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Contribution de l'élevage bovin aux émissions de GES et au stockage de carbone selon les systèmes de production

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01173674

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01173674

Submitted on 29 May 2020

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Contribution de l’élevage bovin aux émissions de GES et au stockage de carbone selon les systèmes de production

Jean-Baptiste Dolle, Philippe Faverdin, Jacques Agabriel, Daniel Sauvant, Katja Klumpp

To cite this version:

Jean-Baptiste Dolle, Philippe Faverdin, Jacques Agabriel, Daniel Sauvant, Katja Klumpp. Contri- bution de l’élevage bovin aux émissions de GES et au stockage de carbone selon les systèmes de production. Fourrages, Association Française pour la Production Fourragère, 2013, pp.181 - 191.

�hal-01173674�

(2)

P

our réduire l’effet de l’activité anthropique sur le changement climatique, le protocole de Kyoto, ratifié en 2005, vise une réduction des émissions de GES au niveau international de 20 %, voire 30 %, d’ici 2020 par rapport à 1990. D’importants travaux sont conduits pour apprécier la contribution des différents secteurs. En élevage bovin, l’appréciation analytique des émissions par gaz ou par poste revêt un intérêt pour l’acquisition de connaissances sur les mécanismes d’émission et

l’identification des leviers d’action. La complexité des processus dynamiques et les interactions entre les différents composants que sont le sol, les prairies, les cultures, les aliments, les animaux... nécessitent de prendre en compte les émissions mais également les mécanismes de stockage de carbone associés à la présence de prairies. Par ailleurs, l’évolution négative des surfaces en prairies nécessite d’intégrer dans l’évaluation des systèmes de production les pertes importantes de carbone,

AUTEURS

1 : Institut de l’Elevage, 56, av. Roger Salengro, BP 80039, F-62051 Saint-Laurent-Blangy cedex ; jean-baptiste.dolle@idele.fr 2 : INRA UMR PEGASE, Domaine de la Prise, F-35590 Saint-Gilles.

3 : INRA UR 1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genes-Champanelle.

4 : INRA, 16, rue Claude Bernard, F-75231 Paris cedex 05.

5: INRA URH, 5, ch. de Beaulieu, F-63039 Clermont Ferrand Cedex.

MOTS CLÉS: Bovin, facteur climat, France, gaz à effet de serre, gestion des prairies, gestion du troupeau, prairie, production de viande, production laitière, rotation culturale, stockage du carbone, système de production, système fourrager.

KEY-WORDS: Carbon storage, cattle, climatic factor, crop succession, dairying, forage system, France, grassland, greenhouse effect gas, herd management, meat production, pasture management, production system.

RÉFÉRENCE DE L’ARTICLE: Dollé J.-B., Faverdin P., Agabriel J., Sauvant D., Klumpp K. (2013) : “Contribution de l’élevage bovin aux émissions de GES et au stockage de carbone selon les systèmes de production”, Fourrages, 215, 181-191.

Contribution de l’élevage bovin aux émissions de GES et au stockage de carbone

selon les systèmes de production

J.-B. Dollé

1

, P. Faverdin

2

, J. Agabriel

3

, D. Sauvant

4

, K. Klumpp

5

En France, l’activité agricole représente 19 % des émissions de Gaz à Effet de Serre nationales dont 10 % liés aux exploitations bovines. Emetteur de gaz à effet de serre, l’élevage bovin permet de lutter contre le changement climatique en stockant du carbone dans les sols. Diverses études permettent d’évaluer les émissions de GES et le stockage ou déstockage de carbone par les systèmes de production.

RÉSUMÉ

Le bilan national des émissions de GES et du stockage de carbone de l’élevage bovin national s’élève à 39,5 millions de t CO2eq. Les Analyses du Cycle de Vie (ACV) conduites évaluent l’empreinte carbone nette des systèmes laitiers entre 0,5 et 0,8 kg de CO2eq/kg de lait, en diminution de 15 à 25 % entre 1990 et 2010, et celle des systèmes de production de viande entre 8,2 et 10,8 kg de CO2eq/kg de viande vive. Il est nécessaire de raisonner les évaluations et les leviers d’atténuation de façon globale et agrégée à l’échelle des systèmes mais en considérant également l’équilibre des filières lait et viande. Ainsi, des leviers d’action peuvent être identifiés à l’échelle du système pour réduire la contribution de l’élevage bovin aux émissions de GES.

SUMMARY

Contribution of cattle farming to GHG emissions and soil carbon sequestration according to production system

In France, agriculture contributes to 19% of national GHG emissions, 10% of which are tied to cattle production. Livestock farming helps counter climate change by promoting soil carbon sequestration. National figures show that GHG emissions and soil carbon sequestration from cattle farming represent 39.5 million tonnes CO2eq. Life Cycle Analysis (LCA) shows a net carbon footprint of 0.5 - 0.8 kg CO2eq/kg milk for dairy systems (down 15 - 25% between 1990 and 2010), and a net carbon footprint of 8.2 - 10.8 kg CO2eq/kg liveweight for beef systems. Rationalizing evaluation systems and levers of action is a necessity, both on a global (system) and aggregated (national) scale, and further involves taking into consideration the economic balance of dairy and beef systems. Numerous levers of action have been identified for reducing the contribution of cattle farming to GHG emissions.

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provenant de la réduction des apports carbonés. Cette problématique des émissions de GES et du stockage de carbone se pose à l’échelle nationale au travers des inventaires pour comptabiliser les émissions directes de chaque secteur, et à l’échelle des produits au travers des méthodologies basées sur l’Analyse du Cycle de Vie (ACV).

A la différence des méthodes d’inventaire qui ne comptabilisent pas les émissions dues aux industries des engrais ou des pesticides ou encore des tourteaux importés, les méthodes ACV prennent en compte toutes ces émissions indirectes liées aux intrants utilisés en fonction de leur mode de production, quelle que soit leur origine géographique. Ces différents travaux mettent en avant la nécessité d’élaborer des démarches d’évaluation globale à l’échelle du système et non uniquement focalisées sur un gaz ou une pratique, mais également des évaluations agrégées à l’échelle du pays, de l’élevage bovin national et pas uniquement focalisées sur une filière lait ou viande. Pour cela, des choix méthodologiques doivent être opérés afin de les adapter à ce type d’évaluation.

