system contribution to GHG emissions requires to think in terms of global budget, by considering both the GHG sources and the mitigation potential trough grassland soil carbon sequestration. There is a huge variability in C and GHG balances of grasslands that is mainly due to management practices and climatic conditions. The present article shows that, to reduce the uncertainties of the results, long term measurements at the field scale are necessary. Also, it shows the importance of taking the fluxes of the three main GHGs (carbon dioxide, nitrous oxide, methane) into account when calculating the GHG budget. This article also highlights the need for a better understanding of the mechanisms driving the fluxes, in relation to environmental factors and management practices, in order to propose mitigation strategies able to enhance soil carbon sequestration in soils and to reduce methane and nitrous oxide emissions. Keywords. Carbon sequestration, greenhouse gas, carbon dioxide, nitrous oxide, methane, grassland. 1. INTRODUCTION L’agriculture a pour vocation première de satisfaire les besoins alimentaires des citoyens. Pourtant, à l’heure actuelle, le secteur agricole et plus particulièrement

les systèmes d’élevage sont perçus comme étant préjudiciables à l’environnement (FAO, 2006). En effet, ces systèmes de production généreraient, tenant compte des émissions directes et indirectes, pratiquement 20 % des émissions anthropiques totales

(40)

104 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2013 17(1), 103-117 Jérôme E., Beckers Y., Bodson B. et al.

de gaz à effet de serre (GES) (FAO, 2006). Ce chiffre comprend les émissions de l’ensemble de la filière, depuis la production des aliments en amont jusqu’à la fabrication et le transport des produits alimentaires en aval (FAO, 2006). Plus spécifiquement, les systèmes d’élevage seraient responsables de 9 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2), 65 % des émissions anthropiques de protoxyde d’azote (N2O) et 37 % des émissions anthropiques de méthane (CH4) (FAO, 2006). Il apparait donc essentiel de développer des systèmes de production capables de répondre aux impératifs d’atténuation des émissions et d’adaptation aux changements climatiques.

Dans les systèmes d’élevage, les prairies permanentes sont souvent utilisées pour fournir du fourrage aux ruminants, soit directement durant la saison de pâturage, soit sous forme de foin ou d’ensilage durant la période hivernale (Flechard et al., 2007). Le potentiel de séquestration de carbone (C) dans le sol de ces écosystèmes pérennes leur permet de jouer un rôle important dans l’atténuation des émissions de GES (Soussana et al., 2007 ; Schulze et al., 2009 ; Soussana et al., 2010). De fait, la séquestration de C des prairies permanentes a été estimée par Lal (2004) entre 0,01 et 0,3 Gt C par an, ce qui pourrait compenser jusqu’à 4 % des émissions globales de GES (Soussana et al., 2010). Il apparait donc primordial de raisonner en termes de bilan, en considérant à la fois les sources de GES et leur compensation via les puits de carbone. Une évaluation pertinente des systèmes d’élevage nécessite donc en premier lieu l’établissement du bilan de carbone et de GES à l’échelle de la parcelle.

L’objectif de cet article est de faire l’état des connaissances relatives au rôle des écosystèmes prairiaux dans le bilan de GES des exploitations d’élevage. Dans cette optique, nous mettrons en évidence le potentiel de séquestration de carbone des prairies et leur importance dans l’atténuation du bilan de GES. De même, nous montrerons qu’une approche globale, estimant conjointement les flux de carbone et des trois principaux GES à l’échelle de la prairie en relation avec les facteurs environnementaux et les modes de gestion est indispensable lors de l’étude des bilans des parcelles. Pour ce faire, nous décrirons les processus à l’origine des flux de carbone et de GES à l’échelle de la parcelle, ainsi que leurs facteurs influents. Nous quantifierons ces flux sur base des résultats expérimentaux recensés dans la littérature et nous établirons les bilans de carbone et de GES à l’échelle de la parcelle à partir des mesures de ces flux. Finalement, en nous appuyant sur l’analyse des résultats expérimentaux des bilans publiés dans la littérature, nous identifierons les verrous en termes de connaissance et de méthodologie qui devraient faire l’objet de futures recherches.

2. FLUX DE GAZ À EFFET DE SERRE À L’ÉCHELLE D’UN ÉCOSYSTÈME PRAIRIAL

Les prairies contribuent à l’échange de nombreux composés gazeux avec l’atmosphère (Soussana et al., 2006) dont les trois principaux gaz à effet de serre qui sont par ordre d’importance : le CO2 échangé

avec le sol et la végétation, le N2O et le CH4, tous

deux échangés avec le sol (Soussana et al., 2007). En prairie gérée et pâturée s’ajoutent les flux de carbone et de GES liés à la présence des ruminants et à la fertilisation (Soussana et al., 2006). Tous ces flux sont présentés à la figure 1. Le bilan de GES (NGHG, g CO2 équivalents.m-2.an-1) d’un écosystème prairial

s’écrit (GIEC, 2007) :

où kCO2 est le rapport des masses molaires du CO2 et

du carbone (44/12 g CO2-C) ; NBP est la productivité

nette du biome (g C.m-2.an-1) ; F

N2O est le flux de N2O

(g N2O.m-2.an-1) ; FCH4 le flux de CH4 (g CH4.m-2.an-1).

La NBP correspondant au bilan des flux de C aux frontières du système (parcelle), elle inclut les flux de CH4 qui doivent donc être soustraits du premier

terme pour éviter une double comptabilisation dans le bilan de GES. Les flux de N2O et de CH4 sont

exprimés en termes d’équivalents CO2 (CO2 equiv.)

en effectuant le produit de la masse de chaque gaz et de son pouvoir de réchauffement global (PRG). Ce facteur permet de comparer, sur une période de temps définie, le forçage radiatif d’un kg de GES donné par rapport à celui d’un kg de CO2. Sur une échelle de

100 ans, le PRG du N2O (PRGN2O) est de 298 et le

PRG du CH4 (PRGCH4) est de 25 (GIEC, 2007).

Par convention, les flux d’importation (entrées) dans le système sont comptés négativement et les flux d’exportation (sorties) positivement. Les flux

Végétation Herbivore Sol FCO2 FN2O FCH4 Fviande, lait Fcompléments Flessivage Frécolte Ffertilisation Cpâturage Cexcrétions Figure 1. Flux (F) de carbone (C) et de gaz à effet de serre

à l’échelle d’une prairie gérée et pâturée — Carbon (C) and greenhouse gas fluxes (F) in a managed grassland.

Voir chapitre 2 pour la signification des termes — See chapter 2

for term meaning.

NGHG = kCO2 x (NBP – FCH4-C) + PRGN2O x FN2O + PRGCH4 x FCH4

(Équation 1)

Figure

Figure  1 :  Représentation  schématique  des  échanges  de  gaz  à  effet  de  serre  à  l’échelle  d’une  exploitation  d’élevage  de  bovins  producteurs  de  viande  (flèche  discontinue :  émissions  indirectes ;  flèches continues : émissions directe
Figure 2 : Dispositif de covariance de turbulence mis en place sur la parcelle de l’observatoire terrestre  de Dorinne
Figure 3 : Représentation schématique des procédures d’acquisition, de traitement et de stockage des  données de covariance de turbulence (adapté de Aubinet et al., 2000)
Figure 1. Flux (F) de carbone (C) et de gaz à effet de serre  à l’échelle d’une prairie gérée et pâturée  —  Carbon (C) and  greenhouse gas fluxes (F) in a managed grassland
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