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Individualisme et philosophie politique de Karl Polanyi

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André Tiran

To cite this version:

André Tiran. Individualisme et philosophie politique de Karl Polanyi. Servet, J.-M.; Tiran, A. La Modernité de Karl Polanyi, L’Harmattan, pp.205-226, 1998, Logiques sociales. �halshs-00117860�

(2)

DANS L'ŒUVRE DE KARL POLANYI

par André Tiran

PRESENTATION

L'objet de cette contribution est d’expliciter la question des rapports entre individu, société et liberté dans l'œuvre de Karl Polanyi. A première vue le débat central tourne autour des tensions entre individu et institutions1. Le problème plus général que nous voulons poser est de savoir si Karl Polanyi n'a pas sous-estimé l'importance de l'individu dans le problème de la liberté car, contrairement à ce qu'il croyait, en partie, la Grande

T r a n s f o r m a t i o n n'a pas eue lieu. Comme les contributions précédentes l’ont montré, le marché autorégulateur, décrit par Polanyi, a bel et bien disparu et le libéralisme au sens où il le discute est mort2

. Ceux qui se présentent comme libéraux, même les plus extrêmes, ne nient plus qu'il y ait nécessité d'une intervention et d'une réglementation de l'État.

Dans ce sens nous vivons aujourd'hui dans un monde post-libéral3

. Le libéralisme économique comme élément constitutif de nos valeurs fondamentales s'est confirmé et développé, contrairement à ce que probablement Karl Polanyi pouvait penser. La question qui nous occupe est donc de savoir quelle validité accorder aux idées développées par Karl Polanyi sur les questions de liberté et d'individu. Faut-il les considérer comme purement et simplement invalides et totalement marquées par un holisme insoutenable ou bien peut-on tenter une reconstruction de sa position ?

Cette tentative nous paraît justifiée car les dangers dénoncés par Karl Polanyi n'ont pas disparu. Toute la critique qu'il

1

Chap. 21 : "La liberté dans une société complexe", pp. 320-334.

2

Voir sur ce point la préface de Louis DUMONT, pp. VI-VII.

3

(3)

développe contre la privatisation, en particulier de la monnaie, est pleine d'actualité. On constate que les marchés financiers d’aujourd’hui, où prévaut cette logique autorégulatrice, exercent leur domination sur la plus grande partie des gouvernements, même si tous ne la subissent pas avec la même intensité. Dans tous les cas, le problème de la limitation de la liberté des acteurs de la finance internationale devient une question de première importance dans les débats publics et dans la maîtrise du destin que les nations veulent conserver ou reconquérir.

Pour répondre à notre question il est nécessaire de reprendre les textes mêmes de Karl Polanyi, nous le ferons en utilisant La

Grande Transformation et les textes publiés par Alfredo Salsano dans La libertà in una società complessa4. Nous aborderons dans un premier temps la question des rapports entre liberté et institutions, Polanyi traite de ce problème à travers les menaces qui pèsent sur la liberté. Ensuite nous tenterons de définir ce que pourrait être la conception de l'individu, des rapports entre individu et liberté et entre liberté et démocratie dans la pensée polanyienne. Enfin nous évoquerons brièvement le programme de défense de la liberté que Polanyi énonce, pour conclure sur quelques enseignements de son analyse.

LIBERTE ET INSTITUTIONS5

La nature du débat entre Polanyi et Mises nous intéresse aujourd'hui car nombre de sociétés, y compris la nôtre, se retrouvent confrontées à la nécessité de penser deux exigences : celle de l'efficacité économique et celle de la justice sociale. L'apport de Polanyi tient précisément à ce qu'il est un des tous premiers à être sorti du dilemme planification centralisée/marché autorégulateur. Il est un des rares à réunir dans un seul cadre théorique, logique : d'efficacité et logique de valeurs. L'opposition

4

Karl POLANYI, La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino et Cronache della grande transformazione, Einaudi, Torino, 1993.

5

Jean-Michel SERVET, "L'institution monétaire de la société selon Karl Polanyi", Revue Économique, vol. 44, n° 6, novembre 1993, pp. 1127-1149.

(4)

radicale entre socialisme de planification centrale, sans liberté, et économie de marché, avec liberté, a longtemps bloqué toute réflexion sur cette question. La conception de Karl Polanyi repose sur la réalisation de deux exigences cruciales : "l’essor de la

productivité maximale d’un côté, et le principe de la justice de l’autre (telle qu’elle se manifeste dans la répartition des produits et dans l’orientation sociale de la direction de la production) constitue l’essence de notre concept d’économie socialiste”6

. Cette analyse se situe au coeur de nos sociétés, la prise en compte de ces deux exigences est une donnée permanente des économies d'Europe continentale et dans une moindre mesure de celle des pays anglo-saxons. Le débat entre Mises et Polanyi, sur cette question, peut permettre d'ouvrir de nouvelles pistes.

