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Entretien entre Maud Robart et Michel Boccara

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Academic year: 2021

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Submitted on 16 Dec 2020

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Entretien entre Maud Robart et Michel Boccara

Maud Robart, Michel Boccara

To cite this version:

Maud Robart, Michel Boccara. Entretien entre Maud Robart et Michel Boccara. Le mythe: pratiques, récits, théories volume 1: Aux sources de l’expression, 2004, 2-7178-4896-7. �hal-03071945�

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Entretien entre Maud Robart et Michel Boccara

Maud Robart: Je continue à penser que toute la chose est dans “ être conscient ”, parce qu’il y a toujours le moment de déviation ça arrive si rapidement ! C’est comme le travail qu’on fait : on marche sur un fil et à tout instant, on peut dévier, tomber dans quelque chose qui n’est pas une recherche de la présence, je ne veux pas dire de la vérité, mais être vrai, se sentir

authentique, se sentir vrai, se sentir en accord avec ce qu’on fait, laisser arriver ce qui doit être. Alors à tout instant, c’est un travail d’une vigilance absolue, parce que quand on croit qu’on est là-dedans, on n’est pas forcément là-dedans… C’est cette vigilance qui est aussi un outil très important dans le travail et qu’il faut tout le temps, tout le temps appliquer. Ne jamais perdre le sentiment de quelque chose qui est “ vrai ”. C’est pas logique, parce que ce qui est vrai, vous savez, c’est vrai pour nous, c’est vrai entre nous. Et dans ce quelque chose qui est vrai, ça contient aussi le respect qu’on a les uns pour les autres, la confiance qu’on a les uns envers les autres, aussi. Voilà ! C’est la continuité de… ce que j’ai voulu leur dire. Donc, même quand ça ne marche pas il faut l’accepter, totalement, totalement…

Michel Boccara: On pourrait dire presque : surtout quand ça ne marche pas… Maud : Voilà…

Michel : …parce que c’est là où on voit si réellement les outils qu’on a forgés sont bons. Parce que si, quand ça marche, ça va, c’est un peu normal, finalement.

Maud : Oui, voilà. Donc, tu touches aussi un problème important : les instruments sont importants ; l’instrument crée les conditions de l’expérience à l’intérieur et à l’extérieur en même temps.

Michel : De ce point de vue-là, je pense que les outils traditionnels, on va les appeler comme ça, les chants, les mouvements, ce qui les différencie des outils modernes, on va utiliser ces catégories un peu maladroites, c’est qu’ils n’ont pas d’auteur. Un outil traditionnel, il vient de beaucoup plus loin que nous, il va beaucoup plus loin, aussi.

Maud : On peut dire qu' il y a un auteur, en fait : c’est la vie, ou c’est l’énergie, l’énergie originaire qui constitue les forces du vivant, à la source de toutes les manifestations de la vie, qui met en mouvement des besoins profonds. C’est “ ça ” l’auteur de ces outils-là, de ces outils traditionnels, particulièrement ceux qui sont liés au rituel. Ces instruments sont soumis à un ordre, ils sont structurés pour t’amener toi-même à être serviteur de l’ordre. Tu ne peux pas utiliser ta fantaisie, par exemple. Tu ne peux pas…mais on éprouve paradoxalement une grande liberté dans cet état de “ serviteur ”, coopérer… on se découvre coopérateur, la notion de spontanéité apparaît sous un éclairage nouveau, cependant, l’ensemble du processus est soumis à un ordre. Ça traduit le lien avec un ordre, c’est au nom d’un ordre qu’on agit, quelque soit le nom qu’on lui donne, ce mot “ ordre ”. Moi, je ne dis jamais des termes comme “ absolu ” ou “ dieu ”, ce n’est pas mon vocabulaire. Mais je suis quelque fois très consciente qu’il y a une origine, une source dans certains phénomènes énergétiques qu’on peut observer ou ressentir ou…quand on est porté par “ ça ”, on sait bien qu’il y a une source et qu’elle est très lointaine.

Michel : Tu as parlé de traduction. Je crois que c’est important, aussi, la traduction, c’est-à-dire que celui qui transmet n’est pas un inventeur, c’est un traducteur. Parce qu’on a en fait

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une énergie qui peut s’incarner dans différentes formes, mais nous nous sommes des êtres humains. Et donc, en tant qu’êtres humains, nous avons hérité de ces formes que nous avons transformées, par exemple le langage. Donc, en fait, ce qui est en deça des mots, puisque nous avons le langage, doit être traduit dans les mots pour qu’il puisse agir. Mais en même temps, il doit toujours garder un rapport avec ce qu’il y a en deça des mots. Et c’est ça, finalement, qui est la chose la plus fragile, c’est-à-dire : comment , dans le moment où l’on traduit, nous sommes reliés à la source. Parce qu’à un moment donné on peut employer des formes nouvelles pour exprimer une pensée ou pour remodeler une expression en fonction du contexte dans lequel on se trouve dans ce moment précis .

