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Le rôle des organisations panafricaines dans la gestion des ressources naturelles en Afrique subsharienne

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Academic year: 2021

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(1)

LE RÔLE DES ORGANISATIONS PANAFRICAINES DANS LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES EN AFRIQUE SUBSHARIENNE

MEMOIRE PRESENTE

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAITRISE EN SCIENCE POLITIQUE

PAR EKRA MARJORIE

(2)

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.1 0-2015). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède

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de loin à la rédaction de ce mémoire. Je tiens à m'adresser plus spécifiquement à mon père qui a donné beaucoup de son temps à m'aider dans mes recherches ainsi qu'à la rédaction. Je remercie aussi la Banque africaine de développement, notamment MR Sibry Tapsoba, qui m'a donné l'opportunité d'accéder à toute la documentation nécessaire lors de mon stage au sein du département des Etats fragiles. Mon professeur Issiaka Mandé pour sa patience, sa disponibilité et son encadrement.

Pour finir, une pensée particulière à mon copain Russell qui a su rn 'apporter le soutien et la motivation tout au long de ce travail.

(4)

TABLES DES MA TIERES

REMERCIEMENTS ... i

ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ... v

RESUME ... vi

INTRODUCTION ... ! Cadre théorique ... 6

Méthodologie ... ! 0

CHAPITRE I ... 14

L'EXPLOITATION ILLICITE DES RESSOURCES NATURELLES: CONSEQUENCE DE L'ABSENCE D'UN REGIME FONCIER APPROPRIE.14 1.1. Les ressources naturelles en Afrique de 1 'Ouest ... 14

1.1.1. Une mauvaise répartition : conséquence de l'époque coloniale ... 14

1.1.1.1 La répartition coloniale du territoire ouest-africain ... 14

1.1.1.2. Les migrations coloniales de travail ... 18

1.1.2. L'abondance des ressources naturelles en Afrique de I'Ouest.. ... 20

1.1.2.1 Le caractère paradoxal de l'abondance des ressources ... 20

1.1.2.2. La malédiction des ressources naturelles ... 24

1.2 Les régimes fonciers en Afrique de l'Ouest et l'absence de notion de propriété ... 34

1.2.1 :définition des régimes fonciers en Afrique de l'Ouest. ... 34

1.2.2 L'absence de régime foncier approprié en tant que cause et conséquence de la guerre: le principe de bonne gouvernance ... 37

1.2.2.3 La décentralisation ou la privatisation : un nouveau mode de gouvernance envisagé ... .42

CHAPITRE I ... 44

CONCLUSION ... 44

CHAPITRE II : ... 46

LE RÔLE DES ORGANISATIONS INTERNA TI ON ALES DANS LA RÉSOLUTION DES CONFLITS LIES AUX RESSOURCES NATURELLES .46 2.1. La responsabilité des institutions dans la résolution des conflits armés ... .46

(5)

2.1.1. Les différents acteurs et leur rôle dans l'apparition des conflits armés .

... 46

2.1.1.1. L'implication de la communauté internationale dans le redressement de l'économie africaine ... .46

2.1.1.2. Le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles reconnues par I'ONU ... 47

2.1.2. La mission de résolution de la paix : des résultats peu concluants dans le domaine des ressources naturelles ... 50

2.1.2.1 Une mission compromise par les conflits ... 50

2.1.2.2. L'aggravation des conflits et' de la pauvreté par l'aide internationale ... 53

2.1.3. Le cas de la Banque Africaine de Développement. ... 56

2.1.3. 1. La Banque ... 56

2.1.3.2. Le Centre Africain des Ressources Naturelles (CARN) ... 58

2.1.3.3. Le département des États fragiles et la lutte pour la paix et la résilience ... 60

2.2. Les différents plans mis en place par les OI et les sanctions nécessaires au respect des réformes ... 63

2.2.1. Les différents plans réformateurs envisagés par la communauté internationale: les processus de Praia et de Kimberley ... 63

2.2.1. 1 Le processus de Praia ... oo .... oo ... 64

2.2.1.2 Le processus de Kimberley ... oooo ... oo .... oo .... oooooooooooooooooo .... 66

2.2.1 .3. Les autres acteurs influents pour la résolution des conflits 0000000067 2.2.2 La nécessité de réformes législatives et de sanctions reconnues pour faire respecter ces plans .. oo .... oo .. oooooo ... oo .. oooooooooooooooooooooooooooo ... 73

2.2.3. La décentralisation :solution reconnue et retenue par le système international pour résoudre la mauvaise gestion des ressources naturelles ... 75

CHAPITRE II 00 ... 000 ... 0000 000 00 ... 00.00. 000 00.00. 00000.0000 .. 000. oo ... 00.000 00.00 00.78 CONCLUSION ... ooooooo···oo···oo ... oo ... oo ... oo ... oo ... ooooooooooooooo ... 78

CHAPITRE III ... 00 ... 00 ... 00.00 00 .. 00 ... 00.00 .. 00.00 .. 00.00. 00.00 ... 00 ... 00 ... .' ... 00 ... 80

ETUDE DU CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE : LA CRISE D'TVOIRITE ET LE SYSTEME FONCIERoo.oooooooooooooooooooo ... oo .. oo.ooooooooooooooooooooo····oo·oo···oo··oo···oo···oo····80

(6)

d'Ivoire ... 81

3.1.1. Le concept d'ivoirité et la crise identitaire ... 81

3.1.2. Coexistence des droits fonciers administratifs et coutumiers ... 88

1.2.1. Les plans fonciers ruraux (PFR) ... 90

1.2.2. La loi foncière de 1998 ... 91

3.2. La situation post-conflit en Côte d'Ivoire: une ère de progression ... 97

3 .1.1. Le renforcement des capacités de gestion des différends fonciers et des ressources renouvelables au plan interne ... 97

3 .1.2. Le renforcement des capacités institutionnelles de gestion des ressources au plan international ... ] 00

CONCLUSION ... 103 CONCLUSION GENERALE ... 1 05 ANNEXES ... 1 09 Annexe 1 ... 1 1 0 Annexe 2 ... 111 Annexe 3 ... 112 Annexe 4 ... 113 BIBLIOGRAPl-llE ... 114

(7)

ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

BAD ou AFDB : Banque Africaine de Développement BM : Banque Mondiale

CARN: Centre Africain des Ressources Naturelles

CEDEAO: Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest DSP : Document Stratégie Pays

FAO: Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture FNCI: Forces Nouvelles de Côte d'Ivoire

NEP AD : Nouveau partenariat pour le développement de 1 'Afrique 01 : Organisations Internationales

ONU: Organisation des Nations-Unies

ORTS :Département des Etats fragiles de la BAD PFR : Plans Fonciers ruraux

PMR : Pays Membres Régionaux de la BAD

PNUD: Programme des Nations- Unies pour le Développement PNUE: Programme de Nations Unies pour l'Environnement RN: Ressources Naturelles

SD : Stratégie Décennale de la BAD UA : Union Africaine

(8)

RESUME

Ce mémoire a pour objet d'analyser le rôle des institutions panafricaines dans la gestion des ressources naturelles en Afrique subsaharienne.

L'Afrique de l'Ouest est considérée comme« maudite» au regard de l'abondance de ses ressources naturelles. Cette abondance est la cause de son frein alors qu'elle devrait être la raison de son essor. L'exploitation illicite des ressources naturelles en territoire de conflit armé représente un phénomène inquiétant pour la communauté

internationale, et certainement un enjeu incontournable dans l'analyse de certains conflits actuels.

La recherche s'interroge aussi sur les principaux facteurs d'évolution de la question foncière en Afrique de l'Ouest: c'est à dire de l'impact des exploitations agricoles et de l'exploitation des ressources naturelles sur le foncier.

