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L'évolution de la production des voyelles du français chez des immigrants adultes hispanophones : une étude de cas

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’évolution de la production des voyelles du français

chez des immigrants adultes hispanophones :

une étude de cas

Mémoire

Josiane Asselin

Maîtrise en linguistique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

Cette recherche s’inscrit dans le domaine des études visant à documenter le processus d’apprentissage du système phonologique de la langue du pays d’accueil chez des apprenants hispanophones du français en situation d’immigration. Nous avons effectué une étude de cas à l’aide d’enregistrements recueillis à quatre reprises pour documenter l’appropriation de sept nouvelles voyelles françaises à l’intérieur de paires minimales courantes comme vu et vous. Nous avons observé une réorganisation importante de l’inventaire des voyelles suscitée par le passage de l’espagnol au français : création d’une nouvelle catégorie phonétique pour les voyelles antérieures arrondies et distinction des nouveaux contrastes [e/ɛ], [o/ɔ] et [a/ɑ]. Par ailleurs, nous avons noté une amélioration marquée des contrastes vocaliques chez l’un des quatre participants, et une légère amélioration chez les trois autres.

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v

Abstract

This research falls within the domain of studies that document the acquisition process of the phonological system of a second language, in our case that of native Spanish-speaking learners of French in an immigration context. The purpose of our research was to conduct a case study documenting the acquisition of seven new French vowel sounds using contrasting common words such as vu and vous recorded at four intervals. A significant reorganization of the inventory of vowels generated by the transition from Spanish to French was observed: creation of a phonetic category for front rounded vowels, and appearance of new contrasts [e/ɛ], [o/ɔ] and [a/ɑ]. An improvement in regards to contrast production was observed for our participants, marked for one of them and slight for the other three.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Liste des annexes ... xiii

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1 Problématique ... 3

1.1 Production des sons de la L2 chez l’adulte ... 3

1.1.1 Conséquences des difficultés à prononcer les sons d’une L2 sur la communication ... 4

1.1.2 Étapes d’apprentissage des sons d’une langue seconde ... 5

1.1.3 Niveau de compétence en prononciation à atteindre pour les apprenants d’une L2... 6

1.2 Apprentissage des sons du français par des hispanophones ... 7

1.2.1 Système vocalique de l’espagnol ... 7

1.2.2 Système vocalique du français ... 8

1.2.3 Origine des difficultés des hispanophones pendant l’apprentissage des sons du français ... 8

Chapitre 2 Cadre théorique ... 13

2.1 Théorie du crible phonologique ... 13

2.2 Théorie des aimants perceptifs ... 14

2.3 Modèle d’apprentissage de la parole ... 15

2.4 Modèle d’assimilation perceptuelle ... 16

Chapitre 3 Recension des écrits ... 19

3.1 Facteurs influençant l’apprentissage de la prononciation chez des immigrants adultes ... 19

3.1.1 L’âge ... 19

3.1.2 La durée du séjour (DDS) ... 21

3.1.3 L’expérience avec la langue cible ... 24

3.2 Apprentissage des sons vocaliques du français par des hispanophones ... 27

3.2.1 L’acquisition du français en contexte d’apprentissage non guidé : étude de cas ... 27

3.2.2 La perception des voyelles du français : études expérimentales ... 28

Chapitre 4 Méthodologie ... 33

4.1 Structure de l’étude ... 33

Étude de cas comme stratégie de recherche ... 33

Étude pilote ... 34

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viii 4.2 Procédures ... 35 Sujets ... 35 Corpus ... 37 Tâches ... 38 Méthode d’analyse... 39

Chapitre 5 Présentation et interprétation des résultats ... 41

5.1 Production des voyelles en espagnol ... 41

5.2 Présentation des données du français ... 42

Sujet 1 ... 42

Sujet 2 ... 49

Sujet 3 ... 55

Sujet 4 ... 61

5.3 Synthèse des observations ... 68

Chapitre 6 Discussion ... 73

6.1 L’apprentissage de la langue cible par le biais d’exagérations et d’améliorations ... 73

6.2 Contributions ... 84

6.3 Limites ... 85

Conclusion ... 87

Références ... 89

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ix

Liste des tableaux

Tableau 1 : Prédictions du modèle PAM 17

Tableau 2 : Synthèse des procédures 39

Tableau 3 : Comparaison des données de contraste vocalique des paires de voyelles espagnoles et françaises [a-e], [a-o] et [i-u], sujet

1 46

Tableau 4 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

espagnoles et françaises, sujet 1 47

Tableau 5 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

françaises sans contrepartie espagnole, sujet 1 48

Tableau 6 : Comparaison des données de contraste vocalique des paires de voyelles espagnoles et françaises [a-e], [a-o] et [i-u], sujet

2 53

Tableau 7 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

espagnoles et françaises, sujet 2 54

Tableau 8 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

françaises sans contrepartie espagnole, sujet 2 54

Tableau 9 : Comparaison des données de contraste vocalique des paires de voyelles espagnoles et françaises [a-e], [a-o] et [i-u], sujet

3 60

Tableau 10 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

espagnoles et françaises, sujet 3 60

Tableau 11 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

françaises sans contrepartie espagnole, sujet 3 61

Tableau 12 : Comparaison des données de contraste vocalique des paires de voyelles espagnoles et françaises [a-e], [a-o] et [i-u], sujet

4 66

Tableau 13 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

françaises avec contrepartie espagnole, sujet 4 67

Tableau 14 : Comparaison des données de dispersion des voyelles

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xi

Liste des figures

Figure 1 : Triangle vocalique selon les résultats acoustiques de Meunier

et al. (2003) 7

Figure 2 : Représentation des sons sans effet d’attraction des sons 14 Figure 3 : Représentation des sons avec effet d’attraction des sons 14 Figure 4 : Production de la paire mangé/mangeais chez le sujet 2,

enregistrement 1 34

Figure 5 : Production de la paire mangé/ mangeais chez le sujet 2,

enregistrement 2 34

Figure 6: Valeurs des voyelles espagnoles par les quatre sujets 41 Figure 7 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 1, enregistrement 1 42

Figure 8 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 1, enregistrement 2 43

Figure 9 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 1, enregistrement 3 44

Figure 10 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 1, enregistrement 4 45

Figure 11 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 2, enregistrement 1 49

Figure 12 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 2, enregistrement 2 50

Figure 13 : Voyelles du français comparées aux prototypes espagnols,

sujet 2, enregistrement 3 51

Figure 14 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 2, enregistrement 4 52

Figure 15 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 3, enregistrement 1 56

Figure 16 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 3, enregistrement 2 57

Figure 17 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 3, enregistrement 3 58

Figure 18: F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

(12)

xii

Figure 19: F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 4, enregistrement 1 62

Figure 20 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 4, enregistrement 2 63

Figure 21 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

espagnols, sujet 4, enregistrement 3 64

Figure 22 : F1 et F2, voyelles du français comparées aux prototypes

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xiii Liste des annexes

Annexe A : Questionnaire sur l’aisance et la compétence en français ... 89

Réponses au questionnaire sur l’aisance et la compétence en français ... 91

Questionnaire en français sur l’aisance et la compétence en français ... 92

Questionnaire en espagnol sur l’aisance et la compétence en français ... 93

Annexe B : Corpus ... 95

Corpus espagnol ... 97

Corpus français ... 98

Annexe C : Voyelles du français comparées aux prototypes espagnols, Sujet 1 ... 99

Enregistrement 1 ... 101

Enregistrement 2 ... 102

Enregistrement 3 ... 103

Enregistrement 4 ... 104

Annexe D : Voyelles du français comparées aux prototypes espagnols, Sujet 2 ... 105

Enregistrement 1 ... 107

Enregistrement 2 ... 108

Enregistrement 3 ... 109

Enregistrement 4 ... 110

Annexe E : Voyelles du français comparées aux prototypes espagnols, Sujet 3 ... 111

Enregistrement 1 ... 113

Enregistrement 2 ... 114

Enregistrement 3 ... 115

Enregistrement 4 ... 116

Annexe F : Voyelles du français comparées aux prototypes espagnols, Sujet 4 ... 117

Enregistrement 1 ... 119

Enregistrement 2 ... 120

Enregistrement 3 ... 121

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xv Remerciements

La réalisation de ce travail n’aurait été possible sans le support constant de mon entourage tout au long de ma maîtrise. Le support moral et professionnel dont j’ai pu bénéficier a joué un rôle clé dans mon expérience académique.