Maud : Oui, quand on est relié, dans le moment où on est relié, elle est juste, même si elle est aussi tout empreinte, tout imprégnée de la forme personnelle de la personne qui est en train de traduire, mais c’est toujours juste quand c’est relié. La couleur locale n’est pas importante, la personnalité ou encore l’Ego (rire) qui est en train de traduire, s’il est mis à sa place, et bien ça n’a pas d’importance, il est serviteur. Si on est serviteur ça passe, même si c’est coloré de ma personnalité, même si c’est coloré de cette culture, oui, ça passe. D’ailleurs est-ce que le cœur est coloré (rire) ?

Ça dépend de quelle place “ ça ” jaillit, si “ ça ” jaillit de là, il n’y a même pas de couleur, on ne colore pas le message.

(long silence)

Michel : Il y a deux ou trois choses sur lesquelles j’aurais envie qu’on parle un petit peu ensemble. Je voudrais revenir sur ce que j’avais ressenti hier, c’est-à-dire ce passage qui se fait à un moment donné, “ de mon cœur à notre cœur ” .

Maud : Tu l’a ressenti aujourd’hui ?

Michel : Non, je l’ai ressenti hier. Aujourd’hui, je l’ai ressenti par moments un peu fugaces mais pas du tout comme je l’ai ressenti hier. Aujourd’hui il y avait une volonté, comme tu disais…

Maud : Absolument.

Michel : … une volonté d’essayer de faire fusionner mais il n’y avait pas ce tissage. Maud : Cette ouverture…Oui.

Michel : Qu’est ce qui fait, finalement, que mon cœur peut se convertir en notre cœur, est-ce qu’on peut approfondir ce moment, quand ça se passe ?

Maud : D’abord il y a le mot adhésion, c’est comme une adhésion. Il y a un tas d’éléments qui entrent en jeu. Donc, quand les chants, je me reporte à cette situation par exemple, marchent bien, quand le rythme est bien en place, quand l’onde du chant nous la laissons se faire, quand le chant nous chante, si tu veux, parce que ce n’est pas une métaphore, c’est vrai, tu as

l’impression que tu es toute ouverture, que tu est toute dans une sorte d’expansion/ contraction. Je crois que ce mouvement vibratoire aussi provoque par empathie une sorte d’adhésion. Les éléments répétitifs aussi, tu es entraîné là-dedans, tu rentres là-dedans. Si on veut rester au niveau de facteurs corporels, sensoriels, ça fonctionne vraiment comme ça,

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mais il faut que le chant soit absolument bien en place, que l’onde du chant te traverse, qu’il n’y ait aucune résistance. Quand il y a résistance, c’est la volonté comme tu as dit, qui travaille, qui gouverne, alors que ce sont les sens, mais pas les sens ordinaires, des sens…ce ne sont même pas des sens, c’est multidimensionnel, c’est une fusion de beaucoup de sens qui se mettent en œuvre à ce moment-là, et donc tout est harmonieux … même avec le vent quelques fois, on est en harmonie avec le vent !

Michel : Je dirais à la limite : surtout avec le vent ! Je ne sais pas… parce que dans la tradition que tu transmets, mais dans la tradition que je connais, moi, le vent est la forme fondamentale de l’énergie.

Maud : Ah oui, bien sûr, bien sûr. Il y a les chants pour le vent… Michel : … Et puis, l’onde, l’onde, du chant crée un vent, aussi.

Maud : Bien sûr. Mouvement, le mouvement ! Quand l’énergie n’est pas congelée, ce phénomène organique justement se produit et il est vibratoire, il se communique quand l’énergie est libérée, quand tous les aspects de la personne sont unifiés, au plan du cœur, au plan du corps, au plan du mental, tout est mis dans le mouvement, tout est dans le mouvement Donc à ce moment–là, ça devient très facile de communier. C’est la communion, une des formes de la communion.

Michel : Et moi, j’étais attentif aussi à l’espace, ce matin, notamment lorsque j’ai à nouveau observé cette “ bourrée ” haïtienne, si tu permets que je l’appelle comme ça !

