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...
1.
L 'INFLUINCII: 00 ROMAN ANGLAIS CHa
.
DID&'ROT' ,-~ ., ,".
,,
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" "',' --"~-J".""~_ -, :",,~.;-,:~~~~.-_
l' ~ > - ,:: ~ •
"
L'influeno. du zoo . . . 'Aja 01.- Dlderot.
''tulle du riall_. mlSl dans 1& taraUoa d' . . tecbD1Clue l'OMT . . . .
ABSTRACT
The &1. or toMa a'tudy la to . . . . ne the 1Dfi~
the 1in8l1ah e18hteent.h-~tury nove1 on t.he ~e1o~ o~
Diderot 's technique . . a ~el1.t. '!Ile cbamcterl_tlca o~
the &\8l1ah nov el are at,.t1ect ln oder to ~t7 ~
orig1nàl featurea wh1ch lapreaae4 D1derot iD the 1IOXk ~
\
the vr1 tera he kne" well. Rl~n. Stftne, Svlft UIIl "'e1dll"8.
1
Diderot pu"Ucul.arl.,y apec1ate4 U. _-.1 oaDNl'D
he round ln the Incllab DOYel. . . . . .. iD J'raDoe t.be ..,.,ü
,
ln &Island a ne" type of novel . . app1Uw4 IIId.cb GOIINn~
.orall 'ty and reall... Diderot IIdopted tb1a . a l J:Ml , _ iD
'hla om vorSt. The. zau).UD& ewolutloa 1Il Ida
tecnd.- _
ano~el1.'t la show
bJ'
àaa1D1nc
eacb o~ blaftct.loaal _.b
ln
turn.
October, 197)
.'->..1'_~ .• ,,~i: _t,
, ~ , '! ,
•
1 1 f•
1 Jt 'IDLUIIfC& DU RlMA.M AlCLAIS CHIZ mDlRlT ,
J:J'UlB DI RBALISMB lOBAI, DA.NS 'LA JIOBMATION D'UJfB TlEHHI~ RlNANBSQUI
CLIn.
Boaena, B~A./
A thee1e
f aut.1ittect
to--the JP&culty
of Graduate
Stucl1_ and Rea-.rchMaG111 tidveralt1.: 1
1n part.la1 fulnl..nt of the requlruenta
-tor-
the
degreeof
~, l Jlllater of Arta i ,Septeaber
19'13
, J " ". ......
.-",--1
RGsenl
tl1ft
1974
; ,> -1 " -' ? , L r'~ '.;"
.
.
'."
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~ - '...., .. .. , .... ;,;\
L t Influence du roman angl&1s chets Diderot 1
étude du réallsM JIIOral dans la. i"onatlon d'une technique romanesque
Roeena Clift
ABSTRACT
l'
Cet te étuÇ.9 a pour but d »èxam1ner l' lt1fiuence du roman,
anglais du dix-hulti~me si~cle sur la technique romanesque
développée par D\derot. Les caractéristiques du
roman
anglaissont étudiées afin de mieux dégager ce que ~derot trouvait
d'original chem ceux dont il connaissait si bien l'oeuvre,
l.
savoir, Richardson, sterne, Sw1:f't et Fielding •.
1
Diderot est frappé en premier lieu p&r le soucl
IIOral-lsateur qu'lI trouve cham leS_Anglai~i8 tandis qu'en
France le roman 'demeure lIloral et irréaliste, ou bien réaliste
et" illlJllOral, en Angleterre un nouveau gen1:'e d.e l'IOman appu-aft
\
~ui·réunit moralité et réa+isme •
C'est donc ce réalisme 1IlOX"tl~qû'è' Diderot fait· slen èt.·
qui provoque l'évolution de S& teohnlque ro.anesque ~ue ~OU8
octobre, 19?J \ \ r
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" , ,'" . . . f ... ., TABLK Dm MATIEnE., Introduction •• •
• •
• • ••
• ••
•
• • Il • • Chapitre 1 ~ Chapitrè II 1 'Chapitre III Chapitre IV•
Chapitre V t ,Chapitre VI Le Roman angla.1s ••
•.'
..
,
l'
'/ ..•
• • ••
/'Les Bijoux indiserete •
•
• • • • • ••
•
/ " 1
Il
Relisieuse•
••
• • ••
• • • • ••
• LeIl~ve~.
llêmeau • • • • • • • • • • • •\'
1, \ Jacgues leFa:~18te
.,
.
• •
• • ••
••
• Lescontêtt;'" • • • • • • • • • • • • • • •
"
J•
• • 12 • • 1 • 129
•
••
41 • • • 61•
• •
70
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Conclusion-~---
---• • • • • • I! • • • . . • • • ••
•
••
•
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•
105 Bibli{)graphlo • • • • ' • • • • • " • • • • . • • • • • • • • • • ~11 IJ -~, ,.. i • !•
)
1 H T R 0 'D U C T
t
0 IfL'oeuvre de Diderot, ainsi qUe l'holllle_lui-raa., ne 8e ra.nse
..
I:UJtltrIJl(UI"L clans l'une des catégorie, que nous avons l'habitude
~ ,
pour .ieux cerner le travail de l'écriva1.n ~ vingti?'lIe al Diderot éta.1 t doué de la curiosi té naturelle aux holUleS Illustres de 80n s1'cle, et c'est grlce l elle qu'il a voulu tout
~étrer
et toutcoapre~ ~
tous les do.f.nes. Le té*>lgnaged'un de ses eonteaporains nous fa1 t savoir l 'un1yèrsall té < de son
génie J
Pour prendre quelque ,,-dée de l'étendue et
de 1& :fécond1 té de 80n espr1 t, ne 8ufi'1t-il
pas de jeter un coup d '(Jell rapide • • • sur
les seula ouvrqes que le plbllc connatt de
lui? Le Jlêaa houe qui conçut le projet
du-plus beau aonUJlent qu'aucun ai?'cle ait jaaa18
élevé l 1& gloire et l l'instruction du genre
huain • • • l qu1 DOUS devons tant de *>rceaux
de 1& ';ta}i\yaiq~~. • , qui noua & la.1ssé tant
d'ouvrages pleins- éle cormaIaaances, de philosophie
et d ~érudltlon • • • a fa1 t encore des contes,
dea roMIIS, • • • et c lest encore un de8 11811le'urs
lIvres de IIOrale qui existe dans notre langue,
son ~ sur .l.a--!!trne8 de Claude et de Héron,
qu'il s ~est: plu
1
tepûner utlleJleJlt sacarl1.~re 11 ttéraire. r '
1.
J~~~-Henrl
Melster. Aux tCnea' de Diderot (1188) dans lesOeuvrel collpl~tes de Diderot,
id.
J. Ass6zat et H. Tourneux,1. (Paris 1 Cam\er.
1875).
Po DV-XVI. Chaque citationtirée
de cette édi tlon sera dOMnavant annotée ainsi 1A.
-T.,
suivi du nuaéro du 1 toM _ et de 1& page.,~,
.'
?
,
1 -:
,
,~ .•. , .• 1 """''''''''~''' I;-"l~.. ••. -"~,,,r~ l ~ ~~'1 " ~~~
2-Si l'on croit avec D&n1el Mornet que "la pensée de Diderot est sl complexe, si aouvante. si curieuse de toua les Jeux de l'esprit,
si amoureuse du vagabond.age qu'on s'essouf1'le
l
1& suivre"1, unexamen approfondi de l 'oeuvre enti~re de Diderot révélera
toute-\
1'ols non seulement sa diversité .ais égale.ent un facteur
con-stant 1 l'élaboration d'une technique d'écrire, technique qui
devait être radicalement môdifiée par 8es contacts avec certa1ne~
oeuvres do la 11 tt·éra\u.re anglaise. C'est
technique telle
qU'el~e
apparà!t , traversde Diderot que nous étudierons lc1.
la formation de cette les oeuvres romanesques
1 ~ "
L 'oeutre de Diderot ê~t si variée, on ne peut J8S prétendre
que la formation de sa technique .romanesque se 11111 te uniquement
l ses oeuvres romanesques. En offet elle se trouve daNf l'oeuvre
entière de Diderot, aussi bien dans.-aes oeuvres esthétiques et
philosophiques que poli tiques. L'incyclopé<!ie elle-.&me renferae
des traces de cette technique, car les noabreuaes digressions dans
,
les articles qu '11 a écn ts pour cette ~euvre se ransent plutSt du
~té romanesque. POur ne donner qu'un exellplo, nous trouvons
l
, 'i ~, '
l'article 'suicide,' l'anecdote suivante que Diderot
a
tiréede.-l'Histoire d'Antleterre de'Smollett c
Le nomaé Richard SIIl! th et sa feue, als en
prison pour dettes, se pendirent l'un et
l'autre a~6 avoir
tué
leur enfant, ontrouva dans leur chlupbre deux lettres
adressées
A
un aa1, pour lui recolllJll&l'lder, 1
1. taniel r~met, ~derot, l'ho . . pt l'oeuvre (Paria' 1 Bolvip.
