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Différences sur le plan de la motivation au travail, de la capacité de résilience et du sentiment d'efficacité personnelle en classe et à l'école des enseignants débutants selon leur participation à des programmes d'insertion professionnelle offerts dans

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Différences sur le plan de la motivation au travail, de la

capacité de résilience et du sentiment d’efficacité personnelle

en classe et à l’école des enseignants débutants selon leur

participation à des programmes d’insertion professionnelle

offerts dans leurs commissions scolaires d’attache

Mémoire

Amélie Desmeules

Maîtrise en psychopédagogie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Amélie Desmeules, 2016

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Différences sur le plan de la motivation au travail, de la

capacité de résilience et du sentiment d’efficacité personnelle

en classe et à l’école des enseignants débutants selon leur

participation à des programmes d’insertion professionnelle

offerts dans leurs commissions scolaires d’attache

Mémoire

Amélie Desmeules

Sous la direction de :

Christine Hamel, directrice de recherche

Éric Frenette, codirecteur

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Résumé

Actuellement au Québec, le contexte d’insertion professionnelle en enseignement représente plusieurs défis pour les enseignants débutants, et ce, en raison de multiples causes (p.ex. la précarité et le manque de soutien). Résultat : près de 15 % à 20 % d’entre eux quitteront la profession dans les cinq premières années de leur carrière et cette statistique ne cesse d’augmenter. Pour remédier à la situation, l’une des solutions envisagées est la mise en place de programmes d’insertion professionnelle (PIP) par les commissions scolaires, lesquels offrent différentes mesures de soutien telles que du mentorat, des ateliers de formation et des réseaux d’entraide en ligne. Cela dit, les modalités de mise en place de ces programmes varient grandement d’un milieu à l’autre, et ce, autant en ce qui a trait aux services offerts qu’à l’admission des candidats. De plus, ceux-ci ne sont généralement évalués que de façon informelle par le milieu. On ne sait donc pas si les enseignants débutants qui y participent se distinguent réellement quant à leur persévérance dans le métier, laquelle repose notamment sur leur motivation au travail, leur capacité de résilience et leur sentiment d’efficacité personnelle (SEP) en classe et à l’école (Bandura, 1997, 2007; Bélair & Lebel, 2007; Deci & Ryan, 1985, 2002; Fernet, Sénécal, Guay, Marsh, & Dowson, 2008; Zacharyas & Brunet, 2012). Ce projet de recherche vise d’une part à mesurer les différences sur le plan de ces variables chez les enseignants débutants participant ou non à un PIP. D’autre part, il vise également à mesurer la prédiction de ces variables par les différentes mesures de soutien offertes dans les PIP chez ceux qui y participent pour constater leur contribution respective dans un PIP. Pour ce faire, une étude préexpérimentale a été menée auprès de 86 participants. À l’aide d’un questionnaire, la motivation au travail, la capacité de résilience et le SEP en classe et à l’école ont été mesurés afin de comparer les résultats du groupe d’enseignants participant à un programme à ceux n’y participant pas. Une MANCOVA a d’abord été conduite avec ces variables et trois variables contrôles « avoir pensé quitter » le milieu d’enseignement, « ordre d’enseignement » et « expérience d’enseignement » comme covariables. Des régressions linéaires multivariées ont ensuite été menées à partir des mesures de soutien. Aucun résultat significatif n’a été obtenu quant aux différences entre les participants en fonction de la participation à un PIP ce qui est représentatif des résultats obtenus dans d’autres recherches sur le sujet (Ingersoll & Strong, 2011). Aucun résultat significatif n’a été obtenu concernant la prédiction des variables d’intérêt par les mesures de soutien.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... v

Listes des figures ... vi

Remerciements ... vii

Avant-propos ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 Les changements contextuels en éducation ... 3

1.2 L’insertion professionnelle actuelle des enseignants débutants ... 7

1.3 Le décrochage enseignant ... 9

1.4 Les programmes d’insertion professionnelle ... 12

1.5 Les objectifs et questions de recherche ... 18

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 21

2.1 La théorie de l’autodétermination ... 21

2.2 La théorie de l’efficacité personnelle ... 24

2.3 Le concept de résilience ... 27

2.4 Le cadre d’analyse proposé ... 28

Chapitre 3 : Article : ... 31 Résumé ... 31 Problématique ... 32 Méthode ... 39 Procédures de recrutement ... 39 Participants ... 39 Questionnaire ... 41 Procédures ... 43 Résultats ... 43 Statistiques descriptives ... 43

Vérification des questions de recherche ... 45

Discussion ... 46

Interprétation des résultats ... 46

Limites ... 49

Références ... 53

Chapitre 4 : Discussion générale ... 57

4.1 Les enjeux initiaux et les objectifs de recherche ... 57

4.2 Les apports des résultats de la présente recherche ... 58

4.3 L’éclairage du cadre d’analyse proposé ... 59

4.4 Les pistes de recherche et recommandations ... 60

Références ... 62

Annexe A : Formulaires de consentement, demande de recrutement et message de recrutement ... 68

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Liste des tableaux

Tableau 1. Répartition des participants selon les caractéristiques démographiques ... 40 Tableau 2. Corrélations entre les mesures du sentiment d’efficacité personnelle en classe et à l’école, de la

motivation au travail et de la capacité de résilience et de la variable avoir pensé quitter ... 51 Tableau 3. Scores moyens ajustés et erreurs standards des participants dans les groupes PIP et sans PIP

pour les mesures du sentiment d’efficacité personnelle en classe et à l’école, de la motivation au travail et de la capacité de résilience issus de la MANCOVA ... 52

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Listes des figures

Figure 1. Le continuum de l’autodétermination ... 22 Figure 2. La relation entre les trois principales catégories de facteurs dans une causalité triadique

réciproque ... 25 Figure 3. Cadre d’analyse sur la persévérance proposé ... 29

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Remerciements

La concrétisation d’un rêve n’est pas une mince affaire. Il faut non seulement croire qu’on peut y arriver, mais il faut aussi s’y investir pleinement et oser faire face à des moments d’incertitude et d’impasse. Je me considère choyée d’avoir pu accomplir ce beau projet que je caressais depuis longtemps : poursuivre mes études à la maitrise. Je suis aujourd’hui très fière d’avoir osé m’y lancer et ce sentiment récompense le processus de longue haleine qui est dissimulé dans ces écrits. Cela dit, je ne peux me concéder tout le mérite puisqu’un cercle de personnes extraordinaires m’entoure et celles-ci, par leur soutien, ont contribué de près ou de loin à l’aboutissement de ce projet. Sans pouvoir toutes les nommer, elles se reconnaitront, je désire bien sûr les remercier.

J’aimerais d’abord remercier ma directrice de recherche, madame Christine Hamel, qui est sans aucun doute la personne qui a le plus contribué à mon succès. Christine, au-delà d’être ma directrice, tu es mon modèle! Tu inspires chez moi le désir de m’investir dans le monde de la recherche et la conviction que l’ambition peut nous mener loin. Tes conseils francs, tes instructions pragmatiques, mais surtout ta grande écoute m’ont permis de me sentir soutenue et de constater la reconnaissance de mon travail. Sans ton appui, je n’aurais pas été amenée à avoir autant confiance en mes capacités. Merci pour tout et, surtout, d’accepter de m’accompagner à nouveau pour la prochaine étape!

De même, un merci bien spécial à mon codirecteur, monsieur Éric Frenette, qui m’a permis d’explorer, encore et encore, plusieurs avenues méthodologiques avec rigueur. J’ai eu la chance de bénéficier de votre grande connaissance et de vos conseils justes qui m’ont permis de faire des choix judicieux. Merci pour votre importante contribution dans mon parcours et votre appui pendant l’analyse de mes données!

