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Les représentations sociales de la compétence parentale en contexte de protection de la jeunesse : comparaison des perspectives sociale et judiciaire

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Les représentations sociales de la compétence

parentale en contexte de protection de la jeunesse:

comparaison des perspectives sociale et judiciaire

Thèse

Ève Pouliot

Doctorat en service social

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Les représentations sociales de la compétence

parentale en contexte de protection de la jeunesse :

comparaison des perspectives sociale et judiciaire

Thèse

Eve Pouliot

Sous la direction de :

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Résumé

Dans un contexte de protection de la jeunesse, l’évaluation des compétences parentales est un sujet particulièrement sensible dans les rapports entre les intervenants sociaux et les juges (Leschied, Chiodo, Whitehead, Hurley et Marshall, 2003). Jusqu’à maintenant, les études qui ont cherché à établir un parallèle entre les perspectives sociale et judiciaire de la compétence parentale en contexte de protection de la jeunesse ont débouché sur des résultats discordants. Alors que certaines études révèlent que les tribunaux acceptent quasi systématiquement les évaluations des différents experts (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux) au sujet des compétences parentales (Bernheim, 2017; Bernheim et Lebeke, 2014; Haack, 2004), d’autres soulignent plutôt des divergences entre les décisions des professionnels de la relation d’aide (psychologues, travailleurs sociaux) et celles des juristes (juges, avocats et étudiants en droit) (Carson et Bull, 2003; Kelly et Ramsay, 2007; Melton, Petrila, Poythress, Slobogin, Otto, Mossman et Condie, 2007).

Basée sur une analyse documentaire du contenu de 50 dossiers judiciarisés d’enfants de moins de 14 ans signalés pour négligence, cette recherche de nature qualitative vise à comparer les représentations sociales de la compétence parentale dans les perspectives sociale et judiciaire en contexte de protection de la jeunesse. Ce but général se décline en deux objectifs spécifiques : (a) documenter le contenu des représentations sociales de la compétence parentale, soit l’information, l’image et les attitudes, dans les dossiers cliniques et les jugements de la Chambre de la jeunesse et (b) identifier, dans ces deux types de documents, les facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale.

Les résultats révèlent que les acteurs du secteur social et ceux du secteur judiciaire ont, dans une large mesure, une représentation similaire de la compétence parentale et que cette représentation se centre essentiellement sur les actions mises de l’avant par les parents dans l’exercice de leurs rôles parentaux. Ainsi, deux principales composantes associées à la compétence parentale sont convergentes dans les dossiers cliniques et les jugements analysés, soit la réponse aux besoins de l’enfant et la capacité de médiation avec l’environnement. Certaines différences sont toutefois notées. La principale concerne le fait que les dossiers cliniques abordent généralement un plus grand nombre de composantes pour juger de la compétence d’un parent, notamment l’exercice de l’autorité, la qualité de la relation affective, les connaissances entourant les besoins de l’enfant, ainsi que les antécédents de la famille avec le système de la protection de la jeunesse. Il en résulte que l’on retrouve davantage de composantes de la compétence parentale qui sont jugées négativement dans les dossiers cliniques que dans les jugements. L’analyse comparative des perspectives sociale et judiciaire révèle également que les facteurs invoqués pour évaluer la compétence parentale sont convergents dans une large mesure et qu’ils reposent essentiellement sur des risques qui relèvent de la situation individuelle des parents; les dossiers cliniques et les jugements abordent peu les facteurs environnementaux et les forces des parents. Les résultats de cette étude font donc ressortir que la compétence parentale est plus souvent associée à des facteurs individuels, lesquels sont abordés, dans la presque totalité des cas, sous l’angle des limites personnelles des parents. Ces limites concernent essentiellement l’instabilité émotionnelle des parents, les problèmes de santé mentale, la consommation abusive de substances psychoactives et l’adoption d’un style de vie jugé incompatible avec le rôle de parent. Les problèmes rencontrés par les parents dans l’exercice de leur compétence parentale sont rarement replacés dans leur contexte économique ou politique.

Cette étude entraine des retombées intéressantes pour les intervenants sociaux et les juges qui œuvrent en protection de la jeunesse. Elle permet d’abord de mieux circonscrire les composantes associées à l’évaluation

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de la compétence parentale. Dans un contexte où de plus en plus d’auteurs reconnaissent que les besoins des familles en difficulté sont mieux servis par une collaboration entre intervenants sociaux et juristes (Courtney et Hook, 2012; Lalayants et Epstein, 2005; Pott, 2016), une meilleure connaissance de ces composantes favorise la création d’un langage commun entre les intervenants sociaux et les juges, une composante souvent jugée essentielle pour dépasser les différences professionnelles et développer un esprit de collaboration. D’autre part, cette étude révèle que les facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale sont convergents dans une large mesure dans les perspectives sociale et judiciaire, les facteurs soulevés dans les jugements étant largement basés sur le contenu des rapports des intervenants sociaux œuvrant pour la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Ce constat, également observé dans d’autres études (Berheim, 2017; Berheim et Lebeke, 2014; Haack, 2004), est intéressant puisqu’il positionne les intervenants sociaux comme des acteurs susceptibles d’influencer les représentations sociales de la parentalité dans la sphère judiciaire. En effet, en soulevant davantage les inégalités économiques, ils pourraient jouer un rôle dans la remise en question des normes acceptées par la société et établies par les décideurs pour juger de la compétence parentale, tout en proposant une lecture élargie des facteurs qui y sont associés. En outre, en faisant davantage ressortir les forces des parents, sans pour autant minimiser leurs faiblesses et leurs lacunes, ils pourraient les amener à développer une vision différente d’eux-mêmes et des ressources sur lesquelles ils peuvent miser. Ces constats rejoignent les propos de Sellenet (2009), qui souligne que tous les acteurs en protection de la jeunesse ont intérêt à soutenir la valorisation des parents et à découvrir le positif dans leur fonctionnement.

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Abstract

In the context of child protection services, the assessment of parental competence is a particularly sensitive topic in the relationship between social workers and judges (Leschied, Chiodo, Whitehead, Hurley and Marshall, 2003). To date, studies that have compared the social and judicial perspectives of parental competence in the context of child protection services have led to discordant results. While some studies reveal that courts almost systematically accept the assessments of different experts (psychiatrists, psychologists, social workers) about parental competence (Bernheim, 2017; Bernheim and Lebeke, 2014; Haack, 2004), others observe rather differences between the decisions of professionals in counseling (psychologists, social workers) and jurists (judges, lawyers and law students) (Carson and Bull, 2003; Kelly and Ramsay, 2007; Melton, Petrila, Poythress, Slobogin, Otto, Mossman and Condie, 2007).

Based on a documentary analysis of the content of 50 court cases of children aged under 14 years old reported for negligence, this qualitative research aims to compare social representations of parental competence in the social and judicial perspectives in a child protection context. This overall goal has two specific objectives: (a) to document the content of social representations of parental competence (information, image and attitudes) in the clinical files and judgments; (b) to identify, in these two types of documents, the factors cited in the assessment of parental competence.

The results reveal that social and judicial actors have, to a large extent, a similar representation of parental competence and that this representation is essentially focused on the actions of parents in the exercise of their parental roles. Thus, two main components associated with parental competence converge in the clinical files and judgments analyzed, namely the response to the child’s needs and the ability to mediate with the environment. Some differences are noted, however. The main one is that clinical files generally include more elements to judge a parent’s competence, such as the exercise of authority, the quality of the emotional relationship, knowledge about the child, as well as the family’s history with the child protection system. As a result, there are more components of parental competence that are judged negatively in clinical files than in judgments. The comparative analysis of social and judicial perspectives also reveals that the factors mentioned for assessing parental competence are convergent to a large extent and that they are mainly based on risks that are relevant to the individual situation of the parents; clinical files and judgments do not address environmental factors and parental strengths. The results of this study therefore show that parental competence is more often associated with individual factors, which are approached, in almost all cases, from the perspective of parental limitations. These limitations mainly concern the emotional instability of parents, the mental health problems, the substance abuse and the adoption of a lifestyle that is considered incompatible with the role of parent. The problems encountered by parents in the exercise of their role are rarely examined in their economic or political context.

