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Glas et la question de l'écriture fragmentaire chez Jacques Derrida

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(1)

;'

g)as et la questIon de l'écriture fragmentaIre chez Jacques DerrIda

By

HENRIQUE BARROSO

A thesls submitted to the

Facu l t~· of Graduate Studles and Research ln par tlal fulflllment of the requIrements

for the degree of Master of Arts

Department of French Language and Literature McGill UnIversIty, Montreal

(2)

T~BLE DES MATIERES RESUME / ABSTHl\CT • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• l T N'rRC)f)[J("71'T()N ••••••••••••••••••• 't • • • ~ • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • f',] r~IIAPITRE l L'ECRITURE

...

p.5 1.1 La paro le . • • • • • • • • • • • • • • • • t • • • • • • • • • • • • • • • p.5 1.2 Liée rIt u re

...

p.7 CHAPITRE II

PHILOSOPHIE ET LITTERATURE . . . p.U

('HAPITRE TIl

LES FRAGMENTS

...

p.23

3.1 Types de fragments • • • • • • • Il • • • • • • • • • • • • • p.25 3 • 1. 1 " Pet I t s b 1 0 c s e rra t I qu es" ... • • . . . . p. 2 5 3.1. 2 "RUInes"

...

,

... .

p.26

3.1. 3 "RésIdus plurIels"

...

p.27

3.2. Aspects du fragment

. . . .

...

fI·27

3.2.1 Aspect hl.sto r lque ou génétIque p.28

") ') ")

Aspect phIlosophIque p.30

... J . . . . _

...

"

..

3.2.3 Aspect génér lque .••••.

...

p.33

(3)

(,IL~P T'rH

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1 \' L'ECRITURE OF GLAS • • • • • • • • • t l • • • • • • • • • • • 1 . . . 1',-lc) 4. ] L • oeuv ee

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(4)

l

('(, rnémoIre tente d'analyset" les partlculantés et les

fll"PSIlP\1os{-s qUJ rnnstltlwnr Ips fondements de l'écriturp du

fi Il J ] 0 S 0 P h e d e r l t l fI U e l l t t é ra 11-f" J a c que s 0 e r r l da. C'e t t p

<Ina lyse SE' j Imltp. I.Jlus concn~temer)t À falt"e rr'sc;nrt11" les

traIts les plus salllants '1U1 ren\'ent lllustrer l(~ travall dp.

] ''';CnhU"f:;' 0t dé lLt pensée dans Glas. Glas est un vral

Idboratol tOp oü Derl"lda expér1.mente le texte et le

Derl"ld.a nous mont.re alnSl en qUOl l' écrlture fragment':ll re

11(' pput n] cnnc;t J tuer la substance d'une OeU\Te nI assurel son

(5)

~

-II

~BSTR :'\('1'

Th~s thec,~s cütpmpts t" .llldlys~' b"t 11 th., ('l!dld"t"ll<-,t l ' '-.

,LîO the prpsUPPosltlnns that l'''nstltllt.· t l l l ' \ \ ' l ' l t l l l ' 1 "f III" phllosophel êlnd Ilteral'V ct"llle', Jd('qlles n.~l'l·ldd.

pr~nclp;'d fa.C'tnlS that IlJustl'.:lh! Ih(~ form (If \"1'1\111<1 .Inti thouqht tn GIllS. Glas 1" d rC'c11 Irthnr.ll,,'"" \';/1('\'.· nt·I'I'ld.1 1,1.1\'"

\~'1.th the '~p~l" ancl the !'))"nken f,',)'m of t-l\l"ll'lht.

(6)

-1 Introduction

Ce mémoIre porte sur l'analyse des proprlt'·tés du texte

fragmentaIre et sur sa valeur par rapport à l'actIvIté du

crItIque et de l'écrIvaIn, tant au nIveau théorique qu'au

nIveau pratIque, tel gue Jacques Dernda les a expllcltées dans Glas. Dans la mesure où toute écrIture se double d'une lecture, cette écrlture fragmentaIre aInSI que sa lecture seront repensées en fonctlon des "concepts" de dIfférance, de supplémentarüé, d' ltérablllté, de marque, de transfert, entre autres, VOll e même d'une certaIne artlcu lat Ion de tous ces

termes entre eux. La lecture de Glas va permettre de

questIonner la théorIe eXIgée par cette pratIque fraf"mentaIre: il n 'y a pas de modèle de lecture transcendantale devant le fragment.

Lors du retour de cette forme d iéçrl ture dans la scène

llttéra ue française des années 70, on l'a immédiatement

COI :ndérée comme emblème de la mOdel'nl té. Cette eXIgence

fragmentaIre du "post-structura 1 lsme" s'est manIfestée en même

temps dans les domaInes pt llosophlque, littéraIre et

psychanalytIque et s'accompagne d'une remIse en questIon des

notIons de Sujet, d'Oeuvre et de Genre, dès lors soumIses à

des crItIques varIées. Ce symptôme de dégradatIon qu'est le fragmentaIre succède à la théorle du Texte en France.

(7)

M

' ) ...

La questIon du fragmentall"e ef", dyni'\nnsée par ll~s

clnalyses de granunatologl.e de DerrIda et par les prog_~'tmmes

avancés par Deleuze et Blanchot. C'est une questlon glU met

l'accent sur la crIse de l'écrIture et du sujet à la fOlS Po11"

l 'exc l u'5ion de la pensée ratIonne 11 e dUd l1ste et pa r I e rcfuH

de l'OppOSl.tIon tradItl.onnelle entre la partIe et tf> toul.

Scène l.naugurée par le romantlsme théor l.que dt> Iéna, 1(,

fragmentaIre est maInten~nt fortement ancré dans les texteH

prInCIpaux de Derrida, de Barthes ct de Lacoue-Labarthe el

Nancy. Et c'est la lecture de ces textes al.nSI que cl' un gl"and

nombre d'études crItIques qU] a permis de fa 1 rc ressort II"

cette problématIque de l'eXIgence de l ' écrl turc fragmenta 1 re.

Cette exigence de l'écrIture fragmental re va à l' enconLn'

du logocentrlsme de Saussure, qUI donne la prlorlté à la phnné

au détriment de l'écrl.t. Elle frappe de prl.me abord par }.1

rupture envers tout ce qUl., d'une façon ou d'autre, about l t à

une totallsatlon caractérlstlque du saVOIr traditiunnel. Or, la lIttérature et la philosophIe sont les deux domalne::. du

savoir auxquel S DerrIda oppose toute une panoplle d' arguments

qui ont fal. t de lUI l'un des coryphées pr lnc Ipaux de 1 a

déconstruction. LIttérature et phllosoph ie sont a lns l rédu l t eH

par la VOle du fragmental.re au domaIne de la parenthèse '.

AinSI, "littérature" ou "texte généldl" devu:nt

l'infrastructur-a de la 11t.térature et de la phIlosophIe dU

(8)

3

L'écrIture de Glas se présente sous forme de deux

colonnes fortement fragmentées par page, dont la ponctuatIon

du début et de la f ln indIque le manque de clôture et

l'ltérablllté de la cltatl0n. Nous nous Interrogerons sur la façon de le lIre, tout en sachant que la lecture et l'écrlture changent de fonctIon dans un texte fragmenté. Les opératIons de lectu:e seront questlonnées dans chaque colonne et dans une

colonne par rapport à l'autre, aInsi que dans les textes

"cltés". Il va sans dlre que les rapports du fragment au

LIvre, à l'Oeuvre, à la clôture et au logos seront examInés

pour autant que ces fragments font partle Intégra~te de la

problématIque générale de Glas.

Compte tenu de la complexité de Glas, nous avons cholsi

d'en pratiquer une lecture plurIelle au moyen de

micro-ana lyses textue Iles, sans nég llger l'importance ni de l'espace de la page écr l te nI de la bordure, et tout en falsant des

remarques à propos de l a présence 1 absence de titre, de notes,

de supplément, de blancs, de préface, etc. Nous espérons à la

[01 s salS Ir l es dIvers modes de fragmentatIon textuelle et,

surtout, montrer comment le fragment-forme est doublé par l'exlgence du fr'gmentalre. CeCI nous permettra de mettre en relIef le faIt que la lecture de Glas eXlge la déconstructl0n

du phallogocentrlsme, tâche que DerrIda accomplIt à travers

les notIons de castratIon du père et de fétIchIsme généralisé; "notlons" qUI vlennent s'adjoIndre d'une manIère détermlnante

(9)

au travail du deUil de la citation, pour détrull"C' l'pml'\ \~-.t' du

(10)

5 CHAPITRE l

1 • L' éC' r l t u!'e

Ce chapl.tre Vl.se à sltuer la problématlque que la

questlon de ] 'écrl.ture soulève par rapport .'1 son évolutIon

h lstor 19ue Jusgu' à nos jours. On SUl v ra dans cette recherche

J d démarche· de Derrl.da relatIvement aux textes de Jean-Jacques

Rousseau et de Claude LévI-strauss aInSl qu' 2L ceux de

Ferchnand de Saussure. C'est une démarche qUI SULt alors le cours de l 'hl.stolre.