L’objectif de cet article est de présenter le bilan national des émissions de GES et du stockage de carbone basé sur la méthode des inventaires et, parallèlement, de réaliser une évaluation comparée des systèmes lait et viande selon une approche ACV. Les points méthodolo- giques essentiels à la détermination de la contribution de l’élevage bovin aux émissions de gaz à effet de serre (GES) seront développés.

1. Bilan GES de l’élevage bovin national

Contribution de l’élevage

aux émissions nationales directes de GES

En France, l’activité agricole représente 18,8 % des émissions de gaz à effet de serre nationales (hors CO

2fos- sile intégré dans le secteur des transports), dont 10 % liés directement aux exploitations bovines en considérant les surfaces affectées à l’élevage. Ces émissions sont principa- lement dues au méthane (CH

4) et au protoxyde d’azote (N2O) issus respectivement du cycle du carbone et du cycle de l’azote. L’agriculture contribue respectivement à 68 % et 87 % des émissions de CH

4 et de N

2O de la France entière en 2010. Au sein de l’agriculture, l’élevage est le contributeur quasi exclusif du poste méthane avec 69 % pour les émissions entériques et 30 % pour les émissions liées aux effluents(CITEPA, 2012).

Les impacts totaux sont conventionnellement calcu- lés en équivalent CO

2 (CO

2eq) avec un coefficient de pouvoir de réchauffement global (PRG) qui leur est attri- bué en fonction de leur pouvoir de réchauffement et de leur temps de séjour dans l’atmosphère soit respective- ment 25 et 298 pour le CH

4et le N

2O (précédemment 21 et 310, coefficients encore utilisés dans les inventaires).

Les émissions de CO

2issues de l’agriculture rentrent peu en compte dans les émissions de GES de l’agriculture car les méthodologies en cours proposées par le GIEC ne

comptabilisent que les émissions de carbone d’origine fos- sile ou de carbone dont le cycle ne se fait pas au cours d’une année. Le cycle annuel du CO

2est très important, mais l’on suppose ainsi que les flux issus de la respira- tion du CO

2par les hommes, les animaux et les plantes, ainsi que les fermentations des excréments, s’équilibrent avec les captations de CO

2 par les plantes au pas de temps de l’année.

Une première estimation des quantités de méthane entérique produites par les animaux d’élevage a été pro- posée par VERMORELet al.(2008) sur la base des effectifs animaux de 2007. Elles s’élèvent à 1,41 millions de tonnes de CH

4 soit 35,25 millions de tonnes d’équivalent CO

2

dont plus de 90 % produits par les bovins. Au niveau du troupeau bovin français, les émissions de GES (CH

4 et N2O) étaient d’environ 54,9 millions t CO

2eq en 2010 (CITEPA, 2012). Les méthodes d’inventaire ne séparent pas les émissions liées au lait et à la viande, contraire- ment aux méthodes d’ACV, mais considèrent les catégories d’animaux (figure 1). Les vaches laitières constituent une catégorie spécifiquedont les émissions peuvent être assimilées dans un premier temps à celles nécessaires à la production de lait. Les vaches laitières représentent 34 % des émissions de GESdes bovins avec la méthodologie actuellement utilisée pour les inventaires (IPCC, 2006), alors qu’elles ne représentent que 19 % des effectifs du troupeau bovin. Cette part importante vient des quantités ingérées et rejetées plus fortes que les autres catégories. Rapportée à la quantité de lait produite en 2010 (22 869 millions de litres, Agreste), ces émissions des vaches laitières correspondent à 0,82 kg de CO

2eq par litre de lait, valeur inférieure aux valeurs estimées par les méthodes d’analyse de cycle de vie (proche du kg de CO

2/litre de lait) qui prennent également en compte les émissions associées à tous les intrants nécessaires à la production. Un calcul similaire pour estimer les émissions liées au kg d’équivalent carcasse, en admettant que toutes J.-B. Dollé et al.

FIGURE1 :Contribution des différentes catégories de bovins aux émissions de GES en France en 2010 (CH4 et N2O en équivalent CO2) dans les inventaires (CITEPA, 2012).

FIGURE1 :Contribution of different categories of cat- tle to GHG emissions in France in 2010(CH4and N2O in CO2eq.) based on national surveys (CITEPA, 2012).

Veaux de boucherie 1%

Vaches laitières 34%

Femelles < 1 an 7%

Vaches allaitantes 27%

Mâles < 1 an 6%

Mâles et femelles de boucherie > 1 an

8%

Génisses allaitantes > 1 an

9%

Génisses laitières

> 1 an 8%

D

(4)

les autres catégories bovines y contribuent, donne une valeur moyenne de 20,9 kg d’équivalent CO

2par kg d’équi- valent carcasse soit environ 11,5 kg d’équivalent CO

2

par kg de viande vive produite.

Le stockage/déstockage de carbone en élevage bovin

Il est admis que les sols représentent le puits de car- bone, naturel et à long terme (50-100 ans), le plus important sur les surfaces continentales notamment grâce aux prairies qui représentent au niveau français 11 millions d’hectare en 2010 (tableau 1). L’élevage bovin, dont le régime repose entre 65 et 92 % sur la valo- risation de surfaces prairiales, nécessite d’intégrer le stockage de carbone dans son bilan GES(GAC et al., 2010) pour deux raisons principales. La première concerne la compensation des émissions de méthane entérique associées à la digestion des fibres cellulosiques, grâce au stockage de carbone des prairies. La seconde est relative à la préservation de ces stocks de carbone sous prairies qui assurent une mitigation importante face à l’emballement climatique. Les lignes directrices du GIEC (IPCC, 2006), qui régissent l’établissement des inventaires nationaux d’émissions et absorptions des GES, ont iden- tifié comme principales causes de stockage/déstockage : le changement d’usage, les changements de pratiques (labour, fertilisation, etc.) et les variations climatiques.

Dans le cadre des inventaires nationaux, il est important de savoir qu’à l’heure actuelle, le stockage/déstockage de carbone dans le sol n’est pris en compte dans les calculs de bilan de GES que lors d’un changement d’usage des sols (conversion prairies/cultures et cul- tures/prairies). Le stockage/déstockage de carbone dans le sol n’est pas pris en compte pour l’usage des sols eux- mêmes, sauf pour le stockage par le bois (CITEPA, 2012).

Ainsi, la méthodologie proposée par le GIEC n’intègre actuellement pas le potentiel de stockage de carbone des prairies dans le calcul du bilan de GES de l’élevage bovin.