En premier lieu, j’aimerais adresser mes remerciements les plus sincères à Mme Johanna-Pascale Roy, directrice de recherche, pour m’avoir guidée pendant mon projet. Sa rigueur m’a accompagnée depuis la conception de la recherche et tout au long des travaux d’analyse des données et de rédaction. Ses connaissances, sa capacité d’analyse et sa passion pour la phonétique m’ont permis d’apprendre énormément sur ce domaine captivant qui a depuis fort longtemps suscité chez moi le plus vif intérêt. Je tiens également à remercier Mme Zita De Koninck, ma co-directrice de recherche, pour avoir accepté de travailler avec nous et pour sa précieuse rétroaction sur la portion didactique du projet. Son enthousiasme par rapport au sujet de la recherche, sa rigueur méthodologique et ses conseils ont fait en sorte que j’apprenne à développer de nouvelles méthodes de travail tout au long du projet.

Je souhaite adresser mes remerciements à M. Sylvain Rossignol, coordonnateur du programme de francisation au Cégep de Ste-Foy, pour avoir accepté de me faciliter le contact avec des étudiants hispanophones de niveau débutant pour mener mon étude. Je voudrais également remercier M. Frédéric Landry du Cégep de Ste-Foy, qui a manifesté un grand intérêt pour ma recherche et qui m’a accueillie dans ses ateliers de correction phonétique auprès de petits groupes d’étudiants avancés en francisation. Je tiens aussi remercier M. Jean-Guy LeBel pour son intérêt à l’égard de ma recherche, ses conseils et ses encouragements au début de mon parcours.

J’adresse un remerciement tout particulier aux quatre sujets qui ont participé à mon étude et qui ont accepté de rester plus longtemps au Cégep de Ste-Foy après les cours pour que je puisse les enregistrer. Leur enthousiasme pour mon projet et nos rencontres m’ont agréablement impressionnée et j’ai été choyée d’être témoin de leur progrès au fil des enregistrements.

Finalement, un énorme merci va à mes proches pour leurs encouragements pendant mon parcours à la maîtrise. Leur présence et leur soutien m’ont été d’une aide que je ne saurais quantifier mais qui m’a permis d’affronter les difficultés rencontrées pendant mes études. Un merci tout spécial à toutes les personnes (notamment Daniel, Félix, Caroline, Audrey, Viviane, Amin, Carol-Ann, Célia, et Julianne, ainsi que mon cousin Stéphane pour la relecture complète à l’oral), qui m’ont accompagnée pendant les moments clés d’analyse et de rédaction et qui ont étudié avec moi, un appui dont je n’aurais pu me passer.

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1 Introduction

À leur arrivée dans le pays d’accueil, les immigrants sont confrontés à des défis d’intégration au sein d’une nouvelle culture auxquels s’ajoute, pour plusieurs d’entre eux, l’apprentissage d’une nouvelle langue. Parmi les difficultés rencontrées pendant cet apprentissage, il y a l’acquisition d’un nouveau système phonétique, laquelle semblerait particulièrement ardue pour les locuteurs adultes et serait à l’origine de certains problèmes de communication (Derwing et Munro, 2005).

Étant donné le nombre imposant de voyelles françaises, l’apprentissage de la prononciation du français comme langue cible a été l’objet de plusieurs écrits. S’inscrivant dans la lignée des travaux de Troubetzkoy (1964) et de ceux de Renard (1971), qui se sont penchés sur le fonctionnement de la perception auditive lors de l’apprentissage d’une nouvelle langue, LeBel (1991) a permis de mieux saisir les difficultés à percevoir et à produire les sons du français en fonction d’une variété de profils linguistiques. Ses travaux, écrits à l’intention de pédagogues, ont servi à mettre en place différentes étapes de correction phonétique selon la clientèle visée pour chaque son à corriger. Giacobbe (1994) a effectué un suivi au cours duquel il a documenté des étapes de développement phonétique chez un sujet hispanophone d’âge adulte apprenant du français. Si LeBel a décrit des traitements de correction phonétique et Giacobbe a noté les changements dans la prononciation sur une période de trois ans, ils n’ont pas traité des aspects cognitifs de la restructuration phonétique. Ce sont plutôt Harmegnies et al. (2005) qui ont décrit le contexte un peu plus large de la réorganisation (ou restructuration) phonétique. Selon ces auteurs, la correction d’un ou de plusieurs sons entraîne la réorganisation du système phonétique de la langue maternelle (L1), soit celle dont l’apprenant se sert par défaut pour traiter les nouveaux sons. L’apprenant dispose de stratégies qui lui permettent de produire et discriminer les sons de sa langue maternelle, mais qui ne fonctionnent pas nécessairement pour les nouveaux sons d’une langue cible (Harmegnies et al., 2005). Leur ouvrage permettait, comme celui de LeBel (1991), de prédire des difficultés de prononciation des apprenants du français, mais il se distingue de par l’étude particulière de cette interaction entre la langue de départ et la langue cible, qui est à la base des processus de restructuration phonétique.

LeBel (1991), Giacobbe (1994) et Harmegnies et al. (2005) ont dressé un portrait qui permet d’identifier et d’anticiper des difficultés lors de l’apprentissage d’une langue cible. Ils ont pu décrire de façon spécifique les difficultés que des hispanophones peuvent notamment rencontrer lorsqu’ils tentent d’acquérir sept nouvelles voyelles orales en français. Cependant, les prédictions et les explications proposées par ces auteurs n’étaient pas appuyées par des données acoustiques faisant état des difficultés qu’ils avaient abordées.

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2

Plusieurs auteurs ont soulevé des problèmes imputés à une prononciation inadéquate/ inintelligible, (Piske et al., 2001; Munro et Derwing, 2008). Ces auteurs ont remarqué une influence relative du temps passé dans le milieu d’accueil sur l’apprentissage d’une langue cible, avec une plus forte influence en début de séjour. Les problèmes soulignés par les auteurs dans le domaine, de même que les analyses phonétiques qui en traitent, ont souvent servi à décrire la situation d’apprenants de l’anglais ou encore d’anglophones apprenant une langue seconde (L2) ou une langue étrangère (LE). À notre connaissance, aucune étude acoustique sur la prononciation faisant état de la situation n’a été menée de façon longitudinale auprès d’immigrants allophones apprenant le français au Québec.