J’aimerais également remercier ma famille. Mes parents nous ont offert, à ma sœur et moi, un milieu familial uni qui m’a permis de m’épanouir. J’ai eu la chance de grandir aux côtés de ces trois personnes extraordinaires, comblée de leur amour et de leur support et c’est grâce à elles si je suis la personne que je suis aujourd’hui. Toute l’ambition, la confiance et la persévérance dont je fais preuve sont le résultat de leur soutien et de leurs encouragements. Merci, je vous aime de tout mon cœur!

Finalement, je ne peux passer sous le silence le soutien reçu de mon fidèle allié : mon conjoint Sébastien. Pour ta compréhension quand je n’avais plus le temps de laver la vaisselle, pour tes encouragements quand j’étais au bout du rouleau, pour tes délicates attentions quand j’avais tout simplement besoin de décrocher : merci mille fois. Ce n’est pas toujours facile de concilier études, travail et vie conjugale, mais ta grande compréhension m’a permis d’aller au bout de ce projet sans craindre ta désapprobation. Tu es le meilleur!

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Avant-propos

Ce mémoire étant par insertion d’article, il est constitué de l’article Programmes d'insertion professionnelle dans

les commissions scolaires de Québec et persévérance des enseignants du primaire et du secondaire en début

de carrière qui a été soumis pour publication dans la Revue canadienne de l’éducation.

L’auteure principale de cet article (Amélie Desmeules) est également l’auteure de ce mémoire. La deuxième auteure (Christine Hamel) est la directrice de recherche de ce mémoire et le dernier auteur (Éric Frenette) en est le codirecteur. Cet ordre entre les coauteurs a été établi en fonction de leur contribution respective.

La rédaction de l’ensemble de l’article de même que la réalisation du projet de recherche qu’il sous-tend ont été réalisées de manière autonome par l’auteure principale. Les deux coauteurs ont respectivement supervisé et révisé la structure générale, la méthodologie et les résultats à la fois de la recherche et de la rédaction de l’article.

Cet article a été réalisé entre autres grâce à la bourse d’études Joseph-Armand-Bombardier à la maitrise offerte par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). L’auteure tient donc à remercier cet organisme subventionnaire.

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Introduction

L’insertion professionnelle des enseignants débutants est pour moi un sujet de recherche non seulement préoccupant, mais également lié à ma situation professionnelle personnelle. En effet, ayant terminé mon baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire en avril 2014, j’ai été amenée à faire mon entrée dans la profession comme bien d’autres enseignants débutants de ma cohorte. Je suis d’ailleurs actuellement employée à titre de suppléante par une commission scolaire de la région de Québec. À la lumière de mes expériences et de celles de mes collègues de travail, j’ai réalisé que l’insertion des jeunes enseignants dans leur nouvelle profession ne se fait pas sans difficulté.

Force est de constater que le phénomène au Québec est connu et les statistiques aussi; 15 à 20 % des nouveaux enseignants déserteront la profession lors des cinq premières années de leur carrière en raison de ces différentes difficultés (Fournier & Marzouk, 2008; Karsenti, Collin, & Dumouchel, 2013). Les causes potentielles de leur décrochage au Québec, identifiées par les enseignants eux-mêmes, sont nombreuses : le sentiment de surcharge pendant la première année de travail, la précarité de l’emploi, le sentiment d’être insuffisamment préparé, le manque de soutien et de collaboration de la part des autres enseignants (Mukamurera, Bourque, & Gingras, 2008), les conditions du milieu scolaire qui ne correspondent pas à celles envisagées avant l’entrée en carrière et qui entrainent une prise de conscience souvent qualifiée de « choc » (Boies & Portelance, 2014), l’écart important entre la pratique professionnelle en stage, laquelle offre des conditions d’accompagnement optimales et celle en insertion professionnelle (Fournier & Marzouk, 2008).

Afin de remédier à la situation, sous les recommandations du Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (COFPE, 2002), les commissions scolaires du Québec se sont dotées de programmes d’insertion professionnelle offrant aux enseignants débutants un accompagnement en début de carrière. Parmi ces programmes, on retrouve différents dispositifs d’insertion professionnelle offerts aux enseignants novices. Toutefois, il semble que leurs modalités d’application varient énormément d’un milieu à un autre. De plus, leur évaluation semble avoir été faite seulement de façon informelle (Leroux & Mukamurera, 2013). Ainsi, bien qu’il soit entendu que les programmes d’insertion professionnelle soient nécessaires, il demeure néanmoins que nous ne savons pas si les enseignants débutants qui y participent se distinguent réellement de ceux qui n’y participent pas quant à leur persévérance dans le métier, laquelle repose notamment sur leur motivation au travail, leur capacité de résilience et leur sentiment d’efficacité personnelle (SEP) en classe et à l’école.

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Qui plus est, dans d’autres pays, entre autres aux États-Unis, la plupart des recherches ne font ressortir aucun résultat significatif quant à l’effet des PIP sur la rétention des enseignants dans la profession (Ingersoll & Strong, 2011) ou sur différentes dimensions de la persévérance, telles que le sentiment d’efficacité personnelle en classe et à l’école (Helms-Lorenz, Slof, & van de Grift, 2012).

De ces constats sont nés chez moi la conviction et le désir de collaborer à l’avancement des connaissances en ce qui a trait aux différences entre les enseignants débutants participant à un PIP et ceux n’y participant pas, notamment sur le plan de la motivation au travail, de la capacité de résilience et du sentiment d’efficacité personnelle (SEP) en classe et à l’école, soit différentes dimensions sur lesquelles repose la persévérance. L’enseignement est, selon moi, l’une des plus belles professions et l’une des plus importantes aussi. Il m’apparait donc nécessaire de mieux intégrer les jeunes enseignants dès leur entrée afin d’assurer le renouvèlement1 d’un corps enseignant de qualité et, ultimement, de favoriser une meilleure qualité de l’enseignement dispensé aux élèves. En effet, l’abandon de la profession enseignante affecte non seulement les enseignants débutants, mais également l’apprentissage et la réussite des élèves, puisque certaines recherches ont notamment démontré que les enseignants les plus qualifiés et les plus performants sont plus à risque de décrocher (Borman & Dowling, 2008).

Par cette recherche, je souhaite donc mieux comprendre s’il y a réellement des différences chez les enseignants débutants participant à un PIP quant à leur motivation au travail, leur capacité de résilience et leur sentiment d’efficacité personnelle en classe et à l’école. Pour ce faire, une étude préexpérimentale a été menée auprès d’enseignants débutants recevant (groupe PIP) ou non (groupe sans PIP) au moins une mesure de soutien à leur insertion professionnelle dans le cadre d’un des programmes mis en place dans leurs commissions scolaires d’attache.

1 Ce texte est écrit conformément à l'orthographe rénovée à la suite des rectifications orthographiques approuvées par l'Académie française en janvier 1991.

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Chapitre 1 : Problématique

Dans ce chapitre, nous présenterons la problématique liée à l’insertion professionnelle des enseignants débutants. Nous aborderons d’abord les changements contextuels en éducation qui sont à l’origine du phénomène de précarisation de l’emploi et de la complexification de la tâche d’enseignement. Nous décrirons ensuite la réalité actuelle de l’insertion professionnelle vécue par les enseignants débutants, de même que le phénomène du décrochage professionnel qui lui est intimement lié. Nous présenterons également les principales mesures de soutien généralement offertes dans les différents programmes d’insertion professionnelle. Au terme de ce chapitre, une fois que l’objet de cette recherche sera circonscrit et que la pertinence sociale et scientifique de notre étude sera établie, nous présenterons nos objectifs et nos questions de recherche.