Toutefois, au regard de la situation française en matière de gestion et d’évolution des surfaces agricoles, nous nous attacherons à détailler ici les deux modalités prin- cipales relatives au changement d’usage des sols et au changement de pratiques sur prairies.

• Stockage/déstockage

lié au changement d’usage des sols

Les stocks de carbone actuels moyens en France étant de 52 t C/ha pour les cultures et entre 81 et 83 t C/ha pour les forêts et prairies (Gis Sol, 2011), plu- sieurs études ont mis en évidence des flux annuels de carbone suite à un changement d’affectation des sols.

Alors que le passage d’un sol cultivé à une prairie se traduit par une séquestration du carbonedans les sols représentant en moyenne 40 ± 11 % (920 kg C/ha/an), la conversion d’une prairie en culture se traduit par une perte moyenne de carbone de 36 ± 5 % (950 ± 30 kg C/ha/an) sur une période de 20 ans (ARROUAYS et al., 2002 ; POEPLAUet al., 2011). Au regard de l’évolution des surfaces nationales entre 1988 et 2010 (tableau 1), le changement d’usage des sols en élevage bovin concerne essentiellement le passage des prairies permanentes en prairies temporaires et en cultures.

- Le passage des prairies permanentes en prairies temporaires

Entre 1988 et 2010 (tableau 1), les surfaces en prai- ries permanentes (PP) ont été réduites de 2,5 Mha alors que les surfaces en prairies temporaires (PT) ont aug- menté de 686 898 ha. Il peut ainsi être considéré qu’une partie des PP ont été converties en PT. Ce changement d’utilisation des PP en PT a une incidence négative sur le stockage de carbone selon le niveau de fertilité de la prai- rie permanente initiale et l’intensité d’utilisation. Une perte de C importante est observée après retournement de prairies (ANGERS et ERIKSEN, 2008 ; LUO et al., 2010 ; VIR TO et al. 2012) avec un ordre de grandeur de 0 à 3 400 kg C/ha (LOISEAU et al., 2001). Pour la France, ARROUAYSet al. (2002) font état d’un déstockage de car- bone compris entre 100 et 200 kg C/ha/an, lors de la conversion de PP en PT à niveau d’intensification égal. Les données statistiques ne donnant pas avec précision l’évo- lution du niveau d’intensification lors de ce changement d’utilisation des PP en PT, un facteur de déstockage en moyenne de 150 kg C/ha/an peut être retenu pour les PT et cultures en rotation avec ces PT(tableau 2).

- Le passage des prairies permanentes en cultures

Le transfert partiel des PP en PT combiné à la perte de surface agricole de 6 % en 22 ans s’est traduit par une diminution de la surface globale en prairies de près de 1,8 million ha entre 1988 et 2010 au profit des cultures.

Sur la base d’une perte de carbone de 950 kg C/ha/an (ARROUAYSet al.2002), le déstockage de carbone associé au retournement des PP en cultures représente une perte de carbone de 1,7 million de tonnes.

Par convention, cette perte de carbone est répartie sur les 10,7 millions ha de cultures annuelles n’entrant pas dans une rotation avec des prairies temporaires (tableau 1), à savoir les cultures annuelles 2010 des OTEX grandes cultures et les céréales et maïs fourrages n’entrant pas en rotation avec une prairie temporaire des TABLEAU 1 : Surfaces agricoles françaises (ha, RGA

1988-2010).

TABLE1 :Total farmland area in France (ha, RGA 1988- 2010).

1988 2010

SAU totale 28 595 799 26 963 254

SAU OTEX Grandes cultures 9 181 898

SAU OTEX Elevages de ruminants 15 016 977

Prairies permanentes 10 214 086 7 634 370

Prairies temporaires 2 785 969 3 472 867

Cultures n'entrant pas dans une rotation avec des PT

des OTEX grandes cultures et ruminants* 10 776 393

* évaluation pour une rotation avec 3 ans de PT et 2 ans de cultures annuelles

(5)

OTEX élevages. La perte de carbone associée au retour- nement des prairies permanentes représente ainsi 160 kg de carbone/ha/an (tableau 2). Afin d’affiner la prise en compte du déstockage, une telle approche nationale doit être déclinée à l’échelon régional pour évaluer les ciné- tiques contrastées entre régions (région d’élevage vs région de grandes cultures).

• Stockage/déstockage

lié au changement de pratiques - Le cas des prairies permanentes

Dans des situations « stabilisées », sans changement notoire d’utilisation des sols, certains auteurs (WATSONet al., 2002) spécifient que la teneur en matière organique du sol atteint un équilibre y compris sur des sols prairiaux où le flux annuel serait nul. Néanmoins, plusieurs publi- cations (BELLAMYet al., 2005 ; SOUSSANAet LÜSCHER, 2007 ; SMITHet al., 2007 ; KLUMPPet al., 2011 ; TALLECet al., 2012) mettent en évidence que le potentiel des prairies perma- nentes à stocker du carbone ne s’atténue pas au cours du temps, avec néanmoins une forte variabilité interannuelle.

Il n’y aurait ainsi pas de limite temporelle au stockage du carbone, des prairies très anciennes pouvant continuer à stocker du carbone sur de très longues périodes. Cette évaluation du stockage de carbone par ces surfaces néces- site le suivi du carbone stocké dans les divers horizons de sol en combinaison avec l’évolution du mode de gestion des prairies. Il convient de préciser que des expérimenta- tions récentes sur le stockage de carbone sous prairies, menées dans le cadre des projets européens GreenGrass (SOUSSANAet LÜSCHER, 2007) et CarboEurope (SCHULZEet al., 2009), ont mis en évidence que les prairies consti- tuent des puits nets de carbone stockant de 500 à 1 200 kg C/ha/an. Aux Etats-Unis et en Nouvelle- Zélande, des niveaux de stockage comparables compris respectivement entre 120 et 400 kg C/ha/an et entre 590 et 900 kg C/ha/an ont été observés sur des prairies pâtu- rées (PELLETIERet al., 2010 ; MUDGEet al., 2011).

De nombreux auteurs (ARROUAYSet al., 2002 ; IPCC, 2006 ; SOUSSANAet al., 2010 ; KLUMPPet al., 2011) font état

d’une variation forte des flux de carbone selon le contexte pédoclimatique et les pratiques culturales:

- Certaines conditions climatiques, et notamment une plus forte pluviosité combinée à des températures plus douces à l’automne et en hiver, sont favorables au stockage de carbone (KLUMPPet al., 2011 ; TALLECet al., 2012). A contrario, des conditions sèches et des vagues de chaleur réduisent la production primaire à l’origine d’une perte de carbone (CIAISet al., 2005).