Il Y a deux partles dans De la Granunatologle: la

premlère, prf~sgue un tlers du lIvre, est une introductIon

générale aux problèmes du logocentnsme: la deuX1èrne contlent une analyse hlstorigue des écrl.ts de Rousseau, une évaluatIon

crItlque de quelques Lravaux de Lévl-Strauss, (1) ainsl que

des consldé ra tlOns théor lques sur la lecture. Ce texte

fondateur de DerrIda afflrme, dès les premlères pages, que

LévI-Strauss voyal.t dans l' Introductlon de l'écrl.ture une

v lolence et un mal qUI vlennent déranger l'état de la nature où vIvait lIbre et heureux le "bon sauvage" de Rousseau. (2)

J-,

.-Claude LévI-Strauss, TrIstes Troplques, Pans, Plon, 1955.

Jean-Jacques Rousseau, L'eSSai sur l 'oilline des Jangues, PartS, Presses Pockel, 1990/ p.44.

(11)

Ma 1 S cett e VIO 1 ence qu' est l ' écr 1 t ure SUppOSf' ,lU p r é d 1 db l t '

l'exlstence d'un slgnlflé absolu flans une parole prem10re qUI

nous faIt rèver à une 01'lg] ne. Rousseau

ct

LévI-St l'dllSH

voy a lent a lors 1 a paro le spontanée l'onÇ!ée pa r cc ma l qu' t'S t l' éc r 1 ture •

Cette posltlon dont ds se réclament eXICJC l'(-!>'Isten("t-'

d'un système dua I l ste, de structure cartés lE'nnl', CIl! 1 d

hiérarchIe s'impose par la survaiorlsation d'un élément pa

l-rapport à l'autre, d'une cat_égone par l-rapport à l'allt 1-(', df'

la parole par rapport à l ' écrl t ure. Il Y a (lune df'uX

catégorIes de signes dlf férents: les SIgnes premIers, ("eux de

la parole;

conséquent,

les slgnes dérlvés, ceux de l'écriture. T'al'

Id

grammatolog1e, l'écriture, dans la dépendance de la L:-tnquc·

parlée.

Saussure n'a su transcender ce système dua lIste et, en

bon flls du logocentrlsme, a d'emblée consIdéré l'('("rIlul'f'

comme un SIgne dérlvé, soumIS à la dépendance du

phonocentr1sme, de Id parole. Dans le systè!Tle llnguU:itlgue

saussurien les slgnes graphiques ont été délaIssés au prof! t

de la suprématle du slgne parlé, d'une façon tellement

évidente qu'elle a mIS en éve1.1 l'attent1.on de Derrl.da. Sl

l'écriture est un danger pour la parole, c'est parce que son

rôle n'est pas 51. peu important. L,= SIgne éCl':"1.t est plus

(12)

7 grâce à ce dédoublement qU'lI meDace la VIe de la parole. Même SI Saussure a reconnu dans le Cours (3) l'impossibilIté d'un langage tout à faIt phonétIque, il a précisé que le langage est avant tout composé de signes pa. 1 és et que l'écrIture n'est que leur transcrIption. Il est ainSI du même avis que Rousseau et Lévi-Strauss. De plus, il n'a considéré que l'écriture alphabétIque qUI semble se perdre dans le lieu naturel du son et du sens. Il a défIni le langage comme un système de signes sonores et a lIé aInSI un son à un concept d'une manière Immotivée et arbitraire. C'est la substance phonique qUI représente l'essence même du langage.

1.2 L'écriture

L'attitude de Saussure a amené Der.rIda à consIdérer à nouveau la problématique qu'impose ce système langagier nullement clos. C'est à partir de ce trùvail de réévaluatIon des fondements de ce système saussurlen que DerrIda a eu le soupçon que le "dehors" est bien le "dedans" du langage. Il s'interroge alors sur la valeur du phonologisme de l'époque métaphysIque caractérIsée par la répressIon conceptuelle de l'écrIture qui va de Platon à Saussure. Il peut constater que le phonologisme épIstémologique, "érIgeant une SCIence en patron, suppose le phonologisme lingUIstIque et métaphySIque

(13)

8

élevant la voix au-dessus de l'écriture".(4) Ce prlvll~ge de

la ~~lX est un prlvilège métaphysIque qUI exige son

inscrlptlon dans le logocentrlsme. L'écrlturc~ n'est qu'une'

expression de la phoné. Pourtant, le logocentrlsme est un système doué d'un pOUVOIr redoutable de slmpllflcLlt-lon, qUI existaIt déjà au temps de Platon et que Hegel conSIdère comme négatlon (Aufhebung) par rapport aux autres écrltul'C's.

Derrlda se réclame d'une tradition de la pensée du

"dehors" et il défInI t_ la grammatologle comme pensé(> du

langage tourné vers l'extériorité. MalS DerrIda est t->l'ochc dp

Heidegger. Pour cel tn-c i , le langage n'est que l' appara i lre dt">

l'Etre, la VOlX silencieuse de l'Etre nécesslire à la pensée

de la Présence. i1ais pour ce 1 ul-Ià il faut développer une

discussl0n sur la not1on du temps, (5) tel gu' i l a ét0 con<;u

depuis Aristote. Derrlda accuse Heldegger de reprendre le concept métaphysique de temps qUI ne s'est jama1s confondu avec ce qui est présent. Le temps a toujours été saISI comme Né-ant, comme ce qUl n'est pas présent.

Pour Heidegger, la Présence reste toujours un concept

métaphysique, lorsque la pensée se déplace dans l' éca rt dC'

J'Etre comme tel et de l'Etre de l'étant. MalS il s'agIt tout de même d'une Présence qui se cache au même Instant qu'elle se

4- Jacques Dernda, De la gralllatologle, Pans, Editlons Mlnuit, 1967, p 151.

(14)

Q

rf~vè 1 (->, qtH reste dans l ' hor Izon du mythe de la pl énl tude d'un

Et!"(' qUI est l'étant ct qUI ne l'est pas en même temps.

[)c'rr Lda V ' j ) L dans ce paradoxe la nécessIté de rompre la

du.1 1 lL(. d.lf'h(d,ouLLque de Présen('~/Absence par son dépassement

tl t raven; une urllté ùont la métdphyslque seraIt l'effacement

Ind0fln1. CpLte unJté ne se lalSSCrëllt JamaIS maîtrIser, tout Hl l'psI ant en même temps la pure pOSSIbIlIté de tout concept.

C'est a ] ns 1. qu'est née l a conceptIon de ~race chez DerrIda.

Elle est l'oubl1 qU1 ne renVOIe à aucune Présence, l'oublI qui est la trace de la trace, qUI est en même temps le tracé et l'effacé de la trace. C'est la dIfférence entre l ' Etre et

l'étant (:lU] eXIge une certaIne archle à cette même dIfférence.

Le langage comme système de SIgnes ne peut être pensé qu'à

partIr de ce qUl se trace, de ce qui s'écrIt. La notIon même de parole premIère comme Présence de l'Etre ne naîtraIt elle-même gue d'une t.race qUI serdit en elle-même temps son effacer;lent et son 1nscrIptIon.

Sl Saussure affIrme déjà l'InsuffIsance du

pllollol oqlsme, (6) Jakobson par contre nous montre déjà le

tr~va11 de déconstructlon réalIsé par la sémIotique de

Peirce. (7) Celle-Cl conSIdère le SIgne comme un ren,,01. à

quelque chose qu'on salt déjà et qUI est alors le signe du SIgne. Cette conception du SIgne écarte en effet le SIgnifIé

6- FerdInand de Saussure, Cours de lIngUIstique générale, p.3!.

7- R. Jakou30n, ESS31S de hnguIst19ue générale, Pans, EditIons de MInuIt, 1973, pp. 27-28.

(15)

..

'

1 0

de sa structure trad1t1onnelle, n'offrant jama1s qu'un

SubstItut slgnlf 1ant. Tout s1gnlf lé qUI n'a pas de doub 1 e

signIfiant représente un "concept téléologIque" qUI ne peut jamaIs être objet de la pensée qu'à partIr du devenIr Slçtnp du signe.

