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Résilience des agriculteurs face aux changements climatiques : un exemple d'application au Burkina Faso

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Academic year: 2021

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© Raoul Yaro, 2019

Résilience des agriculteurs face aux changements

climatiques: un exemple d'application au Burkina Faso

Mémoire

Raoul Yaro

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire (M. Sc.)

Maître ès sciences (M. Sc.)

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Résilience des agriculteurs face aux changements climatiques :

un exemple d’application au Burkina Faso

Raoul Boubié YARO

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M. Sc.)

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iii RÉSUMÉ

La myriade d’approches de mesure de la résilience des ménages agricoles face aux aléas climatiques montre le manque de consensus des chercheurs tant au niveau de la définition du concept que dans les méthodes de mesure. Néanmoins deux tendances se dégagent dans les études empiriques à savoir i) la réduction du nombre de dimensions de la résilience à trois ou quatre au maximum, ii) l’utilisation de deux approches empiriques que sont les mesures objective et subjective de la résilience. Notre étude ayant pour but de mesurer la résilience des agriculteurs face à la sècheresse et aux inondations dans deux régions du Burkina Faso, ainsi que son impact sur deux indicateurs du bien-être, a adopté l’approche objective. La résilience est mesurée à travers les capacités d’anticipation d’adaptation et d’absorption. Dans un premier temps, la méthode d’équations structurelles a permis d’estimer les scores pour les trois dimensions / capacités de la résilience. Lesdits scores ont été utilisés pour construire un indice de résilience par la méthode d’analyse en composantes principales (ACP). Enfin, une régression logistique a été utilisée pour estimer l’impact de la résilience sur la sécurité alimentaire et le profil de pauvreté des ménages.

Il ressort des résultats de l’étude qu’il existe des corrélations positives entre les capacités d’anticipation, d’adaptation et d’absorption et la résilience (la capacité d’anticipation ayant la plus faible contribution dans le renforcement de la résilience). Les régressions logistiques indiquent que l’amélioration de la résilience conduit à une amélioration considérable de la sécurité alimentaire et à une augmentation relativement faible du statut socioéconomique des ménages.

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iv ABSTRACT

The myriad of approaches to measure resilience of agricultural households to climate hazards shows the lack of consensus among researchers in terms of both; the definition of the concept and the methods of measurement. Nevertheless, two trends emerge in the empirical studies namely i) reducing the number of dimensions of resilience to three or four at most, ii) using two empirical approaches that are objective and subjective measures of resilience.

Our study aims to measure farmers' resilience (using objective approach) to drought and floods in two regions of Burkina Faso, as well as its impact on two indicators of well-being. Resilience is measured through adaptive anticipation and absorption capabilities. As a first step, the structural equation method allowed us to estimate the scores for the three dimensions / capacities of resilience. These scores were used to construct a resilience index by the Principal Component Analysis (PCA) method. Finally, a logistic regression was used to estimate the impact of resilience on food security and household poverty profile.

The results of the study show that there are positive correlations between anticipatory, adaptive and absorptive capacities and resilience (anticipation capacity having the smallest contribution to building resilience). Logistic regressions indicate that improved resilience leads to a significant improvement in food security and a relatively small increase in household socio-economic status.

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v TABLE DES MATIÈRES

Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ...iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... vii

LISTE DES FIGURES ... viii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ... ix

DÉDICACE ... x

REMERCIEMENTS ... xi

INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE... 1

1. Mise en contexte ... 1

2. La problématique de mesure de la résilience face aux effets du changement climatique ... 4

2. Objectifs et pertinence de la recherche ... 8

CHAPITRE I. ÉLÉMENTS CONCEPTUELS ET APPROCHES EMPIRIQUES ... 10

1. 1. ÉLÉMENTS CONCEPTUELS ... 11

1.1.1. La théorie de la résilience dans la littérature : définition et champs d’application ... 11

1.1.2. Aperçu sur les théories du bien-être, de la gestion du risque, et de la vulnérabilité ... 26

1.1.3. Choix du modèle pour notre travail ... 29

1.2. APPROCHES EMPIRIQUES DE MESURE DE LA RÉSILIENCE DANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ... 33

1.2.1. L’approche objective ... 34

1.2.2. L’approche de la mesure subjective de la résilience ... 38

1.3. LE CHOIX DE L’APPROCHE ET DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ... 42

CHAPITRE II. MÉTHODOLOGIE ... 43

2.1. Représentation du modèle ... 43

2.1.1. Les variables du modèle ... 45

2.2. Mesure de la résilience : spécification du modèle et approche d’estimation .. 56

2.3. Les données ... 60

CHAPITRE III. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS ... 62

3.1. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 62

3.1.1. Analyse descriptive des variables caractéristiques des ménages ... 62

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vi

3.1.3. L’indice de résilience ... 68

3.1.4. Corrélation entre les trois capacités de résilience ... 69

3.1.5. Contribution des capacités d’anticipation, d’adaptation et d’absorption à l’indice de résilience ... 70

3.1.6. Analyse comparée des moyennes de l’indice de résilience ... 71

3.1.7. Les effets de variables explicatives sur le profil économique des ménages 72 3.1.8. Les effets des variables explicatives sur la sécurité alimentaire des ménages ... 76

3.2. DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 78

CONCLUSION ET PISTES DE RÉFLEXION ... 82

BLIOGRAPHIE ... 85

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vii LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Récapitulatif des approches de mesure de la résilience ... 41

Tableau 2 : récapitulatif des indicateurs du modèle ... 50

Tableau 3: Statistiques descriptives des variables caractéristiques de l'échantillon ... 63

Tableau 4:Analyse descriptive des variables discrètes et continues ... 65

Tableau 5 : égalité entre l'homme et la femme dans les prises de décision ... 67

Tableau 6 : coefficient de régression des variables manifestes ... 68

Tableau 7: La corrélation entre les dimensions de la résilience ... 69

Tableau 8: les contributions des variables à l'inertie totale des nuages ... 70

Tableau 9: contribution de la capacité à l'inertie de la composante principale, et coefficients structurels ... 71

Tableau 10: Tests de moyenne de l’indice de la résilience ... 72

Tableau 11: Coefficients et effets marginaux des variables explicatives du modèle sur le profil économique des ménages ... 75

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LISTE DES FIGURES

Figure 1: Le caractère interdisciplinaire de la résilience ... 10

Figure 2: Évolution du concept de la résilience (de 1973 à 2017) ... 13

Figure 3: Illustration de la résilience écologique ... 15

Figure 4: la théorie de changement de BRACED ... 30

Figure 5: Cadre d’analyse de la résilience des ménages agricoles face aux changements climatiques ... 32

Figure 6 : les piliers de la résilience ... 36

Figure 7: schématisation de la résilience à travers la minimisation de la perte de bien-être ... 39

Figure 8: représentation schématique du modèle ... 44

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ACP Analyse en composantes principales

BRACED Building Resilience and Adaptation to Climate Extremes and Disasters CES/DRS Conservation des eaux et des sols / défense et restauration des sols DFID Departement For International Development

DGPER Direction générale DE promotion de l’économie rurale

DPSAA Direction de la Prospective et des Statistiques Agricoles et Alimentaires FAO Organisation de Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FSIN Food Security Information Network GES Gaz à effet de serre

GIEC Groupe d’experts Inter-Gouvernemental sur l’Évolution du Climat HEA Household Economic Approch

IFPRI International Food Policy Research Institute LISREL Linear structural relations

MCO Moindres carrés ordinaires

MIMIC Multiple Indicators Multiple Causes ONG Organisation non gouvernementale

PANA Programmes d’actions nationales d’adaptation aux changements climatiques

PLS Partial Least Square

RIMA Resilience Index Measure Approch SCA Score de consommation alimentaire SEM Structural Equation Modeling

SES Socio Ecological System

USAID Unated States Agency for International Development ZAT Zone d’appui technique

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x DÉDICACE

Je dédie ce travail de recherche à la mémoire des personnes disparues de ma famille :  À mon père Badombié YARO, et ma mère Awa Alarba ZIBA.