1.1 Les changements contextuels en éducation

Il est suggéré que la qualité de l’enseignement est l’un des facteurs influençant l’apprentissage des élèves et même, possiblement, parmi les plus importants (Hattie, 2009; Organisation de coopération et de développement économique, 2005). La société québécoise actuelle a donc besoin d’un corps enseignant qualifié afin d’accomplir la triple mission de l’école, soit d’instruire, de qualifier et de socialiser (MELS, 2006). Ce besoin apparait d’autant plus marqué à l’heure actuelle puisque la profession enseignante se complexifie depuis quelques années. En effet, les réformes du curriculum scolaire, le développement rapide des connaissances et leur accès de plus en plus aisé de même que les caractéristiques des classes d’aujourd’hui qui réflètent les changements sociaux soumettent les enseignants à certaines pressions. Même s’il semble que l’enseignement ait toujours été une profession intellectuellement et émotionnellement exigeante, il est à supposer que ces nouvelles réalités la rendent encore plus difficile à pratiquer (Gu, 2014; OCDE, 2005; Tardif, 2012).

Au Québec comme dans le reste du monde, plusieurs réformes scolaires se sont opérées depuis la fin des années cinquante, lesquelles peuvent être liées au phénomène de la complexification de la profession. Parmi les plus marquantes, notons d’emblée celle originairement issue du Rapport Parent de 1964 et s’étendant jusqu’au début des années 1970 : la modernisation du système scolaire québécois et l’accès à l’éducation pour tous les enfants québécois.2 Dans une visée de démocratisation et d’évolution sociale, plusieurs métamorphoses s’opèrent alors, marquant profondément le portrait général du système scolaire québécois. La

2Cette section qui présente un bref historique des réformes scolaires du Québec repose principalement sur l’appropriation du discours de Tardif et Lessard (1996) dans leur ouvrage intitulé La profession enseignante au Québec, 1945-1990.

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création du ministère de l’Éducation (MEQ), le regroupement régional des commissions scolaires, le développement des écoles secondaires polyvalentes et des cégeps, la montée du mouvement syndical de même que la modernisation des idéaux pédagogiques axés sur l’enfant sont des exemples des principaux changements apportés (Lessard & Tardif, 1996). En plus de modifier le système scolaire, ceux-ci auront également des répercussions sur le corps enseignant, notamment en ce qui a trait à la définition de sa fonction et à la délimitation de sa place au sein de l’école et de la société (Lessard & Tardif, 1996). L’enseignement devient une carrière reconnue comme telle, laquelle est prise en charge de façon laïque par le réseau des Universités du Québec. De plus, le MEQ, agissant à titre de législateur, est dorénavant responsable du corps enseignant en ce qui concerne l’accréditation des programmes de formation des maitres, la délivrance du brevet d’enseignement, la règlementation de l’insertion professionnelle et la permanence d’emploi. Par ailleurs, le corps enseignant se spécialise; la distinction entre les ordres primaire, secondaire et collégial est nettement plus marquée qu’auparavant (Lessard, Tardif, & Levasseur, 2003). De même, la spécialisation au sein de chacun des ordres s’effectue, donnant notamment lieu à l’apparition au primaire d’enseignants spécialistes en éducation physique et en musique, d’orthopédagogues et d’éducateurs spécialisés en adaptation scolaire. Leur fonction est d’une part de répondre aux besoins d’une clientèle scolaire grandissante, dans la lignée de l’égalité des chances, dont les caractéristiques sociales, économiques et culturelles sont diversifiées et d’autre part, de soutenir le travail des enseignants.

Dans le même ordre d’idées, la réforme a également opéré des changements importants au sein du curriculum passant des programmes catalogues aux programmes-cadres, lesquels étaient très généraux et constituaient davantage une démarche à entreprendre plutôt qu’un contenu précis tel que les précédents le préconisaient (Martineau & Gauthier, 2002). La refonte du curriculum occasionne alors un changement pour le corps enseignant. En effet, une liberté et une autonomie d’action pédagogique étaient accordées au corps enseignant, lui attribuant une fonction d’instruction et de socialisation importante. À ce sujet, Lessard et Tardif (1996) affirment que « [d] ans le domaine des programmes et des pratiques d’enseignement, les enseignants sont de véritables acteurs, ainsi que le préconise l’idéologie réformiste d’alors » (p. 166). En somme, cette réforme a entrainé une courte période de valorisation de la profession enseignante liée à la participation de la réforme dans la modernisation de la société et où le corps enseignant à bénéficier d’une autonomie d’action, du soutien d’un effectif grandissant de spécialistes et de professionnels, de la possibilité de participer au développement du système scolaire grâce au syndicat de même que d’une amélioration de ses conditions de travail.

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Dans la conjoncture des années 80, sous l’influence du néolibéralisme, de la crise économique du début de la décennie et des pressions sociales pour une recherche de l’excellence, une nouvelle réforme du curriculum marque le système scolaire québécois. À l’instar de la situation scolaire d’avant la réforme des années 60-70 et dans une visée de « retour à l’essentiel », les « nouveaux programmes » ramènent une pédagogie plus spécifique et disciplinaire en regard de la critique de la généralité des programmes-cadres. Ces « nouveaux programmes » prévoient des objectifs formulés sous forme d’habiletés, des contenus essentiels et des guides pédagogiques, et ce, dans une optique de réussite scolaire où tous les élèves font l’apprentissage d’éléments essentiels à une formation de base (Lessard & Tardif, 1996). Au-delà de la refonte du curriculum en tant que telle, cette période de renouveau pédagogique a également des implications importantes pour la tâche des enseignants. En effet, il ne leur est plus consenti de déterminer les apprentissages à réaliser par les élèves; ils doivent dorénavant trouver les façons d’atteindre les objectifs prévus par les programmes. De plus, parallèlement au rapport du Comité provincial sur l’enfance exceptionnelle (COPEX) de 1976, le gouvernement décide de couper dans les dépenses éducatives des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) en faveur de leur intégration dans les classes ordinaires. Il incombe aussi aux enseignants de prévoir des activités spéciales pour les élèves doués en faveur desquels un nouveau discours revendicateur apparait à cette époque (Robert & Tondreau, 1997). Les changements sociaux, dont la montée de l’immigration et la modification des structures familiales, ont également une incidence dans la pratique des enseignants dans leur classe. Ainsi, leur tâche se complexifie d’une part, et d’autre part, leur liberté d’action et leur autonomie diminuent. À cet effet, Lessard et Tardif (1996) soulignent que :

Une chose est certaine, les enseignants doivent apprendre à tenir compte d’un plus grand nombre de variables dans les décisions pédagogiques et didactiques quotidiennes. Ils doivent aussi acquérir des compétences diversifiées dans leurs apports avec les jeunes, avec leurs parents et avec l’ensemble des adultes travaillant en milieu scolaire ou dans les institutions sociales qui, à un titre ou l’autre, ont affaire aux jeunes et à leur famille. L’ensemble de ces défis renvoie à la fois à des phénomènes de diversification et de pluralité dans la société et aussi à des phénomènes de compétition pour l’attention et la motivation des jeunes (Lessard & Tardif, 1996, p. 185).

Enfin, la conjoncture des années 80 coïncide également avec l’augmentation des enseignants à statuts précaires. En effet, la disponibilité des emplois à temps plein diminue et celle des emplois à temps partiel augmente en raison d’une part des changements démographiques qui se traduisent en une diminution des élèves dans les classes et d’autre part du phénomène de coupes budgétaires,. Entre 1987 et 1988, la Centrale de l’enseignement au Québec révèle d’ailleurs que 30 % de ses membres ont un statut précaire, dont les groupes d’âge « 24 ans et moins » et « 25-29 ans » sont les plus concernés, présentant respectivement des taux de précarité à 80,8 % et à 75,3 % (Lessard & Tardif, 1996).

