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Victorine Mayemba Buyuku1

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ntroduCtion

Créé le 11 mars 1970, l’Institut des Musées nationaux du Congo (IMNC) a pour principale mission la conservation et la préservation des témoignages du patrimoine culturel matériel et immatériel en voie de mutation ou de disparition.

Depuis sa création, l’Institut des Musées nationaux du Congo a accordé une importance capitale à la préservation et à la conservation des instruments de musique ainsi qu’aux enregistrements sonores de musique traditionnelle. L’Institut des Musées nationaux du Congo comporte en son sein sept sections, à savoir: Art moderne, Sites et Monuments, Archéologie, Éducation, Histoire, Musicologie et Traditions orales et, enfin, Art traditionnel.

La section de Musicologie et Traditions orales récolte, dépouille et étudie, d’une part, les œuvres musicales ainsi que les instruments de musiques traditionnelle et moderne, et, d’autre part, les œuvres littéraires orales. Une partie des résultats des chercheurs sur le terrain a été publiée dans l’« Anthologie de la musique congolaise (RDC)2 » par le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) de Tervuren (Belgique) et l’Institut des Musées nationaux du Congo.

C’est dans ce contexte que ce dernier a organisé depuis 1972 à travers le territoire national l’inventaire des instruments de musique traditionnelle et des chants de quelques ethnies. Ces instruments de musique issus des différents groupes sont répartis en fonction de leur rôle et de la place qu’ils occupent dans la société.

Au-delà de leur simple apparence, les instruments de musique constituent un support indispensable qui accompagne la danse en Afrique. Comme on le sait, l’Africain recourt à la musique en presque toute circonstance pour exprimer sa joie ou sa douleur, pour s’adresser aux dieux et aux ancêtres, pour bercer son enfant, pour assembler ses bêtes, pour communiquer avec son semblable, sa communauté, voire pour stimuler l’effort physique.

Cet inventaire, qui reste partiel, n’a pas permis d’avoir des informations suffisantes sur un grand nombre d’ethnies du Congo. En outre, suite à la dégradation de certains matériels de conservation audiovisuels, l’IMNC a énormément perdu de ses riches collections ethnomusicologiques. Et cela, malgré l’apport du Musée royal de l’Afrique centrale dans le transcodage des enregistrements sonores, que nous avons nous-même réalisé.

Depuis 1982, on assiste à l’absence quasi totale de récolte sur le terrain, et cette absence ne permet plus d’entrer en contact avec les détenteurs de la tradition afin d’enrichir les collections. Cette situation est due à l’absence d’une politique de recherche adéquate et au manque de financement. Il est donc nécessaire de créer un nouveau partenariat avec des organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’IMNC afin d’étudier, valoriser et préserver le patrimoine culturel immatériel du Congo.

Plusieurs formations peuvent être envisagées pour les jeunes chercheurs en musicologie afin de redynamiser cette section.

I. C

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’IMNC

1. Origine de la collecte des instruments de musique

La politique de collecte pour la constitution des collections, qui s’est faite à partir de 1971, a réussi grâce aux achats, aux fouilles archéologiques et aux dons.

Les achats se faisaient à deux niveaux: premièrement, ceux effectués par l’équipe des chercheurs qui travaillaient sur le terrain. Cette équipe avait aussi la mission d’informer la population du bien-fondé de l’opération. Cette procédure présente

1 mayembavictorine@yahoo.fr

2 Cette collection de CD de musique congolaise a été publiée en coédition par Fonti Musicali et le MRAC ; 12 volumes sont parus.

Cf. http://www.africamuseum.be/research/publications/rmca/music

des avantages liés à l’authenticité de l’objet appartenant à des communautés qui en connaissent l’usage ou la fonction.

Deuxièmement, des achats étaient effectués auprès des collectionneurs privés dans la ville de Kinshasa. Ces derniers se présentaient auprès de l’Institut pour vendre des objets de la culture matérielle. Cette seconde procédure peut présenter des informations insuffisantes sur l’usage des objets, surtout s’ils avaient été vendus aux collectionneurs par des personnes sans scrupule.

Concernant la collecte sur le terrain, l’IMNC ne s’est pas arrêté aux seuls objets de la culture matérielle, mais a aussi procédé aux enregistrements sonores de la musique traditionnelle.

2. Répartition des instruments de musique selon leur fonction

À l’Institut des Musées nationaux du Congo, la section de musicologie compte 3500 instruments de musique tradition-nelle.

On y trouve les instruments qu’on joue pour la guérison, l’invocation des esprits, la magie, la circoncision, les rites, le déplacement du chef du village, la cour royale, la divination, l’élevage, la transe, la négociation, la chasse, la transmission de messages, l’appel, l’invocation de la pluie, la naissance, etc.