Le présent mémoire s’inscrit dans le domaine de la phonétique et de la didactique des langues secondes, et porte plus particulièrement sur l’apprentissage des sons d’une L2 en période de restructuration. Notre objectif était de vérifier de quelle façon des adultes hispanophones s’approprient les sons du français au cours des premiers mois suivant leur arrivée au Québec. De manière plus spécifique, nous voulions vérifier la précision et la stabilité avec lesquelles les apprenants prononcent les voyelles du français en comparant l’évolution de leurs productions, recueillies à quatre moments sur une période de douze semaines. Notre travail a été fait dans la perspective de pallier le manque d’études sur la façon dont s’opèrent les changements phonétiques en début de restructuration chez des sujets adultes hispanophones apprenant le français en milieu d’accueil québécois. À cette fin, nous avons mené une étude de cas auprès de quatre adultes colombiens arrivés au Québec depuis trois mois au moment initial de notre suivi. Cette étude longitudinale nous a permis de décrire l’évolution de l’acquisition des voyelles orales du français chez ces sujets adultes immigrants d’origine hispanophone.

Le mémoire est constitué de six chapitres. Dans le premier chapitre, nous cernons la problématique sous-tendant la recherche. Dans le deuxième chapitre, nous présentons le cadre théorique dans lequel s’inscrit notre étude. Le troisième chapitre est dédié, dans un premier temps, à une recension des études portant sur les facteurs influençant l’acquisition de la prononciation d’une langue cible, puis dans un deuxième temps à celles portant sur l’apprentissage de la prononciation du français par des hispanophones. Les choix méthodologiques que nous avons effectués de même que la démarche adoptée sont exposés dans le quatrième chapitre. Le cinquième chapitre est consacré à la présentation et à l’interprétation des résultats. Enfin, dans le dernier chapitre, nous discutons de ces résultats au regard des études recensées dans le troisième chapitre.

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3 Chapitre 1 Problématique

Les systèmes phonologiques vocaliques du français et de l’espagnol diffèrent sur plusieurs points : les voyelles de l’inventaire phonétique de l’espagnol sont [a], [e], [i], [o] et [u], et le français possède, en plus de ces cinq voyelles, des voyelles antérieures arrondies ([y], [ø] et [œ]), des voyelles mi-ouvertes ([ɛ] et [ɔ]), la voyelle ouverte [ɑ] et le [ə] (schwa). Lors de l’apprentissage des sept nouvelles voyelles orales du français, les apprenants hispanophones doivent développer de nouvelles stratégies d’articulation. L’apprentissage de nouvelles distinctions devrait permettre la distinction de mots phonétiquement similaires pour un apprenant qui les décode ou les prononce à partir de son système natif espagnol. De plus, l’apprentissage de la prononciation de la langue cible peut constituer un facteur important dans l’intégration de l’immigrant qui souhaite rapidement se faire comprendre, et faire partie d’un milieu social ou de travail dans son pays d’accueil. Apprendre une L2 à l’âge adulte peut comporter des défis sur le plan de la prononciation, du fait que les locuteurs adultes sont habitués d’interpréter tout nouveau son par le biais de leur langue maternelle, et ce, depuis plus longtemps que les enfants (Tsukada et al., 2005).

1.1 Production des sons de la L2 chez l’adulte

Traditionnellement, la plupart des études sur la prononciation en L2 comparaient la production des timbres vocaliques de deux langues en cause (Jenkins, 2004). Une comparaison des langues source et cible permettait de prédire les éléments de difficulté qu’un apprenant pouvait rencontrer pendant l’apprentissage de la langue cible (Champagne-Muzar et Bourdages, 1993; Harmegnies et al., 2005). Des chercheurs ont par ailleurs tenté de trouver des explications aux difficultés d’un adulte à apprendre les phonèmes d’une L2/LE (notamment Troubetzkoy, 1964; Best, 1994; Flege et al., 1995; Harmegnies et al., 2005). Les travaux de ces auteurs laissent entrevoir que l’apprenant passerait par une phase au cours de laquelle les sons de la L1 empêchent de percevoir les particularités des sons de la L2. Deux mécanismes pourraient être responsables de la mauvaise perception : un mécanisme d’assimilation du nouveau son à un son de la L1, ou un mécanisme qui filtre les propriétés du nouveau son en fonction des propriétés des sons de la L1. L’assimilation fait qu’un nouveau son, dont les particularités ne sont pas perçues, est intégré à tort dans une catégorie de la L1 qui possède des particularités en commun avec le nouveau son (Flege et al., 2003). Le filtre, quant à lui, est un mécanisme à travers lequel seules les propriétés pertinentes à la catégorisation des sons de la L1 sont retenues par le locuteur, qui ignore inconsciemment les autres caractéristiques du nouveau son (Troubetzkoy, 1964). Une meilleure catégorisation et l’adoption de nouvelles habitudes articulatoires requièrent beaucoup d’efforts de rééducation pour les adultes, car l’inventaire de leur L1 et leurs habitudes articulatoires sont ancrés depuis longtemps.

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1.1.1 Conséquences des difficultés à prononcer les sons d’une L2 sur la communication

Vers la fin du 20e siècle, les chercheurs ont commencé à examiner attentivement

l’importance d’une production compréhensible des sons de la L2/LE dans la réussite de la communication (Jenkins, 2004). Des études ont donc servi à répertorier des problèmes de communication imputés aux erreurs de prononciation et à mesurer leur impact sur des situations de communication réelle. Plusieurs auteurs ont signalé qu’une série d’erreurs (i.e. une suite de mots comportant des erreurs de production des sons et d’intonation) pouvaient rendre inintelligibles les productions (Abbott, 1986; Champagne-Muzar et Bourdages, 1993; Rogers et al., 2010). Selon Champagne-Muzar et Bourdages (1993), ceci peut avoir pour effet d’affecter le décodage chez l’auditeur, notamment à cause de l’imprécision à reproduire des faits phonétiques comme l’intonation et le rythme qui devraient fournir de l’information supplémentaire importante pour l’auditeur. Cette difficulté consisterait en un manque de sensibilité à l’importance des éléments phonétiques dans la communication bien que la connaissance des faits phonétiques fournirait des indices essentiels à la segmentation (Champagne-Muzar et Bourdages, 1993). En même temps, les locuteurs non natifs peuvent chercher des indices qui sont négligeables dans la langue qu’ils tentent d’apprendre et qui sont pourtant importants dans leur L1.

D’autres auteurs ont observé la présence de stratégies d’évitement des difficultés qui nuisent à la transmission du message; ces dernières amènent parfois le locuteur non natif à recourir à un autre locuteur pour pouvoir poursuivre la communication (Giacobbe, 1994; Giacobbe, 1992; Derwing et Rossiter, 2002). Parallèlement, lorsqu’il perçoit que son interlocuteur a un accent étranger, le locuteur natif peut décider d’interrompre la communication ou de changer de langue s’il est bilingue. Dans les deux cas, ces comportements peuvent limiter, chez le non-natif, les occasions de pratiquer la L2 et d’améliorer sa prononciation (Champagne-Muzar et Bourdages, 1993; Tsukada et al., 2005).

Bref, l’apprentissage des sons d’une L2 semble important car il fait partie des faits phonétiques qui doivent être appris par les locuteurs non natifs afin de réduire l’impact de la prononciation de la L1 sur l’intelligibilité dans la langue cible (Champagne-Muzar et Bourdages, 1993). Il est possible que cette dernière soit compromise par des séries d’erreurs qui peuvent survenir régulièrement, endommageant ainsi la communication entre un locuteur non natif et ses interlocuteurs (Abbott, 1986; Derwing et Munro, 2005; Munro, 2011). Étant donné l’impact d’erreurs de prononciation dans la communication, l’acquisition de la distinction des sons de la L2/LE demeure déterminante dans l’apprentissage d’une nouvelle langue (Derwing et Munro, 2005; Munro, 2011).