Derrida nous met en gdl~L contre les périls du

logocentrlsme sous-Jacent au refus de toute spéculat Ion

métaphysique, parce qU'lI s'agIt en effet d'une ~m~nIère de

métaphysIque". (8) I l s1tue l'ardu-écriture au-delà de tout

système IlngulstiquA, écartée du temps, ma IS représentan t

toujours la pOSSIbilité de l'eXIstence du langage (~t

l'ouverture à la temporalisation. Elle est le mouvement pur qUI engendre la dIfférence avant tout contenu et qUI permel de

dire que tout langage est toujours déjà (9) écrlture. Le Sens

s'origine dans cette trace, mais celle-Cl est toujours en dehors de l'emprIse de la métaphYSIque. La trace n'est rIen, et c'est Dour cela que la grammatologie n'est pas une sc]cnCG.

On ne peut pas la déf 1nir, comme on ne [leut pas déf 1 n 1 r

l'écriture qui n'est qu'une capaclt{> du sIgne et une des "poSSIbilités de la graphIe".(lOl

8- Luce Pontalne-De Vlsscher, 'Des pnvllèges d'une graJJaatologle', Revue Philosophique de)ouvillO,

Loumn, Editions de L'Institut Supémur d~ Philosophie, TOile 67,1969, p.472.

9-

10-!bid., p. 471.

(16)

.'

-11

CHAPITRE II

PHILOSOPHIE ET LITTERATURE

On ne peut pas cons~dérer les textes de Derr~da comme une

écriture qui s' lnsère dans le registre phl10soph~que ou

lIttéraire. Dans sa thèse, en 1980, il écrit qu'il a avoué devant le comlté que son lntérêt le plus constant étaIt porté

veiS la 11ttérature. Cet ~ntérêt, dit-il, était né lorsqu'~l

a examiné l'ldéalité part~cullère de la littérature, ce qUI a

eu pour effet de sltuer sa recherche dans les marges de la

ph~losophle et de la littérature. Pourtant, cette contribut~on

de sa pensée à la crlt~que 11ttéra~re n'est pas d'une évidence

immédlate. On peut SUIvre la pensée de Derrida au long des

princ~paux textes fondateurs de sa Vls~on ~ntellectuelle à

l'égard de la littérature et voir l'évolution de sa

contrlbut~on philosophique à la cr~tIque littéraire. Sa pensée

ne suit pas une ligne Intellectuelle très constante, au fll des années de son activIté de recherche phIlosophique. Elle a

été plutôt flex~ble, parfols même de dlfficlle compréhension.

Il s'est servi de ses conférences et colloques fréquents, afIn

de mleux se fal re entendre. Mal gré tout ce travai 1 de

notif~cation, on pense que la communication n'a pas été

sufflsamment suivie.

Derrlda se montre toujours très prudent et se protège contre certaInes inte.prétations avancées par quelques-uns de

(17)

1 ~

ses disciples qUI subIssent la preSSIon de met.t 1"C' ('n

circulatIon ses idées nouvelles. MalS Il est plutôt tol6r~nt

envers la soi-dIsant "déconstructlon amérIcaine" qUI s'('~.;t

développée dans un contexte très Spéclflque de lIttérature pt

d' hi stolre. Cependant, Il prend une pos 1 t Ion assez net h· J 'd 1

rapport à la lIttérature, dans une de ses oeuvres publtée en

1972. Pour lu] "11 n'y a pas d'essence dp Ilttératun', d.'

vérIté de la lIttérature, d'être Ilttéralre

Ilttérature."(11)

En faIsant un tour d'horIzon de l'hlstoire de l~

phllosophie, Il a pu constater que, de Platon cl Ma] ldrm(~,

l'hlstolre de la littérature étalt llée à la notIon de Vél"lt~.

La lIttérature n'avait plus de SpéCIflclté en SOL, (~LmL

réduite à son message, à son SIgnIfIé, à la vérIté qu'ell,-!

exprImait. Selon DerrIda, étant donné les contralntcB de l~

conceptualIsation, le texte littéraIre et phllosuphLCjuP

comporte "le projet de s'effacer devant le contenu Rlgnjfl~

qu'Il transporte et en général enselgne."(12) Il s'agIt r~r

conséquent, de conSIdérer toujours la le('ture r:omme Ime.·

lecture transcendante à la recherche du signIfIé. C'est é.ilnSJ

que l'hIstoire des formes llttéraire!:l et des textes

lIttéraIres dans le monde OCCIdental dOlt être analysée. Cette

lmpllcation phIlosophique qUl a domIné la lecture 1] tt6r,Hrp

11-

J. Demda, La dlSSéllnatloD, Pans, Edltlons du Seul1, 1972, p.253.

(18)

-(

13

a d0t.ermlné aUSSI la façon d'écrIre. Il s'agIssaIt d'une écrIture soumIse aux contraIntes du concept et de la morale (ethos) philosophiques. Mais cette tendance est en train de s'effondrer de nos jours et commence à donner lIeu au fait de mInImIser la dIfférence entre phIlosophIe et lIttérature.

Depul.s Mallarmé, une certaIne forme de pratique

llttérdire annonce la subversIon du logocentrIsme, plutôt à

l'étranger et à l'Est qu'en France et à l'Ouest. Cette rupture

est manifestée par certains textes d'Artaud, Batai Ile et

Sollels qui semblent

marquer et organIser une structure de réslstance à la

conccptuallté philosophIque qUI auraIt prétendu les

domIner, les comprendre, sOlt dlrectement, soit au travers

des catégories dérIvées de ce fond philosophIque

( .•. ).03)

D'autre part, les Formalistes russes ont forgé la notIon de lIttérarIté, afin de détermIner ce qui, en lIttérature, n'est pdS réductIble au message, à la voix, à la métaphore, etc. MalS DerrIda argumente que cette recherche des FormalIstes

russes s'avère redondante, parce que le re~ours à cette notlon

de lIttérarité ne les lIbère pas de la dominatIon du

logocentrisme:

S' il Y a dans la lIttérature quelque chose qui ne se

Jalsse pas réduire à la voix, à l'épos ou à la poéSIe, on

ne peut le ressaISIr qu'à la condltion d'isoler avec

rIgueur ce lIen du jeu de la forme et de la substance d'expressIon glaphlque.(14)

--

---13· J. Demda, Posllions, Pans, EdItIons de MInuIt, 1972, p.94. 14· J. Demda, De la gra •• atologle, p.87.

(19)

_Or

14

Même SI l'Ecole de Copenhague t0g1'ctt.a"lt déjà 1.\

non-eXIstence d'Ilne analyse de l'écrlture lsolée du 51)1\,

l'impuissance à réprImer le d0sJr de la 11Pr à cc' "j(,ll" d

entraîné les FormalIstes russes à prIvllégier la ph(lIH~tlsdllClIl

au détr1.ment de la strate graphique. Pourtant, cette' nut Ion dt'

lIttérarIté qUI exprIme la vérité et l'Etre lltlérdlt"(!, "h(

condamnée à la non-exIstence: la détermlnatlon d(~ l '<'S!->f_'l\C'1' lIttéraire lui falt perdre sa propre SpéCIficité. Lù méflanr'c

à l'égard de la notIon de 11t.térantA a CllTlen0 D('rr1(l.1 ,1

s'opposer à l'autorlté du mImétologisme. MdlS n1

lIttérarIté nI le mImétologisme ne mE't en questIon l'aulorill-: de la philosophIe.

Etant donné l'Insuffisance de ces deux Interprétat Ions dl!

Id. lIttérature, on dOIt examIner une tIerce poss ü) 11 1 t (.

alileurs, dans l'écriture httéralre de Mallarmé qUI

représente la rupture la pl us profonde avec la tradl t Inn en

OccIdent. Elle s'affIrme comme un point de réSl<:;tanL:C c'untrf~

le concept domInant de littérature, même SI son ~ffet fut plus

efficace contre "l'écrlture poétIque" d'une façon trdle

qu'elle a réUSSI à faIre chanceler "1'autorlté transcendantale' et la catégorIe mai tresse de l' eplstémè: l' êt re. "( l 5) On est:

aInSI devant le graphisme poét Igue de Ma] I d nllé, cC' (-lU]

nécesslte la mise en cause du côté phonologlque de la langue dans son or1sine même.

(20)

15

La ]] ttérature dev1.ent une 1.nterrogat1.on radicale de la phllosoph1.e, non seulement en refusant les bases précédentes de 1 a S 1.9n 1.f lcat 1. on, ma 1. s aussi en renonçant à toute essence

formelle de l '(~Xpresslon. Le "l1.ttéra1.re" est écr1.t désormals entre gU1.1lemets par Derr1.da, parce que sa pratlque "suppose

une telle rupture avec ce qU1. a lié l ' histolre des arts

hltéralres à l'h1.sto1.re de la métaphyslque ( ••• )".<16) Le mot "l1.ttéra1.re" dev1.ent a1.nSl une fonct1.on subvers1.ve contre

la ph1.losophie et même contre la } j ttérature. Son effet

pertubateur et subversif se dresse à la fOlS contre le

Jogocentrlsme et contre la littérature comme telle.