This study has interesting implications for social workers and judges working in child protection services. First, it helps to better define the components associated with the assessment of parental competence. In a context in which more and more authors recognize that the needs of families in difficulty are better served by collaboration between social workers and jurists (Courtney and Hook, 2012; Lalayants and Epstein, 2005; Pott, 2016), a better knowledge of these components promotes the creation of a common language between social workers and judges, a component often considered essential to overcome professional differences and develop a spirit of collaboration. On the other hand, this study reveals that the factors cited in the assessment of parental competence are convergent to a large extent in the social and judicial perspectives, the factors raised in the

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judgments being largely based on the content of the social workers’ reports. This finding, also observed in other studies (Berheim, 2017; Berheim and Lebeke, 2014; Haack, 2004), is interesting in that it positions social actors as actors likely to influence the social representations of parenthood in the judicial sphere. Indeed, by raising economic inequalities further, they could play a role in challenging socially accepted norms established by decision-makers to judge parental competence, while providing a broader reading of the factors that influence are associated with it. In addition, by highlighting the strengths of the parents, without minimizing their weaknesses and deficiencies, they could lead them to develop a different view of themselves and the resources they can rely on. These findings are in line with the comments of Sellenet (2009), which emphasizes that all youth protection actors have an interest in supporting the valorization of parents and discovering the strengths in their functioning.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... x

Liste des figures ... xi

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xiv

Introduction générale ... 1

État de la question ... 1

La définition de la compétence parentale ... 1

Des pratiques en mouvance dans le domaine de la jeunesse ... 3

Les défis inhérents à l’évaluation de la compétence parentale ... 5

La compétence parentale comme objet de représentations sociales ... 8

Objectifs poursuivis ... 10

Exposé de la méthodologie privilégiée ... 10

La perspective de recherche ... 11

La population et l’échantillon à l’étude... 11

La collecte des données ... 14

L’analyse des données ... 15

Les critères de scientificité ... 18

Les considérations éthiques ... 19

Chapitre 1 – La compétence parentale : une notion aux visages multiples ... 21

Résumé ... 22

Abstract ... 22

Introduction ... 23

Compétence parentale : à la recherche d’une définition ... 23

L’approche clinique ... 25

L’approche juridique ... 27

L’approche développementale ... 29

L’approche écologique ... 30

Principaux déterminants de la compétence parentale ... 31

(8)

Conclusion ... 39

Bibliographie ... 40

Chapitre 2 – La transformation des pratiques sociales auprès des familles en difficulté : du « paternalisme » à une approche centrée sur les forces et les compétences ... 44

Résumé ... 45

Abstract ... 45

Introduction ... 46

Société traditionnelle et naissance des pratiques sociales pour la famille ... 46

Une présence réduite des services sociaux publics ... 47

Des pratiques sociales calquées sur le modèle médical ... 48

Société moderne et pratiques « paternalistes » auprès des familles ... 49

Le rôle de l’État dans le contrôle des pratiques parentales ... 49

Des pratiques sociales axées sur le placement de l’enfant et l’éducation des parents ... 50

Société actuelle et pratiques de partenariat ... 52

La crise de l’État-providence et la responsabilisation des parents ... 52

Des pratiques d’intervention axées sur le partenariat avec les familles ... 53

Conclusion ... 55

Bibliographie ... 57

Chapitre 3 – Les représentations sociales de la compétence parentale : une comparaison des perspectives sociale et judiciaire ... 60

Résumé ... 61

Abstract ... 61

Introduction ... 63

État des connaissances ... 64

Présentation de l’étude ... 68

Méthodologie ... 68

Résultats ... 71

Les informations disponibles sur la compétence parentale ... 71

L’image de la compétence parentale ... 73

L’attitude vis-à-vis de la compétence parentale ... 77

Discussion ... 80

La compétence parentale, une norme socialement construite ... 80

L’image du « parent incompétent », une question de contexte ... 82

(9)

Bibliographie ... 87

Chapitre 4 – Facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale en protection de la jeunesse : comparaison des perspectives sociale et judiciaire ... 93

Résumé ... 94

Abstract ... 94

Introduction ... 95

Facteurs associés à la compétence parentale ... 96

Les facteurs individuels ... 96

Les facteurs environnementaux ... 99

Méthodologie ... 100

Résultats ... 104

Les facteurs individuels invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale des mères ... 105

Les facteurs individuels invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale des pères ... 108

Les facteurs environnementaux associés à l’évaluation de la compétence parentale ... 110

La comparaison des facteurs individuels et environnementaux invoqués dans les dossiers et les jugements ... 113

Discussion ... 116

Conclusion ... 119

Bibliographie ... 123

Conclusion générale ... 130

Synthèse des principaux résultats ... 130

Le contenu des représentations sociales de la compétence parentale ... 131

Les facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale ... 133

Discussion des principaux résultats ... 135

Comment expliquer la convergence des perspectives sociale et judiciaire ? ... 135

Une vision commune de la compétence parentale : est-ce souhaitable ? ... 137

Retombées pour la pratique ... 141

Pistes de recherche ... 143

Limites ... 144

Bibliographie générale ... 146

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et sa famille (n=50) ... 13

Tableau 2 : Synthèse des caractéristiques liées au signalement et à l’historique des services (n=50) ... 14

Tableau 3 : Principales dimensions incorporées dans la grille d’analyse des dossiers et des jugements .. 18

Tableau 4 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et sa famille (n=50) ... 70

Tableau 5 : Synthèse des caractéristiques liées au signalement et à l’historique des services (n=50) ... 71

Tableau 6 : Informations sur la compétence parentale dans les dossiers cliniques et les jugements ... 72

Tableau 7 : Comparaison de l’évaluation de l’exercice d’autorité ... 76

Tableau 8 : Divergence dans l’évaluation de la compétence parentale ... 79

Tableau 9 : Divergence dans l’évaluation de la capacité de médiation du parent ... 80

Tableau 10 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et à sa famille (n=50)... 102

Tableau 11 : Synthèse des caractéristiques liées au signalement et à l’historique des services (n=50) .. 103

Tableau 12 : Facteurs individuels invoqués pour évaluer la compétence parentale des mères dans les dossiers cliniques et les jugements ... 107

Tableau 13 : Facteurs individuels invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale des pères dans les dossiers cliniques et les jugements ... 109

Tableau 14 : Facteurs environnementaux invoqués pour évaluer la compétence parentale dans les dossiers cliniques et les jugements ... 112

Tableau 15 : Comparaison des facteurs individuels et environnementaux invoqués dans les 50 cas étudiés (dossiers cliniques et jugements) pour évaluer la compétence parentale des pères et des mères ... 114

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Liste des figures

Figure 1 : Évaluation négative des différentes composantes associées à la compétence parentale des pères et des mères dans les dossiers cliniques et les jugements (%) ... 78

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Remerciements

Cette thèse représente la fin d’un très long processus, que j’ai pu traverser grâce au soutien de nombreuses personnes.

Je souhaite d’abord remercier mon directeur de thèse, Daniel Turcotte, qui a su m’encourager et croire en mon potentiel tout au long de mon cheminement à la maitrise et au doctorat. Merci pour ta patience, ta disponibilité et pour les nombreuses opportunités que tu m’as offertes dans le domaine de la recherche.

Je tiens également à souligner la contribution importante des membres de mon comité de thèse, Marie-Christine Saint-Jacques et Dominique Goubau qui, chacun à leur manière, ont su m’orienter et formuler des commentaires constructifs me permettant d’enrichir mes analyses et mes réflexions. Marie-Christine, tu es sans aucun doute la personne qui m’a le plus inspirée dans mon rôle de professeure, en incarnant un modèle de rigueur et de dévouement. Dominique, tes précieux conseils et tes connaissances en droit m’ont permis de renouer avec cette discipline, dont je m’étais éloignée après mon baccalauréat.

Je souhaite aussi exprimer ma reconnaissance à Joanne Martel, directrice du programme de doctorat à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval, qui a su croire en moi et me donner la motivation nécessaire pour finaliser mes études doctorales. Merci également à François Fenchel, qui a accepté de faire la prélecture de cette thèse.