1941), P.' 197.
~),:
_-0
, :3
-"
'de prendre 801n de leu!' ohien et de l,ur chat, 1ls curent
i
'a\tent1on de laisser dequoi
pLyer le porteur de ces b1l1eta. dans leequela Ilsexpliquaient leis .,tifa de leur OODlul te 1 ajoutant qu 'lIs ne croyaient pus que Dieu pGt trouver du plaisir
1-
voir ses créatures -.lheureuaes et·sans resaources, qu'au reste Ils se ml&œ1ent
-1
ce qu'il lui plairait oMonner d'eux da.na l'autre vie, se con1'lant entl~re_nt danssa bonté.
Cependant, pour cette. étude nous noua 11111 tarons aux oeuvres
t' '
qui sont habituellement considérées co ... constituant la ~ie'
1
~ome.nesque de l'oeuvre de Diderot, c'est-l-dire, Les Bijoux In-discrets, la Religieuse, Jacgues le Fataliste, Le Neveu de Ralteau. et les Contesl l'étude sera menée selon l'ordre chrono~que de
leur compos1 tion.
Entre la date de compost tion et 1& date de pabllcation de ces oeuvres, il y a souvent eu un grarxl écart. A l'exception 4ea
Bijoux indiscrets (p.1bl1és en 1748) et qœlquea
co~tes
(publiés en 1773). les 6euvres rotl$llesques de Diderot étaient inconnuesjusqu'aux demittres années du dix-huiU'_ sl'cle. la Religieuse,
l
-écnte en 1760, revue en 1780 pour sa plb11catlon dans 1& Correspond-ance littéraire, et Jacgues le Fatal.1ste, écrit en 1711-) et paru en
----1778-80 dans 1& Correspondance Itttéraire. n ·ont. été &:lités pMU' le
grand public qu'en 1796.2 L'h1stoire de 1& publication du Neveu de Rameau est encore plus étrange 1 écrit 'entre 1761
et
1172, 'il ftait1. A. -T. XVII, p. 237. ./
2. Voir Henri Coulet .. - Le 'Roman, jwqu'lla Révolut.ion ,(Parla •
Colln, 196
1),
p.497.
)
<
..
'•
. ,
...
-
4-connu seuleaent en
1805
gr&cel
une ~n.duction de Goethe, paia en1823
~
l'édit~on
d'un~xte fran~s inexact.1'~ ~
CoJllll8nt expliquer cette insouciance de
.
1& part de Diderot>l
l'égard de 1& pJblica.tion de ses oeuVres roaneaquea? C'est tout sililplement que, pour Diderot, 1& création roaneaque était une, >
Act! vi té t~s personnelle 1 11 se réfugiai t dans 1& fiction pour
se \ reposer de 1& philosophie et des sciencee qui faisaient sa renommée,' dans le IIOnde des lettresJ être roMllcler n 'avai t jaM1s été le but de sa vie. "Son oeuvre sérieuse, il 1& reoonnatt, il
l'asswae~ 11 la, JQbllel en revanche 11 renie l'Oiseau blanc,
paierai t vo~ont1ers de 'la perte d'~ do~gt.' la suppression d~
Bijoux indiscrets.H2 S'il pJblle cette oeuvre-ci \out de suite
a~ sa composition c'est pa.rce que, selon certaiLn té.,ignagea, l'auteur avait besoin d'argent 'pour subvenir aux dépenses de sa -.ttresse, Mme de Puisieux. A l'exception dono de oe l'OaD et
1 • ~
dep Contes, l'oeuv,:e roEneaque de Diderot ne aem pabUée qu'apn. /
sa
.,rt.
< Il garde dans aes tiroirsL!
Nèveu de Rallell!, et JAOQUBV/> le Fataliste et lA
Reli61e~
ne seront"p1~éa"
que pour1.'
'abonnés pr1~ildg1és et peu noabreux de 1& Correspondance littéraire.Si Diderot se.bIe ne se consacrer au aétier de l'Oanc1er qu'en secret ou pour quelques &11121, quélle en est 1& raison?
\
1.
Jean
hbre, dans 80n introductionl
l'édition cr1ti \le du lfeveu d e . (CeMve 1 Dros, .1963), doMeto.
1 détallacle 1& Pl tion de cette oeuvre. / /
2. Jean ea:~e. Diderot et 1& mtlflcatlon (Parla
p. ~ .. /
,"
1970),
-~.
-'1·
. " " " , ' 'of _ ( . " ' ~ ' - " " ' - , '~c. ,"':,<,"'" =~l<~~ ~ '1~'" ' \ ~ ~ ,,~ .. '" , .... ," .... , ,'.
- S ..
r..Diderot n'avait pus une haute opinion fiea roMl'18 de son 4poque, ni
.Ame
desromana
en g4Snéral. Il, l,ur reproohai t' ~etU'ennui
1n-supportable~ le~ v~leur
soporif1que, et aurtoutlo~
c8U ...
i'-" ... ~
. '
..veH.leux qui écho~ t d~ a~n but ~e transporter le lecteur dans'
un IIlOnde enchanté précisément pree qu'il IIIBJ1qua.1 t d'attachas aveo
1
lf) monde réel, et personne ne oroyait
l
oe monde f'lotif.besoin d~ plus en plus marqué d}un réalisme a
domaine romanesque., 1 ~~ "
~
"On ne peut s 'lnt,é.resserqu
Il.
ce qu 'on croit vrai," dit----Diderot dans .Jac§û;s le Fatal1steJ2 c'est 1& maxime qu'il suit
(,
--
.
constamment dans
son
oeuvre romanesque,l
l'exceptiondes ,Bijoux
.
indiscrets, et dramatique. A propos de la tra&é<Ue bourgeoise, Diderot dit,
\
C'est le tableau des malheurs qui n~us en~
vironnent. Quoi: Vous ne concevez l'effet
qui produiraient sur vous une sc~n. réelle, des habita vrais, dea discoure proport1onnés
aux actions, des actions siaples,'des dangers
dont il est iapoasi ble que vous n'ayez tre.blé pour vos J&l"8nts, vos .. lI1a~ ppur voua-ml_"?J
la vraisemblance et le réalts., 80nt donc
,
pour Diderot de prell1'reIJlportance. Pour lui une histoire vraie a plus de valeur qu'une
\
.
"
"t _ • , , c-.
,
/ :" o '\ 1. LesllsaeJl8J1t
du romtm au dix-hui Ut,.., 81'01e vorale réali __ •
et le8 raisons qui lront provoqué; ont ~té
Itudiéa
parCoorsee
May, Le Dilemme du "man au XVIIIe s cle (Parla 1 P. U.F. J
New Haven 1 Yalo Un! rom! ty ~8.
9
•
p.47
ft. 2. A.-T. VI, p. 28).3.
Diderot" &1tret1ona~ur
10"'la
naturel,
A. -T.V~I.
p.'146.
- , 1 , , " , J ,
.
,..
.;: •.
~ 1-6'--...
_
--./.
.
histoires vécues, et
cette
pi:é1'érence iDBt.1Dct1v8' deDl4erot
< 0
po~
le
réel, p1ut8t qué l'lliq1J1&1reest.
1&raison
prinCipaledu
~SJIC
étonnant
de ses oeuvree~wmeaqUl!t8.
Au dix-neuvi_sl001e les Concourt ont salué . en Diderot le' créateur du 1"0 . .
réaliste J
Le lIOuveMnt'," les gestes, 1& Yie du
draJie n' a colUlencé dans le ro.an qu'
avec Diderot. Jusque-lA, il 1 a
ru
des dialogues, Mi8 pas de man.
Diderot renonce l. l'idéalisation cl.assique. Il 8 '1JÏtéreaae
viv.e-JIE!nt
l.
la réal 1 té matérielle, 'au co~ et au co.po~t despersonnages, aux déta.11s vJ:a.!s. Dans les Deux Alde de Bourboœe
11 explique le procédé du ~nteut' 1
/ ' ~
Collllent ai '1 prendra donc ce conteur-ci pour vous tro.per? Le ,vol cl , Il pars~ 80D
récit de petlt.,. ~ circonstances sl liées
l.
la. chose, de traits si s1lI)al_. ai aatunla, et toUt.eto18 si difficiles
l
l~ner'Jue vous seras forcé 'de vous dire en.0"-
_t
Ma foi, ëela. est vrai 1 OD n '1Ilvenw pu ces ch08es-ll. 2
Le réalislle de Diderot n'est pourtan't pus une COpl.e, plate de
~-%
~ ~ité
quotidienne. C'est un :réal1s_tda
Pe~'
t-e.at
_Urique, plein
~e
verve' 1ft de ... - . util1sé par;»lM ...
un
buttns
spécifique 1 c'est sa façon de faire 1&aoml-e.
