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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La non-acquisition des notions de temps et d'espèce : deux entraves à l'enseignement de la théorie de l'évolution

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Academic year: 2021

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(1)

LA NON-ACQUISITION DES NOTIONS DE TEMPS ET

D'ESPECE : DEUX ENTRAVES A L'ENSEIGNEMENT DE

LA THEORIE DE L'EVOLUTION

Michel VAN PRAET

Muséum national d'Histoire naturelle

et Cellule de Préfiguration Galerie de l'Evolution - Paris

MOTS CLEFS: REPRESENTATIONS - EVOLUTION - ESPECE - TEMPS - MUSEOLOGIE.

KEY WORDS : CONCEPTIJALIZATIONS - EVOLUTION - SPECŒS- TIME - MUSEOLOGY.

RESUME: L'étude des représentations du temps et de l'espèce, chez 929 élèves du primaire el du secondaire, montre que ces deux concepts indispensablesàl'acquisition de la théorie de l'évolution, bien qu'intégrés dans le savoir savant dès le XVIIIème siècle, ne sont pas encore transférés dans la culture générale.

Cette étude révèle que l'enseignement n'améliore pas certaines représentations et semble même parfois aller àl'encontre de l'acquisition des concepts corrects.

SUMMARY : This investigation of conceptualizations of rime and species, in 929 students (from primary to secondary school), reveals that these concepts appeared in science since the

xvm

th century, and necessary to comprehension of the theory of evolution, are not incorporated in culture.

Study of students' conceptualizations reveals that school programms do not increase real knowledge of few concepts and ever could incrase wrong conceptualizations of one of them.

(2)

1 PROBLEMATIQUE

La rénovation des présentations publiques du Muséum et en particulier de l'ex-Galerie de Zoologie fennée au public depuis 1965 suscite 3 catégories de recherches complémentaires;

1- sur les idées scientifiques majeuresà présenter, 2- sur la composition du public,

3- sur les représentations que le public a, des concepts exposés.

Les messages scientifiques majeursàprésenter dans un musée moderne de sciences naturelles ont fait l'objet d'un débat dans la communauté scientifique qui mit en évidence la nécessité de structurer les présentations publiques en fonction de la théorie de l'évolution (Van Praët, 1988).

Parallèlement à l'élaboration du synopsis scientifique des présentations, un deuxième type d'investigations a porté sur l'analyse des publics actuels du Muséum. L'étude de ces publics, 1 100 000 visiteurs annuels dans les galeries permanentes et expositions temporaires du Jardin des Plantes, permet de formuler des hypothèses sur le nombre et les catégories socio-professionnelles de visiteurs de la galerie rénovée (à paraître).

La troisième série de recherches, porte sur les représentations des publics, par rapport aux thèmes de l'évolution exposés dans la future galerie.

Les résultats préliminaires de cette étude qui tendà analyser les obstacles etàpréciser les points clefs de la présentation muséologique afin d'y créer" un environnement didactique optimal" (Giordan, 1988), font l'objet de cette communication.

2 RESULTATS

L'étude préliminaire s'est déroulée sous forme d'entretiens avec les classes venant au Muséum et d'un premier questionnaire comprenant 14 "paires" de questions établies en fonction des problèmes de représentation des élèves interrogés lors des entretiens.

Les entretiens révélèrent d'emblée deux difficultés majeures pour les élèves; les représentations des notions de temps et d'espèce. Cette difficulté de la représentation d'espèce a également été développée dans la ilièse dHubert Van Blyenburgh (1988) consacrée aux notions d'espèce et de race chez lHomme.

Tableau 1 :Liste des" 14 paires" de questions posées lors de l'enquête préliminaire.

1 -Les premiers hommes ont tué les derniers dinosaures.

-Les derniers dinosaures ont disparu longtemps avant les premiers hommes 2 -Tous les hommes sont de la même espèce.

-Tous les homme5 ne sont pas de la même espèce.

3 -Les premiers mammifères vivaient en même temps que les dinosaures. -Les premiers mammifères ont vécu après les dinosaures.