Mon cheminement au doctorat a été marqué par de nombreux évènements (grossesses, déménagements à l’étranger, deuils, etc.), qui ont eu une influence déterminante sur mon parcours. Mon emploi comme professeure en travail social à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) fut l’un d’eux. Bien que la conciliation de mes études à mes obligations familiales et professionnelles n’ait pas toujours été facile, j’ai eu la chance de bénéficier d’un congé de perfectionnement de longue durée de la part de mon employeur afin de pouvoir me consacrer davantage à ma thèse. Mes collègues et amis de l’UQAC, je pense ici principalement à Christiane, Danielle, Jacques et Michel, m’ont aussi soutenue et encouragée lorsque je manquais de motivation, en faisant preuve de respect et d’empathie. Merci d’être dans ma vie et de rendre mon travail aussi agréable et stimulant. À mes yeux, vous êtes ma deuxième famille.

Cette thèse n’aurait pas été possible sans le soutien de certains intervenants et organismes. À cet égard, je tiens à remercier le Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire (CJQ-IU), qui a facilité ma collecte de données, tout en m’accordant un soutien financier. Plus spécifiquement, merci à Yvon Boulay, répondant à la recherche, ainsi qu’aux différents intervenants qui ont enrichi cette thèse en partageant leurs connaissances et leurs expériences avec moi. Merci également au Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQ-SC) pour l’octroi d’un soutien financier sans lequel cette recherche aurait difficilement pu être réalisée.

Je ne peux évidemment pas passer sous silence l’immense rôle joué par les membres de ma famille dans la réalisation de cette thèse. Je tiens d’abord à remercier mes parents, Louise et Jacques, qui m’ont toujours encouragée à poursuivre mes rêves, tout en me donnant les outils pour les atteindre. Si je n’avais pas bénéficié de votre soutien au quotidien, je n’aurais jamais pu terminer cette thèse sans négliger de façon importante les autres sphères de ma vie. Je remercie aussi mon frère, Sébastien, ma belle-sœur, Isabelle, et mes deux nièces, Véronique et Chloé, qui m’ont hébergée à de nombreuses reprises lors de mes séjours dans la région de Québec et qui ont su me changer les idées après des journées entières passées à lire des dossiers d’enfants victimes

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de négligence. Merci également à mon complice des 20 dernières années, Florent, qui n’a jamais cessé de croire en moi, et ce, même dans les moments les plus difficiles. Sans ton amour et ta force tranquille, je ne serais pas la femme que je suis aujourd’hui et, surtout, la maman de trois enfants extraordinaires. Tu es un homme d’exception, qui m’a toujours encouragée dans mes passions, en m’amenant à me dépasser jour après jour.

Je souhaite enfin exprimer mon immense gratitude à mes trois enfants : Alban, Alexian et Aude. Il y a un peu de chacun de vous dans cette thèse. Alban, j’ai appris que j’étais enceinte de toi peu avant mon examen synthèse, alors que le thème de la compétence parentale était au cœur de mes préoccupations de future maman. Toi, Alexian, tu étais bien présent dans mon ventre lors de ma collecte des données et tu savais déjà comment attirer mon attention en me donnant de multiples coups de pied. Aude, ma petite guerrière, tu es celle qui m’a donné la force de persévérer malgré les nombreux obstacles. Après t’avoir accompagnée dans ton long combat pour rester en vie, je ne pouvais pas me résigner à baisser les bras et à abandonner ce projet de doctorat. Tous les trois, vous êtes mes plus grandes réussites et vous m’inspirez chaque jour à devenir une meilleure personne.

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Avant-propos

La présente thèse comporte l’insertion de deux articles, qui font l’objet des chapitres 2 et 4, et de deux chapitres de livre, qui sont présentés aux chapitres 1 et 3. L’ensemble des textes insérés dans la thèse ont été soumis à une évaluation par les pairs et ont fait l’objet d’une publication.

Chapitre 1 – Le premier manuscrit incorporé dans la thèse s’intitule « La compétence parentale : une notion aux visages multiples ». Il a été rédigé en français et publié aux Presses de l’Université du Québec dans un ouvrage collectif intitulé Visages multiples de la parentalité (sous la direction de Parent, Drapeau, Brousseau et Pouliot, 2008, chapitre 3, p. 63-87). Cet ouvrage propose un état des connaissances et un regard critique sur la question de la parentalité. Celle-ci est abordée sous divers angles et les textes sont rédigés avec la préoccupation de proposer des pistes d’intervention et de recherche. Le texte incorporé dans la thèse est la version finale de ce chapitre, qui recense, plus spécifiquement, les écrits sur la notion de compétence parentale : ses composantes, les facteurs qui y sont associés (qui peuvent aussi être considérés comme des déterminants), de même que les outils utilisés pour en faire l’évaluation. Il a été réalisé en collaboration avec Daniel Turcotte, Claudia Bouchard et Marie-Lyne Monette. Eve Pouliot (auteure principale) a rédigé l’entièreté du chapitre, lequel a été révisé par Daniel Turcotte. Claudia Bouchard et Marie-Lyne Monette ont contribué à l’article en aidant au repérage de textes pertinents dans les banques de données.

Chapitre 2 – Le deuxième manuscrit a pour titre « La transformation des pratiques sociales auprès des familles en difficulté : du paternalisme à une approche centrée sur les forces et les compétences ». Il a été rédigé en français et a été publié dans la revue Service social (vol, 55, n. 1, 2009, p. 17-30), qui diffuse des articles qui contribuent au développement des assises scientifiques de la profession du travail social. Le texte qui figure dans la thèse est la version finale de cet article, qui met en parallèle la transformation de la famille québécoise au cours du dernier siècle, l’évolution des politiques sociales qui s’adressent à la famille et la modification des pratiques d’intervention privilégiées dans les services sociaux à l’enfance. Eve Pouliot (auteure principale) a rédigé l’entièreté de l’article, lequel a été révisé par Daniel Turcotte. Marie-Lyne Monette y a aussi contribué en aidant au repérage de références pertinentes dans les banques de données.

Chapitre 3 – Le troisième manuscrit, « Les représentations sociales de la compétence parentale : une comparaison des perspectives sociale et judiciaire », a été rédigé en français et publié aux Presses de l’Université du Québec dans un ouvrage collectif qui a pour titre L’enfant et le litige en matière familiale (sous la direction de Poitras, Baudry et Goubau, 2016, chapitre 3, p. 55-89). Cet ouvrage réunit les contributions de spécialistes en droit, en psychologie, en travail social et en psychoéducation; il propose une réflexion sur l’intérêt

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de l’enfant en contexte de protection de la jeunesse. Le texte incorporé à la thèse est la version finale de ce chapitre, qui présente les résultats de la recherche doctorale relatifs au contenu des représentations sociales de la compétence parentale dans les perspectives sociale et judiciaire. Eve Pouliot (auteure principale) a rédigé l’entièreté de ce chapitre, lequel a été révisé par Daniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques et Dominique Goubau.

Chapitre 4 – Le dernier manuscrit a pour titre « Facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale en protection de la jeunesse : comparaison des perspectives sociale et judiciaire ». Il a été rédigé en français et publié dans le numéro 9 de la revue Sciences et Actions Sociales (SAS) ayant pour titre « La norme dans tous ses états : enjeux et défis pour le travail social » (sous la direction de Belhadj-ziane, Baldelli, Bourque et Chamberland, 2019). Cet article compare les facteurs invoqués pour évaluer la compétence parentale dans les perspectives sociale et judiciaire en contexte de protection de la jeunesse. Eve Pouliot (auteure principale) a rédigé l’entièreté de cet article, lequel a été révisé par Daniel Turcotte.

Chacune de ces publications est suivie de sa propre liste de références. Une liste des références citées en introduction et en conclusion est présentée à la fin de la thèse. Il est à noter que la mise en page des quatre publications insérées a été légèrement modifiée afin que la présentation des différents chapitres soit continue et cohérente tout au long de la thèse.