JIi1a80\.18 une foI'Jlle acceptable l toua 1_ l~.j Il dit, "Le tic
.~
:,
'1 ,
.\
.'
1. mlIOnd et Jules de Concourt,
Joumal
du 24 octobÉ'e, 186of1., VII(mutions de 1 'Iaprt_rle nationale de ~na~, ~9"'~'~
p.J
1~---.
~ ',~ "~\..,.( .2. Diderot, Les Deux AWla cle
Bourbonne,
A:--T.
Yt ~llt • ..
, 1
,.
'"
-1 1
ta
, ". '>..
-•
d 'Hora~ est de faire des vera, le tia de 'l'nbatius et de Burigny,
(\
"de parler antiquiteS, le lÜen, de
.,ral18er."~·"Jusqu'aloJ;'é
un,roman, i
dit réaliste éta1t néoeaea1l'elMlnt un ro...n , , ll1J!1Orala et I&l'alllllomonlt,
un ro1li&n .oral était néceSSaire.nt. et toujOUl'8 irréaliste.
~derot, lui, propose que 1& 1lOrÎJ.. n'eot &ooept&ble ou
profit&rble que dans la Maure otl le leot,eur puisse oroire "oe '
qu'il 11 t, d 'otJ la néceaeité du réalisme dans le roman.
Desfon-tA.1nes ava\ t di t, "Un bon roman doit 8tre le tableau de la. vie
.
humaine, et ,selon l'Auteur l'on devnùt y avoir princijalement en
vue' de oensuror les vioee et les ridicules. ,,2 Diderot a oo.pris que l
Le romanoier,
qui
B~ t" présenter de mani\reressemblante et peut-Atre mAme satirique un
véri ta'ble tabloAU de la vie huNine, ou une
galerie des ridicules huma.1ns, est assuré
lm.édiatenent d'avoir une utilité morale
é.1nente, car le ieoteur, qui y reoonnatt
ses dofauts et sel! r1dic~les, en sera frappé
et voudra s'en corriger.)
Tel ét&~ t le but de Diderot. Nous verrons jusqu
'l.
quel point '1~ a.réuasi
l.
atteindre oe ,réallBIIIe IIlOral, en suivant 1& fo~t1on de 8& teohnique romanesque.1.
2.
Diderot, Satire l sur "les ca.ra.otttrea et les mots de oa.raotl.re,
A..-T. VI, p.
315.
Oooerva t l ons
8~r
les éon ta JnOdemea, 1 V (17)6) 1 p. 50. Cit'
pa,r Georges ~~y, Le Dl1em..e du roman au XVIIIe ai?!cle,;,.pp. 112-2.
-.,. ,-".
l .
Georges l1&y, op. cit •• p. 111..
,'~ I,
-,
-8-neafontalnes al 1&1 t \S·.nthoualaaMr pour le ro.an &1181&18,
c o - d~a111eura 1& Pl~~ de ses oonteaporall18, 1 -co.pris
Diderot. Grlee aux recherches de Jacques Proust1 le goGt de
Diderot pour les auteurs anglais est Mlntenant reconnu, On
salt ,que pBl'1I1 les livres achetés pu' Diderot ~ 1748 se trouvaient
les oeUVTeB de Congreve, Dryden, Vanbrugh, WYCherley, et de Swift,
et en 1752, celles de Bacon, Selon une lettre que Diderot a écrite
A Sophie Volland le
7
octobre1762.
11 a~a1t reçu les six volumesde T.ristl1t1ft Shandy comme cadeau personnel de l'auteur Iaurence
Sterne, et il s'est beaucoup anrusé ~
ia
lecture de l'ouvrage.Mais c'est surtout pour SaJauel Richardson que Diderot s'enthousl&8J118I
11 va jusqu
'l
écrire son Eloae de Richardsonl
l'occasion de la IIOrtJ
de celui-ci en 1761. Diderot avait lu PalIléla, Clarisse et Grandisson
...,~
d~s avant la collpo$1tion du Fils naturel (août-septeabre 1756). Il
.anlfeste déjl. 80n adJÜration pour le romancier anglais dans une lettre
du ?:l noveJllbre 1758 adressée
A ~
Riccoboni,2 et aussi dans le~
cours sur la poés'e dra..etigue, terminé en septeabre
1758
1C'est la peinture des aouvements qui charme,
surtout dans les roaans doaestiques. Voyez
avec quelle coapJajsance l'auteur de FaAéla,
de Grandisson et de Clarisse s '1 &l'dte:
Voyez quelle force, quel sens, et quel
plthét-ique elle donne l son discours: Je vois le
personnage. 80i t. qu'U pu-le,- solt qu '11 S8
taise, je le voiS, et son action .'affecte
plus que Bes Jaroles.)
1. Jacques Proust, "ta b1 bllot~que de Diderot", Revue des Sc1ences
huaalnes, avril-juin
1958,
pp. 257-7)2. Diderot,
Corresr.ooance.
établie par Georpa Roth(Part ••
aUtionsde Minult. 1958~ II, p.
96.
" , - .. _,. f' -">;t:'" .... "" ~ 1 1 •
-
,-9
Tout co . . dans les tolles de Creuse, Diderot & dé'couvert dans
Puéla. Clarisse et Grandi as on le pattl'tiq~ et 1& vertu dans un cadre / Ces trois roans ont réussi
l
réconoilier Diderot avecle ~nre rollliUlesque, ca.r Richardson renouvelait. 1& lI&t.lt.re
maille
du roan en lui assignant COJlJlle objet le .,ndeob
11 viva! t et otlvivaient ses lecteurs. Diderot y trouve l'illusion de 1& réalité,
liée l une .orale surtout ~tlque.
La COlipos! tion de l'oeuvre romanesque de Diderot OOllllllence en
1?48 et continue jusqu' en 1713. Tout au 10116 de cette acU vi té
11 ttémlre Diderot.. labu de ses lectures de romanciers &rig~s tels
que Swift,' Fielding, Richardson et Stemé, déve19ppe sa. teohnique
d 'écrl valn. Il lit les oeuvres anglaises en traduction ... française l
-et égaleJllent en version or181na.le, car 11 &Vu t appris l'anglais
l
1 •
fond, du moins pour la lecture, sinon pour l'écrire ou le pu-ler. 1
Il en profitait po,Ur faire plusieu~ traductions
de l'anglaisa en 1743, l 'Histoire de G~ce, de
St&.nyan, en 1745. l'E8aai sur le mJrite et la
vertu, de Shaftesburya en
1746,.
avec Is.1.dous etToUS6&int, le Dlc't,lonna,\ re de médecine, de JUles
• • • Toute sa vie, Diderot a
pr3cha
l'a.dIll1ra.tion de l'Angleterre, ce paya 'des philosophes, descur! eux. des aystélllatl'ques, , OOJ11118 11 écri val t dl,s 1749.. • • Sa. Mison est une 1llU\1\re de
rendez-vous de tout ce qu 'lI y a. d'anglolll8.ll88
l
Parls.21. Voir V. Folklerskl. "t'&I\6la.i15 de Diderot", Revue de littérature
coalaNe,
XXXIV,1960.
pp. 226-44.,
2. Joseph Texto, JAlUl..JanUOS RoU8~eau et les origines du
COtSIK>-pol\tisme 11 tt&ralre far1a. Hachette.
1895).
Pp.)4=5.
) . "j
..
" «J, 1
10
-Il eat important de savoir que Dielerot 118&1
t
les roana~J.!u.s
en version or1g1 nale. car trop AOuvent 1815 traduct.1one trança1aeé ~eStai ont plutSt dea adaptations oh le traducteur ae croy&1
t
Juetifi4.
r
\
.. mitiger le rénJ.isllle a.nslals parfois trop cru pour ses lecteurs
... \ '.(:r \)0. Ir
français. Didero~ ~ j)Ouria:nt pu pleineent apprécier ce réallaM •
... ~..,~ ~ ,
et ce fait marne a beaucoup contrl bué
l
1& formation de 8& propre technique romanesque., Diderot etait un des premiers
l
rstlmer etl
pl'OJllI88r en,France le roman angl.lW.s. Nows cherchonsl.
voir dans quelle mesure 11 a 'eatinsp~ré (1e Richa.xdson
et
de Sterne et d'autres granda éorivainsanglais, quelles leçons ,,-, 11 en.& tirées et l'usaee qu'il en a fait dans 10 développement du réalisme IIOral dans 8& propre oeuvre romanesque. Il faudra.1 t d'abord ex&Jl1ner le roman angl.aià en généra'i l l'époque et en déduire les principes du roancier anglais.
, '.
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\ ., ." " "••
CHAPITRB
1 /1
:1!