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C’est dans ce contexte que la dernière réforme scolaire majeure ayant touché l’éducation québécoise est mise en place. La réforme scolaire de 1997 est issue du rapport de la Commission des États généraux qui propose 10 chantiers pour l’éducation au Québec, lequel comprend la réforme du curriculum (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2006). Ce nouveau curriculum est conçu en tenant compte des phénomènes de mondialisation, de l’explosion des connaissances, du développement rapide de la technologie de même que de la complexification de la vie en société. Il vise aussi la réussite pour tous (MELS, 2006). À cet effet, la trame de fond de ce curriculum s’appuie sur les domaines généraux de formation qui reflètent ces phénomènes (MELS, 2006, p. 2). Les compétences disciplinaires et les savoirs essentiels remplacent les objectifs et les contenus essentiels prévus par les programmes des années 80-90. Cette réforme est donc en continuité avec celle amorcée précédemment, mais vise davantage à ce que les connaissances acquises par les élèves soient utiles et pertinentes au-delà de la classe (Martineau & Gauthier, 2002). En ce sens, la mission de l’École est également réaffirmée : instruire, socialiser et qualifier, laquelle a une incidence directe sur la tâche du corps enseignant. Comme l’avance Martineau et Gauthier « [l’] enseignant ici doit être bien au fait des programmes; il connait ses élèves tant sur plan affectif que sur le plan cognitif. Il organise son enseignement sur la base des connaissances antérieures de ses élèves. […] Sa tâche ne consiste plus à transmettre des connaissances, mais plutôt à choisir, à organiser et à hiérarchiser les savoirs qu’il juge essentiels » (2002, p.18). De ce fait, la tâche des enseignants se transforme une fois de plus, les amenant à être encore plus imputables de leurs choix pédagogiques. Or, imputabilité ne veut pas dire autonomie ou liberté, mais plutôt responsabilité et obligation. Ainsi, le bilan qui ressort des trois dernières réformes et des politiques éducatives qui leur sont associées est qu’« on demande aux enseignants d’en faire plus, mais avec moins de ressources » (Tardif, 2012, p. 7) dans des classes où ils doivent composer avec des élèves ayant des besoins différents, provenant parfois de différentes cultures et parlant différentes langues, s’adapter aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et les intégrer de même qu’assurer la réussite scolaire de tous. Au-delà de l’acte d’enseigner, ils doivent également démontrer un large éventail de compétences et être imputables de leurs choix pédagogiques tout en étant limités par les prescriptions du programme et les coupes budgétaires et en évoluant parfois dans des conditions de statut précaire. Ainsi, il est possible de se demander, tout comme Tardif (2012), si ces exigences « ne [sont] pas en train de faire de l’enseignement un métier impossible qui laisse épuisés et insatisfaits ceux et celles qui s’efforcent tant bien que mal de les réaliser? » (p.7)

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1.2 L’insertion professionnelle actuelle des enseignants débutants

L’ensemble des pressions dont il a été question jusqu’à maintenant, lesquelles sont liées à la complexification de la tâche des enseignants depuis quelques années, est ressenti par les enseignants d’expérience ayant un statut permanent, mais également par les enseignants débutant dans leur carrière qui ont un statut précaire. En effet, l’enseignement n’offre pas une insertion professionnelle facilitante contrairement à la plupart des autres professions issues d’études universitaires (Gu, 2014; Karsenti et al., 2013). Le nouvel enseignant commence sa carrière devant la même complexité que ses collègues expérimentés, faisant face aux mêmes pressions contextuelles seul dans sa classe, et ce, avec des tâches aussi lourdes voire plus lourdes encore (Gingras & Mukamurera, 2008; Hudson, 2012).

D’emblée, il semble nécessaire de définir le statut précaire en enseignement au Québec : il s’applique à tous les enseignants à temps partiel, aux enseignants à la leçon, aux enseignants suppléants et aux enseignants à taux horaire à l’éducation des adultes et en formation professionnelle (Centrale des syndicats du Québec, 2013). Comme la problématique de ce mémoire se concentre sur l’insertion professionnelle des enseignants des ordres primaires et secondaires, seulement les trois premiers types d’enseignants à statut précaire seront considérés subséquemment. À l’opposé des statuts d’emplois à temps pleins, stables et permanents, les statuts d’emplois précaires en enseignement sont synonymes d’insécurité et d’instabilité. Malheureusement, le nombre d’emplois précaires est en augmentation année après année. En 2004, le Ministère de l’Éducation révélait que 43,2 % des enseignants avaient un statut précaire. Qui plus est, ce sont surtout les enseignants débutants qui sont concernés par ce statut (Gingras & Mukamurera, 2008). De plus, ceux-ci sont en situation de précarité d’emploi pendant en moyenne cinq à sept ans, soit le nombre d’années avant qu’ils obtiennent un poste permanent et à temps plein (Bourque et al., 2007; Karsenti et al., 2013). Outre l’insécurité et l’instabilité d’emploi, le nouvel enseignant fait face à d’autres difficultés inhérentes à la précarité de son statut d’emploi. À cet effet, les enseignants débutants ont généralement des tâches fragmentées, réparties sur plusieurs niveaux scolaires de même que dans différentes classes et parfois dans différentes écoles. Il est effectivement reconnu que le statut précaire des nouveaux enseignants ne leur permet pas une sélection de groupe, de niveau ou de tâche prioritaire. Ils n’ont habituellement pas le choix d’accepter les tâches restantes, souvent plus difficiles, que leurs collègues ont pu éviter grâce aux règles d’affectation et d’ancienneté (Gingras & Mukamurera, 2008). Ainsi, lors de leur entrée dans la profession, les enseignants débutants doivent non seulement s’approprier les tâches associées à leur nouvelle fonction, s’adapter à leur(s) nouveau(x) milieu(x) de travail, mais également composer avec la gymnastique qu’occasionne la planification de l’ensemble de leur tâche discontinue (Gingras & Mukamurera, 2008).

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D’autres obstacles que la précarité d’emploi semblent également nuire à l’insertion professionnelle en enseignement. D’abord, la première préoccupation des enseignants débutants est liée au maintien de la discipline en classe de même qu’à la gestion des comportements (Bourque et al., 2007; Karsenti et al., 2013). Cet obstacle peut d’ailleurs refléter la réalité de l’affection de tâches plus difficiles chez les enseignants débutants. L’enseignant débutant n’a pas des compétences aussi assumées ni le même nombre d’années d’expérience que l’enseignant expérimenté. Pourtant, il se retrouve souvent devant des groupes difficiles qui nécessitent une forte compétence de gestion des interactions pour créer un climat favorable à l’apprentissage. Il semble donc normal que la gestion de ces groupes représente un obstacle à leur insertion professionnelle (Karsenti et al., 2013). À cet effet, Jeffrey et Sun (2006) ont également constaté dans leur recherche que les enseignants débutants ayant moins de cinq ans d’expérience sont plus nombreux à être victimes de violence quotidienne de la part des élèves. Parallèlement, il s’agit également de ceux pour qui cette violence laisse le plus de marques psychologiques, dont du stress, et pour lesquelles 15 % d’entre eux se sont absentés du travail (Jeffrey, 2011).

Par ailleurs, la différence entre les attentes envers la profession et la réalité vécue lors de l’insertion professionnelle est souvent source de désillusion chez les enseignants débutants. Il semble se creuser un fossé entre la pratique du futur enseignant en formation initiale qui est davantage axée sur l’acte professionnel de l’enseignant permanent et la pratique de l’enseignant débutant qui est discontinue et diversifiée, notamment en raison de la nature de la tâche : petits contrats, suppléance, attente, etc. Ce fossé constitue un choc pour les nouveaux enseignants. Plusieurs chercheurs désignent cet état de « choc de la réalité » (Boies & Portelance, 2014; Mukamurera, 2014). En effet, le passage entre le stage final à l’enseignement pour l’obtention du brevet, où le stagiaire enseigne seul dans des conditions d’accompagnement et de soutien optimales, et la pratique est parfois brutal (Fournier & Marzouk, 2008). Ainsi, le nouvel enseignant découvre le décalage entre son expérience vécue en formation initiale et la réalité d’un enseignant en pleine responsabilité (Fédération des syndicats de l'enseignement, 2008).