Étant donné que les deux premiers chapitres ont été publiés il y a déjà quelques années, au moment de procéder à la rédaction finale de la thèse, une mise à jour de la recension des écrits portant sur les compétences parentales a été effectuée. La stratégie de recherche documentaire utilisée initialement a alors été reprise, en ciblant l’examen sur les écrits publiés entre 2008 et 2019. Comme les textes publiés ne peuvent être modifiés dans la thèse, les nouvelles informations recensées sont utilisées dans l’introduction générale et la conclusion.

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Introduction générale

Cette thèse compare les représentations sociales de la compétence parentale dans un contexte judiciarisé en protection de la jeunesse, et ce, dans les perspectives sociale et judiciaire. Comme il s’agit d’une thèse par insertion d’articles, cette introduction vise à mettre la démarche doctorale en contexte, tout en faisant ressortir la cohérence de l’ensemble des différents manuscrits présentés. Dans un premier temps, l’état de la question permet de circonscrire le concept de compétence parentale, tout en mettant en relief les défis inhérents à son évaluation en contexte de protection de la jeunesse. La pertinence du cadre de référence des représentations sociales est également justifiée. Pour terminer, les objectifs de la recherche sont présentés, de même que la méthodologie privilégiée pour y répondre.

État de la question

Les compétences parentales sont évaluées dans une multitude de situations à l’interface des sciences sociales et du droit. C’est le cas, notamment, en matière d’adoption, dans le cadre des débats entourant l’attribution de la garde de l’enfant lors d’une séparation ou d’un divorce et dans les situations mettant en cause la protection de l’enfant (Bow et Quinnell, 2001; Jaffé, 2002; Waller et Daniel, 2004). Mais quelle définition peut-on donner à ce concept en contexte de protection de la jeunesse et quels sont les défis inhérents à son évaluation ? Dans quelle mesure la compétence parentale est-elle l’objet de représentations différentes dans les perspectives sociale et judiciaire ? Voilà quelques questions à l’origine de cette recherche.

La définition de la compétence parentale

La définition de la compétence parentale est plus largement développée dans le chapitre 1. Bien que ce chapitre ait été publié en 2008 et qu’il réfère à des textes plus anciens, les constats qui en émergent demeurent actuels. À titre d’exemple, dès 1990, Roy, Lépine et Robert soulignaient la difficulté à identifier les facteurs contribuant au développement de la compétence parentale. Actuellement, plusieurs auteurs font un constat similaire et notent la difficulté à circonscrire la notion de compétence parentale (Bernheim, 2017; Sellenet, 2009), un concept qui soulève, encore aujourd’hui, débats et controverses. Traduisant l’appréciation de la somme des attitudes et des comportements des parents à répondre favorablement aux besoins de leur enfant, la compétence parentale a un caractère circonstanciel et évolutif. Contrairement aux capacités parentales, qui réfèrent à une dimension de permanence et de limite (Baudry, Lessard, Tarabulsy, Servot, Roberge et Poitras, 2016), la compétence d’un parent peut varier en fonction de diverses circonstances de la vie susceptibles d’affecter de manière favorable ou défavorable l’exercice du rôle parental (CJQ-IU, 2005). Dans le cadre de cette thèse, la compétence parentale est abordée essentiellement comme la capacité des parents d’assurer la

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sécurité et le développement de leur enfant. N’étant pas clairement définie dans la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), la notion de compétence parentale demeure imprécise, d’où l’intérêt de porter un regard sur la façon dont les intervenants sociaux et les juges se la représentent.

Dans les écrits scientifiques, quatre principales composantes sont utilisées pour opérationnaliser le concept de compétence parentale : (a) la qualité de la relation affective, (b) l’exercice de l’autorité, (c) la réponse aux besoins de l’enfant, ainsi que (d) la capacité de médiation avec l’environnement. La qualité de la relation affective réfère à des qualités personnelles et relationnelles chez le parent, telles que la chaleur, l’amour, l’expression émotive, l’empathie, la disponibilité, la patience, la sensibilité, l’investissement, la générosité et l’intérêt envers son enfant (Barudy et Dantagnan, 2007; Cassidy, 2006; Havighurst, Wilson, Harley et Prior, 2009; Healy, Sanders et Iyer, 2013). L’exercice de l’autorité englobe les méthodes disciplinaires et le style éducatif privilégiés par le parent, qui doit trouver un équilibre entre, d’une part, la discipline et le contrôle, qui permettent d’intégrer l’enfant dans son milieu familial et social et, d’autre part, la sensibilité et le soutien (Azar, Nix et Makin-Byrd, 2005; Bornstein et Bornstein, 2007; Gelkopf et Jabotaro, 2013). La réponse aux besoins implique que le parent soit disponible à répondre aux signaux de l’enfant, qu’il soit en mesure de reconnaitre ses besoins et qu’il lui prodigue des soins stables et de qualité, en fonction de son âge et de ses particularités (Beytrison, 2010; Bouchard et al., 2003; Morawska, Winter et Sanders, 2008). Décrite comme l’aptitude du parent à faire le pont entre l’enfant et son milieu, la capacité de médiation avec l’environnement exige que le parent soit informé des réseaux de soutien et d’aide présents dans son environnement et qu’il soit en mesure de les utiliser (Barudy et Dantagnan, 2007).

Bien que certaines composantes de la compétence parentale se dégagent des écrits scientifiques, les travaux de recherche s’attardent davantage aux facteurs en lien avec la capacité des parents de répondre aux besoins de leur enfant, tant sur le plan individuel qu’environnemental. D’une part, plusieurs facteurs individuels sont associés à la compétence parentale, notamment les connaissances et les expériences antérieures des parents (Bailey, DeOliveira, Veitch Wole, Evans et Hartwick, 2012; Belsky et Jaffee, 2006; Morawska et al., 2008; Sellenet, 2009), leur sentiment de compétence dans leur rôle auprès de l’enfant (Boisvert et Trudelle, 2002; De Montigny et Lacharité, 2005; Rogers et Matthews, 2004; Tazouti et Jarlégan, 2015), leur santé mentale (Chatelle et Boeker, 2016; Musser, Ablow et Measelle, 2012; Pape et Collins, 2011; Shah et Stewart-Brown, 2017), ainsi que leurs habitudes de consommation de substances psychoactives (Barnard, 2007; Barnard et McKeganey, 2004; Lussier, Laventure et Bertrand, 2010; Vitaro, Assaad et Carbonneau, 2004). Certaines caractéristiques individuelles de l’enfant (ex. : âge, tempérament), qui sont susceptibles de varier dans le temps et en fonction de sa trajectoire (Duthu, Blicharski, Bouchet et Bourdet-Loubère, 2018; Troutman, Moran, Arndt, Johnson et Chmielewski, 2012), viennent également influencer la compétence parentale (Coplan, Reichel et Rowan, 2009;

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Lengua et Kovacs, 2005; Quartier, 2010). Au-delà des habiletés personnelles des parents et des caractéristiques des enfants eux-mêmes, certains facteurs environnementaux peuvent faciliter ou entraver la compétence parentale. Les facteurs environnementaux les plus souvent mentionnés dans les écrits scientifiques concernent les ressources financières des parents et le stress associé à la pauvreté (Belsky et Jaffee, 2006; Cardinal, 2010; Cloutier, Nadeau, Bordeleau et Verreault, 2008; Palomar Lever, Lanzagorta Pignol et Hernandez Uralde, 2005; Park, Turnbull et Turnbull, 2002), le contexte dans lequel la famille évolue (présence de violence, de conflits, etc.) (Donald et Jureidini, 2004; Schmidt, Cutress, Lang, Lewandowski et Rawana, 2007; Eve, Byrne et Gagliardi, 2014), de même que le soutien social dont elle dispose (Desquesnes et Beynier, 2012; Sevigny et Loutzeenhiser, 2010; Woody et Woody, 2007). Ces caractéristiques des parents et des environnements dans lesquels ils évoluent peuvent s’additionner et agir en tant que facteurs de risque ou de protection pour la sécurité ou le développement de l’enfant. Bref, bien qu’il date de plusieurs décennies, le modèle de Belsky (1981, 1984), qui distingue les éléments associés à la compétence parentale en facteurs individuels et environnementaux, demeure actuel. Encore aujourd’hui, il est reconnu que la compétence d’un parent est influencée à la fois par ses caractéristiques individuelles (notamment le sentiment de compétence, la santé physique et mentale), celles de l’enfant (entre autres son tempérament, son âge) et par le soutien disponible dans l’environnement de la famille.