".'
.' , .J ; . a\
ci •.
-,12
-1. Les principes "du roan angla1s
lm ~eterre le roan, au. cours du dix-hui tl~De slltcle, deval t s'affranchir des anciennes restrein~s aoc1alee ou aorales
qui S 'opposa.1ent au développe_nt du genre. Au début du 81~le OD
1
p.tbl1a1t surtout des oeUVX'9S religieuses, un aoyen de 200 pu- an.
En 1792 •. 160 éd! tions de The Pil.gr1a's ProgI'!S8 de Bunyan avalent
l '
plnl. Les gants du p.tbllc all.a1ent pourtant se .ad1f'ler et Il
tallai t le talent d'un romancier tel que Saauel Richardson
(16891-J
1761) pour rapprocher deux do-.1nes ap}&l'eDellt irréconciliables,
<
'
la religion et la fict1on. "Richardson waa eonspicuously
succees-'"
,
fu1 in ea.rry1ng his IIOral and .rellglous alE into the faah10nable
&nd predomlnantly seeular field of fiction,"
';'\)8
a:p~nd
lan Watt.. 2~ ,
ItL1s avant Richardson, Daniel Defoe, "le ~ du 1'0 . . . anaIals",
avait reconnu les possibilités IIOralisatricea du roan, tout en
pré-tendant que S88 oeuvres étaient des coaptea. rendus d'événe.enta
>
réels. Cet effet de réalis.e fut acquis Jar l'&ceu.sJlatlon· de détails -.tériels autour de chacun ·de ses persomagea.
1. lan Watt, '.I1le R1S8 of" the lfovel (LmI 'Angel_. Univeraltl o~
Callfornla Preaa,
1951),
PtSO,
1'- "L. ... , "
.
-Sj -~ - ,1 1:."f~~ :ot',.
'""J
~ .... ' ~;:.-.f- -.~".: .• :-... ""'_~ •• ,,~ ~ .. -.~.,...;;~ ... ~\ ... k~"""~~ .. ~~ .. ~ ...~: ~Io~ '" ;
t
~ , ,' 13
-\Deux revues anglaises ont
rait
leur apJ&1"1 tion au débutd~
, 81\cle, et en 1748 el~~8 t'aiaaient p.rtlede
1& bibllo'Ulllque deDiderot 1 11 8
'&81
t
du Sl!!ctator et du Tatler. 'routés deux ont.réussi
l
faire passer des 1e90M morales sous fome dedivertlsse-,
.
.ent 1 "to en 11 ven moral! ty w1 th w1 t. and to temper ld. t w1 th
moral-,
lty" .était.la devise des deux ~teurs, Addison et Steele. C'était
également oelle des auteurs des roana de .,eurs ou de ca.ra.ct'res oomme Henry Fielding, S~ Fieldihg ou Smollett, dont le~ héros
~
.
ne pratiquaient Jl8.8 la. vertu sana quelque , humour, olairvoyant ou lnvolonta.1.re. Leurs
historiens se eoucial\nt d'Àutre chose que de sermons. Pour les 'inener au blen ou
1.
la fortune, ils n'oubliaient Pl8 de s'égayerdeI!! 80ttls88 et de peindre le8 vices '- pleln,
m3l1le si pour Us observer 11 fallait aller
l.
l'auberge ou chez les gens de rten. 1Le roman réaliste se fol'llle dono autour de èe principe et ce
sem Henry Fielding qui tm.vail1era preaqu~ unique.nt -dans le :.. nouveau genre. Au premier chapt tre de TOIII Jones il dit que 1&
nature hU_ine, ni plus nl molns, tfat son sujet, et 11 eee&1e de créer une forme artistlq.ue qui sera , la t'o~s un mrolr réaliste et unef considération cri tique de 1& vie
l
1 'é~u.. 'Il exposeraainsi les dif'férences ~ntre ce que sont les ho.." et ce qu'ila
9rOO.e~t ou prétendent 8t~, l "1 have endeavoured to \~USh 1IIJ\k1nd
out of the~r :favourl te l'oll:t'ès and vioes. ft note Fielding dans la
1. Jan1el Mamet, Introduo\ion
l.
son lMUt10n Oritique de la Howelle /Hôlo!se de Jean-Jacquea Rousseau (Parla 1 Hachette,
.1913),
p.42.
...
'- ' -.;:.~''"'
" ", '
.1
~.'
,-,
14
-.
'préface de 'roll Jones.1
~
sonroan Altétie
, (11.51):,
que Diderot• \ 1
a 1u,2 le JB.thétlque, relllplace l'hUllOur et une grayité morale la vio1eAce comique ou l'ironie
.
1 il dépeint les~uffrances
d'une.
" femme vertue~e dans la société bourgeoise et attire l'attention du lecteur sur une variété d'abus sociaux.
t Dans ce roman domestique 11 fait brilier le caract~re et le comportement de sa. douce hérolne
dans ,'un monde méchant, JX)ur justifier et pour racheter la nature humaine.
",
GrlllJll, l'ami de Diderot, a beaucoup apprécié le roman domes-tique anglais. 'Ians sa Correspondance li ttéra.ire 11 écrit 1
Les Anglais, au contraire, ont conservé avec leur liberté le privilège d '3tre. chacun en particulier, tel que la nature l'a formé, de ne point 'cacher ses opinions, ni les préjugés et les man1~s de 1& profession qu'il exerce. voill JX)urquoi leurs romans do.astiques sont si agréables, m3me poul'; les étrangers qui n 'ont\
jallais été
l.
pOrtée de connattre les moeurs angl.a.1ses 1 car,' surtout quand un portra1 test bien fait, on sent son mérite, sa vérité et sa resseJ!lblance, mAlte sans en conndtre l'Original.)
C'était pour les
m3aea
raisons que l'oeuvre de Laurence Sterne, auteur de The Life and Opinions of Trlstram Shandy. aété favorablement accueillie en France aussi bien ~u'en Angleterre.
J
1. Henry Fleldi08. The History of Tom Jones, a Foundl1ng, 1 (Leipzig 1
tauchnltz, 1844), p. 14.
2. Voir sa. lettre l . . d'Epinay. juillet 1762. Corresp9{ldance, éd.
Roth, IV, p.
.50.
'
'
'/''''''''''~ • t " : " ; ' "~~.\; "1 " ~ /; 1.
\
" .J;.,
:t;3.
Cri_, Correspondance l1ttérairo, II (Pams 1 Garnl"r, 1877), pp.268-9.
i
J
-'.
.
i-.~ :"
' . j~~
t "
,.~.,..
. 15
-~ ,
Sterne, par BOn tmlte.ant de 1& d1,l1'ée narn.tive. ~,8& façon 4e
, \
traduire la conscience , de 1 '1nd1 vidu, et )aC ses chan8ellellts de
perspective, apportait du nouveau &1,l roMll du IÙUeu dl.\. B1~le.
Ses 1nnov~~lons lui ont valu le t~tre du roJl8llc1;~r ~e plus .oo.eme
.
".
du d1x-hu1tl~me Bl~cle. ~
Tout est
mu!
t, dans ,Bon oeuv~. l une peinture colÜ.que.sentiJll8ntale et IIOrale de ses personnages, de leurs oœeBl:'ions ~t
de leurs manies; le ton est ~ujours celui.ad 'une conversation
1n-tille ou d'uner anecdote, et toute l'oeuvre est constaJuaent envahie
pu- la personnallté de 'l'auteur •. Il ~~e l capter de nOltbreus88
nuances de l'exptinence ·hwaa.ine qui a.vaient aUpU"avant échappé aux
rollBJlclers angla.1s.
Richardson, lui, avait co.pris 'les po8S1bll~té d 'un ~
qui n!unlra1t le
~ens
de la réalité sociale et~tér1elle
(que l'on'"
.
trouve cheZ"' Defoe) avec une
.
conna1s~çe des co.pl.ex1"~ de la', '
pérsonnall té hualne ~~ des tensions.' qui ex1sten~ entre l~ forces
",
.
~.orales pr1 vées. et 'les forces soc1ales P':'bllques.
.
, le prellier ro1l11nC°ier anglais l. traiter leS problltmea .orauX fobda- '. .
,
aentaux dans
tun
contexte. social blen détaillé. Coci Iléc~~ta1.
t1
.
.
un ~ouveau développeJll8nt de 1& techniqué du réallSIl8 narratif.
Diderot, dans son . ElOge de Richardson, plbllé en ~vier 1162
-
,au ltumal étranger,' a pleineaent apprécié, Jpour 'dire le JIOina)
l'originalité de Richardson. Il écrit 1
\
• '1.'
..
16
-.