La suspensIon de l'être représente pour Derrlda la

caractérIstIque majeure de la "lIttérature". Cette opération ressemble à la réductIon phénoménologIque du transcendantal,

à une sorte d'époché à l'égard des détermlnations formal1.stes

et mimétologiques. DerrIda montre la "httérature" comme étant

caractérisable seulement par la structure de parenthèse,

s'élo1.gnant aInS1. radi cal eme nt d'une st ruc tur e

phénoménolog1.que. La nature epochale de la "littérature" n'est plus dU serVIce de l'être et elle déplace du même coup, d'une façon rad1.cale, la réductIon phénoménologIque.

L'intérêt de Derrlda envers cette "ldéallté" de l'objet

lIttéraIre l'a amené à mettre en place la structure de

(21)

..

1 li

parenthè!":'p qUI ne se sur

"lIttérature" procède à la subverslnn ,lu slmLllaC'lf', de 1 \

vérité, de la llttérature et de la phllosophll·. ElIt' St· ~ntllt·

en effet dans une certalne posItIon de mal"qUf' par l"dppllrt .~ l.i

phIlosophIe et à la llttérature. Cette marque' qUI l't'-s)!:d,· ,\

l ' hlst01 re de la phllosophle et à C'elll.' de la lltt érature,

Derrlda l'appelle "texte général". Tl s'aqlt d'une notIon d,·

texte qui ne se l'mIte pas à l'écrIture bur la page. "Tt'xtp

général" ou "lIttérature" dev1ent lnfrdst nwt ur!'

at'

]d

pl1l1osophH:! et de la lIttérature. Le "texte gênér,)l" rlf~

détru1t ni la philosophIe nI

Id

littérature, malS

leur instance est remIse en pOSItIon de chaîne dont c'est structurellement slIn vouloIr et de cr01re a commander. (17)

marqu~ dans unf.'

111usHHl qUI' dl'

Les d1scours de la phIlosophIe et dc' Jd J 1 t térat Ut"f.! sllnt

InscrIts dans les marges (écarts) du "texte génél"ct J " ,

é llmlndnt al nSI du même coup 1 eurs prétent Ions à l' aut () /"1 t- (. ,·t

à l'autonomie. Cette margInalIté du "texte général" permet

que, malgré l'exIstence de l'IdéologIE' de la pJl1lusopllle Pt. d,·

la littérature, elles ne Salent jamais domInées par la furme,

le message et la dialectIque. SIon salt qw:.·, dans L. prdtlqlH>

de l'écrIture moderne, représentat10n domInant la

11ttérature est pratiquement déconstrulte, on Séllt ùllhS) quP

bIen avant ces textes "modernes", une certaIne prat ique

"littéraIre" pouvalt aVOIr travalllé contre ce modèle,

contre cette représentat1on. MalS c'est à partIr de ces

dern1ers textes, à partlr de la confIguration générale que'

(22)

17

s'y remarque, qu'on peut mIeux relIre, sans téléologIe

rétrospectIve, la 101 des flssures antérleures.Cl8l

La crltlgue lIttéraIre, au sens tradItIonnel, n'est pas fdClle à rejeter. On salt gue la lIttérature est du domaIne du tex te généra 1 ct que, dans ces lImItes, e Il e se caractérIse

par ]p projet d'atteIndre la transparence de son message. La

cntlque Ilttéralre, en présupposant la déCIdabIlIté de la slgnlflcatlon préalable au texte littéraIre, est un descendant légltlme de tout projet constitutIf de la littérature. Les prInCIpes qUI organIsent les dIfférentes lectures crltiques

sont di ff le' 11 es ,~ réfuter. Ces 1 ectures sont va lldes pour la

lIttérature avant le XIXe SIècle, malS même la crItique à

partir de Mallarmé n'échappe pas tout à fait à certaIns effets rétroactIfs par rapport à la (rltlque traditionnelle. Celle-Cl

cl été détermInée comme phIlosophie de la Il ttérature et

enracinée à travers l'hIstOIre sous la forme de commentaIre crItIque tout en doublant la llttérature par l'effacement de l'écriture antérIeure. "La phIlosophie a été détermInée dans

son hIstOIre comme réflexlon de l'lnauguratlon

poétlque."(19)

Qu'on le veullle ou non, la crItique littéraire a été conSIdérée comme philosophie de la littérature dans le passé.

Elle est donc d'ordre métaphySIque et app,utient, selon

---

-18- J. Demda, Posllions, p.Q4.

(23)

1 fi

DerrIda, à l'Interprl5tatlon (lntolo~llqU("' dl' Ll mlml'SlS. (ll\ \11\

donne Rouvent le nom de crltIque thf"nlatique, pat'l'L' qu'L'Il,:, "HI

orIentée vers le contenu, vere If' s l g r l l f l t " , . rI S'd'lIt d ' l l l l t ' crItlque "où l'on VIse à détermIner un Sf'nR .) tl'<lverc., lltl

transpnsal>le comme tel, thème." (20) Ce t hpffiP t'sl unt' un Il,',

orIgInale qUI exerce \lne fonctlon tot,i1 l s a t l ' l ( ' ( ' cl ] '{'qdl'd d" tous les slgn1.flants de l'oeuvre Ilttérëlll·e. Ti aSSU1'/"' 1.1 contlnulté Intlme (le l'oeuvre. C'eRt S'JlI CiH'êiCti"'IC mnnfll()IJl'Jlll'

lUI nonne le pOUVOIr d'exclurt:' tout concurrent.

La crItIque thématIque de DerrH~d, LHlt II t t é t ' L Î l l ' l ' tllll' prll]r,)snphIque, est un défl ,1 la phénoménnln~Jl(' d.H1S Id fIIr'SIlI C' où elle chen'he la posSIbIlIté ultHne d'ur\f~ VOle à trdVI.'rs 1.) 1 I 1 ( ' ) d l t ' e n t ' '::,onsldère pas l'aspect syntaxl'lue et formel df~ la litt érdt un'.

En prlncipe, elle ne s'Intéressp pas au '.'lld(·, ,'1 J 'drl cI(· 1.1 forme, aux jeux des slgnIflants, à la manli?rc dont ll~

,-",.;t,.

est assemblé, etc.:

20-Le thématIsme laisse néces~alrement hors de son champ le~ "affInltés" formelles, phonlques ou graprllqut:s, qUI n'ont pas la talile du mot, l'unité calme d'un SlrJrlf' ve r ba l • ( 21 )

J. Dernda, Ld dIsséminatIon, p.276.

(24)

19

On pourraIt penser à la supérIorlté du structuralisme ou

du fonnallsme, comme cr1tlques opposées au thématlsme, malS

01'1' rIda argumente gu' e Il es sont aussi 1 nsuff Isantes que ce

(.h.:l"n1er, parce qu'elles se concentrent excluslvement sur

l 'dspect forme] du texte. Elles oublIent surtout l'unIcité du

textr>, de sorte que l'organIsatlon formelle et structurale,

gUI dépend de la réductIon eIdétlque, devient essence de la

pensée.

Derrlda admet gue S1 la phllosophle est mlse en questlon !.Jêlr certêllns textes Iltt.éralres, toute forme de crItlque l'est également. r.ette dlff1culté d'instItutionnallser la crltlque

]lttéralre comme telle relève de la dlffIculté d'établIr ses

llmltes. En effet, Il s'aglt d'une vrale décapItatIon de ses pl"étenslons et elle ne peut que plvoter de ce même faIt dans le champ de la déconstructlon.