Des pratiques en mouvance dans le domaine de la jeunesse

Au fil du temps, le rôle de l’État dans les affaires internes de la famille s’est grandement transformé au Québec, comme en témoigne le chapitre 2 qui aborde particulièrement la compétence parentale dans les situations de négligence impliquant les enfants les plus vulnérables. Construit sur un modèle qui distingue trois grandes périodes de l’histoire du Québec, ce texte ne prétend pas à l’exhaustivité. Il est orienté sur l’objet central de la thèse, soit la compétence parentale. Il ne faut donc pas s’étonner du peu d’importance accordée à l’apparition et au développement des tribunaux pour mineurs dans l’intervention auprès des familles, même si, selon Trépanier (2000), la protection des enfants en danger et la prévention de la délinquance sont historiquement associées. De la première école de réforme en 1858, jusqu’à l’adoption des lois des écoles de réforme et d’industrie en 1869, les textes législatifs ont contribué à ce que l’État délaisse, peu à peu, les mesures répressives auprès des jeunes jugés déviants, pour favoriser leur protection et leur rééducation (Fecteau et al., 1998). Cette perspective protectrice de l’enfant a mené à l’adoption de la Loi sur les jeunes délinquants, en 1908, et à l’implantation de la Cour des jeunes délinquants à Montréal, en 1912 (Quevillon et Trépanier, 2004). Dès lors, l’intervention de l’État était perçue comme légitime pour appuyer ou remplacer l’action des parents jugés inadéquats. Les enfants en danger et les enfants délinquants apparaissaient comme semblables, les premiers étant perçus comme des « délinquants potentiels » et les seconds comme des « victimes d’un milieu

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ou de circonstances » (Trépanier, 2000, p. 86). Par la suite, deux entités ont été créées afin d’assurer la sécurité et le développement des enfants, soit le ministère du Bien-être social et de la Jeunesse et, en 1950, la Cour du bien-être social (Joyal, 2000 ; Précourt, Moreau et Carignan, 2019). La mise en place de ces mesures législatives et de ces entités a mené à la première loi portant sur la protection de la jeunesse, qui entra en vigueur en 1951 (Précourt et al., 2019). C’est donc autour des besoins de l’enfance et de la jeunesse que s’est organisée la régulation des familles jugées inaptes ou défaillantes à bien élever leurs enfants (Fecteau, 2003). Selon Fecteau (2004, p. 184), « la période qui s’ouvre dans les années 1840 et 1850, et qui nous mène jusqu’à la fin du XIXe siècle, consacre définitivement la reconnaissance de l’enfance délinquante et en danger comme problème majeur de la société ». D’ailleurs, l’affirmation à l’effet que peu d’importance était accordée à la période de l’enfance dans la société traditionnelle (Ariès, 1973 ; Provencher, 1988) ne fait pas l’unanimité. Mais, commme le souligne Ferretti (2011), c’est véritablement dans la période de l’après-guerre (1944-1959) que le Québec a assisté à une valorisation du rôle de la famille naturelle dans l’éducation des enfants, afin d’assurer leur équilibre émotif, leur développement intellectuel et leur socialisation.

Afin de compléter le portrait du rôle de l’État dans le contrôle des pratiques parentales, il importe également de rappeler le rôle du rapport Batshaw (Ministère des Affaires sociales, 1975) dans la remise en question des mesures de placement et l’entrée en vigueur de la LPJ (1977). Dans le cadre de ce rapport, les placements en centre d’accueil ont fait l’objet de vives critiques. On y déplore le nombre important de jeunes placés en centre d’accueil et les risques liés à la stigmatisation, au déracinement et à la violation des droits de l’enfant qui sont associés au retrait du milieu familial (Ministère des Affaires sociales, 1975). Ces constats s’inscrivaient dans le prolongement de plusieurs rapports et études qui dénonçaient le recours massif au placement institutionnel (Joyal et Chatillon, 1996). Il s’en est suivi un fort courant de désinstitutionalisation (Joyal et Chatillon, 1996). Dès lors, le placement est devenu un moyen d’aide à l’intervention sociale plutôt qu’un objectif, ce qui a entraîné une réduction importante du nombre d’enfants placés (Gouvernement du Québec, 1988).

Pour compléter le tableau global présenté au chapitre 2, il convient de relever les différences qui existaient entre les familles québécoises en fonction du profil socioéconomique et du milieu de vie. À ce sujet, Fortin (1987) rappelle que le milieu rural n’a jamais été homogène et, donc, qu’il est délicat de parler de la « famille rurale d’autrefois », d’autant plus que de nombreux Québécois ont migré vers les milieux urbains à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, que ce soit au Québec ou aux États-Unis. Lacourse (1994) souligne que la moyenne d’enfants par famille était moins élevée en milieu urbain qu’en milieu rural. En outre, en milieu urbain, il existait des différences marquées entre les familles bourgeoises et ouvrières. Plus spécifiquement, Olson et Thornton (2001), qui ont étudié le cas particulier de Montréal au XIXe siècle, avancent que la « triangulation de l’espace culturel » selon la langue, la religion et le pays d’origine est à la source de systèmes démographiques

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distincts. Dans un tel contexte, les représentations de l’enfance et de la parentalité sont susceptibles de varier d’un milieu à l’autre, tout comme les pratiques mise de l’avant pour venir en aide aux familles en difficulté. A titre d’illustration, Joyal et Chatillon (1996) soulignent que le service social auprès des familles en difficulté s’est développé plus tardivement en milieu canadien-français qu’en milieu anglophone. Ainsi, le premier mouvement d’aide à l’enfance pauvre, qui s’est traduit par la mise en place d’orphelinats, a coïncidé, au Québec, avec les vagues d’immigration massive provenant d’Angleterre et d’Irlande au début du XIXe siècle. C’est seulement par la suite que les communautés catholiques spécialisées dans l’aide à l’enfance et aux familles pauvres ont été fondées (Fecteau, 2004) et elles ont été très influentes jusqu’à la Révolution tranquille, puisque les agences sociales sont restées largement sous la tutelle des autorités religieuses jusqu’à la fin des années 1960, en milieu canadien-français (Joyal et Chatillon, 1996).

Les défis inhérents à l’évaluation de la compétence parentale

Depuis l’adoption de la LPJ, en 1977, l’évaluation de la compétence des parents québécois se pose lorsque l’État intervient pour établir si la sécurité ou le développement d’un enfant est compromis et, le cas échéant, pour statuer sur la mesure à privilégier pour mettre fin à la situation de compromission. Avant 1977, les tribunaux évitaient autant que possible de s’immiscer dans la cellule familiale et, lorsque la doctrine du parens patriae1 le

permettait, l’intervention étatique se limitait à la seule approche judiciaire (Benoît et Pigeon, 1995; Gélinas et Knoppers, 1993; Joyal et Provost, 1993). Avec l’adoption de la LPJ, l’enfant est devenu sujet de droits et le législateur opte désormais pour une méthode d’intervention bipartite, qui combine les pratiques sociales et judiciaires. Dès 1985, Deleury et Cloutier affirmaient que l’entrée en vigueur de cette loi a eu comme corolaire la reconnaissance de l’expertise des sciences sociales dans l’intervention auprès des familles en difficulté et, implicitement, la mise en relief de l’impossibilité pour le champ judiciaire de répondre seul à la complexité des dynamiques relationnelles, familiales et sociales qui exigent une mesure de protection.