Les objectifs centraux du mémoire sont d'une part, d'établir un lien de cause à effet entre mal gouvernance des ressources/des terres et conflits armés notamment en prenant l'exemple de la Côte d'Ivoire et de la crise identitaire liée aux questions foncières. Et d'autre part, de voir comment la communauté internationale s'implique dans la résolution de la paix et quelles solutions propose-t-elle.

De plus en plus de mécanismes sont mis en place par les organisations panafricaines, lesquelles déboursent des sommes astronomiques pour mettre fm aux conflits et faire évoluer le développement; cependant, aucun mécanisme de contrôle des États membres ne s'est montré efficace, ni même durable. La présente recherche tentera de démontrer la pertinence de ces approches, tout en essayant de trouver des solutions.

MOTS-CLÉS : Organisations Internationales, ressources naturelles, droits fonciers, conflits.

(9)

INTRODUCTION

L'Afrique subsaharienne en général renferme des ressources précieuses faisant la fierté du continent. Les ressources naturelles se définissent de manière générale comme un ensemble formé par la nature et les modes préindustriels d'exploitation de celle-ci. Il existe différents types de ressources naturelles et le groupe d'experts des Nations-Unies les divise par catégories. Il existe premièrement des ressources non renouvelables, comme les minéraux, le pétrole, le gaz, la terre, la foresterie et les ressources marine, qui sont aussi des ressources extractives et deuxièmement, les ressources renouvelables comme les produits agricoles. 1 En Afrique occidentale en particulier, les ressources naturelles constituent un élément central pour la survie des populations rurales.2 L'utilisation de ces ressources est encadrée par les normes et les coutumes locales. Celles-ci orientent totalement la manière dont les ressources sont gérées. Cependant, cette gestion qui a tendance, à être mauvaise, peut être nuisible lorsque dans le cas présent elle est combinée à la pauvreté. Ainsi, face à cette pauvreté et à la difficulté à trouver d'autres formes de revenus, des groupes armés sont incités à s'emparer de ces ressources en prenant le contrôle des territoires ou en expropriant violemment les populations.3

Les ressources naturelles ont un rôle important dans l'émergence des conflits armés en Afrique de l'Ouest. Cette question de conflits causés par les ressources naturelles sera le cœur de cette recherche. L'Afrique de l'Ouest est considérée comme

«maudite» au regard de l'abondance de ses ressources naturelles. Nombre de pays

1

Hellendorff, B. (2012). Ressources naturelles, conflits et construction de la paix 2

Roe et Dilys. (2009).Gestion communautaire des ressources naturelles en Afrique : impacts, expériences et orientations futures. Institut international pour

l'Environnement et le Développement (FIIED) 3

PNUE. (2009). Du conflit à la consolidation de la paix : le rôle des ressources naturelles et del 'environnement. Rapport du programme des Nations-Unies pour l'environnement. Février

(10)

connaissent actuellement des problèmes de développement liés à l'utilisation non durable des ressources naturelles et à la répartition du produit de l'exploitation de ces richesses naturelles. La malédiction des ressources est une théorie selon laquelle la présence de grandes quantités de ressources naturelles dans un pays, par rapport aux autres sources de revenus, conduit à des effets sociaux, politiques et économiques négatifs plutôt qu'à des effets positifs. A la fin des années 1990, l'étude de Jeffrey Sachs et Andrew Warner sur« l'abondance des ressources naturelles et la croissance économique» a examiné quatre-vingt-dix-sept pays sur une période de dix-huit ans de

1971 à 1989 et fait le constat que les États qui exportaient beaucoup de ressources naturelles connaissaient une croissance économique anormalement faible par rapport à d'autres pays4. Néanmoins, cette théorie est à discutable puisque ce n'est pas le trop plein de ressources naturelles qui est problématique mais plutôt l'usage que l'homme en fait. Tout au long du vingtième siècle se sont succédées des guerres civiles, toutes en rapport avec les ressources naturelles et la gestion des terres. Qu'il existe ou non une relation de cause à effet entre le déclenchement des conflits et les ressources naturelles, celles-ci peuvent contribuer à entretenir et à alimenter la violence. Ainsi, la relation entre ressources naturelles et conflits peut être illustrée par les guerres civiles de la Sierra Leone, du Liberia ou encore de la Côte d'Ivoire. En Sierra Leone, par exemple, la guerre fut en partie déclenchée par un groupe armé cherchant à

s'approprier l'exploitation de diamants. Ainsi, les ressources de grande valeur comme le pétrole ou les diamants peuvent notamment être utilisées pour générer des revenus servant à financer les forces armées et à acquérir des armes. La Sierra Leone a été purement et simplement une extension de la guerre civile du Liberia. Les incitations économiques liées à la présence de ressources précieuses dans ces deux pays ont longtemps empêché la résolution des conflits et ont nui à la paix. C'est dans les années 2000 que le Conseil de sécurité a pu mettre en place un embargo visant à contrôler le commerce illicite des diamants de guerre.5 Dans le cas de ces pays, plus la perspective

4 Christophe, V. (20 12). La malédiction des ressources naturelles : une question de dépendance ou de dispersion ? Mémoire. Université du Québec à Montréal 5

Hellendorff, B. (20 12). Ressources naturelles, conflits et construction de la paix en Afrique de l'Ouest. Groupe de recherche et d' infonnation sur la paix et la sécurité

(11)

d'un accord de paix semble proche, plus les personnes ou les groupes susceptibles de perdre l'accès aux revenus tirés de l'exploitation des ressources risquent d'agir pour empêcher la restauration de la paix. Ainsi, en Afrique de l'Ouest, le conflit n'est pas statique, il évolue en fonction du contexte environnemental, mais aussi politique.

Parallèlement au lien de cause à effet entre conflits et exploitation des ressources naturelles, il existe les conflits liés à l'appropriation des terres, c'est-à-dire la question foncière. Le foncier peut être considéré comme un rapport social, car il renvoie aux relations qui s'établissent entre les hommes à propos de l'accès à la terre et aux ressources naturelles. La gestion des terres et des ressources naturelles est bien un problème majeur en Afrique de l'Ouest. La plupart des pays de la région

ouest-africaine ont du mal à gérer leurs terres et à les exploiter, ce qui est souvent à l'origine des conflits. En Sierra Leone, tout comme en Côte d'Ivoire, la question de

l'appropriation des terres est primordiale. La question foncière constitue un enjeu économique, social et politique majeur parce qu'elle défmit les droits sur la terre, la façon de les gérer, et les règles de répartition des terres entre les acteurs. La question foncière est le préalable à la gestion des ressources naturelles d'un pays, précisément en Afrique, continent sur lequel le droit de propriété est presque inexistant. Le régime foncier est presque toujours à l'origine de la mauvaise répartition des ressources et aussi des conflits armés liés à la répartition des terres. Selon Belloncle (1982), les droits fonciers et l'appropriation ne sont pas une pratique dans le système juridique africain.6 En effet, on peut même appuyer ce propos en citant Lund (200 1) qui affirme que « la propriété est non africaine par nature>/. La notion de propriété au sens occidental n'existe pas en Afrique de l'Ouest selon ces auteurs. Les terres appartiennent à une communauté et sont inaliénables. Ainsi, la question de

l'accaparement des terres est tout en lien avec les ressources naturelles causant des

6 Belloncle, G. (1982). La question paysanne en Afrique noire. Paris, Karthala. 7

Lund, C. (200 1 ).Régimes fonciers en Afrique : remise en cause des hypothèses de base. liED. Consulté sur http://pubs.iied.org/pdfs/901 9IIED.pdf