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1.1.2 Étapes d’apprentissage des sons d’une langue seconde

Pour réduire l’inintelligibilité et l’impact des difficultés de prononciation, l’apprenant doit tenter d’apprivoiser le système de la L2 et de se l’approprier graduellement, ce qui requiert un entraînement considérable. Certains auteurs suggèrent que l’apprenant doit passer par une restructuration du système consonantique ou vocalique sur les plans perceptuel et articulatoire (Best, 1994; Harmegnies et al., 2005). D’abord, l’apprenant prononcerait et percevrait les sons de la L2 comme des sons de la L1. Puis, la restructuration de l’inventaire phonétique lui permettrait de commencer à percevoir et à produire les sons de la L2. Cependant, durant la période de restructuration, les productions sont encore instables. Par exemple, chez Hombert et Point (1987), il est expliqué que des difficultés sont attendues au passage d’une langue à l’autre puisque chaque langue fonctionne selon son propre découpage. Chez Harmegnies et al. (2005), il est proposé que la mise en place d’un nouveau système mène à des interférences et à des confusions sémantiques. De tels problèmes perdureraient jusqu’à ce que le système soit réorganisé et puisse accueillir efficacement les nouveaux sons, après quoi ils sont produits de façon appropriée. Ce processus de restructuration permettrait au locuteur de s’approprier progressivement le contrôle de la distinction de certaines paires de sons non natifs et des phonèmes très semblables à ceux de la L1.

Harmegnies et al. (2005 : 19) ont suggéré que l’acquisition d’un système vocalique comportant davantage de sons que celui de départ devrait s’avérer plus ardue parce qu’un système plus dense est aussi plus différencié. Plusieurs études empiriques ont rapporté des difficultés d’acquisition d’un système plus différencié. Par exemple, Flege et al. (2003) ont vérifié les étapes menant à l’établissement de nouvelles catégories phonétiques chez des sujets italiens. Parmi les participants de cette étude, ceux qui étaient arrivés plus tôt en milieu anglophone et qui utilisaient peu leur L1 avaient réussi à établir une nouvelle catégorie phonétique pour le [eI] de

l’anglais (comme dans cake : [keIk]) par le biais d’une exagération de ce nouveau son, le

différentiant ainsi du [e] de l’italien. Quant aux sujets étant arrivés plus tard dans leur milieu d’accueil, ils éprouvaient davantage de difficulté à distinguer les deux sons, à tel point que le son cible aurait été assimilé au [e] de l’italien. L’étude de Munro et Derwing (2008) a servi à tracer la trajectoire d’acquisition des voyelles chez leurs sujets. Ils ont trouvé qu’il était possible pour des sujets ayant des langues maternelles différentes d’apprendre des sons d’une langue cible en milieu d’accueil, et ce, de façon beaucoup plus marquée dans les premiers mois suivant l’immigration. Leur étude a également révélé qu’après un an dans un nouveau milieu d’accueil, l’apprenant entrait dans une phase de stagnation au cours de laquelle peu d’améliorations phonétiques se produisaient. Des difficultés dans la discrimination ou dans la catégorisation des sons d’une L2 ont

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aussi été révélées dans des études portant sur l’apprentissage du français par des lusophones (Delplancq et Harmegnies, 2008) et par des hispanophones (Magnen et al., 2005).

1.1.3 Niveau de compétence en prononciation à atteindre pour les apprenants d’une L2

Des chercheurs dans le domaine se sont interrogés sur la possibilité qu’un adulte acquière les sons d’une L2 avec un accent imitant autant que possible celui des locuteurs natifs (Derwing et Munro, 2005; Jenkins, 2004). Derwing et Munro (2005) ont fait état de cette préoccupation en recensant des recherches qui ont porté sur la perception de l’accent étranger par des locuteurs natifs et sur l’intelligibilité de la parole en langue seconde, soit le degré de compréhension de l’interlocuteur (p. 385). Les études montrent, d’une part, qu’il est difficile pour les adultes arrivés tardivement dans leur pays d’accueil d’adapter leurs productions pour les rendre intelligibles (Derwing et Rossiter, 2002; Jenkins, 2004; Derwing et Munro, 2005; Rogers et al., 2010). D’autre part, elles révèlent qu’il est très difficile d’apprendre la prononciation d’une L2 sans accent à l’âge adulte même après des années de résidence dans le pays d’accueil (Rogers et al., 2010), mais qu’il n’est pas impossible d’atteindre une prononciation intelligible, voire approchant celle de locuteurs natifs.

Les recherches sur l’intelligibilité montrent que le locuteur non natif doit atteindre un niveau intelligible de production dans la L2/LE pour qu’un large éventail d’interlocuteurs le comprenne (Jenkins, 2004; Derwing et Munro, 2005). En-deçà de ce niveau, la communication peut devenir une importante source d’interférence entre un locuteur non natif et son interlocuteur qui n’est pas habitué aux erreurs prosodiques et articulatoires des apprenants de sa L1 (Abbott, 1986; Champagne-Muzar et Bourdages, 1993). L’intelligibilité se définirait, selon Derwing et Munro (2005) et Munro (2011), par le degré de compréhension réel des énoncés (traduction libre : 9). Par exemple, un apprenant qui prononcerait le mot français ‘rue’ avec un /r/ espagnol ou anglais serait intelligible car la prononciation inadéquate du [ʁ] n’empêche pas la compréhension du mot. Bref, il semblerait que l’intelligibilité constitue un niveau suffisant pour diminuer l’ampleur des problèmes de communication exposés en 1.1.2.

Parallèlement, Jenkins (2004) a souligné que l’objectif de l’apprenant qui séjourne dans un pays où sa L2 est parlée par la majorité devrait être celui de se faire comprendre par la communauté d’accueil, plutôt que celui d’éliminer toute trace d’accent. Elle a d’ailleurs suggéré que les objectifs pédagogiques des professeurs et des programmes d’enseignement aillent de pair avec l’objectif des apprenants. Champagne-Muzar et Bourdages (1993) suggèrent également qu’un certain niveau d’autonomie peut mener l’apprenant à prendre en charge son propre apprentissage de la prononciation de la langue cible. Selon elles, un apprenant qui connaît les

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traits physiologiques de l’articulation à reproduire et qui sait bien percevoir les sons de la langue cible pourra développer des habiletés à s’autocorriger et, peut-on l’espérer, réduire l’influence de sa L1 sur sa langue cible. Par exemple, l’apprenant peut graduellement devenir conscient de l’articulation des sons spécifiques à la L2, ce qui lui permettra de réduire le nombre et l’impact d’erreurs contenues dans des séries d’erreurs d’un discours produit dans la langue cible.

1.2 Apprentissage des sons du français par des hispanophones

Les obstacles à l’apprentissage de la prononciation, présentés en 1.1, sont considérables pour tous les apprenants de L2. Les hispanophones qui apprennent le français n’y échappent pas, puisque le système vocalique de leur L1 diffère de façon importante de celui de leur langue cible. Nous présentons donc, dans cette section, les systèmes vocaliques de ces deux langues, puis abordons le défi d’acquisition que l’apprentissage du français représente pour cette population. 1.2.1 Système vocalique de l’espagnol

Le système espagnol contient deux voyelles antérieures ([i] et [e]), une centrale ([a]) et deux postérieures ([o] et [u]) (Frías Conde, 2001). Les voyelles moyennes peuvent être prononcées plus basses, ou encore, tel que montré dans les résultats d’analyses acoustiques de Meunier et al. (2003), elles peuvent être produites plus près des voyelles hautes comme dans la Figure 1 :

Figure 1 : Triangle vocalique selon les résultats acoustiques de Meunier et al. (2003)

Les variantes de prononciation des voyelles moyennes de l’espagnol n’ont aucune valeur phonologique (Magnen et al., 2005) : chacune d’entre elles pourrait être réalisée avec une

i

e

o

a

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dispersion (soit l’étendue des productions d’un son cible donné) plus importante qu’en français, et ce, sans que sa compréhension ne soit compromise. En espagnol, les distances formantiques moyennes entre les voyelles ne nécessitent pas d’être augmentées (c’est-à-dire que les voyelles sont bien différenciées dans le système vocalique de cette langue) comme dans le cas des voyelles d’une langue possédant un système vocalique plus dense comme l’anglais et le français et dans lequel la distinction entre les voyelles est davantage réduite (Magnen et al., 2005; Fukushi, 2008).

