• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Peinture et mouvement

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Peinture et mouvement"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

PEINTURE ET MOUVEMENT

Alain DUREY

G.R.D.S.O., Université Paris sud Pierre CASALEGNO Lycée E. Mounier Grenoble

MOTS-CLES: ART - PEIN1URE - MOUVEMENT - PROCES - PROJET.

RESUME: L'objet d'an porte son projet et son procés . Dans les relations qu'entretiennent l'art et

lemouvement on peut distinguer a qvers les oeuvres de Pollock, Duchamp, C. Y. Twombly, la part prépondérante du projet ou du procès

SUMMARY : The art object holds its own project and judgment. The predominant part of either the project or the judgment is shown by the relationship between art and movement, through Pollock's, Duchamp"s and C. Y. Twombly 's works.

(2)

172

"Il ne faut pas voir la réalité comme je suis" P. Eluard

Nous parlerons plus précisément de la peinture et du mouvement. Dans ces domaines artistiques, comme en sciences, on ne présente que le résultat d'un procèssus de création. En sciences, on parle de dépersonnalisation et de décontextualisation ; l'objet présenté est le fruit d'une reconstruction qui se dégage du processus de sa mise à jour. Il y a là un véritable travail de dissimulation des conditions de la production scientifique. On retrouve dans la production artistique un travail du même type, même si les finalités de l'opération sont différentes. L'objet d'art porte son procès et son projet. Il doit être interprété par le spectateur comme l'est une partition de musique par un musicien. Dans les relations qu'entretiennent l'art et le mouvement, on peut distinguer dans les différentes productions, la part prépondérante du projet ou du procès.

Dans une perspective unificatrice de l'artiste et du scientifique,F. DAGOGNET(1973(1») défend l'idée d'un travail commun de "reproduction-production" de l'univers : " (...) Pour nous l'art commence même ce que la science peut achever. S'il ne recourt pas aux mêmes moyens que la science -l'arme suprême de la cosmogènése- il parvient à un résultat tout à fait semblable: la capture de l'univers, qu'il réussit à enfermer à l'aide de quelques traits et par le jeu des couleurs. Mieux: non seulement il traduit le monde dans sa profondeur, mais il découvre ses "au-delà ", sa richesse, une multiplicité d'horizons qui l'amplifient et favorisent aussi son éclatement. Le tableau de M. Duchamp, " nu descendant l'escalier" 1912 (photographie 1 de l'annexe) a ceci de commun avec la science du mouvement dont elle s'inspire (Travaux de E.-J.Marey), c'est qu'il cherche à le représenter en se privant d'une composante fondamentale du mouvement: le temps". Pour Duchamp, la photographie instantanée, en s'affranchissant de la contrainte du temps, a créé une nouvelle sensibilité. L'image scientifique de Marey, non codifiée par des règles académiques, a semblé à l'artiste d'avant-garde un modèle de liberté qui lui tient un langage prometteur: le regard y perçoit un temps qui lui paraît réversible, qui n'est plus l'enveloppe de l'action mais l'objet même de l'étude, le sujet de la dissection. Reste à l'art à dépasser de tels modèles pour explorer d'autres "choses mentales"(E.-J.MAREY, 1984(2»). "Le temps de sa photographie (chronophotographie) n'est pas figé, ni restitué, ni reconstitué. Pas d'avant, pas d'après; seulement le pendant d'un déroulement de l'espace étalé, le temps d'écrire son nom, le temps d'un saut en hauteur, le temps d'un lâcher de pigeons. Réfutation du noir par le blanc, le temps tout simplement constitué". Pour voir plus loin, MAREY a traqué l'imprévisible, l'indiscernable, en des images plurielles où le sujet est à la fois lui-même et différent, où la forme s'épuise à trouver une identité fuyante et renouvelée. L'instantané, très rapide, produit encore sur l'observateur une impression paradoxale de déjà connu et de jamais-vu. Dans son tout dernier ouvrage"Lemouvement", MAREY en juge ainsi:"Lelaid ne serait-il que l'inconnu, et la vérité blesserait-elle nos regards lorsque nous la voyons pour la première fois? ". Dans cet exemple Duchamp-Marey, la relation peinture-mouvement est indirecte: elle est médiatisée par une représentation du mouvement à caractère scientifique.

Dans le projet commun que nous sommes en train de développer sur le volley-ball nous faisons un détour encore plus grand par la représentation du mouvement; celui-ci n'est plus directement lisible dans les traces scientifiques. Il est impératif de passer par un décodeur pour aller au-delà du

(3)

visible. Les représentations des mouvements des volleyeurs sont au niveau symbolique, au niveau de la signification scientifique. Les diagrammes représentent des espaces multidimensionnels de grandeurs cinématiques mises en correspondance dans le but de faire émerger un sens et dans le but de répondreà des questions ou de vérifier des hypothèses.