- L’apport modéré d’azote (engrais, déjections) accroît la séquestration du carbone (FONTAINEet al., 2004 ; KLUMPP et al., 2009). De même, la présence de légumi- neuses permet une autorégulation en azote et donc le maintien du stock de carbone (SOUSSANAet al., 2010 ; LOI-

SEAUet al., 2001). A contrario, une carence en azote peut provoquer un déstockage de carbone car les micro-orga- nismes du sol puisent dans les réserves humiques du sol, de même qu’une sur-fertilisation qui peut moins alimen- ter en carbone que la minéralisation (ARROUAYS et al., 2002).

- Le pâturagepermet un meilleur stockage du car- bone que la fauche via un apport direct de matière organique par les déjections et une moindre exportation de carbone du fait de l’herbe résiduelle (REEDERet SCHU-

MAN, 2002 ; SOUSSANAet LÜSCHER, 2007 ; SOUSSANAet al., 2010). Inversement, la fauche exclusive et fréquente de la prairie (KLUMPPet al., 2007) peut conduire à des niveaux de prélèvement trop forts (exportations de carbone impor- tantes et répétées) et à un déstockage.

- L’intensité du pâturage joue également sur les niveaux de stockage, en lien avec l’herbe résiduelle. Les pâturages très ras (intensifs), qui laissent moins d’organes aériens, sources de litière puis de carbone, peuvent engen- drer une dégradation du couvert végétal (JONES et DONNELLY, 2004). Inversement, les pâturages moins sévères (extensifs) laissent davantage d’organes sénescents (LOUAULTet al., 2005) favorables au stockage de carbone.

Au regard de l’incidence des pratiques sur le stockage/déstockage, des flux annuels de carbone peu- vent être proposés selon une typologie des prairies rencontrées en France. Deux critères essentiels interve- nant sur les niveaux de stockage sont retenus. Le premier J.-B. Dollé et al.

(ha) (kg C/ha/an) (t C) (t CO2)

Emissions GES 54 900 000

Changement d’usage des sols

dont prairies temporaires et cultures en rotation 1 144 830 -150 -171 720 -629 640 dont cultures n'entrant pas dans une rotation avec

des prairies temporaires 1 396 770 -160 -223 480 -819 430

dont concentrés nationaux achetés (céréales et

protéagineux) 729 251 -160 -116 680 -427 830

Changement de pratiques

dont prairies permanentes 6 687 650 570 3 811 960 13 977 190

dont prairies temporaires et cultures en rotation 4 643 280 80 371 460 1 362 020

dont haies (100 ml haie/ha) 4 193 990 125 524 250 1 922 250

Stockage/déstockage carbone 4 195 790 15 384 560

Bilan émissions – stockage/déstockage 39 515 440

Compensation carbone (stockage C/émissions GES, %) 28 %

TABLEAU2 :Bilan des GES de l’élevage bovin à l’échelle nationale en 2010.

TABLE2 :Figures for GHG emissions tied to cattle farming on a national scale in 2010.

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concerne le niveau de fertilité des sols en lien avec le niveau de fertilisation, mais également la production de fourrage et les conditions pédoclimatiques. Le second est relatif aux degrés de défoliation du couvert, à savoir la distinction prairie pâturée vsprairie fauchée, et de dégra- dation du couvert lors du pâturage (figure 2).

Cette typologie concerne trois situations contrastées : - les milieux à contraintes, extensifs et à faible ren- dement pour lesquels les niveaux de stockage sont faibles ;

- les milieux à intensification modérée, dont le mode d’exploitation dominant est le pâturage ou la combinaison pâturage/fauche et dont le couvert herbacé est préservé, pour lesquels les niveaux de stockage sont moyens à éle- vés ;

- les milieux gérés de façon intensive avec un niveau de fertilisation plus élevé, en fauche quasi exclusive et/ou en pâturage à fort chargement provoquant une dégrada- tion du couvert herbacé, pour lesquels les niveaux de stockage sont faibles à moyen.

Compte tenu des niveaux de stockage et de la part de prairies dans chacune des classes typologiques, un niveau moyen de stockage national de 570 kg C/ha/an(tableau 2) peut être proposé pour les systèmes prairiaux (SOUSSANA et al., 2010 ; SCHULZE et al., 2009).

- Le cas des prairies temporaires

Les prairies temporaires en rotation avec des cul- tures sont également des puits de carbone. La durée de vie des PT est le facteur majeur concernant l’impact sur le stockage/déstockage. Selon les données Agreste de 2006, la répartition des PT selon leur durée de vie est la suivante : 31 % (1 an), 17% (2 ans), 17% (3 ans), 16%

(4 ans), 13% (5 ans) et 6% (6 ans). L’application de la méthode IPCC (2006), qui considère l’âge, la fertilité et

l’intensité d’utilisation permet de déterminer un flux de carbone compris entre - 177 (PT de 1 an) et 460 (PT de 5 ans) kg C/ha/an. Appliquée aux durées de vie des prai- ries temporaires en France et à un stock initial de 70 t C/ha, le stockage moyen national est de 80 kg C/ha/an sur les PT et cultures en rotation avec ces PT.

- Le cas des haies

Par ailleurs, les haies et les bosquets sont très fré- quemment rencontrés dans les exploitations d’élevage et représentent entre 10 et 15 % de la SAU de l’exploitation.

Du fait de l’augmentation des restitutions et de l’absence de travail du sol, le potentiel de stockage annuel de car- bone est de 125 kg C/ha/an sur la base de 100 m linéaire par hectare (ARROUAYSet al., 2002).

Bilan GES du troupeau bovin national

La particularité de l’élevage bovin, à la fois source et puits de carbone, plaide pour raisonner en termes de bilan net, en considérant à la fois les sources de GES et leur compensation par le stockage de carbone (SOUSSANA

et al., 2010). Considérant le changement d’usage des sols et le changement de pratiques, le flux de carbone dans les sols mobilisés par l’élevage bovin représente un bilan positif de 4 195 790 tonnes (tableau 2).