(12)

conflits, puisque du fait des coutumes locales, la gestion des terres n'est aucunement régulée par le droit et la loi. Seules les pratiques ancestrales et ethniques sont prises en compte, ce qui entraîne souvent des conflits entre les populations rurales. La

répartition ethnique ou plutôt communautaire du territoire et de ces ressources définit la gestion de la terre. Cependant, à la lecture des rapports de différentes institutions internationales, il semblerait que le principal problème de la gestion des terres et des ressources naturelles se trouverait dans la bonne gouvernance. La transparence et la bonne gouvernance sont perçues en Afrique par le système international comme deux exigences fondamentales à une gestion durable des terres et des ressources naturelles.8 En effet, les organisations internationales tentent de participer à la résolution de la paix dans cette région en mettant en place différentes mesures dont les programmes

d'ajustements structurels. Ainsi, les programmes d'ajustements structurels ont été mis en place par le Fond Monétaire International en collaboration avec la Banque

Mondiale afm de soumettre la plupart des pays d'Afrique subsaharienne à une

meilleure gouvernance et à une plus forte implication des acteurs non étatiques dans la gestion des affaires publiques. 9

Les organisations internationales sont alors devenues des acteurs très importants dans la résolution des conflits en Afrique de l'Ouest. Dans cette région, l'institution omniprésente est la Banque Africaine de Développement (BAD). La BAD en collaboration avec l'ONU et ses institutions spécialisées, la Banque Mondiale ou encore l'Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) mettent en place des programmes d'actions afin de faire régner la paix dans les pays en difficulté. En effet, la BAD (ou la Banque) a même créé à cet effet un département

8

AFDB. (2014). De la .fragilité à la résilience: gestion des ressources naturelles dans les Etats .fragiles africains. Rapport sommaire. Groupe de la Banque Africaine de Développement.

Voir aussi Idelman, E, Marie, J. (201 0). La décentralisation en Afrique de l'Ouest: une révolution dans les gouvernances locales? Juin/Aout 201 O. Revue EchoGeo. Consu !té sur https:/ /echogeo.revues.org/1200 1

9 Roe, et Dilys. (2009). Gestion communautaire des ressources naturelles en Afrique: impacts, expériences et orientations futures. Institut international pour

(13)

spécialisé pour les États fragiles en situation de guerre ou sortant de conflit afin de les aider à consolider la paix10• Ce mémoire est alors une occasion pour étudier le rôle prédominant de la Banque et vérifier si les résultats sont concluants ou non. Il convient de constater que la question des ressources naturelles est tout de même prédominante dans l'étude de la Banque et du système international en général ; cependant, les mécanismes mis en place et les méthodes ne sont pas toujours très productifs.

La question de recherche est de savoir quel est le rôle des organisations internationales dans la résolution des conflits civils causés par la mauvaise gouvernance des

ressources naturelles ? Au regard de cette problématique sera défmi le rôle des

ressources naturelles dans la naissance et l'amplification des conflits, mais, aussi celui des organisations internationales dans la résolution des conflits. Suite au caractère descriptif de la situation, il conviendra tout de même d'élaborer des pistes de solution. La principale solution qui ressort de l'étude est le phénomène de décentralisation. Nous aborderons ainsi ce sujet en évoquant différentes hypothèses. La première est l'élaboration d'un lien de cause à effet entre l'exploitation illicite des ressources naturelles et les conflits violents. Ainsi, nous soulignons la mauvaise gouvernance des ressources naturelles comme cause des conflits engendrés par les ressources naturelles. La BAD et les institutions cormexes soulignent la nécessité d'une bonne gestion et d'une bonne gouvernance des terres et des politiques foncières pour envisager une paix de façon continue. Nous relèverons ainsi que le continent africain est submergé de ressources naturelles qui devraient en faire sa richesse et mener au développement. Cependant, cette abondance de ressources naturelles est exploitée difficilement et chaotiquement par les populations, mais aussi par les responsables politiques. Nous pourrons ainsi voir que« développement » et« propriété privée » ne font p.as bon ménage sur le continent, ce qui mène directement aux conflits sanglants. L'absence de propriété privée dans la région ouest-africaine et donc l'absence de droit et de loi

lO AFDB. (2014). Stratégie du groupe de la Banque africaine de développement pour remédier à la fragilité et renforcer la résilience. Département d'appui à la transition

(14)

foncière respectable est clairement la cause et la raison de la discordance au sein des politiques africaines. Nous verrons le cas de la Côte d'Ivoire et de sa politique foncière plus ou moins bancale11• Cette hypothèse permet alors d'aller directement à la seconde hypothèse qui consiste à l'élaboration de pistes de solutions telles que le phénomène de décentralisation. La décentralisation s'explique comme un moyen permettant de faire participer la population civile locale à la gestion des terres et à la régulation des titres fonciers 12• La communauté internationale considère la décentrai isation comme la seule et unique solution pour une meilleure gestion des terres. Elle permettra de légitimer les possessions et surtout d'encadrer et régulariser l'exploitation des terres et des ressources. La troisième et dernière hypothèse est l'idée selon laquelle, dans un certain sens, les différentes aides internationales alimentent les conflits liés aux ressources naturelles. Cela pourrait s'expliquer par leur intervention indirecte dans la résolution des conflits. Parfois les fonds débloqués ne sont pas utilisés à bon escient. Il s'agirait de démontrer si le contrôle par ces OJ donne vraiment des résultats, s'il y a un suivi régulier dans leur mission de développement et surtout de démontrer les résultats actuels.

Cadre théorique

Les causes et les conséquences du phénomène de mauvaise gestion des terres et des ressources naturelles sont multiples et touchent à plusieurs objets qu'on peut aborder grâce à la science politique, dont: l'État, la population, les gains de puissance, le développement, la coopération et les organisations internationales, etc. La

compréhension des conflits liés aux ressources naturelles passé par l'analyse de la

11 Chauveau, J-P. (2000). Question foncière et construction nationale en Côte d'Ivoire. Politique Africaine. Vol2 n°78

12 Delville, P-L. (2012). Condition pour une gestion décentralisée des ressources naturelles. En ligne sur HAL. Archives-ouvertes.fr

Voir aussi: Ribot, J. (2002). La décentralisation démocratique des ressources naturelles. Institutionnaliser la participation populaire. P-24 Institut des ressources mondiales. WRI

(15)

propriété de la terre en tant qu'élément de pouvoir. Posséder et exploiter de façon exclusive les terres sont pour les puissances étatiques et les groupes armés source de pouvoir. En effet, en Afrique, contrôler la terre et ses éléments revient à contrôler les moyens d'existence d'une grande majorité de la population. Les cultures et leurs communautés sont alors touchées. Ce contrôle et cette puissance excessive incitent la communauté internationale à encadrer les États dans la régulation de la terre et des droits qui s'y rapportent. Les théories du néolibéralisme et du néoréalisme permettront de comprendre le sujet.

Le néo-libéralisme est un concept qui apparaît après la Seconde Guerre mondiale. C'est dans ce contexte-là que naît une croissance des compétences des organisations intergouvernementales. La théorie du néo-libéralisme s'oppose à celle des néo-réalistes et se base sur deux postulats: premièrement, le rôle des institutions

internationales est très important, par opposition au néo-réalisme qui ne considère que les Etats comme acteurs principaux dans un système anarchique.13

Pour les néo-libéraux comme Gilpin c'est l'asymétrie des puissances qui garantit l'ordre.14 Ainsi, cette théorie nous permettra de comprendre et répondre aux questions que l'on se pose sur le rôle et le comportement des institutions panafricaines dans la

gestion et la préservation des ressources naturelles comme arme de paix.

