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L'attention des élèves pendant la passation des consignes

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Academic year: 2021

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Submitted on 17 Nov 2017

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L’attention des élèves pendant la passation des consignes

Pauline Lablanchy

To cite this version:

Pauline Lablanchy. L’attention des élèves pendant la passation des consignes. Education. 2017. �dumas-01624420�

(2)

ECOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION DE L’ACADEMIE DE PARIS

L’ATTENTION DES ÉLÈVES PENDANT LA

PASSATION DES CONSIGNES

Pauline Lablanchy

M

EMOIRE DE MASTER

MEEF

Mention Premier degré

Sous la direction de Stéphane Coutellier-Morhange

2016-2017

Mots-clés : attention, consigne, explicitation

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TABLE DES MATIERES

Introduction ……….………..3

Première partie. L’attention, une notion centrale dans les sciences de l’éducation .……..6

1. Définition de l’objet d’étude ..……….……….……6

2. Délimitation des bornes de l’objet d’étude ...………….………..8

3. Difficulté de l’évaluation diagnostique ..…...….……….……….10

4. Bilan provisoire ...………....…….13

Deuxième partie. Faire évoluer ses pratiques professionnelles.…….……….……..15

1. Mode oral, mode écrit, mode audiovisuel……….……...15

2. Focalisation de l’attention ………...……….…...…….18

3. Étayage nécessaire face à une tâche collective ...………...……….….…20

4. Proposition d’un dispositif collectif ...………...……….……….…….23

Troisième partie. Faire évoluer les élèves ...………..………..….……..25

1. Faire évoluer leurs représentations : enjeux de l’écoute et de l’attention aux messages oraux ……….……….25

1.1. Appréhender les enjeux de l’attention dans des séances décrochées ………...….25

1.2. Développer une écoute active ……….…….….26

1.3. Faciliter une écoute pour faire ………..……….……….…..….27

1.4. Faciliter ou perturber l’attention ……….…..28

1.5. Bilan des activités menées ……….……....29

2. Faire évoluer leurs pratiques ………..………31

2.1. Mettre en activité ………..………..………...31

2.2. Orienter la tâche………..………..32

2.3. Introduire les élèves à l’explicitation des enjeux des séances ………..………….34

2.4. Quel bilan ? .………..…………35

Conclusion ……….36

Bibliographie ……….37

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INTRODUCTION

Les enseignants débutent toujours avec des représentations a priori sur le métier, représentations sur lesquelles ils construisent leur imaginaire et c’est à partir de cela qu’ils projettent et fondent leurs pratiques à venir1. Mes représentations m’avaient conduite à penser que l’aspect didactique, la production et la planification des séquences constitueraient une difficulté pour moi. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la gestion de classe, qui ne me faisait pas peur, s’avéra en réalité très compliquée ! Parmi les découvertes de cette année de fonctionnaire stagiaire, il y eut celle d’une classe agitée, constituée d’un nombre sensible d’élèves ayant du mal à écouter. Je me suis retrouvée démunie face à une attitude que j’estime paradoxale : les élèves m’ont semblé souvent inattentifs aux propos de l’enseignant, et en même temps encore très dépendants de l’adulte dans le travail. Les difficultés intellectuelles que j’imaginais ont fait place à des difficultés d’ordre physique liées à ce constat : un travail éreintant donc, de rabâchage permanent, s’apparentant à ce que Philippe Meirieu a très justement appelé la « pédagogie du garçon de café »2, qui conduit l’enseignant à passer de table en table pour répéter individuellement à chaque élève ce qu’il n’a pas écouté lors des moments collectifs.

La nécessité de travailler sur ces problèmes d’inattention des élèves s’est donc présentée comme une évidence. Les premières lectures que j’ai effectuées sur la thématique de l’attention m’ont très vite confortée dans mon choix d’étude, dans la mesure où elle m’a paru être un sujet fondamental pour les élèves. Christophe Boujon, professeur en psychologie, affirme qu’il existe une corrélation explicite entre les capacités attentionnelles – il évoque la focalisation et l’orientation attentionnelles – des élèves et la réussite scolaire : il s’appuie sur des études comparatives entre classes témoins et classes désignées par leurs enseignants comme ayant des problèmes d’inattention. Les résultats des études citées montrent que les élèves obtenant les

1 Sur cette question, voir notamment « analyse des représentations des enseignants ou futurs enseignants », in Éducation et formation, e-294, octobre 2010, p. 13-30, première partie de la parution, constituée de deux articles :

- COMPERE Dominique, ROBAEY Yves, « Recherche sur les représentations des étudiants des écoles normales relatives à leur futur métier d’enseignant et les apprentissages qui y sont liés. »,

- VAUSE Anne, « Les croyances et connaissances des enseignants de l’école primaire à propos de l’acte d’enseigner ». La parution est disponible en téléchargement sur internet :

https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ved=0ahUKEwjH7-j7hvTSAhVMchQKHfGtAHgQFggmMAI&url=http%3A%2F%2Frevueeducationformation.be%2Finclu de%2Fdownload.php%3FidRevue%3D10%26idRes%3D75&usg=AFQjCNHMNwckwmdXeCcuSeKeq Qa4VH23kw&sig2=zDUbAAsRHSSnPXeIV2I8dg (dernière visite le 26 mars 2017)

2 Meirieu, Philippe, « À l’école, offrir du temps pour la pensée », in Esprit, Inattention : danger !, 2014/1 (janvier), p. 6.

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plus faibles résultats scolaires sont également les moins performants dans des épreuves d’attention3. Il indique donc l’attention comme un « facteur de scolarisation plus ou moins

réussie »4 dans la mesure où il intervient dans les mécanismes d’acquisition des compétences.

Le sujet s’inscrit dans le cadre des programmes du cycle 2 où le terme « attention » est présent, en tout 28 fois, tant du côté de l’élève que de celui de l’enseignant. Il apparaît notamment dans les programmes du langage oral dans les compétences « conserver une attention soutenue lors de situations d’écoute ou d’interaction et manifester, si besoin et à bon escient, son incompréhension » et « maintien d’une attention orientée en fonction du but ». Il est intéressant de noter que l’attention est présentée plus loin comme un « comportement indispensable à l’apprentissage » des langues vivantes étrangères, à côté des termes curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance5.

Comme le dit Jean-Michel Zakhartchouk, « les enseignants doivent être attentifs aux consignes qu’ils donnent, à la façon dont ils les donnent, aux objectifs qu’ils poursuivent en les donnant. (…) Ils doivent développer chez leurs élèves une attention particulière, à l’écoute et à la lecture, aux consignes qu’ils donnent6. » En cela, le mémoire s’inscrit dans le cadre du référentiel de compétences des professeurs des écoles, dans la mesure où travailler sur l’attention permet d’organiser et d’assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves, compétence attendue chez les professeurs des écoles ; en même temps, le travail effectué doit se fonder sur une maîtrise des savoirs disciplinaires et de leur didactique et sur la connaissance des élèves et les processus d’apprentissage.

Il a fallu définir des bornes de travail restreintes dans la mesure où, dans le cadre du Master MEEF, le temps disponible qui peut être imparti à cette recherche est assez limité ; il était donc impératif de proposer des actions ciblées. Tout d’abord, le cas des élèves présentant des troubles de l’attention et du comportement, qui peuvent être diagnostiqués et traités de manière particulière, n’a pas été étudié. Il serait l’objet d’un mémoire spécialisé pour l’obtention du CAPA-SH, et je considère ne pas encore avoir ni le recul, ni les connaissances, ni la formation nécessaire pour traiter ce sujet. Ce sur quoi j’ai choisi de travailler est donc une ambiance générale de classe et des comportements concernant tous les élèves.