Dans le cadre du changement d’usage, les 1,1 mil- lion ha de PT et cultures associées issus du retournement de prairies permanentes contribuent à une perte de carbone de 171 720 t. Les 1,3 million ha de cultures n’en- trant pas en rotation avec une prairie temporaire des OTEX bovines, destinées à la production du maïs four- rage et des céréales autoconsommées, représentent un potentiel de déstockage de 223 480 t C. Enfin, au-delà des concentrés produits sur les exploitations, pour lesquels un déstockage de 160 kg C/ha/an a été comptabilisé, il convient de considérer les surfaces associées aux concen- trés achetés (céréales, protéagineux...). Dans le cadre de cette évaluation nationale, seuls les concentrés achetés nationaux (DEVUN et al., 2012) soit une surface équiva- lente de 729 251 ha, ont été considérés. Ils représentent un déstockage de carbone de 116 680 t.

Dans le cadre du changement de pratiques, et sur la base d’un stockage de 570 kg C/ha/an (SOUSSANAet al., 2010), les 6,6 millions d’hectares de PP associées à l’éle- vage bovin représentent un potentiel de stockage de carbone de 3,8 millions de tonnes de carbone. Les PT et les cultures en rotation, non associées à un retournement de PP, possèdent un potentiel de stockage de 371 460 t C.

La contribution des haies au stockage de carbone s’élève à 524 250 t C.

Selon les modalités décrites précédemment, le taux de compensation des émissions de GES par le poten- tiel de stockage de carbone du secteur herbivore est de 28 % à l’échelle nationale. Ce niveau de compensa- tion moyen varie selon les systèmes et sera plus élevé pour les systèmes les plus herbagers.

FIGURE2 :Stockage de carbone des prairies perma- nentes selon les pratiques culturales.

FIGURE2 :Sequestration of carbon in the soil of per- manent grassland based on farming practices.

Stockage élevé 250 -1200 kg C

/ha/an Fauche exclusive

ou pâturage avec couvert dégradé Fauche et pâturage

Pâturage exclusif avec couvert non dégradé

<40 kg N/ha 40-100 kg N/ha >100 kg N/ha Stockage

moyen 250 500 kg C

/ha/an Stockage

faible

< 250 kg C/ha/an

Degré d’intensification Degré de défoliation

Adapté d’après ARROUAYSet al., 2002 ; SOUSSANAet al., 2004, 2007 et 2010 ; KLUMPPet al., 2011 ; MUDGEet al., 2011 ; FARRUGGIAet al., 2012

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2. Empreinte carbone des produits lait et viande des principaux systèmes de production

Il est important de bien noter la différence entre les méthodes d’inventaires utilisées aux échelles nationales pour comptabiliser les émissions directes de chaque sec- teur, développées précédemment, et les méthodes de type analyse de cycle de vie (ACV) prenant également en compte les intrants nécessaires à une activité.

Principes méthodologiques ACV

de l’évaluation des systèmes de production

L’approche ACV, plus difficile à réaliser que les méthodes d’inventaires à des échelles très agrégées, per- met de mieux évaluer les impacts des pratiques au sein des systèmes de production et tout au long du cycle de vie des produits. Fidèle à la méthodologie ACV et aux pré- conisations du GIEC (Groupement d’experts Intergouver- nemental sur l’Evolution du Climat), la Fédération Inter- nationale Laitière a ainsi publié une méthodologie adaptée au secteur laitier (FIL, 2010). En France, les ins- tituts techniques agricoles ont développé la méthode GES’TIM qui propose des méthodes d’estimation et fac- teurs d’émission spécifiques au territoire français : conditions pédoclimatiques, pratiques d’élevage et itiné- raires culturaux, bouquet énergétique français, provenance et itinéraires de production des intrants adaptés à l’approvisionnement des exploitations fran- çaises (GAC et al., 2010a). En exploitation d’élevage, l’application de la méthodologie ACV considère l’ensem- ble des impacts sur la partie du cycle de vie du produit s’arrêtant au portail de la ferme. Sur ce péri- mètre, il s’agit d’inventorier les impacts directs liés au processus de production au niveau d’un atelier de pro- duction (lait, viande...) mais également les impacts indirects inhérents à la fabrication des intrants et à leur transport. Cela concerne les animaux en production, les animaux de renouvellement, les surfaces destinées à l’atelier et l’ensemble des intrants (énergie, fertilisants, alimentation...) alimentant cet atelier et ces surfaces (GAC

et al., 2010a).

Dans le cadre de l’élevage, la mise en œuvre de l’ACV qui vise à évaluer un système de production et les pro- duits associés nécessite de raisonner à l’échelle de l’atelieret non de l’exploitation. Même si l’échelle de l’ex- ploitation présente un intérêt d’analyse de la cohérence globale du fonctionnement, l’échelle de l’atelier est indis- pensable afin d’identifier les flux de matière et les émissions associés à la production d’un produit. Ainsi, deux ateliers composant une exploitation (bovins et cul- tures ou bovins lait et viande...) doivent être analysés séparément (DOLLÉ et al., 2011). Ce premier niveau de répartition des impacts environnementaux entre ateliers est ensuite confronté à la répartition des impacts entre les différents produits présents sur un même atelier.

Cette situation nécessite alors d’avoir recours à un moyen

d’allouer les impacts d’un atelier entre les différents pro- duits commercialisés. Cette situation est rencontrée dans les ateliers laitiers qui produisent à la fois du lait et de la viande et dans les ateliers viande qui commercialisent de la viande de différentes catégories animales (broutards, jeunes bovins, bœufs, vaches de réforme...). Dans la mesure du possible, il convient de distinguer les schémas de production en procédant à l’affectation des émissions à la catégorie animale concernée grâce à une dissociation des processus. Néanmoins, lorsque la répartition des émissions entre les différentes catégories animales est difficile à mettre en œuvre, le recours à l’alloca- tion est nécessaire afin de répartir l’impact des GES entre les produits issus de ces ateliers (CEDERBERGet STA-

DIG, 2003 ; DE VRIESet DEBOER, 2010 ; KRISTENSEN et al., 2011). Plusieurs modes d’allocation entre le lait et la viande, et les viandes entre elles, sont identifiés (biophy- sique, protéique, économique...). Ces modes de répartition des émissions répondent à trois logiques dis- tinctes. La première est basée sur le fonctionnement du système de production (allocation biophysique), la seconde repose sur des clés en lien avec la valeur nutri- tionnelle du produit final (allocation protéique) et, la dernière, sur des éléments de conjoncture (allocation éco- nomique). Le choix entre ces clés de répartition des GES doit être lisible par les différents acteurs pour le calcul de l’impact et la mise en œuvre de plans d’action, mais éga- lement être en cohérence avec une vision globale des filières de production bovine et notamment l’équilibre entre ces filières. C’est pourquoi l’allocationentre diffé- rents produits, et notamment entre le lait et la viande, ne doit pas se raisonner à l’échelle de la filière mais doit bien intégrer la complémentarité des deux filières qui conditionnent les effectifs animaux nationaux.

