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[Note bibliographique] : Une déconstruction du Chan

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Cahiers d'Extrême-Asie

Une déconstruction du Chan

Hubert Durt

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Durt Hubert. Une déconstruction du Chan. In: Cahiers d'ExtrêmeAsie, vol. 6, 1991. Numéro spécial Chamanisme coréen -Special Issue on Korean Shamanism. pp. 217-219;

https://www.persee.fr/doc/asie_0766-1177_1991_num_6_1_985

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UNE DECONSTRUCTION DU CHAN Hubert Durt

Bernard Faure, The Rhetoric of Immediacy: A Cultural Critique of Chan/Zen Buddhism, Princeton University Press, 1991.

Cet ouvrage inaugure une nouvelle étape dans l'étude du bouddhisme Chan. Il prend le Chan dans son ensemble — ou, à tout le moins dans une grande variété d'aspects, susceptible d'être encore étendue — et le soumet à une critique de "déconstruction". Tant dans son discours que dans sa pratique, le Chan apparaît, dès le début de son évolution, comme un mouvement "surdéterminé" et donc particulièrement propice à une critique de ce type.

Surdéterminé, ce mouvement est loin d'être univoque. Il est au contraire extrêmement complexe et le reste aujourd'hui puisque des idéologies aussi bien japonaises qu'occidentales essayent de l'investir à nouveau. Si l'on remonte aux origines, encore insuffisamment explorées, du Chan, nous trouvons le courant, très multiple lui aussi, du Grand Véhicule.

C'est au Chan "classique" en Chine et au Japon que B. Faure consacre son enquête, ciblée sur la tension, le "différend", existant entre une idéologie affichée de la transcendance et de l'immédiateté et une idéologie camouflée de la médiation et de ce que l'auteur appelle T'immanence thaumaturgique". Devant ces tendances contradictoires, on a envie de donner au Chan les qualificatifs "énorme et délicat" appliqués au Moyen- Age occidental. Rien d'étonnant à cela, car le Chan s'est développé au confluent d'un immense bouddhisme arrivé à maturité et d'une non moins immense civilisation chinoise, à laquelle il faut ajouter les particularités culturelles de la Corée et du Japon, qui influencèrent également son évolution. On trouvera donc dans cette enquête des références à des vols de reliques (furta sacra ), à des sépultures sanctifiées (ad sanctos ) et autres réalités historiques chères aux

médiévistes. Sur chacun des aspects du Chan et du Zen, entrant en ligne de compte dans le présent ouvrage : de la thaumaturgie au rituel, en passant par les nouvelles conceptions des reliques, des images, de la mort, des rêves, de la sexualité, des divinités populaires et locales, l'auteur fait preuve de connaissances très étendues et d'une captivante autorité.

Revenons au sens originel du terme Chan qui a trait à la méditation. Nous savons qu'il reste beaucoup à faire sur les antécédents de cette méditation, les états et les méthodes originaires de l'Inde et de l'Asie centrale qui comprennent le dhyâna, le terme sanskrit dont Chan est la transcription, mais aussi les samâdhi, les bhâvanâ, le samatha, les vipaéyanâ, etc. D'autre part, on retrouve des pratiques chinoises, et

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plus particulièrement taoïstes, de transes et d'extases, relevant elles aussi d'une méditation ritualisée. Dans les deux cas, il faut tenir compte de la visée sotériologique de ces méditations, qui permettent notamment l'acquisition de pouvoirs spirituels et thaumaturgiques. Pour le Chan classique qu'il étudie, B. Faure s'était soigneusement préparé à l'enquête d'ensemble donnée dans le présent ouvrage. Dans ses publications, plusieurs articles monographiques sur des questions du Chan chinois, du Son coréen et du Zen japonais voisinent avec des traductions de textes chinois et japonais. Parmi celles-ci, on relève le Traité de Bodhidharma (Paris, Le Mail, 1986), un de ces courts traités (parfois dénommés sùtra, et que, dans le cas du traité en question, B. Faure a appelé avec raison "anthologie") qui furent les premiers témoignages d'une doctrine autonome Chan en Chine, avant les recueils de propos (yulu) qui ont davantage été traduits en langues occidentales.