Je ne 118 lasserai polnt~ d'adlllirer 1& prodigieuse étendue de t3te qu '11 t'a fallu, pour conduire-des ~ de trente , quarante personnages, qui tous conservent. si rlgoureuselllent les
ca.mct~res que tu leur as donnés, l'étonnante connaissance des 1018, ,des coutumes, des
usages, des lDOeurs, du coeur hUlllB.1.n, de 18.
viel l'inépuisable fonda de morale,
d'ex-périencys. d 'oœerv".tlona qu'ils te sup-posent.. '
Ri cha.rd.son n'a p:L8 écn t pour divertir ses lecteurs. Surnolftllé
. K. Gravi té, il décl.ara.1 t que son but en tant que romancier étal t
de ~pultlv~r les pŒ1nclpes de la vertu et de la religion dans les
esprt ta des jeunes gens de.s deux sexes."2 Selon
~lel
Mornet.,
Il nia vu"dans le IDOnde que des coquins victimes du vlce. des
bas
faibles qui lIui~ c~ent et se repentent, des !.es héro!ques
qui ~nent contre lui, l ~ renfort
d'apostrophes et d'exaltations, des
cçJll-œta tantôt désespérés et
tantSt
tri0.-phanta. Ce fut
pour
ces batailles ~u'onlut C1arisse, Crandisson ou Famé la.
Par son emploi de la forme épisto1ai~, RlchaJ:dson 8 'est donné
l--'occaslon d'exandner en profondeur le coeur hWIIII:i:n et de capter sur le vif les JBSslons.
1. Didorot, ElOge de Richardson, A. -;;T. V, p. 221.
2. Sa.JIlUel Richardson, Préface l. Clarisse, The Vorks or Samuel
Richardson,' IV. éd. LesHe Stephen (Londres , Sotheran, 188).
p.
x.
). Daniel Mornet. Introduction'l la Nouv.lle,Hélo!se, ~ 46 •
.
,.
o
,
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..
r:r:~ ,tf,-q" .-' , , ~<'
le
t§ "" '.,' .. ~" '. ". ~~_.-- 17
JMuch IIIOru li vely and
affect1ns • • ,
~t
be . the style of tboae who vr1 te ln the hel8htor
a, F!sent distress ~ the atnd
tortures
br
the JIBll88 of uncel"ta1ntf (the avents then h1elden in the womb of fate).écrit-il dans sa préface l Clarisse. 1
Sous son influence (et cel~e de Rousseau) le lecteur a pu
8 'orienter vers une }artlci}ation active aux éllOtlona d'un héros qui 'vit' au Mlieu des ré~ tés détaillées de l'existence quotid-ienne. Il se dégage "une impression générale de s)'llpLth1e h~ne, . de noblesse d'âme, de vertu instinctive, qui n la rien d'ostentatoire, cette vertu q~l ignore son
\11
est 1& plus é.auvante de toutes.·2Les
l'OmanCiers}~~de
1&preJll1~re
.aiti' du dix-hu1ti\.81~cle proposent/donc dans leurs oeuvres une vérité psychologique et
mJ~e o~
l'innocence estpe~écutée ~
le vice, descaEa~rea
vraisemblables, créés par des nuances de style dont chacune estJ
adaptée aU personnage évoqué, des pL8Sions IJ111éd1ates, et une
portée morale de
1:'
oéuvre. Une abondance de détalla ~ltle une observation pénétrante de la part de l'auteur, qui n'hésite pasd'évoquor des personnages de tous les J:8.II6B et de
toutes
les conditions de la société conteaporaine.1. Samuel Richardson, op. cit., ,p. xii.
2. 1'OJ5 sur la
p.
99.
1 P.U.F., 1967)~
,
,.
1
-
.
, .
-
18-2. Le J.'OMn &n6la1a en Franoe
Quel accueIl a-t-on t&1t au ro-.n &n«1a1a . I l
Fran~?
Il
a 'est heurté d'aboi'd
l.
une réaiatance ~ueunanl_,
""acelle-cl a cédé progrusl velllènt
l
une adlliratlon profonde.è'
_ tl
'l'Abbé Prévost que nous devons l'introduction du roMn ~angla1a
. i . ' •
en France. En 1128
.
et el'\core en 113) 11 a vo1&tP en Angleterre,.
,et il a fondé le PoUr et Contre pour tenir le publ1c
fl'anvata
au, i
courant de la pensée et! des écr1ùs ansla1a. Cette pJblloatlon a
<eu un grand SUCC~9 juaq~len 17~ et c'est grlce
l
elle que 1& Francea Ideux connu Steele, Swift et. Addison.
Les Lettres conceI'nlUft 1& nation arydalse (17)4) de Voltaire
introduisaient en France les 1dées de locke et de NeNton et les
e notIons de liberté et de tolérance religieuse de l'Angleterre.
L 'lsàI!1t des 101s (1748)
de
Montesquieu exprlM1t une adatrat10nr
du ayat.è . . politique en Angleterre (avant l,'''vl.nelMmt au tr8ne de
Ge6rges III). Il en était de
.a ..
pour les 1'0 . . . ql&1a sntcel
ceux qui, COIllJlle 1 'Abbé
~08t.
ont entrepr:la de les traduire enfrançais. &l aodt 1153. Cri . . se pl&1~t a ", Nous ne voyons depds qll8lque te.pa que
des -ouvrages tzadul ta dé
l'aJ1Cla.18'
cette.. lIOde, qui dure dé" plus lorigtellpll que los \
lIOdes n'ont ,CQutw.e de durer en' ce PLYIS-ci,
ne à.able pas vouloir paaaer ~noore.l
1. Cri_. COrNspondancé littéra1re, II, p. 266 •
•
.'
i' 1
"
-.', "'~-\""1'ri'''''''''''''''';'e~'._','~··-'-' ~";'''-';~''~!W'''~~~~~'~l'.'~r...,?~
" • ". V , ':.Q \~"ic'... ; • i'.,.<f 1 ~ "'- " y ' . 1 , ' " ~ " f ~ ~ : ' ... ~ .,a,. r:
• '~r:;. 1 ,
19 -.
\ " " 'IV ~MalheureU8emen~ 11 y avait une foule de traducteure Jlédioè;rea
d'oeuvres anglaises (Voltaire .scri t
l.
1& lIILl"qw'ae du Deffand,"HoUIS
traduisons les Ansla10 &US81 mal que nous nous battons contre eux
sur mer") 1 et le résultat était plut-St. des '. adaptations que des,
,
'"
traductions. On se sentait obligé de 'chAtte1:-' la langue anglaise. "On souffre dans celle-l' des expressions qu~on ne souffrait J88
dans celle-cl," dit Prévost dans l' introduc'Von
l.
sa traduction dePaméla, ,parue en 1742. En 17.51 Prévost s 'excusè de nouveau pour les modifications qu'il apporte au texte original dans sa traduction de Clarisse 1 "Depuis vingt ans que la 11 ttérature anglai8e est connue
ho Parts, on sait que pour • 'y taire naturaliser, elle a souvent
' h
besoin de ces petites' répu-ations. ft De m3J'118 pour Grandlsaon, dont sa traduction puatt en 1755 1
.
'"..
J'ai supprimé ou ~u1 t aÙx
uaaeas
COIlUlW18de l'Europe oe que "ceux de l t Ansleterre peuvent avoir de choquant pour 108 autréa nàtlona. Il
m-'a semblé, que ces restes ~e 1 'ancienne srosal~re té britannique sur lesquels 11 n'y a que l'habit-ude . qui p11qse encore -feraer 1.. yeux aux Anglais.
déshonorera1)mt un U vre ob la poU teaee do~
t
-aller de p!l.1r avec la noblesse et la vertu.
<>
na.l.gré les 11 bertés que prenaient les traducte~ et les
adapteurs >fran.JaiS,
C~JU18
Prévost, La Place,Deat~nta1ne8,
Toussaint, los lecteurs de l ' époque étaient Bouvent Choqués par 1& vulpri té def.
Voltaire, Corro8~nda.nce VI (Paris • Dupont, 1825), p. 4,5.2. Pour tout ce qui concerno les traductions pu- ~o.~ 4eo oeuvree
de Richal'dson, voir Frederick C. Green, "Re&l1a. ln the Prenoh
Novel", Modem
I.ansuy!
Notas. XL, -.11925.
~Yl·7Or----j .. ~ • ' f •
1
;~ ',,,
"
t....
..
[,'
J@'~.-L
·-'
.. \ , -", - ! .• - • ".
-20-- 0 - _ , ' \ - 'co1lJlOrte.ntj~ de
l.angase.ét
de .antal1 té de cee béne ~p.ala1z.s . i.'
...'". '
auxqueia Ils n'éta.1ent.
sube
"'acco~ 1 • ~ ,~Bi";'
différents
[hl ...
::.!"'~ ~.]
lIfJ!It
•••
/+-".
