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"Porte tournante" à l'urgence et usagers fréquents rencontrant des problèmes de santé mentale : la perspective des proches

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Academic year: 2021

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© Sarah Pelletier-De Rico, 2020

"Porte tournante" à l'urgence et usagers fréquents

rencontrant des problèmes de santé mentale: la

perspective des proches

Mémoire

Sarah Pelletier-De Rico

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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« Porte tournante » à l’urgence et usagers fréquents

rencontrant des problèmes de santé mentale : la

perspective des proches

Mémoire

Sarah Pelletier-De Rico

Sous la direction de :

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Résumé

Le phénomène de la « porte tournante » dans les services d’urgence préoccupe nombre de gestionnaires et le grand public, mais surtout les usagers et leur famille. Plusieurs études s’attardent à décrire les caractéristiques de ces usagers qui consultent fréquemment dans les urgences. Étant donné que la santé mentale en est un enjeu important, ce mémoire s’intéresse aux usagers fréquents des urgences présentant des problèmes de santé mentale et donne la parole aux proches de ceux-ci. Cette étude exploratoire vise à répondre aux deux questions suivantes : quelles sont les vulnérabilités psychosociales des usagers fréquents des urgences selon leurs proches et quel regard ces derniers posent-ils sur cette situation. Afin de répondre à ces questions, huit entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès de proches d’usagers fréquents présentant des troubles de santé mentale de la région de Québec. Les vulnérabilités psychosociales des usagers dont nous ont parlé les proches concernent principalement des difficultés socio-économiques, l’isolement social, ainsi qu’une santé précaire. Des patterns de consultation similaires permettent de mettre en lumière trois cas de figure chez les usagers examinés dans le cadre de cette recherche : les personnes âgées qui consultent pour des conditions liées au vieillissement ; les usagers qui se présentent pour des épisodes de crise en lien avec leurs troubles de santé mentale ; les individus qui fréquentent l’urgence pour des malaises physiques divers. Quant au regard des proches, les résultats concernent diverses difficultés rencontrées à naviguer dans le système de santé. Les proches interrogés se disent préoccupés par la situation des usagers et ont à cœur de s’impliquer, acceptant souvent de pallier le manque de services et de ressources. Ce mémoire vient appuyer le fait que les usagers fréquents ne peuvent être considérés comme une population homogène et qu’il est nécessaire de leur offrir des soins et services qui répondent à leurs besoins spécifiques ainsi qu'à ceux de leurs proches.

Mots clés : porte tournante ; usagers fréquents ; service d’urgence ; santé mentale ;

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Abstract

The "revolving door" phenomenon in emergency departments (ED) is preoccupying for many managers and the general public but especially for users themselves and their families. A number of studies have described the characteristics of these frequent users. Knowing that mental health is an important issue for many of them, this research takes a look at frequent users living with mental health issues and gives a voice to their families. This exploratory study seeks to answer two questions: what are the psychosocial vulnerabilities of ED’s frequent users according to their families and what are these families' perspectives on this subject. To answer these questions, eight semi-structured interviews were conducted with family members of frequent users living with mental health issues. Psychosocial vulnerabilities mentioned by family members were mainly regarding socio-economic difficulties, social isolation as well as precarious health. Three main patterns were also highlighted among the users examined in this research: elderly people visiting ED for motives due to aging; users consulting for crises related to their mental health troubles and people visiting the ED for a variety of physical complaints. Concerning the perspective of family members, results mainly show a variety of difficulties encountered trying to navigate through the health care system. Family members expressed being concerned with the users' situations and their willingness to help the users especially in a context of a lack of services and resources. This research supports the idea that frequent users should not be considered a homogeneous group and that it is necessary to offer them and their caregivers services adapted to their specific needs. Keywords : revolving door; emergency department; frequent users; mental health; family; vulnerabilities; social support.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vi

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 - Problématique ... 3

Recherche documentaire ... 3

Le phénomène de la « porte tournante »... 3

Profil des usagers fréquents ... 4

Différents types d’usagers fréquents ... 9

Santé mentale et usagers fréquents des urgences ... 10

Entourage de personnes rencontrant des problèmes de santé mentale ... 12

Offre de services en santé mentale ... 15

Limites des études... 17

Chapitre 2 – Cadre conceptuel ... 20

Chapitre 3 – Méthodologie ... 24

Approche privilégiée ... 24

Type de recherche... 24

Population et échantillonnage ... 25

Tableau d’opérationnalisation ... 25

Mode de collecte de données ... 26

Instrument ... 26

Analyse des données ... 27

Considérations éthiques ... 28

Chapitre 4 – Résultats ... 29

Informations sur les répondants ... 29

Vulnérabilités psychosociales des usagers fréquents ... 30

Dimension socio-démographique ... 30

Dimension santé ... 32

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Dimension utilisation des services (autres que l’urgence)... 42

Patterns d’utilisation de l’urgence ... 46

Données générales ... 46

Situations fréquentes relatées par les proches ... 47

Regard des proches ... 55

Vécu par rapport à la santé mentale de l’usager ... 55

Opinions quant aux consultations fréquentes ... 58

Critiques quant aux services d’urgence ... 62

Chapitre 5 – Discussion ... 69

Vulnérabilités psychosociales des usagers fréquents ... 69

Convergences ... 69

Divergences ... 71

Patterns d’utilisation de l’urgence ... 72

Fréquence d’utilisation variable ... 73

Trois cas de figure ... 73

Regard des proches ... 75

Critiques face au réseau ... 76

Pistes de solution ... 78

Accueil et attitude du personnel ... 78

Identification des usagers et case management ... 79

Favoriser la participation sociale ... 79

Ressources pour les usagers et les proches ... 80

Conclusion ... 81

Références ... 83

Annexe A – Guide d’entrevue ... 88

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

CÉRUL : Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval CIUSSS : Centre intégré universitaire de Santé et Services sociaux CLSC : Centre local de services communautaires

CRDQ : Centre de réadaptation en dépendance de Québec CSBE : Commissaire à la santé et au bien-être

FFAPAMM : Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale

GASMA : Guichet d’accès en santé mentale adulte ICIS : Institut canadien d’information sur la santé INSPQ : Institut national de santé publique du Québec IUSMQ : Institut universitaire en santé mentale de Québec MSSS : Ministère de la Santé et des Services sociaux OMS: Organisation mondiale de la santé

PASM : Plan d’action en santé mentale

PECH : Programme d’encadrement clinique et d’hébergement SILAR : Service intégré de liaison, d’accompagnement et de relance UMF : Unité de médecine familiale

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Pour Rachel,

à qui je souhaite de réaliser ses rêves

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Remerciements

Bien que la rédaction d’un mémoire s’avère un acte plutôt solitaire, un tel projet de recherche ne pourrait se réaliser sans l’appui et la participation de plusieurs personnes qui ont été présentes pour moi dans les dernières années.

Dans un premier temps, je tiens à remercier mon directeur de mémoire, monsieur Patrick Villeneuve, sans qui je n’aurais pu concrétiser ce projet. Au cours de ces années, il a su m’accompagner dans mon projet de recherche tout en respectant mon rythme. Son soutien, la justesse de ses commentaires ainsi que ses suggestions m’ont permis d’avancer dans les méandres de cette démarche.

Mes remerciements vont également aux organismes La Boussole (Mme Hélène Lévesque) et Le Cercle polaire (Mme Marie-Ève Leblond) pour leur enthousiasme devant ce projet de recherche ainsi que leur appui dans le recrutement de participants. À toutes les participantes qui ont généreusement accepté de m’ouvrir leur cœur et de me parler de leur proche, je les remercie infiniment de la confiance accordée et du temps consenti à témoigner de leurs expériences.