Tout d'abord Mises dans sa critique de Polanyi7

présente une objection cruciale : "La faiblesse de cette construction réside dans

l'obscurité où elle laisse à dessein la question essentielle : Socialisme ou syndicalisme ?", Mises précise plus loin la nature de son objection, "Tout comme les socialistes des guildes, Polanyi

attribue expressément à la société, à la Commune, la propriété des moyens de production, et il pense en avoir assez dit pour défendre son système contre l'accusation de syndicalisme. Mais il retire aussitôt ce qu'il vient de dire. Être propriétaire d'un objet, c'est avoir le droit d'en disposer. Si ce droit revient, non à la commune mais aux associations de production, ce sont ces dernières qui sont propriétaires et nous avons affaire à une communauté syndicaliste"8

Dans la suite de sa critique Mises argumente pour démontrer que le système de Polanyi doit nécessairement basculer soit du côté du socialisme, et faire disparaître la liberté, soit du côté

6

Karl POLANYI, the advancement of maximal productivity on the one hand,

and of the rule of social justice on the other, (as manifested in the distribution of the product and in the social orientation of the direction of production) - constitute the essence of our concept of a socialist economy"The functionalist theory of society and the problem of socialist

economic calculability. Réponse à Ludwig Von Mises et Félix Weil", p. 117 in J. Maucourant, ) "Monnaie et calcul économique socialiste selon Karl Polanyi : le projet d'une économie socialiste fédérale", Revue

européenne des sciences sociales (31), 96, pp. 29-46, 1993.

7

Voir sur ce point la contribution de Jérôme Maucourant dans ce volume.

8

Ludwig Von Mises, Le socialisme, Librairie de Médicis, Paris, appendice, p. 601.

(5)

du syndicalisme et s'effondrer. L'essentiel de la réponse de Polanyi est dans la remarque suivante : "L’erreur de la conclusision tirée par Mises s’explique par le fait qu’il n’est pas parvenu à distinguer entre les deux sens du mot "forme constitutionnelle"

(Verfassungsform), la première rattachée aux relations de pouvoir l’autre rattachée aux relations sociales mutuellement reconnues

(Anerkennungsverhältnis)"9.

Après cette critique conceptuelle, Polanyi évoque un autre point faible, selon lui, de la critique de Mises. Tant que ce dernier n’a pas prouvé que dans le système fonctionnel la Commune, ou l’association des producteurs, pouvait prendre une supériorité durable sur l’autre il esquive la question. Contre Polanyi Mises a déjà répondu par avance lorsqu'il a traité du droit de propriété. Pour Mises le droit de propriété va imposer au droit constitutionnel une forme politique donnée. Le débat ne sera pas poussé plus loin. Le dernier argument de Polanyi est un acte de foi qui postule que, par nature, il ne peut y avoir de conflit irréductible dans un système fonctionnel car : "The inevitablity of

reconciliation within a functionnaly organized socialist society is, thus, based on the physical and psychic unity within the individual and requires no further proof".10

La réponse de Polanyi se place sur le deuxième point de l'argumentation ; dans toute société, les exigences d'efficacité économique et de justice sociale doivent être prises en compte. Mises ne répond pas sur ce point. Il ne dit rien non plus de tous les développements de Polanyi relatifs aux problèmes du calcul économique qualitatif des exigences de la société, basées sur la liberté de l'individu. Ce non-dit apparaît comme étonnant, précisément dans la mesure où toute la force analytique de Mises se situe sur ce plan lorsqu'il analyse l'économie de marché. Dans

9

Karl POLANYI, The erroneous conclusion drawn by Mises is explained by

the fact he has failed to distinguish between the two meanings of the word "constitutional form" one relating to the social power relations (Machtverhältnis), the other to the mutually recognized societal relations

The functionalist theory of society and the problem of socialist economic calculability. Réponse à Ludwig Von Mises et Félix Weil, p. 120 in J. Maucourant, ) "Monnaie et calcul économique socialiste selon Karl Polanyi : le projet d'une économie socialiste fédérale", Revue

européenne des sciences sociales (31), 96, pp. 29-46, 1993.

10

(6)

cette discussion Mises cherche à démontrer que la forme constitutionnelle de l'économie fonctionnelle, proposée par Polanyi, ne peut pas ne pas basculer soit dans le syndicalisme, soit dans le collectivisme. Polanyi répond sur le plan des fondements de toute société basée sur la liberté qui doit nécessairement tenir compte des deux motifs de l'action humaine. Mises parle des rapports de pouvoir et Polanyi des rapports de reconnaissance, sans que ni l'un ni l'autre ne parvienne à prendre en compte les deux dimensions de façon convaincante. Le noyau du désaccord repose, semble-t-il, sur la conception de l'individu et de ses rapports avec la liberté chez les deux auteurs. C'est d'ailleurs ce point que Polanyi cherchera à développer dans la suite de ses écrits.