3 Lieury Alain, et coll., Manuel de psychologie de l’éducation et de la formation, Paris, Dunod, 1996, p. 229-230. 4 Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, Attention et réussite scolaire, Paris, Dunod, 1997, p. 51 et p. 121. 5 Nous renvoyons le lecteur aux programmes du cycle 2, disponibles en ligne :

http://cache.media.education.gouv.fr/file/48/62/7/collegeprogramme-24-12-2015_517627.pdf 6 Attention aux consignes !, in Cahiers pédagogiques, n°483, septembre 2010, p. 10.

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Il semble aussi important de préciser que l’objet d’étude ne prend en compte que la classe dans laquelle j’ai enseigné pendant cette année de stage. J’avais souhaité dans un premier temps élargir mes recherches dans les autres classes de l’école où j’ai travaillé, mais rapidement cette piste a été abandonnée. En effet, lorsque j’échangeais avec mes collègues sur les difficultés rencontrées, j’ai été frappée de constater que les pistes qu’ils me proposaient pour améliorer les conditions ne se fondaient que sur une approche punitive, de pure gestion de classe. Or mon objectif était plutôt d’inscrire ma réflexion dans un cadre pédagogique bienveillant, l’observation dans les classes de mes collègues ne m’a donc pas semblé constituer une piste permettant de nourrir mon travail. J’ai donc opté pour une observation de ma classe uniquement, appuyée sur des lectures théoriques, en psychologie et en pédagogie, que je présenterai dans la première partie du mémoire.

La nécessité de limiter l’objet d’étude m’a conduite aussi à choisir de travailler sur des moments spécifiques de la journée, et non pas sur l’inattention des élèves de manière générale. Il fallait cibler des moments où j’avais impression d’être particulièrement envahie et pendant lesquels les inattentions des élèves posaient particulièrement problème. Mon choix s’est fondé sur un simple ressenti : les moments de passation de consignes ont été tout de suite identifiés comme particulièrement problématiques puisque mes séances peinaient à démarrer, et un effet boule de neige se développait : la gestion de classe en devenait compliquée. Comment favoriser l’attention des élèves lors des passations de consigne ? C’est à cette interrogation que ce travail tâchera de répondre.

Pour tenter de répondre à cette question, la première partie de ce travail présentera des éléments de définition éclairants sur l’attention et sur la notion de consignes, afin d’y trouver des pistes de réflexion pour mettre en place des actions en classe se fondant sur la recherche. Dans un second temps seront exposés les éléments d’évolution des pratiques professionnelles induites par ces lectures ; enfin dans une troisième partie seront présentés les éléments de travail effectués dans l’optique de faire évoluer les pratiques et représentations des élèves.

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PREMIÈRE PARTIE. L’ATTENTION, UNE

NOTION CENTRALE DANS LES SCIENCES

DE L’ÉDUCATION

1. Définition de l’objet d’étude

Lorsque j’ai démarré la réflexion sur mon projet de mémoire, je suis bien sûr partie d’une interrogation sur les difficultés que je rencontrais en classe. Mon premier ressenti sur lequel ce mémoire s’est construit est l’impression de ne pas réussir à obtenir des élèves concentrés. C’est donc à partir du mot « concentration » que la réflexion s’est construite. Les premières recherches ont rapidement mené au constat suivant : le mot « concentration » est presque absent des ouvrages généraux de psychologie de l’éducation en tant qu’objet d’étude, très souvent absent aussi dans les ouvrages de pédagogie. En revanche, une notion est apparue de manière tout à fait récurrente et relativement bien étudiée, celle d’ « attention »7.

Quelle différence existe-t-il entre ces deux termes ?

Pour Christophe Boujon, auteur avec Christophe Quaireau d’un ouvrage central sur la question, Attention et réussite scolaire, le terme d’attention est en effet souvent confondu avec celui de concentration, et « on dira d’une personne qu’elle est attentive lorsqu’elle se concentre »8. Si l’on en croit le Larousse - qui définit la concentration comme l’action de faire porter toute son attention sur un même objet, et l’attention comme la capacité de concentrer volontairement son esprit sur un objet déterminé, ou cette concentration elle-même – alors attention et concentration seraient deux synonymes parfaits.

Mais alors pourquoi tous les ouvrages que l’on a pu trouver et consulter choisissent tous le terme d’attention ? Qu’en disent ces ouvrages spécialisés ? Il semblerait, et c’est ce que nous

7 Citons ici notamment les manuels Laure Léger, Manuel de psychologie cognitive, Paris, Dunod, 2016 ; Lieury, Alain, et coll., Manuel de psychologie de l’éducation et de la formation, op. cit.: il n’y est pas question de concentration mais l’attention y tient une place notable.

Pour les ouvrages qui traitent de la question de l’attention, d’un point de vue pédagogique, citons, entre autres, Alain, op. cit.,; L’attention des élèves, CRDP de l’académie d’Amiens, 1998 ; Attention aux consignes !, in

Cahiers pédagogiques, op. cit.; le film de Fabien Raymond et Perrine Robert, Être attentif en classe : attention… méthode !, Capcanal, 2008 ; citons aussi l’article de Philippe Meirieu, « À l’école, offrir du temps pour la

pensée », op. cit. ; D’un point de vue psychologique mais adapté aux sciences de l’éducation, citons deux ouvrages centraux, Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, Attention et réussite scolaire, op. cit., et Léger, Laure,

L’Attention, Paris, Dunod, 2016.

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allons tenter de montrer, que la concentration soit une des facettes d’une notion plus générale, plus complète et complexe dans ses enjeux et dans les savoirs et savoir-faire qu’elle requiert, celle « d’attention ». C’est pourquoi nous avons bien sûr choisi, après lecture de ces ouvrages, de nous intéresser à la question de l’attention des élèves, et pas à la question de leur concentration.

Dans un ouvrage de Laure Léger, professeur en psychologie, sur l’attention, elle affirme que « nous sommes en permanence en train d’exclure de notre conscience des éléments pour nous concentrer sur d’autres éléments qui contribuent à notre tâche du moment »9. Mais pour distinguer concentration et attention, elle donne un exemple très parlant : il faut s’imaginer pris dans une conversation, au milieu d’une réception. Les conversations des voisins ne sont pas entendues dans la mesure où l’on est, dit-elle, concentré sur la nôtre. Tout d’un coup, on entend son prénom à l’autre bout de la salle : votre système cognitif est quand même capable de traiter des informations non prévues. Ce phénomène démontre que « l’attention est plus qu’un état de concentration »10. Il y a donc, dans la notion d’attention, à la fois la capacité de sélectionner des informations pertinentes, puis de s’y focaliser, et enfin la capacité de rester réceptif aux informations diverses qui nous parviennent11. Les opérations attentionnelles évoquées par Mireille Houart et Marc Romainville, professeurs en sciences de l’éducation, sont même encore plus nombreuses : sélection de l’information, focalisation, mobilisation de ressources, concentration, effort, résistance à la distraction, contrôle de l’activité12.

Les ouvrages de psychologie appliquée aux sciences de l’éducation définissent l’attention comme « le contrôle, l’orientation et la sélection par l’individu d’une ou de plusieurs formes d’activités durant une période de temps qui ne peut être maintenue »13. Mais la variété des

réalités que la notion d’attention recoupe explique que ces mêmes ouvrages distinguent différents types d’attention14.

9 Léger Laure, L’attention, op. cit., p. 9. 10 Ibid., p. 18.

11 L’attention des élèves, CRDP de l’Académie d’Amiens, op. cit., p. 41 : citation de Gaonac’h Daniel, Golder Caroline, Manuel de psychologie de l’enseignement, Paris, Hachette Éducation, 1995.