Également, je ne saurais passer sous silence les encouragements de ma famille et de mes amis. Je pense spécialement à mes parents, Jacqueline et Jean, à qui je présente avec fierté l’accomplissement de ces années d’études. Je remercie mon conjoint David, avec qui les échanges ont enrichi ma réflexion et ma rédaction. Pendant toutes ces années, il m’a appuyée, tant dans ce projet de mémoire que dans nos projets de vie. À toutes celles et ceux que je ne nomme pas mais qui m’ont encouragée dans la réalisation de ce mémoire, merci pour votre écoute et surtout votre patience!

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Introduction

Dans les services de santé, le phénomène de la « porte tournante » est constaté par nombre de professionnels et de gestionnaires. Ce phénomène, mesuré par le nombre de consultations récurrentes sur une période donnée pour un seul individu, est particulièrement observable dans les services d’urgence. Les individus identifiés comme « usagers fréquents » constituent une grande part des visites enregistrées annuellement même s’ils ne représentent qu’une faible proportion de patients. Bien qu’il n’existe pas une définition unique de ce que constitue un « usage fréquent » des urgences, la plupart des études l’associent à un minimum de quatre visites annuellement. Aux États-Unis, des recherches ont estimé qu’entre 4,5 et 8 % des patients effectueraient, sur une base annuelle, entre 21 et 28% des visites dans les urgences (LaCalle & Rabin, 2010). La région de Québec connait également ce phénomène alors qu’en 2008-2009 par exemple, environ 1500 patients ont effectué au moins 10 visites annuellement, pour un total de plus de 20000 visites dans les urgences (CIUSSS, 2015). Il s’agit d’un important enjeu pour les pays industrialisés, et notamment au Québec comme le démontre l’intérêt scientifique et médiatique sur la question.

Par conséquent, intervenants, chercheurs et gestionnaires des services de santé se sont intéressés à cette clientèle, suggérant nombre d’alternatives possibles à entreprendre pour réduire la fréquence de ces visites. Toutefois, pour proposer des initiatives qui puissent répondre à leurs besoins, encore faut-il connaître qui sont ces usagers fréquents. Ainsi, la littérature tend à montrer que ceux-ci présentent des caractéristiques similaires concernant un état de santé précaire, une plus forte prévalence de maladies mentales et d’histoires d’abus de substance, ainsi que davantage de problématiques sociales telles qu’un faible revenu, un réseau social limité, des conditions de logement inadéquates, etc. (Bieler et al., 2012; Bodenmann et al., 2015; Byrne et al., 2003; Hunt, Weber, Showstack, Colby, & Callaham, 2006). Au-delà des malaises physiques qui sont souvent la source des plaintes conduisant ces individus aux urgences, il semblerait que la clientèle des usagers fréquents présente dans une plus forte proportion des problématiques liées à la santé mentale et à la consommation de substances, et ce même s’il ne s’agit pas, initialement, du motif invoqué lors de l'arrivée dans le service (Doupe et al., 2012; Vu et al., 2015). Dans une étude récente menée aux États-Unis, 58% des usagers fréquents interrogés affirmaient avoir déjà connu des épisodes de dépression (Birmingham, Cochran, Frey, Stiffler, & Wilber, 2017).

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La santé mentale est donc un enjeu clé pour la prise en compte du phénomène de la « porte tournante ». Toutefois, bien que la réalité des urgences au Québec montre que bon nombre d’usagers fréquents connaissent des difficultés de cette nature, il s’agit d’une problématique peu étudiée de manière rigoureuse dans ce contexte. De plus, le vécu des proches de ces usagers fréquents n’a pas encore attiré suffisamment l’attention des chercheurs.

Dans l’optique d’amorcer une réflexion sur cette problématique, nous posons donc, dans le cadre de ce mémoire, les deux questions de recherche suivantes :

1- Selon les proches d'usagers fréquents des urgences de la région de Québec présentant des problèmes de santé mentale, quelles sont les principales vulnérabilités psychosociales de ces usagers ?

2- Quel regard ces proches portent-ils sur le phénomène des consultations fréquentes à l'urgence ?

Afin de répondre à ces questions, nous examinerons plus précisément les dimensions de la vulnérabilité telles qu’identifiées dans le cadre conceptuel élaboré par Bodenmann et al. (2015), soit : socio-démographique, maladie physique, santé mentale, comportements à risque et utilisation des services de santé. La population étudiée sera constituée des proches d’usagers fréquents de la région métropolitaine de Québec présentant des problèmes de santé mentale.

Dans un premier temps, nous examinerons la problématique à l’étude en dressant un portrait du phénomène de la « porte tournante » dans les urgences des centres hospitaliers. Nous aborderons plus spécifiquement cette réalité dans l’optique de la santé mentale tout en s’intéressant aux expériences des proches.Au regard des connaissances actuelles sur le sujet, nous expliquerons la pertinence d’un tel projet de recherche. Dans un deuxième temps, la description du cadre conceptuel présentera les concepts et dimensions de la vulnérabilité qui seront explorés dans ce mémoire et qui constitueront la base des guides d’entrevues. Ensuite, nous décrirons la méthodologie utilisée pour la collecte et l’analyse des données. Finalement, les dernières sections de ce mémoire exposeront les résultats dégagés de cette recherche en plus d’amorcer une discussion sur l’implication de ceux-ci pour l’avancement des connaissances dans le domaine, tout en présentant quelques pistes de solution.

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Chapitre 1 - Problématique

Le phénomène de la « porte tournante » découle en partie du mouvement de désinstitutionnalisation vécu dans la majorité des pays occidentaux (Castro, Bahadori, Tortelli, Ailam, & Skurnik, 2007). Dans le domaine de la santé, ce concept réfère à un processus cyclique où un individu ayant reçu des soins dans un service s’y représente dans un court délai afin d’y consulter à nouveau (Castro et al., 2007; Garrido & Saraiva, 2011). C’est d’abord dans les années ’70, aux États-Unis, qu’est apparue l’expression de syndrome de la « porte tournante » en référence aux hospitalisations à répétition, particulièrement dans le cas de patients atteints de schizophrénie (Castro et al., 2007). Il s’agit donc d’un terme issu du domaine de la psychiatrie, mais qui en l’absence de définition univoque sur ce qu’il comprend, peut être utilisé pour décrire plusieurs situations. La notion de « porte tournante » dans cette recherche fait référence à la fréquence d’utilisation de l’urgence par un individu, quelle que soit la raison de sa consultation ou son diagnostic.

Recherche documentaire

La recension que nous avons effectuée a utilisé des mots clés tels emergency, frequent*, patient*, user*, social*, "revolving door", frequent* use*, vulnerabilit*, famil*, care giv*, proche, autant en anglais qu’en français, dans les bases de données PsycINFO, SocIndex, Scopus, Ovid, PubMed et Erudit, ce qui a permis d’identifier près de 150 articles pertinents au sujet à l’étude. L’examen de ceux-ci a contribué, dans un premier temps, à obtenir un portrait initial de la littérature disponible sur le sujet. Certaines revues de littérature et méta-analyses ont de plus contribué à cette réflexion, tout comme une méthode boule de neige pour recenser des articles pertinents inscrits en référence. La recherche de documents québécois tels les énoncés de politique et autres écrits pertinents au sujet à l’étude a été possible par le biais de Google. De plus, lors d’entretiens préparatoires auprès d’informateurs clés sur la thématique des usagers fréquents, des références et documents ont été obtenus afin de compléter la recension des écrits préalablement réalisée. Ces informations ont été grandement appréciables puisqu’elles constituaient souvent des ressources internes non-publiées.