Deuxièmement, les États agissent en fonction de leurs intérêts. Le soft Power est une notion selon laquelle :

«La puissance d'un État ne se définit pas que par la capacité matérielle, mais aussi, et surtout par la capacité d'atteindre ses buts par attrait, c'est-à-dire par la culture, ou encore les idéaux politiques. Cette capacité prend en compte les compréhensions subjectives des Êtres humains1J. »

13 Desrosiers, Marie-Eve. (2010). Le néolibéralisme. Dans Théories des relations internationales, contestations et résistances, 2e Edition revue et augmentée, CEPES, Athéna Editions : 154-175

14 Ibid.

15 Macleod, A. (20 1 0). Le constructivisme. Dans Théories des relations internationales, contestations et résistances, 2e Edition revue et augmentée, CEPES, Athéna Editions : 244-267

(16)

Ce concept est important ici, car c'est la société civile qui est la plus touchée par les guerres. Les guerres ethniques sont les résultats d'une mauvaise exploitation des ressources exploitables du pays menant à la pauvreté extrême. Ces ressources sont le « soft Power» de l'État et donc un élément de discorde pour les Gouvernements. Seule la coopération permettra de régulariser leurs rapports. La coopération se définit selon Marie- Eve Desrosiers comme« un processus d'ajustement des politiques des acteurs en fonction des préférences réelles des autres afin de profiter des bénéfices mutuels pour chacune des parties». La coopération représente donc une stratégie pour promouvoir les intérêts communs ou convergents des États.16 En d'autres termes, les Institutions Internationales sont un moyen de rationaliser les rapports entre les États, mais aussi les rapports internes des États. En effet, selon cette théorie la politique interne est tout aussi importante que les rapports internationaux. Le seul rôle des institutions est de fournir des informations, et surtout de faciliter la réalisation de différents domaines d'activité.

Les institutions internationales consistent en :

«Des règles et pratiques persistantes qui prescrivent des rôles, contraignent l'activité et façonnent les attentes des acteurs. Les

institutions constituent des régimes. Elles sont basées sur les principes de d , . . ,J7

transparence et e reczproczte . »

Ce sont des lieux possibles de fabrication de l'international, des creusets dans lesquels se constitue une élite internationale qui serait capable de développer des valeurs et savoir les faire partager. Elles peuvent faire émerger des normes politiques, sociales et économiques susceptibles d'universalisation.18 Les néo-réalistes s'interrogent tout de même sur la capacité des organisations à réguler les relations internationales et, notamment, à éviter les guerres, mais aussi sur leur capacité à diffuser des normes

16 Ibid. 17Ibid.

18 Kott, S. (201 1). Les organisations internationales, terrain d'étude de la globalisation. Jalon pour une approche socio-historique. Edition Presse de Science Po, Vol.3 n°52 http://www.cairn .info/revue-critique-internationale-2011-3-page-9 .htm

(17)

internationales qui dépasseraient celle des Etats qui les composent19. Cette

interrogation est précisément le cœur de notre sujet en ce qui concerne les

organisations panafricaines agissant dans un objectif de paix en Afrique occidentale.

Le plus grand problème dans l'idée de coopération est la volonté des États à

maximiser leur gain. L'utilité de l'institution internationale pourra être critiquée par le biais de cette théorie puisque par définition l'organisation internationale n'est que l'alliance de plusieurs États afin d'atteindre certains buts par le biais de traités

communs. Malheureusement, la plupart des États surtout en Afrique craignent le

comportement de leurs rivaux et par conséquent compromettent l'objectif de

développement commun. Ainsi, les ressources naturelles sont clairement un gain

absolu pour lequel les États s'affronteraient volontiers. La remise en cause du rôle des

organisations internationales était déjà évoquée dans les années 90 par Smouts20 au

sujet de la Banque Mondiale et de ses institutions connexes notamment en ce qui

concerne leurs actions défavorisant d'avantages les populations souffrantes. Elle

rappelle l'inquiétude des politiciens afric~ins qui s'interrogent sur l'intérêt de l'action internationale. Selon la communauté africaine, 1 'action internationale est importante, mais en contrepartie elle enfermerait 1 'Afrique dans une logique de « cas social »

parce qu'elle s'occupe des symptômes et non des maux. Elle s'occupe plus du plan

politique et bureaucrate que des réels problèmes. Cependant, depuis les années 90, ont

été créés des programmes d'aide sociale touchant directement les populations et

tentant de freiner les guerres civiles. Malgré cela, les aides internationales sont toujours remises en question du fait de leur financement qui, plutôt que de limiter les guerres, les alimente dans un certain sens par la corruption?1

19 Ibid.

zo Smouts, M-C. (1991). L'Afrique dans la diplomatie multilatérale. Etudes

internationales, vol. 22, n° 2, 1991, p. 267-278. Consulté sur http ://id .erud it.org/iderud it/70283 8ar.

21 Ibid.

(18)

Méthodologie

Nous aborderons ce travail à la fois comme une analyse générale, mais aussi

comme une étude de cas puisque nous étudierons la question foncière en Côte d'Ivoire

et 1 'effet de celle-ci sur les corifl its 1 iés aux terres. Cette orientation nous pennettra de

cibler notre corpus en explorant les rapports d'organisations internationales et les

différentes études faites au sein de ces organisations. L'approche méthodologique sera

corrélative puisque nous argumenterons principalement qu'il existe une relation entre

mauvaise exploitation des ressources naturelles ainsi que des terres, et conflits civils.

Les objectifs de la présente recherche sont en premier lieu de démontrer le lien de

cause à effet entre l'exploitation des terres et des ressources naturelles et les conflits

violents de la région ouest- africaine; et en second lieu, de cerner comment les

organisations internationales et le droit international abordent la question de la

résolution des conflits liés aux ressources naturelles et quels mécanismes mettent-ils

en place pour lutter contre la mauvaise gestion des terres? La méthode utilisée dans ce

travail sera l'analyse et la recension des études, des rapports et des productions

cartographiques réalisées par les institutions du droit international, les groupes

d'experts qui ont œuvré sur le terrain ou encore les organisations de la société civile.

Mon analyse sera centrée sur la documentation originale à laquelle j'ai eu accès à

l'occasion d'un stage à la BAD, au sein du.département des États fragiles (ORTS). Le

département des États fragiles de la BAD a pour mission d'aider les pays en conflits

ou ayant connu de fortes guerres à se redresser. Il intervient dans tous les domaines et

particulièrement dans toutes les activités touchant à la reconstruction, comme les infrastructures, mais. aussi la bonne gouvernance des ressources naturelles. La Banque

est très active dans beaucoup de domaines directement liés à la croissance et à la

sécurité des pays. Il convient de constater que la question des ressources naturelles et

de leur rôle dans les conflits ethniques et politiques est un sujet important pour ce type

d'institution. La plupatt des institutions panafricaines de développement se donnent

pour mission de consolider la paix dans les pays en guerre afin d'assurer un certain

(19)

connexes sont donc très pertinents pour envisager de répondre aux questions ou alors pour tenter de trouver des solutions. Pour la Banque la répartition des ressources naturelles et leur mauvaise gestion ont une répercussion sur la société. Le droit international tente alors de réguler et de sanctionner les entraves à cette gestion. Ainsi, l'étude du rôle des institutions panafricaines dans la résolution des conflits liés aux ressources naturelles encadrera les trois quarts de notre argumentaire.