Le mode d’allocation biophysique basé sur le fonc- tionnement du système d’exploitation revêt pour cela un intérêt. Le principe est de considérer que les génisses lai- tières, qui seront de futures vaches de réforme, contribuent à la production de viande et ainsi d’associer les impacts environnementaux de cette catégorie animale à la viande valorisée en réforme laitière. Ce mode d’allo- cation repose sur l’équilibre, à l’échelle nationale, entre les troupeaux lait et viande au travers de la viande pro- duite par les ateliers laitiers, qui représente 40 % de la viande produite en France. La distinction des impacts des deux catégories animales, génisses et vaches laitières, étant relativement complexe, il est proposé de baser la répartition de ces impacts sur l’énergie consommée par les deux catégories animales pour produire respective- ment le lait et la viande. Nous considérons ainsi que l’énergie consommée par les génisses est destinée à la production de viande et celle des vaches en lactation à la production de lait, à l’exception de l’énergie de la gesta- tion associée à la croissance du veau. L’application de ce mode de partition de l’énergie totale consommée par un atelier laitier, met en évidence que 74 % de l’énergie concerne les vaches en production, 3 % les veaux et 23 % les génisses de renouvellement. Appliqués aux émissions de GES de l’atelier, ces ratios permettent une répartition aisée des impacts par type de produit.

J.-B. Dollé et al.

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Empreinte carbone du lait

des principaux systèmes de production

Une évaluation des émissions de GES a été conduite sur un échantillon de 214 exploitations laitières spéciali- sées appartenant à la base de données des Réseaux d’élevage. Sur les 214 exploitations de l’échantillon, les émissions de GES (sans intégration du stockage de car- bone) sont comprises entre 0,9 et 1,0 kg CO

2eq/litre de lait après application de l’allocation biophysique (tableau 3). Cette empreinte carbone brute est conforme aux valeurs rencontrées dans la bibliographie (BASSET- MENSet al., 2007 ; VELLINGAet al., 2011) mais inférieure aux valeurs observées par DOLLÉet al.(2011) et BÉGUINet al.(2012) pour lesquels l’application de l’allocation pro- téique se traduisait par une empreinte carbone du lait supérieure. La comptabilisation du stockage de carbone par les prairies et les haies dans le calcul du bilan GES se traduit par une empreinte nette comprise entre 0,5 et 0,9 kg CO

2eq/litre de lait. Aucune variabilité significative de l’empreinte carbone brute n’est constatée selon la part d’herbe dans l’alimentation. La situation est toutefois dif- férente dès lors que l’on intègre le stockage de carbone par les prairies qui permet une compensation comprise entre 5 et 50 % des émissions selon les systèmes (tableau 3). Alors que la variabilité entre systèmes de pro- duction reste faible, une forte variabilité intrasystème de production est mise en évidence. Il ressort donc que les variations en matière d’émissions de GES sont davan- tage liées à la gestion du troupeau, aux pratiques et aux structures d’exploitation qu’au système de pro- duction lui-même. C’est ainsi que les systèmes les plus optimisés sont les plus performants sur le plan environ- nemental (HENRIKSON et al., 2011). L’un des premiers facteurs explicatifs des différences observées entre exploi- tations d’un même système concerne la performance technique de l’exploitation en lien avec le niveau de production par vache et le lait produit par hectare de SFP (Surface Fourragère Principale). Toute chose étant égale par ailleurs (intrants, durée de pâturage...), une produc- tivité par vache supérieure est un gage de réduction de l’empreinte carbone au litre de lait. Mise en évidence pour des niveaux de production inférieurs à 8 000 kg lait/vache, l’augmentation de la productivité laitière est à

considérer avec prudence. En effet, cette tendance per- mise par le gain sur le méthane entérique peut être remise en cause lorsque cette augmentation de producti- vité se traduit par un recours important aux intrants, l’accroissement de la période en bâtiment d’élevage où les émissions gazeuses sont supérieures comparativement à la période de pâturage, et à une moindre compensation carbone par les prairies... D’autre part, LOVETT et al.

(2006) précisent que le gain obtenu sur le méthane enté- rique de vaches à haut potentiel peut être perdu si l’on regarde l’ensemble de la carrière de la vache. Ainsi, des situations d’élevage avec un nombre de lactations et des performances de reproduction généralement plus faibles, des animaux plus sensibles aux risques sanitaires... sont associées à une part d’animaux improductifs plus élevée favorable à un accroissement des émissions de GES du système. Enfin, comme précisé précédemment, cette spé- cialisation laitière serait en défaveur de la « viande coproduit » du lait et nécessiterait une production plus importante de viande issue des ateliers viande spécialisés dont l’empreinte carbone est plus élevée. Les autres fac- teurs explicatifs des différences observées sur les impacts environnementaux entre exploitations d’un même sys- tème concernent l’optimisation technique des exploitations. Ainsi, la gestion du troupeau (réforme des animaux peu productifs, gestion sanitaire efficace, capa- cité d’adaptation aux modifications de l’environnement...), la gestion de l’alimentation (kg de concentrés par litre de lait, autonomie alimentaire...), la gestion de la fertilisation (excédents azotés)... sont autant d’éléments déjà mis en œuvre en élevage dont l’optimisation est favorable aux résultats environnementaux.