Prenons par exemple le grand tambour à fentes qui se trouve à l’IMNC. Ce tambour avait pour rôle, à l’époque préco-loniale et même copréco-loniale, de transmettre les messages d’un village à l’autre. Lorsque les colons belges venaient chercher les hommes pour des travaux forcés, on jouait de ce tambour afin de les avertir de prendre la fuite. Chaque situation avait sa propre mélodie. En outre, dans la province du Bas-Congo, on trouve un orchestre de masikulu, composé d’hommes, et qui est joué pour le palabre et pour la sortie de kikumbi chez les Yombe.

Avec le christianisme, les instruments ont perdu petit à petit leurs fonctions. Par exemple, à l’époque, lorsqu’une per-sonne avait de l’épilepsie, on l’amenait chez les Mandona pour la guérison. Désormais, on l’amène à l’église chez un serviteur de Dieu.

3. Répartition géographique des instruments de musique

À sa création, la section de Musicologie et Traditions orales était dirigée par Benoît Quersin; grâce à lui, elle a connu une grande évolution.

Voici les chiffres et répartitions quant auxquatre types d’instruments africains: Pour les idiophones:

- 50 tambours à fentes; - 352 sanza (Likembe); - 441 hochets;

- 116 sonnailles; - 120 racles; - 192 cloches;

- 125 xylophones (Madimba).

Pour les membranophones:

740 tambours à peau et à friction (Tetela, Tshokwe, Kongo).

Pour les aérophones: 244 trompes (Mpungi); 165 flûtes traditionnelles; 418 sifflets.

Pour les cordophones: 243 pluriacs;

119 luths;

175 arcs musicaux.

La section de Musicologie a effectué plusieurs missions à travers la RDC.

Dans la province de l’Équateur, une mission eut lieu du 3 février au 24 avril 1972. L’étude était concentrée sur les Ekonda et des enquêtes furent menées chez leurs voisins Bolia et Ntomba.

Dans la province du Katanga, la mission musicologique se déroula du 9 juin au 27 septembre 1972. Elle avait pour but d’enregistrer la musique Luba Shankadi en vue de permettre l’édition par l’IMNC des disques consacrés à ce groupe social.

II. p

roblèmedegestionetde Conservationàl

’IMNC

1. Gestion

En 1997, avec le changement de régime, le président Kabila « père » succédant au président Mobutu après l’arrivée de l’AFDL (Alliance des forces de libération du Congo), nous avons subi toute une série de vols à l’Institut des Musées nationaux du Congo.

Ne connaissant pas l’importance et la signification des musées dans un pays, les militaires de l’AFDL les comparaient à un endroit réservé pour les fétiches du président Mobutu.

Malgré le changement de régime en RDC, la culture n’a pas une place importante par rapport aux autres pays, et, de ce fait, l’IMNC ne bénéficie pas de la subvention de l’État congolais. Des ambassades de certains pays viennent de façon spora-dique à la rescousse de l’Institut.

Par manque de partenaires, en 2007, l’IMNC signa un contrat avec une société d’archivage en Belgique, Memnon Archi-ving, où nous avons transporté les bandes magnétiques et les bandes U=MATIC pour leur digitalisation. La déception du travail fut grande, surtout en ce qui concerne les bandes vidéo qui ne sont pas rentrées à l’IMNC. On ignore la cause de cet Carte ethnique de quelques provinces exploitées. Il s’agit d’une carte de la répartition géographique des collectes d’instruments et enregistrements.

En violet, les ethnies exploitées ; en rouge, les ethnies non exploitées.

échec jusqu’à présent. En 2009, l’IMNC relança la coopération avec le Musée royal de l’Afrique centrale, concernant le transcodage des bandes magnétiques vers un support numérique (CD), travail que j’ai commencé en 2003 et conti-nue actuellement en collaboration avec Maurice Vranken, technicien au studio du MRAC. Toujours grâce à cette coopération, l’IMNC vient d’acquérir une salle d’exposition, petite mais joliment aménagée avec l’aide de l’ambassade du Royaume-Uni et le Musée royal de l’Afrique centrale.

2. Conservation des instruments de musique à l’IMNC

Les instruments de musique sont placés dans l’un des cinq entrepôts métal-liques de l’IMNC. Ces entrepôts n’ont pas été prévus pour la conservation. Au départ, ils étaient réservés au service vétérinaire de la présidence de la Répu-blique. Les conditions climatiques et l’état de conservation laissent à désirer.