Pour approfondir les rapports, il faut chercher dans un large éventail de sources traitant de la question de l'accaparement des terres, de l'exploitation illicite des ressources naturelles et de la théorie dite de« la malédiction des ressources naturelles. »Pour cela, nous nous intéressons d'abord aux chercheurs géographes des années 1900, comme Pélissier, qui permettra de nous informer sur la situation foncière et la gestion des terres à l'époque coloniale22. Une étude anthropologique sera nécessaire pour comprendre l'origine des droits fonciers actuels et l'absence de droit de propriété dans le vocabulaire juridique africain depuis l'époque coloniale. Pour cela l'approche d'Etienne Le Roy selon laquelle le principe juridique du monopole foncier de l'État sur son territoire vient du droit français.23 Le droit français a totalement influencé le système de gestion en Afrique. C'est la domination coloniale foncière qui instaurera des règles sur le territoire ouest-africain. Ces règles seront ainsi perpétuées après les décolonisations. C'est la quête de pouvoir à travers ces droits qui sera appliquée de manière violente. Les séquelles du passé empiètent encore sur l'évolution sociale, politique et économique de l'Afrique de l'Ouest actuelle24. Pour aller plus loin, nous

22 Mercier P. ( 19 54). Cartes ethna-démographiques de l'Afrique occidentale. Feuille 5.

Dakar: IFAN, 27 p

23 Le Roy, E. (1987). La réforme du droit de la terre dans certains pays d'Afrique francophone. Etude Législative, Service de législation bureau juridique, F AO,

Rome, 1987, P 1-27, En Ligne, http://lc.cx/Sp5, Page consultée le 16 Juin 2016. 24

Coquery-Vidrovitch, C. (2009). Le régime foncier rural en Afrique noir. Dans «Enjeux fonciers en Afrique Noire», Chapitre 4. ORSTOM, Karthala,

(20)

nous intéresserons à des chercheurs tels que Victor Piché5, qui a étudié avec beaucoup d'intérêt la question des conflits liés aux terres en Afrique de l'Ouest notamment la question foncière en Côte d'Ivoire, mais aussi Jean Pierre Chauveau26 qui rappelle l'importance d'avoir un système foncier juste et légal et qui nous informe ainsi de la situation foncière et des réformes plutôt chaotiques en Côte d'Ivoire.

Le premier chapitre abordera l'exploitation illicite des ressources naturelles en tant que conséquences des conflits armés. Ce chapitre expliquera la spécialisation coloniale des territoires. En somme, la répartition territoriale faite par les colons en fonction des gains et de l'exploitation des ressources naturelles, expliquent les différences et les communautés ethniques d'aujourd'hui. Ces communautés faites au hasard et en fonction des gains que cela pouvait rapporter ont pour conséquence les guerres civiles et les mauvais systèmes de gestion des terres héritées de

l'administration coloniale. Au regard de la répartition territoriale seront justifiées les migrations de travail du vingtième siècle notamment celle des Burkinabés vers la Côte d'Ivoire et les conflits entre peuples du fait de l'appropriation des terres. Toute cette partie historique a uniquement pour effet de comprendre les conflits civils liés aux terres.

Le deuxième chapitre sera consacré au rôle des institutions panafricaines de développement dans la résolution des conflits liés aux ressources naturelles et répondra au questionnement sur le rôle des communautés et les mécanismes

endogènes de prévention et de résolution des conflits. La mission de consolidation de la paix et les mécanismes mis en place pour y arriver seront le cœur de

l'argumentation notamment au regard des différents plans tels que la conférence de Praia ou encore le processus de Kimberley qui ont tous deux pour objectifs de réguler et contrôler 1 'exploitation de ressources naturelles. Les solutions du phénomène de

25

Piché, V. (20 15). Entre le mil et le franc : un siècle de migrations circulaires en Afrique de l'Ouest: le cas du Burkina Faso. Presse de l'Université du Québec

P-86

26

Chauveau, J-P, (2000). Question foncière et construction nationale en Côte d'Ivoire. Politique Africaine. Vol2 n°78

(21)

décentralisation et de bonne gouvernance seront aussi ajoutées en tant que solutions principales et à long terme du problème.

Finalement dans le troisième et dernier chapitre, nous aborderons principalement la guerre civile et identitaire en Côte d'Ivoire. Il sera rappelé le contexte politique et l'origine de la crise foncière. La question de l'appropriation des terres sera traitée de manière plus approfondie dans ce cas d'espèce. Le but sera de resituer les faits, mais aussi d'analyser les progrès et les nouveaux systèmes mis en place pour maintenir la paix dans ce pays.

(22)

CHAPITRE!

L'EXPLOIT A TION ILLICITE DES RESSOURCES NATURELLES : CONSEQUENCE DE L'ABSENCE D'UN REGIME FONCIER APPROPRIE.

Ce premier chapitre évoquera l'exploitation illicite des ressources naturelles en tant que conséquence de l'absence d'un régime foncier appropriée. L'histoire coloniale et la répartition géographique du territoire africain faite par les colons sont essentielles pour comprendre les différends fonciers d'aujourd'hui (I). En effet, cette répartition faite en fonction des ressources naturelles et des bénéfices que 1 'on peut en tirer est un modèle de gestion adopté par les Etats indépendants et qui est certainement la cause des différends fonciers et ethniques connus aujourd'hui. De plus, l'abondance des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest et son caractère paradoxal menant à l'échec justifie et vérifie la théorie de la malédiction des ressources naturelles (II).

1.1. Les ressources naturelles en Afrique de 1 'Ouest

1.1.1. Une mauvaise répartition :conséquence de l'époque coloniale

1.1.1.1 La répartition coloniale du territoire ouest-africain

Les ressources naturelles ont toujours été le pilier de l'économie du continent africain tout entier. Le pétrole, le café, cacao, le coton, les diamants sont les principales ressources du continent. En effet, les occupations coloniales ont toujours été motivées par les différentes ressources que peuvent offrir les terres africaines et précisément l'Afrique de l'Ouest. C'est donc en fonction des territoires coloniaux qu'a été répartie la population africaine. Cette répartition est certainement le reflet et la conséquence des divergences ethniques et civiles que rencontre la région depuis des décennies.

(23)

C'est dès le début des indépendances, de 1930 jusqu'aux années 1960, que l'Institut Français d'Afrique Noire publie des cartes ethno-démographiques représentant

l'Afrique occidentale et sa diversité. Cette volonté de délimiter les différents territoires a pour effet aujourd'hui d'aider à comprendre la répartition des différentes ethnies. Les cartes de la période coloniale servaient à délimiter les territoires entre les Français, les Portugais et les Anglais, mais aussi à s'intéresser aux différents brassages des peuples à l'intérieur d'autres peuples. La répartition territoriale de l'époque n'avait pas pour but de représenter les communautés, mais plutôt d'illustrer la répartition des richesses et des territoires, ce qui permet d'expliquer les mélanges actuels. Cependant, en 1934, les cartographes tentent de s'intéresser davantage aux populations en cherchant à les identifier et à en délimiter les contours. C'est ainsi que commencent à être représentés sur les cartes les différents peuples. Les cartographes remarquent alors par exemple la présence de groupes parmi un autre comme les Peuls du Fouta Jalon parmi le groupe sénégalo-guinéen27.

Au fil du temps, les ethnographes constatent un mouvement des peuples qui se définit par un changement des frontières coloniales28.

À partir de ce moment-là, les ethnologues de l'époque ont cherché à organiser la carte eth11ologique en fonction des différentes ethnies sur le territoire. C'est Paul Pélissier (1952), géographe de l'institut français qui décide alors de délimiter les peuples en fonction de la couleur, du genre de vie et de la langue. Pour représenter les Akans, par exemple, il se fonde sur des critères linguistiques sans s'intéresser à l'inscription des hommes dans des territoires locaux?9

27

Suremain M-A. (2009). Les cartes ethna-démographiques de 1 'Afrique occidentale: enjeux d'une construction 1952-1963. SEDET, UMR 7135 Université Paris 7 Denis Didier

28 MERCIER P. (1954). Cartes ethna-démographiques de l'Afrique occidentale. Feuille 5.

Dakar: IFAN, 27 p

29 Richard-Molard J, Pélissier P. (1952). Cartes ethna-démographiques de l'Ouest africai11. Feuilles n° 1. Dakar : IF AN, coll. «Cartes ethna-démographiques de 1 'Afrique occidentale », 4 p.