A partlr de Mallarmé, quelques tJxtes modernes de nature

llttéraIre Ilmltent les deux formes de crltique,(22) non

sf'lllement par le manque de compétence nécessaIre à justIfIer

une telle éCllture, mais aUSSI par le fait de mettre en

questIon la justesse de la crItique par rapport à la

littérature. Derrlda pense que ce fait est dO à des raIsons

22" Les d~ux formes de cntlque sont, selon le contexte, le théllallsme et le formahm ou structuralisme. Par cuntre, l'expression 'quelques textes modernes de nature littéraire', même Si elle semble lIIanquer de clarté a ce stade de notre recherche, a traIt à la problématlque du discours de la lodernlté en ce qUl concerne l'histOire, l'éCriture et Je langage, thèmes qUI ont

(25)

essentIelles qUI écal-tent la décldalnl1té que toute c r t t \ l } \ l t ' pt-ésuppose, et non pas à l ' lnsuff l.sance de It'Ul-S Inst l'liment '5

d'analyse. Ces textes s'éloIgnent ~e 1 (~ ma î t !" l Sc' li t' l ,1

SIÇlnIflcatlon. Cependant, même SI ces te:-..les rH~ t'l'Uvl'nL l'. Hi

être éPU1Sés en termes de contenu et de forme, nn IH' dnll l'dh

abandonner la recherche de leur slgnIfIcatlon. La qUi't (' d(~ LI

sIgnificat10n dOIt au contraIre être IntensifIée df fd';:')11 .l trouver la poss1bIlIté 11lt1me de slgnlfIcat]On pUll!" ""H textes. On salt que la manlfest2t10n de la pensée> ('Xl'y' df' trava1l1er avec la posS1bllIté d'une sl-I"lwt I1re

son objet.

La non-thématlsatlon est due aux Hlùf~cl<1ahles <1(·s tt'xt l'H de la llt.térature moderne. CeUA-Cl s' ldent l f tf'nt <lUX structures textuelles gUI bouleversent la posslbl Il t 15 dl'

l'ex l stence de l' herménellt 19ue lJtt~ra1re, et non !ld!-J d ,

l'Image, au concept, au contenu ou à la fOl'me. r'eU("· mlSl' dU jour de ce type de structure donne Il eu à l cl déconst nJc't lun

comme méthode d'analyse qUI aboutIt à unlJ hyperconnalssdflf'I' df'

la vérlté au-delà de la vérIté par J 'cntreml se df'

modif1cation rad1C'a le de la notl.on dA connaIssance ('ornrne

telle.

Derr1da consldère nécessaire la l l a l son e n t 1:"' (~ l a déconstruction et le saV01r de la trad1 tion a f ln de met! n:

(26)

- - -

-21

profJramme destlné à fonder la constructlon d'une grammatologle

comme "scl.ence":

Il faut sans doute ent reprendre au jourd 'hul une réf 1 exion

dann laquelle la découverte "positlve" et la

"déconstruction" de l 'histoire de la métaphysique, en tous

ses concepts, se c ontrôl ent réciproquement,

mlnutleusement, laborleusement.(23)

rI

faIt aInSl appel à la notlon d'unlté origlnaire où sont

gravées les différences qUl peuvent organlser le discours crltlque et llttéraire. I l s ' agit de l'unité synthétlque la

plus prlmitlve ou la plus élevée qUi précède ou suit le

processus de dlfférenclation. Cette unité permet la mise en

place ~'une stratégl€ capable de garder les différences et le

caractère unlque de la crltique et de l'écriture littéraire. Derrlda désl.gne ces unltés par le nom d'''infrastructures'' ou "structure.::; de slgnifiance". l I n ' a jamais essayé d'organiser d'une façon systématique ces "infrastructures" qUi ont été utilIsées d'une manière ImpréCIse. (24)

Les synthèses infrastructurales ne sont pas des

phénomènes. Elles représentent une articulation "antérieure"

à celle de la différence entre l'être et l'apparence. Elles ne

sont pas des traIts de quelque chose et l'enchaînement entre elles ne SUl t pas la linéarité du temps logique. Ce qu'elles peuvent signlfler dépend souvent de leur organlsation. On peut. mentionner celles qUl sont le plus utlllsées: l'archl-trace,

2.1- Jacques DerrIda, De la granatoJogle, p.124.

(27)

').,

la dl..fférance, le supplément, l ' itérablllté, la marque ou

re-marque ou marche, etc.

Pourquoi cette analyse de la conceptlon derrldwnnt> de 1..1

phIlosophie et de l a I i t térature? Il s' agl t de d6const 1-11t.'t 1011 ,

de la même déconstruction qUl est pratlquée dans les co ll)n!wH

de Glas: de la philosophle dans la colonne Je I~auch(' ct dl' J.l

lIttérature dans la colonne de drolte de chaqup paqe. Les

unités lnfrastructurales sont à l'oeuvre parb1ut oanH 1 ('

texte qui est lUI-même l' archl-écr I turc qUI va, au-de l à cles

fragments de GLas, exiger la connaIssance frûqmenLnre de la réalIté.

(28)

,

:

23

(

CHAPITRE III

LES FRAGMENTS

Maurice Blanchot pense à l'égard du fragment qu'il y a là

une proposltion énigmatIque faIte à la pensée. (25) En

effet, 11 ne s'agit pas de textes "naturels" dU au fait que le lecteur est amené à se poser des questIons sur leur origine et leur destination. Celles-ci restent douteusès et équlvoques. De prime abord les questIons surgIssent en ce qui concerne le geste apparemment paradoxal de mettre en livre des fragments. On ne comprend pas pourquoI l'auteur désIre sIgner quand même le texte, lorsque son objectif est la "mise en cause de la

(

propriété littéraire et de l'autorité". (26)

Du point de vue du lecteur, on doit considérer que ces textes fragmentaires lui parviennent. sous forme de livres, ce qui lmplique déjà une mise en questIon des condItIons de lecture. Ces llvres-Ià, qUI ont déjà SUbl des opérations de rel iure et de relecture, sont présentés au lecteur comme ayant 9,éjà été lus, pUIsqu'ils ont déjà été coupés et montés dans un ordre textue 1 donné.

(

25- MaurICe Blanchot, l'EntretIen lnfInl, Pans, Galliaard, 19~9, p.630.

(29)

24

()n s ' appuyera sur les travaux t. h60nques dl:.~ Ho l ,uH1

Barthes, de Lacoue-Laharthe et

ct'

autres, af ln d'essaye." dt'

bIen salS11' ce qu'est un fragment. On salt guI' l'lLulOl'dl'"f'

lIttéraIre de Barthes, commençant. pa!" des "lntervent Inns"

mythologIques, est passé par ]a sémi(llo9~e pour (~bnut LI" ;) d(·!:-o

trav~ux sous forme de fragments, se lalssant ë\ HIS l e n t r.\ 1 nt> 1"

dans le s11lage de l'écriture de Dernda. r1 sufflt de 111"('

l'Entret~en pour apprendre l'aveu qu'il fait à cpt (.gal'd. Il

expl1cite les motlfs de ce rapprochement t.out- en me" Ic.tnt

l'aC"cent sur "le sentIment de part 1clper (de voul!)ll"

part 1C Iper) à une phase h1stonque que N 1etz sehe d.ppC' 11 f' 1 ('

" n l h i l i sme " • ( 27 )

En 11sant le Journal de Gide, Barthes sc dlt faSClrl0 [la l'

sa "structure dlscontlnue".(28) Lorsqu'on lUI pos,. dE's

questions à propos de sa propre écrlture fragmenta l re ,-~t de

son caractère ambIgu, 11 répond à l'ob ject_l on POS('(' f! n

justifiant l'usage de ce mode d'écr1ture:

Ce qui VIent à l'écriture, ce sont de petlts ____ bloç§.

erratiques ou des rUlnes par rapport à un ensemble

complIqué et touffu. ( •.• ) Personnellement, alors, je 10('

débrouille mieux en n'ayant pas l'air de construlre une

totalité et en laissant à découvert des réSIdus .el:!rlf'1~.

C'est a1.nsi que je justifie mes fragments.(29l

27- Roland Barthes, le Grain de la von, Pans, Seul!, 1981, p.126.

28-

29-Ibid., p.305. Ibid., p.306.

(30)

'.

"

...

(

1

,

25

Barthes parle de "petIts blocs erratIques", de "ruines" et de "résldus plurIels" qUI apparaIssent dans un "ensemble rompllgué et touffu". Chacune de ces expreSSIons ou de ces mots a une certaIne connotatIon gU'11 faut, SInon définir, du mOIns décrIre. Mal s on VOlt tout de SUI te que ces trOIS acceptIons Impliquent trois usages, VOIre même troIS

traltem~nts dIfférents du fragment.

3.1

Types de fragments

~.1.1 "Petits blocs erratIques"

Cette expression a un rapport avec une partie de l 'hérl tage de l'Ecole romantique, représentée par NovalIs. Dans les GraIns de pollen, Il suggère l'idée d'une productIon spontanée ainSI qu'un pouvoir de fécondatIon propres à ces fragments qUI demeurent toujours fidèles à leur orIgIne. Ce sont "des morceaux détachés" de l' espri t. (30) L'autre tendance de l'Ecole romantique est représentée par F. Schlegel et le groupe de l' Athenaeum qUI pratiquaient déjà une sorte d'écrIture du fragment qUI se traduIsait par la présence de la totallté fragmentaire à la fois dans le tout et la partie à

travers un mouvement de doublure et de dédoublement. (31)

30- Roqer Ayrault, La Genèse du RomantIsme Allemand, Pans, Aubier, 1969, pp.136-137. 31- PhIlIppe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L'Absolu llttéraHe, p.64.