Empreinte carbone de la viande des principaux systèmes de production

Premier transformateur d’herbe en protéines ani- males, la vache allaitante et son veau produisent des GES à raison d’environ 5,5 tonnes CO

2eq/hectare/an ou 13,8 kg CO

2eq/kg viande vive (NGUYENet al., 2012) dans un système Charolais classique. Les évaluations conduites sur un échantillon de 160 ateliers naisseurs de la base de données des Réseaux d’élevage font état d’une empreinte carbone brute moyenne de 15,6 kg CO

2eq/kg

Exploitations de plaine Exploitations de montagne

> 30 %

maïs 10-30 %

maïs < 10 %

maïs > 10 %

maïs herbe

Nombre d'exploitations étudiées 38 45 37 27 67

Nombres de vaches 62 59 66 49 45

Production laitière par vache (l/VL) 7 782 6 627 5 691 7 079 5 840

SAU (ha) 84 88 115 69 83

Maïs/SFP (%) 41% 19% 2% 23% 1%

Chargement (UGB/ha SFP) 1,5 1,2 1,1 1,3 0,9

Quantité de concentrés (g/l lait) 208 178 176 260 234

Quantité d’azote minéral (kg N/ha SAU) 88 40 19 58 23

Empreinte carbone brute (kg CO2 eq /l) 0,90 0,93 0,94 0,95 1,02 Stockage/déstockage de carbone (kg CO2 eq /l) 0,09 0,19 0,38 0,17 0,50 Empreinte carbone nette (kg CO2 eq /l) 0,81 0,74 0,56 0,77 0,51

TABLEAU 3 : Empreinte carbone du lait des prin- cipaux systèmes laitiers.

TABLE3 :Carbon footprint of main dairy systems.

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viande vive (tableau 4). Ce résultat moyen cache des dis- parités importantes entre exploitations (± 30 %) liées à différents niveaux d’optimisation des pratiques d’élevage.

Alors que les simulations de NGUYENet al.(2013) indiquent des différences modestes selon les diverses pratiques connues étudiées indépendamment, elles laissent présa- ger de l’intérêt de combiner astucieusement plusieurs d’entre ellespour arriver à gagner sur le bilan environ- nemental GES du troupeau (> 13 % CO

2eq par exemple dans une combinaison de vêlage précoce et d’allongement de la vie productive) sans perdre sur le bilan de produc- tion. Sur ce point, deux exploitations du Bassin charolais, en systèmes naisseurs très contrastés, sont en cours d’étude en situation réelle à la ferme expérimentale de Jalogny : l’un est conduit en vêlages d’automne (mi-août - fin octobre) et produit de jeunes broutards sevrés lourds (380 kg) en juillet, alors que l’autre est en vêlages de prin- temps (mi-février - fin avril) pour produire des taurillons maigres de 15 mois. Les principaux bénéfices du premier sont un vêlage dans des conditions sanitaires favorables et des croissances de veaux régulières en hiver dépendant d’un régime de « pré-engraissement ». Mais pour faire face aux besoins élevés des mères en hiver (lactation et repro- duction), ce système s’appuie sur des stocks importants de fourrages récoltés (2,2 t MS/UGB). L’autre est beaucoup plus orienté vers le pâturage (stocks : 1,6 t MS /UGB), à la fois pour les mères et les taurillons maigres de 15 mois.

Ces deux troupeaux ont fait initialement l’objet de bilans environnementaux (LARUEet al., 2012). Les émissions de GES du système d’automne (exprimées en unité de viande vive) sont a prioriidentiques (- 1 %) aux observations des Réseaux d’élevage alors que, dans le système pâturé de printemps, l’impact serait beaucoup plus faible (- 25 %).

Les consommations d’intrants (fuel, engrais, concentrés) participent à cette différence, alors que les performances de production des deux systèmes sont voisines. Dans ces systèmes allaitants au cycle long où la vache est peu pro- ductive, le pâturage couvre 70 % des besoins du couple mère - veau et la part des fourrages grossiers dans l’ali- mentation hivernale est ensuite très largement majoritaire. Les surfaces prairiales qui jouent le rôle de

puits de carbone permettent ainsi une compensation moyenne des émissions de GES de 47 %. La performance environnementale repose donc ici sur la valorisation opti- male de l’herbe avec un recours minimisé aux intrants (aliments, engrais et sources d’énergie).

Les systèmes naisseurs engraisseurs de jeunes bovins possèdent une empreinte carbone brute inférieure aux systèmes naisseurs (tableau 4), avec une moyenne de 13,8 kg CO

2eq/kg viande vive, liée à la quantité plus importante de viande valorisée. Comme observé par VEYS-

SETet al.(2011), en systèmes naisseurs engraisseurs, la compensation permise par le stockage carbone sous prai- rie, voisine de 22 %, est très inférieure à celle des systèmes naisseurs. Caractérisés par un niveau d’intensi- fication supérieur, les systèmes naisseurs engraisseurs, moins basés sur la prairie, possèdent une plus faible empreinte carbone ramenée au kilo de produit mais exercent une pression sur le milieu plus forte et pos- sèdent une dépendance énergétique plus élevée que les systèmes naisseurs engraisseurs. A la différence des systèmes naisseurs au cycle long, pour lesquels il convient de réduire la dépendance aux achats extérieurs et privilé- gier la prairie, il est préférable de rechercher pour les systèmes engraisseurs un niveau d’intensification supé- rieur plus dépendant des ressources extérieures mais permettant d’augmenter le gain de poids vif et ainsi de réduire la durée d’engraissement.

3. Evolution des émissions du troupeau bovin français

Le troupeau bovin s’est caractérisé par une augmen- tation de la spécialisation des races et des systèmes de production au cours des dernières décennies. La produc- tion de lait française a vu son nombre de vaches laitières diminuer considérablement ces dernières années (environ réduit de moitié en 30 ans), la production laitière natio- nale étant restée presque stable avec la mise en place des quotas et une augmentation de la production laitière par vache de plus d’une centaine de kg par an (PFLIMLINet al., 2009). Dans le même temps, la production de viande s’est faite de façon croissante sur le développement des races spécialisées (Charolaise, Blonde d’Aquitaine et Limou- sine), de plus en plus lourdes pour compenser la perte de production de viande par le troupeau laitier et la produc- tion de jeunes broutards pour l’exportation d’animaux en vif (PFLIMLIN et al., 2009). Cette spécialisation par la sélection et cette augmentation de productivité des animaux vis-à-vis de leur finalité a-t-elle eu un effet sur les émissions de GES ?Pour l’estimer, une analyse a été conduite par l’Institut de l’Elevage sur quatre cas types laitiers de plaine décrits dans le cadre des Réseaux d’éle- vage entre 1990 et 2010 (tableau 5). L’évolution technique des systèmes de production met en évidence cette aug- mentation de la productivité par vache couplée à une réduction du recours aux intrants azotés liée à l’optimi- sation de la fertilisation. Cette optimisation des systèmes laitiers s’est traduite par une réduction des émissions de GES des systèmes et une réduction de l’empreinte car- J.-B. Dollé et al.