Mukamurera, Bourque et Gingras (2008) ont identifié un autre obstacle à l’insertion professionnelle des enseignants débutants: le manque de soutien et de collaboration en début de carrière. En effet, dans leur étude ayant pour objectif de mieux comprendre les situations vécues par les enseignants lors de leur insertion professionnelle, ils avaient identifié parmi les obstacles à l’insertion « le sentiment d’être dépassé par la charge de travail, le sentiment de ne pas être suffisamment préparé pour faire face à la réalité de l’enseignement, le manque de soutien et de collaboration en début de carrière et les incidences de la précarité d’emploi sur

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l’insertion professionnelle en enseignement » (p.57). Ainsi, l’absence ou la rareté du soutien de la part d’autres enseignants a été soulevée par les nouveaux enseignants, lesquels avouent en avoir pourtant besoin (Mukamurera et al., 2008). Selon ce qu’ont révélé les entrevues réalisées avec ceux-ci dans le cadre de l’étude, les facteurs qui expliquent le manque de collaboration de la part des enseignants d’expérience sont « le manque de temps, l’épuisement professionnel, la culture de l’individualisme et la non-reconnaissance des initiatives par les directions d’école » (Mukamurera et al., 2008, p.61). Il semble également que la collaboration ou le soutien entre enseignants débutants se fait rare, et ce, sensiblement pour les mêmes raisons que celles invoquées par les enseignants expérimentés. Il s’ajoute toutefois une dimension de compétition, car les enseignants débutants peuvent sentir leur « place » menacée par les autres novices (Mukamurera et al., 2008). En somme, l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants ne se vit pas sans difficulté et les causes de ces difficultés sont de plus en plus connues grâce aux différentes études qui se sont penchées sur la question (Borman & Dowling, 2008; Bourque et al., 2007; Ingersoll & Smith, 2004; Jeffrey & Sun, 2006; Karsenti et al., 2013; Mukamurera et al., 2008).

1.3 Le décrochage enseignant

Les facteurs contextuels couplés à la situation professionnelle précaire tels qu’abordés dans les sections précédentes créent des obstacles à l’insertion professionnelle des enseignants débutants. D’ailleurs, leur entrée dans la profession peut être qualifiée de période de survie, comme plusieurs chercheurs le proposent (Bourque et al., 2007). Certains chercheurs vont même jusqu’à dire que l’enseignement est une profession qui cannibalise ses nouveaux adhérents (Ingersoll, 2012). Évidemment, cette réalité se traduit en un résultat pour le moins inquiétant : une pénurie imminente d’enseignants qualifiés intimement liée au décrochage professionnel des enseignants débutants (Bélair & Lebel, 2007; Bourque et al., 2007; Ingersoll & Smith, 2004; Ingersoll & Strong, 2011; Karsenti et al., 2013).

À l’instar de la plupart des pays occidentaux tels que les États-Unis, l’Angleterre, les Pays-Bas ou encore l’Australie, le Québec connait actuellement un taux de décrochage plutôt élevé chez les enseignants débutants, et ce, dans les cinq premières années de leur carrière. Situé autour de 50 % dans la plupart de ces pays et dans d’autres provinces canadiennes (Bélair & Lebel, 2007; Borman & Dowling, 2008; Helms-Lorenz et al., 2012; Ingersoll & Smith, 2004; Ingersoll & Strong, 2011; Karsenti et al., 2013), ce taux de décrochage ou également appelé taux d’attrition des nouveaux enseignants serait d’environ 15 % à 20 % dans le système scolaire québécois (Fournier & Marzouk, 2008; Gingras & Mukamurera, 2008; Mukamurera et al., 2008;

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Mukamurera, 2014). Même s’il peut survenir chez les enseignants d’expérience, il semble que depuis les dernières années, le décrochage professionnel survienne de plus en plus tôt dans la carrière (Mukamurera et al., 2008). Il est donc possible de se demander : pourquoi les enseignants décrochent-ils? Ingersoll et Smith se sont posé cette question dans le cadre d’une étude quantitative menée en 2004. Ils ont été en mesure de découvrir que même si certains départs sont naturels, inévitables et bénéfiques (par exemple la retraite, le déménagement et la maternité), la plupart des décrochages sont en fait causés par des obstacles à l’insertion dans la profession et auraient pu être évités. Ils avancent également que selon les données recueillies, l’un des principaux facteurs influençant la décision de quitter la profession chez les enseignants débutants et invoqué par eux-mêmes est le manque de soutien de la part des directions et de l’administration (Ingersoll & Smith, 2004). Depuis la publication de l’étude d’Ingersoll et Smith (2004), plusieurs chercheurs, principalement aux États-Unis, se sont également intéressés aux causes et aux facteurs qui influençaient l’attrition des enseignants, plus précisément leur décision à quitter le milieu de l’enseignement de façon volontaire (Borman & Dowling, 2008; Bourque et al., 2007; Guarino, Santibanez, & Daley, 2006; Karsenti et al., 2013). Les facteurs dévoilés par ces recherches sont principalement liés aux obstacles à l’insertion professionnelle que nous avons présentés précédemment. Par ailleurs, dans une méta-analyse menée en 2008, Borman et Dowling avaient pour objectif d’identifier pourquoi le décrochage des enseignants survient. À partir de 34 articles empiriques issus d’études menées aux États-Unis, ils ont été en mesure d’identifier cinq catégories de modérateurs de l’attrition, soit les caractéristiques démographiques des enseignants, les qualifications pour l’emploi, l’organisation du milieu d’enseignement, les ressources de l’école et les caractéristiques des élèves de l’école. Ils ont obtenu plusieurs tailles d’effets significatives pour des facteurs tels que le nombre d’années d’expérience, le niveau de scolarité et l’ordre d’enseignement qui influencent le décrochage des enseignants débutants. Ainsi, un enseignant qui a atteint un niveau de scolarité plus élevé, qui a peu d’années d’expérience et qui enseigne au primaire a plus de chance de quitter l’enseignement qu’un enseignant qui a atteint un niveau de scolarité moins élevé, qui a plusieurs années d’expérience et qui enseigne au secondaire (Borman & Dowling, 2008). Au Québec, Jeffrey et Sun (2008) ont également identifié des causes du décrochage chez les enseignants débutants. Au-delà des obstacles que vivent les enseignants débutants lors de leur insertion, ils ont également observé des écarts significatifs entre les sentiments d’accomplissement et les sentiments d’exaspération chez les enseignants débutants qui ont exprimé ou non leur désir de quitter l’enseignement. Chez ceux ayant exprimé ce désir, le sentiment d’accomplissement, lié à la persévérance, était significativement plus bas et le sentiment d’exaspération, lié au décrochage, était significativement plus fort.

L’intérêt grandissant pour l’identification des causes du décrochage des enseignants débutants est naturellement lié au fait qu’il entraine des conséquences non négligeables dans le contexte actuel de

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l’éducation. D’abord, parallèlement à l’augmentation du taux d’attrition des enseignants débutants, une pénurie d’enseignants qualifiés dans plusieurs champs et dans plusieurs ordres d’enseignement s’engage graduellement au Québec (Tardif, 2016), comme dans d’autres pays nord-américains, depuis les dernières années (Bélair & Lebel, 2007; Bourque et al., 2007; Ingersoll & Smith, 2004; Ingersoll & Strong, 2011; Karsenti et al., 2013). En effet, il semble de plus en plus difficile de renouveler le corps enseignant à l’aide de personnel qualifié et compétent, autant au primaire qu’au secondaire, et ce, davantage en mathématique et en science au secondaire et dans les spécialités au primaire (MEQ, 2003). Cette difficulté ne serait toutefois pas causée par un nombre insuffisant d’enseignants qui débutent dans la profession comme il fut longtemps cru, mais plutôt le résultat direct du décrochage des enseignants débutants comme le suggère Ingersoll (2012) à partir de ses travaux sur des données nationales aux États-Unis (Ingersoll & Smith, 2004). En effet, il explique que depuis les dernières années, aux États-Unis, le départ massif des enseignants « baby-boomers » à la retraite aurait peu à peu ralenti et que simultanément, pour la même période, l’amplitude du corps enseignant aurait élargi d’une part, et d’autre part, sa composition aurait évolué. En effet, les membres le composant auraient rajeuni; le nombre d’enseignants ayant un an d’expérience s’élevait à 65 000 en 1988 et est passé à 200 000 en 2008 (Ingersoll, 2012). Ainsi, il y a plus d’enseignants débutants de moins de cinq années d’expérience qui composent le corps enseignant aux États-Unis. Cependant, ce sont les enseignants les plus à risque de décrocher (Borman & Dowling, 2008) et leur taux de décrochage s’élève à 50 % pour la première année (Ingersoll & Smith, 2004). Le lien entre la pénurie d’enseignants et ce taux apparait donc plausible.