1.2.2 Système vocalique du français

L’inventaire des voyelles du français comporte douze voyelles orales, soient sept de plus qu’en espagnol (Harmegnies et al., 2005 : 17-18). La densité du système rend les voyelles très rapprochées les unes des autres (Meunier et al., 2003). Alors, les locuteurs du français se doivent de maintenir une distance entre des zones restreintes et peu dispersées (LeBel, 1991; Meunier et al., 2003; Fukushi, 2008). Des chevauchements entre les sons affecteraient la compréhension.

Certaines catégories du français exigent une coordination articulatoire qui n’est pas utilisée dans d’autres langues. C’est le cas notamment de l’arrondissement, qui est généralement sollicité pour une ou plusieurs voyelles postérieures, mais que le français fait aussi intervenir dans la production de voyelles antérieures.

1.2.3 Origine des difficultés des hispanophones pendant l’apprentissage des sons du français Plusieurs travaux ont été effectués dans le but de prédire, analyser et comprendre l’origine des difficultés que connaissent les hispanophones lorsqu’ils apprennent les sons du français. Par exemple, une liste de difficultés à percevoir et à produire les sons du français par des apprenants présentant différents profils linguistiques a été élaborée par LeBel (1991) à partir d’observations ponctuelles. L’auteur y a décrit le traitement de la faute affectant la consonne ou la voyelle du français une étape à la fois, sur une fiche consacrée à chaque erreur telle que produite par des locuteurs de différentes langues (anglophones, hispanophones, catalanophones, lusophones, arabophones, germanophones, ainsi que des locuteurs de différentes langues d’Asie). Cet ouvrage fournit des explications aux erreurs de prononciation des locuteurs non natifs du français ainsi que des indications de correction phonétique, destinées aux enseignants, en lien avec les problèmes de perception et de production des sons selon l’erreur de l’apprenant. Pour chaque son, l’auteur indique les différentes erreurs qu’il a répertoriées, et ce, en fonction des langues de départ des locuteurs qui éprouvent ces difficultés particulières. Par exemple, dans le cas de la voyelle [y], LeBel (1991 : 145-146) a expliqué comment corriger le problème de postériorisation

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qu’expérimentent les anglophones, les hispanophones et les allophones de façon générale : il y explique d’abord des stratégies de discrimination auditive, puis des stratégies visant à rendre l’apprenant sensible, sur les plans tactile et visuel, à la prononciation de la voyelle cible jusqu’à ce qu’elle soit antériorisée. Ce répertoire de difficultés de prononciation des phonèmes a mené l’auteur à l’élaboration de matériel pédagogique visant à aider spécifiquement les locuteurs hispanophones et lusophones. Toutefois, il n’est pas assorti d’analyses acoustiques.

Quelques difficultés de distinction des sons du français par des hispanophones ont aussi été abordées par Harmegnies et al. (2005). Par exemple, les auteurs ont séparé les sons des langues à l’étude selon les dimensions suivantes : l’aperture, le lieu d’articulation, la nasalité et l’arrondissement. Comme l’espagnol distingue le [i] et le [e] sur la base de leur aperture et le [e] et le [o] sur la base de leur lieu d’articulation seulement, l’arrondissement des voyelles antérieures du français devrait exiger de la part d’un hispanophone l’apprentissage d’un contrôle fin de la production. Ce contrôle est nécessaire pour faire intervenir la dimension de l’arrondissement de façon précise dans la distinction [i] - [y] (ou [e] - [ø] et [ɛ] - [œ]) car ni l’une ni l’autre des deux dimensions contrôlées en espagnol ne différencie ces phonèmes; seul l’arrondissement permet de les distinguer (Harmegnies et al. 2005; 21). Le portrait dressé par ces auteurs est certes pertinent du point de vue de l’anticipation des difficultés d’apprentissage d’une langue cible en fonction de la langue de départ. Toutefois, sans mesure acoustique pour rendre compte plus spécifiquement des changements phonétiques pendant la réorganisation du système, cet ouvrage ne permet pas de saisir pleinement la façon dont se déroule l’apprentissage.

Un certain nombre d’études empiriques ont servi à vérifier l’existence de problèmes de prononciation chez les hispanophones. Trois d’entre elles, menées par des chercheurs en France, font état de performances en production et en perception des sons du français chez des locuteurs hispanophones.

Une première étude, réalisée par Meunier et al. (2003), mesurait l’effet de la densité du système phonétique sur la production et la perception. Si cette recherche menée auprès d’hispanophones, francophones et anglophones a permis de dégager que les locuteurs de chaque langue étaient capables de catégoriser les sons des trois langues à l’étude avec une bonne efficacité, le profil des apprenants n’était pas détaillé. Pour cette raison, il n’est pas possible de savoir à quelle étape de leur apprentissage ils ont été capables d’une telle performance.

Une deuxième étude, menée par Magnen et al. (2005), a porté sur la catégorisation de voyelles du français par une vingtaine de sujets hispanophones qui devaient, selon leurs propres critères de classement, regrouper les différents exemplaires des voyelles [i], [y] et [u]. Les résultats

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de l’expérience ont révélé que les sujets ont généralement été capables de regrouper les sons autour d’un nœud sans toutefois que la distinction entre les voyelles soit maîtrisée, c’est-à-dire qu’il y a eu plusieurs chevauchements entre deux des trois voyelles à l’étude, soient le [y] et le [u], alors que le [i] avait été catégorisé plus efficacement. Néanmoins, le profil des sujets n’a pas été décrit dans cette étude, laquelle présente, conséquemment, des limites : nous ne connaissons ni le niveau, ni l’exposition à la langue cible au moment où les sujets ont été capables d’organiser les différents exemplaires autour des cibles des trois voyelles hautes du français.

Une troisième étude, réalisée par Giacobbe (1994), a été menée auprès d’une informatrice hispanophone qui a été enregistrée à différents moments pendant les trois premières années après son arrivée en France. L’informatrice a su délaisser les formes espagnoles de son discours en captant l’importance de nuances phonologiques entre les différentes formes qu’elle maintenait pour un seul mot et les formes appropriées qu’elle tentait de reproduire. Cette étude, dans laquelle l’auteur aborde l’impact de difficultés phonétiques sur la communication, a permis de situer les performances en production dans des étapes générales d’apprentissage. Cependant, aucune mesure acoustique n’a été prise et aucune transcription phonétique n’a été faite; pourtant, des mesures et des transcriptions auraient pu témoigner de l’évolution des productions de l’apprenante.