Nous avons introduit plusieurs demandes d’assistance financière auprès d’orga-nismes nationaux et internationaux pour permettre le prolongement de la vie de nos collections, mais nous n’avons pas eu gain de cause.

Dans la réserve où l’on abrite les instruments de musique et les enregistre-ments sonores, l’ambassade des États-Unis a coulé des dalles en béton armé, et, de cette façon, nous pourrions avoir recours au thermo-hygrographe qui per-mettra de contrôler les conditions de température et d’humidité. Mais, jusqu’à présent, on n’a jamais installé cet appareil.

Malgré tout ce qui précède, le meilleur élément de conservation reste l’homme. C’est pourquoi le responsable de chaque réserve (entrepôt) à l’IMNC a le devoir de contrôler quotidiennement l’état physique des objets, c’est-à-dire de contrôler les attaques des parasites et des rongeurs, les dégâts dus à l’humi-dité ou à la chaleur. Voilà les quelques mesures de conservation préventives prises pour faire face aux intempéries.

Nous ne pouvons pas terminer ce point sans parler du nombre d’enre-gistrements sonores qu’on retrouve à l’IMNC et des travaux de transcodage que nous sommes en train d’effectuer au Musée royal de l’Afrique centrale.

La section de Musicologie et Traditions orales dispose d’environ 1033 airs de musique traditionnelle des différentes ethnies de la RDC. Ces enregistrements sont logés sur des bandes magnétiques. Suite à la mauvaise conservation nous avons amené, en 2003, 491 bandes magnétiques pour les transcoder sur sup-port numérique grâce au partenariat entre l’IMNC et le MRAC. Vu le nombre important de bandes magnétiques, nous ne pouvons pas les amener toutes. La section d’ethnomusicologie de Tervuren et celle de l’IMNC s’arrangent pour ce travail de sauvetage des bandes.

3. Option de recherche à l’IMNC

Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’IMNC ne bénéficie pas de sub-vention de l’État congolais en vue d’organiser des missions de terrain.

Depuis le départ des anciens dirigeants belges, en 1982, la récolte sur le ter-rain ne se fait plus. Vu le nombre de vols que l’IMNC a connus, et l’absence de récolte sur le terrain qui ne permet plus de revoir les détenteurs de la tradition, cette institution ne peut plus ni maintenir ni enrichir ses collections. Comment y parvenir? Un cri d’alarme est lancé au Comité international des musées et Fig. 1-2. Musée national de Boma, dans la province du

Bas-Congo. (© IMNC.)

Fig. 3. Musée national de Mbandaka, dans la province de l’Équateur. (© IMNC.)

des collections d’instruments de musique (CIMCIM) afin d’aider l’IMNC à la récolte de cette richesse patrimoniale en voie de disparition. Pour le moment, tant bien que mal, les agents de l’IMNC continuent de protéger les œuvres.

Avant de conclure, il faut noter que le ministre de la Culture et des Arts a signé, en date du 7 avril 2011, une décision pour la réouverture ou l’ouverture de trois musées provinciaux: le Musée national de Mbandaka, dans la province de l’Équateur, dirigé par M. Boîlo (Fig. 3); le Musée national de Boma, dans la province du Bas-Congo, dirigé par M. Matingu (Fig. 1-2); et le Musée national de Kikwit, dans la province de Bandundu, dirigé par M. Kasongo. Les trois nou-veaux directeurs cherchent à créer des liens de coopération avec le CIMCIM pour le développement de ces nouvelles institutions.

C

onClusion

Malgré les mauvaises conditions de conservation, l’IMNC possède encore une collection importante, sinon très importante, d’instruments de musique, d’enregistrements sonores, de données et d’informations non exploitées scien-tifiquement et non mises en valeur pour le public.

Deux défis se présentent donc: la mise en valeur muséologique des col-lections, aussi bien comme matériel d’études scientifiques que comme pièces d’exposition pour le public, et un rôle accru de la recherche et de la collecte de nouvelles données.

Bien que le site du mont Ngaliema présente un grand attrait naturel, son appartenance à un domaine militaire est à l’origine de la méfiance du public congolais et d’inconvénients pour le public touristique potentiel. La présence de militaires quémandant des pourboires à la grille est de nature à rebuter le plus persévérant des touristes. Les objets sont entreposés dans des hangars et ne sont pas accessibles au public.

Voici quelques recommandations et espoirs pour l’avenir: - assurer une conservation correcte des collections; - construire un vrai musée accessible au public;

- reprendre la collecte des données sur le terrain avec les moyens modernes; - permettre la formation de cadres scientifiques et techniques;

- construire un nouveau partenariat avec le Comité international des mu-sées et des collections d’instruments de musique.

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