Dans un autre ordre d’idées, outre la pénurie d’enseignants liée au décrochage en début de carrière, d’autres conséquences s’ajoutent, principalement en ce qui a trait à l’apprentissage et l’éducation des élèves. En effet, le décrochage des enseignants peut entrainer, d’une part, une certaine discontinuité dans l’enseignement (DeAngelis, Wall, & Che, 2013; Leroux & Mukamurera, 2013; Synar & Maiden, 2012). Comme plusieurs enseignants peuvent se succéder à titre de titulaires au sein d’une même classe dans une même année scolaire, les élèves se retrouvent évidemment devant des styles d’enseignement différents et devant des approches pédagogiques différentes pouvant être incompatibles. Le lien enseignant-élève se retrouve aussi rompu, lequel est pourtant un important prédicteur de la réussite scolaire (Hattie, 2009). Ce mouvement rend également difficile l’établissement d’une cohésion forte au sein de l’équipe-école (Karsenti et al., 2013). De même, les enseignants qui se retrouvent à remplacer ont souvent besoin d’une certaine période de temps pour se situer dans le programme des élèves et retrouver le même rythme d’apprentissage que son prédécesseur (Synar & Maiden, 2012). En effet, les compétences des débutants étant plus fragiles que celles des enseignants expérimentés, la qualité de leur enseignement est en construction et peut en être affectée (Karsenti et al., 2013). De plus, l’abandon aurait également un impact non négligeable sur la réussite scolaire

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compte tenu du fait que le système actuel ne tendrait pas à dégager naturellement les moins bons enseignants, mais au contraire, à se séparer de ses enseignants les plus qualifiés (Borman & Dowling, 2008). Pourtant, la qualité de l’enseignement est l’un des plus importants prédicteurs de la réussite scolaire (Borman & Dowling, 2008; Guarino et al., 2006; Hattie, 2009; OCDE, 2005).

En ce qui a trait à l’économie dans le système public d’éducation, la pénurie d’enseignants entraine également des couts et des pertes budgétaires non négligeables (Borman & Dowling, 2008; DeAngelis et al., 2013; Synar & Maiden, 2012). À cet effet, plusieurs recherches aux États-Unis ont estimé les couts reliés au décrochage des enseignants et à partir desquelles, Synar et Maiden (2012) ont proposé un modèle d’estimation de ces couts. Le « Teacher Turnover Cost Model (TTCM) » considère quatre catégories de couts associés au départ d’enseignants : le cout de démission ou « separation cost » qui concerne les dépenses liées à la rencontre de l’employé qui quitte et la fermeture de son dossier; le cout d’engagement ou « hiring cost » qui concerne les dépenses liées à l’affichage de poste, au recrutement, aux entrevues, à l’engagement du nouvel employé, à la vérification de son historique et à l’ouverture de son dossier; le cout d’entrainement ou « training cost » qui concerne les dépenses liées à l’orientation du nouvel employé; et le cout de performance et de productivité ou « performance productivity » qui concerne les dépenses liées au salaire du nouvel employé, dont l’entière productivité ne sera pas atteinte avant cinq mois (2012, p.135). Dans leur étude menée en 2008 dans le sud des États-Unis, Synar et Maiden ont appliqué leur modèle d’estimation des couts de décrochage des enseignants aux données recueillies dans leur échantillon de 3157 enseignants pour la période de 1999 à 2008. Ils ont alors estimé les couts de décrochage à 14 508,86 dollars américains par enseignant, par année (Synar & Maiden, 2012). Bien que le modèle ne puisse pas être répliqué de la même façon au Québec, compte tenu de la structure administrative différente de celle aux États-Unis, des pertes budgétaires équivalentes demeurent envisageables. Étant dans un paradigme socioéconomique particulier marqué par l’austérité des mesures budgétaires gouvernementales, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ne peut se permettre de telles dépenses, lesquelles nous apparaissent par ailleurs évitables.

1.4 Les programmes d’insertion professionnelle

Pour remédier au décrochage des enseignants débutants au Québec, l’une des solutions envisagées depuis le rapport du Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (COPFE) paru en 2002 est la mise en place de programmes d’insertion professionnelle (ou PIP) par les commissions scolaires (Leroux & Mukamurera, 2013). Toutefois, les connaissances scientifiques au sujet des programmes d’insertion

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professionnelle et de leurs effets semblent encore assez limitées, d’autant plus que la plupart des recherches qui s’y sont penchées n’ont pas obtenu de résultats significatifs (Ingersoll & Strong, 2011).

D’abord, il semble nécessaire de mieux définir en quoi consiste un programme d’insertion professionnelle, tel qu’il est entendu dans la communauté scientifique et dans ce mémoire. Plusieurs distinctions doivent être établies à cet effet. Notons déjà qu’une mesure ou qu’un dispositif de soutien à l’insertion professionnelle est une action ou un outil unique et isolé mis en place institutionnellement pour accueillir les nouveaux enseignants et les soutenir dans leur entrée dans la profession (Leroux & Mukamurera, 2013). Il peut s’agir entre autres de mentorat, d’ateliers de formation et de développement professionnel en groupe ou encore des réseaux d’entraide en ligne. Lorsqu’il est question de PIP, plusieurs de ces mesures ou de ces dispositifs sont mis en place conjointement, offrant ainsi plusieurs possibilités aux nouveaux enseignants (Leroux & Mukamurera, 2013). Dans les différents écrits scientifiques, l’utilisation du terme « programme d’insertion professionnelle » est souvent faite à mauvais escient. Une mesure unique telle que le mentorat, par exemple, aura l’appellation de PIP au sein d’une institution, sans que cette mesure en constitue réellement un puisqu’elle n’est pas combinée à d’autres mesures (Ingersoll & Strong, 2011). Il est donc important de bien différencier ces deux entités, car elles ne doivent pas être confondues ni être utilisées comme synonymes. Le PIP est donc composé de plusieurs mesures de soutien afin de répondre aux besoins des enseignants débutants et de diminuer les obstacles à leur insertion, et ce, de sorte à favoriser leur rétention dans la profession. Au Québec, depuis les dernières années, ils se sont graduellement implantés dans les commissions scolaires et les écoles afin de remédier au décrochage des enseignants débutants (Leroux & Mukamurera, 2013; Martineau, Presseau, & Portelance, 2009). Plusieurs commissions scolaires semblent d’ailleurs avoir mis sur pied ces PIP à la suite des recommandations du COFPE parues dans leur avis sur l’insertion dans la profession – Offrir la profession en héritage (2002) :

Le COFPE recommande aux organismes scolaires de reconnaitre l’insertion dans l’enseignement comme une priorité et, à cette fin, d’adopter un dispositif (politique, programme, plan d’action, etc.) aux modalités adaptées au milieu et qui précise les responsabilités dévolues à leurs instances (les directions des ressources humaines et de l’enseignement), aux directions d’établissement et aux autres acteurs de l’enseignement, et cela, de concert avec leurs partenaires, dont les instances syndicales, en vue d’en assurer la mise en œuvre, notamment l’accès de tout le personnel enseignant en début de carrière, tant du primaire et du secondaire que des centres d’éducation des adultes et des centres de formation professionnelle, aux activités de formation et aux mesures de soutien appropriées (COFPE, 2002, p.41).