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REMERCIEMENTS

Je rends grâce à Jéhovah Jiré (l’Eternel qui pourvoit), la santé et les portes qui m’ont été ouvertes pour réaliser ce master en agroéconomie à l’Université Laval.

La contribution de plusieurs personnes a permis de réaliser ce mémoire. C’est avec plaisir que je voudrais leur exprimer toute ma gratitude. Mes remerciements vont premièrement au Professeur Lota Dabio TAMINI pour sa disponibilité à diriger ce travail de recherche, sa patience et pour tout l’appui scientifique de qualité dont j’ai bénéficié.

Je remercie sincèrement mon épouse Jokébed SANOU pour sa patience, sa compréhension et son soutien moral tant inestimable. Merci à tous mes frères et sœurs pour leur encouragement.

Mes remerciements vont à tous les enseignants du département d’agroéconomie de l’Université Laval pour les connaissances dont j’ai bénéficié durant ces deux années de formation.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à mes ami(e)s et collègues de l’université Laval et remercie spécialement Baoubadi ATOZOU, Marius ADOM, Ousmane TRAORE et Eli SAWADOGO pour leur soutien.

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INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE

1. Mise en contexte

Le rôle prépondérant que joue l’agriculture n’est plus à démontrer dans les pays en développement, et encore moins en milieu rural. La moitié de la population mondiale vit en milieu rural et 75 % de cette population (soit 2,5 milliards) vit de l’agriculture (FAO, 2009). Selon la banque mondiale (2016)1, dans les pays à faible économie, l’agriculture occupe plus de 80 % de la population active et contribue pour près de 29,7 % au PIB.

L’agriculture est cependant, directement et indirectement affectée par les changements climatiques, beaucoup plus négativement dans les pays en développement. Selon le CILSS (2016), l’évolution du climat en Afrique subsaharienne se caractérise par une pluviométrie irrégulière, la recrudescence de fortes pluies, les inondations et l’augmentation significative des températures. Pour les climato-réalistes (par opposition aux climato-sceptiques), la détérioration climatique serait due d’une part à des conditions climatiques incontrôlables, et d’autre part (dans 90 % des cas), aux actions anthropiques telles que l’activité industrielle, la demande en bois d’énergie, la demande en bois d’œuvre, l’expansion agricole, le surpâturage, les feux de brousse, les politiques et gouvernance nationales et locales (Sylla et al 2016 ; Renaudin et al. 2011).

Certains auteurs, tels que Folke et al. (2002) relèvent que le développement de l’activité anthropique au 20e siècle a apporté des changements dans l’utilisation des terres, affectant du coup, le fonctionnement du système terrestre, et les changements climatiques (Falkowski et al., 2000 cités par Folke et al. 2002)

Selon McNeil (2000) cité par Laurent et Le Cacheux (2015), durant le 20e siècle, la population mondiale a été multipliée par 4, la population urbaine par 13, la demande en eau par 9, les émissions de dioxyde de sulfure et de dioxyde de carbone, respectivement par 13 et 17, les captures de poissons par 35 et les productions industrielles par 40.

1 Données des comptes nationaux de la Banque mondiale et fichier de données des comptes nationaux de l’OCDE. http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS

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Les impacts de changements climatiques induits sont perceptibles sur l’agriculture. En Afrique de l’Ouest, les précipitations deviennent de plus en plus faibles, de la côte (2500 à 4000 mm en Guinée, Sierra Leone, Libéria et Nigeria), vers le sahel (800 à 1100 mm au Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger), tandis que le nord (Mauritanie et la majeure partie du Mali et du Niger) est désertique. Les températures quant à elles, augmentent de la côte humide (où la température moyenne varie entre 30° et 33°), au nord désertique (42°-45°) en passant par le centre sahélien où les températures varient entre 36° et 39° (Jalloh et al. 2013).

Les projections du Groupe d’experts Inter-Gouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) indiquent qu’à l’horizon 2050, l’alimentation en eau et les productions agricoles en Afrique seront gravement affectées. Les productions agricoles diminueraient de 50 % dans certaines régions, tandis que d’autres (là où l’agriculture est marginalisée) risqueraient de ne pouvoir produire (IPCC, 2014).

De façon indirecte, les moyens de subsistance et les conditions de vie déjà précaires des populations rurales dépendantes de l’agriculture seront davantage fragilisés. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest connaissent déjà des taux de malnutrition chronique progressivement élevés (Renaudin et Raillon, 2011), des taux de pauvreté qui renvoient au rang des pays les plus pauvres du monde (Banque Mondiale, 2016).

Le Burkina Faso, pays sahélien au cœur de l’Afrique de l’Ouest, n’est pas épargné par les impacts des changements climatiques sur l’agriculture. Le pays a une économie dépendante du secteur agricole qui occupe 86 % de la population totale et contribue à 40 % du PIB (Ouédraogo et al. 2010). Le climat est de type soudano-sahélien avec trois zones agro climatiques à pluviométries variantes : soudanienne (900 à 1200 mm), Soudano-sahélienne (600 à 900 mm) et sahélienne (300 à 600 mm). L’agriculture est dominée par un système pluvial et les cultures de céréales sur 88 % des superficies emblavées. Ces cultures représentent aussi l’alimentation de base de la population (Ouédraogo et al. 2010). L’agriculture est tributaire du climat caractérisé par des crises répétitives depuis les années d’indépendance (1960) se traduisant par des augmentations de température, des diminutions et irrégularités des précipitations. Les agriculteurs sont directement affectés par la diminution des rendements agricoles, la paupérisation et l’augmentation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Ouédraogo et al. (2010) ont quantifié l’impact des changements climatiques sur le revenu agricole des agriculteurs burkinabé et ont trouvé que l’agriculture du Burkina est très sensible aux précipitations et à la variation de la température. L’augmentation des précipitations de 1 % entrainerait une hausse des revenus agricoles de 14,7 % et l’augmentation des températures de 1 % entrainerait une baisse des revenus agricoles de 3,6 %. Ils

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prédisent par des analyses de sensibilité qu’une augmentation de 5 °C de température engendrerait une perte 93 % du revenu des paysans. De même, avec une diminution des précipitations de 14 % (ceteris paribus), les paysans n’auront absolument aucun revenu agricole (Ouédraogo et al. 2010).

Face à cette vulnérabilité, des efforts en matière d’adaptation aux changements climatiques ont été déployés tant au niveau mondial que national pour trouver des réponses. Dumas (2007), cité par Gnanglé et al. (2011) définit l’adaptation au changement climatique comme l’ensemble des mesures ou ajustements qui permettent d’atténuer les dommages du changement ou de tirer profit de ses conséquences positives.

En matière d’actions entreprises, Diallo et al. (2017) indiquent des mesures d’atténuation d’émission des gaz à effet de serre ainsi que des stratégies d’adaptation. Selon Simonet (2009), le concept de l’adaptation s’est presque « imposé » aux scientifiques pour la simple raison que les efforts de réduction des effets ne seront pas suffisants pour faire face aux changements climatiques de plus en plus importants. C’est ainsi qu’avec l’appui des partenaires techniques et financiers (PTF), bon nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest se sont dotés depuis 2007, de programmes d’actions nationales d’adaptation aux changements climatiques (PANA).