Pour Karl Polanyi, "le problème de la liberté se pose à deux

niveaux différents : le niveau institutionnel et le niveau moral o u religieux"11. Si Polanyi développe assez longuement la question de la liberté au niveau institutionnel la suite ne contient pratiquement rien nous renseignant sur le contenu de la liberté au plan moral et religieux.

Le problème posé est celui "d'équilibrer des libertés accrues

avec des libertés amoindries"12

. Polanyi pointe immédiatement la contradiction cruciale : la liberté, sa possibilité même, lui semble remise en question car "les moyens mêmes de maintenir la liberté

l'altèrent et la détruisent"13. La société connaît un processus dont les effets sont contradictoires. Au niveau institutionnel la réglementation étend et restreint à la fois la liberté, il n'est pas nécessaire de produire des exemples pour comprendre cela. Dans ce cadre, pour Polanyi, seule compte "la balance des libertés

gagnées et des libertés perdues"14

. Ici se pose immédiatement u n problème : celui de l'évaluation des gains et des pertes en matière de liberté. D’où une première question : comment et par qui va être réalisé ce décompte de la liberté gagnée et de la liberté perdue ? Polanyi répond : cette évaluation seront en partie assurés

11

Karl POLANYI, La Grande Transformation, p. 327.

12 Ibid., p. 326. 13 Ibid., p. 326. 14 Ibid., p. 326.

(7)

par la mise en place d'une comptabilité des coûts de la liberté15 et sur le plan politique (celui de l'expressions de la volonté générale dans le sens de Rousseau) par l'application d'une théorie fonctionnelle de la société16

.

Pour appuyer son argumentation Polanyi cite l'exemple de la limitation de la liberté (à travers la fiscalité) des catégories privilégiées, en matière de revenus et de loisir, afin étendre cette liberté aux catégories qui ont beaucoup moins de revenus et de loisir. Il conclut en indiquant que la limitation de la liberté de certaines catégories ne permet en aucun cas de dire que la liberté est menacée dans l'ensemble de la société " ce genre de

déplacement, de remise en forme et d'extension des libertés ne devraient pas donner la moindre raison d'affirmer que la condition nouvelle sera nécessairement moins libre que l'ancienne"17. Tout se passe donc comme s’il était nécessaire de maintenir dans la société un certain q u a n t u m de liberté. La répartition de cette liberté n'est pas égale pour tous, bien qu'il faille noter qu’ici il s'agit de liberté réelle au sens de moyens économiques d'exercer des droits juridiques. Ceci posé Polanyi émet immédiatement une restriction qui est en même temps une reconnaissance de l'apport du libéralisme au développement de la liberté.

Cette reconnaissance est suffisamment rare sous sa plume pour être soulignée. Il écrit : "La séparation institutionnelle du politique

et de l'économique, qui, s'est révélée un danger mortel pour la substance de la société, a presque automatiquement produit la liberté au prix de la justice et de la sécurité. Les libertés civiques, l'entreprise privée et le système salarial se sont fondus en u n

15

Voir sur ce point les textes du débat Polanyi /Von Mises réunis par J. Maucourant in "Calcul économique socialiste et autres écrits monétaires",

Cahiers Monnaie et Financement, Centre de recherches Monnaie-Finance et Banque, n° 22, pp. 11-164. Voir également J. Maucourant, "Monnaie et calcul économique selon Karl Polanyi, le projet d'une économie socialiste fédérale", Revue Européenne des sciences sociales, tome 31, n° 90, 1993, pp. 29-46.

16

Voir "The functionalist theory of society and the problem of socialist

economic calculability. Réponse à Ludwig Von Mises et Félix Weil", traduction Kari POLANYI-LEVITT, in "Calcul économique socialiste et autres écrits monétaires", Cahiers Monnaie et Financement, Centre de recherches Monnaie-Finance et Banque, n° 22, pp. 115-126.

17

(8)

modèle de vie qui a favorisé la liberté morale et l'indépendance d'esprit"18

. Polanyi indique que le libéralisme, acteur central de cette séparation de l'économique et du politique, a produit en retour un bien qui est la liberté “ sans justice et sans sécurité mais avec plus de morale et d'indépendance d'esprit ”19 au plan de l'individu. Nous devons, pour Polanyi, "essayer de conserver par

tous les moyens à notre portée ces hautes, valeurs héritées de

l'économie de marché, cette partie du libéralisme qui s'est

effondrée"20. La source de ces valeurs est représentée par les précieuses traditions de la Renaissance21

et de la Réforme22

.