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Or, les modalités de mise en place des PIP varient grandement d’un milieu à l’autre, et ce, autant en ce qui a trait aux services offerts (par exemple, une seule mesure de soutien offerte ou plusieurs mesure offertes) qu’à l’admission des candidats (par exemple, seulement les enseignants débutants ayant ont contrat sont admis ou tous les enseignants débutants sont admis peu importe leur statut) (Leroux & Mukamurera, 2013). De plus, comme plusieurs chercheurs l’avancent (Helms-Lorenz et al., 2012; Leroux & Mukamurera, 2013; Long et al., 2012; Shockley, Watlington, & Felsher, 2011), ceux-ci ne sont généralement évalués que de façon informelle par le milieu. Néanmoins, quelques études ont été menées dans les deux dernières décennies notamment concernant leurs mesures de soutien. D’abord, la revue de littérature de Waterman et He (2011) présente quatre catégories de composantes des PIP pouvant influencer leur efficacité au regard de la rétention des enseignants débutants. Celles-ci sont les caractéristiques des mentors, les structures administratives facilitantes, la fréquence des rencontres et la formation de type développement professionnel (Waterman & He, 2011). Selon leurs résultats, il semble que le fait d’avoir un mentor qui est dans le même champ d’enseignement et avec qui des rencontres de planifications fréquentes sont prévues peut influencer l’efficacité du PIP. De même, un PIP qui favorise le soutien de la part des directions et qui offre de la formation continue serait plus efficace qu’un PIP n’offrant pas ces modalités (Waterman & He, 2011). À cet effet, Wood & Stanulis (2009) proposent six critères d’efficacité du développement professionnel continu chez les enseignants débutants : 1) d’être centré sur des enjeux authentiques de leur pratique, 2) d’être suffisamment long et fréquent pour assurer une acquisition progressive de connaissances et de confiance chez les participants, 3) de leur permettre de réfléchir et de s’engager dans une démarche de résolution de problème afin de répondre à leurs questions, 4) d’être centré sur l’apprentissage des élèves et le contexte dans lequel il prend place, 5) les amener à collaborer afin de créer une communauté de pratique orientée vers les enjeux qu’ils partagent et 6) mettre l’accent sur l’apprentissage en tant que socle de l’enseignement en encourageant les enseignants à s’inscrire dans un apprentissage continue afin d’arriver à contrer les problèmes qui surviennent en classe. Ingersoll et Smith (2004), quant à eux, ont évoqué que la combinaison de plusieurs mesures de soutien serait plus efficace au regard de la rétention des enseignants débutants. Finalement, Leroux et Mukamurera (2013) ont également identifié certaines conditions d’efficacité dans leur recension d’écrits. Au-delà de celles déjà nommées, elles ont rapporté qu’un PIP accessible à tous les enseignants débutants peu importe leur statut et promu et reconnu par le milieu serait plus efficace.

D’autres connaissances sont disponibles au sujet des effets des PIP sur la rétention des enseignants débutants. Dans une recension d’écrits menée en 2011, Ingersoll et Smith ont rapporté que parmi 150 études empiriques s’étant intéressées aux retombées et aux effets des PIP sur la rétention des enseignants dans leur métier, seulement 15 présentaient des résultats démontrant sérieusement des impacts positifs, notamment en

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ce qui concerne l’engagement et la rétention dans la carrière de la part des nouveaux enseignants. Parmi ces études toutes menées aux États-Unis, seulement six portaient concrètement sur la rétention et la persévérance (Duke, Karson, & Wheeler, 2006; Fuller, 2003; Hahs-Vaughn & Scherff, 2008; Henke, Chen, Geis, & Knepper, 2000; Ingersoll & Smith, 2004; Kapadia, Coca, & Easton, 2007) et seulement quatre ont démontré des résultats significatifs (Fuller, 2003; Henke et al., 2000; Ingersoll & Smith, 2004; Kapadia et al., 2007) quant à l’effet des PIP sur la rétention des enseignants. Cela dit, parmi celles-ci, certaines n’ont inclus que les données des enseignants ayant un an d’expérience seulement (Ingersoll & Smith, 2004; Kapadia et al., 2007), d’autres se sont intéressés qu’à un seul PIP offert dans une école précise ou un district précis (Fuller, 2003; Kapadia et al., 2007). Ainsi, la généralisation des résultats présentés est plutôt difficile. En outre, le seul article qui ne présente pas ces limites a néanmoins d’autres limitations importantes quant à la qualité de ses résultats. Dans leur étude, Henke et al. (2000) ont démontré, grâce à des données nationales, qu’entre 1993 et 1997, 85 % des enseignants débutants participant à un PIP sont restés dans la profession comparativement à 74 % qui n’ont pas participé à un PIP. Précisons que la question utilisée était de type oui-non pour la rétention et ne présentait aucune information sur les types de mesures de soutien reçues et les caractéristiques des PIP (Henke et al., 2000; Ingersoll & Strong, 2011). De même, Kang et Berliner qui se sont également intéressés à l’impact des programmes d’insertion professionnelle dans une revue des écrits publiée en 2012 ont fait face aux mêmes contraintes de généralisation. Effectivement, ils ont mis en relation des données nationales sur la rétention et l’attrition du personnel enseignant avec le fait de participer ou non à un PIP pour justifier l’impact sur la persévérance. Ils n’avaient donc pas d’information sur les caractéristiques des PIP et de leurs conditions d’efficacité. De plus, l’échantillon visé n’était pas représentatif de la population d’enseignants débutants québécois, car 90 % des enseignants débutants américains visés par leur étude occupaient un poste temps plein à leur première année d’expérience, ce qui n’est pas le cas au Québec; les enseignants débutants québécois ont un statut précaire pendant 5 à 7 ans (Bourque et al., 2007; Karsenti et al., 2013).

Au Québec, il semble que les connaissances concernant les PIP soient encore plus rares (Bourque et al., 2007; Leroux & Mukamurera, 2013). En effet, la plupart des articles issus d’études menées au Québec portent plutôt sur les causes du décrochage des enseignants débutants québécois (Bourque et al., 2007; Gingras & Mukamurera, 2008; Karsenti et al., 2013; Mukamurera, Bourque, & Gingras, 2008; Portelance & Boies, 2014). Ainsi, un seul article présente des résultats issus d’une étude qualitative menée au Québec, au sujet des PIP. Celui-ci porte sur les perceptions des enseignants quant aux impacts d’un PIP mis en place dans la commission scolaire de la Seigneurie-des-Milles-Îles sur l’enseignement, l’identité professionnelle, le transfert de connaissances et les pratiques de collaborations (Martineau, Presseau & Portelance, 2009). Leurs résultats montrent que l’impact du mentorat semble assez positif et aide les enseignants novices à surmonter les

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difficultés vécues pendant leur première année d’insertion. Toutefois, le PIP analysé n’offrait que du mentorat comme mesure de soutien lors de la première année d’insertion. Nous ne pouvons donc pas généraliser les résultats aux autres mesures de soutien disponibles dans d’autres programmes ni aux programmes qui combinent plusieurs mesures ni à ceux qui sont fréquentés pendant plusieurs années.