Maud : Cet élément est apparu…il a une pulsation, il a un rythme qui est lié à la tradition, au rythme afro-haïtien mais la structure telle qu’elle est faite, elle est née du travail [avec les élèves], elle est née dans le travail, donc, elle contient, si tu veux, tous les éléments d’un rythme… - je peux adapter n’importe quel chant de certains rythmes en Haïti dessus - mais elle a une forme qui est née dans le travail, c’est pour ça que ce travail a un aspect qui

m’intéresse énormément, ça laisse émerger, ça laisse apparaître d’autres instruments mais qui ont les mêmes caractères que les chants ou les mouvements ou les danses que j’utilise. Cela induit presque les mêmes phénomènes, presque parce que chaque instrument a une capacité d’induire une expérience particulière. Donc, ce que tu appelles la “ bourrée ” mais il faut pas l’appeler bourrée (rire), il y a quelqu’un qui l’a appelé “ atome ”, parce qu’il dit que c’est comme un atome, ça tourne. Quand tout est en place, ça a le potentiel d’un atome, donc, comme le chant qui a donné naissance à cela s’appelle zaza, alors on l’a appelé “ zatome ”… (rire)

Michel : J’aime bien l’appeler “ bourrée ” – ça restera un nom privé – parce que la bourrée est tellement dévalorisée, si tu veux, dans notre société, il y a une sorte de rejet de ces formes traditionnelles. Or justement, je suis persuadé qu’elles existent, ces formes, comme toute terre a ses traditions, et qu’on ne sait pas les reconnaître là où elles sont !

Maud : Ah, bien sûr, bien sûr.

Michel : Mais cette créativité dont tu parles me paraît très importante, c’est justement l’originalité de ton travail, tu fais une sorte d’alchimie à partir d’éléments que tu connais qui sont ces éléments de la tradition, tu les proposes en situation et tu laisses émerger de nouvelles formes.

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Maud : Absolument !… de nouvelles formes… et on les structure comme des instruments traditionnels. C’est cette expérience que je fais aussi avec mes élèves. Anna peut te lire un texte qu’elle a écrit après un stage avec moi et qu’elle a appelé “ le principe agissant ”, où elle décrit son expérience avec ses mots. Elle dit : quand tout se passe bien, c’est comme si il y avait un principe agissant, et quand on se soumet à ce principe agissant, alors tout fonctionne ! Michel : Cela va d’ailleurs dans le sens de notre recherche, c’est-à-dire ne pas dissocier le moment du vécu de l’expérience du moment d’élaboration de la réflexion parce que, en général, c’est dissocié, ce sont même souvent deux personnes différentes qui interviennent. C’est une conception fausse de la critique qui considère que critiquer une œuvre, c’est se placer à l’extérieur pour la regarder. Alors qu’il y a une autre définition de la critique qui est de Walter Benjamin et qui dit que critiquer une œuvre, c’est la continuer. Donc, on ne peut critiquer une œuvre au sens profond du terme, que si on est dedans !

Maud : Effectivement, il s’agit du lien entre percept et concept qui ne peut être efficace que si on est passé par le critère de l’expérience !

Michel : Donc, tout discours qui vient de l’extérieur décrire une réalité à laquelle il ne participe pas est très incomplet ! Et de ce point de vue-là, c’est vrai que nous avons produit des discours sur les mythologies qui sont la plupart du temps très incomplets parce qu’ils ne sont pas dans la pratique : d’où l’enjeu de recentrer l’analyse théorique sur la pratique. Maud : Absolument. C’est Socrate lui-même, je crois, qui disait : ne te fie pas, ne confie pas aux mots le soin de t’expliquer, ne crois pas que ce sont les mots qui vont t’expliquer la nature des choses ! Le mot peut être après mais pas avant. Oui, il faut passer par l’expérience.

Comment peut-on comprendre l’art si on commence avec des concepts ? L’art donne les concepts, mais ce ne sont pas les concepts qui expliquent l’art !

Et puis il y a ce phénomène de reconquête de l’expérience, aussi, dans ce travail, parce qu’on peut avoir fait quelque chose à la limite du parfait la veille, ou être dans une période où tout semble parfait, mais ce n’est pas vrai : dans un mois ou le lendemain, tout est à reconquérir. C’est une reconquête qui n’est pas liée à ce mouvement de “ je veux ”, forcée par la volonté, mais qui est basée sur le “ savoir être dans l’attitude d’accueil ”, accueillir, c’est retrouver le lien intime avec…

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