Tout au long de ce chapitre la préoccupation de Polanyi est de combattre ce qu'il appelle l’obstacle moral représenté par le dilemme dans lequel on veut enfermer le débat sur l’avenir de la société : "La planification et le dirigisme sont accusés d'être la

négation de la liberté. La libre entreprise et la propriété privée sont déclarées parts essentielles de la liberté"23

. Soulignons l'actualité de ce qu'écrit ici Polanyi en observant que l'effondrement des régimes de l'Est a disqualifié toute discussion et réflexion sur la question de la planification. Il y a là sans doute une grande perte pour l'activité humaine car la question de savoir ce qui doit être conservé et ce qui doit être abandonné de l'expérience des pays d’Europe centrale, orientale et de la Russie n'est même pas posée. Cela nous condamne à nous priver d'une expérience précieuse.

Le point de départ de Polanyi conserve toute sa validité et l'on ne peut échapper au dilemme qu'il pose, si dans l'ère du post-libéralisme, nous reconnaissons tous la nécessité de la réglementation comme moyen de renforcer la liberté et si nous acceptons l'idée que toute réglementation sera aussi contraire à la liberté alors notre société ne sera jamais totalement libre. Sans doute plus personne ne pose aujourd'hui la question en des termes aussi absolus mais il faut en tirer toutes les conséquences : si nous admettons la nécessité de la réglementation, donc l'intervention

18

Ibid., p. 327.

19

C'est nous qui soulignons.

20

Ibid., p. 327.

21

J. BURCKARDT, "La civilisation de la Renaissance en Italie", 3 vol., Bibio Essais, Livre de poche, vol. 2, pp. 208-245.

22

Louis DUMONT, L'idéologie allemande, Gallimard, Paris, 1991.

23

(9)

d'une institution, alors il nous faut discuter de la façon dont la mise en place de ces institutions tend à menacer la liberté ou la favoriser. Pour reprendre les termes de Polanyi quelle est la balance entre liberté perdue et liberté gagnée ?

LES MENACES QUI PESENT SUR LA LIBERTE

Polanyi n'ignore pas le danger que fait peser le développement de la réglementation sur la liberté ; il indique que "si libéralement

que soit pratiquée la dévolution du pouvoir, il y aura renforcement du pouvoir au centre et, partant danger pour la liberté individuelle"24. Il précise que cela est vrai pour tout type d'organisation, entreprise ou syndicats, car "leur taille même peut

faire que l'individu se sente impuissant quand bien même il n'aurait pas de raison de les soupçonner d'un mauvais vouloir"25

. A partir de là Polanyi est conduit à réaffirmer que les droits d u citoyen doivent prévaloir "contre toute autorité, qu'elle soit

étatique, municipale ou professionnelle”26. La proclamation des droits juridiques ne saurait suffire et Polanyi propose que le premier droit qui figure sur la déclaration soit celui du droit de l'individu "à un travail dans des conditions sanctionnées quelles

que soient, ses opinions politiques ou religieuses, sa couleur ou sa race"27

. Cette liberté personnelle doit être soutenue à n'importe quel prix "même à celui de l'efficacité dans la production, de

l'économie dans la consommation ou de la rationalité dans l'administration"28.

Comment lutter contre les menaces que les institutions font peser sur la liberté personnelle ? A cette question Polanyi répond en indiquant le droit au travail comme premier droit fondamental de l'individu avant tout autre. Ce droit ne devant être limité par rien, la société doit garantir comme droit imprescriptible le droit à la subsistance29 dans un cadre qui est celui de la réciprocité, sans 24 Ibid., p. 328. 25 Ibid., p. 328. 26 Ibid., p. 328. 27 Ibid., p. 328. 28 Ibid., p. 329. 29

Il faut rappeler ici l'intérêt de Polanyi pour l'acte de Speenhamland, in La

(10)

pouvoir exiger aucune soumission de la conscience. En outre Polanyi indique qu'aux menaces de la bureaucratie on doit opposer "la création de sphères de liberté arbitraire protégées par

des règles infrangibles"30

. Il propose la mise en place d'un Habeas Corpus comme dispositif constitutionnel qui permette d'ancrer "la

liberté personnelle dans le droit"31 .