12 Houart Mireille, Romainville, Marc, Être ou ne pas être dans la lune, telle est l’attention, in Le point sur la recherche en éducation (5), p. 43-59. Disponible sur internet : http://comportement.net/pedagogie/pdf/02.PDF

(dernière visite le 26 mars 2017).

13 Léger, Laure, Manuel de psychologie cognitive, op. cit., p. 110-111.

14 Nous renvoyons notre lecteur aux ouvrages suivants : Lieury, Alain, et. coll., Manuel de psychologie de l’éducation et de la formation, op. cit., dans lequel le chapitre sur l’attention est rédigé par Christophe Boujon.

Citons aussi celui de Laure Léger, Manuel de psychologie cognitive, op. cit. ; ou encore le Manuel de psychologie

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2. Délimitation des bornes de l’objet d’étude

Une présentation rapide de ces distinctions est nécessaire pour préciser l’objet d’étude de ce mémoire. Deux types d’attention n’ont pas retenu notre attention, et nous expliquerons pourquoi. Il s’agit de l’attention conjointe qui définit le fait, chez le bébé, de faire attention à ce que regarde sa mère. Ce type d’attention étant étudié chez le bébé, il paraît évidemment logique de l’exclure de notre étude ; Ensuite, la notion d’attention maintenue a elle aussi été laissée de côté : elle définit la capacité à rester concentré pendant une longue période de temps. En effet, une analyse plus précise des difficultés rencontrées en classe m’a conduite à restreindre mon objet d’étude à certains moments spécifiques de la journée de travail des élèves : ceux des entrées dans une activité, dans une séance, en particulier les difficultés rencontrées par les élèves pour être attentifs lors de la passation des consignes. Il s’agit de moments spécifiques, en général courts, il ne s’agit donc pas d’attention maintenue.

Quels types d’attention sont activés dans ces moments ? Si l’on suit les définitions données dans les manuels étudiés, on peut clairement parler de l’attention sélective, où il s’agit de sélectionner et d’activer une information que l’on pense pertinente, et d’ignorer ou d’inhiber celles qui ne le sont pas15 : il s’agit de reconnaître les informations importantes données par l’enseignant ou indiquées sur un document et de réussir à inhiber les distractions. Deux autres types d’attention entrent en compte : l’attention partagée et l’attention divisée. Pour distinguer ces deux notions qui peuvent paraître très proches, nous utiliserons les éléments donnés par Alain Lieury, professeur en psychologie : « l’emploi du terme d’attention divisée renvoie à l’idée qu’il est nécessaire d’utiliser plusieurs opérations intellectuelles, cognitives au même moment pour donner une réponse cohérente alors que l’utilisation du terme d‘attention partagée, exprime le fait que le temps requis pour effectuer le problème posé sera tantôt alloué à une opération, tantôt à une autre mais n’implique pas forcément que le déroulement se fasse simultanément »16.

À priori, il semble que l’attention des élèves pendant l’entrée dans une séance revienne à de l’attention divisée et non de l’attention partagée. En quoi l’entrée dans une activité nécessite-t-elle de la part des élèves de l’attention divisée ? Il faut pour cela définir un peu plus précisément ce que l’on entend par l’entrée en activité et la notion de consignes. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur une bibliographie assez récente mais plutôt étoffée car l’intérêt

15 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 214. 16 Ibid., p. 213.

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pour la notion s’est fortement développé ces dernières années17. Un auteur notamment a produit des ouvrages et des articles qui explicitent les enjeux de la question des consignes, Jean-Michel Zakhartchouk, qui précise lui-même que la question des consignes renvoie à la problématique de l’attention18. La consigne en elle-même peut être réduite à une réalité plutôt limitée sur laquelle les ouvrages généralistes tant que spécialisés s’accordent. Le Larousse évoque la notion d’ « instruction »19 ; le Dictionnaire des concepts-clés celle d’ « ordre »20 ; pour Jean-Michel Zakhartchouk, il s’agit de « toute injonction donnée à des élèves à l’école pour telle ou telle tâche »21. Ces ordres, ou injonctions, peuvent être donnés à l’oral ou à l’écrit, et nous verrons dans la suite de ce mémoire que cette question a une grande importance.

Mais la question de l’attention des élèves à la consigne dépasse cette notion, car l’entrée dans l’activité des élèves et leur orientation vers la consigne nécessitent, outre la compréhension des mots en eux-mêmes, de savoir faire le lien avec leurs connaissances pour véritablement comprendre ce à quoi doit les mener la consigne, c’est-à-dire la ou les tâches qu’ils doivent effectuer. C’est pourquoi ce mémoire traite de la mise en activités des élèves comme un moment perçu comme plus large, plus complet et plus long que le simple moment de la passation des consignes. En effet, être attentif en classe, c’est donc décider de diriger ses ressources vers un discours pédagogique, mais encore faut-il que celui-ci soit perçu comme tel par l’élève22. Tout cela me conduit à considérer le moment de l’entrée en activité comme un moment qui requiert à la fois des capacités d’attention sélective, mais aussi et surtout des capacités d’attention divisée.

Afin de finaliser cette présentation de l’objet d’étude, il nous faut évoquer la question de la motivation. J’ai pu moi-même bien sûr noter combien les élèves sont plus attentifs lorsqu’ils sont motivés par une activité ; il semble donc que motivation et attention se conjuguent parfois. Toutefois, j’ai choisi de ne pas intégrer cette question à cette étude, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les types de motivations sont extrêmement variés ; si c’est le cas aussi pour l’attention, on peut prévoir quel type d’attention est requis à un moment précis par les

17 D’après Jean-Michel Zakhartchouk, in Comprendre les énoncés et les consignes, CRDP de l’Académie d’Amiens, 1999, p. 9 : « Le petit dictionnaire portatif de pédagogie (1962) ne mentionne pas ce mot.

18 Zakhartchouk, Jean-Michel, Ibid., p. 10. 19 Dictionnaire numérique, Larousse :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/consigne/18392?q=consigne#18289 Dernière visite le 26 mars 2017.

20 Raynal, Françoise, Rieunier, Alain, Pédagogie : dictionnaire des concepts-clés, Paris, ESF, 1997, 405 pages. « Consigne : ordre donné pour faire effectuer un travail. Énoncé indiquant la tâche à accomplir ou le but à atteindre », p 155.

21 Zakhartchouk, Jean-Michel, Comprendre les énoncés et les consignes, op. cit., p. 10. 22 Houart, Mirelle, Romainville, Marc, op. cit. p. 2.

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élèves ; en revanche, pour un même travail, les élèves vont avoir des motivations différentes, qui peuvent s’avérer aussi nombreuses et diverses que nous avons d’élèves23. Il m’a donc

semblé être un objet d’étude bien moins facilement « contrôlable » que l’attention. De plus, si parfois en effet motivation et attention se recoupent, les deux notions entrent parfois en opposition : en effet, une grande motivation peut être source d’inattention, et l’ouvrage

L’attention des élèves réalisé par le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de

l’académie d’Amiens rappelle combien la motivation – qui peut se traduire par un état d’excitation nerveuse – peut nuire à l’attention24. C’est même précisément souvent le cas, d’après mes observations : lorsque les élèves sont très motivés par une activité, ils auront tendance souvent à ne pas écouter les consignes, et à se lancer tout de suite dans l’activité ou la manipulation de l’objet qui les intéresse. Enfin, puisqu’on ne peut assurer que tout le monde soit motivé par la même chose au même moment, il me semble que l’un des objectifs d’un professeur des écoles doit être d’apprendre à ses élèves à accepter et savoir être attentifs même dans les moments où ils ne sont pas motivés. Et comme le rappelle l’ouvrage que nous venons de citer, il peut arriver, fort heureusement, que des élèves peu intéressés par un sujet, parviennent malgré tout à être attentifs25.