En sommes, au-delà de l’association entre les PIP (ou certaines de leurs modalités) et la rétention des enseignants, les études présentées précédemment n’ont pas mesuré les effets des PIP sur la persévérance afin de constater si des différences existent réellement entre les enseignants débutants qui y participent ou pas. La notion de persévérance semble pourtant offrir différentes avenues pertinentes pour comprendre la rétention ou le décrochage des enseignants débutants dans leur carrière. Les recherches portant sur la persévérance notamment en lien avec la réussite scolaire sont abondantes et il est entendu dans d’autres champs de recherche tels que dans celui du bienêtre psychologique des enseignants que différents éléments interviennent dans l’action de persévérer (Bandura, 1997, 2007; Bélair & Lebel, 2007; Blais, Brière, Lachance, Riddle, & Vallerand, 1993; Deci & Ryan, 1985, 2002; Fernet, Sénécal, Guay, Marsh, & Dowson, 2008; Fernet, 2007; Gu, 2014; Zacharyas & Brunet, 2012). En effet, quand il est question de persévérance et de motivation des enseignants, deux théories sont principalement utilisées soit la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 2002) et celle du sentiment d’auto-efficacité personnelle (Bandura, 1997, 2007). Selon la première théorie, l’individu développe différentes formes de motivation, en fonction de ses expériences de vie, qui sont associées à des niveaux d’autodétermination et d’intégration autonome au soi (Deci & Ryan, 2002). Ces niveaux sont : l’amotivation, la motivation extrinsèque qui regroupe quatre types de régulation et la motivation intrinsèque qui implique d’être engagé dans une activité par plaisir et pour la satisfaction qui lui est inhérente. Par ailleurs, plus récemment, plusieurs recherches portant sur la théorie de l’autodétermination regroupent les formes de motivation initialement proposées en trois catégories plus larges soit les motivations contrôlées (motivations introjectée et externe), les motivations autonomes (motivations intrinsèque et identifiée (et intégrée selon les recherches)) et l’amotivation (Guay, Ratelle, Roy, & Litalien, 2010; Litalien, Guay, & Morin, 2015; Litalien & Guay, 2010). Ces regroupements seront donc conservés.

Pour ce qui est du sentiment d’efficacité personnelle, considérant le postulat dont découle la théorie de l’autodétermination, l’individu a « une tendance naturelle, innée et constructive à développer un sens du soi

toujours plus élaboré et unifié » (Deci & Ryan, 2002, p. 5) afin de répondre à son besoin d’autonomie, à son

besoin de compétence et à son besoin d’appartenance. Pour ce faire, il doit, toutefois, vivre des expériences satisfaisantes, notamment à partir de situations précises dans le cas des enseignants (la persuasion verbale,

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les expériences d’autrui, les expériences maitrisées et l’état physique et émotionnel) comme le souligne Bandura (1997, 2007). En effet, la théorie d’efficacité personnelle qu’il propose, découlant de l’agentivité humaine, est une perspective cognitive sociale qui définit le sentiment d’efficacité personnelle comme la croyance d’un individu d’avoir la capacité d’influencer ses actions et son environnement. Ces croyances vont réguler « les aspirations, le choix de comportement, la mobilisation et la poursuite de l’effort » (Bandura, 2007, p. 14) dans les différentes expériences de l’individu. Chez les enseignants, le sentiment d’efficacité personnelle est lié à l’effort déployé dans le contexte de leur classe à leur enseignement, aux objectifs qu’ils se fixent et dans le contexte de l’école à leur persévérance devant les obstacles (Bandura, 1997). Tschannen-Moran et Woolfolk Hoy (2007) ont également étudié les sources d’efficacité chez les enseignants débutants et les ont comparées à celles des enseignants expérimentés. Ils ont démontré qu’au-delà du contexte de classe, les débutants sont davantage influencés par des éléments du contexte de l’école tels que le soutien interpersonnel entre collègues.

La persévérance est aussi liée à la capacité de résilience dans l’adversité (Bandura, 1997; Bélair & Lebel, 2007; Zacharyas & Brunet, 2012) qui est d’ailleurs incluse dans la théorie d’efficacité personnelle. Selon la conception de Zacharyas et Brunet (2012), la résilience est « un processus d’adaptation positive dans un contexte d’adversité, une tendance à se ressaisir après des évènements stressants et à reprendre ses activités habituelles avec succès et même à développer une moindre vulnérabilité face à de futurs facteurs de risque » (p.170). Leur modèle repose sur trois facteurs : le premier soit l’auto-efficacité, représente la croyance d’avoir la capacité de faire face à l’adversité et de persévérer. Le deuxième facteur, la croissance, représente la capacité de se développer après avoir fait face à l’adversité, donc de pouvoir reprendre ses activités. Finalement, l’optimisme représente la capacité de voir l’adversité comme des occasions de se développer et des défis à relever (Zacharyas & Brunet, 2012). L’insertion professionnelle étant une expérience dans laquelle l’enseignant débutant est confronté à l’adversité et à des embuches le poussant souvent à décrocher, les mesures de soutien offertes par les PIP telles que le mentorat, les réseaux d’entraide et les ateliers de formation et de développement professionnel lui permettent d’y vivre les situations précises proposées par Bandura (Leroux & Mukamurera, 2013). Si tel est le cas, en considérant qu’il a la capacité d’influencer son insertion professionnelle, il aura un sentiment d’efficacité personnelle de plus en plus fort en classe et à l’école (Bandura, 2007); il sera plus positif devant les embuches qu’il considèrera comme des apprentissages et donc sera résilient (Zacharyas & Brunet, 2012); il sera de plus en plus motivé de façon autonome et pourra voir l’importance de certaines tâches désagréables et les lier à ses valeurs afin d’en tirer de la satisfaction (Deci & Ryan, 2002).

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Dans la lignée de ces théories, nous avons retenu un seul article qui présentait des résultats au sujet de l’effet des PIP sur les causes de stress et sur le sentiment d’efficacité dans le contexte de la classe et de l’école des enseignants débutants. Dans une étude quasi expérimentale, Helms-Lorenz et ses collaborateurs (2012) ont évalué les effets d’un programme d’insertion professionnelle mis en place dans une école des Pays-Bas sur les causes de stress et le sentiment d’efficacité d’enseignants débutants dans le contexte de la classe et de l’école ayant un an d’expérience. Les résultats ont démontré que la participation au PIP avait augmenté le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants débutants dans le contexte de la classe seulement. Cela dit, ils n’ont pas mesuré la motivation au travail ni la capacité de résilience des enseignants pourtant liées à leur persévérance.

1.5 Les objectifs et questions de recherche

Au terme du présent chapitre, il est possible de constater que l’insertion professionnelle ardue des enseignants débutants entraine des conséquences négatives non négligeables dans le contexte actuel de l’éducation. En effet, tel qu’il fut mentionné dans les parties précédentes, la rétention des nouveaux enseignants dans la profession est plus difficile qu’auparavant ce qui tend à créer une pénurie, leur départ affecte la qualité de l’enseignement offert aux élèves et, par le fait même, l’apprentissage de ces derniers en plus d’occasionner des pertes budgétaires importantes dans un contexte économique qui est pourtant austère. Par ailleurs, les moyens mis en place pour contrer le décrochage des enseignants débutants, soit les différentes mesures de soutien à l’insertion faisant partie de programmes d’insertion professionnelle, sont prometteurs, mais les différences sur le plan de la motivation au travail, de la capacité de résilience et du sentiment d’efficacité personnelle en classe et à l’école entre les enseignants débutants y participant et ceux n’y participant pas n’ont pas été mesurées concrètement. Force est de constater qu’on ne sait pas s’ils se distinguent réellement sur ces plans, liés à leur persévérance, et si la participation aux PIP en est à l’origine. Finalement, le contexte d’insertion professionnelle au Québec étant différent de plusieurs contextes en raison de la précarité des enseignants débutants persistante (5 à 7 ans), les données portant sur les PIP provenant d’ailleurs, notamment des États-Unis ne peuvent pas éclairer parfaitement la situation de la population des enseignants débutants québécois.

De manière générale, par notre recherche, nous souhaitons d’une part parvenir à mieux intégrer les enseignants débutants dans leur carrière afin de prévenir leur décrochage, ce qui est à la source de répercussions éducatives et sociales précédemment présentées. Nous croyons donc qu’il est nécessaire d’intervenir dès l’entrée dans la profession et d’apporter le soutien nécessaire à la réussite de l’insertion

Figure

Figure 1. Le continuum de l’autodétermination. Source : Deci et Ryan, 2002 p.16
Figure 2. La relation entre les trois principales catégories de facteurs dans une causalité triadique réciproque
Figure 3. Cadre d’analyse sur la persévérance proposé

Références

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