On peut légitimement objecter à Polanyi, face à l'abus de pouvoir des institutions, que les obstacles mis en avant par lui apparaissent bien minces et peu convaincants. Son argument ultime, semble-t-il, invoque l'opinion publique : "Partout l'opinion

publique a tenu bon pour défendre les libertés civiques, il s'est toujours trouvé des tribunaux ou des cours de justice capables de faire valoir la liberté personnelle"32. Cette référence à "l'opinion" doit être explicitée et soulignée en même temps, car Polanyi ne semble pas attendre, d'un système institutionnel quelconque (séparation des pouvoirs, déclaration des droits etc.), une véritable garantie contre les menaces pesant contre la liberté. Cela peut nous paraître d'autant plus contestable et d'un optimisme exagéré que Polanyi lui même revient sur la question de l'opinion publique dont on ne voit pas pourquoi elle serait par nature dévouée à la défense de la liberté. Le risque majeur de la disparition de la liberté n'est donc pas conjuré, cela d'autant que Polanyi lui même, dans un de ses derniers texte revient sur la question de l'opinion publique semblant ainsi contredire les écrits de la Grande

Transformation.

LIBERTE ET INDIVIDU

Dans un texte intitulé "La machine et la découverte de la

société" et "Liberté et technologie"33 Polanyi centre toute son

30 Ibid., p. 328. 31 Ibid., p. 328. 32 Ibid., p. 329. 33

K. POLANYI, The machine and the discovery of society, dactylographié inédit, 24 avril 1957, publié in Karl POLANYI, La libertà in una società

complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano pp. 177-186. Voir également Freedom and Technology, dactylographié inédit (mai 1955) publié in Karl POLANYI, La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano, pp. 170-176.

(11)

analyse sur la question des rapports entre opinion publique et liberté. Il aborde le problème du conformisme. Il écrit : "Alors il

est absolument justifié de désigner comme un danger pour la liberté l'omniprésente tendance à l'uniformité et au conformisme, ou en bref à la médiocrité qui asphyxie actuellement la vie américaine. En fait, la médiocrité, le désir de ressembler en tout et pour tout à son voisin et la terreur de se distinguer de lui en quoi que ce soit, ne menace pas seulement la personnalité mais aussi la communauté"34. Plus loin Polanyi conclut que "la liberté qui ne vit

pas dans la personnalité et dans la communauté, court le danger de se désintégrer"35. La menace de la perte de la liberté se trouve, selon lui, dans le cadre de notre civilisation technologique dans les rapports qui se nouent entre "trois termes : pouvoir, peur, et

liberté"36

. Si tout ne tient que dans la conviction que chacun a de devoir et de pouvoir défendre sa différence et sa liberté, alors la construction de Polanyi peut nous paraître très fragile et peu convaincante. Il écrit que la force de l'opinion publique et d u conformisme peut "suffoquer et tuer exactement comme u n

peloton d'exécution"37. Cette menace est d'autant plus grave, selon lui, que l’on peut résister à la pression physique, car celle-ci n'a pas accès directement à notre esprit, mais qu'il est impossible de se soustraire à la pression de l'opinion publique.

Le contenu de la peur est différent de la peur au sens de peur de la mort, peur partagée par tous, et condition de notre créativité. La question posée par Polanyi est de savoir comment la peur crée le pouvoir. Non la peur spontanée du pouvoir militaire, de la force à l'état brut, mais la peur "spontanée, et autonome de

l'anéantissement". Ce type de peur, nous dit Polanyi, est au cœur de la liberté d'aujourd'hui de deux façons : "la tendance de la

civilisation technologique qui tend à créer un pouvoir illimité, que ce soit celui du gouvernement, que ce soit celui de l'opinion ; sa capacité à provoquer une volonté de conformisme à travers de nouveaux moyens de communication"38. A cette menace l'individu ne peut opposer que "sa propre énergie mentale

34 Ibid., pp. 170-171. 35 Ibid. 36 Ibid., p. 174. 37 Ibid., p. 174. 38 Ibid., p. 174.

(12)

organisée"39.

Polanyi semble contredire ce qu'il a écrit dans la Grande

transformation : "On se faisait des illusions en imaginant une société formée uniquement par le vouloir de l'homme. C'était pourtant ce que donnait une conception de la société fondée sur le marché"40

. On pourrait ici facilement lui objecter que le vouloir de liberté de l'homme ne peut suffire à garantir la liberté. Il est plus important de noter que l'analyse de Polanyi semble se déplacer. Celui-ci semble considérer que le danger immédiat et futur n'est plus celui du marché autorégulateur mais celui de l'évolution de la société elle même, après qu'elle ait connu la grande transformation.

Dans le texte "la liberté dans une société complexe"41, Polanyi indique de façon pessimiste que "la promesse et le postulat de la

religion judéo-chrétienne, du caractère absolu de la liberté intérieure de l'individu, liberté aussi de la société, avait conduit graduellement à la société complexe générée par la machine"42. Le problème central se déplace, du rôle des institutions à celui de l'individu, de la nécessaire survie du groupe à celui de la liberté, qui devient : "au centre de la condition humaine se trouve la

question de la liberté"43. Nous étions parti des questions économiques comme questions vitales pour le devenir de la société mais le centre de gravité des préoccupations change pour Polanyi car "la civilisation technologique dans sa phase suprême est en

train de déplacer l'axe de nos préoccupations : "de l'économie vers

les questions morales et politiques"44 .