Par le passé, des études comportant de telles mesures acoustiques ont été menées auprès d’autres populations immigrantes (notamment l’étude longitudinale acoustique de Tsukada et al., 2005) et ont permis de décrire avec précision l’évolution de leur prononciation par le biais, par exemple, d’une analyse du contraste entre les voyelles de la langue cible. Le contraste vocalique consiste en le calcul de la distance entre la moyenne des productions de deux voyelles, et son analyse permet de déterminer la précision avec laquelle les deux membres d’une paire de voyelle sont différenciées. Des recherches présentant l’évolution avec une telle précision permettent de prédire les difficultés que des apprenants immigrants peuvent rencontrer lors de leur apprentissage de leur langue d’accueil. Toutefois, malgré ce potentiel apport important d’études acoustiques dont celles qui portent sur le contraste entre des sons non natifs chez des apprenants de langue seconde, nous n’avons trouvé aucune étude documentant, à partir de mesures acoustiques des productions d’un apprenant hispanophone du français, les changements phonétiques qui se produisent pendant la restructuration de leur système phonétique. Les travaux présentés dans cette section fournissent un aperçu de certaines difficultés et capacités dont un hispanophone peut faire preuve au cours de son apprentissage des sons du français, mais à notre connaissance, aucune recherche longitudinale sur l’apprentissage de l’ensemble des voyelles du français n’a été menée auprès d’une population immigrante de langue espagnole. Une étude qui viserait à documenter l’apprentissage des voyelles du système vocalique cible chez cette

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population nous semblait pourtant pertinente du point de vue de l’analyse de la restructuration, puisque de nombreuses erreurs de prononciation des voyelles sont attendues au passage de l’espagnol au français (Harmegnies et al., 2005). C’est, par conséquent, pour pallier le manque d’études acoustiques avec suivi sur l’acquisition de l’ensemble des voyelles du français par des hispanophones que nous avons entrepris notre étude dont le but était de décrire acoustiquement les changements phonétiques dans le système vocalique d’adultes hispanophones immigrants récemment arrivés au Québec et apprenant le français dans des cours de francisation. Si une telle recherche trouvait en partie sa pertinence dans le manque d’études auprès d’une population adulte immigrante d’origine hispanophone, il appert qu’elle était également pertinente du point de vue de la rééducation nécessaire au passage d’un système vocalique maternel à un système vocalique cible plus dense (Harmegnies et al., 2005). Plusieurs difficultés, telles des interférences, confusions, et productions instables qui peuvent être réduites au fil du temps, sont attendues au cours de la période de restructuration. Ainsi, il était intéressant de suivre l’évolution des productions d’une langue comme l’espagnol, contenant peu de voyelles, à une langue comme le français, qui comporte sept voyelles orales supplémentaires dont trois qui nécessitent une coarticulation inexistante en espagnol.

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13 Chapitre 2 Cadre théorique

Plusieurs chercheurs dans le domaine ont élaboré des modèles et des théories qui contribuent à la compréhension des difficultés d’un adulte à distinguer les nouveaux sons auxquels il est exposé. De manière générale, pour expliquer les difficultés en production, les chercheurs à l’origine de ces modèles et théories semblent converger vers l’idée de la présence d’un mécanisme qui influencerait la perception des sons de la L2. Nous comptons donc présenter dans cette section quatre de ces modèles et théories, qui ont servi de référence pour plusieurs chercheurs en didactique des langues secondes et en phonétique.

2.1 Théorie du crible phonologique

Troubetzkoy a proposé en 1939 un modèle, qui s’inscrit dans l’approche structuraliste du Cercle Linguistique de Prague, dans le but d’expliquer la mauvaise performance en production tributaire d’une mauvaise perception des sons inconnus (Troubetzkoy, 1964). Ce modèle du crible phonologique suppose un lien entre la perception et la production : les sons inconnus seraient mal prononcés car ils seraient mal perçus. En effet, une fois le système de la L1 approprié, la perception serait dictée par des habitudes de sélection qui sont propres à la perception du locuteur, c’est-à-dire en fonction de leur L1 (Troubetzkoy, 1964). Le modèle prédit que parmi ce qui est entendu, seules les caractéristiques pertinentes à la reconnaissance des phonèmes de la L1 seraient conservées et les autres passeraient à travers une série de cribles, jusqu’à ce que le dernier crible structure l’expression et l’émotion qui transparaissent dans le discours du locuteur (Troubetzkoy, 1964). Cette analyse par filtres empêcherait, pendant un certain temps, le changement d’habitudes articulatoires imposé par l’apprentissage d’un son ne faisant pas partie du système déjà existant dans la L1.

Ce modèle postule donc que chaque langue est un système entièrement indépendant des autres langues que peut tenter d’acquérir un locuteur. Ce postulat implique que le locuteur doit être entraîné à percevoir un nouveau système afin d’entendre correctement les nouveaux sons. Cette rééducation est à la base de la méthode verbo-tonale de correction phonétique (rapportée dans Renard, 1971; mise en application dans LeBel, 1991; 1993) qui prend son point de départ dans la faute de l’apprenant. Par exemple, si un apprenant tente de produire le mot ‘rue’ (/ry/) et produit plutôt ‘roue’ (/ru/), le professeur lui fait entendre le mot ‘rue’ avec une intonation montante et une accélération du rythme afin de lui faire saisir la caractéristique aigüe du son et pour qu’il parvienne à la produire lorsqu’il prononce ‘rue’.

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2.2 Théorie des aimants perceptifs

La théorie des aimants perceptifs de l’équipe de Kuhl, une chercheure en neuroscience, a été motivée par un constat général selon lequel l’exposition à la langue, dès l’enfance, altèrerait la perception des sons (Kuhl et Iverson, 1995). Ils ont traité de l’acquisition des sons de la L1 en tant que changement majeur au passage, chez un bébé, d’une perception générale à une perception fortement influencée par l’expérience avec sa L1. Plus précisément, ils ont essayé de mettre en lumière le mécanisme dont dépend ce changement. Ce mécanisme exercerait un effet d’attraction des sons et serait à l’origine d’une manipulation de l’espace perceptuel.

L’équipe de Kuhl a mené des études pour rendre compte de cette manipulation. Ces recherches ont révélé que la zone des moins bons exemplaires était très étendue alors que celle des meilleurs exemplaires était très restreinte (Kuhl et Iverson, 1995). L’espace réduit dans lequel se retrouvent plusieurs bons exemplaires expliquerait la difficulté à les discriminer. Comme c’est le son prototypique qui exerce l’effet d’un aimant, cela implique que le prototype et ses variantes paraîtront davantage similaires, alors que le son non prototypique et ses variantes, tel qu’illustré dans les Figures 2 et 3 tirées de Kuhl et Iverson (1995 :124), paraîtront plus différents les uns des autres, et ce, même si la distance acoustique peut être similaire dans les deux situations :

Figure 2 : Représentation des sons sans effet d’attraction des sons

Figure 3 : Représentation des sons avec effet d’attraction des sons

Ce phénomène a été étudié avec des voyelles et avec des consonnes auprès de groupes d’enfants et d’adultes divisés en fonction des stimuli. Les groupes testés sur les prototypes ont eu plus de mal à distinguer le prototype de ses variantes que les groupes testés sur les non prototypes et leurs variantes, ce qui a confirmé la prédiction d’un effet important de l’attraction des prototypes tant chez les enfants que chez les adultes, alors que cet effet n’existe pas dans le cas des sons non prototypiques (Kuhl et Iverson, 1995). Chez les adultes, cela implique que l’espace du prototype serait moins sensible aux différences acoustiques sur le plan de la perception du prototype et ses variantes. Enfin, les auteurs soutiennent que la force des aimants de la L1 peut être diminuée avec de l’entraînement car elle aurait un impact non définitif sur la compétence en prononciation des sons d’une langue cible.