Ces programmes ont subi des révisions dans les années 2010 pour mettre plus l’accent sur la réduction de la vulnérabilité des agriculteurs aux impacts des changements climatiques par le développement des capacités d’adaptation et de la résilience. Dorénavant, ces programmes de façon générale s’inscrivent dans une dynamique d’assurance du développement économique et social durable axé sur des mesures prenant en compte la résilience et l’adaptation aux changements climatiques d’ici l’horizon 2050. Le Burkina, à titre d’exemple, s’est fixé comme objectifs dans le cadre du PANA, i) d’accroitre la productivité via le renforcement des capacités des acteurs, ii) d’atténuer la vulnérabilité climatique des agropasteurs, iii) de renforcer la résilience des acteurs et des écosystèmes face aux changements climatiques, iv) d’améliorer la conservation de la biodiversité et d’atténuer les émissions des gaz à effet de serre (GES) (PANA-BF 2015).

Des résultats encourageants des différents programmes et projets ont été diversement constatés. Selon Ouédraogo (2010) et Yaméogo et al. (2011), il s’agit entre autres de l’augmentation des rendements agricoles, de la récupération des sols et des couverts végétaux, de l’accroissement de la diversité floristique et de la biomasse herbacée. Ils attribuent ces résultats à l’adoption des variétés améliorées de semences, des

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techniques de conservation des eaux et des sols, de défense et restauration des sols (CES/DRS), à la diversification des cultures et des sources de revenus agricoles. Si ces résultats sont tangibles, il n’en est pas de même pour la résilience des agriculteurs face aux conséquences du changement climatique.

2. La problématique de mesure de la résilience face aux effets du

changement climatique

Le concept de résilience est dérivé du mot latin « resilere » qui veut dire rebondir ou revenir (jump back). Il est apparu premièrement dans la physique des métaux (Hollnagel et coll., 2007), puis a connu une émergence dans les années 1970, avec les travaux de Holling en écologie, lorsque les chercheurs étaient de plus en plus soucieux de l’adéquation des besoins humains avec la soutenabilité des écosystèmes dans un contexte de péril environnemental (Lallau 2011). Le concept a été appliqué dans plusieurs autres disciplines telles que la psychologie, la psychiatrie (Antonovsky 1998 ; Van Breda 2001), la sociologie, la socioécologie (Holling 1996.), la géographie (Adger, 2000 ; Pike et al., 2010). Récemment, à la faveur des conséquences des changements climatiques, la résilience est réapparue dans le champ thématique du développement durable (M. Constas, et al, 2014, GIEC 2007, Alinovi, 2009).

Le concept de la résilience redevient un concept de mode dans la planification des projets agricoles. L’objectif commun c’est le renforcement ou l’amélioration de la résilience d’un système (social, écologique, etc.) face à un choc donné. Au niveau des théories de changement des programmes et projets développés à cet effet, la tendance qui se dégage est celle de considérer la résilience comme un résultat des interventions. Ce résultat (outcome) devenant la condition pour atteindre à moyen ou long terme les impacts sur certains indicateurs de bien-être des individus ou des ménages, tels que la sécurité alimentaire ou la richesse économique, etc.

Plusieurs cadres conceptuels ont été développés à travers le monde par les chercheurs, les ONG et les institutions nationales et internationales, pour mesurer la résilience des ménages face à un choc (Alinovi et al. 2009). La tendance actuelle est de capitaliser les différentes approches afin d’aboutir à une approche plus ou moins standardisée (FSIN 2014b). Parmi les modèles les plus connus, figure RIMA (Resilience Index Measurement Approch) de la FAO. Ce modèle conçu par une soixantaine d’experts pluridisciplinaires tire ses principes des expériences des premiers essais de mesure de la résilience (Frankenberger & Nelson, 2013 ; Constas et al, 2014). Le modèle RIMA considère la résilience comme une variable prédictive, à

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la fois du bien-être des ménages et de leur vulnérabilité. Cette résilience serait aussi fonction de deux dimensions à savoir la dimension physique (incluant les variables comme le revenu, l’accès à l’alimentation, l’accès aux services de base, les actifs agricoles et non agricoles, les changements climatiques, le dispositif de filets sociaux, etc.) et la dimension des capacités (adaptation et sensibilité au choc). Le ménage résilient est donc celui qui est capable de recouvrir son niveau initial de sécurité alimentaire après un choc, que ce choc provienne des changements climatiques (sècheresse, inondation, vent, etc.) ou non (par exemple un conflit, ou un choc/crise économique).

Le souci d’avoir une vision commune de la mesure de la résilience a conduit, les chercheurs et les développeurs (IFPRI, FAO, PAM, USAID et Union européenne) sous la direction de FSIN (Food Security Information Network), à la conception d’un cadre analytique commun (FSIN, 2014a). Ce cadre commun considère la résilience comme une variable explicative de la sécurité alimentaire.

Un autre modèle récent est celui développé en 2015 par le département du développement international du Royaume-Uni (Department for International Development DFID) dans le cadre de son programme BRACED (Building Resilience and Adapatation to Climate Extreme and Disasters). Ce modèle dit des 3 A appréhende la résilience à travers les capacités d’Anticipation, d’Adaptation et d’Absorption. Il a le mérite de s’inspirer de 50 cadres de mesure de la résilience (DFID, 2014). Il est expérimenté par les ONG partenaires d’exécution du programme BRACED, en collaboration avec des universités américaines et allemandes.

La multiplicité des méthodes n’a pas pour autant résolu le problème de mesure de la résilience tant les divergences sont énormes. Selon FSIN (2012, p. 4), « les scientifiques et les praticiens devraient encore trouver un consensus sur la manière de mesurer la résilience ». Pour Frankenberger et al. (2012), le concept de la résilience est intrinsèquement difficile à mesurer.

Les difficultés se situent à plusieurs niveaux. L’absence d’une définition claire et consensuelle de la résilience fait qu’il semble presque impossible d’avoir un consensus sur indicateurs et les unités de mesure (URD, 2014). Pour Bernard (2009), les définitions de la résilience se ressemblent, mais dans le fond, « les représentations sous-jacentes, les idées et même les idéologies, sont parfois différentes, voire opposées ». Il estime aussi que les définitions varient selon que l’auteur a l’ambition de

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la « démontrer » ou de « l’expliquer ». S’il est vrai qu’il existe une myriade de définitions de la résilience (différentes les unes des autres), un point commun semble se dégager. En effet, l’ensemble des définitions considèrent la résilience comme une capacité ou un ensemble de capacités que possède un système (le système pouvant être un individu une communauté, un village, une ville, une forêt, un fleuve, etc.). Ces capacités permettent de faire face aux perturbations ou aux changements.

Une autre réalité actuelle est le fait que la plupart des approches sont toujours à l’étape de conception. Très peu étaient en phase d’expérimentation au début des années 2010. Selon Frankenberger et Nelson (2013),

« While various models for measuring resilience are currently under development…, few have been field--‐tested and adopted as “standard. This is partly due to the fact that resilience is inherently difficult to measure » (Frankenberger & Nelson, 2013, p2).

La diversité des indicateurs de mesure de la résilience amène Mock (2013) à affirmer qu’« il n’existe pas d’indicateurs standards pour mesurer la résilience »2. Par ailleurs, il recommande aussi la combinaison des méthodes quantitatives et qualitatives, étant donné que la méthode quantitative à elle seule n’appréhende pas par exemple les facteurs sociaux externes susceptibles d’influencer la résilience des individus.