Quelle réponse Polanyi apporte-t-il à ses angoissantes questions ? Il n'y a pour lui plus qu'une seule solution, celle d'encourager jour et nuit le non conformisme, l'indépendance de caractère, ce qui repose toute la question du rôle de l'éducation dans une société complexe45. Il pense que l'on peut imaginer une

39

Ibid., p. 177.

40

Karl POLANYI, La Grande Transformation, p. 331.

41

Karl POLANYI, Freedom in a complex society, dactylographié inédit, 24 avril 1957, in Karl POLANYI, La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano, pp. 181-186.

42 Ibid., p. 184. 43 Ibid., p. 181. 44 Ibid., p. 181. 45

(13)

généralisation de l'objection de conscience, non seulement aux cas qui concernent la question de la violence mais plus largement à tous les cas de la vie quotidienne, de façon à institutionnaliser, en quelque sorte la différence, le non conformisme et l'opposition. Le point crucial d'une vie qualifiée de bonne n'est plus la question économique, car la tendance totalitaire dans la société, Polanyi dit aussi conformiste, devient la menace la plus grave. La liberté devient le point crucial confrontée à une technologie et à une communication de masse46.

LIBERTE ET DEMOCRATIE

Pour préciser la nature de la conception de Karl Polanyi, des rapports entre individu, société et liberté, il nous reste à examiner comment il analyse la démocratie, nous utiliserons pour cela "Conflicting philosophies in Europe, outline of a lecture delivered

at the short course on the citizen in the modern world" et

"Jean-Jacques Rousseau, or is a free Society possible ?"47. Polanyi commence par poser que la démocratie continentale est u n système de gouvernement construit sur le principe de "l'égalité"48. La liberté se confond avec l'égalité, toutefois Polanyi indique que si nous sommes habitués à considérer égalité et liberté comme deux éléments liés nous ne devons pas oublier que, d'un point de vue institutionnel, la liberté et l'égalité représentent deux principes opposés. A partir de là Polanyi distingue deux types de démocratie : la démocratie libertaire et la démocratie égalitaire. Ces deux types de démocratie reposent sur des institutions différentes. La démocratie égalitaire est caractérisée par le suffrage universel et l'égalité de l'instruction. La démocratie libertaire, comme en Grande Bretagne, se distingue par l'absence de toute instruction égalitaire qui devient le point crucial pour distinguer les deux types de démocratie. Polanyi précise même que l'absence

46

Ibid., pp. 193-194.

47

Karl POLANYI, “ Philosophies en conflit en Europe ”, et "Jean-Jacques

Rousseau, ou une société libre est-elle possible ?" 1953, traduit et publié in

La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano, pp. 161-169 et pp. 134-138.

48

(14)

d'instruction égalitaire en Angleterre est la cause essentielle d u maintien des barrières de classe. La révolution anglaise n'a pas laissé de place pour le concept d'égalité alors que la Révolution française, selon Polanyi, a beaucoup moins mis l'accent sur l'idéal de la liberté individuelle.

Pour développer sa propre position Polanyi part de l'analyse de Rousseau tout en la reformulant. Le dilemme rousseauiste est celui du paradoxe de la liberté, entre individualisme et totalitarisme, que l'on résume ordinairement par les termes de liberté et d'égalité. Pour Polanyi l'apport crucial de Rousseau est d'avoir posé comme héros de la liberté, à la place de l'individu, le peuple : "peuple

légitimé comme représentant de l'humanité. Il saluait dans le peuple le porteur de toutes les valeurs humaines, il défendait une culture populaire, une civilisation expression de la vie d u peuple"49. Pour lui le paradoxe de la liberté dans une société complexe n'a pas été résolu par Rousseau. L'apport essentiel de Rousseau est d'avoir donné à l'éthique moderne la formule essentielle de l'autonomie de la personnalité mais surtout le plus important est que "il devint le prophète d'une culture populaire en

dehors de laquelle, comme cela apparaît clairement aujourd'hui, une société libre n'est pas possible"50. La reformulation d u dilemme de Rousseau, proposée par Polanyi, consiste d'abord à identifier volonté générale et survie du groupe en tant que tel, ce qui représente la composante totalitaire de la société et ensuite à identifier liberté et volonté individuelle. Ainsi, selon Polanyi, la société est soumise à deux principes :

1) "Chaque société se comporte de façon à assurer sa propre

survie indépendamment de la volonté des individus qui la composent.[...]

2) Chaque société libre légitime base son comportement sur les

volontés des personnes qui la compose"51.