(31)

2(ï

3.1.2

"Ruines"

Ce mot falt plutôt appel à la tradltion des Gl"èC'S anclt~ns en CE' qUI concerne l ' a r t et la cult.ure, aInSI qu',) leurs vestLges. Les romantlques a Il emands d' Iéna unt en t l'c''pl" l fi l.1 découverte des "dessous" de la GrèC'e "C' l ass ICJue", d'une aut n' Grèce, sauvage et orglaque, et 1 Hl lJnt aLt nbué unI'

sensLbilLté romantlque qUl se ratt.achc à une (~(,l"t d IIH' tradi t lon Il ttéra ire. ( 32) Le fragment représente d':1118 ('e t ll~

traditlon le pouvolr d'évocatlon et de cltat Ion. 1\ l ' llHd dl" dll morceau brise et ùe la rUlne Ç:fréCO-romdine, Il l'st ;, la fOIS

source de rêverle et llé au C'hamp s(~mant 1 '{Uf.' d ( } J' éc r I t

philosophlque, qUl apparaît souvent chez les Grecs SIIUS fUl'mp de fragment - ce fragment-ruine qui éveille CP qUI

paraît être le plus étranger à notre et d' embrasser des ensemhles, ( .•• ) nous a1.der à dlre ce qu'est écrlre, c'est que penser.(33)

déslr de comprendre et Y1.sque alnSl. de et peut-être ce que

La phllosophle grecque emplole souvent dans son 6criture la

forme du fragment, pour suggérer que 1 d pensée f:-.t l'oeuvre

n'échappent pas à la "fracture" que représentent les vestlge!-:i.

32- Roland Mortler, la Poétlque des rUInes en France, Genève, ~lbCdlrle Droz, 1974,

p.m.

33-

PIerre Pachet, 'Du bon usage des fragments grecs', Pans, Le Houvea~ Commert:e, 10, IQ67, pp. 33,39.

(32)

27 1.].3 "Résidus pluriels"

C'est une expressIon utlllsée par Barthes pour désigner

les fragments. MalS JI s'agit plutôt d'une expression gui

s' lnsère dans la pratique de l'écriture fragmentaire gui a été

lnaurJurée par NIetzsche et. qUI s'est poursuIvie dans la

séquence postromantlque. Nietzsche affl.rme que son regard ne

VOlt que "des débris, fragments, hasards horrlbles" gUI

exigent la pratIque de l'écriture fragmentaire nécessal.re à

exprlmer la différence d'un monde multiple et chaotique. (34)

C'est ce courant r axé sur la dissémination et fondé sur les

"ldées" de reste et de trace, qUI a débouché sur un travail théorIque et critique d'une grande profondeur et d'une grande ampleur dont les chefs de flle sont Barthes et Derrida.

3.2. Aspects du fragment

Les aspects du fragment que les trois désignations

barthéslennes font ressortir ont une grande importance au

pOInt de vue théorlque et rhétorique en ce qui concerne

l'écrlture fragmentaire.

34· MaurIce Blanchot, 'Nletzsche et l'écnture fragD1entalre', Nouvelle Revue Française, numéro 171,

(33)

28 3.:2.1 Aspect h1storique ou génét Igue

Il faut remonter à l'Antlqu1té et débordt'r même It- 1',1111"(, culturel du monde OCCIdental pour trouve)' It"'s Ol"JÇ.JInl-s dt'

l'écrIture sous sa forme fragmentalre. On lù VOlt chez 1'_":i

Grecs (Héracllte, Platon), chez les morallstes frdnl;,11L., pt

anglaIS (Montalgne, La RochefouC'auld, P,'n-wdl,

r ..

-l nrllyèl"/~-,

Chamfort, Dlderot, Bacon, Shaft"eshury ••. ) pt chcz

romant1ques allemands. On la décuuvre aUSSI dans

abondamment par les penseurs.

rI y a des fluctuatIons sérnantlgues en ce gUI ('on('(-I"II(' l.1

not lon de fragment et 1 es possll"'" ,~s retours de cet te Il forme Il

dans l 'histOIre se fondent sur une résurgenl'e ) rré9u] l('re pt

aléat01re. Pourtant, on dOlt remarquer que la questuJn du

fragment faü et refalt surfacE' lorsqu'on s'effor('(' dl'

repenser l 'histoire en ses moments crltlques: en effr·t, nul

autre gue le fragment peut mieux représenter J cl forc(' di:' l d

discontlnulté et de la rupture amorcées par la cnse. C'e fut

le cas des romant igues allemands, qui voya ü>nt da ns 1 'usaq(' dll fragment la manlfestatlon d'une cr ise et de ] a I l ttératul"c et

de la "critique générale (soclale, morale, rel 1 1] l l'US('' ,

pol itique) ( ••• ), dont la 11 ttérature ou la théorJ e l i ttpral re

seront le lieu d'expression privi légié." ( 35)

35- Phllippe Lacoue-Labarthe ~t Jean-Luc Nancy, llAbsolu I1ttéralrf!, p.IL

(34)

29

Pend,.iDt les années sOll\ante-dlx, en France, l'emploI du

f racJment VIent encore marquer une crIse de la théorle

11 ttéralre, où se rejoignent malntena",- les deux fonctions

poétIque et critIque. Cette crlse est très éVIdente dans le

plais~,.r __ du Texte de Roland Barthes (1973), texte écnt sous

forme f ragmer.taue qUI peut êt re lu dans la traditIon de la maXlme, malS qUI se laisse emporter par une sorte de tr10mphe du romanesque sur la vérlté.

11 la f ln des années sOIxante-dix, l'importance de

l 'écn ture fragmentaIre refaIt à nouveau surface, ayant cette

fOlS-ci le rôle de support par rapport à la théorIsatIon de

l'écriture et de son sujet. C'est le moment où s'annonce une nouvelle crlse des valeurs en ce qUI concerne les concepts de sujet, de genre et d'oeuvre. Le fragment devient une sorte de

symptôme de crIse et i l est toujours présent lorsqu'on met en

cause l~ pensée ratIonnplle qUI relève de la tradItion. C'est

qu • Il s ' agit d' une" forme" 1] ttéralre InaccomplIe qUI est très proche du non-écrit.

Des différences d'ordre pratIque et théorique sont à

relever à l'IntérIeur de ces mêmes tradItions. SIon regarde

l'écriture fragmentaIre de Barthes, de Blanchot et de Derrida,

pour ne CIter que les écrivaIns contemporains les plus

lmportants dans ce domal.ne, on est obligé d'admettre des

(35)

30

l'haiku japonais ou de la leçon zt"'n ( ~6), BLmehl..lt

prat Igue dans un régIme sans hmi tes. Et que li H(' (ie Ll

pratique derridienne de l'écrIture fr.39mpnt.urt-<' C'est \.) 1(· but de ce travaIl.

MaurIce Blanchût, l'un ,les pt"emlerS sur 1.1

contempora l ne

de

l'éC'rJture

fragments sous forme d' apho r l smes

l'EcrIture dl: désastre. Barthes l'l'est E'lI.L't"cé dans cc dUmdlrlf..'

Barthes et Fragmen ts _d_' u_n __ d_I_S_C_o_l_lr_s __ ~!!)2!! reux • C'lwz

DerrIda, ce type d'écr~tul"e est déjà VISIble rldns Tymp.:ln"

(Marges de la PhIlosophIe). Glas est- unf> (J(>U\,,"(> 'lUl ('st

marquée par la subversIon du genre, par des moments df'

fragment at Ion et de à iscont-lnln té, pa 1" la perte cl' IHl

paragraphe, d'une phrase ou d'un mot. Les deux co 1 onrH~S, l' lin"

sur le dIscours philosophIque (Hegel), l'autre sur le cllsc'ours

lIttéraIre (Genet), montrent l'ImportancE' de t'espdC'P (Lins

l'oeuvre, s'approchant aInSI d'un graphIsme mallarmt'.t:'n.

3.2.2

Aspect philosophIque

C'est l'aspect le pl us dét~rminant ca r ] 1 met en rt~l }(·f

la dualIté fragment/totalIté, c'est-à-due le rapport de L.J partie au tout tel qu'une certaIne trad1t1ûn ph] losophtf-1Uf! l'LI

(36)

31

conçu. EffectIvement le fragment a toujours été lu, dans les

tradltlons phIlosophIque, phIlologIque et herméneutIque,

~mrtnut .) partJr de Schlelermacher, comme la partie d'un tout.