4 -Les premiers oiseaux sont apparus sur terre avant les dinosaures. -Les oiseaux sont apparus sur terre après les premiers dinosaures. 5 -Les premiers oiseaux sont apparus sur terre avant les mammifères.

-Les oiseaux sont apparus sur terre après les premiers mammifères. 6 -Les dinosaures ont vécuilya 10.000 ans.

-Les dinosaures ont vécuil ya plusieurs dizaines de milliers d'années.

(3)

-Les premiers habitants de la terre étaient des monstres gigantesques. 8 -La vie a commencé dans l'eau.

-Lavie a commencé sur des continents.

9 -A l'origine de la terre, l'atmosphère ne pennettait pas la respiration. -Depuis la fonnation de la terre, l'atmosphère est identique.

10 -L'herbe et les fleurs n'existaient pasàl'époque des dinosaures. -Lberbe et les fleurs existaientàl'époque des dinosaures.

Il -Les microbes sont fonnés par la pourriture de restes d'animaux et de végétaux. -Les microbes sont des organismes qui se reproduisentàpartir de "parents" microbes. 12 -Tous les animaux d'une même espèce peuvent se reproduire entre eux.

-Tous les animaux peuvent se reproduire entre eux.

13 -Les chromosomes sont des structures microscopiques de nos cellules. -Les chromosomes sont un tenne imaginé pour ce questionnaire.

14 -Les hommes et les singes ont un ancêtre commun très proche. -Les hommes et les singes n'ont pas d'ancêtre commun.

Tableau 2 ; Pourcentage des réponses correctes, par classe, chez les 929 élèves interrogés (les numéros des paires de questions du tableau 1 sont indiqués entre parenthèses).

CLASSE CMI CM2 6e 5e 2ndes 1ères

EFFECTIF INTERROGE 158 211 217 71 155 117

Ollestions sm la notion rl'esnèœ

.L'homme comporte une espèce (2) 48 42 54 63 88 85

.L'espèce biologique (12) 68 75 62 83 92 83

.Pas de génération spontanée (11) 44 38 42 32 66 72

.Chromosomes (13) 64 67 58 69 98 95

Ollestions sur l'nnain.. n..1""i..

.Organismes microscopiques (7) 71 72 74 73 97 94

.Dans l'eau (8) 65 77 75 78 97 97

. s"Tl" nvn .• 1"

.Evolution de l'atmosphère (9) 40 33 40 44 51 52

.Evolution des flores (10) 23 31 17 21 7 9

1()np<tinn<SIlTles nhvl'oll'I,nie.

.Ancêtre commun singe/homme (14) 80 86 88 85 89 88

.Non contemporanéité dinosaures/hommes (1) 75 70 81 83 91 95 .Contemporanéité dinosaures/mammifères (3) 53 46 42 49 49 55 .Antériorité des reptiles sur les oiseaux (4) 63 66 58 54 61 62

.Des mammifères sur les oiseaux (5) 32 40 34 49 31 29

.Les dinosaures vivaientil ya ...(6) 82 78 82 86 90 92

Les résultats obtenus à partir du premier questionnaire, partiellement présentés ici pour ce qui concerne les élèves du CM 1àla première, doivent être analysés en prenant plusieurs précautions.

Nous n'avons pas cherchéàvérifier un savoir, maisàdéceler les représentations spontanées de certains concepts et avons conçu dans cet esprit la formulation des questions. De ce fait une réponse "correcte" n'indique pas un acquis, mais seulement l'absence d'obstacle au niveau des représentations.

Ledeuxième type de précautions résulte de l'hétérogénéité des populations,ycompris pour un niveau de classe donné. Cette hétérogénéité est liée aux sections (par exemple A,S ou E en classe de première) età l'âge des élèves dans un niveau de classe donné. Ce deuxième type d'hétérogénéité est détaillé ici pour les 5èmes, dans le tableau 3. Les 5èmes constituent une "classe-butoir" dans le système éducatif français

(4)

actuel, de ce fait la proportion d'élèves ayant un retard scolaire y est importante

(52

% dans notre échantillon). Or les types de réponses sont influencés par ce retard comme on le constate dans le tableau3. Tableau 3

Pourcentages de réponses correctes chez les élèves de5ème en fonction de l'âge.