(24)

Néanmoins, il est important de s'interroger sur les motivations de ces chercheurs de l'époque. En effet, il semblerait que ces atlas linguistiques et ethnographiques représentent plus la distribution« d'objets», qu'une répartition d'une population identifiée à telle ou telle société.

Suite à ces explications et ces cartes, l'on peut constater que les États d'Afrique occidentale sont nés du territoire délimité par le partage colonial, espace d'exercice de la souveraineté. La répartition était faite en fonction des gains obtenus par les

métropoles. L'association entre démographie et données ethnologiques renvoie à des

enjeux politiques bien coloniaux de domination de populations colonisées.

L'attachement aux frontières du territoire est accru si des ressources minières ou pétrolières y sont exploitées ou en réserve. En effet, la répartition territoriale des puissances coloniales plaque sur l'espace régional un tracé d'espaces hétérogènes aux atouts inégaux. Selon les experts de l'OCDE, les tracés s'ancrent généralement sur des piliers ethnoculturels, mais le plus souvent, scindent des peuples ou traversent et

séparent des sociétés à peuplement solidaires. La naissance des États indépendants

reposera sur cette fragmentation et l'amplifiera30.

En outre, il semblerait que la notion d'ethnie31 de l'époque employée par les

chercheurs se référait davantage aux ressources cultivées par un même groupe, aux

conséquences identitaires partagées, qu'à des pratiques coloniales politiques,

économiques et culturelles communes et parfois à des genres de vie. Cela nous permet de mentionner que le terme d'ethnie en réalité n'existe pas vraiment. Il convient plutôt selon Etienne Le Roy de parler de société. Le terme d'ethnie tel qu'employé

aujourd'hui est tout simplement plusieurs groupes associés autour d'un civilisateur et

30 OCDE. (2007). L'Afrique de l'Ouest: une région en mouvement; une région en mutation; une région en voie d'intégration. Février 2007. Club du Sahel et de l'Afrique de l'ouest/OCDE

31

Suremain M-A. (2009). Les cartes ethna-démographiques de l'Afrique

occidentale: enjeux d'une construction 1952-1963. SEDET, UMR 7135

(25)

unis par une langue métisse et une culture commune.32 Les Wolofs au Sénégal ou encore les Dioula en Côte d'Ivoire en sont les exemples. Suite, aux premières cartes, s'intéresser aux genres de vie semble être un moyen pour les géographes de rester loin du politique, en l'occurrence de la prise en compte de la spécificité de la situation coloniale et des tensions politiques et géopolitiques liées à la décolonisation et à la

fixation des frontières nationales33.

La décolonisation a donc marqué presque toute la manière de vivre des peuples d'Afrique occidentale. C'est Sam ir Am in, dans son ouvrage ( 1971 )34 « 1 'Afrique de l'ouest bloquée: L'économie politique de la colonisation», qui étudie les effets de la

colonisation.35 La thèse principale de l'auteur est que l'Afrique noire était en voie

d'occidentalisation lorsqu'elle a été partagée. Par conséquent son propos résume clairement et simplement le détail des cartes ethna-démographique faites ci-dessus. L'Afrique de l'Ouest est victime des effets de la colonisation et a été complètement transformée et imprégnée d'une autre culture. Son évolution vers l'occidentalisation a été rompue et a causé un recul dans son développement suite à la décolonisation.

Ainsi, la mise en valeur des territoires par les colons français reflète la précarité de la région ouest-africaine. Cette répartition faite finalement presque au « hasard », en fonction des conquêtes et des rapports de force, illustre le fonctionnement politique et économique des pays nouvellement indépendants. Les rapports de force et de

corruption ne sont que l'imitation et le reflet de l'ancien fonctionnement administratif

que la puissance coloniale française instaurait sur ces territoires. Pour Sam ir Amin/6 la colonisation est presque la seule responsable du sous-développement et du

ralentissement des accroissements de production. Seule la Côte d'Ivoire, qui a

longtemps été considérée comme une exception, fut comme « un miracle » pendant

32

Le Roy, E. (2011 ). A quoi sert la propriété foncière dans les pays du Sud. Dans la ruée vers la terre. Revue Transcontinentales 2010/201 1 en ligne:

http://transcontinentales.revues.org/l13 8 33

Ibid. 34

Amin, S. ( 1971 ). L'Afrique de l'ouest bloquée : l'économie politique de la colonisation. 1980. Edition Minuit

36

(26)

près d'une quarantaine d'années.37 Lors des indépendances des pays comme la Côte

d'Ivoire ou encore du Ghana (appelée la Gold Coast) ont su se démarquer et ont

purement et simplement appliqué les valeurs et principes coloniaux pour se

développer. En effet, dans ces pays, seules les procédures du Code civil français sont

connues. Pour exemple, les pays appliquent l'organisation des procédures

d'hypothèques mises en place par les colons.38 Mais seul le concept de privatisation

est profitable aux Européens. La population africaine reste ignorante au regard de ce

principe. La jurisprudence coloniale reconnaît un monopole foncier à l'État à des fins

d'intérêt général. L'usage des terres et des ressources que fait l'État africain occidental

a longtemps été justifié par des finalités de développement et de croissance39.

Cependant, le résultat aujourd'hui est médiocre. La Côte d'Ivoire en est l'exemple

vivant, aujourd'hui déchirée par les différences ethniques et la quête des ressources

naturelles. En conclusion, le morcellement de l'espace économique dont a été victime

l'Afrique de l'Ouest la contraint inéluctablement au maintien de certaines structures et des politiques en valeur coloniale lesquelles engendrent la domination extérieure et le sous-développement 40.

1.1.1.2. Les migrations coloniales de travail

Pour illustrer l'argument cartographique, il convient de prendre l'exemple de la Côte d'Ivoire et du Burkina, deux pays limitrophes et victimes d'une répartition spatiale incorrecte. La répartition territoriale et ethnique du Burkina et de la Côte d'Ivoire est le plus souvent expliquée par les migrations agricoles41• Ces migrations

sont le résultat de l'instabilité démographique qu'a créée la colonisation puisque le

37 Ibid. 38

Le Roy, E. (1987). La réforme du droit de la terre dans certains pays d'Afrique francophone. Etude Législative, Service de législation bureau juridique, FAO,

Rome, 1987, P-1 -27, En Ligne, http://lc.cx/Sp5, Page consultée le 16 Juin 2016. 39

Ibid. 40 0 .

p.czt.

41 Piché, V. (2015). Entre le mil et lefranc: un siècle de migrations circulaires en Afrique de l'Ouest: le cas du Burkina Faso. Presse de l'Université du Québec

(27)

Burkina a hérité d'une division ethnique de l'espace. L'exemple des Mossi du Burkina est le plus simple et le plus clair pour expliquer ces divergences ethniques42. En effet, la colonisation agricole intérieure au Burkina se présente comme un lent glissement de population mossi vers le sud-ouest du pays à la recherche d'espace disponible pour s'établir. Ce fort courant migratoire a pour première conséquence de modifier une répartition ethnique héritée de l'époque précoloniale; les colons, en effet, s'installent à l'extérieur du pays mossi. En d'autres termes, le pays mossi déverse son trop-plein d'habitants sur les régions voisines contrôlées par d'autres groupes ethniques. Selon Tallet (2001) la répartition actuelle des différents groupes ethniques à l'intérieur du Burkina est largement héritée des divisions spatiales antérieures à l'époque coloniale43. Il corrige certains termes et ajoute qu'à la notion de frontière, inexacte, car trop précise, conviendrait mieux celle de marche, séparant des ensembles ethniques. Cette fluidité des divisions spatiales a été interrompue par la colonisation : la paix coloniale a figé des espaces auparavant mobiles en fonction des rapports de force interethniques du moment. En effet, du fait de la colonisation, pendant un demi-siècle les limites ethniques n'ont pas évolué; les migrations mossi se sont alors dirigées vers le Ghana, la Côte-d'Ivoire ou, dans le cadre des migrations forcées, vers l'Office du Niger. À l'indépendance, la Haute-Volta, aujourd'hui le Burkina, a hérité de cette division ethnique de l'espace, qui ne correspond pas aux charges démographiques respectives des régions, c'est pourquoi, suite à la décolonisation, la plupart du peuple burkinabé aujourd'hui continue à migrer vers les pays limitrophes notamment la Côte d'Ivoire. Cette migration toujours dite agricole repose sur le système des prêts de terres44. Les étrangers désireux de s'installer et de travailler la terre adressent leur demande au chef de terres du village s'il y a encore des terres vacantes, ou aux chefs de lignage pour obtenir un droit de culture sur des terres enjachère45.