Le phénomène de la « porte tournante »

Dans la littérature, bien qu’il n’existe pas une seule définition faisant consensus concernant ce que signifie une utilisation fréquente du service d’urgence, celle-ci est étroitement liée au nombre de visites effectuées par un individu au cours d’une même année. Si, pour certains

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auteurs, ce nombre minimum de visites varie entre deux et douze (LaCalle & Rabin, 2010), il est plus commun d’observer des études qui identifient les usagers fréquents à partir de 4 visites annuelles (Bieler et al., 2012; ICIS, 2017). Pour le programme Alliance actuellement en vigueur dans la région de la Capitale-Nationale, un usager est considéré être un grand consommateur de service lorsqu’il effectue un minimum de cinq visites à l’urgence, durant une période de six mois. Une fois ces usagers identifiés, le programme Alliance propose une prise en charge individualisée aux grands utilisateurs qui acceptent d’y adhérer volontairement (Dery-Enguersi et Lafrance, 2012). Depuis ses débuts en 2010, ce sont plus de 1100 personnes qui se sont prévalues de ce service dans la région de la Capitale-Nationale (Bélanger, 2015). Toutefois, le nombre d’usagers fréquents dans la région est largement supérieur à cela puisque près du tiers (i.e. en moyenne 29%) des usagers identifiés comme grands utilisateurs refusent de participer à ce programme (Bélanger, 2015).

Selon la définition de LaCalle & Rabin (2010), mentionnée plus haut, les usagers fréquents représentent aux États-Unis entre 4,5% et 8% des patients de l’urgence mais effectuent, sur une base annuelle, de 21 à 28% des visites dans ces services. Les chiffres avancés par Bieler et al. (2012) sur l’utilisation d’une urgence en Suisse révèlent que 4,4% des usagers peuvent être considérés comme fréquents et qu’ils ont effectué 12,5% des visites dans le service pour l’année 2008-2009. Dans la région de la Capitale-Nationale, l’Agence de la Santé et des Services sociaux a identifié que 0,2% de la population (soit environ 1500 usagers) ont effectué au moins dix visites pendant l’année 2008-2009, ce qui représentait près de 20 000 visites dans les urgences de la région (CIUSSS, 2015). En 2014, dans son rapport sur les urgences, la Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE) distinguait les séjours à l’urgence sur civière et à l’ambulatoire pour les usagers y ayant effectué un minimum de quatre visites dans l’année. Sur civière, ils ne représentaient que 3% des usagers mais comptabilisaient 16% des heures dans le service, tandis qu’à l’ambulatoire ils n’étaient que 5% des usagers pour une présence totalisant 19% des heures (CSBE, 2014, pp.17-18). De récentes données canadiennes indiquent quant à elles que 9,2% des utilisateurs de l’urgence représentaient jusqu’à 30,6% des visites annuelles en 2017-2018 (ICIS, 2018).

Profil des usagers fréquents

La très forte majorité des études sur les usagers fréquents des urgences s’intéressent aux caractéristiques physiques et médicales de ces derniers, l’âge et le sexe étant des variables habituellement évoquées. Si certaines affirment que les usagers fréquents ont une moyenne

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d’âge plus élevée (Doupe et al., 2012; Locker, Baston, Mason, & Nicholl, 2007), la recension d’études effectuée par LaCalle et Rabin (2010) montre cependant une tendance bimodale : le risque d’utilisation fréquente de l’urgence est plus marqué chez les 25-44 ans et chez les 65 ans et plus. Au Canada, les données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS, 2018) suggèrent que plus les usagers avancent en âge, plus ils représentent un volume important des visites effectuées dans les urgences des provinces et territoires étudiés. Les résultats de Billings et Raven (2013) montrent néanmoins qu’il n’existe pas de différences significatives entre la moyenne d’âge et le sexe des usagers fréquents ou occasionnels des urgences, sauf pour les usagers qui comptabilisent plus de dix visites annuellement, lesquels seraient plus susceptibles d’être des hommes en âge avancé.

Bon nombre d’études comparent les pathologies des usagers fréquents avec celles des utilisateurs occasionnels des services d’urgence (Bieler et al., 2012; Billings & Raven, 2013; Byrne et al., 2003; Vu et al., 2015). Cela permet de dégager certaines pistes d’explication sur les besoins de cette population. À la lumière des résultats, plusieurs auteurs constatent que les usagers fréquents de l’urgence sont en moins bonne santé que les utilisateurs occasionnels (Bieler et al., 2012; Billings & Raven, 2013; Byrne et al., 2003). De même, LaCalle et Rabin (2010) sont d’avis que les usagers fréquents présentent des maladies plus aiguës, sont davantage susceptibles d’arriver en ambulance à l’urgence et ont une plus forte mortalité associée à une visite dans ce service. Des 25 études qu’ils ont recensées, ils observent que l’exacerbation de maladies chroniques telles l’insuffisance rénale, l’asthme, l’anémie et les maladies pulmonaires obstructives chroniques est une raison régulièrement évoquée par les usagers fréquents pour se présenter à l’urgence (LaCalle & Rabin, 2010). Toutefois, il arrive que les raisons de consultation exprimées par les usagers fréquents varient d’une visite à l’autre, ce qui permet à certains auteurs d’affirmer que ces utilisateurs présentent plusieurs pathologies complexes (LaCalle & Rabin, 2010).

Pour Bieler et al. (2012), la vulnérabilité médicale des usagers fréquents se caractérise par certains facteurs de risque tels le recours à plus de cinq spécialités cliniques par an ainsi qu’un minimum de six hospitalisations liées à des plaintes somatiques ou une hospitalisation en psychiatrie par année. Le lien entre ces facteurs et la vulnérabilité médicale n’est certes pas anodin puisque plusieurs auteurs ont aussi observé que les usagers fréquents de l’urgence cumulent davantage de risque d’être hospitalisés; jusqu’à trois fois plus que les usagers occasionnels (LaCalle & Rabin, 2010; Sun, Burstin, & Brennan, 2003). Néanmoins, LaCalle et

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Rabin (2010) observent la tendance inverse quant aux usagers très fréquents, c’est-à-dire ceux qui effectuent un minimum de 20 visites annuellement, et pour lesquels les taux d’admission sont inférieurs. Dans l’étude de Billings et Raven (2013), les chiffres démontrent une tendance claire : la corrélation positive entre le nombre de visites à l’urgence et la proportion de maladies chroniques et de troubles mentaux des usagers, aussi démontrée par Hunt et al. (2006). Bieler et al. (2012) affirment d’ailleurs que les usagers fréquents des urgences nécessitent un plus haut niveau de services et de soins, ce que corroborent les constats de la recension de LaCalle et Rabin (2010) dans laquelle les auteurs évoquent le consensus des études quant à la déconstruction du mythe voulant que ces usagers fassent une utilisation inadéquate de l’urgence (Billings & Raven, 2013). Maintes études ont de plus démontré que les usagers fréquents présentent une forte tendance à consulter dans d’autres services de santé que les urgences (Billings & Raven, 2013; Byrne et al., 2003; Sun et al., 2003), ou encore dans plus d’un service d’urgence d’une même agglomération (LaCalle & Rabin, 2010).