Côté procès, la peinture procède évidement du mouvement mais certains artistes ont plus particulièrement travaillé le geste, ont impliqué corporellement leur production. La trace produite, le tableau exposé, n'est en fait que le résultat d'un travail sur le geste, le résultat d'une gestuelle parfaite poussée àl'extrême dans différentes directions. Citons: Twombly, Pollock (phothographie 2 de l'annexe), Hartung. Le tableau n'est plus liéà une volonté de représentation du mouvement mais en est le produit, il ne veut pas suggérer le mouvement, mais il appelleà se représenter le mouvement qui l'a généré. Notre imaginaire est sollicitéàrebours, pour penser le mouvement qui l'a créé. L'image fonctionne en sens inverse de ce que la peinture occasionne le plus souvent:àsavoir une projection directe vers des représentations symboliques plus abstraites jusqu'aux concepts de beau par exemple. Ici, au contraire, on fait un détour par des représentations plus ancrées dans la réalité de la production, dans les principes de la gestuelle, en opérant des réductions symboliques qui magnifient ces actes: simplicité, primarité, force, générosité.

"De l'écriture, C. Y. Twombly garde le geste, non le produit. Même s'il est possible de consommer esthétiquementlerésultat de son travail (ce qu'on appelle l'oeuvre, la toile), même si les productions de Twombly rejoignent (elles ne peuvent y échapper!) une histoire et une théorie de l'art, ce qui est montré, c'est un geste. Qu'est-ce qu'un geste? Quelque chose comme le supplément d'un acte. L'acte est transitif, il veut seulement susciter un objet, un résultat; le geste, c'est la somme indéterminée et inépuisable des raisons, des pulsions, des paresses qui entourent l'acte d'une atmosphère (au sens astronomique du terme)". Techniquement l'oeuvre de Twombly semble se conjuguer au passé ou au futur, jamais au présent; on dirait qu'il n'y a jamais que le souvenir ou l'annonce du trait : sur le papier-àcause du papier-le temps est en perpétuelle incertitude"(BARTHES, 1982(3). Twombly dit à sa manière que "l'essence de l'écriture, ce n'est ni une forme ni un usage, mais seulement un geste, le geste qui la produit en la laissant traîner: un "brouillis", presque une salissure,une négligence. Réfléchissons par comparaison. Qu'est-ce que l'essence d'un pantalon (s'il en a une) ? Certainement pas cet objet apprété et rectiligne que l'on trouve sur les cintres des grands magasins; plutôt celte boule d'étoffe chue par terre, négligement, de la main d'un adolescent quand il se déshabille, exténué, paresseux, indifférent. L'essence d'un objet a quelque choseàvoir avec son déchet : non pas forcément ce qui reste après qu'on en a usé, mais ce qui est jeté hors de l'usage. Ainsi des écritures de Twombly. Ce sont les bribes d'une paresse, donc d'une élégance extrême; comme si, de l'écriture acte érotique fort, il restait la fatigue amoureuse: ce vêtement tombé dans le coin de la feuille. "

Notre projet d'exposition sur le volley participe encore d'une autre approche des rapports de la peinture et du mouvement. Elle pourrait se rapprocher des travaux de Velicovick sur l'Homme, de Muuybridge ou de ceux de A. Reiner sur les dessins d'H. Michaux. Il s'agit de superposer des traces du mouvement en passant éventuellement par des représentations scientifiques de ces mouvements (photographie 3 de l'annexe). La trace, sur la trace du mouvement... Les couches successives de sens se stratifient sur la toile comme des couches géologiques parfaitement datées. La perception par

(4)

étape réintégre la dimension temporelle perdue aussi bien dans le contenu (le mouvement) que dans le processus. Cette façon de travailler recouvre en partie l'analyse faite par B Latour du travail des scientifiques "La plupart des coups de génie, les éclairs de génie que l'on impute soit aux neurones des chercheurs, soit à la "cognition", peuvent s'expliquer par cette proximité sur les tables du laboratoire de traces recombinées ". Elle intégre aussi le passage des traces comme objet aux traces comme sujet.

BIBLIOGRAPHIE

(1)DAGOGNET (p.), 1973. -Ecriture et iconographie.Paris (2)MAREY (E.-J.), 1984. - Centre national de la photographie. Paris. (3)BARTHES (R.), 1982. -L'obvie et l'obtus.Ed. du Seuil, Paris.

(5)

ANNEXE

Photographie 1. "Nu descendant l'escalier" M. Duchamp

(Document scolaire de l'Ecole de Paris)

Photographie 2. "Autumn rhythm" J. Pollock

(6)

ANNEXE (suite)

Références

Documents relatifs

En conclusion, c’est à chaque équipe aussi et surtout de construire son propre projet de service, car cela fait partie de la démarche de bientraitance que de concerner chaque agent

La particularité du raisonnement clinique en médecine d’urgence préhospitalière, comprenant des contraintes de temps avec nécessité de résultat, fait que le processus non

Les assurés avaient donc la possibilité, moyennant des pénalités ou décotes plus ou moins importantes, de liquider leurs droits avant l’âge d’obtention d’une pension complète

– l’intoxication est certaine mais le toxique n’est pas connu ; un screening orienté par le tableau clinique (toxidrome) et adapté à la recherche des substan- ces les plus

- La Concentration Alvéolaire Minimale (CAM) diminue avec l'âge : la concentration moyenne de sévoflurane nécessaire pour atteindre la CAM chez une personne de 80 ans est

De  la  même  façon,  les  indicateurs  hémodynamiques  basés  sur  les  interactions  cardiorespiratoires  (telle  la  variation  du  volume 

correction des apnées, de l’architecture du sommeil, des désaturations en oxygène. Mais : la correction des désaturations est moins bonne que chez les