Plus récemment, LUCIen Goldmann a reprIS cette lecture totallsante. Ce rapport de la partie au tout est nécessaIre, malS Il est lInportant de préCIser qu'il n'est pas possible

d'Intégrer le cerC'] e herméneutlClue sans subIr des pertes

graves par rapport à toutes les totalItés. Cette intégratIon

du fragment comme partIe du tout hu retIreraIt les rapports

complexes qu'il entretIent avec le Sujet, l'Oeuvre, la SOCIété

Ou J' Histoire. Pourtant, c'est dans ce sens -1 à que sembl e

aller l'InterprétatIon de Goldmann, quand Il avoue à l'égard

des r~nsée~ de Pascal qu'il est "impossible de connaître les

partIes sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître partIculièrement les parties".(37) C'est aInSI qu'il voit la fragmentation des Pensées en fonction d'une totalIté qui est la Société. Il s'agIt d'une VIsion

assez "claSSIque" à l'égard du fragment, VISIon qui présuppose

la notion d'oeuvre achevée en C'e qUI a trait aux Pensées.

Lacoue-Labarthe et Nancy nous donnent une toute autre viSIon de la "nature" du fragment. Ils admettent l'éclatement de la clôture de cette relatIon trop circulal.re entre la partIe et le tout, puisque

(37)

la totalIté ft'agmentall"e ( •.. l ne t'eut êtrt' S1\\I,",- t ' l i

aucun pOInt: elle est slmultanément dans le t-out ct (!.III~

chaquE' part lE'. Chaque f ïdgml'nt vaut pC1ur lUI -mêmp pt Plllll

ee dont i l se détache. La. totallté C'I>St h· fl"Jgment l l l l

-même dans son lndl'.'lduallté achev(·e. (3Al

fr<.il)ment 0\1 le rapport du t01ll- et ('10 Id )I<l1'tlt' ('!:il SUb\'t'lti df'

l'usage postromantIque dt''' Bal'thf"s et d'autn's 'JIll \ ' d nlf·ttl'-l'accent sur une autt'e ùrtleulatlon du l".:tPPOl"t Ju t"ut ,., d,·

la partJe, selon une écononllC' géné-ralp dl-' Id dl ff/'rl-Ilt t'

d'une relatIon plus comple>'l' d'ul,_'lusICln, d'f"xclUSltHI f,1

d'occlusIon oü la partIe cc's~e d'ptl'(' In(~')IlSf' danh ('Il ('XI'lltht'

du tout, où le tout peut être partle, ot't Li pL.l.rtll· ['Pitt (-trI'

plus grande que le tout:

( ••. ) la llttérature va désormaIs porter en elle C(~t·tc·

question - la dlscontlnuité ou la dJffpl'encf' (""omm(! fornw

-questIon et tâche que 1 e romantlsme d 11 r~rodnf.l t-·t. F'n

particulier celui de l'Athenacum il nlln !:iE'lll("IlI(~nt

préssentles, malS déjà claIrement pruposf'!es, dVdnt d • .: l,-'s

remettre à Nlet.zsche, à ] ' avenl r. (11)) ,

écrlt Blanchot, tout en inslstant sur la rhscont Inulté (~t la

dlfférence comme éléments détermJ.nants dr~ ] ' esthét J quC' du

fragment.

38- Phllippe Ldcoue-Labarthe et Jean-Lue Nancy, IIAbsoll1 l1ttérdlrf', p.64.

(38)

,

,

33

LI queotion du fragment. se pose alors en termes de

"disr:ontlnUJté ou (et) différence comme forme", ce qUl suppose

l 'px l(]enCe d'un r'ert cHn lndéc ldabl e, ou encore l ' impos s ibil i té

sc décider dans un sens ou dans l'autre. Cette

lndécJdablllté rendra l t pratiquement inutile la visée

tuLlllsante de l ' herméneut igue et, par conséquent, toute

l('ctllr(~ reC'onstructrlC'e. C'est. là la justification essentielle

de l'emploi du fragment qUi ne peut plus négllger la force des

blancs dans son espacement graphique. Cette lecture

décentralisée qu'on fait à partir des marges est à la fOlS IJsible et uréductlble et veut mettre plutôt l'accent sur

l'inachèvement et 1 e passage entre deux fragment s.

3.2.3 Aspect générique

I l s ' agit de Sl tuer le fragment par rapport au genre

Iltt6raue. Le texte fragmentaire est en effet un genre, malS

non au sens propre du mot. On peut constater sur ce plan

pn~(' 1. s I ' ex lstence de deux conceptions opposées mais en même

temps complémentaires: le fragment serait déflnissable en

termes de régression vers l'avant-genre, ou le non-genre, et de "matrice de tous les genres."(40)

La première conception le sItue dans un texte sans genre nl 101S, ne voyant dans le fragment que le double mouvement

(39)

34 "de régreSSIon Infantile et dE' thp0rlsat1.0n, qU1 St' l"PS'lut l.'1l

théorlsatl0n de la régreSSIon, de la margInallsdtlnn, tIf' ld folle."(41)

La deuxIème conceptIon conSIdère le fragment à L.l. f,)! '->

comme hypostasIé en Fragment ct comml' nnn-ql"nre. T I l (·pt·(";<'>(·ld ('

un ensemble complexe et indécIdahle qUl hrlHll Il e 1 t-"~

déllmi tat ions du genre en C'mpfoc:hant unC' ClëtShlfll..',I!l<ln tax Inomlgue et, pa r conséquen.::, toute récupératIon dU SI' l n

cl' une poét igue,

A l ' Inverse du fragment, la maxime et l ' aphol'l SIllf' s(> laIssent alsément. récupérer par la poétIque, On l'l,lIt rJlll' Id maXIme a été étud1.ée en profondeur dans de nombreus(!s <lnd 1 Y'ws structurales. Barthes considère que la max l.me 1"('VIent \ 011 jours à son archétype des maxImes(42l, tùIH'l1.S '-111(~ le fra':lm(2nt s'élolgne de cette matr lce textue 11 e, étant donné qu'" 0C r I l'P en fragment, c'est écrlre en fragments."(43l La md"lm(~ ,~!-,t unIque; le fragment est caractérIsé par le pllll"lel, ( ' e l u l - t ' j

n'est pas clos et essentlalisant commé la m':>X1me qU1, elle, est prochp de l'IdéologIe classlque.

41- Mlchel Beaujour, MIrOIrS d'encre, Pans, SeUIl, 1980, p.202.

42· Roland Barthes, 'La Rochefoucauld: RéfleXIons (lU Sentencf's et Md Xl rues' , dans NÙllV~~~~~ Cntiques, Pans, SeUIl, 1972, p.70.

(40)

35

Lcs genres mIneurs à caractère "moral" tels que la

sentence, l a max ime et l'aphorisme, ( 44) se dl stInguent par

dcs traJ ts préCIS du fragment qUI subvert l t la cl assif icatIon,

la défInItIon, la valeur et l'essence du dIscours. La maXIme el l ' aphor1sme se caractérIsent par l'existence d'une clôture,

leur contenu moral, la perfectIon et la concIsion de la

phrase·, l'absence du sujet d'énonCIation, etc. En revanche,

l'écrIture fragmentaIre manl1este la plus tenace des

rés 1 stances à toute acti vlté consistant à nommer ou à définir.

Elle exige, de par sa "nature" r le déplacement de l'esthétIque

et

de l'éthIque de la maXIme, dans la mesure où la forme et la

notIon de représentation sont remises en question par elle. Ce mode d'errement, qui existe depuis les romantiques allemands,

n'a aucun support d'ordre théorIque, co.nceptuel ou

formel. (45)

Si le fragment ne se conforme pas au modèle de la phrase, comme le font la sentence, la maxime et l'aphorisme, il faut néanmOIns qu'il fasse appel à une unIté textuelle. Cette unIté est pour Barthes la lexle(46), unIté qUI est découpée selon

l'ordre du lire dans le texte. Elle occupe une position

lnt ecmédIaIre entre la langue et le discours, étant décrite

44· Sen~nc~, Ilot d'origine latlne (lat. sentential qUl slgnlfie 'pensée sur un pOlnt de morale expllllée d'une lanlère dogmatlque et Ilttérane.· Pau 1 Robert, DlctlonnaIre, Paris, ISBN, 1977.

45·

Ph1l1ppe Lacoue-Labarthe et J~an-Luc Nancy, j'Absolu lIttémre, p.184. 46· Roland Barthes, S/Z, Pans, Seull, 1910, p.20.