En ce qui a trait à la situation économique de ces usagers, la Kaiser Family Foundation avance, à la suite d’un sondage mené à la grandeur des États-Unis, que 27% des individus considérés comme de grands utilisateurs des urgences vivraient sous le seuil de la pauvreté comparativement à 16% des usagers moins fréquents (Peppe et al., 2007, p.10). De même, Doupe et al. (2012) notent une différence marquée entre les revenus des usagers fréquents ou non des urgences au Manitoba, alors que 57% des usagers y cumulant plus de 18 visites annuellement résideraient dans des secteurs à faible revenu. Corroborant ces constats, l’étude de Hunt et al. (2006) démontre que les personnes issues de ménages dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté seraient plus susceptibles de devenir des usagers fréquents des urgences. En 2001, Olsson et Hansagi interrogent dix usagers fréquents des urgences en Suède qui se déclarent tous en marge ou en-dehors du marché du travail (Olsson & Hansagi, 2001). Il semble donc qu’une possible vulnérabilité économique soit à considérer quant à la situation des usagers fréquents dans les urgences.

Dans leur article maintes fois cité, Bieler et al. (2012) abordent d’ailleurs la question de la vulnérabilité sociale chez les usagers fréquents. En comparant ceux-ci aux utilisateurs occasionnels d’une urgence, ils constatent qu’être divorcé ou séparé, être sans emploi ou prestataire de l’aide sociale, de même que vivre en institution ou sous tutelle constituent des facteurs de vulnérabilité sociale qui favorisent le recours fréquent à ce service. En Suède, 60% des dix usagers fréquents interrogés par Olsson et Hansagi (2001) affirment avoir un réseau

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social limité, voire absent. Bien qu’ils se soient davantage intéressés aux réadmissions fréquentes en psychiatrie, Garrido et Saraiva (2011) notent que le manque de soutien social et familial puisse constituer un des facteurs explicatifs des consultations fréquentes, au même titre que la présence d’un trouble psychiatrique chronique. Ces constats laissent croire que l’isolement et le manque de soutien social puissent contribuer à la fréquence des visites à l’urgence. La vulnérabilité psychosociale a aussi été évoquée par Byrne et al. (2003) comme un élément distinctif des usagers fréquents des urgences comparativement à la clientèle moins régulière. Dans le même ordre d’idées, d’autres auteurs ont souligné que les difficultés psychosociales vécues par les usagers fréquents agissent souvent comme catalyseurs de leurs problèmes médicaux, qu’ils soient physiques ou mentaux (Pines et al., 2011; Pope, Fernandes, Bouthillette, & Etherington, 2000; Pugh, Duffy, & Stauss, 2010). La dimension psychosociale apparait alors comme un élément essentiel à considérer dans toute réflexion quant aux usagers fréquents dans les urgences (Pugh et al., 2010).

Comme il a déjà été évoqué, les problématiques de santé mentale sont étroitement liées au phénomène de la « porte tournante ». Un sondage récent mené aux États-Unis auprès de cent usagers fréquents dévoile que 58% d’entre eux rapportent avoir déjà vécu des épisodes de dépression (Birmingham et al., 2017, p. 4). Les individus avec des problèmes de santé mentale et/ou de consommation constituent une population plus à risque de visiter fréquemment les services d’urgence (Andrén, 1988). Les épisodes de détresse et de désorganisation sont sujets à les conduire dans ces services pour chercher des soins et de l’aide, souvent parce qu’il s’agit du seul endroit qu’ils considèrent pouvoir répondre à leurs besoins à ce moment précis (Birmingham et al., 2017; Clarke, Dusome, & Hughes, 2007). Dans une autre mesure, étant donné la récurrence des troubles de santé mentale ainsi que les abus et la dépendance chez les usagers fréquents, Vu et al. (2015) suggèrent de procéder à un dépistage systématique de ce type de difficultés psychosociales chez ces utilisateurs de l’urgence. En effet, leur étude démontre que ces troubles passent souvent sous le radar des médecins de l’urgence, autant pour les usagers occasionnels que les usagers fréquents. Olsson et Hansagi (2001) ont aussi constaté que la totalité des dix usagers fréquents qu’ils ont questionnés semblaient vivre des événements de vie qui les rendent vulnérables, notamment des problématiques, actuelles ou passées, de consommation de drogue et/ou alcool. Nombre d’autres études s’accordent à associer les problèmes chroniques de santé mentale ainsi que l’abus de substance avec le risque d’utilisation fréquente de l’urgence (Billings & Raven, 2013; Doupe et al., 2012; Smith, Stocks, & Santora, 2015; Vu et al., 2015).

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Dans le cadre d’une recherche visant à déconstruire le mythe selon lequel les usagers fréquents consultent de façon inadéquate dans les urgences des États-Unis, Billings et Raven (2013) mettent en lumière la stigmatisation souvent vécue par ceux-ci. Il existe en effet une divergence marquée d’opinion entre les usagers fréquents qui jugent leurs consultations appropriées et le personnel qu’ils peuvent percevoir comme désintéressé et manquant d’empathie face à leur sort (Wise-Harris et al., 2017), voire irrespectueux et méprisant (Digel Vandyk, Young, MacPhee, & Gillis, 2018). Leur présence dans le service est en effet souvent considérée comme une perte de temps entrainant des coûts inutiles et mobilisant des ressources sans raison valable. La différence de vision entre les usagers fréquents et le personnel peut expliquer le sentiment de stigmatisation perçu par ces usagers. De même, Baggio et al. (2015) constatent que 35,2% des usagers fréquents dans une urgence de la Suisse rapportent vivre de la discrimination au cours de leurs consultations. Cette discrimination serait associée à une vulnérabilité accrue de ces individus et à un moins bon état de santé perçu (Baggio et al., 2015). Olsson et Hansagi (2001) en sont arrivés à ce même constat dans une étude qualitative menée en Suède, alors que les usagers fréquents se disaient insatisfaits des soins et services reçus à l’urgence, et ce en raison de la discrimination qu’ils perçoivent de la part du personnel du département. Cela est d’autant plus vrai pour les usagers qui sentent que les problèmes de santé mentale ne sont pas traités comme des priorités à l’urgence, ce qui pousserait même certains à ne se présenter qu’en cas de détresse extrême (Clarke et al., 2007; Wise-Harris et al., 2017).

Certains points de convergence pourraient donc être dégagés entre les usagers fréquents. Déjà à la fin de la décennie ‘80, Andren (1988) avait mené une étude comparative entre des usagers fréquents et non-fréquents dans les urgences en Suède. Elle constatait que « l’abus d’alcool, le manque d’amis proches, les problèmes de santé généraux ainsi que la détérioration de l’état de santé sont des facteurs de risque importants pour des consultations récurrentes à l’urgence » (Andrén, 1988, p. 87). De même, dans le cadre d’une intervention destinée aux usagers fréquents d’une urgence du New Jersey, trois éléments clés ont émané à la suite du processus d’identification de ces patients. Le non-respect des recommandations thérapeutiques, particulièrement en matière de médication, la mauvaise gestion de la douleur chronique ainsi que des problématiques psychosociales ont été identifiés comme des situations récurrentes pour les usagers fréquents dans ce projet (Pugh et al., 2010). Des auteurs ont également découvert que le niveau de qualité de vie des usagers fréquents des urgences serait moins

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élevé que celui de la population en général (Iglesias et al., 2018). Dès lors, il apparait que ces usagers fréquents des urgences constituent une clientèle présentant certaines caractéristiques de vulnérabilité.

