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forment pas vraiment une série. Wolfgang Kirsch reconnaît lui-même que ni Paulin de Noie (avec ses panégyriques annuels en l’honneur de Félix de Noie), ni Prudence n’ont eu de successeurs directs. Le genre véritable est l’épopée biblique, dont la variante hagiographique n’est qu’un dérivé, ce qui oblige du reste l’auteur à rappeler en intro duction l’influence décisive de Juvencus (I 34-39) et à insérer une notice sur le Carmen paschale de Sedulius (II 285-300). Le fait que les poèmes hagiographiques aient habi tuellement un hypotexte et qu’ils soient parfois conçus comme premier ou second volet d’un opus geminum contribue à les éloigner du genre épique, tout comme la pratique (didactique) des intertitres en prose, qui se répand à partir de Bède.
On peut regretter d’autre part la place insuffisante accordée dans chaque notice à la transmission manuscrite (il n’y a pas en finale d'index codicum) et surtout au vocabu laire des poètes (l’index général, en dehors des titres, renferme moins de trente termes latins). Cela va à l’encontre de l’objectif de l’auteur, puisqu’une analyse serrée du voca bulaire adapté aux hexamètres illustrerait sûrement la dette majeure des poètes chrétiens à l’égard de l’épopée antique. Walter Berschin, dans l’ouvrage rappelé plus haut, avait multiplié les remarques lexicographiques, au point qu’il avait semblé utile d’en publier un index dans ALMA, 52, 1994, p. 253-280. Souhaitons que la continuation prévue par Wolfgang Kirsch accorde une place plus large aux questions de vocabulaire.
François Dolbeau
I. Velázquez, Latine dicitur, vulgo vocant. Aspectos de la lengua escrita y hablada en las obras gramaticales de Isidoro de Sevilla, Logroño : Fundación San Millán de la Cogolla, 2003, 631 p.
Les ouvrages de la Fondation San Millán de la Cogolla (dont le rôle est de promou voir les recherches sur les origines de la langue espagnole) étant très peu diffusés hors d’Espagne, il est important de faire connaître à nos lecteurs ce très bon livrel.
Le volume est divisé en deux parties bien distinctes : la première est une étude des œuvres grammaticales d’Isidore (Differentiae, Synonyma, Etymologiae), la seconde un glossaire des innovations lexico-sémantiques dans les Étymologies. À la suite de J. Fontaine et M. Banniard, L Velázquez cherche en effet à comprendre dans quelle mesure le témoignage d’Isidore peut nous éclairer sur la langue de son temps - car il s’agit bien alors d’une langue vivante. Elle se concentre donc sur les trois œuvres gram maticales du Sévillan, chacune offrant une approche différente du lexique : l’une s’inté resse plutôt à la propriété des termes (Differentiae), l’autre à la richesse du vocabulaire {Synonyma), et la dernière à sa signification et son origine (Etymologiae). Au terme d’une synthèse extrêmement dense, l’auteur éclaire ainsi la logique interne de ces trois œuvres et leur complémentarité.
La seconde partie analyse les néologismes des Étymologies, aussi bien les innova tions lexicales (termes attestés pour la première fois) que les innovations sémantiques
1 Deux autres livres de la Fondation San Millán de la Cogolla portent sur Isidore : J. C. Martin, La Renotatio librorum domini Isidori de Braulio de Zaragoza ( f 651 ). Introducción, edición crítica y traducción, Logroño, 2002 (dont j’ai rendu compte dans cette même revue, t. 61, 2003, p. 343- 345) ; et C. Codoñer Merino, Introducción al libro X de las Etymologiae : su lugar dentro de esta obra, su valor corno diccionario, Logroño, 2002.
CHRONIQUES ET COMPTES RENDUS 361 (mots existant déjà mais acquérant un nouveau sens). Les mots sont analysés non seule ment selon leur formation (dérivation, composition, emprunt), mais aussi selon le contexte dans lequel ils apparaissent (étude de la source utilisée par Isidore) et selon la forme qu’ils ont dans les manuscrits (problèmes de transmission textuelle). Plusieurs index (index des sources, des termes et des differentiae étudiés) facilitent la consultation de l’ouvrage.