3. Difficulté de l’évaluation diagnostique

Pour dépasser les ressentis et les impressions d’inattention des élèves, et construire un travail qui ne serait pas uniquement basé sur des lectures théoriques mais aussi sur la réalité de la classe, il fallait donc construire une évaluation diagnostique précise sur les points maintenant précisés et clarifiés grâce à ces éléments de définition que nous venons de présenter. Comment mener une évaluation diagnostique sur la question de l’attention des élèves lors de l’entrée en activité ?

Comment cela a-t-il été fait dans les ouvrages que j’ai consultés ? Dans L’attention des

élèves, mais aussi un article sur la question, déjà cité, écrit par Mireille Houart et Marc

23 Nous renvoyons notre lecteur à l’ouvrage de Lieury, Alain, Motivation et réussite scolaire, Paris, Dunod, 1996, notamment au chapitre 7 qui distingue les différents types de motivation.

24 L’Attention des élèves, op. cit., p. 17. Les exemples suivants sont donnés : « tel enseignant, très motivé à remplir sa fiche de mutation, n’avait pas été attentif aux consignes, alors qu’il n’ignorait pas que la moindre erreur pouvait être fatale. (…) Tel élève, passionné par le sujet sur la condition des Indiens en Amérique du Sud, n’a pas vu que le texte espagnol proposé n’effleurait que de loin le sujet et il a, de ce fait, répondu complètement à côté des questions ».

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Romainville, Être ou ne pas être dans la lune, il est recommandé de faire une évaluation diagnostique d’ordre qualitative, c’est-à-dire de repérer les représentations mentales initiales des élèves sur ce qu’est l’attention, ce que cela signifie concrètement pour eux en termes d’attitude, de savoir, de mise en place en classe. Cela m’a paru être une démarche tout à fait intéressante, que j’ai donc instaurée. Nous verrons que l’analyse de ces représentations initiales a été un point fondamental dans ma réflexion pour construire ce qui a ensuite été mis en place en classe26.

Au-delà de ce relevé de représentation des élèves, la question de l’évaluation diagnostique s’est avérée assez compliquée. En effet, les tests généralement effectués en psychologie sont les suivants : en ce qui concerne l’attention sélective, on demande aux personnes observées de reconnaître parmi plusieurs éléments un élément précis – on appelle cela le paradigme de Scoop. Par exemple, on demande de reconnaître un élément dessiné à cent endroits différents parmi cinq-cents petites figures dessinées sur une feuille27. Quant à l’attention divisée, Boujon donne par exemple à des élèves quinze images à mémoriser puis à reconnaître tout en résolvant des additions simples lues28.

Mais ces tests pratiqués dans les manuels de psychologie ne m’ont guère parus adaptés à ma situation, dans la mesure où, comme le dit lui-même Christophe Boujon, les épreuves d’attention utilisées sont « très éloignées de la situation scolaire »29. Demander à des élèves de passer des épreuves individuellement en présence d’une personne extérieure ou sur des exercices qui ne sont pas ceux auxquels ils sont habitués « mobilise artificiellement leur attention. Qu’en est-il d’exercices scolaires permettant d’évaluer l’attention ? », demande-t-il30. En effet, Guillaume Moyon, enseignant du premier degré qui a effectué un mémoire professionnel dans le cadre de l’obtention du CAPA-SH option E sur cette question de l’attention des élèves, a pu arriver aux conclusions que les évaluations diagnostiques de ce type n’ont pas été significatives pour lui : les élèves n’ont pas montré de difficultés particulières sur les tests pratiqués, qui étaient éloignés de la réalité scolaire. Pourtant, la difficulté, en situation, était bien là31.

26 Voir en annexe 3 le récapitulatif de cette prise des représentations initiales des élèves. 27 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 222

28 Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, op. cit., p. 116. 29 Ibid., p. 119.

30 Ibid.

31 Moyon, Guillaume, Accroche-décroche : attention et apprentissage au cycle 2, mémoire pour l’obtention du CAPASH option E, Académie de Lille, 2008, p. 11. Guillaume Moyon a fait passer l’épreuve d’attention sélective suivante : dénombrer ligne par ligne des grands cercles parmi des petits cercles, test portant sur 166 cercles.

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Christophe Boujon a effectué une évaluation diagnostique portant sur une situation plus scolaire : il a proposé à des élèves une épreuve d’évaluation de l’attention sélective et de l’inhibition au sein d’exercices de mathématiques, avec 3 niveaux de difficultés : un niveau contrôle, un niveau 1 où il y a des informations non pertinentes, et un niveau 2 dans lequel les éléments des deux problèmes proposés interfèrent entre eux. Si cela semble une piste intéressante, je n’ai pas non plus opté pour de telles situations, car je ne me sentais pas encore apte à assurer des situations qui me permettraient assurément de travailler sur l’attention et pas sur la compréhension. En effet, comme le disent Mireille Houart et Marc Romainville, « lorsque Vincent se montre incapable de répondre à la question du professeur, n’a-t-il pas fait attention ou n’a-t-il pas compris le message pourtant capté ? »32. En cycle 2, en effet, il me paraît très difficile de pouvoir distinguer, dans le cadre d’une évaluation diagnostique, ce qui relève des difficultés de compréhension de ce qui relève des difficultés d’attention.

Est aussi parfois dénombré le nombre de comportements d’hyperactivité et de déficits d’attention. En effet, une étude de Kupietz et Richardson effectuée en 1978 pendant laquelle les élèves doivent indiquer l’apparition des lettres A et X sur un écran montre que les élèves oubliant le plus souvent de noter l’apparition des lettres AX ou indiquant l’apparition des lettres AX alors qu’elles étaient absentes sont justement les élèves qui montrent le plus de comportements d’inattention en classe33. Mais, sur ce point, l’étude de Mirelle Houart et Marc Romainville m’a fait écarter cette question de la comptabilisation quantitative des signes d’inattention : selon eux, l’attention est trop difficile à appréhender par l’observation directe. Pour appuyer leurs propos, ils décrivent les cas suivants, que j’ai pu confirmer dans ma classe : « quand Stéphane fixe le professeur droit dans les yeux, la bouche bée, fait-il réellement attention à son message ou adopte-t-il simplement une attitude d’attention qui le dispense de rappels à l’ordre et lui laisse ainsi toute liberté de rêver ? Sophie est installée dans une position semi-couchée sur sa chaise et regarde le plafond. Peut-on pour autant affirmer qu’elle n’écoute pas ou est-ce sa manière à elle de traiter l’information ? »34.

Cette difficulté à poser un diagnostic précis m’a donc incitée à la plus grande prudence et à la modestie dans cette évaluation diagnostique. D’autant plus que, si l’on en croit les ouvrages de Lieury et Boujon, les élèves de cycle 2 sont intellectuellement et cognitivement

32 Houart, Mireille, Romainville, Marc, op. cit. 33 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 221. 34 Houart, Mireille, Romainville, Marc, op. cit.

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encore peu capables, par eux-mêmes, d’une attention divisée35. À quoi bon une évaluation diagnostique, pourrait-on même se demander ? Pour caricaturer, cela reviendrait à faire une évaluation de la capacité des élèves de petite section à lire ? Je fais en quelque sorte le pari que les élèves ne savent pas mettre en place une attention divisée, ce que requièrent l’écoute et l’entrée dans l’activité, comme nous l’avons montré, et qu’une évaluation diagnostique scientifique s’avère inutile – ce qu’a confirmé le relevé des représentations mentales initiales des élèves, comme nous le montrerons. Toutefois, j’ai tout de même souhaité compléter l’évaluation diagnostique des représentations des élèves par une analyse qualitative des moments de passation de consignes pendant quelques jours, à la rentrée des vacances de février. J’avais prévu les points d’analyse suivants : temps passé à donner chaque consigne, nombre de reprises nécessaires avant lancement de l’activité, nombre de remarques démontrant clairement une inattention (il a fallu distinguer de manière un peu subjective des remarques qui me semblaient pouvoir refléter un problème de compréhension, que je n’ai donc pas prises en compte, et les remarques clairement conséquences d’une inattention)36. Sans renier la fragilité scientifique de cette démarche, je m’appuierai dessus toutefois en analysant en réalité l’échec de cette méthode. Nous verrons dans la prochaine partie combien l’impossibilité de prendre des notes sur les consignes que je donnais au fur et à mesure de la journée s’est avérée instructive, pas tant sur les capacités des élèves, mais pour l’interrogation de mes propres gestes professionnels.