Différents types d’usagers fréquents

Néanmoins, bien que certaines caractéristiques se recoupent, force est de constater que les usagers fréquents ne peuvent être présentés comme constituant un groupe homogène (Jean-Baptiste, O’Malley et Shah, 2017). Ces processus de segmentation ou stratification, comme les nomment Jean-Baptiste, O’Malley et Shah (2017), varient selon les auteurs qui distinguent des sous-groupes d’usagers fréquents selon leurs spécificités. LaCalle et Rabin (2010) identifient ainsi le sous-groupe des usagers les plus fréquents, c’est-à-dire ceux cumulant plus de 20 visites annuellement. Ils présentent des pathologies moins aiguës, ont des durées de séjour moins longues et un plus faible taux d’admission. La fréquence des visites n’est donc pas corrélée, du moins pour ce sous-groupe, à la gravité de leur condition, contrairement à ce qu’ont observé Billings et Raven (2013). Selon une étude canadienne qui compare les usagers fréquents (entre 7 et 17 visites par an) et ceux très fréquents (plus de 18 visites annuellement), ces derniers sont généralement plus jeunes, c’est-à-dire entre 25 et 64 ans, et connaissent davantage de problèmes de santé mentale (Doupe et al., 2012).

LaCalle et Rabin (2010) identifient également une autre catégorie d’usagers fréquents, soit ceux qui continuent d’utiliser fréquemment les services d’urgence sur le long terme. Ils mettent ainsi en lumière deux types d’utilisation fréquente dans les urgences : la fréquence situationnelle et celle chronique. En effet, lorsqu’un usager fréquent se retrouve pendant deux années consécutives dans cette catégorie, il a 56% de chance de poursuivre sur cette voie en ce qui a trait à son utilisation des services d’urgence (LaCalle & Rabin, 2010; Mandelberg, Kuhn, & Kohn, 2000). À l’inverse, seuls 28% à 38% des usagers cumulant quatre visites et plus au cours d’une année risquent d’en faire encore partie l’année suivante, la cause de cela n’étant pas clarifiée par les auteurs (LaCalle & Rabin, 2010). Les chercheurs se sont également posé la question à savoir quelles pourraient être les mesures à prendre afin de réduire le recours au service d’urgence chez les usagers fréquents. Bien que plusieurs pistes de solution aient été proposées, il semblerait que certains de ces usagers cessent toutefois leur utilisation fréquente de l’urgence après un certain temps, et ce sans intervention extérieure (LaCalle & Rabin, 2010; Raven, 2011). Néanmoins, en regard d’une étude qualitative menée au début des années 2000, il apparait que la chronicité dans la fréquentation des urgences soit liée à une plus grande

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prévalence de problèmes de santé mentale chez ces usagers (Neal, Heywood, & Morley, 2000). Jean-Baptiste, O’Malley et Shah (2017) notent cependant dans leur recension des écrits que la segmentation des usagers fréquents s’effectue différemment selon les organisations qui y procèdent, et selon la nature des données utilisées. Ils remarquent que les conditions dans lesquelles vivent les patients ainsi que leurs besoins sociaux sont peu considérés dans cette analyse, notamment lorsque des données quantitatives sont mises de l’avant.

Santé mentale et usagers fréquents des urgences

À la lumière des écrits recensés, l’enjeu de la santé mentale mérite un intérêt particulier lorsqu’il est question des usagers fréquents dans les services d’urgence. Les individus qui présentent de telles difficultés constituent en effet une clientèle spécifique et surreprésentée dans les urgences, et il devient impératif d’accorder une attention particulière à ce sous-groupe (Wise-Harris et al., 2017).

Au Québec, la proportion de personnes souffrant de troubles mentaux diagnostiqués est d’environ 12% (Lesage & Émond, 2012, p.3). Ce chiffre ne comprend cependant pas les individus qui connaissent des problématiques de santé mentale et qui vivent avec des symptômes sans qu’un diagnostic leur soit associé. Bien que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) soutienne que « seule une minorité de personnes atteintes de troubles mentaux consultent à l’urgence […] ce sont généralement les cas les plus graves » (Lesage & Émond, 2012, p.13). En l’occurrence, les statistiques présentées dans cette analyse indiquent que les personnes souffrant de troubles schizophréniques sont plus susceptibles d’utiliser les services d’urgence.

D’autre part, une équipe de chercheurs de Toronto a récemment mené une étude auprès d’usagers fréquents des urgences présentant des problèmes de santé mentale. Il s’est avéré que cette clientèle, relativement jeune avec un âge médian de 44,5 ans chez les répondants, était majoritairement célibataire (64% d’entre eux) et bénéficiaient de prestations (rentes, invalidité ou sécurité sociale) dans 71% des cas (Wise-Harris et al., 2017, pp. 406-407). Dans cette étude, des entrevues avec les usagers ont également permis de distinguer les motifs de leurs consultations à l’urgence, notamment en lien avec leurs conditions psychiatriques dans 35% des cas. Ces consultations peuvent être motivées par un épisode de crise ou encore la persistance de symptômes. Lorsqu’ils se rendent à l’urgence à cause de problèmes d’abus de substance (21% des cas), ce sont plus spécifiquement les conséquences de ces abus qui

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précipitent leur venue dans le service, telles les chutes, la déshydratation ou les intoxications. Le lien entre les dépendances, la santé mentale et l’usage fréquent des urgences est également appuyé par les données de l’ICIS, qui soutient que « près d’un Canadien sur dix qui visite l’urgence pour des problèmes de santé mentale ou de dépendance le fait quatre fois ou plus par année » (ICIS, 2017, paragr. 2). Près de la moitié de ces usagers seraient âgés de moins de 35 ans (ICIS, 2017, paragr. 3).

D’autre part, les malaises physiques qui ne sont pas liés à la consommation de substance constituent une des raisons qui conduisent le plus souvent ces usagers dans les urgences (39% des cas), alors que la majorité d’entre eux souffrent de plusieurs maladies chroniques. Dans une récente étude canadienne, Digel Vandyk et al. (2018) interrogent des usagers fréquents ayant des problèmes de santé mentale qui mentionnent d’ailleurs que le fait de se présenter à l’urgence avec des complaintes physiques semble, selon leur propre opinion, légitimer leur recours à l’urgence.

Force est de constater que la maladie mentale a aussi un impact majeur sur les maladies chroniques (MSSS, 2015). De même, les usagers peuvent se présenter avec différentes plaintes et symptômes non-spécifiques ni précis et dissimulent un malaise psychologique ou psychiatrique plus profond (Clarke et al., 2007). En d’autres cas, ce peut être des ressources extérieures qui réfèrent ces usagers dans les urgences lorsqu’il s’agit du service plus aisément accessible ou pouvant constituer la porte d’entrée vers d’autres services (Wise-Harris et al., 2017). Lors des entrevues menées par l’équipe de Wise-Harris et al. (2017), les usagers mentionnent être dirigés vers l’urgence par des professionnels de la santé et des services sociaux, notamment les centres de crise. Dans certaines de ces situations, ils y sont contraints par la force et transportés par ambulance ou avec l’aide des policiers (Digel Vandyk et al., 2018; Wise-Harris et al., 2017). Il n’est pas rare que ces interventions soient aussi motivées par les demandes de proches, de l’entourage de l’individu qui, en période de crise, craignent pour la vie et la santé de celui-ci. Dans l’étude de Digel Vandyk et al. (2018), tous les dix usagers fréquents interrogés ont confirmé avoir eu recours à une ligne de crise disponible 24/7 au moins une fois.