La résilience est aussi mesurée à plusieurs niveaux (individuel, communautaire, national, institutionnel, etc.). Il n’existe cependant pas de preuves empiriques sur l’existence ou non des liens entre les différents niveaux. En outre, le niveau institutionnel de même que les facteurs externes pouvant avoir des effets sur la résilience individuelle ne sont souvent pas pris en compte dans les modèles. Pour Prior et Hagmann (2013) par exemple, les politiques gouvernementales sont importantes pour l’amélioration de la résilience.

« An important feature in mitigation (institutional resilience) is government policy and proactivness towards mitigation, yet this aspect is not included in the resilience indicator set » (Prior & Hagmann, 2013, p291).

C’est aussi l’avis de Bernard (2009) pour qui, les concepts de résilience, de capabilité et d’adaptation, en plus d’être « étroitement liés », sont en lien à la fois avec les « caractéristiques personnelles, physiques, psychologiques, psychiques et le système

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de valeurs d’un individu, mais aussi avec son milieu de vie et les ressources qui y sont disponibles, de même que son comportement dans celui-ci ».

La difficulté de fixation d’un seuil standard d’indice de la résilience constitue une autre contrainte. Pour Lallau (2014), mesurer la résilience individuelle revient à « évaluer une capacité d’action, c’est-à-dire un fait non directement observable et difficilement quantifiable ». Pour lui, ceci est un défi majeur jamais complètement résolu, car la résilience est comme une « variable latente, évaluée au travers de la mesure d’autres variables, elles-mêmes parfois latentes ». Si malgré tout, une méthodologie parvient à calculer un score de résilience, la fixation d’un seuil à partir duquel un individu peut être considéré comme résilient se fait souvent de façon arbitraire. Il en est de même pour la détermination des seuils pour les capacités d’anticipation, d’adaptation, et d’absorption, selon les indicateurs qui les composent.

Les acteurs du développement ont une vision positive de la résilience. En effet, dans la formulation des projets de développement, les objectifs concernent le renforcement de la résilience, l’amélioration de la résilience etc. La résilience est souvent considérée comme un résultat intermédiaire pour atteindre le bien-être des individus ou le bon fonctionnement des systèmes socioécologiques. Les chaines de résultats dans la majorité des projets de renforcement de la résilience sont construites sur l’hypothèse que l’amélioration de la résilience va engendrer une amélioration de certains indicateurs donnés du bien-être tels que la sécurité alimentaire, la santé, le niveau de richesse, etc. (BRACED 2015, Holling, 1996). Cependant, pour les auteurs comme Reghezza-Zitt et al. (2012), la résilience peut être aussi négative lorsqu’elle engendre plus de dégâts ou conduit à une situation moins bien ou pire. Ils prennent l’exemple d’Haïti où, suite au tremblement de terre en 1977, la construction des villes résilientes (les bonnes villes) a conduit au déguerpissement de plus de 200 000 logements qui ne respectaient pas les normes. Ces habitants se retrouvent de facto dans les périphéries de la « bonne ville » où ils créent à nouveau des bidonvilles (mauvaises villes), avec des conditions de vie pires qu’avant.

Au regard du nombre croissant d’interventions axées sur le renforcement de la résilience à l’échelle internationale, et tenant compte des contraintes ci-dessus mentionnées, nous sommes en mesure de dire, comme Constas et Barrett (2013), qu’il est indispensable et même urgent de surmonter la difficulté de la mesure de la résilience.

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En considérant la résilience comme une capacité ou un ensemble de capacités, et en tenant compte des différentes contraintes de mesure de la résilience, les questions qui se posent à nous sont :

- Quelle est la contribution de chaque capacité dans la construction de l’indice de résilience des ménages agricoles face aux changements climatiques ?

- Quels sont les effets de la résilience sur le bien-être (notamment la sécurité alimentaire et le niveau de richesse) des ménages agricoles ?

2. Objectifs et pertinence de la recherche

L’objectif de cette étude est de proposer une mesure de la résilience des agriculteurs face aux changements climatiques au Burkina Faso, en prenant en compte les recommandations et les limites des méthodologies existantes.

De façon spécifique, il s’agira de :

- Modéliser la mesure de la résilience des ménages agricoles face aux changements climatiques, et de faire une application empirique à l’aide de données collectées au Burkina Faso.

-

- Analyser les impacts des caractéristiques communautaires, des capacités ainsi que des actions en matière d’adaptation aux changements climatiques sur la résilience des ménages agricoles.

- Évaluer les effets d’une amélioration de la résilience sur la sécurité alimentaire et le niveau de richesse des agriculteurs.

Les résultats de cette recherche apportent une contribution à la mesure de la résilience des agriculteurs face aux changements climatiques. Les résultats servent également à une meilleure caractérisation des individus ou ménages vulnérables aux changements climatiques, donc, à une meilleure orientation les actions lors de la planification des projets et programmes humanitaires et de développement. En effet, la possibilité de connaitre comment l’amélioration (la détérioration) des capacités des agriculteurs joue sur leur niveau de résilience permettra aux développeurs/praticiens de mieux cibler les types d’actions en fonction du type de choc.

La suite de ce travail de recherche est structurée comme suit : le chapitre 2 traite la revue de littérature sur la théorie de la résilience. Il présente quelques définitions du

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concept de la résilience dans certaines disciplines et certains domaines scientifiques. Certaines approches empiriques de mesure sont aussi abordées. Ces approches vont permettre de choisir le modèle mathématique pour cette recherche. Le troisième chapitre se concentre sur la méthodologie utilisée dans la présente analyse. Les différentes variables sont définies, ainsi que la base de données qui est utilisée pour les analyses. Le chapitre quatre présente et discute les résultats de l’analyse. Ces résultats permettront de répondre aux questions de recherche. Le dernier chapitre porte sur la conclusion et les pistes de réflexion.

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CHAPITRE I. ÉLÉMENTS CONCEPTUELS ET APPROCHES EMPIRIQUES

La théorie de la résilience a connu beaucoup d’engouement depuis les années 1970. Folke a dénombré en 2016, plus de 20 000 citations du terme résilience et souligne que le nombre de publications est passé de 100 à 6000 ces quinze dernières années (Folke 2016). Le nombre d’articles publiés sur la résilience s’est accru de 400 % entre 1997 et 2007. Ces publications sont dominées par la psychologie et la psychiatrie (Swanstrom 2008). Sur la période de 1967 à 2007, une étude similaire de Janssen a indiqué une dominance des articles sur la résilience dans le domaine de l’écologie (Janssen, 2007). La figure 1 ci-dessous récapitule les différentes disciplines ainsi que les champs de recherche dans lesquels la théorie de la résilience est appliquée.

Figure 1: Le caractère interdisciplinaire de la résilience

Source : Reghezza-Zitt et al. (2012)

Cette multitude de travaux de recherche dans diverses disciplines conduit à une myriade de définitions de la résilience. Certains auteurs font remarquer que les nombreuses définitions de la résilience conduisent à une confusion. Cependant, d’autres prônent la nécessité d’un certain niveau de diversité de sens de la résilience et de la vulnérabilité appliquée aux différents domaines du travail scientifique (Klein et al. 2003, cités par Maru et al., 2014). Ce chapitre est subdivisé en deux parties. La première fait état du concept de la résilience dans la littérature, et la deuxième porte sur les approches empiriques de la mesure de la résilience dans le domaine du développement durable.

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11 1. 1. ÉLÉMENTS CONCEPTUELS

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.1.1. La théorie de la résilience dans la littérature : définition et champs

d’application

La théorie de la résilience traite de la force que les individus et les systèmes démontrent pour faire face aux adversités (Van Breda, 2001). Les travaux de plusieurs auteurs sur la résilience dans plusieurs disciplines scientifiques permettent de représenter l’évolution du concept de la résilience depuis les années 1970 à nos jours, comme indiqué dans le graphique 2 ci-dessous.