42 Ibid. P 93 43

Tai let, B. (200 1 ). Espace ethnique et migratoire : comment gérer le mouvement? »Politique Africaine n°20 tirés de http:// www.politique-africai ne.com/numeros/pdf/020065. pdf

44

Charriere, F, et Frésia, M. (2008). L'Afrique de l'Ouest comme espace

migratoire et espace de protection. Haut-commissariat des Nations-Unies aux

Réfugiés (UNHCR). Novembre 2008

(28)

La répartition démographique changeante du fait de la colonisation explique les divergences ethniques présentes en Afrique de l'Ouest. La répartition des peuples est hasardeuse et incorrecte, par conséquent lorsqu'il s'agit de la propriété des terres, il y a conflit.

1.1.2. L'abondance des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest

1.1.2.1 Le caractère paradoxal de 1' abondance des ressources

Les ressources naturelles sont en même temps la richesse et la faiblesse de l'Afrique de l'Ouest. Depuis l'existence du principe de souveraineté des ressources naturelles, la région connaît un taux élevé de pauvreté puisque l'exploitation de ces ressources ne profite pas aux populations. En effet, d'après le principe de souveraineté permanente, les États sont appelés à coopérer, et, non, intervenir au nom du au respect du droit des peuples de disposer librement de leurs richesses et leurs ressources naturelles. Il semble qu'il y ait ici une obligation de l'État par la communauté internationale de contrôler les ressources naturelles en respectant davantage les droits et le bien-être de son peuple, ce qui, en pratique, n'est pas constaté.46

L'Afrique est généreusement pourvue en ressources, terres productives et richesses naturelles précieuses renouvelables (eau, forêts et poissons, notamment) ou non renouvelables (charbon, gaz, pétrole et autres minéraux). Une ressource naturelle n'est «ressource» que pour autant qu'elle fasse l'objet d'un usage. Les ressources

naturelles se caractérisent par le fait qu'elles sont prélevées, mais non produites. Dès lors, l'homme n'a que peu de moyens de peser sur les volumes disponibles, qui

46 Le Roy, E. (1 987). La réforme du droit de la terre dans certains pays d'Afrique francophone. Etude Législative, Service de législation bureau juridique, F AO,

(29)

découlent essentiellement de la productivité de l'écosystème en question47.

Les ressources naturelles comprennent les ressources extractives (forêts, pêche et

élevage), la terre et l'eau. Elles génèrent des emplois, des recettes d'exportation et une

base de développement du secteur privé, tout en favorisant la sécurité alimentaire. Ces

ressources sont primordiales pour les services de base, car nombre d'entre elles

constituent le pilier qui soutient les systèmes de subsistance locaux48.

Les ressources naturelles sont susceptibles de contribuer au changement en profondeur

de l'Afrique. Pour l'auteur Delville (2001)49:

« Une exploitation durable passe essentiellement par le contrôle des

prélèvements, qui doivent rester inférieurs à la productivité de

l'écosystème. D'où les débats sur la façon de contrôler ce taux de

prélèvement, d'autant que, le« stock» étant limité, les ressources sont de type« soustractif» : tout ce qui est prélevé par un individu ne pourra pas l'être par un autre, d'où une concurrence entre usagers potentiels »50.

Cette concurrence est le cœur et la raison des guerres liés à l'accaparement des terres.

Le fait de ne pas avoir de contrôle total sur la terre, et de dépendre de la nature accroît

le risque conflictuel entre les agriculteurs. Le peu de ressources extraites fait l'objet de

contrebandes et d'actes illicites qui permettent aux groupes de pouvoirs d'en tirer le plus de gains possible.

Les ressources naturelles dominent l'économie de nombreux pays de ce continent et

représentent le plus important moyen de subsistance pour des habitants

majoritairement pauvres et vivant en zone rurale. Elles constituent ainsi le fondement

du revenu et de la subsistance de larges pans de la population et l'une des principales

47 AFDB. (2014). Stratégie du groupe de la Banque Africaine de Développement

pour remédier à la fragilité et renforcer la résilience. Département d'appui à la transition

48 Ibid. 49

Delville, P-L. (200 1 ). Quelle gouvernance pour les ressources renouvelables ?

La gestion des ressources renouvelables dans le contexte de la décentralisation en Afique de l'Ouest. GRETI AFD

5 Ibid.

(30)

sources de recettes publiques et de richesse nationale51.

Il est démontré par les recherches, par la communauté internationale et en particulier par la BAD52, que pour que les pays d'Afrique aux revenus les plus bas sortent du

piège de la pauvreté, l'une des solutions consiste à donner une vive impulsion à la demande, afin de susciter suffisamment de complémentarités pour élargir les marchés et récupérer les coûts fixes de l'industrialisation. Les ressources naturelles pourraient former l'un de ces vecteurs; malheureusement, dans bien des pays africains, les cycles d'expansion de ce secteur n'ont guère déclenché de processus de croissance

dynamique. Cette situation tient, dans une large mesure, à l'incapacité à mettre en œuvre les bonnes politiques de croissance et à instaurer des institutions solides, ce qui témoigne des difficultés à opérer le grand bond requis vers la diversification et le développement des activités manufacturières dans les régions d'Afrique riches en ressources. 53

L'Afrique de l'Ouest est une région généralement bien dotée en ressources naturelles, notamment en ressources agricoles. Selon la F AO et la Banque Mondiale

(2001), environ 234 millions d'hectares sont cultivés soit approximativement un quart

des terres cultivables et dans l'ensemble de la région, les zones agro écologiques aride et semi-aride représentent jusqu'à 43 pour cent du territoire54. En Afrique occidentale, 70% de la population totale vit dans les zones subhumides mouillées et humides, alors qu'en Afrique orientale et australe c'est environ la moitié de la population seulement qui vit dans ces zones55. Parmi les 49 pays les plus pauvres du monde, 34 se trouvent

51 FAO. (2008). Cartographie de la pauvreté, de l'eau et de l'agriculture en

Afrique subsaharienne. Dans Eau et pauvreté rurale. Interventions pour améliorer

les moyens d'existence des populations d'Afrique subsaharienne. Rapport FAO

52 AFDB. (2014). De lafragilité à la résilience: gestion des ressources naturelles

dans les Etats fragiles africains. Rapport sommaire. Groupe de la Banque

Africaine de Développement

53 Ibid.

54 Banque mondiale. (2007). L'agriculture pour le développement. Rapport sur le

développement dans le monde 2008. Washington, OC, Banque mondiale.

(31)

en Afrique subsaharienne et les revenus y sont très inégalement répartis. 56 Dans

l'ensemble de la région, plus de 40% de la population totale se situe en dessous des

seuils nationaux de pauvreté (PNUD, 2006). L'agriculture représente 20% du PIB de

la région, emploie 67% de la main-d'œuvre totale et reste la principale source

d'exportation intemationale57.