4. Bilan provisoire

Ces lectures théoriques m’ont donc conduite à définir l’objet d’étude de manière précise : seront mises en place en classe des actions permettant de travailler sur les difficultés des élèves en termes d’attention divisée et sélective, lors des entrées en activité, un moment organisé autour de la passation des consignes.

35 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 218-221. D’après ses observations, les élèves de 10-11 ans ont moins de difficultés avec l’attention divisée que les enfants plus jeunes, de 8 ans ; selon lui, l’attention divisée (mais aussi sélective pour des raisons de maturation de la capacité à l’analyse visuelle) semble se modifier durant la période de la scolarisation en école primaire, soit pour des raisons d’intégration vers une automatisation des mécanismes psychologiques nécessaires au travail scolaire, soit par l’utilisation de plus en plus efficace de stratégies selon le degré de maturation de l’âge considéré ».

36 Voir l’annexe 1 qui présente le document vierge prévu pour l’analyse des consignes données et un document rempli à chaud.

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Quelles actions ont été mises en place ? La deuxième partie de ce travail présentera la difficulté pour les élèves de cycle 2 à produire une attention divisée, qui s’explique par le niveau de maturation de leurs capacités cognitives; cela conduit à revoir les pratiques d’enseignement pour proposer un étayage précis. Puis, dans une troisième partie seront présentées les actions qui ont été conduites pour faire évoluer les élèves dans leur rapport aux consignes. L’objectif étant aussi de développer leurs connaissances et capacités en termes d’attention, en se basant sur le propos du livre de Christophe Boujon : montrer qu’un entraînement à l’attention est possible, et qu’il permet une augmentation des performances37.

Afin de conclure cette présentation théorique et d’introduire la suite du mémoire, soulevons un point essentiel. Alain Lieury cite une étude montrant qu’on a pu entraîner des élèves à éviter les gestes d’inattention en allumant une lampe sur leur table à chaque fois qu’ils montraient un signe d’inattention38. Ce propos représente exactement l’antithèse de la manière avec laquelle nous avons souhaité travailler. Opposons-lui donc celui de Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation, qui résume tout à fait notre approche :

« Un scientifique, bardé de diplômes et de validations en tout genre,

pourrait m’expliquer que, pour que les élèves apprennent vite et bien, l’implantation d’électrodes sur leur cerveau et la mise en place d’un système de surveillance directe de leurs activités mentales par des caméras à positions sont des moyens particulièrement efficaces… Le pédagogue que je tente d’être ne céderait pas pour autant. Il continuerait à affirmer que, pour lui, un apprentissage n’est formateur que s’il allie, dans le même temps, acquisition de connaissances et projet d’émancipation »39.

37 Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, op. cit., voir notamment p. 51. 38 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 221.

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DEUXIÈME PARTIE. FAIRE ÉVOLUER SES

PRATIQUES PROFESSIONNELLES

1. Mode oral, mode écrit, mode audiovisuel

L’analyse des moments de consignes faite pendant les premiers jours après les vacances de février m’a conduite à faire évoluer de manière sensible mes manières de travailler. En moyenne, je comptabilise trois reprises par consignes, ce qui peut paraître acceptable, mais en réalité, cela donne l’impression d’être véritablement envahie, et d’y perdre beaucoup d’énergie, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la question des consignes est un sujet fondamental pour le professeur des écoles parce que toutes les activités en découlent. De plus – et cette évaluation diagnostique m’en a fait prendre conscience – la grande majorité des consignes données aux élèves sont des consignes orales, mais surtout elles sont quasi incessantes.

En effet, j’ai rapidement réalisé qu’il était impossible de noter, dans le cours de la journée, à chaud, les points que je souhaitais analyser (qui sont, pour rappel, le temps passé à donner chaque consigne, le nombre de reprises nécessaires avant lancement de l’activité, et le nombre de remarques démontrant clairement une inattention). Je n’ai réussi qu’à noter quelques points rapidement, qui sont, avec le recul, très difficiles à analyser40. Cela prenait trop de temps de prendre des notes sur ces éléments et je n’étais alors pas disponible pour les élèves, pour réexpliquer ce qui n’était pas compris, pour aider les élèves en difficulté : pour faire classe, donc.

J’ai donc pris la décision d’enregistrer les moments de consignes pour les analyser ensuite. Mais je n’ai effectué cette méthode qu’une journée car j’ai réalisé, en essayant d’enregistrer, que les consignes données sont extrêmement nombreuses tout au long de la journée, et qu’en plus elles sont données de manière quasi incessante, si bien que je n’arrivais pas à arrêter l’enregistrement. En effet, pour beaucoup de consignes données, elles s’étalaient trop dans le temps. Je me suis rendue compte que je distillais les informations au fur et à mesure, souvent même alors que les élèves étaient déjà lancés dans l’activité, je rajoutais des informations à la cantonade. Je me suis aperçue, grâce à cette évaluation diagnostique, que le moment d’entrée dans l’activité autour de la consigne n’était pas du tout assez balisé, donc

40 Voir en annexe 1 un exemple de trace d’analyse à chaud, et en annexe 2 le maigre bilan de ce recueil de données.

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difficile à reconnaître pour les élèves. Cela explique donc en partie des situations rencontrées régulièrement en classe, pendant lesquelles je demande aux élèves des choses concrètes sur lesquels le doute entre compréhension et inattention n’est pas permis – sortir un cahier, souligner quelque chose – et de voir que seuls deux ou trois élèves le font, donc écoutent ! Comment attendre d’eux alors qu’ils discernent ce moment et prennent en compte les informations données si elles sont noyées dans un flot continu de paroles de l’enseignant ?

Or, d’après Jean-Michel Zakhartchoukh, ce sont les énoncés oraux qui posent le plus de problème d’attention, d’autant plus qu’ils sont « tellement nombreux »41. Non seulement il est épuisant pour l’enseignant de répéter quatre fois chaque consigne, mais on prend surtout conscience de la difficulté rencontrée par les élèves : comment être attentif toute la journée ? Cela s’apparenterait presque à acquérir des compétences en terme d’attention maintenue, et non plus d’attention sélective, partagée ou non.

De plus, dans la manière de transmettre les informations, je n’observais pas une manière de faire constante qui permettrait aux élèves de se repérer dans ce moment de la journée. En effet, il y avait dans la plupart des consignes données une confusion nette entre ce qui relève des conditions matérielles - sur quel cahier, avec quel stylo – et les éléments essentiels pour le travail qui relèvent des enjeux en termes de savoir et de savoir-faire dans la séance.