Ce graphique permet de distinguer trois grandes phases dans l’émergence du concept de résilience. Il s’agit de :

i) Les précurseurs (avant les années 70). Comme mentionné plus haut, la théorie de la résilience est apparue premièrement dans le domaine de la physique des métaux, puis en écologie avec les travaux de Holling (1973), appuyé par de nombreux autres travaux (Holling et al. 1995, Resilience Alliance, 2002, ISDR, 2005, etc.).

ii) L’époque des sciences sociales, précisément celles consacrées au système cognitif (la psychologie, avec les études sur les enfants à risque, ainsi que le traitement des maladies psychopathologiques et psychiatriques) ou à l’interaction sociale (notamment avec la prise en compte des dimensions de l’homme, des groupes et des organisations dans la définition de la résilience).

iii) L’extension vers le développement durable.

Les définitions de la résilience dans les différentes disciplines font référence à plusieurs capacités que le système ou le matériel résilient possède ou développe, face à l’occurrence d’un changement quelconque. Ces notions de capacités diffèrent selon les domaines et, par conséquent, ont évolué dans le temps.

Les premiers travaux sur la résilience ont mis l’accent sur la capacité d’un matériel à résister, à absorber, à rebondir et à revenir à un niveau d’équilibre, après avoir subi un choc. Les travaux en écologie utilisent les mêmes types de capacités, mais appliqués plutôt à un système écologique donné (Holling 1973, 1995, Holling et al. 1995). Par la suite plusieurs autres auteurs ont attribué à la résilience d’autres types de capacités telles que les capacités d’adaptation, de recouvrement, d’innovation, d’auto organisation et d’apprentissage (Horne et al., 1997 ; ISDR, 2005, Folke 2006 ; etc.).

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Vers le début des années 2000, d’autres notions récentes se sont ajoutées à la liste des capacités de la résilience. Il s’agit des capacités d’anticipation (Resilience Alliance, 2002), de transformation et de gestion des risques.

Dans cette section, nous aborderons la définition de la résilience selon un certain nombre de disciplines dans lesquelles la théorie de la résilience a connu une émergence. Dans chaque domaine, des réponses seront aussi données aux questions « resilience of what » « resilience to what » ce qui peut se traduire respectivement par « résilience de quoi / qui» et « résilience à quoi ». Notre intérêt portera également sur les facteurs qui déterminent d’une manière ou d’une autre, la résilience.

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.1.1.1. La théorie de la résilience en physique des métaux

Le mot latin resilire, qui est à l’origine de “ résiliation ” et de “ résilience ”, est une combinaison du verbe salire, qui veut dire “ sauter ”, et du préfixe “ re ” qui indique un mouvement vers l’arrière (Tisseron, 2009). Ceci fait référence à deux termes bien distincts qui sont i) le fait de renoncer, de se dédire et ii) le fait de sauter en arrière ou de rebondir (Gaffiot, 1934).

La théorie de la résilience a émergé traditionnellement avec la physique de métaux où le concept fut utilisé pour caractériser la fragilité des métaux. En effet, Georges Charpy, un ingénieur polytechnicien s’intéressant à l’étude des matériaux et plus particulièrement aux phénomènes de rupture, a mis au point un test dénommé « Mouton de Charpy » qui sert de méthodologie expérimentale pour une mesure quantitative de la résistance d’un matériau aux chocs. Cette résistance est désignée par le concept de résilience qui représente l’énergie dissipée par unité de surface du métal pendant le choc (Bertin C. et al. 2007 ; Arnaud M, 2003). La résilience d’un métal est son aptitude à reprendre sa structure initiale après un choc. La résilience des métaux c’est leur capacité d’absorber l’énergie cinétique sans se rompre. L’énergie nécessaire pour rompre un matériau sera d’autant plus importante que celui-ci est plus résilient (Bernard, 2011).

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Figure 2: Évolution du concept de la résilience (de 1973 à 2017)

Source : adapté des travaux de Holling (1973), Horne et al (1997), Folke (2006) et Botta A, Bousquet F (2017) Physique des métaux (Bertin C. et al. 2007 ; Arnaud M, 2003).

Sociologie (Van Breda 2001 Antonovsky et Bernstein, 1986)

Résistance, Absorption , « bounce back », maintien (Holling 1973, 1995, Resilience alliance, 2002 ; Folke 2006) Capacité d’innovation (Horne et al., 1997 ; ISDR., 2005)

Capacité d’anticipation (Resilience Alliance, 2002) Gestion du risque

Persistance, recouvrement, d’adaptation, (Horne et al., 1997 ; Folke 2006, Wildavsky et al., 2008), Auto-organisation, Processus d’apprentissage (Mileti, 1999 ; Paton et al. 2000 ; Carpenter et al. 2001 ; ISDR, 2005, Adger et al., 2005 ; Ostrom, 2009)

Capacité de transformation, de gestion du risque

1940 2000 2005 2010

D

o

m

a

i

n

e

s

C

a

p

a

c

i

t

é

s

1973

Systèmes socioécologiques s(S.E.S) : Resilience Alliance (2002) ; Folke (2006) ; Bousquet F. (2016) ; Constas et al. (2014),

Écologie (Holling C.S., 1973)

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.1.1.2. La théorie de la résilience en psychopathologie et psychiatrie

Dans le domaine de la psychopathologie, la résilience est définie comme étant la capacité à faire face aux défis et aux menaces tout en maintenant un sentiment de soi interne et intégré (traduction libre de Garmezy & Masten, 1986, cités par Ledesma 2014).

En psychiatrie, la résilience se réfère aux forces biologiques et psychologiques que les humains utilisent pour maîtriser le changement avec succès (Flach, 1988, cité par Ledesma J. 2014).

Selon Rack et Patterson (1996), l’émergence de la théorie de la résilience en psychiatrie et en psychopathologie est advenue avec le déclin de l’importance accordée à la pathologie en faveur de l’accent mis sur la force du patient. En effet, la résilience est survenue suite à un changement de paradigme dans le domaine de la santé (Antonovsky et Bernstein, 1986). Pour les chercheurs comme O’Leary (1998),

Hawley et De Haan (1996), l’approche pathogénique (pathogenesis) longtemps appliquée dans les soins en médecine, est de plus en plus remplacée par l’approche salutogénique (Salutogenisis). Selon Strümpfer (1990), pathogenesis qui veut dire « origine de la maladie », consiste à déterminer les causes des maladies chez les gens, ainsi que les raisons qui font que certaines personnes développent des maladies spécifiques. Le paradigme « salutogenesis » qui signifie « origine de la santé » se préoccupe plutôt de connaitre les raisons pour lesquelles certaines personnes sont guéries, ou résistent à la maladie au moment où plusieurs succombent. Antonovsky démontre dans ses travaux qu’en situation de stress, les individus ont recours à des ressources dites de résistance généralisée pour comprendre le sens des facteurs de stress auxquels ils sont confrontés. La théorie de la résilience fait donc appel au concept de sens de la cohérence qui est défini comme le sentiment durable de confiance que ce qui se passe est intelligible, que la personne exposée au stress possède une capacité de le gérer, et que les événements vécus sont perçus plutôt comme des défis et non comme des fardeaux (Cyrulnik et al., 2001 cités par Bernard 2011). Antonovsky et Bernstein (1986) soulignent que les adeptes de l’approche « pathogenesis » ignorent que le stress et les agents pathogènes sont omniprésents et par conséquent, ils se concentrent sur la façon dont ces facteurs de stress fonctionnent, plutôt que sur la façon dont les gens y font face.