L’urgence peut s’avérer un milieu stressant pour ces usagers fréquents avec des problèmes de santé mentale, notamment lorsqu’ils perçoivent un manque d’empathie de la part du personnel (Olsson & Hansagi, 2001; Wise-Harris et al., 2017) ou se sentent jugés quant à leur mode de vie ou leur maladie (Clarke et al., 2007). Des usagers rapportent même se sentir « étiquetés

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comme des cas de psychiatrie et ce peu importe la raison qui les amène à consulter » (Clarke et al., 2007, p. 128). Quand il est question de « porte tournante », il est important de garder à l’esprit que des allers-retours entre l’urgence et le milieu de vie n’est pas un idéal de stabilité, et encore moins pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Des usagers mentionnent d’ailleurs que le fait d’être libéré de l’urgence d’une façon qu’ils jugent précipitée, c’est-à-dire sans même un transport ou un plan d’intervention, contribuerait à accentuer leurs symptômes et dégrader leur état mental, ce qui pourrait les inciter à se représenter à l’urgence (Digel Vandyk et al., 2018). Ne pouvant compter sur une stabilité de traitement et d’environnement, les séjours récurrents à l’urgence contribuent donc à la désorganisation de l’individu qui perd ses repères. L’alternance de ces périodes est déstructurante pour ces usagers fréquents ayant des problèmes de santé mentale (Castro et al., 2007). Parallèlement, le temps s’écoulant entre les premières manifestations d’un trouble de santé mentale et l’établissement d’un diagnostic peut parfois être long, entre autres pour les troubles paniques (Lessard, 2012). Les fréquentes consultations pendant cette période sont ainsi une façon de répondre aux symptômes mais également une demande d’aide pour trouver la source de ce malaise.

Entourage de personnes rencontrant des problèmes de santé mentale

Puisqu’il existe un lien entre les usagers fréquents des urgences, la santé mentale et les vulnérabilités psychosociales, il va sans dire que les proches de ces usagers sont à considérer dans l'équation. D’ailleurs, l’entourage des personnes atteintes de maladie mentale est largement considéré comme ayant un rôle important à jouer (MSSS, 2015). Pour Digel Vandyk et al. (2018), la présence des proches est perçue par les usagers eux-mêmes comme un facteur de protection qui diminuerait la propension à consulter à l’urgence. Parallèlement, les recherches de Wise-Harris et al. (2017) dépeignent que le recours à l’urgence est une alternative d’autant plus évidente pour les usagers qui n’ont pas de réseau familial ou social pour les soutenir en-dehors du système de santé. Dans leur étude auprès de jeunes adultes de 18 à 35 ans dans les urgences, Tarantino et al. (2013) constate le lien étroit entre l’isolement social, les idéations suicidaires et la consommation abusive de substance. La forte consommation d’un individu peut amener les membres de sa famille à se retirer d’une telle relation, tandis que l’isolement social créé par un soutien familial déficient le prive d’un fort sentiment d’appartenance et encourage son impression de rejet et de stigmatisation par rapport aux autres membres de la société. Ce cercle vicieux constitue un terrain fertile pour les idéations suicidaires chez cette clientèle de jeunes adultes (Tarantino et al., 2013). En

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complémentarité, l’influence des conjoints incite davantage ces jeunes adultes à l’adoption de comportements à risque (Tarantino et al., 2013). Le soutien social apporté par les proches est ainsi d’une grande importance pour les usagers fréquents des urgences, d’autant plus lorsque ceux-ci souffrent d’un trouble de santé mentale. S’il est vrai que l’entourage a un impact sur la personne qui vit avec un problème de santé mentale, il va sans dire que l’inverse l’est tout autant.

Pour les proches de personnes atteintes de maladie mentale, les difficultés vécues sont largement répertoriées dans les écrits. Une étude menée par Rousseau (1998) évoque d’ailleurs que les membres de l’entourage interrogés se disent davantage affectés par la maladie de leur proche, tant au niveau de leur santé que de leur vie quotidienne. Il semble également que ce serait lors de l’annonce du diagnostic que le stress soit à son plus haut pour les proches (Leclerc, 2012). Au cours de leur recherche, Caron, Mercier, Martin et Stip (2005) ont précisé la teneur du fardeau vécu par les proches de personnes souffrant de schizophrénie comme étant lié aux activités de la vie quotidienne. Devant des sollicitations parfois quotidiennes de la part de leur proche, le risque d’épuisement est alors bien réel, de même que les répercussions sur leur propre vie (Rousseau, 1998). Ces difficultés que rencontrent les familles pourraient être atténuées par le soutien social, en particulier grâce aux conseils et à l’orientation, tant de leur réseau que des professionnels avec lesquels ils font affaire. Toutefois, sans qu’ils reçoivent un certain accompagnement dans ce rôle, les proches d’une personne rencontrant des problèmes de santé mentale risquent de lourdes conséquences sur leur santé, leur vie sociale et professionnelle, des difficultés émotionnelles et financières, etc. (Bonin et al., 2014; Morin, 2015).

Néanmoins, il ne faudrait pas réduire le rôle joué par les proches de personnes ayant des problèmes de santé mentale aux difficultés rencontrées. Ces expériences peuvent en effet s’avérer valorisantes et apporter des possibilités d’apprentissage. Morin (2015), en examinant dans sa thèse l’expérience de soutien de parents vivant auprès d’un jeune atteint d’épisodes psychotiques, met en lumière des aspects tant positifs que négatifs vécus à travers ce nouveau rôle pour les proches. Si le fardeau vécu est indéniable, le rôle des proches peut aussi contribuer à renforcer la relation avec l’usager par une certaine complicité. Les proches développeraient également un sentiment de compétence et de pouvoir d’agir dans leur implication auprès de la personne malade. Finalement, cette expérience de soutien offrirait la possibilité de faire des apprentissages, notamment quant à la croissance personnelle. Bien que

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la recherche de Morin (2015) concerne une clientèle spécifique aux prises avec un trouble précis de santé mentale, les constats peuvent certainement rejoindre la réalité d’autres proches. Dans cette même recherche, Morin (2015) identifie trois rôles que peuvent endosser les membres de l’entourage d’une personne aux prises avec des troubles de santé mentale : alliés de l’équipe traitante; revendicateurs de leurs droits et besoins; partenaires à part entière. Bien que l’idée dans le rôle des alliés soit d’y voir une collaboration entre l’équipe de soins et l’entourage, il s’agirait plutôt d’une contribution unilatérale par les informations que les proches offrent à l’équipe traitante alors qu’ils ne reçoivent que peu de rétroaction, soutien ou renseignements sur la situation de l’usager. Quant aux revendicateurs, ce rôle est fortement associé aux regroupements de familles et amis de personnes ayant des problèmes de santé mentale et à leur position sur la place immuable des proches dans le rétablissement de l’usager. Finalement, le rôle de partenaire appelle une reconnaissance pleine et entière de la contribution des proches, tant dans le traitement de la personne que dans « l’élaboration des politiques, des programmes et des services » (Morin, 2015, p.25) les concernant. La typologie décrite rejoint en certains points celle élaborée par la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (Fradet, 2012). À la suite de consultations menées auprès de ces membres, les rôles de client, accompagnateur et partenaire semblent pouvoir décrire l’ensemble des expériences vécues par les proches. Tout d’abord, l’approche du client en serait une essentiellement basée sur la reconnaissance des besoins des proches. Ils ont en effet besoin d’informations et de soutien pour s’outiller en connaissances et habiletés afin, ultimement, de s’adapter à la situation mais aussi espérer aider la personne malade. L’accompagnateur quant à lui est davantage perçu dans le soutien offert à l’usager. Il assume en quelque sorte une partie de la prise en charge de la personne malade tout en visant l’autonomisation et le rétablissement de celle-ci. Les proches s’identifiant dans ce rôle d’accompagnateur souhaitent que leur voix soit considérée par l’équipe traitante. Finalement le rôle de partenaire s’appuie davantage sur l’idée de contribution basée sur le potentiel et la capacité des proches à s’impliquer dans l’organisation des services, en passant notamment par une participation au sein d’associations de familles.

Les rôles que peuvent endosser les proches d’une personne rencontrant des problèmes de santé mentale sont donc variés, alors qu’ils occupent une place centrale autant dans le soutien de l’usager que dans la structuration de l’offre de services.