- ces Ind1 vldus qui se np t. GDmd1aaon, To., /. Jones
ou
Amrews.ceux-ll.
a1 blèD dénnla. '111 ,/ainutleuseJlel1t dépelnts' clans leur f'lgure et daœ /'
leU1'll habitudes, al spéciaux, al coaple:ba, sont -- /
des Stres de ch&1r et d'osl noua les VO)'OIIII, / '
noua croyons dé'" les avoir 1'eIlCOJIt.réa dus la /'
vie, et noua DOUS Intéresaons
l
leurs JOi. ~l
leurs aouffrancea COJll!l8 a '1la étaient pour'noua de vie1lles connaissances.1 '_c-~
Selon les recherches de DaJ.llel Momet,2 les
%'0'"
q1ata dont les traductloQS françaises ont connu le, plœ graDd aucc:Maont, dans l'ordrec 1. PaMla.
TG.
Jones. Cl.ar1.sse. Charlot.tes. ... ,
Slr Charles Grandlson, Joseph Andrews, nr-v1d
MW
e •!etaI
'l'houstrt-1888 et Oroonoko. Sur les sept prea1ers 1"0"" de cette llate,
-
.
cinq ont pour héroa ou héro!ne un pemOlllla68 d 'hUable na1_ace.
Malgré <:814, ou plut8t
l
cause decel&.
œa 1."0 _ _ ,aec
l'at.tent.101l....
"
"' ...l.la
vérité des détails qui les'ca.ractérlaè';
éta1en
appréciéa en,
'.
France. Leur suc~ n'ét&1t pourtant.; ~ l-,,!~t. KIl
1150,
l
j'
propos de To. Jones, Grl._ écrit 1 j ' : " " '" / . ,
-
.
---• ---• ---• La aulti twte' des pe:raonnagea ~_! ,:.- /
-espltce de contusion. L'1Dtérêt'
quTon
doit'jrindre . aux deux héros du roan est aflai blt par aelu1qu 'on veut que je prenne
l
des penonDIIMaub-alternes • , • Les déta1la bila de l'ounap
1. Raoul Rœl'res. -La 1.1ttérat.1Q:e
ansl.' ....
Pruce
de17.sô-1800,-Revue FOitt19ue et 11 ttérall:e.
19
aoGt, 1882, Pt271.
2. Daniel
J.1omet,
-Les enseIgne_nt. cie. 14bll~ . . ' pd . . . .(1750-1780)-. RHLF. XVII, 1910, P. Iq).
__ -_~ t_f
~"""'"--
..
"' . ~ ,~. , !J4. ~ "...
"..
4 •peuvent ~alre aux Anslale, mals'lle d.pl&1.ent
.ouvera1 n ... I\\
l
noi d ... 1La "aot1on du lecteur rra~all1" ctev&nt l'huMOur anglall
'tait
double, D'uno . .rt,
l' humour de Laurenoe Sterne leurn
rappelai t lia oouvrut de Rabela.11lt et l, ton 14sor ,et yap.bond
" ' \ ,
d • • on Trt.str&JI Sha.ndy plata .. ! t aux leot.ure un peu las
do i'lnqulotude du al'olG, (ce roman a JmMno4
l
p&r&ftre enÂn61.terro en 171)9, et ft& traduotion françaiae pLr Ji'reenala
l
" ,
partir de 1'776). A. oett.e date le ro.n pSoaroeQue n'offrait. rien
c \
de nouyoau au leoteur fr&nçals, ll'Âis Roderlok Rand OJII , de Smollett.
11
- c
aouffla.\ t UM nouvelle vl. aux av.u')"turoo d'un Don QulOho!'-Oi\?U cl 'un
~ ~'"
~--C11 Blu. D'autre part, 11 exlBta\ tune lnoolllprtfhenilon de toutee
."
lea'aubtl11tua de l'humour angla18,
.
al ~'fférent d. Ithumourt~-çala'ot l~ oomiQue MOltérosque. Au fond, le dix-hultl~mo al'ole
n'a paa oompris l' 1n11111 tabb hUll\Our d." Stemo. Il n'a ét.é trapp§
...
1
que de l'allure décousue et heurt'. de la pensée' de oe dornier, de "
ces enohov3trementa d'ldées, d. cea
eou~auto
d'i.aglnat.lon, aloonti'&1ree aux habltudea olu8iques d'un d4veloppellent ..sthoc11que
et suivl. Cetto incoMpréhenaion était ,agra'l" ph' le. traductions
d'ea o.uvnu hUlIOr1aUquea f.ngla1oea.
, ,
\ 1\ .
! .. ~ dU.nt surtout du rolllUl !&nalalS devait pourtant attln.r
le lecteur français 1 l,'élé . . n\ .oral18ateur. Une aorte de
rêvol-, cf
utton MOrale et aenti Mentale t§tal t en coure en Franô. aux alent.oura
( ,
d. 1?.50 • on CnlY<. que 1&
bonU
ronda .. niale d. l'ho ...n.
pouvait. At" 11
bd ré, qUft~
'un 'appel ,;,8 ••
nti_ntB. C ',at pourquoi on ...1
i 9g[~nd~C'.llt~[!. / • < ~ 1 < ,r
,.
22
-./' '
&ocu.111ai t al f'avor"bleIMnt en France lee veraioti'a 'chltléea' des ro-.ns de Rlcht.rd8on. Le roMn éta1 t dorénavant. ,envl8&8é
,
_ÇOIIM un 1IO)'8n d'inculquer au lecteur dea véritéa .orales.' 'Pré-vost avait dé~ cO.pris cela en
1731.
car 11 dlt dans 80n Avis del'auteur de t-ilLnon l.esca.ut 1
Les personnes de bon sens ne regaxderont point
un ouvrage de cet.te nature co .... un trayai1 inutile. Outre le plaisir d'une lecture agré-able, on y trouvera peu d'événe.nta Qui ne JUlssent servir l. l'instruction des aoeurs. c'est rendre, l IMln avis, un se~ice considér-able au public, Que de l'instruite en -l'uuaant. 1
Les an&1yses. de senUllenta' un peu trop ainutleUBes de Hlchardson,
•
et surto,..t sa sensiblerie flagrante inquiétaient certains écrivains
fi'ança1s.
Los
avis étaient ~~ sur ce nouveau genre de rolllUl.,Ceux qui se piquaient d'être
l.
l'avant.-garde de 1&' pensée françaiseS& IIOntra.1ént enthousiastes.. Voltaire, lul, restait indifférent.
dans une' lettre àu ~ .. te d'Argental, d&tée du 16 aa1- 1761, il èori
i
1J,
n'ai_ pas assuréllent les 1~ et ln,tsupport-. ables roll8ll8de
Falléla et de Clarice. Ils ont réussi' J8XCe qu 'lls ont excité 1& curiotué du lecteur, l travers un fatras d 'lnutili tés • • •2 L'art de Richardson étal t de présenter des per&OMage& t~ hUM.1n.s et vralseablables gr4ce l l'accu_lat1an ,de toute sorte de dét&1l.a, et des nuancos de style Qui correspondentl
ses pol'SO~s.ceux qui en 1161 Wlllt&1ent CilCOre
l
rec~nllaru'O
les muItlpleatalents de .t:ha.rdson.' l • Slole d: inc_o!! devait sana doute
•
•
!
les convaincre une fols pour tout.en.
Pour
~
-~'
• 1. L' Abbé Priv08t, l'anon LMeaut.. éd. ,.. Delof'fl'e et R. ~oard \
(Pula, • Carnier, 1965), Pa S. \.,
2. V,olta1re .. ~ce. ~. T. BeeWl'MII, LI' (Oeahe-a
~_t1tut e~
iiii4ë
Voltai", 196'1), p. 228.
.-_1
<,
2)
-J.
Diderot et le %'OMO anglaisL'ElOf$! est le docUMllt le plus explic1 te que nous ayoM pour indiquer l'att.itude de Diderot envera ~ roancler
angl&1a.
Les autres indications se trouvent pour la plupart dans. 8& corres-pondance. avec Sophl e Volland. Celle-~ ft 'appréciai t pas ,"utant
que son aa1 les oeuvres de Rlchl..rdson, -.lgré les efforts de
Diderot pour 1& convaincre. A propos de Puéla 11 l'apostrophe
ainsi 1
,
J'en appelle du prellÜer jugement. que vous
portez de Paméla, l. une seconde lecture.
&l attendant, je vous préviens que les
reproches que vous lui faites sont
pré-ciséllent ceux que lu!