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.1.1.3. La théorie de la résilience en écologie

En écologie, le concept de résilience a été introduit par Holling qui l’associe au déclenchement du passage du système écologique d’un état proche de l’équilibre à un état de plusieurs niveaux de l’équilibre (Holing 1973). Dans un premier temps, Holling définit la résilience comme la mesure de la persistance des systèmes écologiques et de leur capacité à absorber les changements et les perturbations tout en maintenant les mêmes relations entre les populations ou les variables d'état (Holling, 1973, p.14). Par la suite, Holling distingue deux types de résilience : i) « engineering resilience » ou la résilience d’ingénierie, mesurée à travers la résistance et la vitesse de retour à l’équilibre d’un système écologique (figure 2B.), ii) la « résilience écologique » qui, différemment de « engineering resilience », tient compte du fait que le système écologique peut non seulement avoir une « multi stabilité », mais aussi, peut-être simplement dynamique, c’est-à-dire qu’il ne revient pas forcement à l’équilibre initial après le choc. Les instabilités peuvent transformer un système en un autre régime de comportement, c’est-à-dire vers un autre domaine de stabilité qu’il l’appelle « stabilité structurelle » (Holling, 1973, Gallopín, 2006). Selon donc la résilience écologique, ce qui caractérise la résilience n’est alors pas l’appartenance à un bassin d’attraction, mais plutôt la trajectoire du système et/ou la conservation de sa structure. Dans ce cas de figure, la résilience est donc mesurée par l’ampleur de la perturbation qui peut être absorbée avant que le système ne change sa structure en changeant les variables et le processus qui contrôle le comportement (figure 3A). (Walker et al 1969, Adger 2000, Carpenter et al 2001).

Figure 3: Illustration de la résilience écologique

Résilience = perturbation qui peut être absorbée avant que l’état ne change

Résilience = taux de recouvrement d’une perturbation (Résilience + résistance =

stabilité) Résilience Résilience

A

B

n n t t Source : Adger, 2000

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L’introduction du concept de la résilience en écologie a contribué à révolutionner la gestion des écosystèmes. En effet, les travaux de Holling constituent un changement paradigmatique qui a permis de mieux comprendre ou de tenir compte de la complexité des dynamiques écologiques, contrairement à l’approche traditionnelle de gestion des écosystèmes qui était basée sur les outils d’optimisation (la stabilité ou le bon fonctionnement). Holling reproche aux modèles théoriques traditionnels de ne pas bien prendre en compte le comportement réel des processus impliqués dans ces modèles, les phénomènes aléatoires auxquels sont soumis les systèmes écologiques et l’hétérogénéité spatiale (notamment les effets de frontières et les effets d’échelles spatiales). Ces modèles traditionnels sont contraignants, car leur analyse ne porte que sur le processus de stabilité situé proche de l’équilibre, étant donné qu’il est difficile de modéliser des processus loin de l’équilibre. Le champ d’application des études de l’approche traditionnelle serait donc limité aux systèmes linéaires ou aux systèmes non linéaires au voisinage d’un équilibre stable où une linéarisation est valide (Holling, 1986).

Vu les reproches ci-dessus formulés contre la gestion théorique des écosystèmes, Holling propose des approches plus qualitatives, moins centrées sur l’étude du retour à l’équilibre d’un système au sein d’un bassin d’attraction, et qui mettent l’accent sur l’étude de la persistance de ces systèmes, autrement dit, l’analyse des facteurs qui expliquent la capacité des écosystèmes à assurer leur survie dans ces conditions périlleuses. Holling oppose ainsi l’« engineering resilience » (fonctionnalité, continuité, prédictibilité) et l’ « ecological resilience » (persistance, changement, imprédictibilité). En somme, nous pouvons retenir que l’écologie a étudié dans un temps, des systèmes stables situés autour d’un point d’équilibre, deuxièmement, des systèmes instables situés loin de divers points d’équilibre, puis troisièmement des systèmes dynamiques (où on ne parle même plus de stabilité).

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.1.1.4. La théorie de la résilience en sciences sociales

1.1.1.4.1. En psychologie

En psychologie, la résilience est définie comme la capacité d’une personne ou d’un groupe à bien se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants, des conditions de vie difficiles, des traumatismes parfois sévères » (Bernard, 2011). Les études de la résilience dans cette discipline portent sur les individus, les familles et les communautés. Les premières études concernent, en

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particulier, l’étude d’enfants qui auraient dû développer des pathologies mentales, mais, in fine, sont restés en bonne santé (Olsson et al., 2003). La détermination des causes et des facteurs qui ont permis à ces enfants de s’adapter, oppose deux courants à savoir, un premier courant dénommé « Heading resiliency » qui explique l’adaptation par les compétences individuelles, et le deuxième courant l’explique davantage par des facteurs externes à l’individu et par des processus extérieurs qui accompagnent l’enfant durant sa jeunesse (Masten and Obradovic, 2006, Olsson et al., 2003, Coutu 2002, Luthar et Cicchetti 2000). Un individu résilient est donc celui qui après avoir subi un traumatisme, prend acte de l’événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression.

Les études les plus connues en psychologies sont celles de Werner et Smith (1992), menées auprès des enfants dits à risque, qu’ils ont suivis depuis leur tendre enfance jusqu’à l’âge adulte. Ils ont montré qu’à l’âge de 18 ans, 30% des enfants à risque sont devenus compétents, et confiants. À l’âge de 32 ans, 2/3 d’entre eux sont devenus des adultes attentionnés et efficaces. Ils ont donc conclu d’une part, qu’il existe des facteurs qui protègent les enfants vulnérables contre le dysfonctionnement, et d’autre part, contrairement à l’approche pathogénique, que le cours de la vie des personnes vulnérables n’est pas prédéfini par les facteurs de risque subis dès la période périnatale, infantile ou de la tendre enfance, mais il est plutôt susceptible de changer à tout moment.

Selon Ledesma (2014), on peut identifier deux types de facteurs qui influencent la résilience psychologique des individus. Il s’agit des facteurs internes (la personnalité, les ressources individuelles, la capacité d'adaptation, le sens de la cohérence, les ressources cognitives, etc.), et les facteurs externes (les relations, les réseaux de soutien)

Lallau (2011) souligne que l’approche de la résilience individuelle a été révélée dans la psychologie (mesure de la capacité d’adaptation aux événements traumatisants), la microéconomie de la vulnérabilité (mesure de la situation de pauvreté de l’individu) et l’approche des capabilités qui, selon Sen (1992), est « l’ensemble des modes de fonctionnement humain qui sont potentiellement accessibles à une personne, qu’elle les exerce ou non » (Lallau 2011).

Pour McCubbin et McCubbin (1988), la résilience familiale est mesurée à travers les propriétés qui aident les familles à résister aux perturbations face au changement et à s’adapter aux situations de crise, ou par les qualités qui permettent à une famille de maintenir son équilibre en éprouvant des crises (Hawley et DeHaan, 1996).

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Dans le même ordre d’idée, Walsh (1996) confirme que la résilience familiale fait référence aux processus clés qui permettent aux familles de mieux faire face et de sortir plus facilement des crises ou des tensions persistantes, qu’elles soient internes ou externes à la famille.

La famille a été considérée par les chercheurs, d’une part, comme un contexte de résilience individuelle, et d’autre part, comme une unité d’analyse à part entière, pouvant aussi être résiliente. La famille comme élément central dont les individus sont les composantes (Van Breda, 2001, McCubbin et McCubbin, 1988, Walsh, 1996). Certains auteurs considèrent la famille comme un facteur de risque pour la résilience des membres. C’est le cas par exemple des familles ayant des conflits conjugaux sévères, des parents ayant des maladies mentales. D’autres en revanche trouvent que la famille est plutôt un facteur de protection lorsqu’il y a une bonne entente/compatibilité entre les parents et l’enfant, peu de conflits familiaux durant l’enfance, absence des divorces (Hawley et De Haan, 1996).