Encore aujourd’hui, la distribution des responsabilités des milieux social et judiciaire suscite des débats, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre les droits de l’enfant et ceux du parent (Moreau, Cabaret et Carignan, 2009; Ricard, 2013; Simard, 2000). À cet égard, il importe de souligner que la réforme de 2006, fondée sur la théorie de l’attachement, reconnait aux parents une place centrale dans le bien-être des enfants en contexte de protection de la jeunesse. Ainsi, l’article 4 de la LPJ énonce que « l’implication des parents doit toujours être favorisée dans la perspective de les amener et de les aider à exercer leurs responsabilités parentales ». En outre, l’article 8 de cette même loi donne des droits aux parents, dont le droit à la prestation de

1 « Règle qui permet à une cour, en l’absence de lois applicables à un litige, d’exercer ce pouvoir dévolu à un État de s’intéresser à la

garde et à l’éducation d’un enfant dont le bien-être physique ou moral est menacé, surtout lorsque ses père et mère ne sont pas en mesure d’y voir. » (Martin et Ulysse, 1984, p. 47)

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services sociaux, reconnaissant ainsi l’interdépendance des problèmes de l’enfant et ceux du parent (Demers, 2009). Lors de l’évaluation de la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant, le Directeur de la protection de la jeunesse doit privilégier, « lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui favorisent la participation active de l’enfant et de ses parents » (art. 51, LPJ). La nécessité d’impliquer les parents dans les mesures de protection est donc reconnue et, pour ce faire, le régime volontaire est jugé plus souhaitable sur le plan clinique (Lemay, 2005). Malgré tout, le cheminement judiciaire demeure un parcours répandu en contexte de protection de la jeunesse, et ce, notamment à l’étape de l’orientation (CJM-IU, 2014; Ricard, 2013). Depuis près de trente ans, la judiciarisation des situations de mauvais traitements envers les enfants suscite de nombreux questionnements et préoccupations (Bernheim, 2017; Carrier, Beaudoin, Lépine et Cloutier, 1996; Gouvernement du Québec, 2004; Lessard, 2002; Pleau, 2013; Tourigny, Trocmé, Hélie et Larivée, 2006). Certains auteurs soulignent que le passage devant les tribunaux entraine des tensions entre le milieu clinique et le milieu juridique, qui se distinguent par leurs valeurs, leurs pratiques et leurs normes éthiques et de confidentialité (Ellett et Steib, 2005; Haight, Marshall et Woolman, 2015; Kirst-Ashman, 2007; Johnson et Cahn, 1995; Maiter, Palmer et Manji, 2006; Orji, 2016).

Chez les intervenants sociaux, les sources de tension concernent la rigidité des règles de procédures, le recours à un mode de résolution de conflit fondé sur l’adversité et l’exigence qui leur incombe de faire la démonstration que les parents ne sont pas en mesure d’assurer la sécurité ou le développement de leur enfant. Pour les intervenants, le tribunal est vécu comme un lieu de remise en question de leur pratique professionnelle, laquelle est complexifiée par le fait que le lien de confiance avec les familles est généralement difficile à établir en contexte de protection (Ricard, 2013). Il en résulte que même s’ils reconnaissent les bénéfices associés à une intervention centrée sur les forces des parents et de leurs milieux, ils doivent placer l’accent sur les facteurs de risque en présence pour soutenir leur position selon laquelle la sécurité ou le développement de l’enfant est compromis (Kivnick, Jefferys et Heier, 2003). Ils doivent composer avec des exigences difficilement compatibles où s’opposent un rôle clinique qui implique l’accompagnement et l’aide à l’enfant et aux parents et un mandat légal qui les amène à témoigner contre les parents (Ricard, 2013). Le recours à la judiciarisation pose donc des contraintes importantes pour les intervenants du système de protection de la jeunesse, ce qui influence la nature même de leur travail (Ricard, 2013; Tourigny et al., 2006). Dans un contexte de protection de la jeunesse, l’évaluation de la situation-problème passe nécessairement par les catégories de motifs de protection établies par la Loi et l’intervention, par les modalités qui y sont fixées. Pour pouvoir mettre en action leurs habiletés en relation d’aide, les intervenants sociaux doivent développer une connaissance du système judiciaire afin d’en comprendre les règles et les exigences (Van Gijseghem, Joyal et Quéniart, 2004). La judiciarisation entraine une augmentation du temps que l’intervenant doit passer à préparer le dossier pour la cour et à participer aux

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différentes étapes du processus judiciaire, ce qui peut diminuer le temps accordé à la relation thérapeutique et au suivi psychosocial de la famille (Tourigny et al., 2006).

De leur côté, les juristes doivent également ajuster leur mandat dans un contexte de protection de la jeunesse, puisque la recherche du meilleur intérêt de l’enfant nécessite la mise en œuvre de pratiques qui ne misent pas uniquement sur une logique de confrontation afin de solutionner les litiges. Le rôle de l’avocat peut alors prendre différentes formes, ce dernier pouvant représenter le Directeur de la protection de la jeunesse, le parent, l’enfant ou un tiers. Dans tous les cas, il s’agit d’un rôle délicat, qui consiste à représenter son client tout en le conseillant pendant l’ensemble des procédures (Gouvernement du Québec, 2004). Pour leur part, les juges entrent en contact avec les dossiers judiciarisés après qu’un premier travail eut été fait par les intervenants sociaux, pour ensuite jouer de multiples rôles : « arbitre neutre », « protecteur de l’enfant » et « chien de garde de la protection de la vie privée des citoyens » (Ricard, 2013, p. 74). Ils doivent s’assurer de l’équilibre entre le besoin de protection de l’enfant et le cadre légal de l’intervention de l’État dans la sphère privée, conformément aux critères dictés par la Loi et la jurisprudence (Ricard, 2013), en restreignant les droits constitutionnels des parents seulement lorsque leurs comportements ne respectent pas « la norme minimale socialement acceptable2 ».

Ces divergences d’interprétations entre les milieux cliniques et judiciaires peuvent s’expliquer, du moins en partie, par les différents paradigmes qui sous-tendent la construction des savoirs cliniques et juridiques (Melton, Petrila, Poythress, Slobogin, Otto, Mossman et Condie, 2017; Kelly et Ramsay, 2007; Carson et Bull, 2003). À ce sujet, Nadeau, Denève, Alain et Piché (2008) soulignent que le processus judiciaire est axé sur la volonté d’établir avec précision les faits permettant de statuer sur le besoin de protection de l’enfant, alors que l’intervention sociale est centrée sur l’identification des mesures qui se révéleront adéquates pour assurer la sécurité et le développement de l’enfant.

Jusqu’à maintenant, les rares études qui ont cherché à établir un parallèle entre les perspectives sociale et judiciaire de la compétence parentale en contexte de protection de la jeunesse ont débouché sur des résultats discordants. L’étude de Bernheim et Lebeke (2014), sur l’issue des recours en protection de la jeunesse concernant les mères souffrant de troubles mentaux, révèle que les tribunaux acceptent quasi systématiquement les évaluations des différents experts (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux) au sujet des compétences parentales. Selon ces auteurs, les perspectives sociale et judiciaire de la compétence parentale convergeraient donc de façon importante. Ce même constat émerge de recherches menées en matière de garde d’enfant, où les tribunaux se conformeraient aux évaluations des experts dans 90 % des situations qui leur sont présentées (Kushner, 2003; Saini, 2008). En revanche, certains auteurs (Carson et Bull,

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2003; Kelly et Ramsay, 2007; Melton et al., 2017) soulignent des divergences entre les décisions des professionnels de la relation d’aide (psychologues, travailleurs sociaux) et celles des juristes (juges, avocats et étudiants en droit). Ces résultats suggèrent donc que l’évaluation de la compétence parentale prend une tournure différente selon qu’elle s’inscrit dans une perspective sociale ou judiciaire.

La compétence parentale comme objet de représentations sociales

La position des professionnels sur le concept de compétence parentale est le reflet de leurs valeurs, croyances et convictions, autant d’éléments qui traduisent leurs représentations sociales de la compétence parentale. Pour étudier la façon dont les intervenants sociaux et les juges la conçoivent, les représentations sociales offrent donc un cadre de référence intéressant.