TABLEAU4 :Empreinte carbone de la viandes en sys- tèmes naisseur et naisseur engraisseur de jeunes bovins.

TABLE4 :Carbon footprint of beef farming systems.

Type de système Naisseur Naisseur engraisseur

Nombre d'exploitations étudiées 160 60

Nombres de vaches allaitantes 86 94

Production brute de viande vive (kg vv/UGB) 289 365

SAU (ha) 127 129

Maïs/SFP (%) 2,5% 11,0%

Chargement (UGB/ha SFP) 1,1 1,5

Quantité de concentrés (tonnes/UGB) 0,5 0,82 Quantité d’azote minéral (kg N/ha SAU) 28 55 Empreinte carbone brute (kg CO2 eq/kg vv) 15,6 13,8 Stockage/déstockage de C (kg CO2 eq/kg vv) 7,4 3 Empreinte carbone nette (kg CO2 eq/kg vv) 8,2 10,8

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bone brute comprise entre 15 et 25 %. Ces travaux sont actuellement poursuivis afin de croiser ces évolutions positives des systèmes à l’évolution démographique des exploitations. Ces approches par filière, qui montrent des gains importants sur les émissions de GES avec la spé- cialisation et l’amélioration de la productivité des races bovines, corroborent les observations faites par CAPPERet al. (2009 et 2010). Ces approches ignorent cependant assez largement les problèmes liés à la coproduction du lait et de la viande largement mis en avant par CEDERBERG

et STADIG(2003). Des travaux ont en effet montré que les conclusions tirées de cette spécialisation à l’échelle de l’exploitation ou à des échelles beaucoup plus agrégées pouvaient être opposées du fait des difficultés de prendre en compte les problèmes de coproduction lait - viande dans les systèmes laitiers avec les méthodes d’allocation (ZEHETMEIERet al., 2012).

Pour étudier plus précisément la situation fran- çaise et les différentes options d’orientations de l’élevage bovin pour réduire les émissions de GES dans les inventaires nationaux, un modèle du cheptel national a été spécialement développé (PUILLET et al., 2012). En utilisant les bases de données françaises de l’identification des bovins et des données des abattoirs, une modélisation du fonctionnement et de la production du cheptel français a été réalisée en prenant en compte les différentes races avec leurs spécificités en termes de productivité et de carrière. Cette modélisation a ensuite permis de simuler à l’état stable les conséquences de plu- sieurs stratégies d’évolution du cheptel bovin en maintenant les mêmes productions de lait et de viande. Il en ressort que la poursuite de la spécialisation avec des races laitières plus productives (Holstein à 11 500 vs 7 500 kg par lactation) n’améliore pratiquement pas les émissions nationales de GES (- 0,5 %) si l’on admet que la productivité numérique par vache laitière diminuera (allongement probable des lactations et des intervalles vêlage - vêlage). Ceci est dû à l’augmentation importante de la taille du troupeau allaitant nécessaire pour garder le même objectif de production de viande. A l’opposé, le fait de substituer des races laitières spécialisées (Holstein dans la simulation) par des races plus mixtes (Normande) augmente légèrement les émissions de GES (+ 1 %) si l’on

continue de conduire l’essentiel des jeunes mâles en veaux de boucherie. Cependant, si l’on préfère les élever et les abattre plus âgés et plus lourds compte tenu de leurs aptitudes à faire de la viande, on observe une réduc- tion significative de - 4 % des émissions de GES du troupeau national au prix d’une réduction de l’offre de viande de veau.

Conclusion

L’élevage bovin est un contributeur important aux émissions de GES. Il doit procéder à l’évaluation de ses émissions puis construire un plan d’action afin de réduire sa contribution à l’effet de serre additionnel. Toutefois, il faut rappeler que l’élevage de ruminants possède la par- ticularité de pouvoir compenser jusqu’à 28 % les émissions nationales de GES grâce au stockage de car- bone associé aux prairies et aux infrastructures agro-écologiques (haies, bosquets...). Les évaluations conduites sur les systèmes de production français, notamment laitiers, font état d’une réduction de 15 à 25 % des émissions de GES entre 1990 et 2010 selon les systèmes. Elles montrent également une variabilité de l’empreinte carbone entre systèmes mais plus nettement une variabilité importante intrasystème, fonction du niveau d’optimisation des pratiques. Le différentiel observé, qui peut atteindre jusqu’à 30 % entre les sys- tèmes optimisés et les systèmes non optimisés, met en évidence les gains environnementaux potentiels. L’ana- lyse globale à l’échelle du système d’élevage, mais également de façon agrégée à l’échelle nationale, est cru- ciale afin de réaliser une évaluation exhaustive des émissions de GES du secteur, de l’empreinte carbone des produits et des complémentarités des élevages bovin lait et bovin viande.

Les mises au point méthodologiques en cours devront permettre à terme une détermination harmonisée de l’empreinte carbone. La reconstitution de séries tem- porelles passées et futures des pratiques culturales sous prairies et des systèmes de production, les composantes multiples intervenant dans la dynamique de stockage de carbone sous les sols prairiaux, l’amélioration des méthodes d’inventaire, les mécanismes d’allocation entre

VL Lait

(l/vache) Lait (l/UGB) SAU

(ha) SFP (ha) PP/

SAU (%) Concentrés

(g/l lait) Excédent N

(kg N/ha) kg CO2

brut/l lait Evolu- tion Plaine maïs (>30% de maïs et 17% PP dans la SFP)

1990 45 5900 4388 36 31 6% 242 184 1,1

2010 46 7826 5248 61 41 11% 254 77 0,9

Plaine maïs (>30% de maïs et 50% PP dans la SFP)

1990 22 6109 4135 24 19 45% 156 163 1,2

2010 42 7333 4702 50 26 25% 113 67 0,9

Plaine herbe-maïs (10 à 30% de maïs dans la SFP)

1990 45 5900 4248 36 31 6% 206 166 1,1

2010 50 7351 4865 61 37 18% 206 63 0,9

Plaine herbagers (<10% de maïs dans la SFP)

1990 28 4914 3343 27 27 100% 304 58 1,1

2010 50 5500 3503 50 50 100% 223 41 1,0 - 15%

- 25%

- 20%

- 20%

TABLEAU 5 : Evolution de l’empreinte carbone brute du lait de 1990 à 2010 pour des systèmes de production laitiers contrastés.

TABLE5 :Evolution of the gross carbon footprint tied to milk production from 1990 to 2010 for dif- ferent dairy systems.

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