Il faut noter que les auteurs mentionnés ci-dessus soulignent des difficultés dans la mesure de la résilience familiale, car il y a des doutes sur l’existence de relations entre la résilience familiale et les comportements réels de la famille.

Les études sur la résilience communautaire qui datent des années 1997 sont plus récentes que les précédentes (au niveau individuel et familial) (Van Breda 2001). La résilience communautaire est définie par Mancini et Bowen (2009) comme étant une capacité que possède la communauté pour faire face aux adversités ou aux conséquences des adversités, afin de maintenir ou de retrouver son niveau de fonctionnement satisfaisant d’antan. Selon ces auteurs, la résilience communautaire est une composante de l’organisation sociale qu’ils présentent comme une pyramide dans laquelle se trouve ;

i) À la base, des antécédents communautaires (les structures de réseau et les conditions et caractéristiques générales de la communauté),

ii) Au milieu, le processus d’action sociale à savoir la capacité communautaire et les principaux processus d’action sociale qui regroupent la capacité communautaire (partage de la responsabilité et la compétence collective) et capital social (information, réciprocité et confiance), et

iii) Au sommet, la résilience qui représente le résultat / conséquence de la communauté.

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Bowen définit la communauté comme un réseau de relations informelles entre personnes liées les unes aux autres par la parenté, l’intérêt commun, la proximité géographique, l’amitié, la profession ou la prestation et la réception de services — ou diverses combinaisons de ceux-ci (Traduction libre de Bowen 1988, p. 3-4). Il souligne que cette communauté a également été, pendant longtemps, considérée par les chercheurs comme pouvant soit être un facteur à risque de la résilience familiale, soit comme un facteur protecteur. Seules quelques recherches récentes et rares considèrent la communauté comme un système à part entière pouvant être résilient. L’auteur conclut qu’une communauté peut être considérée comme résiliente lorsque la majorité de ses membres ont un fort sentiment d’être en relation avec d’autres membres et ressources de la communauté.

1.1.1.4.1. La théorie de la résilience dans d’autres domaines des sciences

sociales

La physique des métaux, la psychologie, et l’écologie sont les trois champs disciplinaires pionniers de l’application de la théorie la résilience. Le passage du concept des sciences écologiques aux sciences sociales est délicat et contesté par certains chercheurs en sciences sociales. Boin et al. (2010) trouvent que ce transfert fait perdre au concept, sa cohérence, en faisant une passerelle à plusieurs autres courants tantôt proches de l’écologie, tantôt proches de la psychologie.

Le concept de la résilience a été utilisé dans le management des organisations avec les travaux précurseurs d’Aaron Wildavsky (1988). Selon lui, la complexité inévitable des systèmes organisationnels rendra moins prévisibles leurs dysfonctionnements. Les organisations devraient tenir compte du fait que les surprises sont inévitables et bâtir leur fiabilité autour d’une gestion en temps réel plutôt que de l’anticipation (De Bruijn et Van Eeten, 2007).

D’autres études toujours sur le management des organisations ont identifié un certain nombre de facteurs qui favorisent la résilience des organisations, parmi lesquels, on peut citer la flexibilité structurelle, la culture de fiabilité, la capacité d’improvisation, et le processus de « sense-making ». L’application de ces facteurs engendre des coûts pour l’organisation. C’est pour cela que Van Eeten et al. (2010) trouvent que la résilience est peut-être en contradiction avec l’optimisation et la maximation des profits.

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Les économistes également utilisent le concept de la résilience et parlent « d’économie résiliente », ou de « résilience de l’économie » qui se réfère à la capacité d’une économie à réduire les probabilités de crises ainsi que leurs effets si celles-ci sont inévitables (Aiginger, 2009). Cette définition se rapproche de l’ « engineering

resilience » (notion de continuité, de stabilité) en ce sens que face aux crises, la

résilience s’oppose à toute variabilité de l’économie par un lissage des profits afin d’éviter tout soubresaut (Catte et al., 2005).

Au niveau de la microéconomie, l’étude de la résilience économique ne s’oppose pas totalement à l’approche « ecological resilence ». Pour Aiginger (2009), lorsqu’une crise survient, une entreprise résiliente n’est pas nécessairement celle qui parvient à un état de compétitivité antérieure, mais correspond plutôt à celle qui a la capacité de tirer profit de cette crise afin d’améliorer sa compétitivité. Par conséquent, l’entreprise se doit de « conjuguer » l’évaluation des risques, une bonne communication des informations, et la mise en place de processus de gouvernance s’accompagnant d’une planification stratégique (Hamilton, 2004).

Le concept de la résilience a été appliqué dans bien d’autres disciplines des sciences sociales notamment en géographie (précisément en géographie « spatialiste », dans le cadre du paradigme de l’auto-organisation et de la théorie des systèmes dynamiques) pour évaluer les mécanismes de sélection géographique, en référence à un critère archéologique qu’est le maintien de l’occupation d’un site (Pumain et al., 1989 ; Lepetit et Pumain, 1993).

Dans le domaine de l’humanitaire, le concept est apparu avec le travail social notamment dans les organisations caritatives (Charity Organisation) et les organisations d’œuvres sociales (setllement house Societies). Plusieurs auteurs affirment que selon les organisations caritatives, les problèmes sociaux sont tributaires du déficit moral au niveau de chaque individu (Bendor, Davidson, & Skolnik, 1997, Weick, Rapp, Sullivan, & Kisthardt, 1989, Van Breda, 2001, Weick et Chamberlain, 1997). A contrario, pour les organisations d’œuvres sociales, c’est plutôt les facteurs environnementaux qui causent les pathologies sociales (Bendor et al., 1997). Van Breda précise que selon ces travailleurs de ces organismes,

« Les ressources telles que le logement, l’assainissement, l’éducation, l’aide de voisinage et les interactions sociales enrichies permettraient aux gens de dépasser les limites de leur situation » (traduction libre de Van Breda, 2001 p. 198).

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Les fondements philosophiques des organisations caritatives et des organisations sociales sont certes différents, mais leur stratégie d’intervention reste tout de même basée sur le paradigme pathogénique (pathogenic paradygm) en ce sens que l’accent est mis sur les causes de la précarité de personnes nécessiteuses plutôt que sur les forces permettant de sortir de leur situation. Jadis, ces organisations ne suivaient donc pas le cadre de résilience dans leurs interventions. C’est à l’orée des années 2000 que le concept de résilience s’est introduit dans ce milieu, comme le mentionne Van Breada :

« Les modèles et théories récents de la pratique du travail social, tels que la perspective des forces et les approches narratives, sont explicitement engagés dans un cadre de résilience et ont reconnu les dangers d'un paradigme pathogène dominant » (traduction libre de Van Breda, 2001, p 200).

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.1.1.5. La théorie de la résilience dans le développement durable

L’application de la résilience dans le développement durable découle de son caractère systémique qui favorise les approches pluridisciplinaires étudiant des systèmes de différentes natures. On parle alors de résilience systémique. Notre recherche s’intéresse principalement aux Systèmes Socio-Ecologiques, traduit en anglais par

Socio Ecological System (S.E.S).

La résilience d’un système socioécologique se définit comme sa capacité à absorber les perturbations d’origine naturelle (un feu provoqué par la foudre, une sècheresse, etc.) ou humaine (une coupe forestière, la création d’un marché, une nouvelle politique agricole, etc.) et à se réorganiser de façon à maintenir ses fonctions et sa structure. En d’autres termes, c’est sa capacité à changer tout en gardant son identité (Mathevet et Bousquet, 2014).