Différentes disciplines, telles que la sociologie, la psychologie sociale, l’anthropologie et l’histoire, ont contribué à l’avancement des connaissances entourant le concept de représentation sociale. En raison de sa « position mixte au carrefour d’une série de concepts sociologiques et d’une série de concepts psychologiques » (Moscovici, 1976, p. 39), la notion de représentation sociale demeure difficile à définir. Selon Moliner, Rateau et Cohen-Scali (2002), le contenu d’une représentation sociale peut indifféremment être qualifié d’opinion, d’information ou de croyance3. Après avoir fait la distinction entre ces trois notions, ces auteurs affirment que

« la frontière est souvent floue entre le je pense, le je sais et le je crois » (Moliner et al., 2002, p. 12). Pour définir ce qu’est une représentation sociale, il est important de retenir qu’elle se présente concrètement comme « un ensemble d’éléments cognitifs (opinions, informations, croyances) relatifs à un objet social » (Moliner et al., 2002, p. 13). Moliner et al. (2002) associent quatre grandes caractéristiques à la représentation sociale en précisant qu’il s’agit : (a) d’un ensemble organisé, (b) partagé par des individus d’un même groupe social, (c) collectivement produit à travers les interactions sociales et (d) agissant comme un système de compréhension et d’interprétation de l’environnement social. Plus spécifiquement, Roussiau et Bonardi (2001, p. 19) la définissent comme une « organisation d’opinions socialement construites, relativement à un objet donné, résultant d’un ensemble de communications sociales, permettant de maitriser l’environnement et de se l’approprier en fonction d’éléments symboliques propres à son ou ses groupes d’appartenance ».

Si chaque aspect de la vie sociale est susceptible de donner lieu à une étude de représentation, certains phénomènes se prêtent mieux que d’autres à l’analyse, pour des raisons techniques ou théoriques. Moliner

3 Pour ces auteurs, les opinions relèvent du domaine de la prise de position, les informations, du domaine de la connaissance et les

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(1993, 1996) propose de prendre en considération cinq conditions afin qu’un objet puisse être étudié sous l’angle des représentations sociales :

- Les spécificités de l’objet, c’est-à-dire que ce n’est pas tant la nature de l’objet qui importe, mais son statut social. Pour Moliner (1993), cette spécificité renvoie au fait que l’objet doit être important pour les individus, en ce sens qu’il représente une menace ou que sa maitrise présente de l’intérêt. De leur côté, Flament et Rouquette (2003) parlent de la « saillance sociocognitive » de l’objet dans une culture et à un moment donné. Cette caractéristique fait référence au fait que l’objet doit s’apparenter à un concept, c’est-à-dire qu’il doit être suffisamment abstrait ou générique. C’est le cas de la compétence parentale.

- Les caractéristiques du groupe générant des représentations sociales sont un autre facteur permettant la construction représentationnelle. L’étude d’une représentation dans un groupe donné nécessite que l’objet de recherche ait une présence thématique récurrente dans les communications — directement ou indirectement — entre les membres du groupe (Flament et Rouquette, 2003; Moliner, 1993). La compétence parentale est un objet ayant une présence récurrente dans les pratiques en protection de la jeunesse, et ce, tant chez les intervenants sociaux que chez les juges.

- L’objet de représentation doit être porteur d’un enjeu (Moliner et al., 2002) et cet enjeu se dévoile dans l’interaction du groupe avec d’autres groupes, ce qui amène Moliner (1993, 1996) à dire qu’un objet de représentation est toujours inséré dans une dynamique sociale. Si l’on reprend ici l’exemple de la compétence parentale, il est évident que cet objet de représentation sociale est associé à des enjeux importants dans la pratique en protection de la jeunesse, car il met en cause, d’une certaine façon, le pouvoir relatif de chaque groupe d’acteurs (intervenants sociaux et juges) dans la détermination de ce qui constitue une situation qui peut mettre la sécurité ou le développement de l’enfant en danger. - Les processus qui président à l’élaboration des représentations sociales ne peuvent, selon Moliner

(1993, 1996), être mis en œuvre dans un système de contrôle orthodoxe des pensées. Dans un système orthodoxe, un groupe est soumis à des instances régulatrices qui fournissent un « prêt-à-penser » et qui épargnent aux individus toute incertitude. Moliner et al. (2002) affirment, par exemple, qu’il est difficile de penser qu’il existe une représentation sociale de la loi chez les juges. Lorsqu’il est question de compétence parentale, aucun consensus théorique n’émerge en ce qui concerne la jurisprudence ou les écrits doctrinaux, ce qui rend son évaluation hautement subjective (Bernheim, 2017).

Dans un contexte de protection de la jeunesse, la compétence parentale est une notion centrale afin de déterminer si la sécurité ou le développement d’un enfant est compromis, notamment parce que c’est sur la base de l’appréciation de cette compétence que s’appuie l’évaluation de la capacité des parents de répondre

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aux besoins de leur enfant. Dans le cadre de l’application de la LPJ, cette appréciation basée sur les représentations de la compétence parentale constitue un enjeu majeur dans les rapports entre les intervenants sociaux et les juges (Azar et al., 1998; Leschied, Chiodo, Whitehead, Hurley et Marshall, 2003).

Objectifs poursuivis

Parce qu’elles s’enracinent dans des temps, des lieux, des groupes et des personnes, les représentations sociales sont susceptibles d’être particulièrement influencées par l’appartenance professionnelle. En contexte de protection de la jeunesse, dans quelle mesure les représentations sociales de la compétence parentale sont-elles convergentes ou divergentes dans les perspectives sociale et judiciaire ? Quels critères ces deux groupes d’acteurs utilisent-ils pour déterminer si une personne est compétente ou non dans son rôle de parent ? Quels facteurs invoquent-ils pour évaluer la compétence parentale ? Ces questions sont importantes dans la pratique en protection de la jeunesse en raison du caractère déterminant pour l’enfant de l’évaluation qui est faite de la compétence parentale de ses parents.

La présente recherche doctorale s’inscrit dans ces questionnements. S’appuyant sur une démarche qualitative, elle vise à identifier les représentations sociales de la compétence parentale chez les intervenants sociaux et les juges. Plus spécifiquement, elle poursuit les trois objectifs suivants :

(a) Documenter le contenu des représentations sociales de la compétence parentale, soit l’information, les images et les attitudes, chez des intervenants sociaux et des juges qui œuvrent en contexte de protection de la jeunesse;

(b) Identifier les convergences et les divergences entre les représentations sociales des deux groupes d’acteurs;

(c) Explorer les facteurs invoqués par ces acteurs pour porter un jugement sur la compétence parentale.

Exposé de la méthodologie privilégiée

Cette section vise à apporter des précisions supplémentaires concernant la méthodologie de recherche utilisée dans le cadre de la thèse. Des informations concernant la population et l’échantillon à l’étude, ainsi que les techniques et les outils de collecte et d’analyse de données utilisés sont aussi fournies. Enfin, les mesures prises pour s’assurer de la qualité scientifique de l’étude sont présentées, de même que les considérations éthiques entourant la réalisation de l’étude.

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La perspective de recherche

Cette recherche est de type descriptive interprétative (Sandelowski, 2010; Thorne, 2008), puisque les connaissances comparant les représentations sociales des intervenants sociaux et des juges sont presque inexistantes en contexte de protection de l’enfance, encore plus lorsque l’objet représentationnel est la compétence parentale. La recherche descriptive interprétative est pertinente en lien avec l’objet d’étude, puisqu’elle vise à décrire un phénomène, ses propriétés, ses composantes et ses variations, à l’expliquer et à rendre compte de sa signification (Thorne, 2008). En abordant la compétence parentale en tant qu’objet socialement construit, la présente thèse s’inscrit dans le paradigme interprétatif, aussi qualifié de constructiviste. Contrairement au paradigme positiviste, centré sur l’objectivité et la déduction, le paradigme interprétatif réfère plutôt à la subjectivité et l’induction (Cohen et Crabtree, 2006; Gohier, 2004). Selon ce paradigme, la réalité doit être conçue en étroite relation avec le sujet qui l’examine, en reconnaissant la subjectivité du chercheur dans le processus de recherche (Pourtois et Desmet 1988; Schwandt, 1994).