0rt
1'&1 ts 1& tourbedes gens de pet1 t soute
Deux lIOis plus taJ:d, 11 recouence 1
Non, ft.atiellOlselle, non a ce n'est l8S
l'histoire d'une fe . . . de chaabre
t.ra-cassée par un jeune 11 berti n. C'est le co.bat de la vertu, de la religion, de l 'honnêtet.é, de la vért té, de 1& bonté, sans 1'oroe, aans app11, avilie,
s '11 est {OSSible qu'elle le soit, dans
toutes les circonst.ancoa i-.g1nables,
par la dépendance, l'abjection, la
~vreté, contre la srandeur, l'opù.ence.
le vice et toutes ses Pllssance
in-fernales.2 , 4'
1. Lettre du 18 juillet 1762, Correspondance,
éd;
Both, 'IV, P. ~.2. Lettre du 16 sel*eabre 1162, ibid., P. 1.52.
,
.
1 ~ ,.~·,:~~'....l,J~ - .... ~,.
..
",.
•
•
... -·· ..
~ ,,-·~""""·,·.,,·",.. ,1','~'f'-, ' . ' ' : <i' \ . . . ; " ".. "
... tt-jjl-"lM"!'W!'K!1
\ ~ .... 'il' "~,"«<"'/Il." # . . , .... -l",,,,, .. ,.»~ ~.... ',,'
, ~;;
- 24 ..
Le,
romana de Richardaon aont. p()ur Diderot ".ublille8", Ila pré- \sent.ent la vie, non ]lU a.bellie et déguisée, _1a quotidienne et
ol'Ù1na,lre, de aorte que le lecteur se sent che. lui, a', ldentlffe. Diderot di t dans son Eloge 1
Je connais la . . 1son des Herlowe colIIme la
Idenne, la demeure de IlIOn ~re ne lII'est J*8 plus fwl1~re 'quo celle de Grandisson, Je
. Ile suis fait une lJla6e dos pers~8.8es que 0
l'auteur a mis en sc),ner leurs ionomles
sont
lA.
je les reconnais dans es rues, dansles places publiques, dans les sons 1 elles
m'1nspirent du penchant ou de 1 ~ version. 1
Diderot volt Paméla, Clarisse et Gr&nd1sson "COIIII8 de~ personnages
, vivants qu'on aurait connus, et auxquels on aurait pris le plus grand ·intérit.,,2 Une sorte de co.pllclté a 'établit entre les
personnages
et
le lecteur. Et pour Diderot cet.te P.rtlcipatlon,
-.
11111\édlate du leoteur a el1e-.3..e une valeur morale,
\
D1ns ~ous les arts, les artistes doivent orienter leura eJforts vers un seul but 1 "Inspirer aux hoJUtea l'uour de 1&
·vertu. ,,J Volci qu'lI trouve un roaancler qui. rend l
'art
aoral~
i
lsateur par l'évocation de so~nes touohantes sous 1& for.e de "tableaux" significatifs, par des desor1~lona, des na.rmtiona. des dialogues expressifs des ca.ract~rel, des eond.1 tions et' d88
o
1. 'Diderot, AMe de Richardson, A.-T, V, p. 220,
2. Ibid., p. 219.
1
3.
Diderot, Entretiens sur le "ls naturel .. A.-T. VII •. p. 1~...
... ilt _. -\ 1... ~) ~ ~; .. .7\.
,7 ~, '.'""
.
'I~+,.
iït~_~.~·
.
25
-8en,timenta • La
8eui~
... chose qui pd-•• Uouyolr_-t
la rirl \4.Che~ Richardson, Diderot e 'é.ane1Ue devant. 1 '111_1on
ete
la réalité l ,rses personnages ont toute la réal1:t.é poea1blea . .caraot~res sont pris du mlieu de 1& aociété • • • 1_ paaa10Da
qu'il peint sont telles que je le8 éprouye en .01.- • • • ~
que c'est
A
cette aultitude de petites choses qœ tient l'111usloa.-tDiderot apprend donc chez Richardaon cette fonction du réalla. qui
est d'éveiller des éllOtions de vertu dans le coeur du lecteur. Co . .
l'explique Raymond Joly,
Il aura manqué son effet sl le lecteur, au
IIOl!lent o~ on veut le frapper, conserve encore
des lIIOyens de défense et. peut 15 'abri. ter contre
le choc salutaire en refuaant sa créance
l
1&flctionl 11 faut donc circonvenir 8& raiSon en
lui peignant un .onde telld8llt. Yra1~ tell . . . . t. conforme
l
son existence quotidienne, qu'ilsoi t hors d'état de :faire le partage entre
ce qui est inventé et ce qui ne l'.t. paIS,
et ent1~rell8nt livré aux lapresa10œ qu'on
veut lui colUlUlllquer. 2
S1 l'on veut l188urer l'influence que Rlctardaon a eue sur
l'oeuvre d~ Diderot, est-ce qu'Il faut ae f1er
l
l'IlO8!?Ou,
COIlJlle le suggère Arthur Wilson, J est-ce que Dldemt. se rlat.te
lui-MJRe sous prétexte de vanter Rlchudson, car Il dl t ~
1. Diderot, Eloge de Richudson, A.-T. V, pp. 214 et 218.
2.. RaYl1lOnd Joly,. Deux Etooes sur la pr!hlatolre du réaU_
(Québec & Presaes de l' Un! ve:ral
tti
Laval, 19(9), P.9&.
J.
Arthur Wilson, Didorot (New York I"Oxfom ~YeDIlt.T Pnu, 1912), p. 427.\
"
--e
·
.
26
-Plus on a l ' " beUe, plus, on a le
soIt
exquia et psr, plus onoomaft
la Datura,plus on a i . 1& vért té'l plus' on eaU. les
ouvragea de Rlchardaon. ,
lIous verro~ par 1& sul te, lors de notre étude de La Rel1g1euse.
jusqu'l quel point Diderot a suivi l'exeaple de R1c~.
Les roans de Richardson llis l part,'- Diderot conna1s.sa1t-il
J ,
bien la l1ttératUre anglaise? I l avait aborde le do_lne littéraire
c~teur en passant p&r celui de 1& traduction et d~ le début de
sa carr1~re il étaIt au courant des lettres ang1aLsea. Pendant
toute sa
1.
Diderot gaxdera. un certainrespec~
pour 1&litté~ture
~iseJ en
176l
11 écrit 1Nous avons l'honnqu~ d'avoir fait les ~
prellliers p!S dans ces ge~s [la tragédie et le roman]. I l faut convenir que 1&
hardi eSse du génie angla1s nous a la1ssés
bien en arrtl!re. N~ trouvons les chosesl
et tamis que le prf'"jugé, la cri tique, 1&
sottise les étouffent chez nous, 1& ra.1son
de l'ét~r s'en eapare, les suit et
produit des chefs--d'oeuvre et des originaux. 2
Diderot possédera en 1748 les oeuvres coapll!tes de Jonathan Swift.l
Dans son Discours prél1a1n&1re l l ' iBsal sur le ' ; 9 te et !al vertu,
et aussi dans son Discours prélill1ll1Ure l la Pro_nad. du sceptigue 4
Diderot ~lI1.re 1& liberté avec laquelle Swift peut 8 'expr1.r en athée
"'"
1. Diderot, KlOf{! de RlchaJ:d8on. A.-T. V, P. 216.
1
'2. Diderot, Projet de Préface. envo,é
1
Il. Truda1ne de Hontisn,y.tl"ltoducteur de HlM ~ ~ d.e Leasing, A.-T. VIII, p.' 4)9.
,
.
/ ~J.
Voir JacquesProust;'
-la bibllott*tue de Diderot. - p. 261.t
~ A.-T. 1. P.
15
et p.185.
:_~
~
.
f ,..
." 1 ~ ~ , , ~" , .. ~\.
,,' '. ,.
dans son "ohef-d'oeUvre de plAisanterie"
(aa.na
dout~
les VOlY8S• de Gull1 ver, tradui ta pu- Desfonta.lnea en 17?:l).
Diderot reconnaJt que', sans les restrictions qui prédoDl1na.1ent en France, un nouveau genre de roman na1ssal t sous la· plume de
Fielding et de SteI'1')e (11 ne mentionne SJlOllett qu'une seule fois, et c'est en tant qu'historien Plut8t que romanoier, dans l'article
'suicide' de l'EnCYClopédie). ~derot a lu Tom Jones et Amélie de Fielding, mais il ne nous en a point laissé de eommentaires.
En ce qui concernè Laurence Sterne, 1& situation est tout autre. Nous avons den preuves, dans sa correspondance, que Didcrot a lu l'oeuvre prinoipale de cet auteur, et 11 réconha.tt ouvertement
Ba dette envers Sterne dans Jaoques le }i'atal1ete. Pour le moment,
notons simplement que ses premillres impressions étaient favorables.
En quoi consiste cette dette et jusqu
'1
quel poinitl~
oeuvres de Sterne, de Fielding et de Swift ont~el1es contribué lA. 1& formation de la technique romanesque de Diderot?)