Les rapports de la F AO (2008i8 insistent sur le fait que l'agriculture est le secteur exportateur dominant pour l'Afrique occidentale et constitue une importante source

d'exportation dans les autres zones de la région. 59Les principales denrées agricoles

d'exportation de la région sont le cacao, le café et le coton. Dans l'ensemble de la

région, les exportations agricoles comptent pour 16% des exportations, alors que les

importations agricoles (essentiellement des céréales) représentent environ 11 à 15%

du total des importations. Au cours des trois dernières décennies, la région a connu des pertes massives en raison de l'érosion de sa part du commerce mondial, aggravée par l'évolution défavorable des tennes d'échangé0.

Il est donc important et intéressant d'accorder une importance particulière à la

question agricole qui est vitale pour les populations. La question de 1 'agriculture et de

son exploitation correcte permettra à la région de réduire son taux de pauvreté et

d'assurer un rythme de croissance continue61•

Les ressources naturelles et leur mauvaise gestion sont un phénomène de pauvreté en Afrique de l'Ouest. Ces ressources sont certes un élément de richesse, mais dans le cas

de cette région, elles sont plutôt sources de conflits armés en tant qu'élément de

corruption et de pouvoir, c'est ce que la littérature appelle une« malédiction ».

56 Ibid.

57 Ibid.

58 F AO. (2008). Cartographie de la pauvreté, de 1 'eau et de 1 'agriculture en

Afrique subsaharienne. Dans Eau et pauvreté rurale. Interventions pour améliorer les moyens d'existence des populations d'Afrique subsaharienne. Rapport F AO 59 Ibid. 14 %des exportations en Afrique australe et 10% en Afrique occidentale. 60 Ibid.

61 Berry, A. (2013). Les investissements agricoles étrangers, opportunités ou menace à la sécurité alimentaire des pays en voie de développement. Mémoire. Université du Québec à Montréal

(32)

1.1.2.2. La malédiction des ressources naturelles

La malédiction des ressources naturelles est un sujet traité par la littérature. La malédiction des ressources naturelles est définie par les chercheurs comme un phénomène selon lequel le trop-plein de ressources naturelles nuit au développement du continent africain.62 Cependant, cette définition n'est pas tout à fait vraie. Ce qui nuit au développement, c'est la gestion et l'usage des ressources naturelles faits par les dirigeants du continent. En effet, au regard de l'abondance de ces ressources naturelles vitales, des pays qui normalement pourraient subvenir à leur besoin avaient atteint le niveau le plus bas.

Les conflits violents du fait des ressources naturelles sont perçus depuis les années 2000 comme l'instrumentalisation de la violence par des acteurs rationnels en quête de bénéfices particuliers. Pour Lund (2001) l'extrême violence engendrée par les

ressources naturelles permet de comprendre pourquoi des pays riches en ressources naturelles restaient sous-développés63. En outre, cette malédiction peut s'expliquer principalement par le rôle de l'État et par les effets socio-culturels et politiques. En ce qui concerne le rôle de l'État, dans leur majorité, les pays qui disposent de beaucoup de ressources naturelles gèrent habituellement de manière peu transparente les recettes qui en découlent. C'est pourquoi malgré l'abondance des recettes, ces pays sont souvent en déficit budgétaire. C'est cette volatilité dans la gestion de ressources qui nuit à la croissance et au développement.64 Cette exploitation opaque par l'État et ses institutions empêche l'investissement et accentue la pauvreté. Dans la plupart des pays concernés par ces déficits, l'État est propriétaire des ressources; et puisque c'est à lui que reviennent les recettes générées par les ressources, cela le pousse à en dépenser une partie d'une manière ou d'une autre. Le scénario le plus fréquent est

62 Christophe, V. (2012). La malédiction des ressources naturelles: une question de dépendance ou de dispersion ? Mémoire. Université du Québec à Montréal 63 Lund, C. (200 1 ).

Régimes fonciers en Afrique : remise en cause des hypothèses de base. liED. Tirer de http://pubs.iied.org/pdfs/9019IIED.pdf

64 AFDB. (2007). L'Afrique et ses ressources naturelles : le paradoxe de l'abondance. Dans rapport sur le développement en Afrique 2007. Chapitre 4

(33)

l'investissement excessif et imprudent qui illustre la corruption. L'État use de manière incorrecte des recettes tirées des ressources naturelles au détriment du bien-être du peuple.

Pour finir, concernant les effets socio-culturels et politiques, ces pays riches en ressources naturelles ont tendance à mettre en œuvre de mauvaises politiques et une gouvernance médiocre. Cette mauvaise gestion des ressources naturelles favorise la faiblesse des institutions et leur volonté de « profiter

»

de façon excessive des gains obtenus.

Par conséquent, pour éviter la malédiction et exploiter les ressources à bon escient en vue d'une croissance favorable, la BAD suggère que l'État et ses institutions soient transparents. La gouvernance est un élément essentiel au progrès. Seule une gouvernance médiocre entraîne une situation catastrophique65.

En plus de la gouvernance africaine, il faut souligner le rôle du système mondial. La malédiction des ressources naturelles est non seulement un phénomène dû à la mauvaise gestion des États africains, mais aussi, et surtout, à la gestion du système mondial de ces ressources africaines. Samir Amin rappelle que l'Afrique est la partie la plus vulnérable du système mondial et qu'elle est principalement surexploitée par ce système66. La surexploitation c'est principalement le pillage des ressources naturelles du continent, certes par les différentes puissances africaines, mais surtout par les puissances mondiales. Raymond Begin dans son mémoire67, prend l'exemple de

l'accompagnement du Mali par les institutions internationales et affirme que le FMI et la Banque Mondiale dans les années 80 ont imposé un agenda politico-économique permettant d'augmenter l'attractivité du Mali aux investissements étrangers

notamment dans l'agro-industriel. Selon ces organismes l'investissement étranger est le remède au développement. Par conséquent le pays s'endette davantage et se rend

65 Ibid.

66 Amin, S. ( 1971 ). L'Afrique de l'ouest bloquée : l'économie politique de la colonisation. 1980. Edition Minuit

67 Begin, R. (20 14 ). De l'accaparement des terres à la marginalisation des populations: le cas de l'office du Niger au Mali. Mémoire juin 2014. Université du Québec à Montréal. En ligne http://www.archipel.ugam.ca/6507/l/Ml346I.pdf

(34)

victime d'aliénation. L'État africain dépend alors de ces investisseurs, qui disposent librement des ressources produites68.

Face à ces actions occidentales en Afrique, il semble évident que les ressources naturelles deviennent sources de conflits à l'intérieur même des territoires.

1.1.3 Le rôle des ressources naturelles dans les conflits armés : élément de corruption et de pouvoir.

L'Afrique de 1 'Ouest est extrêmement riche en ressources naturelles ; c'est aussi une région qui a concentré quelques conflits internes parmi les plus sanglants du vingtième siècle. Entre le début de l'année 2011 et les premiers mois de 2012, la quasi-totalité des États régionaux a été touchée par des épisodes de violence ou d'instabilité politique.

D'après Cissé (2009), les ressources naturelles peuvent être un facteur important dans le déclenchement, le fmancement et le maintien des conflits, ainsi que dans la

fragilisation du processus de rétablissement de la paix69.

Les ressources naturelles peuvent contribuer à l'explosion de violences ainsi qu'à leur prolongation. Il apparaît aujourd'hui que la spirale des violences ne se manifeste plus par des conflits entre États, mais par l'intensité des crises internes liées à la lutte pour le pouvoir politique et le contrôle des ressources économiques70.

68 Ibid.

Voir aussi Oakland Institute et CNOP. (2011). Comprendre les investissements fonciers en Afrique. Dans« Rapport: Mali», Oakland, p.ll.

69

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Références

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