Au-delà de ces problèmes de mauvaise gestion et de calibrage des propos oraux donnés par l’enseignant, l’usage de l’oral pose des problèmes d’ordre plus général. Il perpétue en effet chez les élèves un rapport à la consigne qui est empreint de passivité ; les élèves ont pris l’habitude – induite par nos pratiques professionnelles – très tôt dans leur scolarité, de se mettre dans un état de dépendance totale vis-à-vis de leurs enseignants, dont ils attendent bien souvent une répétition individuelle des consignes données de manière orale et collective. J’ai été frappée de voir combien de fois des élèves pouvaient me dire qu’ils n’avaient pas compris la consigne, et dès qu’elle leur était redonnée, parfois mot pour mot à l’identique, mais de manière individuelle, ils se mettaient au travail. C’est exactement ce genre de situations qui m’ont confortée dans le choix de travail de ce mémoire, car il me semble fondamental de changer ce rapport au travail scolaire des élèves qui finalement, ne le vivent pas de manière autonome, mais de manière complètement dépendante à leur enseignant.

Dans les réponses aux questionnaires donnés aux élèves pour relever leurs représentations initiales sur l’attention, à la question « qu’est-ce qu’être attentif ? », presque vingt réponses

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évoquent le fait d’écouter, (écouter tout court ou bien écouter leur maîtresse), comme si tout se résumait à écouter passivement un propos qui leur serait apporté, et répété à l’infini, par l’enseignant. D’ailleurs, à la question « comment t’y prends-tu quand tu veux être attentif ? », c’est à nouveau le même type de réponses qui est donné : la grande majorité des élèves évoquent soit le fait d’écouter la maîtresse, soit des attitudes qui s’apparentent à ne rien faire. Il est intéressant de relier ce type de raisonnement des élèves avec les réponses données dans ce même relevé des représentations initiales à la question « Que peut faire la maîtresse pour t’aider à être attentif ? ». Seuls trois élèves évoquent un rôle actif de la maîtresse par rapport aux apprentissages dans l’aide à l’attention : un élève veut que la maîtresse lui réexplique, une autre veut que la maîtresse l’aide à faire ses exercices, quant au troisième, il demande à ce que les cahiers de leçons de français ou de mathématiques soient utilisés pendant les exercices. Toutes les autres réponses obtenues évoquent le fait de punir, de gronder, de dire chut, de demander le silence.

Pour répondre à cette difficulté des élèves à la fois à discriminer dans la réception des propos oraux de l’enseignant ceux qui relèvent de moments structuraux pendant lesquels il faut être particulièrement attentif, et pour proposer une alternative à cette relation qui mélange passivité et dépendance envers l’enseignant, j’ai donc opté pour un changement radical de méthode. Et cela en lien avec la nécessité, affirmée par Philippe Meirieu, de mettre en place une ritualisation des activités pédagogiques, nécessité pour permettre aux élèves de donner du sens aux activités effectuées en classe42.

J’ai été confortée dans ce choix par les propos d’Alain Lieury notamment dans son ouvrage Mémoire et réussite scolaire43. Il y affirme qu’afin de bien retenir une information, il

faut nécessairement passer par un mode audiovisuel, en l’occurrence la lecture. Je me suis donc astreinte à ne jamais effectuer le moment d’entrée dans une séance sans un support écrit proposé aux élèves.

Cela a permis de répondre à une autre observation que j’ai déjà indiquée : le manque de balisage du moment d’entrée dans l’activité, dans une nouvelle séance, moment dont la passation de la consigne fait partie. Il fallait jalonner ce moment en proposant une entrée toujours identique dans une activité, pour que les élèves apprennent à reconnaître ce moment comme l’un de ceux pendant lesquels il fallait être particulièrement attentif. Rémi Castérès, dans le film Attention : méthode ! propose de mettre en place des signaux pour distinguer les

42 Meirieu, Philippe, Pédagogie : le devoir de résister, op. cit., p. 57. 43 Lieury, Alain, Mémoire et réussite scolaire, Paris, Dunod, 1991, p. 11.

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moments de la journée, et aider les élèves à discriminer les moments où il est nécessaire d’écouter – lorsqu’il s’agit de donner des consignes qui concernent le pourquoi on travaille, sur quoi – en opposition, comme nous l’avons dit, avec les moments où les informations données sont moins primordiales (les informations qui concernent le matériel notamment). L’objectif de cette ritualisation est de réinitialiser l’attention pour éviter que les élèves soient en situation d’attention maintenue. Christophe Boujon, sur ce point, affirme dans son livre que les signaux doivent être visuels et sonores, car utiliser les différents canaux de perception chez les élèves avantage la prise d’informations44. Les signaux que j’ai mis en place, nous le verrons, sont toujours les mêmes pour l’entrée dans l’activité : une ritualisation de la question (orale) lors de la distribution d’un document (écrit) de travail. Précisons donc que nous n’avons pas opté pour des méthodes de réinitialisation de l’attention de type méditation, sonnettes, etc. Je n’ai pas voulu m’intéresser à ce type de méthode dans le cadre de ce mémoire, car je pense que la proposition à tester devait être d’ordre pédagogique, voire didactique. Il sera toujours temps d’ajouter ce type de propositions dans les années à venir, mais elles ne doivent être qu’un accompagnement à des propositions d’ordre pédagogique, qui visent à ritualiser l’attitude à avoir lors d’une entrée dans une activité en début de séance. Nous reviendrons, dans une partie suivante, sur d’autres enjeux d’une telle mise au travail des élèves lors de la passation des consignes en termes de mise en activité. Présentons tout d’abord plus en détails les caractéristiques des supports écrits proposés aux élèves.

2. Focalisation de l’attention

Selon Christophe Boujon, les difficultés d’attention chez certains enfants s’expliquent par un manque de focalisation et d’orientation de leur attention45. Pour cela, plusieurs choses relativement concrètes sont à mettre en place. Tout d’abord, et Christophe Boujon le précise dans ses travaux, il faut absolument éviter les distracteurs sur les documents de travail. Il a donc fallu, même lorsque nous utilisions des exercices repris de manuels, refaire toute la mise en page pour proposer des feuilles d’exercice « immaculées », sans les petits personnages bien souvent présents de manière récurrente dans les manuels.

44 Fabien Raymond, Perrine Robert, Être attentif en classe : attention… méthode, Lyon, Capcanal, 2008, 44mns12s ; film suivi d’un entretien avec Rémi Castérès et Christophe Boujon. Propos tenus à 31m30s-33mns11s.

Boujon, C., Quaireau, C., op. cit., p. 58.

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Un autre objectif des documents écrits proposés était aussi de faire ressortir la consigne. Il s’agit ici de permettre aux élèves d’identifier les éléments à observer, à retenir. En effet, Christophe Boujon cite une étude de Daniel Gaonac’h et Jean-Michel Passerault très intéressante, qui étudie le temps de lecture selon l’importance du sens des phrases d’un texte : « lors de la lecture », nous disent-ils, « nos yeux vont se fixer plus longtemps sur les parties importantes du texte afin de mieux le comprendre et d’en mémoriser le sens »46. Dans une autre étude de Gaonac’h, cette fois effectuée en collaboration avec Michel Fayol et Jean-Émile Gombert, ceux-ci en concluent qu’il faut attirer l’attention des lecteurs en rendant saillantes certaines informations47. Cela rejoint par ailleurs l’analyse d’Alain Lieury qui indique combien

les jeunes enfants n’ont pas de stratégie d’exploration oculaire, et qu’il faut les guider : la mémoire des plus jeunes est surtout défaillante selon lui, par le manque d’analyse perceptive de l’image48.

Ces éléments théoriques ont été perçus dans la réalité du travail en classe : le premier temps du travail va donc être consacré au repérage de la consigne sur la feuille, ce qui, à mon grand étonnement, n’est pas encore acquis pour une grande partie de la classe. L’entrée dans l’activité est donc forcément fastidieuse, car les élèves n’ont pas le réflexe de chercher sur la feuille les informations nécessaires pour s’interroger seuls sur ce qu’ils vont devoir faire. Ils sont en cela simplement en train de subir des années déjà de passation de consignes orales et de passivité. Nous avons donc tout d’abord proposé des documents sur lesquels le mot consigne était écrit en majuscule, et de taille plus grande que le reste de l’écrit.

