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A.4. Synthèse de la première partie

Cette première partie de l’état de l’art est dédiée à la description de l’activité de conduite et à ses modifications induites par la délégation de la tâche de conduite à un automate. L’automatisation progressive de la tâche de conduite amène les conducteurs de plus en plus hors de la boucle, dans la mesure où ils ne contrôlent plus le véhicule ni ne surveillent la scène de conduite. Ce phénomène de sortie de boucle impacte la sécurité des conducteurs lors d’évènements critiques pouvant subvenir sur la route, lorsque les limites du système autonome sont atteintes. Ces conséquences sur leur sécurité sont d’autant plus importantes que la durée d’automatisation est forte.

Par conséquent, afin de garantir la sécurité des conducteurs en conduite autonome, des systèmes permettant de « remettre » le conducteur dans la boucle (système d’autorisation à doubler, module d’interaction homme-machine reproduisant la scène de conduite lors d’une tâche secondaire, etc.) peuvent être envisagés. Pour autant, de tels systèmes dans lesquels le conducteur doit être actif (autorisation à doubler) ou même passif (IHM) tendent à réduire l’intérêt d’une conduite automatisée pour le conducteur. Une autre façon de garantir la sécurité des conducteurs serait d’adapter l’automatisation des véhicules à l’état du conducteur dans la boucle de conduite. Par exemple, en augmentant les distances de sécurité du véhicule autonome lorsque le conducteur est hors de la boucle. Cependant, il faut pour ce faire parvenir à définir un état du conducteur dans la boucle de conduite. Étant donné la définition de la sortie de boucle, la supervision de la scène de conduite par le conducteur revêt une importance particulière. De ce fait, pour définir l’état du conducteur dans la boucle, il est nécessaire d’analyser la façon dont celui-ci traite la scène visuelle, ce qui peut être réalisé en analysant directement ses stratégies visuelles.

Partie B: État de l’art – Stratégies visuelles

La partie précédente a permis de définir l’activité de conduite selon trois niveaux de conduites : le niveau opérationnel, tactique et stratégique. Les informations sont traitées et échangées entre les niveaux à partir d’entrées environnementales, dont la nature va maintenant être développée. Si ces entrées sensorielles sont basées sur l’ensemble des sens humains, la tâche de conduite est essentiellement visuelle (Michaels, 1963 ; Sivak, 1996). La seconde partie de cet état de l’art se concentre donc sur les stratégies visuelles déployées par les conducteurs. Dans un premier temps (section B.1), le cadre général permettant l’étude des stratégies visuelles dans des situations naturelles différentes de la conduite sera présenté. Dans un second temps (section B.2), nous montrerons comment les stratégies visuelles des conducteurs en conduite manuelle s’inscrivent dans ce cadre. Ensuite (section B.3), la modification des stratégies visuelles induite par la conduite autonome sera développée. Enfin, le lien entre les stratégies visuelles et la sortie de boucle sera évoqué dans la section B.4).

B.1. Cas général

B.1.1. Attention visuelle et mouvements oculaires

Si les informations visuelles sont disponibles sur un champ de vision d’environ 180°, l’homme n’est attentif qu’à une partie de son environnement. L’attention est le processus cognitif qui lui permet de sélectionner des informations visuelles (Desimone & Duncan, 1995). Cette sélection ne se fait pas au hasard, mais dépend essentiellement de la tâche exécutée et/ou des caractéristiques physiques de l’environnement. Ainsi, différents processus de l’attention ont été développés dans la littérature.

D’une part, les processus bottom-up dépendent directement de l’environnement visuel, et s’appuient uniquement sur les propriétés physiques de l’environnement. Ces propriétés physiques (la couleur, l’intensité et l’orientation selon Itti & Koch ; 2001) sont combinées pour créer une carte de saillance de la scène visuelle. L’attention visuelle est ensuite affectée

de manière dynamique dans l’ordre décroissant de saillance (c’est-à-dire des éléments les plus saillants à ceux les moins saillants).

D’autre part, l’attention implique des processus top-down renvoyant directement à la fonction et à la position des objets dans une scène. De ce fait, les processus top-down sont lié aux buts de l’utilisateur et aux bénéfices qu’il y a à les traiter. Ainsi, ils dépendent de la tâche effectuée par l’utilisateur, mais aussi des connaissances a priori sur les objets présents. Ces processus sont prioritaires lors de tâches dynamiques (Land & Hayhoe, 2001), comme la conduite.

Dans le cadre de ce travail de doctorat, on s’intéressera uniquement à une orientation explicite de l’attention, c’est-à-dire que l’on considérera que l’attention s’exprime par des mouvements oculaires (Posner, 1980). Ces mouvements oculaires seront ici restreints aux saccades et aux fixations.

B.1.2. Stratégies visuelles dépendantes de la tâche

Yarbus (1967) est le premier à avoir mis en évidence les liens entre la tâche demandée à l’utilisateur et ses stratégies visuelles. En effet, en demandant à un sujet de regarder une scène visuelle, les patterns de fixations diffèrent selon la question posée (déterminer la richesse des personnes présentes sur la scène, déterminer l’âge des participants, exploration libre, etc.). Les conclusions de Yarbus ont été corroborées par plusieurs études récentes (par exemple DeAngelus & Pelz ; 2009), même si prédire directement la tâche à partir des stratégies visuelles des participants n’a pas donné satisfaction dans l’étude de Greene et al. (2012).

Avec l’émergence d’oculomètres portables, la position du regard a également pu être étudiée dans des environnements dynamiques. Dans ces environnements, la position et la dynamique du regard dépendent également fortement de la tâche qu’effectue le participant (Hayhoe & Ballard, 2005 ; Rothkopf et al., 2007). En effet, les fixations s’effectuent quasi exclusivement sur les objets pertinents au regard de la tâche. Ceci a été mis évidence pour des participants effectuant des tâches écologiques, comme faire un sandwich (Hayhoe et al., 2003 ; cf Figure B-1), servir un thé (Land et al., 1999), jouer au piano (Land & Furneaux, 1997), se laver les mains (Pelz & Canosa, 2001) ou bien marcher (Patla & Vickers, 1997).

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