La recherche qualitative est proposée, car elle permet d’avoir une vision plus globale de la réalité sociale et d’en comprendre le sens (Deslauriers, 1991; Fortin, 2006; Paillé, 2006). En raison de sa flexibilité et de sa souplesse, la recherche qualitative soutient la découverte de phénomènes nouveaux, de même que l’exploration de phénomènes complexes et mouvants (Deslauriers, 1991; Fortin, 2006). Privilégiée par de nombreux chercheurs qui s’intéressent aux représentations sociales, la recherche qualitative permet de faire ressortir des descriptions et des explications se rapportant « au fonctionnement des systèmes sociaux, aux perceptions des individus et à la manière dont ceux-ci interprètent leur propre comportement ou celui des autres » (Fortin, 2006, p. 26). Dans le cadre de cette thèse, elle permet de faire émerger des convergences et des divergences dans les représentations sociales de la compétence parentale chez les intervenants sociaux et les juges qui œuvrent en contexte de protection de la jeunesse.

La population et l’échantillon à l’étude

Au Québec, au cours de l’année 2008-2009, 69 705 signalements ont été reçus par les centres jeunesse, dont 43,1 % ont été retenus pour évaluation. De ces signalements retenus, 36,8 % l’ont été pour négligence ou risque sérieux de négligence (Association des centres jeunesse du Québec [ACJQ], 2009). Plus spécifiquement, au Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire (CJQ-IU), 6 567 signalements ont été reçus et 2 496 (39 %) ont été retenus pour évaluation. De ce nombre, 914 (36,6 %) ont débouché sur une décision à l’effet que la sécurité ou le développement de l’enfant était compromis. Un peu plus de la moitié (494 dossiers) ont été judiciarisés, dont 143 concernaient des situations de négligence ou de risque sérieux de négligence (CIUSSS de la Capitale-Nationale, 2019).

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Une exploration préliminaire d’une vingtaine de ces dossiers (10 pour négligence et 12 pour risque sérieux de négligence) a révélé peu de différences dans l’évaluation de la compétence parentale selon le motif de signalement. Les situations de risque sérieux de négligence ont donc été abandonnées et la collecte des données a été centrée sur les situations judiciarisées pour négligence, ce qui correspondait à 52 dossiers pour l’année 2008-2009. La décision de centrer la collecte des données sur les situations signalées pour négligence reposait sur le postulat que c’est dans ces situations que les représentations sociales de la compétence parentale risquent d’avoir le plus d’influence sur les décisions et les pratiques des intervenants sociaux et des juges. En effet, l’évaluation des situations de négligence a un caractère plus arbitraire que d’autres types de mauvais traitements, dont les abus sexuels et physiques, qui sont généralement considérés comme des actes criminels devant entrainer des poursuites criminelles (Gouvernement du Québec, 2001; Tourigny et al., 2006). Dans ces situations, il semble plus facile de statuer sur la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant.

Sur les 52 dossiers retenus, deux n’ont pas pu être consultés pour des raisons administratives. L’échantillon à l’étude est donc formé de 50 dossiers. Il s’agit d’une population relativement homogène au sein de laquelle nous avons privilégié une stratégie de contraste-saturation (Pires, 1997) afin de couvrir les différentes situations possibles. Ainsi, les cas retenus se distinguent par les critères suivants : l’âge et le sexe de l’enfant signalé, le motif de négligence invoqué, ainsi que la structure de la famille au sein de laquelle vit l’enfant. Pour cerner les représentations sociales, nous avons examiné la position de deux groupes d’acteurs, les intervenants sociaux et les juges, à partir de leurs écrits : les rapports d’évaluation pour les premiers, les jugements pour les seconds. Les recherches sur les représentations sociales s’intéressent souvent à la comparaison entre le point de vue des individus provenant de différentes catégories sociales (Pires, 1997), comme c’est le cas dans la présente étude. Pour chacun de ces dossiers, une analyse documentaire du jugement de la Chambre de la jeunesse et des rapports d’évaluation et d’orientation rédigés par un intervenant social a été réalisée.

L’échantillon présente une répartition relativement similaire de filles (n=23) et de garçons (n=27), de même que d’enfants âgés de zéro à cinq ans (n=24) et de six à 13 ans (n=26). La garde légale incombe à la mère dans plus de la moitié des cas (n=28), aux parents qui vivent ensemble dans 16 cas ou au père dans 6 cas. Le tableau 1 fait une synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et à sa famille dans les 50 dossiers analysés.

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Tableau 1 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et sa famille (n=50)

Caractéristiques n %

Sexe de l’enfant signalé - Masculin - Féminin 27 23 54 46 Groupe d’âge de l’enfant signalé

- 0-5 ans - 6-13 ans 24 26 48 52 Pays d’origine de la mère

- Canada - Autre 46 4 92 8 Langue parlée à la maison

- Français 50 100

Garde légale - Mère - Père

- Parents (vivent ensemble)

28 6 16 56 12 32 Nombre d’enfants dans la famille

- 1 - 2 - 3 - 4 12 20 11 7 24 40 22 14 En ce qui concerne les caractéristiques du signalement, 50 % sont faits au motif principal de négligence sur le plan éducatif4, alors que les autres situations concernent de la négligence physique5 (42 %) ou sur le plan de la

santé6 (8 %). L’historique de services révèle qu’un signalement a été fait antérieurement pour un enfant de la

famille (le même ou un autre) dans 78 % des situations et que, pour 68 % des dossiers, une intervention a été réalisée par la DPJ dans le passé. Finalement, dans 26 % des dossiers, l’enfant signalé avait déjà été retiré de son milieu familial auparavant. Le tableau 2 fait une synthèse de ces informations.

4 LPJ, art. 38b1iii. 5 LPJ, art. 38b1i. 6 LPJ, art. 38b1ii.

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Tableau 2 : Synthèse des caractéristiques liées au signalement et à l’historique des services (n=50)

Caractéristiques n %

Alinéa principal

- Négligence physique (38b1i)

- Négligence sur le plan de la santé (38b1ii) - Négligence sur le plan éducatif (38b1iii)

21 4 25 42 8 50 Signalement antérieur dans le milieu familial

- Oui - Non 39 11 78 22 Intervention antérieure de la DPJ (sécurité ou développement compromis)

- Oui - Non 34 16 68 32 Retrait antérieur de l’enfant de son milieu familial

- Oui - Non 13 37 26 74

La collecte des données

Moliner et al. (2002) soulignent l’intérêt des documents institutionnels afin d’étudier les représentations sociales. Ces documents réfèrent à tout texte produit par des organismes publics ou privés, comme les dossiers cliniques ou les jugements. Cette pratique a d’ailleurs été utilisée par Bonte et Cohen-Scali (1998) dans leur étude sur les représentations des pratiques de placement d’enfants. Elles ont pu documenter les représentations à partir de l’évolution des rapports rédigés par les travailleurs sociaux sur les enfants ou les adolescents qui avaient été retirés de leur famille. Cette analyse s’est révélée très pertinente afin de cerner les univers psychosociaux des professionnels.

Dans le cadre de la présente thèse, l’analyse de dossiers cliniques et de jugements a été privilégiée. Plusieurs documents consignés dans les dossiers ont été utilisés. D’abord, l’identification de l’usager (information descriptive sur l’enfant et sa famille) et le contenu du signalement (faits rapportés par le signalant aux services de réception et de traitement des signalements [RTS]) ont permis de décrire les situations à l’origine de la référence à la protection de la jeunesse et les principales caractéristiques des enfants et de leur famille. Les rapports d’évaluation des intervenants sociaux (perspective sociale) et les jugements rendus par la Chambre de la jeunesse (perspective judiciaire) ont également été analysés. À la suite d’une consultation préalable, ces documents ont semblé contenir l’information pertinente au regard des objectifs de la recherche.

Le travail de collecte de données dans les dossiers et les jugements a nécessité un temps considérable, puisque les informations ont dû être extraites du dossier physique (comprenant le rapport d’évaluation et le jugement de

Figure

Tableau 1 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et sa famille (n=50)
Tableau 2 : Synthèse des caractéristiques liées au signalement et à l’historique des services (n=50)
Tableau 3 : Principales dimensions incorporées dans la grille d’analyse des dossiers et des jugements  Dimensions  Contenu des  représentations  sociales de la  compétence  parentale
Tableau 4 : Synthèse des caractéristiques relatives à l’enfant signalé et sa famille (n=50)
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