Nous nous appuyons aussi, pour construire des documents écrits qui favorisent l’attention des élèves, sur des propos du philosophe Alain selon qui l’attention passe par la possibilité d’anticiper, cette anticipation étant rendue possible par la possibilité de vérification. Alain affirme en effet que pour atteindre l’attention intellectuelle, le jugement doit dominer le raisonnement. Ainsi, selon lui, tout calcul, toute mesure, toute opération d’entendement doit être précédé d’une anticipation du jugement fixant les limites du résultat. La vérification éveille un intérêt purement intellectuel et très vif, nous dit-il49. Christophe Boujon va dans le même sens lorsqu’il affirme qu’au cours d’un apprentissage, lorsque l’on fournit à une personne une information en retour sur la performance réalisée, pour un essai donné, l’apprentissage est plus

46 Ibid., p. 28

47 L’Attention des élèves, op. cit., p. 41

48 Lieury, Alain, Mémoire et réussite scolaire, op. cit., p. 58 et p. 65.

49 Alain, Esquisses d’Alain, Pédagogie enfantine, cours dispensé au Collège Sévigny, 1924-1925, Paris, PUF, 1963. 11ème leçon, p. 41.

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rapide50. Pour cela, nous avons proposé des aménagements assez simples à mettre en place, mais qui ont été rendus systématiques, dès que cela était possible. Il s’agissait de rendre explicites dans la consigne des éléments de la réponse, pour que l’élève puisse se projeter plus facilement dans ce qu’il doit trouver. Ainsi, par exemple, sur un exercice de mathématiques constitué de plusieurs étapes, l’étape finale est donnée, ce qui permet aux élèves de revenir en arrière pour se corriger. Dans cette même optique, nous prévoyons, sur les conseils de notre maître formateur, l’intégration d’un exemple dans chaque exercice. Celui-ci doit être réellement intégré à l’exercice, et pas dans un espace différent ou traité d’une autre manière que le reste de l’exercice : nous fournissons aux élèves la réponse à la première question, et il s’agit ici d’accompagner les élèves dans le « comment faire »51.

3. Étayage nécessaire face à une tâche complexe

Alain Lieury cite dans son Manuel de psychologie de l’éducation et de la formation les résultats d’une étude réalisée par Pearson et Lane qui montrent que les capacités d’attention sélective en modalité visuelle chez les élèves de huit ans sont très faibles, alors qu’elles sont déjà plus importantes chez des élèves de dix ou onze ans52. En d’autres termes, les élèves de huit ans ont du mal à explorer efficacement et rapidement un environnement visuel. En ce qui concerne les capacités d’attention divisée, Alain Lieury fait le même constat : elles semblent poser moins de difficultés aux élèves de dix ou onze ans qu’aux élèves plus jeunes, de huit ans53.

Cela va dans le sens des études qui montrent qu’au cours du développement, les enfants utilisent un nombre de stratégies plus important pour organiser, mémoriser et retrouver ce qu’ils ont à apprendre en classe54. En d’autres termes, les élèves de dix ou onze ans ont réussi au fur et à mesure des années à automatiser certaines procédures et à acquérir des stratégies de plus en plus diverses et efficaces, qui, à huit ans, pour des questions de maturation du système nerveux central, ne sont pas acquises, encore moins automatisées55. Cela nous conduit à penser

50 Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, op. cit., p. 93.

51 Voir en annexe 4 quelques exemples de ce qui a été mis en place en terme de présentation des consignes écrites de travail.

52 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 217. 53 Ibid., p. 218.

54 Lieury, Alain, Mémoire et réussite scolaire, Paris, Dunod, 1991. 55 Lieury, Alain, Manuel, op. cit., p. 221.

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que le professeur des écoles doit étayer cet apprentissage pour des élèves de cycle 2. Quel étayage proposer ?

Nous avons vu dans la première partie du mémoire que l’entrée dans l’activité est une tâche très complexe : il faut faire le lien entre la consigne et pourquoi elle est donnée ; il faut aussi faire le lien avec ses propres connaissances. Quand la tâche est complexe, nous dit Christophe Boujon, elle demande plus d’attention56. Or un obstacle majeur à l’attention est la surcharge cognitive57. Lors du relevé des représentations initiales des élèves, à la question « à quoi être attentif ? », on note sept « je ne sais pas », plus que pour les autres questions. Notons toutefois un point positif qui émane de la question « pourquoi faut-il être attentif ? », l’immense majorité des réponses d’élèves donnent un lien explicite avec le travail scolaire – dont deux qui évoquent d’ailleurs le fait de comprendre les consignes. Une seule élève a été capable de faire le lien entre outils de travail et attention en répondant à la question « qu’est-ce qui peut t’aider à être attentif ? », que les cahiers de leçons peuvent l’aider. On voit combien les questions du « comment » et du « pourquoi » prendre en compte les consignes sont des points à travailler explicitement avec les élèves, en les guidant dans ces tâches.

Pour éviter les problèmes de surcharge cognitive pour les élèves de huit ans, il y a un étayage clair à mettre en place, qui concerne l’explicitation des enjeux de la consigne. L’objectif, à long terme, sera de créer des automatismes qui libèreront le cerveau pour effectuer ces tâches. On se pose ici aussi dans la droite ligne de Vygotsky, en proposant donc comme le résume fort bien Meirieu « un enseignement qui précède et rend possible le développement58.

Mais nous ajoutons à cela des éléments de réflexion découverts dans le cadre de la formation initiale suivie à l’ESPE qui a été l’occasion de découvrir les recherches menées notamment par Bernard Charlot et son équipe Escol à l’université Paris 8. Ces recherches ont conduit des chercheurs comme Sylvie Cèbe ou Jean-Yves Rochex à travailler aujourd’hui sur la question de l’explicitation des enseignements. Il s’agit ici aussi d’expliciter à la fois le pourquoi et le comment59. C’est ce que nous avons essayé de mettre en place, en prenant comme angle d’approche le fait que l’explicitation permet aux élèves d’orienter leur attention. C’est l’occasion de noter que l’on retrouve tous les points qui permettent de favoriser l’attention des

56 Boujon, Christophe, Quaireau, Christophe, op. cit., p. 47.

57 Zakhartchouk, Jean-Michel, Apprendre à apprendre, Canopé éditions, 2015, p. 40. 58 Meirieu, Philippe, « À l’école, offrir du temps pour la pensée », op. cit., p. 9.

59 Le centre Savary, centre national de formation appartenant à l’Institut français d’éducation, propose des documents, articles et vidéos éclairants sur la question de l’enseignement explicite. On peut notamment renvoyer le lecteur à la page suivante :http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/ressources/theme-1- perspectives-pedagogiques-et-educatives/realiser-un-enseignement-plus-explicite/enseigner-plus-explicitement-un-dossier-ressource. Dernière visite le 26 mars 2017.

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élèves dans d’autres objets d’étude, dont la question de l’amélioration des consignes. En effet, l’explicitation de tous ces éléments est donnée comme élément récurrent d’amélioration des consignes par de nombreux auteurs, notamment dans un des Cahiers pédagogiques, qui porte pour titre, à dessein, Attention aux consignes60. On voit encore ici combien consignes et attention sont deux éléments fondamentalement liés.