Ceci l'amène à préciser qu'il n'est pas inéluctable que toute société survive. La survie de la société repose sur des institutions créées par un peuple capable de les élaborer spontanément. La création de telles institutions implique que "l'éducation soit fournie

par la communauté et que toutes les influences morales et

49 Ibid., p. 161. 50 Ibid., p. 162. 51 Ibid., p. 162.

(15)

psychologiques émanant de la communauté doivent tendre à produire de telles dispositions dans le peuple"52

. Le contenu de cette éducation va être ensuite défini. L'individu a une double qualité : comme électeur il ne peut que vouloir la survie de la société et d'un autre côté comme citoyen il est aussi gouverné, soumis à la loi et dans cette mesure c'est lui qui devra payer, servir, combattre. Selon Polanyi l'électeur (le gouvernant) doit s'élever à la hauteur du corps gouvernant. A la question de la guerre ou de la paix, il ne répondra pas comme personne privée s'il désire o u non la guerre ou la paix mais s’il est de l'intérêt du pays de faire la guerre ou la paix, même si cela signifie qu’il a de fortes chances d’y laisser sa vie.

Polanyi aborde ensuite le problème de la non coïncidence entre volonté de tous et volonté générale et l’apparition d’une minorité. Si les individus se sont regroupés "en factions, groupes, partis,

intérêts, alors ils ne votent plus comme des individus isolés, ils ont élaboré une loyauté de groupe. Il sont une petite volonté générale qui est celle de leur groupe"53

. Mais alors le nombre des électeurs coïncide avec celui des groupes et des factions et il n'y a plus de raison de croire que la volonté de tous coïncidera avec la volonté générale. Polanyi interrogeant Rousseau pose à nouveau la question comment empêcher l'élément totalitaire dans la démocratie d'éteindre complètement la liberté de l'individu ? La réponse qu'il y apporte reprend la thèse de Rousseau : "en dernière

analyse l'individu doit être contraint à être libre"54. Le paradoxe de la liberté reste irrésolu. Le seul élément de réponse que Polanyi aperçoive est celui de l'éducation du peuple, cette éducation représentant l'institution majeure.

LE PROGRAMME DE DEFENSE DE LA LIBERTE DANS UNE SOCIETE COMPLEXE

Le premier point de ce programme concerne la tache de réaliser une comptabilité de la production et de la finance. Cette comptabilité doit prendre en compte les coûts de la liberté dans 52 Ibid., p. 163. 53 Ibid., p. 163. 54 Ibid., p. 168.

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deux sens différents D'une part, il faut produire les biens qui sont considérés comme nécessaires à nos besoins, et d'autre part, il faut calculer quelle diminution de l'efficience peut être introduite dans le processus économique. Le pourquoi de cette nécessaire diminution de l'efficience se situe dans le fait que "dans une

société libre il est inévitable de détrôner l'efficience comme principe directeur unique. L'efficience peut être acceptée seulement en concurrence avec d'autres fins, valeurs et idéaux"55

. La monnaie acquiert une importance décisive de deux points de vue à la fois : celui de l'efficience et celui de la liberté. Chacun reconnaît généralement cette dernière fonction de la monnaie à travers la liberté de consommation qu’elle confère. A travers la finance, la monnaie peut être utilisée pour irriguer les autres sphères vitales de la société et donc permettre non seulement les choix individuels mais aussi ceux de la société dans son ensemble. Polanyi trace ensuite le programme à réaliser56

. Il ne pense pas la monnaie comme liberté frappée où le développement monétaire serait à la fois cause et conséquence de l'individualisme. Pour lui la monnaie est une institution universelle, c'est une catégorie qui possède plusieurs dimensions à la fois sociale, culturelle et économique57.

Le deuxième point du programme est celui de l'extension d u règne de la liberté du domaine purement politique et intellectuel à celui de la vie quotidienne. Cette extension se décline en quatre points :

- Partout où l'on fait usage de la contrainte (production, technologie) doit être reconnu le principe du cas de nécessité c'est-à-dire ici celui de l'objection de conscience : "Il doit toujours y

avoir un deuxième choix pour le non-conformiste, même s'il n'y a qu'une personne sur mille qui va en faire usage"58

.

- L'extension de l'Habeas corpus à l'industrie doit permettre la

55

Ibid., p. 193.

56

"Aristotle on an Affluent society", dactylographié, 13 mars 1959 ; in Karl POLANYI, La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano, pp. 187-195.

57

Jean-Michel SERVET, "L'institution monétaire de la société selon Karl Polanyi", Revue Économique, vol. 44, n° 6, novembre 1993, pp. 1127-1149.

58

Karl POLANYI, La libertà in una società complessa, Bollati Boringhieri, 1987, Torino, à cura di Alfredo Salsano, p. 193.