En outre, dans deux ouvrages qui font date, B. Faure a dégagé le terrain pour la présente enquête en explicitant l'histoire de la controverse entre subitisme et gradualisme qui a définitivement marqué l'école du Chan au VIIIe siècle. La volonté d'orthodoxie dans le bouddhisme chinois (Editions du C.N.R.S., Paris, 1988) est un ouvrage centré sur l'Ecole du Nord et sur celui qui fut présenté comme son fondateur, Shenxiu W^r (606-706). La fécondité de l'Ecole du Nord a été occultée par le triomphe de l'Ecole du Sud, mais elle a essaimé aux marges de la Chine, en Corée et, à deux reprises, au Japon. Par l'appartenance à la tradition de Paul Demiéville, par l'ampleur de l'information et aussi, malheureusement, par sa présentation typographique trop compacte, l'ouvrage de B. Faure rappelle le classique d'Erik Zùrcher, The Buddhist Conquest of China. Il n'en prend pas le relais, car il nous manque toujours une présentation globale du bouddhisme de la période depuis la fin des Six Dynasties jusqu'au début des T'ang.

Complétant La volonté d'orthodoxie par la présentation et la traduction d'un document de Dunhuang, pièce éclairante pour le dossier de la controverse entre Ecoles du Nord et du Sud, Le bouddhisme Ch'an en mal d'histoire : Genèse d'une tradition religieuse dans la Chine des T'ang (Publications de l'E.F.E.O. CLVIII, Paris, 1989) est centré sur le "Mémoire sur les Maîtres et Disciples [de l'Ecole] du Lanka- [avatâra-sûtraY Lengqie shiziji ^MftîftgË de Jingjue M; (683-env.750).

L'intérêt des travaux de B. Faure et son triple ancrage dans les études du Chan/Zen au Japon, aux USA et en France avaient décidé Anna Seidel à lui confier le prochain Cahier d'Extrême-Asie, qui sera précisément consacré au Chan/Zen et sera dédié à YANAGIDA Seizan #P EH 55 III, le pionnier de la "reconnaissance" de l'Ecole du nord et d'une appréciation nuancée de la querelle du gradualisme et du subitisme.

Dès que se dégage la physionomie propre au Chan, la question cruciale de la vision immédiate se pose. La controverse entre les deux Ecoles lui a donné un relief particulier. A vrai dire, on reconnaît dans ce souci d'immédiateté l'exigence mystique d'absolu et d'unité qui se manifeste par l'abolition de l'espace (tout est dans tout) et du temps (subitisme, refus de médiation, quiétisme). Il est assez caractéristique que la controverse a réduit la réalisation, c'est-à-dire l'illumination bouddhique, au rôle

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Une déconstruction du Chan 219 de dérivé, de by-product.

Ce en quoi excelle B. Faure, c'est le décodage de la surenchère (c'est un peu le sens qu'a ici "rhétorique") selon laquelle plus se radicalise la doctrine de la vision ou de l'illumination immédiate, plus se multiplient les alibis et les expédients qui contredisent la radicalisation mise en exergue. Le "différend" est multiple et ininterrompu.

B. Faure nous donne une déconstruction du Chan qui pourrait sans doute être étendue au bouddhisme ancien (âtman et anâtman) et à ce que La Vallée Poussin appelait les balançoires du Madhyamaka. Hélas, pour ces doctrines antiques, nous ne disposons pas des matériaux sur la pratique rituelle ou tout simplement culturelle, vivante encore aujourd'hui, qui font la richesse et je dirais même l'agrément d'un livre

où le Chan est parfois mis à nu de façon bien divertissante.

S'il s'agit d'un ouvrage iconoclaste sur des prétendus iconoclastes, il ne s'agit assurément pas d'un procès du Chan, même s'il est inévitable que le présent livre fasse grincer les dents à quelques-uns. Plutôt que de démystification, je préférerais parler de "dé-idéalisation". D'une certaine manière, le Chan sort plus humain de ce décodage d'idéologies affichées et camouflées.

L'ouvrage ne suit pas un parcours chronologiquement historique. Il procède thématiquement par une collecte de cas typiques puisés dans l'histoire du bouddhisme chinois et japonais. Il ouvre la voie. On peut s'attendre à ce qu'il stimule de nouvelles recherches soit pour approfondir celles qui sont commencées dans le présent livre soit pour enquêter sur des sujets connexes à ceux qui y sont introduits.

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