Il faut donc expliciter tous les éléments signifiants et à prendre en compte dans la consigne pour la comprendre : les liens avec le savoir travaillé tout d’abord, les liens avec les séances précédentes ensuite, ainsi que les objectifs de travail de la séance. Il s’agit de replacer la consigne dans un ensemble plus vaste61, que l’enseignant a en tête car il l’a construite, mais

que l’élève ne connaît pas si on ne la lui présente pas : la séquence. Pour Jean-Michel Zakhartchouk, il s’agit donc de relier la consigne à son avant, mais aussi à son après62. Le dossier du CRDP de l’académie d’Amiens que nous avons déjà cité, L’Attention des élèves, affirme dans ce sens que « l’attention consiste donc à établir des ponts (entre ce qu’ils ont fait et appris avant et aujourd’hui) »63. Pour cela, il conseille par exemple de relire la leçon précédente à chaque début de séance64.

Comment ai-je travaillé dans cette direction et qu’ai-je mis en place ? J’ai dans un premier temps mis en place un moment d’explicitation des enjeux, à chaque début de séance. Il s’agissait d’annoncer oralement aux élèves les éléments que nous avons cités : l’objectif de la séance par rapport au savoir, les éléments de savoir qui sont travaillés. Mais je suis retombée très vite sur les obstacles liés aux difficultés des élèves à être attentifs aux propos oraux de leur enseignant. Je me suis donc appuyée sur des schémas, confectionnés par mes soins, et affichés au tableau ; ils constituaient un support audiovisuel qui permettait d’éviter le recours unique à l’oral. Ils offraient en plus l’avantage d’être des éléments visuels explicitant clairement les liens, avec un système de flèches ou d’organisation chronologique des éléments les uns vis-à-vis des autres, et de proposer une vue d’ensemble rapide sur la séquence65. Ils avaient aussi pour objectif de permettre aux élèves de se créer des images mentales de l’activité en cours,

60 Gregori, Isabelle, « Pour améliorer une consigne », in Attention aux consignes !, Cahiers pédagogiques, op. cit., p. 30.

61 Zakhartchouk, Jean-Michel, Attention aux consignes !, op. cit., p. 10. 62 Ibid., p. 10.

63 L’Attention des élèves, op. cit., p. 87. 64 Ibid., p. 56.

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pour pouvoir anticiper sur leurs tâches à venir. Comme le dit Jean-Michel Zakhartchouk, « il faut se fabriquer des images mentales qui permettent un ancrage dans la mémoire de travail »66.

4. Proposition d’un dispositif collectif

L’instauration de cette ritualisation de l’entrée dans l’activité a été accompagnée par celle d’un autre rituel, celui de la pause pédagogique. Il a pour but d’instaurer chez les élèves un autre rapport à la consigne. La pause a pour objectif d’inciter les élèves à se constituer des images mentales. Les élèves apprennent à ne pas répondre tout de suite à la question, à savoir se répéter d’abord dans leur tête la consigne. Il s’agit ici encore une fois de les aider à se construire des images mentales. Il ne s’agit pas de récréation mais d’apprentissage. La pause pédagogique est un moment essentiel d’appropriation personnelle. « L’enseignant s’arrête de parler, de questionner, et invite à un bref moment de silence pendant lequel l’élève se crée des images mentales de ce qu’on vient d’aborder ou de faire »67.

Cette pause s’accompagne aussi d’un système permettant aux élèves d’apprendre à être attentifs les uns envers les autres68. Nous avons ici appliqué la méthode proposée par Olivier Maulini dans son article : « Vous n’avez pas compris ? Alors posez-moi une question !69 ». Les règles sont très simples : les élèves n’ont pas le droit de poser de questions les deux premières minutes – le temps de se redire dans sa tête la consigne, de se l’approprier – puis les questions sont autorisées, mais le professeur ne répondra à aucune question à laquelle il a déjà répondu. Seuls les élèves entre eux pourront se reformuler et se réexpliquer les choses. Pour Olivier Maulini, il s’agit d’éviter deux écueils : celui qui consisterait à tout reprendre soi-même (ce qui installerait la classe dans une posture attentiste, où le sens des messages ne dépendrait que de l’enseignant), et celui qui renverrait les élèves perplexes tout au début de l’explication. Il a le mérite de proposer aux élèves une alternative à la relation duelle professeur-élève, et de construire une émulation de groupe, d’accepter de se voir comme sujet et de voir ses camarades comme sujets de construction du savoir eux aussi. Comme le dit Olivier Maulini, le message donné aux élèves, et c’est en cela qu’il est intéressant, c’est qu’ils doivent apprendre à chercher pour s’en sortir, mais qu’ils ne sont pas seuls puisqu’on est là pour travailler avec eux et répondre à leurs questions.

66 Zakhartchouk, Jean-Michel, Apprendre à apprendre, op. cit., p. 39. 67 L’Attention des élèves, op. cit., p. 57

68 Ibid., p. 58.

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Cela me permet de faire le lien avec la troisième partie de ce mémoire : ce dispositif me semble parfaitement adapté à la réflexion que je mène puisqu’il s’agit, ici, de mettre les élèves en activité intellectuelle, et d’éviter la passivité face à l’enseignant. Les modifications que ce mémoire m’ont conduite à effectuer et que je viens de présenter concernaient principalement les pratiques de l’enseignant : éviter les consignes orales, proposer des documents écrits conçus pour orienter l’attention des élèves sur la tâche à effectuer, et ritualisation de la passation de consignes pour en faire un moment discernable et construit. Ces éléments ont été extrêmement bénéfiques pour l’entrée des élèves en activité qui est devenue un moment repérable au sein des heures de cours, il a pu être fait avec plus de calme, de ma part comme de la part des élèves. Toutefois, tout ce qui a été proposé pour le moment ne permet pas de mettre en activité des élèves qui n’écoutent pas, et ne posent pas de questions ! Il ne fonctionne que pour des élèves qui ont déjà entamé le processus de se mettre au travail, c’est pourquoi il intervient comme un cadre dans lequel vont s’insérer des dispositifs visant à faire évoluer les élèves, que nous allons présenter maintenant.

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TROISIÈME PARTIE. FAIRE ÉVOLUER LES

ÉLÈVES

1. Faire évoluer leurs représentations : enjeux de l’écoute et

de l’attention aux messages oraux

1.1. Appréhender les enjeux de l’attention dans des séances

décrochées

Le relevé des représentations initiales des élèves sur la notion d’attention a donné des enseignements intéressants, que nous avons tenté d’exploiter en proposant un travail décroché, hors séquences disciplinaires, sur la notion d’attention pour tenter d’en approcher les différents enjeux.

Les élèves, à la question de ce qu’est l’attention, de ce qui peut les gêner, de ce qui peut les aider, ont donné des réponses qui démontrent tout d’abord un rapport direct entre consignes et oralité. Nous l’avons dit, pour la grande majorité des élèves, être attentif, c’est écouter. Aucun élève ne considère qu’on peut être attentif à un message écrit. Au-delà de ce lien clair entre écouter et être attentif, les élèves semblent n’avoir que peu de représentations de ce que signifie véritablement être attentif, et comment s’y prendre pour l’être. L’attention semble donc, dans leurs esprits, un objet très vague, synonyme d’écoute. Comment écouter ? Il m’a donc semblé important de leur montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais surtout d’orienter l’écoute (que l’on généralisera avec eux à l’attention de manière plus générale) vers des objets plus spécifiques, internes au flot de paroles qu’ils reçoivent au fur et à mesure de la journée.

L’objectif de ces séances décrochées est aussi de porter un message clair : une amélioration des capacités en termes d’attention est possible, le professeur le pense et pour cela il va accompagner les élèves, il ne va pas les laisser seuls face à des injonctions de l’ordre du « écoutez », « soyez attentifs » sans les expliciter. Il s’agit ici de construire une relation de confiance et de travail entre élèves et enseignant. Nous nous inscrivons ici dans la droite ligne des théories de Bruner, sur la relation de tutelle à développer70. De plus, comme l’affirment Mireille Houart et Marc Romainville, il faut partir du postulat que les élèves n’accepteront de

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