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Selon les chercheurs, comme la théorie développée sous-entendait que l’effet des aimants commençait avant l’âge de 10-12 mois, c’est ce mécanisme qui serait responsable de la manipulation de l’espace acoustique. Leur réflexion, qui découle en partie de la théorie du crible phonologique, aurait permis d’identifier un mécanisme dont dépendrait la restructuration du système et fournirait une explication aux difficultés qu’éprouve le locuteur qui doit réapprendre à percevoir de nouveau sons.

2.3 Modèle d’apprentissage de la parole

En acquisition de la prononciation des L2, Flege a élaboré le Speech Learning Model (SLM), qui postule que le système phonétique d’un locuteur serait en constante adaptation (Flege, 1995). Le système se restructurerait avec l’augmentation de l’exposition aux nouveaux sons. Cette restructuration entraînerait, chez l’apprenant, la création (ou non) de nouvelles catégories ou encore la modification de celles qui existent déjà dans sa L1.

À partir de recherches sur la maturation neurologique comme facteur pouvant justifier les différences entre les adultes et les enfants, Flege (1995) a noté que d’une part, les capacités sensori-motrices d’un enfant deviennent plus efficaces alors que d’autre part, sa faculté d’apprendre les sons d’une L2 semble connaître un déclin. C’est ce constat qui a amené Flege et ses collègues à élaborer le modèle SLM, qui comporte une série de postulats (traduction libre : Flege, 1995; 239):

- « Les mécanismes et les processus de l’apprentissage du système de la L1 restent toujours intacts et peuvent être appliqués à l’apprentissage d’une L2.

- Les aspects langagiers particuliers des sons de la parole sont spécifiés dans les représentations de la mémoire à long terme, appelées catégories phonétiques.

- Les catégories phonétiques établies pendant l’enfance pour les sons de la L1 évoluent continuellement pour refléter les propriétés de tous les phones de la L1 et ceux de la L2 identifiés comme des réalisations de chaque catégorie.

- Les personnes bilingues doivent s’efforcer de maintenir un contraste entre les catégories de la L1 et de la L2 qui coexistent dans le même espace phonologique. »

Les hypothèses du SLM prédisent que les sons de la L1 et de la L2 peuvent être différenciés lorsqu’une catégorie phonétique est créée pour un nouveau son, et que les possibilités selon lesquelles ce contraste soit appris augmentent si les sons sont perçus comme étant différents. Il est possible cependant que la catégorie créée diffère légèrement chez une personne unilingue et chez une personne bilingue, selon les traits sur lesquels l’individu s’appuie pour se

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représenter, identifier et prononcer un son, et selon l’importance que chacun attribue à ces traits. Le modèle prédit qu’au contraire, si l’apprenant est incapable de distinguer un son de la L2 d’un autre son de la L1 ou de la L2 qui s’en approche, le nouveau son sera produit de façon erronée. Grâce à l’expérience avec la langue cible, les locuteurs apprendraient à différencier ces sons de la L2 d’abord catégorisés comme des sons de la L1. Puis, une fois cette distinction apprise, le modèle prédit que les interférences avec la L1 pour cette catégorie seront éliminées. Cependant, selon Flege (1995), des difficultés en production peuvent perdurer même quand le contraste est maîtrisé en perception, puisqu’au-delà d’un certain âge, certains traits de la L2 sont inconsciemment ignorés par le locuteur qui se fie sur les traits pertinents de sa L1 pour interpréter tout nouveau son. L’habileté à créer de nouvelles catégories phonétiques et à différencier les sons d’une L1 et d’une L2 sera alors diminuée avec l’âge.

Une forte tendance à mal discriminer deux phonèmes d’une L2 correspondant à deux allophones d’un même phonème dans une L1 a notamment été observée par Best (1995) et par Flege (1995). Par ailleurs, tel que rapporté dans Flege (1995), des changements phonétiques dépendant d’abord et avant tout de la distance perçue entre les phonèmes et l’âge auquel l’apprentissage commence demeurent possibles pour un son de la L1 acquis lors de l’enfance. Ces observations vont de pair avec la perspective de constante adaptabilité du système phonétique. 2.4 Modèle d’assimilation perceptuelle

Reprenant la notion de prototype de Kuhl, Best (1994) s’est particulièrement intéressée à la transformation de la perception chez les enfants en bas âge et d’âge préscolaire, qui s’effectue lorsque les enfants passent d’une perception générale à une perception favorisant exclusivement l’écoute des sons de leur L1. Pour l’élaboration du modèle d’assimilation perceptuelle (PAM), Best s’est notamment basée sur les recherches de l’équipe de chercheurs de Werker (Werker, 1989; Werker et al., 1981; Werker et Lalonde, 1988), qui ont montré que l’influence de la L1 dans la perception de sons étrangers était segmentée en différentes périodes correspondant à des phases du développement. Parallèlement, à partir des résultats obtenus dans une recherche précédente (Best et al., 1988), qui fournissait un premier aperçu de la capacité de locuteurs anglophones à distinguer des clics du zulu, Best (1994) a adapté les prédictions PAM à la réalité des adultes en situation d’apprentissage d’une langue seconde (aussi dans Best et al., 2001 avec des locuteurs anglophones apprenant le zulu). En effet, le modèle comporte une liste de conditions et de prédictions, qui reflétait d’abord la restructuration majeure du système phonologique chez le jeune enfant d’environ un an, et a ensuite pu être adaptée aux adultes parce qu’une fois cette réorganisation complétée, les traces de ce changement ne seraient pas permanentes et même les adultes pourraient apprendre des contrastes non natifs. Le modèle permet de prédire les

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conditions dans lesquelles un individu arrive à discriminer les contrastes non natifs selon la distance perçue entre les sons formant des paires non natives (traduction libre : Best, 1994; 14-18):

Conditions Prédictions pour les locuteurs adultes

1- Les deux membres du contraste présentent une similarité articulatoire avec deux différents phonèmes de la L1

Bon niveau de discrimination de ce type de contraste 2- Les deux sons de la L2 sont également assimilés à

une seule catégorie de la L1

Mauvaise discrimination car les deux phones de la L2 sont tous deux assimilés à une catégorie de la L1, mais sont également différents du prototype, sans qu’un constitue un moins bon ou un meilleur exemplaire.

3- La paire est assimilée à une catégorie de la L1, mais un des deux membres est plus similaire au prototype de la L1 que l’autre membre.

Niveau bon ou modéré de discrimination car le locuteur non natif réussit à distinguer les bons et les moins bons exemplaires.

4- Le contraste est si différent des sons de la L1 qu’il ne peut être assimilé à aucune catégorie.

Niveau bon ou modéré de discrimination dépendamment du degré de similarité entre les deux membres du contraste dans la L1.

Tableau 1 : Prédictions du modèle PAM

Ces quatre conditions seraient ainsi regroupées en une seule dimension d’admissibilité sur un continuum. Les bons et les mauvais contrastes seraient situés aux extrémités du continuum, alors que les tendances entraînant un niveau moyen de discrimination se retrouveraient au centre. Selon Best (1994), la représentation des conditions sur un continuum montre la variabilité avec laquelle les locuteurs discriminent les types de contrastes.

Best (1994) a souligné que les prédictions présupposent une forte influence de la phonologie de la L1, qui agirait chez l’adulte comme un régulateur de l’attention portée aux signaux de la parole. Cette influence entraînerait chez eux l’assimilation des nouveaux sons non natifs aux sons de la L1 s’en rapprochant le plus : le PAM prédit que l’adulte assimilera le nouveau son qu’il perçoit similaire à un son de sa L1. Dans le cas contraire, il n’y aura aucune assimilation; c’est ainsi que même l’adulte peut arriver à percevoir certains nouveaux sons sans y avoir été préalablement exposé.