RETARD SCOLAIRE (en années)

. 1

0

+

1

+

2/3

EFFECTIF INTERROGE

6

28

25

12

71

mr13notioncl''''~n~''''

.L'homme comporte une espèce

(2)

50

71

64

50

63

.L'espèce biologique

(12)

83

89

80

70

83

.Pas de génération spontanée

(11)

50

39

28

17

32

.Chromosomes

(13)

67

61

76

75

69

IOuestions sur l'orilrine de la vie

.Organismes microscopiques

(7)

67

71

76

75

73

.Dans l'eau

(8)

83

86

80

50

78

l"lIT1~ -' IIIhimnhi'œ

.Evolution de l'atmosphère

(9)

33

57

40

25

44

.Evolution des flores (10)

17

22

16

33

21

Oll",~ti(ln" slIr le"nh .

.Ancêtre commun singelhomme

(14)

83

86

84

83

85

.Non contemporanéité dinosaures/hommes

(1)

83

79

88

83

83

.Contemporanéité dinosaures/mammifères

(3)

50

61

40

42

49

.Antériorité des reptiles sur les oiseaux

(4)

50

46

64

50

54

.Des mammifères sur les oiseaux

(5)

17

46

40

33

40

.Les dinosaures vivaientily a ...

(6)

100

89

80

83

86

Les détails foumis dans le tableau3permettent de constater que les pourcentages de réponses correctes d'élèves n'ayant pas de retard scolaire

(0)

se situent

10

fois sur

14

au-dessus de ceux des élèves en difficulté(+ l, +2/3) et 9 fois sur

14

au-dessus de ceux ayant un an d'avance (-l)!

Une troisième précaution doit prendre en compte le fait que certains mots peuvent avoir un sens scientifique précis, mais un sens différent, ou du moins imprécis, dans le langage courant, c'est en particulier ici le cas du mot "espèce", comme en témoigne les réponses et les entretiens.

3 DISCUSSION

L'analyse des réponses (Tableau 2) confirme l'importance des obstacles constitués par les représentations des concepts de temps et d'espèce.

Par rapport au concept de temps, c'est probablement la notion de temps relatif (questions 3, 4, 5, sur les phylogénies) et de dynamique de l'écosystème terrestre (questions 9 et 10) qui constituent les obstacles les plus importants.

Piaget

(1946)

souligne les confusions du jeune enfant entre: temps, distance, vitesse. Il est probable que ces concepts demeurent incomplètement maîtrisé, jusque chez l'adulte et, au-delà du fait que l'enseignement n'aborde pas les questions de phylogénie des grands groupes zoologiques et botaniques,

(5)

les entretiens effectués (élèves de 5ème) révèlent que les réponses (fausses, comme celles correctes) sont élaborées en fonction de représentations du temps définis par Piaget chez le jeune enfant. Le groupe B succède au groupe A, puis le groupe C au groupe B de manière linéaire. Cette représentation linéaire transposée à l'évolution, amène l'interrogé à placer les mammifères (dont il se considère une composante ou du moins très proche) dans un groupe plus récent que les oiseaux, simplement parce qu'il se considère plus éloigné de l'aigle que du singe (d'où le très faible taux de réponses correctes aux questions 3 et 5). Les élèves n'envisagent pas, ou rarement, la possibilité de divergences à partir d'un groupe fondateur et que celui-ci puisse êtreà l'origine de deux branches évolutives ayant des "vitesses" évolutives et des nombres de représentants différents.

La notion d'espèce constitue un autre obstacle majeur à une conceptualisation correcte de la théorie de l'évolution. Cet obstacle apparaît fortement lorsque l'on dépasse les questions formelles pour envisager des applications de la notion d'espèce, comme dans la question Il sur la génération spontanée.

