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Le XVIIe siècle : vers une nouvelle éducation féminine ?

Le XVIe siècle fut un tournant dans l'histoire des femmes, puisqu'il marque l'ascension des premières revendications féministes au sujet de l'éducation. Ce siècle, entre Humanisme et Réforme, devient le lieu de nombreuses controverses, notamment au sujet de la place des femmes dans la société. Cette polémique sous le nom de « Querelle des femmes » alimente les débats le long du siècle : accès des femmes au savoir et mariage81 sont autant de

revendications mises en question. Martine Sonnet parle de « l'émergence d'un souci 82» quant

à l'éducation au XVIe siècle. En effet, les théories sur l'enseignement se développent, mais l'application et la pratique de ces idées restent quasi-inexistantes. Le premier à ouvrir la voie théorique sur l'enseignement féminin est Jean Louis Vivès (1492-1540). Il publie en 1523, De l'institution de la femme chrétienne. Pour la première fois, on justifie les « vices » des femmes, par leur manque d'éducation83. Dès lors, philosophes, juristes, écrivains, théologiens,

apportent leurs postulats sur la question. Enfin, la situation politique et religieuse de l'Europe, ajoute de la matière au débat. Du côté protestant, Luther prône une lecture pour tous de la Bible, ce qui ouvre la voie à une possible alphabétisation84. Mais il revendique également le

modèle « patriarcal » de la famille, préservant donc l'assujettissement de la femme au sein de

79Martine SONNET, Une fille à éduquer, in Georges DUBY (dir), Michelle PERROT (dir), Histoire des femmes

en Occident [3] XVI-XVIIIe siècles / Natalie ZEMON DAVIS (dir) et Arlette FARGE (dir), Paris : Perrin, 2002. p.131-132

80Ibid, p.132

81Marie Elisbaeth HENNEAU, in Revisiter la « querelle des femmes » Discours sur l'égalité/inégalité des sexes,

de 1600 à 1750 (s.dir.) De Danielle HAASE-DUBOSC et Marie-Elisabeth HENNEAU, Saint-Étienne : Publications de l'Université de Saint-Étienne. 2013. p. 8

82Op cit, Martine SONNET, in Histoire des femmes en Occident, p.132

83Ibid. p. 133 84Ibid. p. 133

foyer85. Du côté catholique, les hommes du Concile de Trente (1545-1563) optent pour une

instruction des fidèles dès leur plus jeune âge ; dans le cadre d'une restructuration de la société chrétienne.

On cantonne cette « Querelle des femmes » au XVIe siècle, pourtant les études récentes sur le sujet, rouvrent la voie de l'Histoire, et tendent à montrer qu'elle perdure au XVIIe siècle86.

La reprise du débat au XVIIe siècle

On a longtemps pensé que les détracteurs de l'égalité féminine dans la « Querelle des femmes » avaient remporté la partie, et que le débat s'était achevé après la publication de l'Al- phabet de l'imperfection et malice des femmes, en 161787. Cependant, comme l'a démontré

Eliane Viennot, la controverse reprend sa place au XVIIe siècle, et la question de l'enseigne- ment féminin continue d'être posée.

La femme continue de chercher une place au sein de l'espace public et commence à y parvenir au XVIIe siècle. La présence politique des reines lors des deux régences, la Fronde et le développement des ordres religieux féminins au fil du siècle, rendent plus que jamais la femme visible88. Mais les lieux de civilités, où les femmes s'étendent davantage encore, sont

les salons. La controverse sur l'accès des femmes au savoir continue, avec de nouveaux défen- seurs, et de nouveaux accusateurs. D'un côté des femmes plaident pour leur cause : Marie de Gournay, La Marquise de Sablé, ou encore Madeleine de Scudéry, qui qualifie le mariage « d'esclavage » dans Artamène ou le Grand Cyrus, écrit entre 1649 et 165389. Et face à elles,

Malebranche, Boileau ou encore Hévin90.

La conception ouverte un siècle plus tôt par Vivès, attribuant les défauts d'une femme à son manque d'éducation, est reprise en 1674 par Poulain de la Barre, fervent défen- seur de l'égalité des femmes, dans son ouvrage De l'éducation des dames91. Son ouvrage, fut

dans un premier temps, très mal reçu en France. Cependant, ce foisonnement d'idées et les po-

85Ibid, p. 133

86Joan KELLY, « Early Feminist theory and the « Querelle des femmes », 1400-1789 », Signs, t.8.1 ; 1982, p.4-

28 ; Eliane VIENNOT, La France, les femmes et le pouvoir, vol 2. Les Résistances de la société (XVII-XVII, Paris, Perrin, 2008.

87Op.cit, Marie Elisabeth HENNEAU, in La Querelle des femmes, p.8 88Ibid, p.10

89Ibid, p.65

90Op.cit, Martine SONNET in Histoire des femmes en Occident. p.134-135 91Op. cit, Marie Elisabeth HENNEAU, in La Querelle des femmes, p.31

lémiques font leur chemin, et se dessine alors un semblant de considération pour la question de l'enseignement féminin.

La femme : un rôle de transmission

En réalité, si l'éducation féminine devient une préoccupation pour l'homme du XVIIe siècle, c'est parce qu'on y trouve un côté utile. Après le concile de Trente, les hommes d’Église comprennent l'importance de la petite fille dans la société moderne92. Elle est la fu-

ture femme au foyer, celle qui éduquera ses enfants, en particulier ses fils. Ce qui évolue, c'est la vision du rôle de la femme dans la société. On réalise à quel point la transmission des mœurs et des valeurs morales passent par la femme. Elle est celle qui représente la préserva- tion du patrimoine culturel, dans son rôle de mère, d'épouse93. Dans ces temps de Réforme,

on voit donc à travers la femme, un possible outil de transmission des valeurs chrétiennes, et donc de restructuration et de « reconquête religieuse »94. Émergent alors les premiers pro-

grammes d'enseignement féminins.

Néanmoins, cette avancée ne prône pas un accès des femmes au savoir. Il revendique en réalité, une sorte de « minimum » d'éducation à avoir, afin de tenir parfaitement leur rôle de maîtresse de foyer. Les « nouvelles » matières qui leur sont proposées sont concrètes : ges- tion des comptes (en cas de veuvage), lecture et écriture (éducation des futurs enfants). Nul accès à la rhétorique, à la philosophie ou à la géographie, jugés non nécessaires à leur condi-

tion95. On admet donc que les femmes ont besoin et droit à un enseignement, mais seulement

en ce qui concerne la formation à leur futur rôle de femme au foyer. Le désir d'apprendre leur est interdit. Ainsi que la volonté de retransmettre leur savoir publiquement96. L'éducation est

donc restructurée autours de ce nouveau modèle. Les femmes sont soumises à une obéissance sans faille, afin qu'elles n'aspirent jamais à plus que le strict minimum du savoir. La modestie serait-elle alors un outil des pédagogues et moralistes à cette obéissance ?

92Op cit, Martine SONNET, Histoire des femmes en Occident, p.134-137

93Chantal GRELL et Arnaud RAMIERES, L'éducation des jeunes filles nobles en Europe XVII-XVIII siècle,

Paris : Presses de l'Université de Paris-Sorbonne. Cop. 2004, p.7

94Ibid, p.11

95Op cit, Martine SONNET, in Histoire des femmes en Occident, p.137 96Op.cit, Marie Elisabeth HENNEAU, in La querelle des femmes, p 10