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Le point de vue ligne de niveau

L’id´ee de cette partie est de consid´erer que la surface qu’on souhaite faire ´evoluer par courbure moyenne est en fait la ligne de niveau z´ero d’une fonction u. Grˆace `a (6), la surface ´evoluant Mt est la ligne de niveau z´ero de la fonction u(·, t) si et seulement si

ut= |∇u| div

 ∇u |∇u|



. (18)

C’est cette ´equation qu’on ´etudie en oubliant (au moins temporairement) l’aspect g´eom´etrique. Comme cette ´equation n’est pas sous forme divergence, les d´efinitions classiques de solutions faibles ne pouvaient pas ˆetre appliqu´ees. Aussi, Evans et Spruck, dans [ES91], et Chen, Giga et Goto, dans [CGG91] ont propos´e d’utiliser la toute r´ecente th´eorie des solutions de viscosit´e (introduites par Crandall, Evans, Ishii, Jensen, Lions,. . . dans [CL83, CEL84, Jen88], voir aussi [CIL92] pour le second ordre). Une fonction u est solution de viscosit´e de (18) si toutes fonction lisse ϕ qui touche u par dessus (resp. par dessous) v´erifie

ϕt6 |∇ϕ| div  ∇ϕ |∇ϕ|  , (19) resp. ϕt> |∇ϕ| div  ∇ϕ |∇ϕ|  , (20)

avec ϕt 6 0 ou ϕt > 0 respectivement lorsque ∇ϕ = 0. Une fonction qui ne v´erifiera que

la premi`ere condition sera appel´ee sous-solution, tandis qu’une fonction v´erifiant unique- ment la deuxi`eme prendra le nom de sur-solution. Ces deux articles montrent un th´eor`eme d’existence et d’unicit´e pour (18).

Th´eor`eme 0.9. Soit u0 continue sur Ω ∩ Rn. Alors, il existe une unique solution continue

Alors que les conclusions du th´eor`eme sont les mˆemes pour les deux articles, les hy- poth`eses diff`erent l´eg`erement car les preuves ne sont pas tout `a fait les mˆemes. Les deux articles reposent sur le sch´ema classique de preuves pour les solutions de viscosit´e : on montre d’abord un principe de comparaison, c’est-`a-dire que si u est une sous-solution et v une sur-solution et que u6 v au temps initial, cette in´egalit´e reste vraie pour tout temps. Dans les deux papiers, l’id´ee de preuve est la mˆeme, il s’agit de raisonner par l’absurde en s’int´eressant au point de maximum d’une fonction de type

Φ(x, y, t, s) = u(x, t) − v(y, t) − α|x − y|2− ε(|x|2+ |y|2)

et de montrer que la partie droite de cette fonction fournit naturellement une fonction test en un point de maximum de Φ. Comme u et v sont sous/sur-solutions de viscosit´e, ces fonctions test v´erifient (19)/(20), ce qui conduit `a une contradiction.

Pour la partie existence, les deux articles diff`erent un peu. Alors que [CGG91] utilise la classique m´ethode de Perron, qui dit essentiellement que puisqu’on dispose du principe de comparaison, la solution, si elle existe, ne peut qu’ˆetre ´egale `a

usol(x, t) = sup{u(x, t) | u sous-solution },

l’article de Evans et Spruck choisit d’approcher l’´equation (18) par une famille d’EDP (on retrouve (18) si ε = 0) uεt =  δij − uεij |Duε| + ε2  uij. (21)

Cette nouvelle ´equation est uniform´ement elliptique et la th´eorie parabolique classique s’applique, fournissant une unique solution lisse uε sur tout R+ qui prend la condition initiale. Evans et Spruck montrent ensuite que la famille uε converge vers une solution u de (18).

En plus de l’int´erˆet technique d’une telle solution approch´ee, [ES91] fournit aussi une interpr´etation g´eom´etrique de cette approximation qu’il me semble int´eressant de repro- duire ici, car elle donne naissance `a plusieurs travaux sur le flot par courbure.

Soit uε une solution lisse de (21). On se plonge alors dans Rn+1 et on pose y = (x, xn+1) et

vε(y, t) = uε(x, t) − εxn+1.

La fonction vε satisfait alors l’´equation

t = |∇vε| div ∇v

ε

|∇vε|

 ,

c’est-`a-dire que les lignes de niveau {vε= s} (on s’int´eresse uniquement `a Γεt = {vε(·, t) = 0}) ´evoluent par courbure moyenne. Mais Γεt est un graphe (il s’´ecrit xn+1 = 1εuε(x, t)), et on a vu dans la partie pr´ec´edente que d’apr`es [EH89], son ´evolution est un graphe et qu’elle existe pour tout temps.

Alors que dans [ES91], cette justification se limite `a une heuristique, des travaux r´ecents (voir en particulier [SS14]) se basent sur cette approche pour construire un flot par courbure qui se prolonge au del`a des singularit´es. De plus, cette approche peut aussi ˆetre utilis´ee pour ´etudier le flot contraint par des obstacles, comme nous le ferons dans ce manuscrit (voir [RS14]).

Variations sur le mouvement par courbure moyenne 31 Cette approche d´efinit un flot g´eom´etrique. Alors que le probl`eme g´eom´etrique se borne `a faire ´evoluer une hypersurface par courbure, l’approche ligne de niveau fournit en fait une ´evolution de la famille compl`ete des lignes de niveau {u = t}. Pour que cette approche soit int´eressante du point de vue g´eom´etrique, il est n´ecessaire de montrer que l’´evolution de la ligne de niveau {u = 0} ne d´epend que de la condition initiale {u(·, 0) = 0}. Autrement dit, n’importe quelle fonction ψ qui v´erifie {ψ(·, 0) = 0} = {u(·, 0) = 0} fournit la mˆeme ´evolution {ψ = 0} = {u = 0}.

Comportement en temps long. S’il est impossible de parler de comportement en temps long dans le cadre d´efini plus haut, il nous semble important de signaler qu’en ajou- tant des conditions de Dirichlet dans un domaine born´e, la notion de solution stationnaire de (18) a pleinement un sens et on peut s’int´eresser au comportement en temps long des solutions de (18) satisfaisant u = g sur ∂Ω, avec g ∈ C2(Ω). Ilmanen, Sternberg et Ziemer ont montr´e dans [ISZ98] qu’il y avait effectivement convergence de la solution de viscosit´e de (18) vers une solution stationnaire. De plus, cette solution stationnaire co¨ıncide jusqu’`a la dimension n − 8 avec une hypersurface minimale stable.

Discussion sur l’unicit´e. Le th´eor`eme cit´e plus haut fournit un r´esultat d’unicit´e `a l’´equation (18). Il est int´eressant de s’interroger sur les liens entre cette unicit´e et l’uni- cit´e d’un mouvement g´eom´etrique par courbure. Notons par exemple que puisque la dis- tance `a n’importe quel ensemble ferm´e est une fonction 1-lipschitzienne, et que sa ligne de niveau z´ero est exactement l’ensemble en question, le th´eor`eme pr´ec´edent permet de faire ´evoluer tout ensemble ferm´e selon (18), y compris par exemple un ensemble de Cantor. Il est donc clair qu’une solution de (18) n’a pas n´ecessairement de signification g´eom´etrique. Le ph´enom`ene qui se produit typiquement lorsque la solution de (18) perd son sens g´eom´etrique est le d´eveloppement d’un int´erieur non vide pour les lignes de niveau {u = α}. On pourra par exemple consulter [BNP98] pour des exemples de tels int´erieurs.

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