(41)

3 ()

comme "une suite de court s fragment s Cl1nt 1 gus" ( 4 7) dydnt dt'H

bords mobiles et souples. Elle ne s'arrête pas à la phrase,

comme le font la llnguistlque, la styllSt..lqUC E't ln

rhétorique; elle ne se linllte pas non plus au lll\'('.::I1I du

discours dont l'unlté est la phrasE'. Elle s'ap\'!'uC'he (]'un

trolsi~me nlveau - celul du transdlscurslf qUl est ~entr~ sur des flgures de discours. (48) c'est là la dlffôJ"r'nC'e ('nt l'f' 1(· fragment et la maxIme. C'est cette posture mlxte Ju fragment qui garant i t, la c laSSlf lcat ion des aut l'es Çlenres qll' 1 l n ' d

jamais cessé de contester au moyen de la li'lbi llté dl:' Sf'S bords

depuis les romantiques a llemands jusqu'à nos jours.

si la cltatl0n est un genre VClIS.ln du fragment, f~lle IlL'

s 'ldentifle aucunement avec lUl. On prZlt lque un geste Cl"lt lqW'

lorsqu'on ret.ire un fragment dE:: son context e, geste qUI

Implique une altératlon lnévltable. Blanchot le dit clairement'

lorsyn' 11 afflrme que" le fragment sans texte nl contexte c'st

radlcalement incltable". (49) c'est a1nSl qu'on nE' peut pas

citer le fragment, parce qU'lI ne vIent jamals sf'ul, pan;f'

qu'il emporte avec lui en même temps le hors-textp, le

rr~-texte et le conrr~-texte des autres fragments. De plu!>, 11 (:!st

hétérogène et traversé de plus1eurs codes 0ulturels.

47- Roland Barthe!, SIZ., p.20.

48- Dans S/Z, 11 y a 561 lems traversées par 5 codes: herméneutique, proilirHlquè, sémlque, cultureJ et symbolIque. Les deux prem.lers sont méversibles par rapport à l'ordre du tempO' Ll's trOIS dernIers, n'étant pas soumIS ~ la contmnte du temps, sont réverslbJ~8. 'FIgures de discours' correspondraIent à ]'Intertextuallté dans la théOrie du tr:xte.

49- MaUrice Blanchot, L'ECriture du Désastre, Parts, GallllRard, 1980, p.64.

(42)

-37

AntoIne Compagnon pense que, pour la citation, le "sens est dans l'accident ou dans le chuc",(SO) ce qui reVIent à

dIre qU'lI s'agit plutôt d'un symptôme que d'un signe. Malgré cette interprétation d'ordre étymologIque de la citation, Il

y cl des rapports entre celle-ci et le fragment. La citatIon

représente en quelque sorte le modèle de lecture des fragments, pUisqu'on sait qu'elle fonctIonne plutôt aux pOInts de jonct.Ion des deux textes: le cIté et le citant. MalS par contre c'est le fragment qUI rend à la citation le pOUVOIr d'arrachement au contexte de départ.

Du point de vue psychanalytIque, la cItatIon et le fragment s'apparentent aussi de par leur lien avec la pulsion de mort. La C' 1 tation révèl e l ' angoisse du plagIat, une des

formes de castratlon qui est présente aUSSl du côté de l'écriture fragmentaire. Les rapports de la cltation et du fragment s'artIculent "sur la présence de la mort dans toute répét !tIan" (51) qUI ex ige l ' éffondrement du narc! ssisme et le travail du deuIl.

50- AntoIne Compagnon, La Seconde Mau ou le travaIl de la cItatIon, Pans, Seuil, 19H, p.45. 51- IbId., p.395.

(43)

3.2.4 Aspect psychanalytlque

Le texte fragmenta 1re est 11é à 1 a psyC'hana 1 ySf-? pd r un

certain nombre de slgnlflants, tels que t.rou, fu:;sure, bOl"<l,

manque, etc. MalS i l s'agit d'un llen plutôL ~lénéral, mOlrlf:;

prée IS que cel Ul rel iant 1 a ci tat Ion cl la psyC'hana 1 l'se du

moment où l'on sait que le fragment en fal t vac III el' ll.~s

1 inll tes. La psychanal yse est souvent conçue ('omn _ 1 a sC' l (,llI'f~

dont l'objet est le langage d'une culture établl"", rtldlS

représentant- plutôt le lleu de la non-maîtrise. Tout en IlOIlS

éloignant d'une Interprétatlon psychanal yt] que orthodoxe, nnllS

allons esqulsser le rapport entre celle-Cl 0t L. lC'ctuJ"(' df's

fraÇJments, en mettant en évidence les dIfférences et les

slmil itudes entre le fragment et 11:8 not lons Q..! fétIche et d(·

détail.

Nou.:: retlendrons deux lnterprétat lons psyC'h.1nal yt l'lues,

parmi d'autres, du texte fragmentalre afln ch:' les commentc']":

celle qUI met en rapport l ' éCrJ.ture fraymentalre (lVC~(' Ilnp

certalne vislon de la pulSIon: celle qUI n'admpt la SUrV1V.ln(·(>

du fragment qu'en rapport avec la castratlon. Barthes ~pmble

aller du côté de l'interprétatIon puhilonnelle, pl.llsqll'll

avoue que les SClences humalnes

sont encore domlnées par le surmOl de la rontlnulté, un

surmoi de l'évolutlon, de l'hlstoll'e, de la flllatlon,

(44)

39

reste alors essentIellement hérétique, révolutIonnaire au sens propre et nécessaIre. (52)

On peut penser par extrapolatIon que Barthes sltue le

fragmentaire du côté du ~, là où le principe de plaisir

dC)ffllne et où la pulSlon a lieu. Mais encore là il faut

Identifier le type de pulsIon dont i l s'agit puisqu'on sait

que le fort:da freudIen correspond aux puJsions de mort et de

vie devant l'OPPosItion agonistlque du ~ au surmoi.

Le modèle freudIen est soumIs à la dynamique imposée par l'économie libIdinale qui est partagée en énergie libre et en énergle liée. Du côté de la lIaison, l'Eros freudIen agit dans le Lut d'Instituer des unItés de plus en plus grandes, de

façon à maIntenIr l es choses et, par 1 à même, la vie. C'est la

pulsion de vie. Du côté de la délialson, de l'énergie libre,

l'Eros freudien désagrège les assemblages et détruit les

choses. C'est la pul sion de mort. C'est ic 1 qu'on pourral t

situer l 'économle textuelle des fragments, textes formellement lIés par dél1aisons.

Le modèle lInguistIque de Benveniste présente sa

dlstrJbutlon de sIgnificatIon à partIr d'un centre qui est la phrase, selon une dynamique assez proche de celle du modèle de Freud. SI la phrase s'achemine vers des unI tés supérIeures, elle VIse à maIntenIr le sens par la constructIon, la liaIson

(45)

40

et l'assemblage. Sl la phrase se dU"lge vers des unlt0s

1nfér Ieures, elle pri vi 1 ég1e la rupture, la d ISSOC' lat tun et LI

dél1alson.

Les deux modèles, le psychanalyt1que et le Iln'dulstJCluC',

se fondent. sur des un1 tés lIantes et dé lIant C'S qu 1- nU\lS

permettent de mIeux comprendre Id slgn1fl!~atH,n du texte

fragmentaire. Même s' 11 demeure fldèl e dU modèle de la ph 1".18(',

le déSIr de lecture lui faIt subIr une é1abordtlon ,\ t l"dVf'rS

des ajouts, des substi t.ut Ions et des (lÉ'pl aceffif~nt-s. T 1 (.!'.;t

a1nsi relIé vers le haut et vers le bas, lnscrlvant à la f(>tH

la puls10n de V10 et la pulsion de mOl"t S(ll1~ l ',W\-lOI\ c!('H

forces complexes de déSIr et de deuil. l\1aH; Il sernhlf',

pourtant, gue c'est la pulsIon de mort qUl 1 'emporh:', ~Llnt

donné la rupture, la dél1.aISOn, la fra~lmentdtlon ct le manque

de C' lôture de l' éc r i ture fragmentaIre. ( 53 )

L'analyse du fragment en termes de castrat ]on ex iqe qu'on

consIdère l'écriture fragmenta1re (~()mme un fétIche ou comm(· un

objet partIel aSSImIlable au détalle Il s'agiraIt, dans (:(~

cas, de réifIer le fragment, rI sguc gu' on ne vput pas assumf'j".

On salt gue le fragment est toujours diviSIble et CJU~ l(~

fétiche et le détail ne le sont pas. Ces derulers semble·nt

être des objets partIels, des morceaux détachés, ma] s tou -jours

ind1vlsibles. Le fétlche est pour Frend un processus qll1

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