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Offre de services en santé mentale

Depuis le mouvement de désinstitutionnalisation, les proches sont appelés à jouer un rôle important pour ces personnes atteintes de maladie mentale alors que celles-ci doivent composer avec leur trouble tout en maintenant leur fonctionnement dans la société plutôt qu’être interné (Castro et al., 2007; Rousseau, 1998). Dorénavant, la non-institutionnalisation est priorisée, ce qui signifie que les personnes rencontrant des problèmes de santé mentale sont prises en charge soit dans la communauté ou lors d’hospitalisation de courte durée. Les internements sur le long terme constituent une option réservée aux situations complexes et plus rares (Morin, 2015).

Dans le Plan d’action en santé mentale (PASM) 2005-2010, l’offre de services en première ligne est mise de l’avant (MSSS, 2005). La responsabilité populationnelle en termes de santé mentale appelle une prise en charge de ces problématiques par le biais de réseaux de services régionalisés. Le Centre national d’excellence en santé mentale a élaboré un guide d’accompagnement dans lequel sont expliquées les procédures pour le déploiement de l’offre de services en santé mentale (Renaud-Gagnon, Demers et Gilbert, 2017). Conformément aux orientations du MSSS, l’accent est mis sur les soins et services de première ligne, dont l’accès est un enjeu primordial. Celui-ci se fait essentiellement par le Guichet d’accès en santé mentale adulte (GASMA), qui centralise les références et « garantit l’accès et la continuité des soins et services le plus près possible du milieu de vie de la personne, et ce, en fonction de ses besoins » (Renaud-Gagnon, Demers et Gilbert, 2017, p.7). Les demandes faites au GASMA proviennent majoritairement des médecins généralistes, puisqu’il est reconnu qu’une majorité de personnes rencontrant des problèmes de santé mentale consultent d’abord un omnipraticien (Fleury, 2009; Renaud-Gagnon, Demers et Gilbert, 2017). Leur contribution est alors cruciale dans ce processus.

Bien que le PASM 2005-2010 prévoyait une réponse à près de 70% des besoins en première ligne, il apparait certaines difficultés. D’abord, les omnipraticiens évoquent des délais d’attente élevés pour l’accès à un psychiatre (Fleury, 2011). Dans les orientations du PASM 2015-2020, le MSSS établit le délai « maximal pour que débute l’intervention ou le traitement par le professionnel assigné au suivi ou à la consultation dans les services de 1ère ligne ou les services spécialisés de 2ème ligne en santé mentale » à 30 jours (Renaud-Gagnon, Demers et Gilbert, 2017, p.14). Si les difficultés d’accès existent, il va sans dire qu’elles ont un impact sur les proches de la personne atteinte de maladie mentale. Dans son PASM 2015-2020, le

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Ministère de la Santé et des Services sociaux (2015) évoque d’ailleurs combien il est crucial d’assurer un accès aux services de première ligne, autant pour les usagers que leur entourage.

Dans une étude menée par des chercheurs québécois, il s’avère que les proches de personnes atteintes de maladie mentale manifestent davantage d’insatisfaction quant à l’accessibilité aux services (Perreault et al., 2002). Le manque de disponibilité des ressources priverait ces usagers des services et soins nécessaires aux moments requis. Bonin et al. (2014) expliquent le point de vue des familles qui déplorent une prise en charge tardive. Dans nombre de cas, ce n’est qu’une fois en crise que l’usager est conduit à l’urgence, souvent de force, pour y recevoir des soins et services. En effet, l’accès parfois limité à un médecin de famille, combiné à des délais déraisonnables au GASMA constituent des freins importants à une prise en charge adéquate pour les personnes rencontrant des problèmes de santé mentale. Conséquemment, les proches s’engagent fréquemment dans le rôle de soutien pour pallier l’indisponibilité de certaines ressources en santé mentale (Perreault et al., 2002).

L’étude réalisée par Perreault et al. (2002) dévoile également que les services reçus en centre hospitalier engendrent plus d’insatisfaction chez les proches. Les auteurs émettent l’hypothèse que lors de ces consultations, notamment à l’urgence, les personnes atteintes de maladie mentale sont plus souvent en crise et présentent donc des conditions plus aiguës (Perreault et al., 2002, pp. 209-210), tout comme l’évoquaient Wise-Harris et al. (2017) quant aux motifs de consultation. Rousseau (1998) met également en lumière le stress vécu par les proches de personnes atteintes de maladie mentale qui appréhendent anxieusement les prochaines rechutes et épisodes de crise. Lors de ces épisodes, pouvant survenir à toute heure, ils se retrouvent bien souvent démunis devant le peu de ressource disponibles et doivent alors recourir aux services d’urgence (MSSS, 2015; Rousseau, 1998). « Une fois à l’urgence, l’accessibilité risque d’être encore plus réduite si le proche use de ses droits pour refuser les soins et services offerts. Cette situation est inquiétante, stressante, voire culpabilisante, pour la famille. » (Bonin et al., 2014, p.167). Les familles de personnes atteintes de maladie mentale qui fréquentent les urgences mentionnent souhaiter être davantage impliquées lors des moments de crises (Clarke et al., 2007). Toutefois, certains affirment qu’afin de respecter les normes de confidentialité des usagers, ils sont tenus à l’écart des informations sur la situation de leur proche (Clarke et al., 2007; Perreault, Provencher, St-Onge et Rousseau, 2002). Cela rend plus difficile la continuité des soins pour la personne malade, et les proches réitèrent leur

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volonté à être partie prenante des décisions entourant la prise en charge de l’usager (Bonin et al., 2014; Morin, 2015).

En somme, bien que l’offre de services en santé mentale vise une prise en charge plus efficiente des personnes atteintes de maladie mentale, dont un accès amélioré aux ressources et une continuité optimale dans les soins et services, les difficultés rencontrées restent criantes. Quant aux proches, ils sont les premiers à devoir composer avec celles-ci et le recours à l’urgence s’avère souvent une solution palliative pour un grand nombre d’usagers.

Limites des études

Au terme de cette recension des écrits, force est de constater qu’il existe une absence partielle de connaissances sur les principales caractéristiques psychosociales des usagers fréquents aux urgences du Québec et sur la perspective de leurs proches à ce sujet. Quelques études réalisées en Suisse (Baggio et al., 2015; Bieler et al., 2012; Bodenmann et al., 2015), aux États-Unis (Billings & Raven, 2013; LaCalle & Rabin, 2010) et en Irlande (Byrne et al., 2003) avancent un début d’explication sur les vulnérabilités particulières de cette clientèle, mais peu d’informations sont publiées quant aux spécificités de ces usagers fréquents au Québec. Au cours des divers entretiens préparatoires réalisés pour l’élaboration de ce projet de mémoire, nous avons constaté que très peu de données sont recueillies de façon systématique sur les caractéristiques psychosociales clés des usagers fréquents des urgences. Dans la région de Québec, l’absence partielle d’informations liées aux aspects psychosociaux dans les banques de données du programme Alliance démontre la nécessité de bonifier celles-ci par une description des facteurs de vulnérabilité de ces individus.

De même, peu d’études qualitatives sont disponibles quant aux usagers qui fréquentent les urgences. En effet, dans la littérature recensée, ce sont davantage des études quantitatives qui ont été réalisées. Celles-ci exploitent des questionnaires et outils quantitatifs et laissent peu de place au vécu et réalités plus fines de ces usagers. Quant aux quelques études qualitatives recensées, elles s’attardent principalement aux motivations et patterns de consultation plutôt qu’à la subjectivité des usagers, et encore moins directement aux vulnérabilités qu’ils peuvent présenter.