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CHAPITRE
II .~\ "LIS MJOUX IHm~Ri'TS
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29-51 l'on exclut 1& Pro_nade du scept1que ~1741) qui néanaolns
incorpore certains élêMnta l'O.anesquea( qu1 se développeront da.na
ses rollMS ultérieurS, 1& prell1l,re tentative de D1derot dana le
dOMine roaneaque est Les Bijoux indiscrets, parus en janvier 1148.
Antoine
AdaJa,
dans sa préface aux Bl JOUI , QU,Sarets, explique que lalecture quI a suggéré l Diderot le cadre général de son récit était
le Noerlon du co.te de Caylus, qui avait colllll8ncé de circuler
clandestineJDent au cours de 1141.
On Y voya.1 t un hollJle qui reeevai t d'une fée
le don de fa.1:re parler les fea.es d'une façon
qui n'étaIt p!LS habl tuelle. Ce n'étal t d' ailleurs c
qu'un vieux t~JIe de la 11 ttérature di te gauloise,
et Caylus, grand connaisseur du Ibyen
A8e.
n'avaItfait qu·eaprunter son sujet l un conte ancien.
Diderot, sans chercher plus loin, le reprt t
l
son tour. 1 ,- il
Etant donné la ra pldl té de la rédaction et les raisons qui
ont dicté la co.position de ce conte (prinCipale_nt les ,be&ol-ns
pécunlal~s de Ma.due de Puisieux, -rtresse de Diderot en 1748),
on pourrait se delU.lÙer sI DIderot a réfléchi
III.
pour un ~nstantl 1& question aorale.
~u preàier abord ce conte oriental, libertin et' asmsant
so.ble t~s 'loIn de tOut préceJ'Ù:? éthique et "nous retrouvons
le bagage philologique pl.!' lequel l'effet coaique d'~ conte
oriental est le plus sûrell8nt'att.elnt. L'histOire s'ome.des
. .. ':' 2'
p81'8onnagcs et des accessoires de rl.f;Ueur." Certains y ont vu
Diderot, ,Les BIjoux ind1screts, chronologie et préface lU'
Antoine Ada.II (i>arts 1 Garnler-fia • • rion. 1968), p. 14.
-
..
. \ .', " ~ , Î , f, ,j ' . 1; .~,';. ... ,. -. ,
.,
.
.
-JO-un ro-.nl
clé •L' on y reconnatt sana pe1ne Louis XV sous les
tra1 ta du sul tan H&ngogul et la", Poapadour 80US
ceux de 1& favori te Minoaa. ou enoore Descartes
Boue le nOIll d '~1 et Raaeau BOUS celui
d'Ultréalfasol8B.
Le roman l clé et le conte licencieux dans un cadre qrlent&l
étalent alors l la mode en France. ..us Diderot y apporte des
élélllents neufs 1 .MAvec lui le rollll!lll libertin éolater
l'1Jlagln-atlon et le telllpêralllent p.llssants de Diderot ne pouvaient taS
se laisser
e~pr1sonn~r
dans les conventions d'un genre IIlineur ... 2\ - '
Pour cORlFendre l qu~e source D1derot a pUsé pour 68 li bérer
\
t,.
des cGnttalntes des romans
l
la ~e, 11 faut chercher ailleursqu'en France 1 les idées génératrtces se trouvaient outreMllche.
Deux Anglais en }8l'tlcul1er ont façonné ~t JK>dif1é la.
pensée de l'auteur des rlijoux indi~~.!l!ts , .;)~tt:8bury. dont
l' ~~al sur le .oor1 te et 1& vertu (Inguiry conceming Virtue
or ~;erl t) aval tété 11 brelll6nt tradul t pu' D1de~t en 1745. et
Jonathan Swift. Au cours de cette période capitale dans la
rOI'1lllLtlon des idées IIOralos de Diderot, noua 8&vona que parai
1'5 11 vres achetés par Diderotr en 1748 figurent les" OelNrea de
Jonat.han
~wift.
publiées en 1735 en quatre volu-œ.) Or 11 est)
1. Ceo~s May. Denis Diderot (Par1.a , Boh!n.
1?51),
p. 1()q."1
2. Henri,
CO~8t.
Le ROMn jusJu'll& RévOlufl0n.J
)87.~ ; 1
l
). 'Jaequoa ProUlS~. -La. bl bUot~u. de Dld~t, ~/~ 260.
,~ ~ ,~ , / /
(
'1.Î
, (
il i \ "'
..
- 31
,
.
:t::t
d:u;w::
t
:p::7,
a
pl:~:: '~-;:t1:::C::::aque
oette époque. Swift, dans Iton Conte du "':nneau (Jblié en 1704 et
tradul t en ~nçals par Juste Van I«fen en 1721) B 'él~ve contre les
abus rol1~leux des croyants superstl tleux catholiques d 'W1 c3té,
et dos fanatiques ~r1ta1ns de 1 ~.utre. Voiel que déjl en 1?4§,
D1~rot le cite dans son Discours prél1l1l1nalre
l
l'Essai sur lemérlte pt la vertu 1
J\
ne conçois pas couent, aJd:s des protestationaaussl solonnelles d'une enUire 80W!llsslon de coeur
et d'esprit aux ayst~res sacrés de sa religion, il
s'est trouvé quelqu'un assez injuste pour coa~er
H. S. (Shaftesbury) au noabre des Asgil, des Tlndal
et des Toland, gens aussi décriés dans leur Bsllae
en qualité de chrétiens, que dans la réplbllque en
quali té d'auteurs 1 auvais protestants et lI1aérables
écr1val
na.
Swift, qui a 'y connaftsana
doute, enporte ce jugement dans aon chef-d'oeuvre de
plaisant-erie , "Aurait-on jamais soupçonné, dit-il, qu'ABgll
fÛt un beau génio et Toland un philosophe, ai 1&
religion, ce sujet Inép11eable, ne les avait 'pourvus
abondallU'Dent d'esprit et de sylloglSIleS?' Quel autre
sujet, renferJllé dans les bomos de la nature et de ..
l'art, aura.1~ été C&pt.ble de procurer
l
T1rllial lenOIl de l'auteur profond, et de le faire llre? SI
cent pl\1ll8s de cette foree avaient été eaployMa pour
1& défenae du christianisJIe, elles auraient été
d'abord livrées l un oubli étemel.-1
Deux ans plus tard, Diderot coapose sa Pr!)!enade du aceptigue,
dont la forme
marne
su8s~re qu'il auivait l'exeaple du Conte duTonneau. Diderot, dans un effort de concrétiser aes ~pres
1. A.-T. l, p. 15.
\ :
'.
.
~: ~.r;l,
,
.
;;.
-& A~'" , 1 -, :r";·-1'_"\.7~;~~~ VOt
" ,
.
-, .
idé. rtlllgleuaea et 1IOnJ..', explore et ocmtronte
di.en_
possibilitéo daM un cadre plut3t ro ... que. Due le Dlaooum,
pré11ûM.1re, le no. de Swift revl~t aouà sa pluae, cette
tol.
cS.ana le contexte de ceux qui ont osé < _ttre en queetion 1&
're-ligion traditionnelle'. Diderot & ëgale~nt reconnu
dàna
l'oeuvre de Swift un &ut" éléJl8nt, plus lépr et lIOina a . r que sa. sat1ra~
.
.ordante 1 c'est 80n hu.,ur, une sorte de raillerie ou peralfla6e
ou plrl'ols tout siaple_nt du badinage. ft en 11.58 Diderot allait
lIA ..
utilisùr l'exe.ple de Swift pout' 1l1ustrer l'article 'huaour'de l'Enèyclopéd1e 1
..
~ Angl.&1s se servent de ce IlOt pour déslper
une pl.&1santer1e originale, peu co.,.une et d'un
'toUr &1J18Uller. .ParII1 les auteurs de ce~te (
nation, personne n'a eu de l'bWlOur, O\L de
cette pl.a1santerte originale,
l'
un plus haut po1nt ~ue Sw1.1't qui; ]BI" le tour qu'il Aval tdOMer l
ses pla1aantex:1-,
produ1a&1t qw&lque-<> fois, p.ra1 sea co.s:atriotea, des effeta qu'onn'aurait jaa1s IPl attendre des ouvft8e8 1ea pluS 8ér1e~ et les aiaux raisonnés, rid.1culua
&cn,
etc • • • ~ Le VoyY! de Gulllvel', clu 1;:r.;
auteur, _~ une satire re.plie cl'huaour.
Sl nous revenons aux Bijoux Ind1acreta, , 1& lecture de Swift
~
\ pU' Diderot se rév~le iM1scU'table.nt dans . certaines 'parU-i tel_. l'épisode qui fol'll8 I i chapt. tre XL Inti tulé le RIve de Hirsosa.
Dans ce réei t satirique, Diderot réchaUffe 1& q..relle' du ADelens
1.' A.-T. - XV, pp. 147.08 • o , ~ "