Il faut souligner que ces difficultés de représentation du temps et de l'espèce ne furent abordées de manière scientifique qu'au milieu du

xvrn

ème siècle, en particulieràpartir des recherches de Buffon. Ses travaux sur le refroidissement des métaux constituent la première mise en cause expérimentale des temps bibliques (Roger, 1962) et ceux sur l'espèce comme entité biologique permirent de définir l'existence de deux espèces distinctes lorsqu'il n'y a pas interfécondité des descendances (Sloan, 1987). Les développement des notions de temps et d'espèces constituèrent un apport essentiel des pré-évolutionnistes du siècle des Lumières et furent indispensables au travaux des évolutionnistes du XlXème siècle (Roger, 1962; Sloan, 1987), mais ne sont pas réellement inclus dans les programmes scolaires, ni incorporés dans le savoir social. Ce type d'obstacle est accru pour des notions encore plus récentes, apparues au XlXème siècle, comme celle d'absence de génération spontanée (Raichvarg, 1987).

Cedécalage de plus de 2 siècles entre des savoirs savants, constituant une étape historique du progrès de la connaissance, et leur transfert dans la culture sociale constitue à l'évidence un obstacle à l'enseignement de la théorie de l'évolution et l'un des enjeux du propos muséologique de la future galerie. Cet enjeu est d'autant plus important que selon nous, l'échec relatif des expositions et démonstrations sur les sciences de la vie tentées par les centres de culture scientifique créés depuis une cinquantaine d'années, résulte pour une part de la non prise en compte de l'importance du temps en biologie (Van Praët, 1988).

Cet handicap est matérialisé dans le tableau 2, par les questions où le pourcentage de réponses correctes n'est pas corrélé au niveau d'étude (en particulier les questions 3, 4, 5, 14) et la question 10 où le pourcentagede réponses correctes est même inversement corréléàce niveau d'étude!

Il est probable que les concepts d'espèce biologique, de population et d'individus devraient être abordés très tôt dans l'enseignement scientifique, de même que le concept de temps devrait être inclus dans le programme de sciences naturelles et non réservéà d'autres disciplines comme l'histoire ou la philosophie. L'acquisition de ces concepts constituent probablement des points de repère, préliminaires aux données moléculaires, indispensables à l'apprenant pour acquérir les concepts d'évolution et pas simplement "y croire", ou non, en fonction d'options philosophiques conscientes ou inconscientes.

(6)

4. BIBLIOGRAPHIE

GIORDAN (A.), 1988.- De la catégorisation des conceptions des apprenants àun environnement didactique "optimal".Protée, 16, 133-140.

HUBERT VAN BLYENBURGH(N.),1988.-Une étude du décalage entre les connaissances du public et le savoir scientifique en biologie humaine: évaluation des conceptions, analyse des obstacles et réalisation d'aides didactiques. Thèse Université de Genève, 301 p.

PIAGET(J.), 1946.-Le développement de la notion de temps chez l'enfant. P.U.F., Paris, 299 p.

SLOAN (P. R.), 1987.- From logical universals to historical individuals : Buffon's idea of biological species.in Histoire du concept d'espèce dans les Sciences de la Vie, Ed Fondation Singer - Polignac,

Paris, .101-140.

RAIŒVARG (D.),1987.- Histoire du concept de microbe. inHistoire de la Biologie. Technique et

Documentation Lavoisier, Paris, Tome 1,91-198.

ROOER (J.), 1962.- Buffon. Les époques de la nature. Edition critique.Mémoires du Muséum national

d'Histoire naturelle. Sciencesdela Terre., ID, 1-343.

VAN PRAET(M.),1988.-De la galerie de zoologieàlagalerie de l'évolution, vers un musée de quatrième type.in Actes des Xèmes journées internationales sur l'Education scientifique, Chamonix. UF de

Figure

Tableau 2 ; Pourcentage des réponses correctes, par classe, chez les 929 élèves interrogés (les numéros des paires de questions du tableau 1 sont indiqués entre parenthèses).

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