Le contexte québécois est également particulier dans la mesure où les résidents de la province, comme ailleurs sur le territoire canadien, bénéficient d’une assurance gouvernementale

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universelle pour les soins de santé. Puisque la majorité des études recensées prenaient place aux États-Unis ou en Suisse, leurs résultats ne peuvent pas nécessairement être généralisés au Québec notamment parce que leurs systèmes de santé et d'assurance santé sont différents. La nature des systèmes de santé et de l'assurance-santé au Québec constituent en effet des éléments de contexte pouvant avoir un impact considérable sur les caractéristiques de vulnérabilité de ces grands utilisateurs des urgences.

De plus, comme nombre d’usagers fréquents semblent présenter des problèmes de santé mentale, cette clientèle présente « des besoins spécifiques et complexes » (Castro et al., 2007, p. 277). Cette clientèle vulnérable mérite qu’on s’y attarde pour répondre plus adéquatement à ses besoins tout en évitant les situations d’urgence où la désorganisation est fréquente. Néanmoins, les études recensées qui portent une attention particulière aux usagers ayant des problèmes de santé mentale ne s’attardent qu’aux individus diagnostiqués, ce qui signifie qu’une grande partie de cette clientèle reste sous-étudiée.

Quant à l’entourage de ces usagers, ils vivent les répercussions du phénomène de la « porte tournante » d’une façon toute particulière et leurs expériences méritent d’être entendues et racontées. Alors que les proches de personnes atteintes de maladie mentale ont un rôle toujours grandissant, leur point de vue reste un sujet encore peu exploré quant à l’utilisation fréquente des urgences. Sachant l’importance qu’a le réseau social comme facteur de prédiction de l’utilisation fréquente de l’urgence, connaître le vécu des proches pourrait permettre d’identifier des pistes quant aux meilleures ressources et services à offrir à ces proches et aux usagers des urgences ayant des problèmes de santé mentale. Ainsi, les constats de la recherche proposée pourraient non seulement guider les décideurs et intervenants vers une organisation et une offre de services optimales, mais également améliorer la qualité de vie et le fonctionnement social de ces usagers et de leurs proches.

À la lumière des connaissances actuelles quant aux usagers fréquents présentant des problèmes de santé mentale, nous nous proposons par conséquent de tenter de répondre aux questions suivantes dans le cadre d’un projet de recherche permettant d’approfondir ce sujet d’étude :

1- Selon les proches d'usagers fréquents des urgences de la région de Québec présentant des problèmes de santé mentale, quelles sont les principales vulnérabilités psychosociales de ces usagers ?

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2- Quel regard ces proches portent-ils sur le phénomène des consultations fréquentes à l'urgence ?

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Chapitre 2 – Cadre conceptuel

Dans le contexte de ces questions, il devient ici nécessaire de spécifier certains des termes utilisés. Tout d’abord, le terme « proche » désigne toute personne de l’entourage de l’usager fréquent qui se sent concernée et affectée par la situation de cet usager. Il peut s’agir d’un membre de la famille ou d’un ami. Le proche n’est donc pas nécessairement quelqu’un qui cohabite avec l’usager, ni une personne passant un minimum d’heures par semaine à s’occuper de l’usager.

Les usagers fréquents auxquels cette recherche s’intéresse n’ont pas besoin d’avoir reçu un diagnostic de trouble mental. Du moment où ils identifient vivre des difficultés et symptômes liés à un problème de santé mentale, ils sont considérés faisant partie des personnes visées par notre objet d’étude. D’ailleurs, les organismes communautaires œuvrant auprès des familles et amis offrent leurs services à toute personne pour qui les problèmes de santé mentale d’un proche a un impact sur leur vie, et ce sans considération de la présence ou non d’un diagnostic chez ce dernier.

Tel que mentionné plus haut, les usagers fréquents présentent des caractéristiques psychosociales clés, signes d’une certaine vulnérabilité. Dans la présente recherche, ces facteurs de vulnérabilité seront analysés à l'aide d’un cadre conceptuel inspiré de Bodenmann et al. (2015) et bonifié par la typologie de Sherbourne et Stewart (1991). Considérant le constat que les patients fréquents dans les urgences présentent des caractéristiques de vulnérabilité, Bodenmann et al. (2015) ont mené une étude sur les facteurs de prédiction de l’usage fréquent de l’urgence. Forte de son expérience clinique et inspirée par les constats émanant de la littérature, l’équipe a d’abord élaboré un cadre conceptuel de la vulnérabilité qui a servi à comparer les usagers fréquents effectuant plus de cinq visites annuellement à ceux consultant moins souvent. Dans celui-ci, les auteurs établissent cinq dimensions pour considérer cette vulnérabilité, recoupant ainsi plusieurs des traits caractéristiques évoqués dans les diverses études recensées. Le concept de vulnérabilité inclut alors les caractéristiques socio-démographiques, les aspects de santé autant physique que mentale, les comportements à risque ainsi que l’utilisation des services de santé, et permet de considérer l’ensemble des variables pertinentes dans la comparaison entre usagers fréquents ou non.

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Au terme de leur étude, Bodenmann et al. (2015) ont constaté que les usagers fréquents présentaient des caractéristiques de vulnérabilité dans chacune des dimensions mentionnées. Avoir un faible revenu, être sans emploi, présenter des comorbidités physiques et/ou mentales, utiliser des substances comme l’alcool et le tabac ainsi qu’avoir été hospitalisé dans les douze derniers mois sont quelques-unes de ces caractéristiques significativement plus présentes chez les usagers fréquents. Ces constats corroborent de nombreuses autres études sur le sujet. Toutefois, l’originalité de cette étude réside dans l’utilisation d’une grille novatrice permettant d’appliquer le concept de vulnérabilité au contexte des usagers fréquents des urgences et de dégager ainsi des facteurs de risque permettant de prédire les situations de consultations fréquentes à l’urgence. Cette grille constituera donc les assises de notre guide d’entrevue avec les participants et permettra d’appréhender les facettes pertinentes à notre objet d’étude.

La première de ces dimensions concerne les aspects socio-démographiques. Il s’agit entre autres des données démographiques telles que l’âge, le sexe ainsi que le statut civil, l’origine ethnique et le lieu de résidence. Les données socio-économiques comme la situation financière, la situation d’emploi et le niveau de scolarité sont également considérées.

En ce qui concerne les deuxième et troisième dimensions du cadre de Bodenmann et al. (2015), soit la santé physique et la santé mentale, nous avons préféré les regrouper sous l’appellation plus large de « santé ». Conformément à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 1946, p.100). Cela nous amène donc à traiter ces trois aspects de la santé dans la deuxième dimension de notre cadre conceptuel. Tout d’abord, Bodenmann et al. (2015) incluent les diagnostics reçus par l’individu, ainsi que la concomitance et la chronicité éventuelles de certaines maladies. Toutefois, le bien-être perçu par la personne est aussi considéré dans leur grille, ce qui permet de considérer l’ensemble des maux et symptômes vécus par la personne interrogée, et ce peu importe la présence ou non d’un diagnostic. Les caractéristiques de vulnérabilité appréhendées sont fort pertinentes puisque toutes les études s’accordent à dire que les usagers fréquents sont plus susceptibles de présenter de multiples conditions fragilisant leur santé physique et mentale, et conséquemment d’être hospitalisés plus souvent, comme le démontre la recension des écrits de LaCalle and Rabin (2010). La grille de Bodenmann et al. (2015) est par la suite bonifiée par l’aspect social dont l’OMS fait mention dans sa définition de la santé. Nous nous sommes inspirés du MOS Social Support Survey élaboré par Sherbourne and Stewart (1991)

Références

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