Pour certains chercheurs, la notion de système socioécologique vient constituer un pont entre les écosystèmes et les systèmes sociaux, en établissant des interactions entre des composantes sociales et environnementales, et à différentes échelles de temps et d’espace (Folke et al. 2007, Ferret, 2011, McGlade, 1995, Van der Leew et Aschan-Leygonie, 2000).

Les travaux sur la résilience des S.E.S sont dans la continuité de la résilience écologique. En effet, l’avènement des changements climatiques et de la pression croissante sur les ressources naturelles a amené les décideurs, les praticiens et chercheurs du développement durable à se poser la question de l’adéquation entre les

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besoins et la durabilité des systèmes écologiques (Lallau, 2011). Dans ces travaux, Holling indique que les changements d’état des écosystèmes sont la conséquence des actions humaines, qui réduisent la résilience de ces écosystèmes, et qu’en retour une faible résilience a un impact sur les conditions d’existence et le développement (Holling et Gunderson, 2002). La prise en compte progressive des activités humaines et leurs conséquences grandissantes sur les écosystèmes ont conduit finalement au passage de la résilience des écosystèmes à la résilience des S.E.S (Berkes et Folke, 1998 ; Holling et Gunderson 2002, Lallau 2011). Berkes & Folke (1998) définissent les systèmes socioécologiques comme étant des systèmes complexes et intégrés dans lesquels les humains font partie de la nature.

Certains auteurs ont trouvé que la résilience des S.E.S est dépendante d’un certain nombre de facteurs tels que la croissance économique, la stabilité, la distribution des revenus, les degrés de dépendance aux ressources naturelles, les phénomènes migratoires (Adger, 2003).

Folke et al. (2002) soulignent que l’émergence de la résilience dans le développement durable est advenue avec un changement de paradigme. Selon eux, les chercheurs ont convenu que les écosystèmes utiles à l’homme ne sont pas linéaires et sont moins contrôlables et que l’homme ne peut être pris séparément de l’écosystème. C’est également le point de vue de Resilience Alliance pour qui, dans ce système intégré composé de l’homme et de la nature, le système résilient est non seulement capable d’absorber les perturbations, mais aussi de s’auto organiser et d’accroitre sa capacité d’adaptation et d’apprentissage (Carpenter et al. 2001a, p 765).

« The Resilience Alliance defines resilience as applied to integrated systems of people and nature as (a) the amount of disturbance a system can absorb and still remain within the same state or domain of attraction (b) the degree to which the system is capable of self-organization (versus lack of organization, or organization forced by external factors) and c) the degree to which the system can build and increase the capacity for learning and adaptation” (Carpenter et al. 2001a, www.resalliance.org).

Pour Perrings, la résilience et le développement durable deviennent deux concepts liés voir interdépendants.

« A development strategy is not sustainable if it is not resilient: i.e. if it involves a significant risk that the economy can be flipped from a desirable state (path) into an undesirable state (path), and if that change is either irreversible or only slowly reversible » (Perrings, 2006, 418).

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Résilience et durabilité se présentent comme deux concepts proches, mais distincts. La résilience serait synonyme de durabilité si elle est caractérisée par la viabilité (la persistance) sur le temps long des S.E.S. Les deux concepts sont cependant différents pour principalement les deux raisons suivantes :

i) Premièrement, la durabilité est un concept « anthropocentré », l’objectif étant d’assurer la pérennité des générations futures par une gestion durable des écosystèmes. Or, dans le cadre des S.E.S, la résilience est davantage centrée sur les interrelations entre ces systèmes et non spécifiquement sur l’homme. Le concept de résilience apparait donc plus universel.

ii) Deuxièmement, la durabilité est une stratégie visant un développement croissant, continu, linéaire et stable, tandis qu’au contraire les fluctuations font partie intégrante des processus de résilience qui privilégie la flexibilité. Ainsi, la durabilité serait un concept normatif qui nécessiterait de définir des normes, tandis que les processus d’amélioration de la résilience conduiraient à être moins normatifs et plus flexible. In fine, cette mise en rapport contribue à normaliser la résilience en lui fixant des normes à respecter.

L’émergence de la théorie de la résilience dans le développement durable va ouvrir davantage son application dans d’autres domaines notamment celui de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Cela va aussi engendrer des définitions d’autres qui sont certes différentes selon les objectifs poursuivis, mais qui gardent un point commun qui est la capacité de réaction du système socio écologique face aux changements.

Dans les différentes définitions rencontrées, on y recense toutes les capacités déjà vues précédemment, à savoir la capacité de résister, d’absorber, de s’adapter, de recouvrir, de se réorganiser, et même d’anticiper (Walker et al., 2004, Folke, 2006). Pour les Nations Unies, la résilience se réfère à « la capacité à faire face, à récupérer, et à éviter les chocs, les dangers ainsi que les menaces économiques et environnementales » (UNISDR 2005)3. Selon l’Union Européenne, « la résilience est la capacité d’une personne physique, d’un ménage, d’une communauté, d’un pays ou d’une région à résister, à s’adapter et à se remettre rapidement à la suite de l’occurrence de tensions ou de chocs, tels que des sècheresses, des violences, des conflits ou encore des catastrophes naturelles (Lallau. 2014).

Une autre définition de la résilience est celle de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui dit :

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« Resilience is the ability to prevent disasters and crises or to anticipate, absorb, accommodate or recover from those that impact nutrition, agriculture, food security and food safety (and related public health risks) in a timely, efficient and sustainable manner. This includes protecting, restoring and improving structures and functions of food and agricultural systems under threat » (FAO4).

Face à cette diversité de définitions, un Groupe de Travail Technique sur la Mesure de la Résilience (GTT-MR)5 a été mis en place par le réseau d’information sur la sécurité alimentaire (FSIN) afin de proposer une définition simple et claire de la résilience. La définition ci-après fut proposée :

« La résilience est la capacité qui garantit que des facteurs de stress et des chocs adverses n’aient pas de conséquences négatives durables sur le développement » (Constas et al, 2014, p6).

Si en psychologie le lien est établi entre la résilience communautaire et celle de l’individu, les études sur ce cas de figure dans le développement durable sont rares. Selon Bowen (1988), le bien-être et la santé d’un individu peuvent être impactés par quatre principales dimensions à savoir

i) Les infrastructures physiques (les bâtiments, les routes, l’accès à l’eau, l’électricité, aux boutiques ou endroits récréatifs, etc.),

ii) La dimension sociodémographique (l’éducation, le statut économique, les ethnies, l’âge, le statut matrimonial, etc.),

iii) La capacité institutionnelle (qualité des organisations d’appui),

iv) L’organisation sociale (interdépendance, connexions psychologiques, ou simplement la capacité de la communauté à fournir des soins sociaux à ses membres).

Pour Van Breda (2001), les facteurs de stress auxquels font face les familles proviennent de la communauté, un système au-dessus et autour de la famille. La pauvreté, le crime, l’instabilité politique, la discrimination, le manque de ressources communautaires sont autant de facteurs de la communauté qui impactent négativement les familles. Pour d’autres auteurs, la communauté pourvoit des facteurs de protection pour la famille. Cobb (1982) a identifié quatre types d’appuis à savoir,

4 http://www.fao.org/neareast/perspectives/building-resilience/en/ 5

Le groupe de travail technique sur la mesure de la résilience, coparrainé par l’Union européenne et l'USAID, est composé de 20 personnalités représentant des organisations gouvernementales et non gouvernementales. la liste complète des membres est disponible à l’adresse http://www.fsincop.net/topics/resilience-measurement/technical-working-group/en/

Références

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