À la lumière de cette exposition théorique, nous remarquons que malgré des approches différentes, ces quatre modèles et théories attribuent un rôle primordial à la perception des sons pour expliquer les difficultés de prononciation des adultes (Best et al., 2001). Ils laissent tous entrevoir que des améliorations sont possibles chez l’apprenant adulte. Les quatre supposent que la L1 sert d’unique référence au locuteur dès qu’il l’a acquise, à tel point qu’il n’arrive pas à distinguer les sons d’une autre langue lorsqu’il y est exposé une première fois, sauf dans le cas du PAM qui suggère qu’il est possible de discriminer efficacement certains contrastes non natifs sans exposition préalable. Parallèlement, même si les modèles de Best et de Kuhl tiennent particulièrement compte de la phonétique acoustique comme nous avons cherché à le faire, les deux modèles se différencient de façon importante quant à la population examinée. En effet, Best

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a particulièrement étudié les adultes alors que Kuhl s’est davantage préoccupée de l’acquisition chez les enfants. Dans cette perspective, nous choisissons de nous servir du PAM, qui se rapproche davantage de ce que nous proposons de faire et de la population que nous étudierons, et qui de plus tient compte des difficultés phonétiques par rapport au type de contraste non natif, et ce, en fonction de la compétence atteinte dans la langue cible.

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19 Chapitre 3 Recension des écrits

Comme certains adultes réussissent à s’approcher de la prononciation des locuteurs natifs, plusieurs chercheurs se sont penchés sur quelques-uns des facteurs pouvant accélérer ou ralentir l’apprentissage d’une L2 par des immigrants : l’âge de l’immigrant lors de son arrivée dans le pays d’accueil (normalement AOA pour ‘Age of Arrival’; dorénavant âge à l’arrivée dans le cadre de cette étude), le temps écoulé depuis son arrivée (habituellement LOR pour ‘Length of Residence’; dorénavant DDS pour durée du séjour dans ce projet) et l’expérience avec la langue cible. Pour rendre compte des avancées dans ces recherches, nous consacrons la première section de ce chapitre à des études dans lesquelles l’effet de ces facteurs a été mesuré. Puis, la deuxième section sera réservée à des études sur la capacité à produire et/ou à percevoir les sons du français chez des hispanophones.

3.1 Facteurs influençant l’apprentissage de la prononciation chez des immigrants adultes

Des recherches dans le domaine laissent entrevoir que l’âge à l’arrivée est un facteur très déterminant pour un immigrant dans son apprentissage de la langue cible. Conséquemment, dans la section réservée à l’âge, nous présentons en détail une étude sur l’âge à l’arrivée. Ensuite, dans la section suivante, nous exposons les résultats d’études présentant des DDS différentes. Enfin, dans la section dédiée à l’expérience avec la langue cible, nous abordons principalement l’enseignement explicite de composantes phonétiques spécifiques.

3.1.1 L’âge

Bien que l’âge chronologique d’un individu, l’âge de première exposition à une L2 et l’âge à l’arrivée diffèrent, un lien unit ces trois sous-facteurs : une fois l’acquisition des sons de la L1 complétée, un individu plus jeune tend généralement à différencier plus efficacement les nouveaux sons auxquels il est exposé. Comme nous nous intéressons plus particulièrement aux immigrants, nous présentons une étude sur l’âge à l’arrivée étant donné que ce sous-facteur n’est pertinent que pour les personnes qui apprennent une langue dans un autre endroit que leur milieu d’origine.

Flege et al. (2003) ont mené une étude expérimentale sur l’âge à l’arrivée ainsi que sur l’utilisation de la L1 (qui fait partie de l’expérience avec la langue cible). Ils y ont testé l’hypothèse selon laquelle l’intervention de deux mécanismes, soient un d’assimilation et un de dissimilation de catégories phonétiques, serait responsable de la différence de prononciation entre un locuteur natif et un non natif.

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L’étude a été réalisée auprès d’adultes italiens au Canada. Les sujets, formant quatre groupes de 18 personnes auxquels s’ajoute un groupe de contrôle, ont d’abord été divisés selon l’âge à l’arrivée, soient ceux arrivés au Canada dès l’enfance (entre 2 et 13 ans) et ceux arrivés tardivement (entre 15 à 26 ans). Ils ont ensuite été divisés en fonction de leur pourcentage d’utilisation de la L1, soient ceux l’utilisant de façon importante et ceux l’utilisant peu. En recueillant des productions pour plusieurs voyelles de l’anglais ([ɒ, ɚ, eI, o, u, ʊ, ɛ, ɪ, æ, ʌ, i]), les chercheurs

ont vérifié la diphtongue [eI] (comme dans cake : [keIk]), qui est difficile à maîtriser pour les

italophones apprenant l’anglais car ils tendent à la prononcer avec moins de mouvements de la langue que le son [e] de l’italien et à l’identifier comme ce phonème de leur L1. Chaque participant a dû prononcer des mots contenant une des onze voyelles à l’étude, qui se trouvait entre deux consonnes dans un mot monosyllabique (par exemple, dans le mot anglais ‘hid’); chacun de ces mots a été prononcé de façon isolée et dans une phrase porteuse. Seule la voyelle était extraite à des fins d’écoute par des locuteurs natifs, qui devaient juger de la qualité de la voyelle selon une échelle en la qualifiant de mauvaise, déformée, acceptable, ou bonne (p. 475). Il s’est avéré que parmi les différents exemplaires de la diphtongue [eI], quelques-unsont été jugés acceptables, et

plusieurs ont été jugés inacceptables, alors que les autres voyelles ont été plus souvent jugées acceptables et moins souvent inacceptables. Les analyses acoustiques ont révélé que les exemplaires acceptables avaient été produits avec plus de mouvements de la langue, mais ce n’était pas le cas pour les exemplaires inacceptables, qui avaient été catégorisés plus près des voyelles [ɛ] ou [æ].

De façon générale, les résultats ont révélé que les gens arrivés tôt et utilisant peu la L1 seraient capables de créer une nouvelle catégorie pour un nouveau phonème en exagérant la prononciation de ce dernier, c’est-à-dire en produisant significativement plus de mouvements articulatoires que les locuteurs natifs pour établir un contraste clair. Ils auraient donc réussi à effectuer une dissimilation de catégorie phonétique en discriminant le son de l’anglais du son s’en rapprochant le plus dans leur L1. Toutefois, ils n’ont pas atteint le niveau des locuteurs natifs, qui maîtrisent déjà le contraste et qui n’ont pas besoin d’exagérer leur prononciation de la diphtongue [eI] pour la différencier des autres voyelles de leur L1. Par ailleurs, tous les sujets arrivés à l’âge

adulte, indépendamment de leur quantité d’usage de la L1, avaient tendance à ne pas produire toutes les caractéristiques du nouveau son de la même façon qu’un locuteur natif le fait. En effet, le [eI] de l’anglais et le [e] de l’italien auraient été fusionnés en une seule catégorie phonétique chez

les apprenants de ces deux groupes, ce qui témoigne d’une difficulté de différentiation qui perdure même chez ceux qui utilisent moins leur L1 au profit de la langue cible.

Des résultats convergeant vers le même constat général ont notamment pu être observés dans les écrits de différents chercheurs, dont Best et al. (2001), Tsukada et al. (2005) et Baker et

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