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constitutionalisation des droits du travail contre l'abus de pouvoir de l'entreprise.

- Efforts pour adapter la technologie aux besoins humains. - Extension des aires libérées du marché, du gouvernement de la grande entreprise et des syndicats aux espaces sociaux de l'instruction, de la médecine et des arts59

.

QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DE L'ANALYSE POLANYIENNE ? Si les enseignements de Polanyi sur le danger de l'utopie d u marché autorégulateur semblent toujours d'actualité, on peut se demander s'il en est de même des moyens indiqués pour sortir de l'impasse dans laquelle nous entraîne la poursuite incessante d u gain comme seul et unique mobile des activités humaines. Polanyi a sans doute raison de vouloir nous débarrasser des préjugés concernant la prétendue prédilection de l'homme primitif pour le activités lucratives60

, toutefois, comme Louis Dumont, on peut se poser la question de savoir si les espoirs de Polanyi ne se sont pas révélés vains dans la mesure où "là où l'on a cherché à mettre fin

au libéralisme ou au primat de l'économie on a détruit la liberté et fait régner l'oppression"61

. Polanyi, nous l'avons vu, affirme clairement la suprématie de la liberté politique sur la liberté économique avec une évolution entre les premier et les derniers écrits.

Sa conception, telle qu'elle émerge de cette relecture, se situe semble-t-il dans la continuité de la culture allemande. Celle-ci avait fait sienne l'individualisme, à travers la Réforme, en laissant le plan socio-politique en dehors. Seul le plan moral et religieux voyait une application de l'individualisme. Dans la Grande

Transformation, Polanyi nous semble très proche de cette conception dans laquelle la qualité d'homme se définit par l'appartenance à une communauté (Gemeinschaft), cette

59

Ibid., p. 193.

60

Karl POLANYI, La Grande Transformation, pp. 72-73 ; voir également

dans ce volume la contribution de Guy Roustang “ Grande transformation ou alliage sans formule précise ”.

61

Préface de Louis DUMONT in Karl POLANYI, La Grande Transformation, p. 15.

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communauté étant essentiellement culturelle62. Si, dans un premier temps, Polanyi penche très nettement vers cette conception des rapports entre individu et communauté (sa vie personnelle et son refus d'engagement dans une organisation ou un parti pouvant être interprété dans ce sens) par la suite sa position évolue à travers la prise en compte de la tradition française à travers Rousseau avec la reconnaissance de la nécessité de l’action politique organisée63.

Pour Polanyi la communauté ne semble plus se réduire aux guildes, ou institutions elle fait référence d'abord et avant tout au peuple. Elle place en premier lieu la défense de la liberté politique. Ils nous semble qu’il tente ici de fusionner la tradition française et la tradition allemande en pensant ainsi éviter les apories de ces deux conceptions. Il a cherché à réunifier appartenance culturelle et appartenance politique. Du point de vue de la tradition française, penser une démocratie multiculturelle, est une contradiction dans les termes. Pour éviter cette aporie Polanyi fait de la culture du peuple et de la réalisation de cette culture la question clé. Car seule elle peut permettre que la volonté de tous coïncide avec la volonté générale. Ainsi appartenance culturelle de groupe, de faction et appartenance politique ne peuvent pas être en contradiction au niveau de la loi suprême. Pour autant Polanyi nous invite à distinguer des niveaux différents et hiérarchisés de liberté. La reconnaissance d’intérêts communs, distincts et ayant la primauté sur l'intérêt particulier le conduit à tenter une combinaison entre holisme et individualisme.

Ce que Polanyi cherche à concilier, nous semble-t-il, c'est le holisme de la conception rousseauiste et l'individualisme de la conception allemande née de la Réforme. Par ailleurs nous avons vu qu’il a bien perçu les dangers que fait peser sur la liberté la partie holiste de sa conception. D'un côté, on voit une survivance de la communauté, d'une orientation holiste, se traduisant dans la vie de tous les jours par le penchant à obéir, la soumission spontanée aux autorités politiques et sociales, le conformisme amplifié par les mass-médias et le pouvoir des nouvelles technologies. D'un autre côté il y a un développement intérieur,

62

Voir sur ces points, Louis DUMONT, L'idéologie allemande, Gallimard, Paris, 1991.

63

Voir la contribution de Kari Polanyi-Levitt dans la première partie de ce volume.

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totalement libre et jalousement cultivé de la personnalité. Polanyi reste fidèle à cette tradition de la culture allemande associant holisme de la communauté et individualisme du développement de soi, en les transposant toutefois à un niveau supérieur à travers la place cruciale accordée au peuple et à sa culture. Celle-ci ne doit pas être comprise dans le sens classique des Lumières françaises mais bien dans celui de la Réforme de Luther.

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