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Submitted on 13 Aug 2018
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Editorial
Zahir Yanat
To cite this version:
Zahir Yanat. Editorial. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2014,
Développe-ment et renforceDéveloppe-ment du lien soc, 16. �hal-01856610�
N° 16 Janvier-Juin 2014 • Développement et renforcement du lien social
Management & Sciences Sociales
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éditorial
La réflexion sur le lien social et sa nature ont déjà fait l’objet de nombreux débats.
Elle a inspiré les penseurs du contrat social tels Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau et, plus avant dans l’histoire, Platon pour qui le lien social constitue une manière de « se délier pour se relier ».
Il est reconnu de tous que l’expression « lien social » recouvre des réalités multiples que d’autres maîtres à penser des sciences sociales et des praticiens d’entreprises abordent sous plusieurs angles :
- Un angle politique et moral où le lien social se décline sous la forme de « civilités » à la manière de Norbert Elias.
- Un angle de relations interindividuelles, où il prend la forme de ce que Georg Simmel définit comme « la base ludique de la socialisation ».
- Un angle sociologique où il permet, grâce à la division du travail, la différenciation des individus et l’émergence d’une solidarité organique, selon Émile Durkheim.
- Un angle managérial où il aide à anticiper et gérer les tensions sociales selon une logique d’intégration sociale et de réduction des injustices sociales, complémentaire à une logique de développement de performance économique dans la tradition de l’industriel humaniste du 19ème siècle, Jean-Baptiste Godin, ou, plus près de nous, l’humaniste Bertrand Collomb, président de Lafarge, fondateur du centre de recherche en gestion de l’École Polytechnique et président de l’Académie de sciences morales et politiques.
Sur le terrain, le bien-être attendu de la construction d’un lien social humanisé et humanisant est difficile à atteindre dans un monde en crise où les parties prenantes sont traitées de façon inégale.
La conception formulée par Freeman, qui rappelle, en 1984, l’impératif catégorique de Kant : « chaque personne humaine possède une dignité fondamentale qui commande un respect absolu » parvient difficilement à l’emporter sur la conception formulée en 1962 par Friedman pour qui « rien n’est plus dangereux pour les fondements de notre société que l’idée d’une responsabilité sociale des entreprises autre que de générer un profit maximum pour leurs actionnaires ».
Les articles de ce numéro 16 de Management et Sciences sociales sont issus pour la plupart de contributions présentées aux 11èmesjournées Humanisme et Gestion à Kedge Bordeaux, les 3 et 4
avril 2014, et soumis à évaluation du comité scientifique de la revue.
Éric Vatteville plaide pour une avancée démocratique dans la gouvernance de l’entreprise qui serait à même d’y rétablir la confiance. Les crises financières du début du XXIèmesiècle ont suscité
un élargissement des attentes de la société vis-à-vis de l’entreprise et conduit à prôner un système de gouvernance partenariale, qui peut emprunter deux voies : celle d’une transformation radicale conduisant à une définition nouvelle des structures juridiques du pouvoir, des droits et des obligations des parties prenantes ou celle d’un renforcement progressif d’un contre-pouvoir face à la suprématie actionnariale, solution moins ambitieuse mais néanmoins capable de rénover le dialogue social.
La recherche de Marc Morin porte sur le développement des risques psychosociaux, et de différentes formes de stress au travail et dans le cadre des rapports salariaux qui sont observables
N° 16 Janvier-Juin 2014 • Développement et renforcement du lien social Management & Sciences Sociales 3
durant les années 2000. Il met en lumière deux facteurs macroéconomiques et macro-sociaux majeurs, la poursuite de l’augmentation du chômage de masse et des sous-emplois, la socialisation de plusieurs générations dans un contexte de chômage massif et structurel et la montée en charge du pouvoir de la finance qui pèse sur l’adoption de conventions managériales de rigueur cherchant à obtenir du travail plus de résultats à court terme, avec leurs formes de précarisation du travail matérielles ou subjectives. Les sorties de l’entreprise étant moins fréquentes (Exit au sens d’A. O. Hirschman, de R. B. Freeman et J. Medoff), les prises de parole collectives (Voice) dans les entreprises allant en diminuant, des formes d’inhibition de l’action mises en lumière par Laborit se développent en tendant en quelque sorte à accentuer l’exposition des salariés aux différents agents stressants.
L’article de Catherine Maman traite de la reconnaissance du client dans la relation de service à partir de l’analyse d’un récit de vie mettant en scène une prestation médicale en partie dégradée par la « surdité » du personnel médical à l’égard de l’expression de la souffrance de la patiente. Cette contribution permet de suggérer un outil complémentaire d’analyse de la dégradation de la satisfaction du client notamment par la prise en compte de la dimension émotionnelle de la production de service.
Pauline Pérez s’appuie sur une enquête de type ethnographique auprès des Intermittents du travail - anciens actifs qualifiés qui ont opéré une rupture radicale et volontaire avec une carrière professionnelle stable afin de mettre en lumière ce qui a été rejeté dans le travail et au profit de quoi. Plusieurs mécanismes potentiellement nocifs dans le travail aujourd’hui, comme l’entretien d’une culture du « stimulacre », selon le terme de Bouilloud, autour d’un travail rêvé épanouissant, sont identifiés et confrontés à l’expérience d’un travail humanisé et humanisant, qui reposerait sur la débrouille et la polyactivité.
Pour sa part, Khaled Tahari présente le changement de stratégie économique survenu en Algérie vers 1990 avec le renoncement à la régulation par le plan au profit des règles du marché. Alors qu’il aurait dû aboutir au remplacement total de l’ancienne GRH politique par une GRH inscrite dans une logique productive économique, l’analyse montre que les entreprises publiques ont conservé, à côté d’une gestion centrée sur l’exigence économique, bien des éléments d’une gestion politique qui préserve la survivance de rentes statiques de situation.
Benjamin Souviraa propose, à partir de l’exemple de campings des Pyrénées, une observation du secteur de l’hôtellerie de plein air. Il souligne la capacité de ce secteur à renouveler le lien social dans le contexte d’un marché orienté sur le développement durable, à partir d’actions menées depuis plus de 10 ans pour l’intégration de l’homme au niveau tant social (emploi, formation professionnelle) que sociétal (mixité sociale, ouverture sur un tourisme plus accessible) et environnemental (labels, actions indépendantes).
Dans la rubrique Varia, Max Masse montre comment la Mission SSTFP inscrit son action dans un projet global de professionnalisation durable des acteurs, des activités, des organisations et des territoires. Dans cette perspective, elle fournit aux parties prenantes de la SST un espace de pré-professionnalisation par la création d’un site internet mettant à leur disposition des textes, des outils, des informations… pour favoriser leurs entreprises. Cette initiative répond pour l’auteur aux attentes des signataires de l’accord de 2009 visant à reconfigurer l’environnement de la fonction publique française en matière de santé et de sécurité au travail et représente une ouverture à l’altérité et à la diversité.
Enfin, Maria Giuseppina Bruna nous présente Et la confiance, bordel ?, dirigé par Sylvie Vernay et Alexia de Monterno. Cet ouvrage voit dans la confiance « une chose bien mal partagée en France » mais un vecteur de lien social durable.
Zahir YANAT
Rédacteur en chef Kedge Business School